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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 21:15

             L'église de Saint-Thuriau :

               le vitrail du XVIe siècle.


 

 Verrière de la Passion et de la Résurrection.

Il s'agit de la baie 6, c'est-à-dire la sixième à partir du choeur, coté sud. Elle a été classée par les Monuments historiques en 1912, et ses éléments sont datés du troisième quart du XVIe siècle. Dans les autres baies, des verres de moindre intérêt ont été réalisé par l'atelier Bonneville, de Rieux en 1940.

  Un autre vitrail du XVIe siècle, coté nord (baie 5, classée MH 1939) conserve dans les deux panneaux supérieurs une Trinité souffrante à gauche, et une Annonciation à droite. Il a été restauré en 1955 par l'atelier Le Bihan puis en 1990 par Jean-Marie Baladi et Raymond Budet de Quintin.

 Il s'agit d'une baie de trois lancettes trilobées de 3,50m de haut, à quatre panneaux, et d'un tympan de neuf éléments. Elle est consacrée à la Passion. Cette baie 6 a été restaurée au XVIIe siècle (traces de restaurations anciennes) en 1904 par l'atelier Lux Fournier de Tours, puis en 1955 l'atelier Jean-Pierre Le Bihan de Quimper est intervenu à son tour (mais plutôt semble-t-il sur la baie 5 ?). Celui-ci en a donné une description exhaustive dans son blog en 2008, et a formulé, par un rapprochement avec les Passions de Saint-Nicaise en Saint-Nic (29), la chapelle de Sainte-Barbe et celle de Saint-Fiacre au Faoüet, que l'auteur de cette verrière ne soit autre que Laurent Le Sodec, maître-verrier de Quimper ou l'un des membres de cette famille d'artisan responsables de nombreux vitraux du Finistère. http://jeanpierrelebihan2.over-blog.com/article-20629229.html

 

 

 

              vitrail 7312c

 

I. Registre inférieur : 

Panneau A1 : Déploration

  Marie-Madeleine est à genoux au premier plan, coiffée d'un turban jaune ; son profil, peut-être altéré par une restauration maladroite, a perdu la grâce qu'on lui trouve sur le panneau C2. Elle a posé auprès d'elle le flacon de parfum. Les plis de son manteau rouge s'épandent comme de silencieux sanglots.

La tête du Christ, sans la couronne d'épine, est soutenue par Joseph d'Arimathie alors que Nicodème, au chapeau jaune qui signale son judaïsme, soutient les pieds.  Le drame de la mort, souligné par les ruptures d'axes du corps du Christ dont les bras, la tête, les jambes ou le tronc sont les parties désarticulées d'un sublime pantin, est encore accentué par les pièces de verre qui sont brisées comme par le fracas d'un chaos cosmique.

La Vierge est entourée de saint Jean et des saintes femmes, mais on voit saint Pierre, reconnaissable à son toupet, qui se hausse pour voir son maître.

Panneau B1 : Résurrection, Sortie du tombeau.

  La scène est classique : le ciel est rouge pour signifier la Passion, le manteau du Christ est rouge pour signifier la résurrection, c'est en Sauveur qu'apparaît celui qui a vaincu la mort, tenant la croix qui sera désormais son symbole. Les quatre soldats romains chargés de garder la tombe sont également habituels ; ce qui l'est moins, c'est le turban ou chapeau juif que porte le soldat endormi à gauche. 

  Jean-Pierre Le Bihan remarque que le carton est identique à celui de la Passion de l'église de Saint-Nic (29), que voici : on remarquera peut-être, autour de l'auréole du Christ, deux fleurs de lys qui, de fait, viennent remettre en cause mon idée d'une restauration maladroite du panneau A.

Église saint-Nicaise, St-Nic :

DSCN1084.JPG


Panneau C1 : Jésus aux portes de l'Enfer (ou "limbes").

     On comparera  avec le retable de la chapelle de La Houssaye, où le Christ se présentant face à la gueule béante des lieux infernaux accueille Adam et Éve, rédemptés.

 

retable-7246x.jpg


 Inscription en bas à droite : Restauré par la famille Le Dain. Lux Fournier peintre-verrier à Tours 1901.

  La famille Le Dain est installée sur la commune de longue date, puisque l'on retrouve une Isabelle Le Dain, St-Thuriau 1670-St-Thuriau 1720.

vitrail 7327c

 

II. Registre moyen :

Panneau A2 : Le Portement de croix. Inscription : Come il porta crois

  Si ces descriptions d'oeuvre d'art, ces "ekphrasis" ont un intérêt , c'est de révéler combien notre regard est partiel, orienté, et limité ; car là où je vois dans le personnage gauche, barbu, à la coiffure brune et au gilet vert débraillé sur un torse et un ventre vulgaire, un bourreau s'apprêtant à frapper le Christ d'un bâton qu'il lève de la main droite, Jean-Pierre Le Bihan a vu Simon de Cyrène aidant Jésus à porter sa croix. 

  Un autre détail est incongru : la fleur de lys qu'un restaurateur zélé  a placé sur le nimbe de la tête du Christ.

  Et puis ceci : devant Jésus, qui détourne les yeux et regarde vers l'arrière, un coquin maltraite le condamné en le tirant avec une corde. Or, si Jean-Pierre Le Bihan le décrit comme l'aidant aussi à porter sa croix, vêtu d'une chemise blanche et d'une culotte de même couleur, je le trouve pour ma part étrangement fessu pour un porteur de culotte ; les fesses sont si complaisamment et si inhabituellement musclées, dodues et fendues qu'elles relèvent de la sémiologie, du signe intentionnel et signifiant, de l'indice.

