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25 septembre 2019 3 25 /09 /septembre /2019 15:57
Ma visite du Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol à Dijon à la lumière de la critique d'art ; une Fontaine de vie ?
 
 
 
 

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INTRODUCTION. L'APPORT DE SUSIE NASH.

 

 

D'après Inès Vilela-Petit 2008, sauf le texte en gras.

"LE « PUITS DE MOÏSE » RÉEXAMINÉ. – Connue pour une solide thèse de PhD sur l’enluminure amiénoise au XVe siècle , Susie Nash a plus récemment porté aussi ses recherches sur la sculpture des environs de 1400, en particulier celle d’André Beauneveu et Claus Sluter. Depuis la publication des comptes de la chartreuse de Champmol et l’achèvement en 2004 des travaux de restauration entrepris quinze ans plus tôt, on croyait tout savoir sur le « Puits de Moïse ». S. Nash a pourtant entrepris une révision de fond en comble de nos connaissances sur cette œuvre capitale d’où notre regard ressort étonnamment transformé. Aussi paradoxal que cela puisse paraître pour une œuvre aussi connue, documentée et étudiée, il semble en effet que les sources disponibles aient été jusqu’ici sous-exploitées et mal comprises. C’est du moins ce que d’emblée l’auteur laisse entendre, et la suite de sa démonstration le confirme.

Appelé improprement puits depuis la disparition de sa superstructure dans le courant du XVIIIe siècle, l’édicule, dit originellement « grant croix », était constitué de douves ou « puys », d’un pilier central de 8 mètres de haut depuis le fond, entouré des célèbres statues de prophètes dans sa partie supérieure, portant une terrasse de 2,8 mètres de diamètre et une "croix monumentale fichée dessus."

1. Sur la terrasse ne se trouvaient ni la Vierge ni saint Jean, mais seulement Marie-Madeleine vêtue de rouge  étreignant de ses bras la base de la Croix.

Marie-Madeleine devient dès lors une figure clé du monument, comme modèle de la solitude et du chagrin.

"Le premier élément sujet à une révision radicale est précisément la composition du Calvaire sculpté placé sur la terrasse, dont on avait toujours considéré qu’il comportait, outre le Christ en Croix, des statues de la Vierge, saint Jean l’évangéliste et la Madeleine. Or, d’une Vierge et d’un saint Jean au pied de la Croix, il n’est pas la moindre trace dans toute l’histoire du monument, ni dans les comptes, très complets et détaillés pour ce qui le concerne, ni parmi les quelques fragments conservés. S. Nash démontre que ces deux statues n’ont jamais existé ! L’auteur s’appuie d’abord sur une reconstitution, à partir des archives comptables, de l’organisation méthodique du chantier de sculpture par Sluter, reconnaissant pour chaque phase la répétition d’un « pattern of work » (achat du matériau, sculpture proprement dite, transport et mise en place) qui permet de suivre précisément l’avancement des travaux d’avril 1395 à l’été 1404. En bonne logique, ceux-ci commencèrent par les figures les plus haut placées (Christ et Madeleine), puis les ailes des anges en contrebas et leurs corps taillés séparément, les unes solidaires du pilier, les autres rapportés, pour se terminer par les prophètes. Les documents relatifs à la polychromie de l’ensemble par le peintre Jean Malouel n’évoquent sur la terrasse qu’une « ymaige de Marie Magdelene » et l’examen de cette étroite terrasse traitée en sol rocailleux ne révèle aucune trace d’attaches pour d’autres figures."

 

L’auteur passe ensuite en revue les fragments retrouvés dans le puits au XIXe siècle et pointe diverses erreurs d’interprétation à leur sujet, erreurs transposées dans les modèles réduits modernes du monument, du fait qu’on a voulu à toute force y insérer un saint et une Vierge accolés à la Croix. La restitution à la statue de la Madeleine (et en aucun cas à une Vierge en deuil) de la paire de bras embrassés reconstituée à partir de plusieurs fragments est amplement confirmée tant par l’iconographie que par l’analyse technique. Enfin les copies anciennes de la Grant Croix de Champmol, telle la Belle Croix de l’hôpital du Saint Esprit de Dijon, réalisée en 1508, présentent la même originalité de parti : non pas une Crucifixion à plusieurs personnages, mais la Madeleine seule embrassant la Croix.

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La Croix elle-même fait l’objet du deuxième volet de l’enquête de Susie Nash publiée dans une autre livraison du Burlington Magazine. Là encore, l’étude croisée des sources comptables, des fragments subsistants et des copies anciennes conduit à une révision de l’interprétation traditionnelle et révèle une structure plus complexe qu’on ne l’imaginait. La Madeleine, en effet, n’embrassait pas directement le pied de la Croix, mais le fût d’une mince colonne dorée au sommet de laquelle le crucifix était juché, suivant un modèle qui s’apparente aux croix de carrefours ou de cimetières. Le tout devait culminer à près de six mètres de haut au-dessus de la terrasse. "

La représentation de Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix  a pris naissance au XIIIe et XIVe siècle en Italie (Toscane et Ombrie) comme modèle de Piété (Imitatio Pietatis) pour son amour profond pour le Christ, son dévouement, sa pénitence et son humilité, mais aussi pour rendre visible son interaction physique avec le Christ, en particulier avec ses pieds lavés   avec ses larmes et séchés par ses longs cheveux à Béthanie puis oints de parfum après sa mort. C'était un modèle d'imitation et d'identification par les fidèles.

 

2. Le buste du Christ conservé au Musée archéologique : étranger au Puits de Moïse.

"Du crucifix proprement dit, initialement pourvu de chapiteaux armoriés à ses extrémités, ne semblent plus subsister que les jambes du Christ. S. Nash rejette en effet l’appartenance au monument – et l’attribution à Claus Sluter – du buste 3. aujourd’hui conservé au Musée archéologique de Dijon qui passait jusqu’ici pour être le principal vestige du Calvaire. Ce buste d’un Christ aux yeux clos ceint de la couronne d’épines ne fait pas partie des éléments retrouvés au fond du puits, mais provient d’une dépendance de l’hôpital du Saint Esprit de Dijon. Il ne montre pas l’équivalent de la riche polychromie présente sur les éléments certains du groupe sculpté ; contrairement à eux, il n’est pas reconstitué à partir de menus morceaux auxquels le Calvaire fut vraisemblablement réduit dans sa chute ; et surtout il n’est pas de la même pierre que les fragments de jambes. Comme le révèlent des prises de vue sous divers angles, ce buste n’a d’ailleurs pas été conçu pour être entraperçu de dos ou contemplé d’en bas, ce qui devait pourtant être le cas du Christ sur la Croix de Champmol. Enfin, il faut bien admettre avec S. Nash qu’il est d’une facture différente des œuvres de Sluter et de ses collaborateurs immédiats. Si toutes ces raisons conduisent à remettre en cause ce que l’on croyait assuré à propos de ce buste (date, attribution, provenance), bref à lui retirer son statut de chef-d’œuvre slutérien, il n’en demeure pas moins à mon sens une œuvre de grande qualité et fait toujours forte impression. Reste à lui retrouver une place dans l’art bourguignon du XVe siècle."

3. L'orientation de la croix vers l'entrée des moines (et non celle des visiteurs).

"Pour finir, l’auteur revient aussi sur l’implantation de l’édicule dans le cloître des chartreux et sur sa signification. Il semble que la croix ait été alignée sur un angle du pilier, et non sur le côté de Moïse ou celui de David comme il avait été proposé successivement, et qu’elle regardait vers l’entrée des moines et non vers l’entrée des visiteurs. Les prophètes sont disposés en conséquence. Ces considérations sur l’orientation de la croix et la rythmique du monument donnent la clef d’une dramatisation du programme sculpté bien dans l’esprit de Sluter. "

4. L'axe du monument : L'axe d'orientation de la croix n'était pas celui de David, mais passait par l'angle de l'hexagone entre David et Jérémie ce qui déplace la prévalence de David vers Jérémie, qui apparaît comme un portrait du duc Philippe le Hardi, commanditaire, et prend la place principale.

