Visite de la chapelle de Rocamadour
et de l'église Saint-Rémy à Camaret.
Petite étude des inscriptions lapidaires
des églises de Camaret sur Mer : tildes et N rétrograde .
Qui ne connaît le port de Camaret ? Placé à l'abri d'un sillon de galet dont il tire son nom de Kam-eret, le sillon de galet (ero) courbe (kam), c'est une escale commode pour les navires qui remontent vers le Four ou pour ceux qui descendent vers le Raz. Ce fut un grand port de pêche du temps des langoustiers mauritaniens. Mais aujourd'hui, c'est aux secrets des pierres et aux détails des inscriptions que nous nous intéresserons, en pratiquant une déambulation rituelle autour de la chapelle de Rocamadour. Celle-ci est construite en belle pierre de Logonna dont les chaudes teintes blondes sont accentuées par le sombre microgranite de Kersanton.
Prenons du recul pour en voir la situation à coté de la Tour de Vauban, des cabanes passées au brai d'anciens charpentiers, et des vieux navires de pêche venus passer là leur retraite :
Un coup d'oeil à la Tour :
Et nous nous approchons de la chapelle par sa façade sud :
Le tour de la chapelle de Rocamadour :
On y remarque une porte dont l'entourage de kersantite doit dater de la chapelle de 1527:
Il y eut en effet plusieurs édifices ; le premier remonte à 1183 et était déjà dédié à N.D de Rocamadour. Le second est gothique et date de 1527 : la pierre qui mentionne sa fondation est celle à laquelle nous allons nous intéresser, mais elle a peut-être été détruite en 1597 lors de combats entre le gouverneur de Brest Rieux de Sourdéac et le brigand La Fontenelle.
La chapelle actuelle a été construite entre 1610 et 1683, et nous allons aussi examiner les inscriptions qui témoignent de cette construction. En 1694 lors de la bataille de Trez Rouz, un boulet des anglais aurait décapité le clocher, qui garde encore la mémoire tenace de cet affront.
En 1910, un incendie détruisit tout le mobilier et la charpente.
Aujourd'hui, à défaut de coq au sommet du clocher, le Syndicat d'Initiative rétribue des goélands qui viennent à tour de rôle remplacer le coq habituel :
Un détail est rarement souligné, c'est la présence, sur le pignon Ouest, des armoiries, martelées mais malgré tout déchiffrable, de la famille de Poulmic, qui porte échiqueté d'argent et de gueules. Bien-sûr les couleurs sont absentes, mais l'aspect en damier "échiqueté" est caractéristique, et n'avait pas échappé à A.H. Dizerbo dans son article sur Les armoiries de la Presqu'île de Crozon (Bull. Société Archéologique du Finistère 1990, vol.19 p. 193).
Visite de l'intérieur de la chapelle :
Avant de se préoccuper de paléographie à la petite semaine, faisons comme tout le monde, et entrons dans le sanctuaire admirer les ex-voto :
voir : Les Ex-voto et maquettes de procession de la chapelle Notre-Dame de Rocamadour à Camaret.
La Belle-Étoile CM 2705.
Le "Souvenir" : sans immatriculation, il ne correspond pas à un navire réel et son nom est une simple mention religieuse.
La Stella matutina.
Rouanez ar Rosera, Audierne.
Pour expliquer leur présence, il faut savoir que Notre-Dame de Rocamadour est très souvent invoquée par les marins face à un péril en mer, que l'église de Rocamadour dans le Lot contient également de nombreux ex-voto, et qu'un pèlerinage des gens de mer se rend chaque année en septembre pour gravir (à genoux pour les plus motivés) les célèbres 216 marches qui donnent accès au sanctuaire situé sur un à-pic vertigineux dominant de 150 mètres de canyon de l'Alzou.
En 2009, je grimpais moi-même le Grand Escalier de la Via Sancta pour atteindre le coeur du sanctuaire amadourien, la chapelle Notre-Dame, l'ancien ermitage détruit par un rocher en 1476. Dans la pénombre relative, je découvrais la Vierge noire, la Vierge miraculeuse entourée d'ex-voto et, suspendue à la voûte, un amas de plaques métalliques, la fameuse cloche que l'on entendait tinter lors des miracles, quand par exemple le navire dont l'équipage avait invoqué Notre-Dame avec ferveur venait d'échapper à un naufrage.
