La chapelle Saint-Trémeur
à Plougastel.
Située sur la kordennad de Rozegat¹ sur la côte sud-est de la presqu'île, avant le village de Saint-Trémeur et la grève de Pors-ar-loc'h , cette chapelle est la plus petite des huit chapelles de la commune, mais elle fut autrefois très fréquentée : une messe mensuelle y était célébrée, deux pardons s'y tenaient à la Sainte-Trinité et le quatrième dimanche d'août et le jour de la fête de saint Marc, on y venait en procession depuis l'église paroissiale située à 3 kilomètres. On y apprécie son beau placître planté de hêtres, de chênes et de châtaigniers, ou bien on se rend à la fontaine de dévotion située à une centaine de mètres en contrebas.
Au breuriez¹ de Saint-Trémeur appartiennent aussi Lanrivoas, Tévenn, Kergolle et Kervengant.
Je lis que la chapelle appartenait à la seigneurie de Kergoat, Le Lez et Roscerf. Je fais le lien (sans confirmation) avec la famille Buzic de Kerdaoulas , dont les armes sont de gueules à six annelets d'argent et la devise Comzit mad, "parler bien", et avec la famille de Roscerf (ou Roscreff, actuel Rossermeur) en Plougastel, dont le cri était Pour les biens bon espoir.
Selon Tudchentil.org http://www.tudchentil.org/IMG/pdf/Genealogie_Roscerf_-_Fonds_des_Blancs-Manteaux.pdf , Marguerite Buzic, héritiére d'Even Buzic Sr de Kergoët avait épousé en 1416 Olivier du Roscerf, qui était gendarme de la garde du duc en 1427. Un autre Even Buzic, héritier, sr de Kergoêt et sr de Roscreff, fit en 1429 un contrat de fondation avec l'abbaye de Daoulas (http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Urbain_(Finist%C3%A8re)#cite_note-12) Les armes des Buzic de Kerdaoulas sont présentes sur la tour de la chapelle de Fontaine Blanche.
On ignore l'histoire de ses origines, et les premiers éléments sont la date de 1581 placée près de la fenêtre sud, et celle de 1636 au nord. Au XVIIe siècle est construit le clocher ; la cloche fut refondue en 1738.
Le pardon a lieu le deuxième dimanche de juillet.
¹. Sur les "kordennad" et les "breuriez", voir Sainte Gwenn à la chapelle St-Guenolé de Plougastel.
Inscription en Kersanton sur la façade sud :
Y : VIGOVROVX : FF : FAICT : FAIRE : CETTE CHAPE(LLE)P 1581
On ne considère pas qu'il s'agit d'une inscription de construction, mais de rénovation de la chapelle par le fabricien.
Toute inscription a ses mystères : le Y initial a la forme d'un V, le X de Vigouroux est très élégant, les initiales FF remplacent d'habitude la formule "fait faire" qui n'est pas omise ici, le mot "faire" est plutôt écrit FAIRA, la fin de "chapelle" est un P.
Le patronyme Vigouroux est répandu à Plougastel ; on le retrouve inscrit sur le grand calvaire de Plougastel (1604...O.Vigouroux curé).
Inscription sur la façade nord.
Celle-ci porte la date de 1636; elle indique F : IVLIANF. 1636 avec un bel exemple de N rétrograde.
On peut s'interroger sur cette inscription car Julian n'est pas un patronyme de Plougastel. Difficile d'y voir une relation avec la Mission que prêcha Julien Maunoir en 1644.
Vue générale de l'intérieur
Le plan est rectangulaire ; en 1930, le curé de Plougastel, qui était l'abbé Uguen, a fait construire un transept qui a été détruit en 1972. La chapelle étroite et basse est la plus petite de la paroisse. elle est éclairée par cinq fenêtres, en plein cintre sauf la baie orientale qui date du XVe siècle et est ogivale. La voûte est couverte d'un lambris peint uniformément en bleu ciel.
Le pavage de schiste (le matériau local) et le crépis blanc des murs lui donne une atmosphère simple et recueillie et mettent en valeur les six statues anciennes et le socle de granit, à droite.
Saint Trémeur
Statue en bois polychrome du XVIIIe siècle, h : 1,20m. Le saint porte sa tête (statue céphalophore) de la main gauche et la palme du martyre à droite. il porte une robe rouge à ceinture et à revers dorés, et un camail marron.
Son nom, en breton sant Tréveur, anciennement Tremoch vient de Trech, "victoire" et mor, "grand". Il est le fils du roi de Domnomée Comonor et de sainte Tréphine, qui est également une sainte céphalophore puisque la mère et le fils eurent tout deux la tête coupée par le cruel Conomor, qui ne voulait surtout pas de fils pour lui ravir sa couronne.
La vie de sainte Tréphine a déjà été découverte ici : Chapelle Sainte-Tréphine à Pontivy.. Mais la vie de saint Trémeur est écrite par Dom Lobineau dans la Vie de saint Gildas ici : Guy-Alexis Lobineau, La vie des saints de Bretagne et des personnes d'une éminente piété, Rennes, 1725 page 76 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5494000p/f115.image.r=Tr%C3%A9meur.langFR
"Son fils reçut au baptème le nom de Gildas, à quoi pour le distinguer du saint Abbé on ajouta dans la suite le surnom de Trech-meur. L'enfant fut mis dès ses premières années dans le monastère de Rhuys, où il fut instruit aux lettres & à la piété, & fit des progrès surprenans dans celle-là & dans celle-ci. Sa vie angélique etoit accompagnée de miracles que Dieu operoit par son ministère. Ses actes, tirez par l'auteur de la Cronique de Saint-Brieuc de l'ancien Bréviaire de Quimper assurent qu'il fut tué par son père qui l'aïant trouvé qui se promenoit à la campagne un dimanche après l'office, lui coupa la tête. C'est apparemment la raison pourquoi saint Trémeur est appelé Martyr & invoqué sous cette qualité dans les litanies angloises du VIIe siècle".