5. Le Puits de Moïse faisait l'objet de pèlerinages permettant l'obtention d'indulgences mais le grand public n'accédait pas facilement et en nombre à la Chartreuse. Pourtant, des ampoules (d'eau) de pèlerinage en plomb ont été retrouvées, aux armes du duc de Bourgogne, témoignant des vertus curatives, protectrices et de talisman de cette eau (Koldeweij 2007)

6. La posture et la gestuelle des anges peut être interprétée selon les pratiques liturgiques ou de prières des Dominicains ou des Chartreux, et rapprochées des fresques de Fran Angelico pur les cellules du couvent San Marco de Florence.

 

 

 

 

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Par Christophe.Finot — Travail personnel, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2758454

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Voir aussi

https://fr.wikipedia.org/wiki/Claus_Sluter#/media/Fichier:Dijon_mosesbrunnen1.jpg

La Chartreuse de Champmol est une double chartreuse de 2 fois 12 cellules fondée par Philippe le Hardi.

Le "puits"  est placé au centre du cloître, un vaste carré de cent mètres de côté sur lequel donnaient les cellules des moines. Il se situe donc dans l’espace de la clôture, où seuls les moines chartreux ont accès, contrairement au tombeau du duc Philippe le Hardi, qui est dans l’église. L’enjeu est d’offrir aux moines une iconographie édifiante, visible de loin sous tous les angles. La "Grande  Croix" qui surmontait le puits était (S. Nash) dirigée vers l'entrée du cloître, son fût était étreint par  Marie-Madeleine .

Les factures de l'époque parlent en effet "d'une place au milieu du grand cloître des chartreux de Champmol, en laquelle place l'on fait un puits, au milieu duquel on aura une croix, fondée sur une pile étant au dit puits" (compte d'Amiot Arnaul, 1396)

 

Le choix de ces motifs est  certainement l'aboutissement d'un discussion entre le duc Philippe, de ses conseillers artistiques et de ses théologiens, mais aussi de Jean de Vaulx,   prieur des chartreux, et du sculpteur Claus Sluter.  En soubassement d'un Crucifix  et de Marie-Madeleine,aujourd'hui disparus, six prophètes relevant de la typologie médiévale (l'Ancien Testament annonçait le Nouveau) sont associés à six anges, relevant pour leur part de la mystique contemplative des Chartreux. 

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 Mon interprétation.

La croix rappelait la devise de l'ordre des Chartreux fondé par saint Bruno : Stat Crux dum volvitur orbis , "le monde tourne, la croix demeure". Mais sur cette croix était ostensiblement figuré l'écoulement du sang des cinq plaies du Christ, écoulement qui rejoignait celui des larmes de sainte Marie-Madeleine, avant d'irriguer et de donner sens (de "révéler") plus bas les versets des six prophètes. La pile hexagonale s'ancre ensuite dans un bassin  rempli d'eau (le terrain porte le nom de Champmol en raison de sa nature marécageuse et de la proximité de l'Ouche). L'ensemble réalisait donc une Fontaine de vie (Fons Vitae), allégorie spirituelle où la Passion du Christ devenait source de Vie (comme dans les Pressoirs mystiques) dans la mesure où le sang de l'Eucharistie suscitait la prière et les larmes de la compassion, du repentir et de la participation émotionnelle des chartreux, et des pèlerins.

Chaque prophète renvoie, par son attitude et ses attributs, à la vocation spécifique des chartreux. : l’écriture ou la copie (Zacharie), la règle (Moïse et les tables de la Loi), la psalmodie (David), la lecture, le silence ou la solitude (Jérémie). Et Jérémie a les traits de Philippe Le Hardi, qui sera inhumé dans l'habit des chartreux.

Les six anges témoignent par leur tenue vestimentaire et par leurs gestuelle de la pratique liturgique (célébration de l'Eucharistie du canon de la messe selon la tradition cartusienne) et de la pratique d'oraison monastique (De Modo orandi). Mais l'une des particularités des documents iconographiques qui illustrent ces postures de prières est l'importance donnée au flux sanguin issu des plaies du crucifié et arrosant le fidèle (le moine) avant de former des ruisseaux aux flancs du Golgotha, même sur des crucifix dévotionnels. La fontaine de sang est une fontaine d'onction du fidèle.

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Le Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol à Dijon.

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I. LE ROI DAVID.

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a) Description.

Le roi, coiffé d'une couronne fleurdelisée, tient dans la main droite une harpe, recouverte en grande partie par son manteau.

La statue est décorée d'un manteau de drap d'or doublé d'hermine et d'une tunique bleue coupée de longues bandes et constellée de soleils rayonnants dorés . Sur la bordure de la tunique court la lettre -d- , monogramme de David (tout comme les lettres -p- et -m- sont sculptées sur le portail de l'église de Champmol sous les statues de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandres).

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b) Polychromie par Jean Malouel (d'après Susie Nash).

 

"Sur la Grande Croix, le sens résidait dans la couleur autant que dans la forme plastique." S. Nash.

Jean Malouel succéda à Jean de Beaumetz comme peintre de la cour du duc de Bourgogne en 1397. De 1398 à 1402, il peint cinq retables pour la Chartreuse de Champmol, ainsi que le grand portail d l'église, il commença la dorure de la Grande Croix en juin 1400,  puis travailla de 1402 à 1404 à peindre, le jour et la nuit à la lumières de torches, le Puits de Moïse. Il est l'oncle d'Hermann et de Jean de Limbourg, les fils de sa sœur Metta.

David, Jérémie et Moïse ont été les premiers à être mis en place par Sluter, et donc à être peints par Malouel. Hermann de Cologne l'assista pour la dorure.

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Une préparation blanche à la chaux a été appliquée sur toute la surface de la pierre d'Asnières-lès-Dijons, puis les parties destinées à être dorées étaient recouvertes d'une préparation à l'ocre jaune avant de recevoir des feuilles d'or de la meilleure qualité (papiers doubles, renforciez" selon les commandes, procurées par lots de 1500 feuilles par le marchand Perrenot Berbisey,  (le plus grand "épicier" de Dijon de 1371 à 1437, marchand de sel dont il a le monopole pour  9 greniers à sel du duché de Bourgogne).

Les cheveux de David sont dorés, et c'est le seul des six prophètes à bénéficier de ce privilège.

Le blanc de plomb est utilisé pour ses propriétés siccatives et d'étanchéité comme sous-couche d'apprêt dans l'huile, mais aussi telle quelle, sur le blanc de chaux, pour les robes bordées d'hermines de David (et de Jérémie, Isaïe, Zacharie et Daniel).
 

 

Les bleus sont constituées de deux couches posées sur une première préparation au blanc de plomb puis une première couche d'azurite, un bleu plus pâle et moins intense, recouverte d'une onéreuse couche d'outremer provenant du broyage de lapis-lazuli (importé du Badakhshan). L'ajout d'un peu de blanc de plomb pour la robe de David empêchait l'outremer de s'assombrir au fil du temps. Mais dans la doublure de la robe de Daniel, en revanche, l’outremer est posé sur une base d’azurite mélangée à du noir de carbone , ce qui créerait un ton plus sombre. Et dans la doublure bleue du manteau de Moïse, ce qui semble être une laque rouge a été mélangée à une couche supérieure d’outremer, une technique qui augmenterait la teinte pourpre du pigment bleu.

Le bleu est la douleur dominante du Puits, présente sur tous les prophètes sauf Jérémie et pour trois des six anges,ainsi que sur la corniche 


 

Pour les autres prophètes et anges, d'autres pigments seront utilisés : la mine de plomb rouge  ou mine fine (lithiarge ?), le vermillon, le monoxyde de plomb jaune ou massicot, le vert-de-gris, une laque  rouge de  sinople (ou sinople d'engleterre),  associé à l'huile de noix et au vernis transparent. 

Le vermillon est largement utilisé pour les draperies rouge, au dessus d'une couche de blanc de plomb ou d'ocre jaune, soit parfois avec de la laque rouge.

Le jaune de plomb et d'étain  était un pigment relativement coûteux, réservé principalement à une utilisation sur des peintures de panneaux de bois, pour autant que les comptes bourguignons l'indiquent. Sur le puits de Moïse, le pigment a été mélangé à du vert-de-gris pour créer diverses variétés de teintes vertes et, vraisemblablement, pour augmenter son opacité. Les mélanges sont particulièrement complexes dans le modelage et la couleur de la doublure de la robe de Jérémie, ainsi que dans l'ange entre Daniel et Isaïe, deux zones importantes sur le plan visuel et iconographique, marquant la vue avant et arrière de la croix, leur couleur éventuellement. transmettre d'autres significations particulières. Dans un échantillon pris dans la robe de l'ange, Malouel a construit la nuance particulière de vert en six couches. Cela suggère que des effets visuels subtils étaient recherchés, effets qui, dans leurs combinaisons de couches et de mélanges de pigments, semblent présenter des parallèles particuliers avec les techniques de peinture sur panneau.

