La chapelle Sainte-Marine à Combrit.
Vierge allaitante, Bannière Le Minor
et décors marins.
Cette chapelle du XVIe siècle située en bordure de l'Odet face à Bénodet a été dédié à un ermite irlandais nommé Moran ; Ce saint Moran s'est transformé au XVIIe en une Sainte Maraine, puis en Sainte Marine, ce qui est parfaitement adapté à son environnement marin et à son ornementation où s'associent les ex-voto et les sablières de poissons et de navires.
Je m'y rendais pour découvrir la Vierge allaitante, et compléter la série des Vierges allaitantes de Cornouaille Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.
Mais cette vierge, belle en soi, ne rentre pas dans ce comput puisqu'au lieu d'être grandeur nature, elle ne mesure que 64 cm ; qu'elle n'est pas vêtue du corselet d'allaitement, que ses cheveux sont sagement attachés pour dégager la nuque. Elle date pourtant aussi du XVIe siècle ; elle donne le sein gauche à un petit-Jésus tout nu, en présentant le mamelon par la prise en ciseau entre index et majeur. Pas de dorure ni de galon perlé, pas d'effets de manche, pas de vertugadin, tout dans sa tenue est simplicité.
Par rapport à d'autres vierges au lait, celle-ci est toute attentive à sa tache, au lieu de regarder le vaste monde, et pareillement l'enfant ne joue pas à la balle avec un globe terrestre ou avec une pomme, ne fait pas coucou de la main aux fidèles, ne se préoccupe pas de s'entrainer à bénir : non, simplement, il tête.
On aurait pu la nommer Notre-Dame de la sollicitude : définition, "attention soutenue et affectueuse", et elle serait la patronne du "care", ce récent concept des sciences sociales, la patronne de tous les aidants naturels et professionnels.
Pour naturel qu'il soit, le don maternel du lait est toujours ambigu, car l'être humain est ainsi fait que le sein est pour notre espèce un ojet de séduction érotique tout autant qu'une glande lactogène, un objet d'amour pour l'amant autant que pour l'enfant, et que cela fait des lustres que les deux se le disputent. Il est donc inutile de taxer les paroissiens de Combrit de pudibonderie lorsque, jusqu'en 1980, ils voilaient le charmant agrément d'une prudente étoffe. Comme disait la dame en allant chercher dans la sacristie ce voile de pudeur, ce peripectorium (si j'ose introduire ce terme fautif mais manquant à notre vocabulaire de la paramentique), "comme on connaît ses saints/seins on les adore".
Sur le site Ar Bannour consacré au patrimoine de Combrit, je lis que cette statue avait été cachée pendant la révolution, et qu'elle est restée oubliée sous l'escalier en pierre de la maison jouxtant l'Abri du Marin. "Exhumée après de nombreuses années elle a retrouvée toute sa fraîcheur"...mais c'est sans-doute ce souterrain séjour qui a assombri et halé son teint.
La Maria lactans est placée dans la chapelle au dessus d'un tronc d'offrande, face à un if à cierge, mais surtout à coté d'une table d'offrande surmontée, pour mon grand bonheur, d'une bannière Le Minor. Je ne saurais trop féliciter l'Association en charge de Sainte-Marine de l'heureuse idée de présenter la bannière ainsi, en en dédoublant le verso du recto, plutôt que de condamner l'une des faces à rester le dos devant le mur ou le pilier jusqu'au prochain pardon, et d'obliger le visiteur à un discret coup d'oeil indiscret et frustrant.
Le pardon de Sainte-Marine a lieu le 2e dimanche de juillet.
Cette bannière est datée de 1987 et elle est signée Toulhoat. Sa face principale est dédiée à Sainte Marine, qui tient joliment la chapelle dans le bras gauche alors qu'elle nous bénit de la main droite.
Dans la chapelle, on trouve la statue de Sainte Marine : elle est effectivement couronnée, la couleur du manteau et celle de la robe ont été inversée sur la bannière, et le livre, pauvre de signification, a été remplacé astucieusement par la chapelle. La sainte tenait sans-doute dans la main droite la palme du martyr.
Le manteau bleu est particulier : il associe une partie postérieure en pèlerine, habituelle, et une partie antérieure en tunique courte serrée par une ceinture à double cordon.
Il s'agirait du semicinctium, celui qui sert de titre à l'épigramme de Martial en jouant sur le sens de cingere, et que je n'ose traduire ici :
Epigrammata, Livre 14, CLIII, Semicinctium :
Det tunicam locuples : ego te praecingere possum.
Essem si locuples, munus utrumque darem.
Donnons plutôt comme référence Saint Paul à Éphèse dans Acte des apôtres, 19,12, mais avec un sens différent : traduit du grec il s'agit là d'un mouchoir, une sorte de sudaria ou de manipule, mais "le sudarium était destiné à envelopper la tête pour en absorber la sueur, alors que le semicinctium se tenait à la main pour être employé aux mêmes usages que nos mouchoirs." (J.A. Martigny, Dictionnaire des Antiquités Chrétiennes, 1865). Une sorte de pallium, en sorte. L'église Saint-Exupère de Saint-Thois : les statues; le manipule. Mais cette interprétation est contraire aus sens habituel de semicinctium qui est "tablier". On lira une passionnante discussion de cela ici :link.