Mais, en face de l'autel, je voyais surtout, dominant de ses 185 cm de long la statue noire de 69 cm, la maquette pimpante d'un sloup langoustier camarétois, le Red Atao (Cours-toujours) CM 2082, et j'apprenais son histoire.
Red Atao à Rocamadour (Lot) en juillet 2009
Son auteur, Jacques-Patrice Bamberger, grand maquettiste et professeur à l'École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et Métiers d'Arts, avait mis en chantier ce voilier de pêche lorsqu'il fut victime, avec son épouse Françoise, d'un très grave accident dont il ne se rétablit, après un long coma, que par miracle, soutenu par une chaîne de prières. Il décida de reprendre sa maquette et alla la présenter le 3 septembre 2006 à Camaret lors du Pardon avant de l'offrir le 9 septembre à Notre-Dame de Rocamadour, dans le Lot.
Il existe aussi au Quebec une crypte construite en 1919 pour être dédiée à Notre-Dame de Rocamadour en la paroisse Saint-François d'Assise, et elle doit son existence à un miracle dont bénéficia l'équipage de Jacques Cartier : en proie au scorbut en février 1536 lors de leur hivernage au Canada, ils allèrent invoquer la madone en priant au pied d'un arbre où ils avaient fixé son image; peu de temps après, Cartier rencontre des amérindiens qui lui expliquent les vertus de la tisane de cédre blanc ou anédda, dont la consommation fit disparaître les symptomes scorbutique : c'est, comme le relate Jacques Cartier dans son journal de voyage, "un véritable et évident miracle".
En 2008, une maquette au 1/50è de La Grande Hermine fut réalisée par J.P. Bamberger et transportée par le Cassard, navire de la Marine Nationale, pour être offerte, de la part de l'Évêché de Rocamadour (France) à la paroisse canadienne avec une copie de la statue de la Vierge Noire, lors du 400ème anniversaire de Quebec. Mais la maquette et la statue du Quercy furent acheminés vers Brest, d'où appareillait la frégate Cassard, de port en port par étapes successives auxquelles participèrent de nombreux marins, dont les équipages de la SNSM.
Étude des inscriptions de la chapelle de Rocamadour.
Entrons maintenant dans le vif du sujet et étudions la pierre de kersantite qui a été scellée à gauche de l'entrée :
On déchiffre couramment (Wikipédia) l'inscription comme :
L'an 1527 fut fondée la chapelle Notre-Dame du roc,
et on considère que ce "roc" renvoie au terme utilisé par les Camarétois pour désigner l'endroit comme Roc-A-Ma-Dour, breton signifiant le roc au milieu des eaux. Le site fr.topic-topos.com écrit : "Notre-Dame-du-Roc peut-être le nom d'origine de la chapelle. Jusqu'au travaux de Vauban, au XVIIe siècle, celle-ci s'érige en effet au -dessus d'un promontoire rocheux isolé de la côte à chaque marée haute";.
Mon but n'est pas de discuter cette interprétation, mais de ne pas passer outre sans remarquer le système abréviatif médiéval, celui qui donne à l'interprétation sa part de mystère, et qui associe:
-l'omission (volontaire par abréviation ?) du second "l" du mot "chapelle". Cette orthographe est courante en ancien français (Froissard cité in Godefroy), mais l'est moins en moyen français.
- la lettre "e" du même mot fusionnée avec la lettre "p" ( "e dans le p")
- un tilde ˜ au dessus du -t- de "notre", pour signaler l'omission des lettres (ot) du mot.
- un e suscrit en final du mot da pour abréger dame (*)
- un e suscrit en final du mot fondée pour abréger -ée (**)
- la forme de la lettre "n" du mot "fondée", qui est graphiquement semblable au "u" de "fut" ( à comparer au "n" de "an"
- l'absence d'article après "notre-dame" là où on attendrait "du".
En somme, on lit littéralement Lan m Vc XXVII fut : foude la chapele nre dae roc
- enfin, un signe dont j'ignore le nom, mais dont la fonction manifeste est celle d'un séparateur de mot, situé entre le mot "fut" et le mot "fondée".