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c) Inscription.

On lit sur le rouleau qu'il tient de la main gauche :  FODERUNT MANUS MEAS ET PEDES MEOS DINUMERAVERUNT OSSA MEA

(de nombreux relevés de l'inscription donnent un texte qui n'est pas fidèle :  "numeraverunt mea").

Le texte est gravé en lettres minuscules gothiques (textura) aux -e- ornées de petites queues.

 « ils percèrent mes mains et mes pieds. Ils ont compté mes os » (Psaume [21] 22 : 17-18).

https://www.biblegateway.com/passage/?search=Psalmi+21&version=VULGATE

Les versets étaient chantés à la Fête de la Sainte Lance dans l'Antiphonaire de 1537. 

https://archive.org/details/inventairedumus00faugoog/page/n477

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d) Significations possibles.

— la Royauté du Christ.

C'est le thème de l'Arbre de Jessé, rappelant par la généalogie (incipit de l'évangile de Matthieu) que Jésus est "de la race de David".

— La royauté en France

David couronné renvoie aussi au roi Charles VI et à Philippe le Hardi, fils de Charles V. Cela permet de rappeler la proximité entre le duc et les rois de France dont il a été le fils, le frère et l'oncle, ainsi que le régent. 

 

— La Psalmodie des Chartreux.

David est représenté ici comme psalmiste (cf. les harpes de son manteau, et le verset de son phylactère). il témoigne d'une des grandes fonctions monastiques et d'une partie importante de la liturgie, le lecture des psaumes.

—  typologie : Le verset du psaume 21 préfigure la Crucifixion, en y lisant une annonce des plaies des mains et des pieds, donc de cette source du sang rédempteur qui alimente la Fontaine de Vie. Ludolphe le Chartreux (dominicain puis chartreux en 1340) , dont la Vita Christi est un ouvrage majeur pour son Ordre, mentionne ce verset dans son chapitre IV.

https://books.google.fr/books?id=9v4pAQAAIAAJ&pg=PA566&dq=dinumeraverunt+ludolphus&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwic68-8o-LkAhUBuRoKHRM9DbUQ6AEIRzAE#v=onepage&q=dinumeraverunt%20ludolphus&f=false

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Modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin. 1840, bois et plâtre polychromé. Musée MBA de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019

Modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin. 1840, bois et plâtre polychromé. Musée MBA de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019

I. Le roi David. Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

I. Le roi David. Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

I. Le roi David. Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

I. Le roi David. Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

I. Le roi David. Moulage exposé au Musée des Beaux-Arts de Dijon.   Photographie lavieb-aile août 2019.

I. Le roi David. Moulage exposé au Musée des Beaux-Arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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L'ANGE Ia ENTRE DAVID ET JÉRÉMIE.

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Il occupe un angle de l'hexagone qui s'est avéré crucial d'après les travaux de S. Nash, puisque il était traversé par l'axe d'orientation de la Grande Croix.

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Description.

Les ailes largement déployées  sont celles des oiseaux, chaque rémige étant sculptée dans leur accroissement (primaire, secondaire et tertiaire) et leur recouvrement en rangée. 

Posture : bras croisés sur la poitrine, main droite sur main gauche. Il est penché en avant  et son visage est tourné vers David.

Chevelure très abondante, bouclée en tortillons serrés (je qualifierai cette coiffure de "vermiculaire"). On la retrouve vers 1423 en Bretagne sur les anges sculptés par l'atelier ducal du Folgoët, pour les commandes du duc Jean V (qui avait passé sa minorité auprès de Philippe Le Hardi).

Visage rond terminé par un petit menton non moins rond. Les sourcils froncés, les yeux à la fente rétrécie,  la bouche concave, entrouverte sur les rangées de dent évoquent l'affliction et les pleurs .

L'ange est vêtu d'une aube recouvrant les pieds, serrée à la taille par une ceinture ou un cordon recouverts par les plis bouffants. Le col plissé remonte en entourant le visage. Les poignets, le col, la fente basse de l'aube sont ornés d'une bande dorée au motif de croix s'inscrivant dans un cercle. L'aube blanche est peinte de soleils or ou azur. La couleur blanche correspond à celle de l'habit des Chartreux.

 

 

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Ange Ia, à droite :Puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange Ia, à droite :Puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

 

 

Signification.

Le sens de l'expression dramatique du visage s'accorde mal à celui de la gestuelle des mains.

a) le chagrin et les pleurs.

C'est bien-sûr le chagrin entraîné par la mort du Christ, celui de Marie, de Jean et de Marie-Madeleine au pied de la Croix.

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b) les bras croisés. Acceptation, identification au Christ, ou geste liturgique.

—On  retrouve ce geste chez Marie dans les Annonciations, en signe d'acceptation.

—Le croisement des bras reproduit la forme de la Croix, c'est alors une participation à la Passion témoignant d'un désir d'identification au Christ crucifié, du partage de sa douleur et de recevoir sa grâce par cette identification. Or, l'imitation du Christ lors de la Passion est le premier des six stades de contemplation de cette Passion, pour Hugues de Balma (moine chartreux du XIIIe siècle), Ludolphe de Saxe et d'autres auteurs chartreux, avec en 2ème la compassion, en 3ème l'émerveillement, en 4ème l'exultation, en 5ème la résolution, et en 6ème la quiétude.

Le Musée de Cleveland conserve l'un des 26 panneaux peints par Jean de Beaumetz, peintre officiel de Philippe le Hardi,  entre 1389 et 1395 pour les cellules des moines de Champmol et dont 2 nous sont parvenus (l'autre est au Louvre), un dernier plus tardif au Musée de Dijon.  On y voit  un chartreux agenouillé avec cette gestuelle de prière des mains croisées au pied d'un crucifix particulièrement sanguinolent.

Le commentaire du Musée de Cleveland est explicite :

"Les Chartreux étaient intensément dévoués à la Passion du Christ; des images particulièrement sanglantes de la crucifixion décoraient souvent leurs cellules. Isolés les uns des autres, les moines ont contemplé le sacrifice du Christ (souligné ici par la présence d'un moine chartreux au pied de la croix) créant un lien empathique avec la souffrance de la Vierge qui s'évanouit dans les bras des deux Marie. Saint Jean l'évangéliste, à droite, incline la tête dans le chagrin. Le décor perforé dans le fond d'or représente les arbres de la vie et de la connaissance, soulignant le lien biblique entre Adam et Christ."

clevelandart.org/art/1964.454

 

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Calvaire avec un moine chartreux, Cleveland Museum of Art

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Calvaire avec un moine chartreux, (détail), Cleveland Museum of Art.

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Je me permets de souligner l'importance donnée sur ce panneau  à l'effusion sanguine, puisqu'elle s'accorde parfaitement avec le verset choisi pour David et surtout avec la tradition de théologie mystique (opposée à la théologie spéculative) dominicaine et cartusienne. Aux cinq plaies des mains, des pieds et du flanc s'ajoutent celles de la couronne d'épines.

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Calvaire avec un moine chartreux (détail), Cleveland Museum of Art.

 

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— Dans la liturgie propre aux Chartreux, le prêtre adopte cette posture après la consécration de l'hostie, lorsqu'il prononce les mots  Supplices te rogamus "Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, ordonnez que ces offrandes soient portées par les mains de votre saint Ange sur votre autel céleste, en présence de votre divine majesté, afin que nous tous qui recevrons, en participant à cet autel, le Corps et le Sang de votre Fils, nous soyons remplis de toute bénédiction céleste et de grâce. Par le même Christ"  ...appelant sur  les participants la sanctification et la grâce par les mains de l'Ange.

La forme précise du geste, avec le bras droit sur le gauche, est donnée dans les Statuta antiqua ordinis cartusiensis des Chartreux  de 1259 : ", Ad supplices te rogamus, cancelatis ita quod sinistra inferior fit, inclinatur ante faciem altaris & dicens…," qui n'a pas changé jusqu'au XVIe siècle, (Nash  2008).

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Susie Nash suggère de suivre le chemin tracé par le sang rouge de la Croix et par la robe rouge et or de Marie-Madeleine pour constater que cet axe parvient ensuite à l'ange Ia, aux broderies et à la gestuelle en forme de croix.