Il est difficile de savoir quelle est cette Marine, dont on a vu qu'elle résulte surtout d'une dérive sémantique à partir de saint Moran ou Meryn ; Est-ce Marguerite d'Antioche, nommée Marine en Orient ? Ou cette vierge martyr à laquelle Paris a voué une chapelle ? Ou Marine de Bythinie, qui rentra au couvent déguisée en garçon sous le nom de Marin ? J'y verrai plutôt une Notre-Dame de la mer, une Virgo Marina, divinité de la mer et patronne de cette communauté de pécheurs (vingt familles au XVe siècle) et de patrons de barques spécialisées dans le commerce du vin de Saintonge et de Bordeaux vers la Manche et la Mer du Nord. (12 barques au XVIe siècle fréquentant La Rochelle, et six barques à Nantes) Sources : site officiel de Combrit.
Revenons à notre bannière : elle porte aussi l'éffigie de Saint Yves et celle de Sant Voran :
Le culte rendu à Saint Yves est attesté par une statue en bois dans la chapelle, voisinant avec un ex-voto Notre-Dame de la Clarté, trois-mats carrés à brigantine de la deuxième moitié du 19e siècle.
L'inscription St Yves est accompagnée du nom de la prestigieuse entreprise de broderie Le Minor, de Pont-L'Abbé.
Le culte de Sant Voran est la forme bretonne de Saint Moran, mais c'est aussi le nom d'un misainier, vieux gréement restauré sur la commune et qui, sous le nom de FUIL DERO ( hanneton), a été construit en 1929 par un ligneur de Sainte Marine, Mr Le Roux: on voit que les références maritimes sont omniprésentes.
Sous son nom, on lit celui de Toulhoat, créateur de vitraux, de faïence, de bijoux, et de bannières Le Minor depuis la première réalisée en 1953 pour Locronan.
On y voit aussi une canot armé à la petite pêche immatriculé GV 98 90, le port de Bénodet et Sainte-Marine dépendant du Quartier Maritime du Guilvinec (il s'agit d'une immatriculation fictive, les navires actuels portent six chiffres), qui a établi son tape-cul. Le navire n'est pas "en pêche" (absence des cônes inversés), et si on en croit le goéland perché sur la bome, il serait plutôt route terre après avoir relevé les casiers, le patron et son matelot bien content d'avoir fini.
Le verso de la bannière honore le patron de l'église paroissiale, Saint Tugdual avec l'inscription Sant Tugdual Pedit evidomp, Saint Tugdual Priez pour nous.
Saint Tugdual, l'un des sept saints fondateurs de la Bretagne, évêque de Tréguier, est l'un des soixante-dix religieux venus au Ve siècle du Pays de Galles pour évangéliser la Bretagne : assimilé à Saint Tudy, il est vénéré au sud de la Cornouaille à Saint-Tudy, Loctudy, Cleden-Cap-Sizun, Douarnenez, Quimper, etc... Selon certains écrits, il se serait rendu à Rome en 548 à la mort du pape, et il fut désigné comme successeur par une colombe blanche : ceci explique la présence ici d'une colombe sur l'épaule droite de Tugdual, et cela explique aussi qu'on le surnomme pabu (pape).
Il est représenté en tenue d'évêque, foulant un dragon crachant le feu : c'est le monstre, symbolisant les païens, qui désolait le Trègor avant son arrivée.
On voit aussi sur les parties latérales la date de réalisation, 1987, la mention Le Minor, et celle de Parrez Kombrid, paroisse de Combrit.
La statue de Saint Pierre :
La chapelle continue à décliner le thème du monde marin et de ses liens avec la religion, et c'est ici la pêche qui est illustrée avec Saint Pierre, patron des pêcheurs. On le reconnaît à la clef, ici démesurée, mais aussi à son crâne où seul un "toupet" échappe à la calvitie.
Sainte Barbe :
Après la pêche, c'est la marine marchande et de guerre qui présente ici la sainte qui est leur patronne depuis l'avènement des machines à vapeur et de tout ce qui fait "boum".
Cette statue de 103 cm date du XVII-XIXe siècle :
Fixée à ses cotés, la maquette qui a été offerte en 1900 porte le nom de Sainte Marine ; elle est gréée d'une brigantine , et sa muraille montre 14 sabords. Je ne suis pas qualifié pour savoir s'il ne s'agit pas de faux sabords que les navires marchands peignaient pour faire croire qu'ils étaient armés.
Les sablières du XVIe siècle :
Sur la première deux anges présentent un "cuir" portant deux poissons, alors que la seconde fait alterner les coques de navire avec des sardines. Les navires sont très creux, avec une étrave arrondie,et un gouvernail d'étambot sur étambot à forte quête.
L'église paroissiale Saint-Tugdual offre des exemples de sablières comparables.