Ce signe est retrouvé avec la même fonction sur une pierre de kersantite à l'entrée du porche de l'Eglise Saint-Sauveur au Faou : elle a été sculptée en 1593, dans un style calligraphique gothique plus tardif, plus fin, exubérant, "flamboyant", mais ce signe séparateur de mot est retrouver, comme à Camaret, entre les mots "fut"; et "fondé", mais aussi entre les autres mots, avant d'être remplacé par le deux-points.
(L'an 1593 fut faite cette porche ?)
J'en conclue que ce signe est une forme élaborée du deux-points, où les deux points sont réunis par une accolade barrée.
L'histoire du deux-points est passionnante : je renvoie à :http://www.lexpress.fr/culture/deux-points-et-guillemets-le-proces-verbal_779087.html
Si nous continuons à observer les inscriptions de l'extérieur de la chapelle, nous trouvons, aux deux angles de la façade nord, deux prénoms gravés : LOUIS à l'est, LEON à l'ouest ; je les considère comme des graffitis anciens (début XIXe ?).
Il faut lever les yeux pour découvrir, à la base du clocher, les inscriptions qui rythment l'édification de la chapelle de 1610-1683 :
L'inscription lapidaire supérieure comporte son lot d'abréviations et de mystères. On la déchiffre comme indiquant les noms du recteur, Alain Keraudren, inscrit dans les archives comme recteur de 1671 à 1713, du curé (c'est-à-dire le vicaire) I Daniel, et du fabricien, Y (?) Palud, tous en fonction en 1683. Le Mre initial est est celui de Messire.
Soit : Messire A(lain) Keraudren : Recteur, I : Daniel Curé 1688 I : Palud : F (abricien)
Je rappelle que les paroisses bretonnes sont dirigées par un recteur (du latin recta, "droit") et non par un curé. Je rappelle aussi qu'à la fin du Moyen-Âge et à la Renaissance, la paroisse est gérée pour ce qui concerne sa "fabrique", c'est-à-dire l'ensemble des biens qu'elle possède (les fonds et revenus affectés à l'entretien, l'argenterie,, les luminaires, les ornements) par un ou plusieurs fabriciens. Le fabricien est choisi parmi les notables ou les personnes les plus recommandables et les plus fiables, c'est une charge et un honneur qui fait de son titulaire un personnage très important , et sans-doute le maître d'oeuvre de la construction d'une église.
En dessous (et donc avant), on trouve l'inscription 1657, et celle, à demi effacée où j'ai cru déchiffrer N LE NESC, FAB(ricien).
On remarque :
- l'abréviation en deux signes (v e ?) après la première lettre M : est-ce celle de Messire ?
- l'usage du deux-points comme signe séparateur.
- la curieuse abréviation de A.KERAUDREN avec un K dans l'A.
- la lettre V à la place de notre U, très commune en épigraphie.
- l'inversion systématique de la lettre N en ce qu'il convient de nommer un N rétrograde, tracée comme on l'écrirait dans une écriture de la droite vers la gauche. J'y reviendrai.
Il nous reste à pénétrer dans la chapelle où deux autres inscriptions nous attendent, l'une entre les deux premières travées du mur nord( 1647), l'autre entre les deux premières travées du mur sud (1648):
Celle de 1647 se lit comme M:JO:KAV:R, soit Messire Joseph Keraudren, Recteur, conforme aux archives mentionnant ce recteur de Camaret entre 1640 et 1649.
En dessous on lit HE.TORREC.F, correspondant à Hervé Torrec, Fabricien 1647.
En dessus de 1648 on lit sur une pierre en trois fragments HERVE TORREC F, qui désigne le même personnage.
La famille Torrec est une famille de fabriciens bien connue à Camaret. Le patronyme signifie en breton "ventru, pansu". Après cet Hervé Torrec, c'est la famille Torrec de Basse-Maison qui joua un rôle important dans la paroisse de Camaret. De cette famille de négociants, armateurs et propriétaires de biens sur Camaret ou Crozon, on connaît Jean Torrec de Basse-Maison fut collecteur d'impôt en 1710 ; son fils Joseph (1694-1775) est celui qui fit construire en 1630 deux maisons qui existent encore au 43 rue de Dixmude et au 11 rue de Reims. Il est signalé comme bienfaiteur de l'église de St Rémi.