"En commençant par le corps du Christ, il semblerait que le sang ait été créé uniquement à la peinture rouge , jusqu’au seul fragment subsistant, ses jambes - où il est visible entre ses orteils - si les peintures réalisées pour les cellules des moines à Champmol par Le prédécesseur de Malouel, Jean de Beaumetz, peut être utilisé comme une indication de l'intérêt des Chartreux pour cet aspect de la forme crucifiée du Christ. Cela aurait été une partie importante et vitale de l'effet visuel et de l'impact dévotionnel du monument. ne pouvait être transmis avec succès que par la couleur.

 En descendant du corps du Christ, la figure de la Madeleine, qui fut un modèle important pour la dévotion intense des Chartreux à la Croix ainsi que pour leur vie contemplative, fut peinte en rouge et or, créant un accent dramatique au pied de la croix et en soulignant son association avec les blessures ci-dessus, en particulier celles des pieds du Christ, qu'elle a lavés et oints avant et après sa mort.

Le rouge a peut-être aussi eu d'autres connotations: selon l'écrivain chartreux Ludolphe de Saxe, il représentait une volonté d'être crucifié avec le Christ, l'un des thèmes récurrents de la dévotion chartreuse à la croix.

 Juste en dessous d'elle, l'ange central, qui a des croix gravées dans les manches de sa robe, fait une croix avec les bras, la droite placée sur la gauche, geste que le spectateur chartreux aurait reconnu comme à la fois liturgique et dévotionnel: il a été fait par le prêtre à un moment donné de la liturgie des Chartreux et traduisait le souhait de s'identifier à la Crucifixion, de parvenir à la souffrance partagée et à la compassion et de recevoir la grâce par cette identification." (S. Nash)

 

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange Ia. Moulage exposé au Musée des Beaux-Arts de Dijon.   Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange Ia. Moulage exposé au Musée des Beaux-Arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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II. LE PROPHÈTE JÉRÉMIE.

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a) Description.

 La statue portait autrefois  un manteau d'or doublé de vert et une tunique  azurée ou pourpre . C'est le seul prophète à porter ces couleurs et non du bleu comme les autres. Le pourpre est une couleur de la charité et de pénitence. Il s'agit par ailleurs d'une couleur très proche des velours cramoisis fréquemment portés par le duc Philippe le Hardi sur ses vêtements.

La bordure dorée du col et des poignets de la tunique porte des entrelacs . La tunique est serrée par une ceinture dorée  aux trous cloutés. 

Le visage est celui d'un homme âgé, aux paupières ridées, mais aux traits vigoureux . Les cheveux longs et bouclés sont   coiffés d'un bonnet proche du bonnet florentin.

La statue avait été équipée de lunettes ou bésicles  : un marché apprend qu'un orfèvre néerlandais établi à Dijon, Hennequin de Haacht (ou Att) avait fourni à la fin de 1402 "un buricle pour Jheremie le prophète" (ainsi qu'un "dyademe de cuivre pour l'ymaige de la Magdelene qui est sur la terrasse de la croix", ce qui en atteste la présence). On sait que le duc Philippe portait des bésicles.

Le livre comporte une reliure dont le rabat à fermoir est replié sur les premières pages.

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b) Inscription.

Jérémie porte un livre entre ses mains d'où tombe un phylactère portant les mots suivants, gravés (et non peints)  en lettres gothiques minuscules  : Õ VOS OMNES QUI TRANSITIS P[ER] VIA[M] ATTE[N]DITE ET VIDETE SI EST DOLOR SICUT DOLOR MEUS. QR LAMENTAT,  « Ô vous tous qui passez sur le chemin, regardez-moi et voyez s'il est une douleur semblable à la mienne » (Lamentations, I, 12).

S. Nash rappelle que les Lamentations étaient le livre de Jérémie qui était le plus lu des chartreux, du dimanche de la Passion jusqu'au Vendredi saint, jour le plus fort de leur dévotion à la Croix. Le livre de méditation principal des chartreux était le Viae Syon Iugent de Hugues de Balma, or, ce titre est issu des Lamentations, et  apparaissait dans la liturgie lors des Leçons des Ténèbres du Mercredi.

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c) Signification.

— du personnage : il illustre, avec son livre ouvert et ses bésicles, la LECTURE SILENCIEUSE, l'une des grandes parts de la pratique dévotionnelle des chartreux.

Jérémie est, pour les chartreux, un modèle au même titre que Marie-Madeleine, pour sa vie contemplative.

— de l'inscription : elle incite le moine, ou le visiteur contemplant le Christ en croix, à la compassion : et la participation émotionnelle à la souffrance du Christ mort.

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d) Couleurs : le vert et le pourpre.

 

"Sur Jérémie, sans surprise, la polychromie est particulièrement importante et choisie avec précision: lui seul ne porte pas de bleu, ce qui - bien que extrêmement coûteux en tant que pigment - ne l’était pas, dans le monde actuel des tissus par opposition au monde peint des images, la couleur qui suggère la dépense et le statut, et il était rarement, si jamais, porté par le duc.

La robe de Jérémie est plutôt rouge violacé et son manteau en or est tapissé de vert, il est le seul prophète à porter cette couleur.

Le vert était présent parmi les couleurs très limitées de la garde-robe du duc, et cela avait une signification particulière pour Philip - il le portait tous les 1er mai en l'honneur de saint Philippe, son patron. Le vert était aussi une couleur associée à Marguerite de Flandre (épouse de Philippe) et reprise par Jean sans Peur, son fils.

De plus, la couleur de sa robe proprement dite, une teinte violette particulière et apparemment soigneusement construite (à en juger par la complexité des couches de peinture évoquées ci-dessus), correspond bien à ce que nous savons du «meilleur» vêtement préféré de Philippe: des vêtements «cramoisy». - une couleur rouge violacé onéreuse, réalisée avec la coûteuse teinture de Kermes - bien plus que tous les autres dans son inventaire de 1404, tandis que les achats de velours cramoisis ont dominé ses dépenses en tissus de luxe. Cependant, le violet a peut-être eu un autre sens ici: dans les textes chartreux contemporains, notamment de Ludolf de Saxe, le violet est souvent désigné comme la couleur de la charité et de la pénitence. En fondant la chartreuse à Champmol, Philippe entreprit un acte de charité massif et, à travers sa pénitence, espéra le salut.

Le traitement spécial des robes peintes de Jérémie s'étend à sa chair: les volumes de son visage, contrairement aux autres sur le Puits, ont été soulignés par Malouel par des hachures visibles à l'oeil nu. De plus, des traces de bleu trouvées sous les tons oeillet sur ses mains suggèrent que les veines ont été prélevées dans les couches de peinture; encore une fois, il est le seul prophète sur lequel cela a été trouvé. Il semblerait que l'impression de  vie sur cette figure aux allures d' effigie soit un objectif important de la peinture et de la sculpture.

Le but de cette image de Philippe sur ce monument sous l'apparence de Jérémie ne peut pas être pleinement exploré ici, mais il a clairement servi de rappel aux Chartreux afin qu'ils  prient pour son âme, et lui a permis d'être présent, dans une prière perpétuelle, dans ce lieu, le plus sacré des espaces dans l'enceinte des Chartreux, où il avait l'intention de devenir un résident, mais où seuls les moines pourraient être enterrés." (Susie Nash)

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Jérémie.Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Jérémie.Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol à Dijon.

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"Selon l'historienne de l'art anglaise Susie Nash, ce prophète pourrait justement reprendre les traits du duc Philippe II de Bourgogne lui-même, le commanditaire de l'œuvre. Elle note une ressemblance entre le visage de Jérémie et celui de la statue du duc présente dans le portail de la chapelle de la chartreuse sculptée également par Claus Sluter, mais aussi avec d'autres portraits connus de Philippe. Tout comme le duc, la statue de Jérémie est représentée glabre, chose inhabituelle dans les représentations médiévales d'un prophète de l'Ancien Testament. Enfin, le duc portait aussi des lunettes, tout comme la statue à l'origine. Par ailleurs, cette représentation pourrait s'expliquer par le fait que Jérémie était considéré comme le prophète le plus important pour les Chartreux, auquel ils s'identifiaient fréquemment. Philippe le Hardi réalisait ainsi en pierre ce qu'il n'avait pas pu faire dans sa vie : se retirer comme Chartreux dans le couvent qu'il avait fondé."