Un ange présente l'inscription a (ou n) Morvan lors fabriq attestant du rôle joué dans la réalisation de ces sablières par un fabrique ou fabricien du nom de Morvan.
Le nom de Morvan est parfaitement attesté au XVIe siècle à Combrit, avec par exemple Daniel Morvan 1585-1635 (Geneat-net)
Les ex-voto suspendus :
La Victoire
datée de la fin du XVIII-début du XIXe ; ce trois-mats carré est, si j'en crois les quatorze sabords qui percent la muraille, et à la fois le nom martial et féminin, une frégate du XIIIe dont les pièces tirent le boulet réglementaire de 18 livres, et dont plus de la moitié ont été dessinés par l'architecte naval Jacques Noël Sané. Si on examine avec quelle précision le gréement dormant et le gréement courant est réalisé, on réalise vite qu'on a affaire à une maquette exacte, l'oeuvre d'un marin.
Les frégates qui ont portée ce nom sont (parmi celles que j'ai retrouvées) :
Victoire, frégate de "8" de 26 canons, Levasseur, Dunkerke 1704-1743, 268 Tx
Victoire, frégate à une batterie et demie de 28 canons, 1757-naufrage en 1759 sous le nom d'HMS Tar-Tar-Prize.
Une frégate La Victoire est aussi attestée en 1830 à Toulon, capitaine Legoarant de Tromelin.
Cette maquette ne porte pas de nom.
Les cinq vitraux :
Cartons du père André Bouler, 1962. Réalisés en dalle de verre et plomb par l'atelier Juteau d'Ermont ( Mireille et Jacques Juteau, cf atelier Hermet-Juteau de Chartres, reprise de l'atelier Lorin).
Dimensions | Hauteur : 103 cm |
Datation | XVIIIe siècle - XIXe siècle |
Si Sainte-Marine est un port de pêche où saint Pierre est vénéré, c'est aussi un port d'armement au cabotage ; or, depuis l'avènement des machines à vapeur, la patronne des marins du commerce et de guerre est sainte Barbe. À côté, trois maquettes de navires de la fin du XIXeet du début du XXesiècle sont suspendues au mur en guise d'ex-voto.
Edifice de plan rectangulaire comportant une nef de trois travées avec un bas côté et une chapelle en aile au nord. Agrandi par les architectes H. Péron et A. Weisbein qui ont utilisés des pierres de la chapelle de Saint Riou, en ruine de Lanriec.
La chapelle de Sainte Marine fut élevée au XVI ème siècle en l’honneur d’un ermite irlandais, Saint Moran. Elle est dédiée aujourd’hui à Sainte Marine. On y voit des frises sculptées ou des barques, entourées de poissons, qui font une pêche miraculeuse. Le pardon de Sainte Marine a lieu le 2ème dimanche dDédiée au XVIe siècle à saint Moran puis, par altération, à sainte Maraine, et enfin à sainte Marine, la chapelle actuelle est due à la juxtaposition de deux édifices emboîtés. En 1962, les architectes H. Péron et A. Wesbein réutilisent des pierres provenant des ruines d'une autre chapelle pour agrandir celle-ci. La porte en arc brisé de la première chapelle s'ouvre sur une nef à trois travées avec un bas-côté. Les colonnettes sont du XVIe siècle. La seconde chapelle forme une aile sur le flanc nord de la première. Les arcs du transept ainsi formé sont en plein cintre, et la porte du pignon en anse de panier porte la date de 1863. La sacristie vient, elle aussi, se greffer à l'ensemble sur l'un des murs de la seconde chapelle. Elle a un épannelage d'angle, et ses ouvertures sont du XVIIIe siècle. Deux poissons sont gravés au-dessus de l'arc de la porte sud, qui est obturée.e juillet.
Cette chapelle en bordure de l’Odet, face à Bénodet et dont on ignore encore l’origine du nom (Ste Marine – St Meryn – St Morand ou encore bien d’autres appellations) recèle quatre maquettes ainsi qu’une magnifique bannnière.
Toutes les maquettes sont des trois-mâts carré.
La première maquette, « La Victoire », est datée entre la fin du 18 ème et le début du 19 ème siècle.
La deuxième maquette ne porte pas d’indication particulière.
La troisième maquette est de réalisation plus récente car une brigantine figure à l’arrière ; les indications à la proue nous apprennent qu’elle est dédié à Sainte-Marine et qu’elle a été créée ou offerte en 1900.
Enfin la quatrième de ces maquettes, avec brigantine également, le « Notre Dame de la Clarté », date vraisemblablement de la deuxième moitié du 19 ème siècle et est très certainement dédiée à Notre Dame de la Clarté, autre chapelle de Combrit portant ce nom.
Quant à la bannière de Sainte-Marine, elle représente la Sainte et est ornée d'un bateau de pêche du Guilvinec. Saint-Yves et Sant-Voran figurent également sur cette bannière datant de 1998.
Une statue de Sainte-Barbe, patronne des artificiers et des canonniers de Marine, trône également à l'intérieur de la chapelle.