Ils contrôlaient tout ou partie de la filière de la pêche à la sardine, disposant d'entrepôts de rogue et de presses à sardines. Tout le quartier du Notic à Camaret était encore consacré, au XIXè siècle, à ce commerce et sur 80 maisons, 66 disposaient de magasins consacrés à cette pêche et au négoce, générant tant de résidus d'huile, d'écailles et de déchets qu'il fallut paver les rues, certainement en pavé de l'île Longue.
Dans les rues de Camaret :
Je me rends donc rue Dixmude pour voir cette maison :
La plaque murale porte une croix avec l'inscription IN HOC SIGNO VINCES, Sous ce signe tu vaincs. On sait qu'il s'agit de la devise de Constantin Ier, qui a choisi la phrase grecque « εν τούτῳ νίκα » après avoir une vision du chrisme (☧) dans le ciel un peu avant la bataille du pont Milvius de 312.
Il faut imaginer qu'au XVII et XVIIIè siècle la rue de Reims ou la rue de Dixmude se trouvaient en front de mer ; les patron de pêche construisaient leur maison avec un entrepot et des magasins au rez de chaussée (la tablette se voit encore parfois où on disposait le poisson à vendre), d'autres créaient au dessus une ouverture vers un local où étaient saisis les agrés et les avirons, les filets séchaient accrochés aux murs par des crochets, parfois les bateaux pouvaient accoster directement contre un escalier dont le plus haut degré correspondait aux marées d'équinoxe. Je parcoure donc le quartier à la recherche de ces témoignages parmi les rues jadis juste assez larges pour faire rouler les fûts de rogue:
Ici, la pierre taillée mentionne : 1691 .
Les N rétrogrades de la chapelle de Rocamadour :
Ce n'est pas que sur le clocher de la chapelle de Camaret que la lettre N des inscriptions est inversée en sa lettre rétrograde, et des curieux d'ésotérisme en ont retrouvé de nombreux exemples, sur les titulus Crucis pour l'inscription INRI, ou sur des lames de tarot (le Pendu et la Roue de la Fortune) ou dans beaucoup d'inscriptions. L'interrogation d'un moteur de recherche en signale la constatation sur un cachet d'oculiste galloromain, sur la légende ANS d'une pièce, sur les estampilles de potiers belges ou de Champagne ("quelques lettres sont inscrites de manière rétrograde, en particulier les lettres N et S "), sur la marque de potier AMIN d'une céramique sigillée hispanique de Belo, sur la marque de potier gallo-romain VICANUS FE à Saint Bonnet, sur une autre poterie antique signalée par Théophile Apert, sur des amphores gallo-romaines, ... On remarque :
-la fréquence de ce N sinistroverse chez les potiers.
- Le caractère néanmoins rare et remarquable, car toujours signalé par les paléographes
- la possibilité de plusieurs inscriptions "correctes" du même mot accompagnant une inscription à N rétrograde.
- De même, si j'examine l'oeuvre d'Antoniello de Messine (1430-1479), je découvre un N rétrograde dans l'inscription INRI qui figure au dessous de l'Ecce Homo de Nex York ( Collection privée, catalogue exposition 2006 à Rome au Quirinale, p. 139). Mais sur ses crucifixions, le Titulus Crucis porte l'inscription INRI avec un N orthodoxe ! ( Crucifixion, Musée National Brukenthal, Sibiu, Roumanie ; Crucifixion avec la Vierge éplorée et Saint Jean, National Gallery, Londres ; Crucifixion entre les larrons d'Anvers ).
Il est curieux de constater que cette inversion concerne seulement, ou essentiellement la lettre N, la même lettre qui fait l'objet d'une omission scripturale par le moyen du titulus. Y aurait-il eu une croyance en un pouvoir maléfique de la lettre N , telle qu'on refuse de la voir figurer sur des batiments religieux? C'est ridicule, certes, mais pas d'avantage que la superstition des marins qui évitent le mot "lapin" à bord d'un navire, superstition aux effets bien réels.
La croyance dans le symbolisme des lettres de l'alphabet a toujours été active, si bien que St Augustin a cru bon de la dénoncer. Je peux relever certains éléments, mais je n'ai pas retrouvé d'argument franc pour soutenir la thèse d'une suspicion médiévale à l'égard de la lettre N.