Voici le portait du duc sculpté par Claus Sluter, au portail de l'église de Champmol :

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Philippe le Hardi, portail de l'église de Champmol. Photographie lavieb-aile.

Philippe le Hardi, portail de l'église de Champmol. Photographie lavieb-aile.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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L'ANGE IIa ENTRE JÉRÉMIE ET ZACHARIE.

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Description.

Les ailes sont largement déployées aux plumes d'oiseaux comme l'ange Ia, mais ici, c'est toute la poitrine qui est couverte de plumes sous les vêtements.  . 

Posture : l'ange essuie du revers de sa main droite fléchie son œil droit comme un enfant qui pleure. La main gauche, poing serré, retient les pans du manteau en s'appuyant sur son ventre.

Il se tient droit, de face.

La chevelure toujours abondante, est lisse, et répartie en deux volumes latéraux formant volutes, mais un bandeau retient des cheveux bouclés sur le front.

Le visage est, comme celui de l'ange Ia, très rond et particulièrement puéril, et toujours  terminé par un petit menton . La petite bouche est entrouverte, mais n'est plus concave.

L'ange est enveloppé dans un manteau d'or dont les restes de polychromie indique qu'il était jadis rouge (à motifs de brocarts) avec un revers bleu orné de dessins or. La bande d' orfroi, également peinte en or, est simplement gaufrée de losanges. 

 

 

Signification.

Il évoque un enfant essuyant ses larmes, et qu'on s'attendrait à entendre renifler. Il illustre donc la participation à la douleur du Christ crucifié, en réponse à la citation des Lamentations de Jérémie.

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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III. LE PROPHÈTE ZACHARIE.

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a) Description.

Le prophète ouvre les bras portant d'une main une plume et de l'autre un encrier.

Il porte un bonnet conique aux hauts bords relevés, au dessus d' une étoffe qui recouvre ses oreilles et passe derrière la nuque, et d'où s'échappe un pan sur l'épaule droite. Cette coiffure évoque celle des grands prêtres juifs, du moins dans l'iconographie chrétienne 

Il est vêtu d'un manteau en chasuble, dont les plis conservent des restes de polychromie rouge, au dessus d'une robe rouge si longue qu'elle cache ses pieds.

 

b) Inscription.

Son phylactère porte les mots: APPENDERUNT MERCEDEM MEAM TRIGINTA ARGENTEOS

« Ils pesèrent mon salaire à trente deniers d'argent » (Zacharie XI, 12).

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c) Signification.

— Typologie :  La trahison de Judas. Le lien typologique est souligné par l'évangile de Matthieu 26:15 "alors l'un des douze, appelé Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs et dit Que voulez-vous me donner, et je vous e livrerai ? Et ils lui payèrent trente pièces d'argent". Tandis que son remords est décrit en Matthieu 27:3-4 "Alors Judas, qui l'avait livré, voyant qu'il était condamné, se repentit, et rapporta les trente pièces d'argent aux principaux sacrificateurs et aux anciens en disant : J'ai péché, en livrant le sang innocent."

 

 

 

 . Le verset de Zacharie est inscrit sur le panneau peint par Fra Angelico représentant Judas recevant sa récompense des mains du grand prêtre sur un panneau de l'Armoire aux vases sacrés : 

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Fra Angelico, armoires aux vases sacrés.

 

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— Occupation des Chartreux : la copie, l'ÉCRITURE (plume, encrier).

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le prophète Daniel, moulage vers 1880, plâtre patiné,  exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le prophète Daniel, moulage vers 1880, plâtre patiné, exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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L'ANGE IIIa ENTRE ZACHARIE ET DANIEL .

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Description.

La coiffure est spectaculaire, de type "vermiculaire" comme aspirée vers l'extérieur en plusieurs masses serpentines.

Posture : la main droite est posée sur la poitrine  (posture des servants d'autel ou acolytes pour la main libre lors des offices) tandis que la paume de la main gauche est appliquée contre l'œil. La tête est tournée vers la gauche.

L'habillement est particulièrement riche et complexe. Un manteau bleu à col remontant derrière la nuque couvre, au dessous des genoux, une aube blanche. Ce manteau azur aux parements or est fendu sur les deux cotés, et la fente est ornée de deux glands à franges. Il s'enfile par la tête comme une chasuble, et il doit d'autant plus être reconnu comme un vêtement liturgique qu'un manipule entoure le poignet gauche. Son ornementation brodée associe des soleils et des étoiles.

Les bandes d'orfroi sont ornées d'un intéressant motif d'entrelacs de cordelettes.

 

 

 

Signification.

La posture pourrait évoquer un adolescent en train de sécher ses larmes, ou bien consterné par ce qu'il voit et tentant de se protéger de sa vision. C'est par exemple celle  de Jean sur le tableau de Fra Angelico Calvaire avec Juan de Torquemada.

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange IIIa, moulage vers 1880, plâtre patiné,  exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange IIIa, moulage vers 1880, plâtre patiné, exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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IV. LE PROPHÈTE DANIEL.

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a) Description.

Daniel est tourné vers Isaïe à qui il parle, la bouche entrouverte. Son visage est plein de vigueur, sa barbe pointée vers l'avant accentuant sa force de conviction.  Il porte un chaperon doré aux reflets  bleus, un manteau d'or  doublé d'azur dont les orfrois sont décorés d'un rinceau de feuilles de lierre, une tunique d'or aux manches à 12 boutons ronds, serrée par une ceinture à boucle ronde. Ses souliers sont bruns recouverts d'une sandale aux lanières et semelle dorées.

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b) Inscription.

Son phylactère qu'il désigne du doigt indique :  POST EBDOMAD[AS] SEXAGINTA DUAS OCCIDETUR X~US [CHRISTUS] 

 

correspondant au verset de la Vulgate du Livre de Daniel IX:26  : « Après soixante-deux semaines, Christ sera tué »   ( ou "Après les soixante-deux semaines, un Oint sera retranché" pour Louis Segond, et " A la fin des soixante-deux septaines, un homme ayant reçu l’onction sera mis à mort" dans la Bible du Semeur).

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c) Signification.

— Typologie : Le décompte, élargi à celui de 70 semaines si on lit l'ensemble de la prophétie (7 + 62 +1) est appliqué à la vie de Jésus. Le verset est lu comme une prophétie de la Passion.

— activité des chartreux : pour S. Nash, Daniel illustre le rôle de la PAROLE.

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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L'ANGE IVa ENTRE DANIEL ET ISAÏE. 

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a) Description.

La chevelure reste très ample, bouclée mais moins vermiculaire, avec un groupe de boucles au centre.

Le visage, plus mûr d'allure que les anges précédents, peut sembler souriant, mais l'examen rapproché montre que le regard est vague, comme éperdu, et que la bouche est crispée.

La posture générale associe un déhanchement du corps et une inclinaison opposée de la tête vers la gauche. Les mains sont jointes, main gauche fléchie sur la main droite fermée, selon une gestuelle propre aux émotions intenses.

L'habillement est composé d'une chape et d'une aube blanche. La chape, sans-doute liturgique, est de couleur verte, avec un fermail formé d'un écusson dans une rose, entre deux médaillons à croix intégrés aux orfrois à végétaux trifoliés.

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b) Signification.

Cet ange est l'un des quatre qui, après les deux qui exprime la douleur, porte un habit liturgique.

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange IVa entre Daniel et Isaïe, moulage vers 1880, plâtre patiné,  exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange IVa entre Daniel et Isaïe, moulage vers 1880, plâtre patiné, exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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V. LE PROPHÈTE ISAÏE.

 

a) Description.


Le prophète est penché légèrement du côté de Daniel, la tête nue, un livre sous le bras : son surcot en étoffe d'or était broché ( tissé) en rouge et bleu.

Sous le livre, il porte à la ceinture une escarcelle décorée de six glands, d'où sort un morceau de parchemin et auquel est attachée une écritoire.


 

b) Inscription.

On notera d'abord l'inscription du socle, difficile à déchiffrer. Il faut y lire YSAYAS PROPHE. Cette graphie issue du latin Isaias   est bien attestée au XIIe siècle (Bestiaire de Ph. de Traon) et dans le texte Les Prophètes du Christ de S. Martial de Limoges d'après le Ms 1139 latin.

J'ignore s'il s'agit de la peinture d'origine.