Ce n'est donc pas dans dom Lobineau que se trouve la légende selon laquelle, après son décollement, Trémeur prit sa tête entre ses mains et l'aurait porté jusqu'à la tombe de sa mère à Sainte-Tréphine, dans les Côtes-d'Armor, paroisse où il aurait été enterré.
Il est fêté le 8 novembre.
Ses autres lieux de culte sont :
- Les églises des paroisses de Kergloff (29), Carhaix (29), Camlez (22)
- La Chapelle St-Trémeur à Cléden-Cap-Sizun (29)
- Chapelle St-Trémeur à Le Guilvinec (29)
- Chapelle St-Trémeur à Guerlesquin.
Le Père Eternel et les deux "anges gardiens".
Sculpture du XVIe siècle, ou du XVIIe . H= 1,20m
Ce personnage à la barbe exubérante et à la tiare palmier n'est autre que Dieu, Dieu-le-Père échappé d'une Trinité où il tenait le Fils entre ses Bras et le Saint-Esprit volant entre les Deux.
Le détail original, ce sont les deux anges qui le désignent du doigt à l'enfant que chacun tient par la main. Vêtus d'une robe rouge superbement ornée de galons verts qui se fixent en beaux drapés sur des boutons or , chaussés de bottes ou guêtres enrichis des mêmes galons, ils sont magnifiques. Ici, on les désignent du nom, bien logique, d'Anges gardiens. Mais ils me rappellent un ange de l'église de Collorec, qu'on avait dénommé Raphaël guidant Tobie :
Saint Sébastien
Bois polychrome, XVIe, h = 1,25m
Vierge à la démone.
Bois polychrome, XVIIe, h = 1,20m
C'est encore une très belle statue, où l'aspect très humain de la Vierge et de son Fils contraste avec le fait qu'elle écrase, en Vierge de l'Apocalypse, la démone à la queue de serpent tenant la pomme de la Chute dans la main.
Saint Luc
Kersanton, XVIe, h = 1,15m
Elle pourrait appartenir à un ensemble des quatre évangélistes avec chacun son attribut, son Livre, et un phylactère portant, par exemple, l'incipit de son Évangile. On croirait discerner l'inscription...
(A Aix, dans la cathédrale Saint-Sauveur, ce sont des hexamètres du Carmen Paschale de Sedulius qui sont associés aux évangélistes ; pour Luc, l'inscription est : lura sacerdotii Lucas tenet ore iuvenci)
Le détail qui m'interroge est l'objet que tient le taureau dans sa gueule : un encensoir ? On sait que le taureau est associé à Luc en raison des premires mots de son évangile qui mentionnent le sacrifice offert par Zacharie : ici, s'agit-il d'un objet rituel?
On remarque aussi la base de la statue en pierre et l'ange qui y est sculpté.
Saint Marc ?
bois polychrome, XVIIe, h = 1,10m
Il tient un livre, mais a perdu l'objet qu'il tenait de la main droite. Si c'était une palme, ce serait un saint Joseph (le chanoine Perennes indique que la chapelle fêtait la Saint-Marc, la Saint-Joseph, le lundi de Pentecôte et la Saint-Riou).
Christ en croix
Bois, XVIe siècle.
Saint Roch
Pierre de kersanton polychrome, XVIe, h = 0,80m.
Ce saint avait perdu sa tête et elle avait été très grossièrement refaite en ciment : mais enfin, peut-être en priant saint Antoine de Padoue, on l'a retrouvé, et il a désormais meilleure mine, malgré le teint terreux de la kersantite. De saint Roch, il a la tenue de pélerin (cape et chapeau), le baton, et le bubon de peste sur la jambe droite.
Pietà, panneau sculpté
Bas-relief du XVIIe, bois polychrome, h = 0,69m
Piedestal en kersanton
placé à gauche de la porte d'entrée, mur coté sud. Il représente deux anges portant le saint Graal.
Bénitier
Sous ce bénitier, une cavité rectangulaire : les fidèles qui souffrent de céphalées y placent leur tête tout en priant saint Trémeur :
Ni ho ped a greiz halon
Aotrou, Sant Tréveur hor Patron
Da rei d'eom-ni re ho dre ho skoazel
Eur vuhez fur, iac'h ha santel.
Nous vous prions de tout coeur / Monsieur saint Trémeur notre Patron /Que nous soit donné avec votre aide / Une vie sage, saine et sainte. (Refrain du cantique de saint Trémeur)
Ne pourrait-on penser que ce trou servait jadis à l'écoulement d'une source aux eaux thérapeutiques ?
Calvaire
Il est daté vers 1600.
Sur son coté Est, les statues géminées posées sur les croisillons à boules montrent saint Trémeur à gauche et saint Gildas, son protecteur à droite.
Saint Trémeur:
Du coté Ouest, c'est la représentation habituelle du Christ en croix entouré de la Vierge et de saint Jean. Au pied du Christ, trois anges portent le calice du Précieux Sang.