• L'origine reconnue de notre lettre N est le hiéroglyphe égyptien à forme de serpent, et il serait facile de penser que, dés lors, la lettre a pu être considérée comme liée au serpent satanique qui séduisit Eve, et donc assimilée au Péché. De ce hiéroglyphe dérive le num phénicien, le nu grec, 13ème lettre de l'alphabet grec, puis le N étrusque, et enfin le N latin, 14ème lettre d'un alphabet de 26 lettres. Le N est, avec le M qui est treizième, les deux lettres médianes, et il se forme ainsi un couple M/N sur lequel on peut épiloguer en y voyant l'antagonisme AIME/HAINE.
• Ce qui est certain, c'est le pouvoir sacré des lettres de l'alphabet, qui sont considérées comme étant d'inspiration divine (dans toutes les religions il y a un dieu qui donne à l'humanité l'écriture, c'est Thot chez les égyptiens, Hermes/Hermes trigémiste chez les grecs). Lors de la dédicace des églises catholiques, on trace avec de la cendre une grande croix en diagonale sur le sol et l'évêque y trace de son bâton pastoral les lettres de l'alphabet sur une branche de la croix, puis un deuxième sur l'autre branche. On ne peut manquer d'observer que ces branches se croisent sur les lettres M et N.
Néanmoins, l'absence de cette particularité dans les psautiers et manuscrits monastiques que j'ai consultés est un argument important contre une utilisation apotropaïque du N rétrograde et contre une valeur pécamineuse du N, et mon opinion provisoire est d'y voir un mode d'écriture propre à une corporation (les tailleurs de pierre, cf les potiers) sans but ésotérique, et sans que cela ait été demandé par les commanditaires.
Cela reste une curiosité toujours amusante à détecter.
Un autre N rétrograde Place Saint Rémi :
En cherchant, je finis par découvrir devant l'église Saint-Rémi une belle maison, que je pris d'abord pour l'ancien presbytère (mais celui-ci se trouvait à gauche de l'église). Une carte-postale très connue la représente en 1901-1906, qualifiée de "la maison aux glycines" avec, juste devant elle, un langoustier en construction sur la place de l'église. C'est le chantier naval Pierre Boënnec, qui devait conduire les navires qu'il construisait, sur un chariot, à travers les rues, jusqu'à la place Saint-Thomas puis la rue des Langoustiers avant d'atteindre le port. Pour cette raison, il revend en 1913 ce terrain et achète l'ancien chantier de Michel Provost au Styvel, qui dispose d'une cale de lancement.
Elle porte l'inscription suivante qui offre deux beaux N rétrogrades:
Je déchiffre cela difficilement : A.TEPHANI L.K(er) DRU.LAN 1670, si je considère que l'avant-dernier chiffre est un 7 rétrograde. ou 1650 sinon.
L'anthroponyme Téphany est courant à Camaret. L'annuaire en mentionne 17 sur la commune, on en dénombrerait 64 en Finistère, 45 en Ille-et-Vilaine, 55 dans le Nord. C'est, avec les Drévillon et les Cornec, l'un des noms les plus fréquents de pêcheurs camarétois de jadis, et on peut citer :
"Noble-homme Jean Tephany, du port de Camaret, cy-devant bienfaiteur de la sus-dite église, qui a fait offre de payer de nouveau tout le maçonnage de la sacristie du coté de Midy et de payer un reconnaissance de cinq sols par an, à la Saint-Michel, moyennant qu'on lui accorde une place de cinq pieds en quarré, en bas et à l'entrée de la chapelle du Nort de la sus-dite église, et étant présent a accépté, s'y est obligé et a signé" (délibération du 26 août 1740, in Notice sur Camaret du BDHA de 1904)
- François Téphany, Maître-voilier à Camaret nè le 18 novembre 1791,
- Bertrand Téphany, procureur et ancien procureur térrien de la paroisse (Arch. départ. Finist. séries A et B, 1889)
- François Téphany, patron de pêche,
- le chanoine François-Auguste Téphany (1857-?)
- le chanoine et doyen de Chapître de Quimper Joseph-Marie Téphany, auteur de Camaret-sur-Mer, courte notice, 1902 et de Camaret-sur-Mer, le registre Communal pendant la révolution, 1906.
- Jean Téphany, matelot, bléssé le 26 octobre 1917, cité au J.O,
- Louis-Auguste Téphany, qui a donné son nom au Quai Téphany actuel.
Mais je n'ai pas retrouvé de A. Téphany ou Téphani en 1620, 1650 ou 1670.