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De la main gauche, Isaïe porte le phylactère : SICUT OVIS AD OCCISIONEM DUCET[UR] + [ET] QUASI AGNUS CORAM TONDENTE SE OBMUTESCET ET NON APERIET OS SUUM  

Les lettres de gothique textura sont peintes en noir, en débutant par un beau S majuscule

: « Il sera mené à la mort comme une brebis qu’on va égorger ; il demeurera dans le silence sans ouvrir la bouche, comme un agneau est muet devant celui qui le tond. » (Isaïe, LIII, 7)

 

 

 

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c) Signification.

— Typologie du verset Is. 53:7 Ce verset appartient à la liturgie du temps pascal, dans laquelle les textes d'Isaïe sont souvent cités, notamment Isaïe 53:5 et 53:7 (tandis que les versets Isaïe V7: 14, IX 6 et 11: 1 sont repris aux temps de l'Avent et de la Nativité. Il fait allusion au Christ comme agneau pascal égorgé lors de la Passion.

— Valeur monastique : le Silence

— Activité monastique : l'ÉCOUTE.

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol à Dijon.

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L'ANGE Va ENTRE ISAÏE ET MOÏSE.

 

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a) Description.

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Chevelure volumineuse de type "vermiculaire".

Visage d'allure enfantine, yeux plissés, bouche entrouverte.

Posture générale hanchée. La main droite est posée sur la poitrine (posture des servants d'autel ou acolytes pour la main libre lors des offices), l'autre entoure entre pouce et doigts longs les joues en les creusant par leur appui.

Robe longue (laissant apparaître les pieds nus) ornée de larges bandes transversales gaufrées, selon le même motif qu'au poignets et au cou (ou le haut col s'évase) . 

 

b) Signification.

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La gestuelle évoque celle de la perplexité, ou l'effroi.

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange Va entre Isaïe et Moïse, moulage vers 1880, plâtre patiné,  exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange Va entre Isaïe et Moïse, moulage vers 1880, plâtre patiné, exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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VI. MOÏSE.

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a) Description.

 

Le prophète est représenté avec deux cornes sur le front (selon la tradition qui, depuis saint Jérôme, a confondu le front embrasé par la Divinité  et ces cornes ) et avec une longue barbe descendant jusqu'à la poitrine. Les cheveux et la barbe semblent témoigner, par leur élan centripète, de l'embrasement de Moïse qui a contemplé la face de Yahvé au Buisson Ardent. Son regard est tourné vers les Cieux (ou vers le sommet du monument) .Il tient de la main droite les tables de la Loi et de la main gauche un phylactère. Il porte une tunique rouge tenue par une ceinture à boucle ainsi qu'un manteau d'or doublé d'azur.

 

b) Inscription.

Le texte : IMMOLABIT AGNUM MULTITUDO FILIORUM ISRAHEL AD VESPERAM [PASCHAE] : «  la multitude des fils d'Israël immolera l'agneau au soir [de Pâques] » (Exode, XII, 6) est une prescription donnée à Moïse par l'Eternel afin qu'il le transmette au peuple d'Israël. Cette prescription organise la Pâque juive lors de la sortie d'Égypte ou Exode. Saint Paul, dans la Première Épître aux Corinthiens,  5:7-8 a écrit Pascha nostrum immolatus est Christus "Le Christ notre Pâque a été immolé" (un verset chanté en grégorien, un hymne chanté pendant la messe de Pâques).

 

c) Signification.

Typologie.

Comme le verset d'Isaïe, celui-ci  rappelle que pour les chrétiens qui ont repris la symbolique de la fête juive, le Christ est devenu l'agneau immolé pour sauver l'humanité de ses péchés.

Il est directement en lien avec le thème général du Christ comme Agneau immolé dont le sang s'écoule de la Croix pour remplir continuellement la Fontaine du Salut. (Cf Agneau mystique de Gand).

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Modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, , sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin. 1840, bois et plâtre polychromé. Musée MBA de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019

Modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, , sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin. 1840, bois et plâtre polychromé. Musée MBA de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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L'ANGE Va ENTRE MOÏSE ET DAVID.

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a) Description.

 

 

Il est vêtu d'une chape bleue à fermail en cabochon pyramidal,posé sur une rose, et d'une aube blanche. Il porte deux accessoires de paramentique, l'étole, croisée sur la poitrine (insigne du prêtre lors de la messe ou de l'administration des sacrements) et le manipule au poignet gauche (autre insigne du prêtre pendant la messe). La chape remplaçait la chasuble des prêtres dans les cérémonies solennelles (mais non lors de la messe ?). Elle est bleu-clair frappée de soleils dorés, comme le manteau de David que l'ange surplombe.

L'orfroi de la chape, les poignets et la bordure de la fente inférieure  de l'aube, l'étole et le manipule sont ornés du même motif gaufré en losanges dorés. Les extrémités du manipule sont frangées.

La chevelure est de type vermiculaire exubérant, avec un toupet au dessus du front.

Le visage est calme et détendu, la bouche fine est concave mais presque souriante, l'expression générale est celle d'une concentration ouverte, d'une gravité bienveillante.

 

Les mains ont été restaurées en 1842, mais elles correspondent à celles de la copie du Puits faite en 1508 à l'Hôpital Saint-Esprit de Dijon, qui servi de modèle à la restauration.  De plus, on imagine mal quelle autre posture pourrait s'y adapter de façon satisfaisante.

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b) Signification. La célébration liturgique ; la méditation

— signification liturgique. Le geste mains levées est effectué par le célébrant après l'élévation, et on le trouve illustré ainsi dans les Instructions pour la messe du début du XIVe siècle BnF fr. 13342 folio 47v .

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Instructions pour la messe, début du XIVe siècle BnF fr. 13342 folio 47v . Copyright BnF Gallica

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— Posture de prière monastique.

La méditation est le 5ème mode de prière de saint Dominique. Les mains s'élèvent à la hauteur des épaules. On le trouve illustré dans De modo orandi par les moines en adoration devant le Crucifix vivifié et actualisé en fontaine de sang  :

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De modo orandi, droits réservés Vatican

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Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon.  Photographie lavieb-aile août 2019.

Le puits de Moïse, de Claus Sluter et atelier. 1395–1404. (pierre d'Asnières, avec traces de dorure et polychromie). Chartreuse de Champmol, Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, Puits de Moïse par Claus Sluter, Claus de Werve et Rogier de Westerhan. 1399-1401. Pierre d'Asnières avec traces de polychromie. Mains restaurées en1842. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, Puits de Moïse par Claus Sluter, Claus de Werve et Rogier de Westerhan. 1399-1401. Pierre d'Asnières avec traces de polychromie. Mains restaurées en1842. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, Puits de Moïse par Claus Sluter, Claus de Werve et Rogier de Westerhan. 1399-1401. Pierre d'Asnières avec traces de polychromie. Mains restaurées en1842. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, Puits de Moïse par Claus Sluter, Claus de Werve et Rogier de Westerhan. 1399-1401. Pierre d'Asnières avec traces de polychromie. Mains restaurées en1842. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, Puits de Moïse par Claus Sluter, Claus de Werve et Rogier de Westerhan. 1399-1401. Pierre d'Asnières avec traces de polychromie. Mains restaurées en1842. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, Puits de Moïse par Claus Sluter, Claus de Werve et Rogier de Westerhan. 1399-1401. Pierre d'Asnières avec traces de polychromie. Mains restaurées en1842. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, moulage vers 1880, plâtre patiné,  exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

Ange VIa entre Moïse et David, moulage vers 1880, plâtre patiné, exposé au Musée des beaux-arts de Dijon. Photographie lavieb-aile août 2019.

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LA GRANDE CROIX (détruite).

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Elle a disparue, mais une reconstitution avait donné lieu en 1840 à un modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin, avec sur la terrasse trois personnages, la Vierge, saint Jean, et Marie-Madeleine levant les bras. Ce modèle est exposé au Musée des Beaux-arts de Dijon à coté des moulages.

Cette disparition ampute le monument de sa signification allégorique et de sa valeur comme icone de méditation pour les moines, puisque toute la tradition monastique insiste sur l'importance de la contemplation du Crucifix pour susciter la compassion et l'identification.