  Il faudrait reprendre l'ensemble des Portements de croix médiévales pour y chercher ce motif du Christ outragé par un bourreau qui impose la vue de son postérieur. Mais inutile d'aller si loin : sur le retable de La Houssaye, à quelques kilomètres, on trouve, sans aucune confusion possible, cette scène déculottée déjà représentée.

 

retable-7235x.jpg

Panneau B2 : Le Christ en croix. Inscription : Le crucifiement.

  L'élément notable, mais que l'on retrouve très fréquemment sur les vitraux, les calvaires  ou les retables de la Passion, c'est ce personnage qui tend l'index vers le haut . On lit parfois qu'il s'agit de Longin, ou bien du centenier converti qui s'écrit "Il était vraiment le Fils de Dieu !".

    La Légende dorée de Jacques de Voragine (15 mars Saint Longin) écrit ceci : " Longin fut le centurion qui, debout avec les soldats près de la croix, par l'ordre de Pilate, perça le coté du Sauveur avec une lance. En voyant les miracles qui s'opéraient, le soleil obscurci et le tremblement de terre, il crut en (le Christ) surtout depuis l'instant où, selon le dire de certains auteurs, ayant la vue obscurcie par maladie ou par vieillesse, il se frotta les yeux avec du sang de Notre-Seigneur, coulant le long de sa lance, car il vit plus clair tout aussitôt. Renonçant donc à l'état militaire, et instruit par les apôtres, il passa vingt-huit ans dans la vie monastique à Césarée de Cappadoce". 


Panneau C2 : Déposition .

  Nicodème descend de l'échelle, la paire de tenaille dont il s'est servi pour arracher les clous passée dans sa ceinture. Un linge pendu à la croix retient le corps sans vie.

Comme d'habitude, mais sans que l'habitude ne vienne en émousser l'effet, la présence de Marie-Madeleine au pied de la croix crée une intensité dramatique bouleversante, avec sa longue chevelure blonde dénouée qui n'exprime plus les passions érotiques qui dirigeaient sa conduite, mais le tumulte de sa déréliction. Elle tend désespérément son visage vers le ciel et vers son maître. Le vermillon de sa robe témoigne aussi de la violence passionnelle du drame qu'elle est en train de vivre. 

  Les amateurs de détails remarqueront le filet, la mince cordelette serpentine qui retient ( à peine) ses cheveux en les contournant.

  L'axe de son corps et du profil de son visage, orienté vers le haut et la gauche, vient croiser celui du regard et du profil de la Vierge, qui oppose la sagesse figée de son visage voilé et cerné d'une guimpe à l'élan révolté de Madeleine.

 

vitrail 7328c

 


III. Registre supérieur : 

 Panneau A3 : Arrestation de Jésus, Baiser de Judas. Inscription : prince..

  Pas de détail singulier dans cette représentation de l'arrestation de Jésus, du baiser de Judas et de la scène où saint Pierre coupe l'oreille du serviteur du Grand-prêtre.

Panneau B3 : Le Christ aux outrages. Inscription : Come il fut flagellé.

  Depuis le XVe siècle, ce moment de la Passion où le Christ est lié à une colonne et livré à des bourreaux est l'occasion d'une véritable bouffonnerie où les méchants, souvent jeunes et habillés en acrobates, se livrent à des pitreries cruelles et où une diversité de mouvements presque sportifs, une panoplie d'attitudes gestuelles de dérision et d'injures , de de grimaces  contrastent avec l'immobilité héroïque de la Victime. Peut-être les  Passions et Mystères médiévales avaient-elles favorisé, sur les tréteaux des places du village, le développement d'un jeu scénique semblable, où, selon la théorie de Mikhail Baktine sur le renversement carnavalesque des hiérarchies et des valeurs, un temps de défoulement  autorisait la prise de liberté par rapport au respect du à la personne du Christ. 

  L'un frappe Jésus d'un gourdin d'une main et lui donne un coup de poing dans la mâchoire, l'autre le châtie d'un "chat à neuf queues", le troisième semble se préparer à lui cracher au visage et un quatrième, qui resserre les liens, le frappe encore. Une jambe isolée envoie un solide coup-de-pied près de l'aine et un bras reste encore en suspens, à gauche.

  De tels coups de poings ou de pieds sont retrouvés dans d'autres exemples. 

Panneau C3 : Jésus devant Ponce Pilate. Inscription : Come il fut jugé.

      Jésus est présenté à Pilate, habillé selon la tradition médiévale en juif pour le faire figurer parmi les méchants. Six autres personnages sont rassemblés dans cette cohue, et l'artiste donne à chacun de ces complices du jugement un trait dévalorisant : cheveux roux, strabisme, nez crochu, visage disgracieux. 

vitrail 7329c

 


 Tympan :

  Il est composé  d'un soufflet, de quatre mouchettes et de quatre écoinçons. Le soufflet central renferme  le Christ du Jugement Dernier, assis les bras ouverts, vêtu d'un manteau rouge, auréolé d'un nimbe rouge. En dessous, les mouchettes contiennent des anges buccinateurs, soufflant dans des trompes pour annoncer le Jugement Dernier.

 Ces trompettes sont efficientes puisqu'elles font surgir de terre, dans les mouchettes inférieures, des hommes et des femmes à la chair rose, aux cheveux blonds ou plus ou moins clairs selon l'altération du jaune d'argent.

 Deux visages d'angelots s'encadrent dans les écoinçons inférieurs.

 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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