Les inscriptions lapidaires des maisons de Lanvéoc II. Les dates de 1694 et 1752 au 14 Grand'rue.
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Sur Lanvéoc, voir :
- Sur l'inscription lapidaire Anne FOLGAR / LE BEULIN 1730 du bourg de Lanvéoc.
- Les inscriptions lapidaires et maisons remarquables du bourg de Lanvéoc III.
- Lanvéoc : quelques clichés. Une bulle Consopitensis inhibition contra piratas du pape Paul II en 1470 contre les pirates attaquant Camaret, Crozon et Roscanvel.
- Vouz aimez les zélices, vous? J'en fait mes délices. L'hélice d'un escorteur d'escadre à Lanvéoc (29).
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Sur les inscriptions lapidaires de la Presqu'île de Crozon, voir :
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Les blasons sculptés de quelques abbés de Landévennec . Et les inscriptions lapidaires du bourg.
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Épigraphie de Roscanvel : son église et ses cloches, sa fontaine, ses manoirs et demeures.
Liste de mes 150 articles sur la presqu'île de Crozon.
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L'inscription de la fenêtre du rez-de-chaussée, coté est. Kersantite, 1694.
Le bloc de kersantite est creusé d'un cartouche rectangulaire à deux demi-cercles aux extrémités et un aménagement pour la croix. Les lettres sont taillées en réserve en majuscules aux empattements élargis. Elles sont rehaussés par la peinture bleu-gris.
On y lit :
IHS.1694.MARI
Le monogramme IHS où le H est surmonté d'une croix est celui de IESUS ( précision sur Wikipedia).
Le monogramme MARI où le M, le A sont superposés et où le fût du M et celui du le R sont confondus est l'une des formes de celui de MARIA, désignant Marie, la Mère de Jésus.
Ces deux monogrammes sont des indices sérieux pour penser qu'en 1694, cette maison était la demeure d'un prêtre (ou d'une religieuse). Ce ne peut être le recteur puisque Lanvéoc était une paroisse de Crozon jusqu'en 1862. L'ancienne chapelle Saint-Joseph, du XVIe siècle, a alors été remplacée par celle dédiée à sainte Anne en 1872. Elle renferme des statues de la Vierge à l'Enfant, de sainte Anne éducatrice ou de saint Joseph datant (comme notre inscription) du XVIIe siècle.
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La date de 1694 n'est pas anodine puisque c'est celle de la Bataille de Camaret, qui vit la tentative de débarquement des forces anglaises sur la plage de Trez Rouz être repoussée par les troupes françaises dirigées par Vauban.
Lanvéoc est située sur la route royale de Nantes à Brest et c'est de son port que les voyageurs et les marchandises prenaient le bateau (une gabarre d'une douzaine de mètres) pour traverser la rade.
C'est donc par Lanvéoc que passèrent le 9 juillet 1686 (8 ans avant notre chronogramme) la délégation venue du royaume de Siam pour rencontrer Louis XIV à Versailles.
Cette situation sur un grand axe de communication a déterminé l'organisation en rue-village en T avec la succession d'une vingtaine de maisons dans la descente de la Grand'Rue (au XIXe Rue Nationale), venant buter sur un front de façades plus court donnant vers les chemins descendant vers le port (actuelle Rue de la Grève et Rue du Fort). C'est là que se trouvent encore des vestiges ou les pierres importées des maisons du XVI et XVIIe début XVIIIe, principalement sous la forme de baies en kersantite et microdiorite quartzique ("kersanton" et "pierre jaune de Logonna") dont on se plait à observer l' ornementation sculptée : ici une accolade, un chanfrein, une moulure, là les volutes et coeurs sur les linteaux, les griffes, sifflets et amortissements à la base des piédroit.
Le cadastre napoléonien de 1833 montre 12 maisons du coté ouest de la Grand'rue et autant du coté est, avec à l'arrière un courtil ou une dépendance. Le bourg comptait en 1786 350 habitants, des marins, pêcheurs, cultivateurs et artisans. Le chiffre passa à 328 habitants en 1830, , 394 en 1862 et 400 en 1871.
La chaussée étant empruntée par des cavaliers, des colonnes de troupes, des convois, des charrettes et des diligences, la voie principale du bourg est très large. Sa largeur répond aux normes des routes royales : 42 pieds de large, soit 13 mètres.
En 1786, Jean-Marie Bachelot de la Pylaie décrit les maisons de la grand'rue : "On y trouve une rue large, d'une certaine longueur, droite, bordée sans interruption de maisons couvertes en ardoise qui ont presque toutes un premier étage au dessus d'un rez-de-chaussée. On en remarque même qui ont une certaine apparence nobiliaire et paraissent remonter au 15e ou 16e siècle."
Les enseignes visibles sur les cartes postales confirment l'intuition que les commerces d'alimentation, auberges et tavernes devaient être nombreuses. (Boulangerie ; Buvette ; Leostic, on vend à boire et à manger : Au retour de Brest).
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Comparaison entre la carte d'Etat-Major 1820-1866 et la carte IGN actuelle.
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L'inscription de la fenêtre médiane de l'étage. Kersantite 1752.
F : D : 1752 : A : B :
Les initiales ne peuvent être interprétées, mais la date de 1752 indique soit la construction d'un étage, soit une restauration de l'édifice et le percement d'une ouverture.
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La porte et son encadrement de kersantite.
Le linteau en anse de panier est sculpté d'une accolade.
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Le propriétaire actuel : monsieur François Jestin.
Tandis que je prenais mes photos, le propriétaire (que j'assimile au nom indiqué sur la boite à lettres) est apparu, intrigué, à la fenêtre. Nous avons discuté de cette inscription, puis il m'a signalé que la maison était jadis un magasin. "Attendez, je vous prends en photo". Il m'a quitté sur un "Bon, je retourne écrire", et son sourire fut comme le passage éphémère d'une amitié. Qu'il en soit remercié.
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SOURCES ET LIENS.
— LHARIDON (Erwana), 2011, Bourg de Lanvéoc, dossier IA29004751 de l'Inventaire du patrimoine culturel
— BDHA
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/b798ad57b246d6b0cc6ec8e4596ca9fc.pdf