L'actuelle dénomination de "Puits de Moïse" qui remplace celle de Grande Croix, facilite la mauvaise interprétation en donnant le premier rôle au prophète de l'Exode alors que les six figures de l'Ancien Testament n'avaient de sens que par leur rôle d'infrastructure de la Croix que Marie-Madeleine baignait de ses larmes. 

L'allégorie mise en image, ayant perdu son principe, est ininterprétable à moins d'en restituer par l'imagination et la documentation son premier terme.

Voici la première reconstitution : 

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Puits de Moïse, modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin, MBA Dijon. Photographie lavieb-aile.

Puits de Moïse, modèle réduit au tiers par Joseph Moreau, sous la direction de Charles Fevret de Saint-Mémin, MBA Dijon. Photographie lavieb-aile.

Le Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol à Dijon.

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Les travaux de Susie Nash lui ont permis de proposer une nouvelle reconstitution, notamment par étude des archives, des pièces de scellement de la terrasse, et d'un fragment retrouvé, celui des bras de Marie-Madeleine, avec des traces de polychromie rouge et des traces d'outil à l'intérieur des bras, dont on conclue qu'ils enserraient la base de la croix.

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Le Puits de Moïse de la Chartreuse de Champmol à Dijon.

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La Grande Croix selon S. Nash. Copyright.

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Les bras croisés de Marie-Madeleine. Claus Sluter 1399. Photo par Xaviateur sur Wikipedia. fragment rescapé du toit du Puits de Moïse par Claus Sluter et Jan van Prindale. 1398–99. Pierre d'Asnières , 17 x 36 cm. (Musée archéologique, Dijon).

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MARIE-MADELEINE AU PIED DE LA CROIX, MODÈLE DE PIÉTÉ.

ICONOGRAPHIE

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Marie-Madeleine au pied de la croix a été peinte par Simone Martini, vers 1333 sur, le Polyptique Orsini, dont on sait qu'au moins un panneau était présent à la Révolution dans la cellule du prieur de Champmol. On remarque la couleur rouge de la robe de Madeleine, mais aussi le ruissellement du sang des pieds, le "Précieux Sang" des mains étant recueilli par les anges non pas dans des calices comme habituellement, mais sur leur corps ailé.

Le sang coule le long du fût, passe par les mains et les bras croisés de Marie-Madeleine, atteint le sol où il rejoint un ossement (une mandibule) selon la tradition voulant qu'Adam ait été enterré au Golgotha.

Le sang de la cinquième plaie, celle du flanc ne doit pas être négligée. Elle s'écoule le long de la hampe de la lance de Longin, qui pointe son index vers sa paupière. Cela témoigne de la tradition qui veut qu'il ait été guéri par une goutte de ce sang d'un cécité, belle mise en image de la conversion.

 

 

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_de_Mo%C3%AFse#/media/Fichier:Simone_Martini_066.jpg

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Un autre exemple de ce motif est retrouvé par S.Nash dans la Descente de croix, au folio 156V des Très Riches Heures du duc de Berry peinte entre 1414 et 1416 par les Frères Limbourg, et donc postérieure au Puits de Moïse. Or, on peut penser que ces derniers connaissaient le travail de Claus Sluter à Champmol (et le retable Orsini) puisqu'ils étaient les neveux de Jean Malouel,  le peintre chargé de la polychromie du Puits.

On y retrouve la posture de Marie-Madeleine, sa robe rouge, mais surtout l'écoulement du sang passant par ses mains et ses bras.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_de_Mo%C3%AFse#/media/Fichier:Folio_156v_-_The_Deposition.jpg

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On pourrait aussi se référer à la Crucifixion de Masolino, datant de 1428, peint pour la chapelle   de la basilique san Clemente de Rome.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Masolino,_crocefissione,_san_clemente_roma.jpg

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Vers 1442, une quarantaine d'année après la réalisation du Puits de Moïse, le frère dominicain  Fra Angelico a peint à fresque une Crucifixion avec la Vierge, Marie-Madeleine et saint Dominique pour la cellule 25 du couvent de San Marco à Venise. (Marie-Madeleine apparaît aussi, avec une place majeure, dans le Noli me tangere de la première cellule, agenouillée devant les pieds du Christ dont les stigmates sont figurées par des fleurs rouges,  et, toujours agenouillée pour embrasser les pieds du Christ, dans la Déploration de la cellule n°2 ).

Marie-Madeleine y apparaît comme le modèle de piété que saint Dominique propose aux Dominicains, et c'est elle qui reçoit l'onction sanguine du flanc et des pieds du Christ. L'écoulement descend le long de la croix pour suivre ensuite une rigole creusée sur le Golgotha jusqu'à la terre, dans cette couleur rouge qui colore aussi le sang coulant le long des bras, la robe de la sainte, les lettres du titulus et les bras du nimbe crucifère

 

 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5f/Fra_Angelico_073.jpg
https://fr.wahooart.com/@@/8XZ93B-Fra-Angelico-Crucifixion-avec-l-Vierge-,-Mary-Magdalene-et-r-Dominic-(-Cellule-25-)

 

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Fra Angelico, Crocefissione con la Vergine, la Maddalena e San Domenico, 176 cm × 136 cm, Couvent San Marco cellule 25,

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La contemplation du "Crucifix saignant" (comment trouver une autre expression ?) est une constante de la pratique monastique des Dominicains et des Chartreux. Elle a été pratiquée et favorisée par la Vita Christi de Ludolphe le Chartreux, associée au culte du Cœur du Christ, (par une assimilation, fausse anatomiquement, entre la plaie du flanc droit et la blessure du cœur)

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« Le Cœur du Christ a été blessé pour nous d'une blessure d'amour, afin que nous par un retour amoureux nous puissions par la porte du côté avoir accès à son Cœur, et là unir tout notre amour à son divin amour, de façon à ne faire plus qu'un même amour, comme il en est du fer embrasé et du feu. Car l'homme doit… ordonner tous ses désirs vers Dieu par amour pour le Christ… et conformer en tout sa volonté à la volonté divine, en retour de cette blessure d'amour qu'il reçut pour l'homme sur la croix, quand la flèche d'un amour invincible perça son très doux Cœur… Rappelons-nous donc quel amour plus qu'excellent le Christ nous a montré dans l'ouverture de son côté en nous ouvrant par là large accès à son Cœur. Hâtons-nous d'entrer dans le Cœur du Christ, recueillons tout ce que nous avons d'amour pour l'unir à l'amour divin, en méditant sur ce qui vient d'être dit  »

Ludolphe le Chartreux, — Vita Christi , Livre II, Chapitre 64

 

Maître de Jacques de Besançon — Ludolphe de Saxe, Vita Christi, 1474. University of Glasgow Library, Special Collections Department, Sp Coll T.C.L. f10 Vol. 1.

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LE PUITS DE MOÏSE, UNE FONTAINE DE VIE.

Je citerai Susie Nash.

"The Magdalene may have been seen in both cases [Cluses and Champmol] as particularly meaningful with respect to their juxtaposition with water, since an analogy was often drawn between the Magdalene and liquid, with her being compared to a fountain, which stemmed from the copious, efficacious and virtuous tears she she dover Christ: the papallegate and cardinal Eudes de Chateauroux (d.1273) expressed this relationship in one of his sermons as follows:

‘the lord made blessed Mary Magdalene, as it were, an overflowing fountain in the middle of his church in which sinners are able to wash away their sins’; Jansen, op. cit. (note 27), p.210; (« le Seigneur a fait  de Marie-Madeleine , pour ainsi dire, une fontaine débordante au milieu de son église où les pécheurs sont capables de laver leurs péchés»

see also Büttner, op. cit. (note 27), pp.147–48. The efficacy of the Magdalene’s tears was emphasised in many medieval sermons and the need to weep during prayerful meditation is emphasised in Carthusian writings, for example those of Hugh of Balma and, very extensively, Ludolf of Saxony;see ,for instance, his Vita Christi; :  "it is plain how powerful are the tears of prayer, especially those shed in remembrance of the passion of Christ" []« Il est clair que la puissance larmes de la prière est manifeste,, en particulier celles survenues en souvenir de la Passion du Christ ».. (S. Nash 2008)

 

 

Le thème de la Fontaine de vie  a été étudié par Émile Mâle en 1908, et il en donne les exemples suivants :

 

  • Gand, Agneau mystique, Van Eyck, , 1442
  • Beauvais, église Saint-Etienne, vitrail, baie n°12 par Engrand Leprince vers 1522.

