L'église Notre-Dame d'Izel-Vor à La Forest-Fouesnant : Vierge de la Marée Basse et Vierge allaitante.
Notre-Dame de Kergornec ( fin XVIIe)
Itron Varia Izel-Vor (fin XVIIe)
Selon le panneau placé devant l'église à l'attention du touriste, Izel-Vor signifie Bras de mer, mais la traduction habituelle donne "basse mer". C'est celle que donne le dictionnaire breton-français de Le Gonidec : Basse mer, quand la mer s'est retirée, Izel-vôr, opposé à la pleine mer, ar môr vraz.
Il est assez inattendu de voir une Vierge consacrée à la marée basse, et malgré les évocations poètiques de cette étale, de cette pause de la mer qui soudain n'a plus d'erre et s'immobilise, fragment d'éternité enchassé dans la course des flots dont on peut comprendre qu'on l'élève à la dignité d'une divinité, on pense à une erreur, ou à une de ces anecdotes que recèle la toponymie. Mais je semble le seul à m'interroger sur ce qualificatif marial qui s'ajoute à la litanie des métaphores naturelles, astre du matin, étoile de la mer, céleste jardin, clair parvis du ciel, source d'allégresse, refuge des pécheurs, celui, à la Forest-Fouesnant, de Notre-Dame de la Basse-Mer.
Les bannières :
Bannière Itroun Varia Izel-Vor
avec la mention Souvenir de la Grande Guerre 1914-1918.
Bannière Itron Varia ar Penity
se réfère à la Vierge de la chapelle de Saint-Maudez ou du Penity.
Bannière de sainte Anne
avec une représentation de l'Éducation de la Vierge.
Bannière de Sainte Thérèse
Santez Thérèza ar mabik Jesus = Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.
Pieta (sculpteur Anthoine, 18e siècle):
Statue du Santik Du, le Petit Saint Noir :
Saint Egarec
Saint Jean-Baptiste
Saint Amand
Sainte Catherine
Saint Nicolas
Saint Diboan :
Saint Alain
Le tableau de l'institution du Rosaire (1684)
Lors de la création en 1680 de la Confrérie du Rosaire dans la paroisse, il fut offert par l'évêque de Quimper Monseigneur de Coëtlogon dont il porte les armes. On y voit la Vierge remettant le rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne, alors que le pape Pie V, le roi saint Louis assistent à la scène, en compagnie de Louis XIII qui consacra la France à la Vierge, d'Anne d'Autriche et du futur Louis XIV. En arrière plan la bataille de Lépante (1571).
Quinze médaillons sont consacrés au mystère du rosaire.
Comme me l'indique Alain Ménard, Géraldine Lavieille (Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes, Institut des Sciences de l’Homme de l'Université Jean Moulin Lyon 3) a consacré une étude approfondie à ce tableau. En voici le résumé :
Même dans le contexte des politiques de la gloire orchestrées par Louis XIV, le portrait du roi n’est pas toujours sous contrôle de l’État. L’exemple d’une peinture de confrérie du Rosaire bas-bretonne, figurant Louis XIV précédé de son ancêtre et patron saint Louis, permet d’analyser l’iconographie religieuse du roi comme une création collective. L’étude des archives paroissiales confrontées à la représentation dévoile un procédé de commande complexe auquel prirent part les Dominicains du couvent le plus proche, la fabrique encadrée par son recteur ainsi que l’évêque de Quimper. Ces deux autorités locales se firent d’ailleurs figurer sur la toile au sein de la hiérarchie ecclésiale et face au groupe royal. La peinture n’est pourtant pas une image de la chrétienté en dévotion, et les fidèles, écartés de la représentation mais assemblés devant l’autel, se voient intégrés à un ordre social, politique et religieux qui construit une société chrétienne idéale en harmonie avec le monde céleste ; le culte local, le respect des autorités ecclésiastiques et le loyalisme monarchique sont étroitement associés dans une même quête du salut. Ainsi, dans une province éloignée du pouvoir central, récemment révoltée puis réprimée, des cadres locaux et une partie des paroissiens ont mobilisé et adapté un langage symbolique qui soulignait leur fidélité et restaurait l’ordre général. Synthèse d’influences diverses, la peinture dévoile alors l’alliance entre un catholicisme réformé triomphant et le renforcement de l’autorité royale, tout en rappelant que toute manifestation de loyalisme monarchique n’est pas nécessairement le fruit de la propagande.
— LAVIEILLE (Géraldine) 2014, "Le Rosaire de La Forêt-Fouesnant (Basse-Bretagne) : jeux de pouvoir et création collective de l’image religieuse royale sous Louis XIV" in Revue d’histoire moderne et contemporaine 2014/2 (n° 61-2) Pages 89-119. ISBN : 9782701190136 Éditeur : Belin
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2014-2-page-89.htm
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