Il reste à élucider les lettres L K DRV qui peuvent être comprises comme L(ouis) KERDRU ; mais mes recherches n'ont pas abouti.
La date de 1670 étant proche de celle de la chapelle de Rocamadour (1683), on peut imaginer que c'est le même sculpteur qui est responsable des deux inscriptions, dont le style est proche..
Visite de l'Église Saint Rémi à Camaret :
Puisque mon flair m'a guidé Place Saint-Remi devant l'Église, je me dois d'y pénétrer : J'y découvre les vitraux racontant le valeureux combat de Trez Rouz, où les anglais ont été boutés hors de la Rade :
Ils ont été conçu par Eugène dit Jim Sévellec (1897-1971), peintre de la Marine, Faïencier pour Henriot, dont on peut penser qu'il aurait préféré que le buffet d'orgues soit placé ailleurs.
Toute la décoration est résolument marine :
La décoration est tellement dédiée à la pêche et aux marins qu'en admirant un ange musicien, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'un marin avec son bonnet à pompon :
Mais je ne suis pas au bout de mes surprises, puisque je découvre une statue d'un vieux
pêcheur de homard :
C'est Saint Riok, le saint ermite local, qui vécût en ermitage pendant 41 ans dans une grotte située...lisons plutôt, car l'occasion ne nous en est pas donnée tous les jours, Albert le Grand : Quoi, Albertus Magnus, l'évêque de Ratisbonne, le dominicain dont l'opera omnia rivalise avec celle d'Aristote ? Non, mais le frère Albert le Grand de Morlaix, profès du couvent de Rennes, dominicain du XVIè siècle dont la Vie des saints de la Bretagne-Occidentale est parue, à Brest et à Paris, en 1837 :
" Vie de Saint Riok, anachorète et confesseur, le 12 février:
[...]
Il était lors agé de 15 ou 16 ans ou environ, et ayant vendu tout ce dont il pouvait disposer en donnant l'argent aux pauvres. Il choisit pour sa retraite un rocher dans la mer à la côte de Cornouailles, vers l'embouchure de la Baye ou Golfe de Brest, au rivage de la paroisse de Kamelet, lieu entiérement désert et écarté, ceint de la mer en toute part, fort en basse marée qu'on en peut sortir et venir en terre ferme.
VII. Il entra en cette affreuse solitude en l'an de salut 352 et y demeura 41 ans, tout le temps que Conan Meriadek conquit et subjuga les Armoriques jusqu'au régne du roi Grallon, lequel donna le gouvernement du comté du Léon à Fragan. Iceluy étant venu résider en son gouvernement amena son fils Saint Guénolé, lequel ayant entendu parler de l'Hermite Saint Riok l'alla voir en sa grotte et l'ayant salué appris de lui qu'il y avait quarante et un ans qu'il faisait pénitence en ce lieu, se soutenant d'herbes et de petits poissons qu'il prenait sur le sable en son rocher, son origine et extraction, et toutes les autres particularités de sa vie, quend il monta sur ce rocher, il était vêtu d'une simple soutane,laquelle étant usée par longueur de temps, Dieu lui couvrit le corps d'une certaine mousse roussâtre, laquelle le garantissait de l'injure du temps.
VIII. Saint Guénolé ayant ouï le récit de ces merveilles, fut tout étonné, et en rendit grâce à Dieu; et voyant Saint Riok vieil et cassé d'austérités et macérations, il le pria de venir avec lui en son monastère de Land Tévennec, à quoi il s'accorda. Saint Guénolé lui donna l'habit de son ordre, et chose bien remarquable que sa peau fut trouvée aussi blanche et nette que si elle eut toujours été couverte de fin lin et de soie" .
Pour finir, une image prise à l'intérieur de la chapelle Notre Dame du Roc de cette Pierre de Logonna, cette microdiorite du Roz dont les cernes subconcentriques se révèlent, ici plus encore qu'ailleurs, comme une figuration ondoyante des mouvements de la mer bretonne.
Liens :
Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, Notice sur la paroisse de Camaret, Bulletin de la commission diocésaine d'Histoire et d'Archéologie de Quimper, 4ème année, 1904, pp.282-297.
Notice plus récente(après 1984) sur Catholique-quimper.cef
www.crozon-bretagne.com, chapelle de Rocamadour
www.crozon-bretagne.com, église Saint-Rémi.