http://www.lavieb-aile.com/2016/04/les-vitraux-anciens-de-l-eglise-saint-etienne-de-beauvais-baie-n-12-la-fontaine-de-vie.html

  • Avignon, tableau du Musée
  • Boumois près de Saumur,, château, vitrail (perdu)

https://archive.org/details/lartreligieuxde00ml/page/114

  • Chinon, fresque de l'église Saint-Mexme (présence de Marie-Madeleine)

https://archive.org/details/lartreligieuxde00ml/page/114

  • Reims, église Saint-Jacques, vitrail (présence de Marie-Madeleine)
  • Saint-Antoine-du-Rocher (Indre-et-Loire), vitrail du XVIe (présence de Marie-Madeleine)
  • Dissais (Vienne), fresque du château (présence de Marie-Madeleine)
  • Vendôme, vitrail, XVIe

https://www.flickr.com/photos/89235234@N00/45519030834

  • Jean Bellegambe, Le bain mystique, vers 1525, pour l'abbaye d'Anchin, MBA Lille.

https://www.flickr.com/photos/magika2000/10056052065/

  • Pressoir mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches

http://www.lavieb-aile.com/2016/04/le-vitrail-du-pressoir-mystique-baie-n-14-de-l-eglise-sainte-foy-de-conches-en-ouche-eure.html

 

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Le culte du sang du Christ inclut aussi celui des Stigmates reçues par saint François au XIIIe s, des Cinq Plaies, de la Saint Longin et de la Sainte Lance, du Pressoir mystique,  et la représentation des anges hématophores autour des crucifix (depuis Cimabue et Giotto, et en 1400 à Bruges), mais aussi la légende du Précieux Sang et celle du Graal. Il a été interdit par le pape Pie II en 1464.

Mais devant ce thème profus et arborescent, je pense que le fil rouge le plus sûr et le plus adapté est celui qui part des pratiques dévotionnelles des moines au XIIIe siècle pour mener vers le Puits de Moïse.

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SOURCES ET LIENS.

 

 

— Le Puits de Moïse

https://topdijon.fr/decouverte-de-dijon/histoire-oeuvres-architecture/puits-de-moise/

— MUSÉE MBA DE DIJON.

http://dijoon.free.fr/text-puits.htm

La copie du Puits.  © photo François Jay

http://mba-collections.dijon.fr/ow4/mba/voir.xsp?id=00101-17894&qid=sdx_q0&n=2&e=

— « Claus Sluter. Le Puits de Moïse, le tombeau de Philippe le Hardi », Dossier de l'artno 203,‎ 

 

— DAVID (M. Henri.), Mlle Aenne Liebreich, 1933,Le calvaire de Champmol et l'art de Sluter Bulletin Monumental  Année 1933  92-4  pp. 419-467

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1933_num_92_4_9994

DEHAINES (Chretien Cesar Auguste), 1886, Documents et extraits divers concernant l'histoire de l'art dans la Flandre, l'Artois & le Hainaut avant le XVe siecle, par M. le chanoine Dehaisnes, Lille

https://archive.org/details/documentsetextra02deha/page/758

 

— DIDI-HUBERMAN (Georges), 1986, , La dissemblance des figures selon Fra Angelico Mélanges de l'école française de Rome  Année 1986  98-2  pp. 709-802

https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5110_1986_num_98_2_2879

— DUTHEILLET DE LAMOTHE (Sophie), Le corps vertueux. Théorie et pratique de la prière dans l’instruction des novices dominicains (XIII e - XV e siècles),  Sophie Dutheillet de Lamothe. Le corps vertueux. Théorie et pratique de la prière dans l’instruction des novices dominicains (XIII e - XV e siècles). e-Spania - Revue interdisciplinaire d’études hispaniques médiévales et modernes, Civilisations et Littératures d’Espagne et d’Amérique du Moyen Âge aux Lumières (CLEA) - Paris Sorbonne, 2015, ff10.4000/e-spania.24931ff. ffhal-01442036f

https://hal-univ-paris3.archives-ouvertes.fr/hal-01442036/document

https://journals.openedition.org/e-spania/24931

 

— GAY ( Françoise), 1987, . Les prophètes du XIe au XIIIe s. (Épigraphie). In: Cahiers de civilisation médiévale, 30e année (n°120), Octobre-décembre 1987. pp. 357-367; doi : https://doi.org/10.3406/ccmed.1987.2381 https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1987_num_30_120_2381

 

— HOOD (William), 1986, Saint Dominic's Manners of Praying: Gestures in Fra Angelico's Cell Frescoes at S. Marco, The Art Bulletin, Vol. 68, No. 2 (Jun., 1986), pp. 195-206

— JUGIE (Sophie) et Daniel Russo, 2008, Autour du « Puits de Moïse ».Pour une nouvelle approche, Dijon, colloque, 16-18 octobre 2008.https://journals.openedition.org/cem/11075

— KAGAN (Judith), 1990 "Les moulages des vestiges de l'ancienne chartreuse de Champmol", Sluter en Bourgogne : mythe et représentations : catalogue d'exposition au musée des Beaux-Arts, Dijon, 1990, p.34-38

— KOLDEWEIJ (Jos), 2007, A pilgrim's badge and ampulae possibly from the Chartreuse of Champmol, in Sarah Bilck (ed.), Beyond Souvenir and Secular Badges. Essay in Honour of Brian Spencer, Oxford, p.64-72.

https://www.academia.edu/36041425/A_Pilgrims_Badge_and_Ampullae_Possibly_from_the_Chartreuse_of_Champmol

— LINDQUIST Sherry C. M. 2011, Visual Meaning and Audience at the Chartreuse de Champmol: A Reply to Susie Nash's Reconsideration of Claus Sluter's Well of Moses , Different Visions: A Journal of New Perspectives on Medieval Art (ISSN 1935- 5009) Issue 3, September 2011

http://www.differentvisions.org/issue3/Lindquist.pdf

— LINDQUIST Sherry C. M, Agency, Visuality and Society at the Chartreuse de Champmol (Aldershot, Hampshire, and Burlington, VT: 2008).

https://www.academia.edu/28774789/Agency_Visuality_and_Society_at_the_Chartreuse_De_Champmol_by_Sherry_C_M_Lindquist

— LUDOLPHE LE CHARTEUX

https://books.google.fr/books?id=TKYCAAAAQAAJ&pg=PR14&dq=Ludolphe+le+Chartreux:+La+Grande+Vie+de+J%C3%A9sus-Christ,+traduction+nouvelle+et+compl%C3%A8te,+transl.+M.P.+Augustin&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi6_r3YpuXkAhVPLBoKHRczD1YQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Ludolphe%20le%20Chartreux%3A%20La%20Grande%20Vie%20de%20J%C3%A9sus-Christ%2C%20traduction%20nouvelle%20et%20compl%C3%A8te%2C%20transl.%20M.P.%20Augustin&f=false

http://jesusmarie.free.fr/ludolphe_vie_jesus_5.pdf

— MÂLE (Emile), 1908, L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France, Pari, page 103 et suiv.

https://archive.org/details/lartreligieuxde00ml/page/110 s

— MONGET, Cyprien (1898). La Chartreuse de Dijon : d'après les documents des archives de Bourgogne / par Cyprien Monget,... ; dessins d'Etienne Perrenet. 1898.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5760038s.texteImage

— NASH (Susie), Le retables of Jacques de Baerze and Melchior Broederlam, A reconsideration of the sources .Collaboration and the Making of Meaning on the Well of Moses

— NASH (Susie), 2005 « Claus Sluter’s ‘Well of Moses’ for the Chartreuse de Champmol reconsidered, part I », The Burlington Magazine, vol. CXLVII, n° 1233, décembre 2005, p. 798-809

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—PROCHNO ( R. ), 2002,Prochno, Die Kartause von Champmol. Grablege der burgundischen Herzöge 1364-1477, Berlin, 2002

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2008_num_166_2_2063

 

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Quarré (Pierre), Musée des Beaux-Arts de Dijon. Catalogue des sculptures. Palais des Etats de Bourgogne, Dijon, 1960, n° 618

— SEPET (Marius), 1867, Les prophètes du Christ. Étude sur les origines du théâtre au Moyen Âge [deuxième article]. Bibliothèque de l'École des chartes  Année 1867  28  pp. 211-264  https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1867_num_28_1_462065

IMAGES.

http://www.clevelandart.org/art/1964.454#

 

http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=1024

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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