Jeu de piste épigraphique à Roscanvel : son église et ses cloches, sa fontaine, ses manoirs et demeures.
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À Arlette Cadalbert, amoureuse des mots du français et du breton, infatigable choriste, dont les cendres reposent désormais au cimetière de Roscanvel, face à la mer.
Voir aussi :
- Les vitraux de Roscanvel (A. Labouret 1950/ MVR 2007).
- Une promenade littéraire sur les traces de Saint-Pol-Roux : Camaret et Roscanvel.
- Nymphalis polychloros : le Grand Renard sur l'île Renard (Roscanvel)
- 125 articles de mon blog sur le patrimoine de la Presqu'île de Crozon.
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La recherche des inscriptions lapidaires du XVIIe et XVIIIe siècle sur la commune de Roscanvel est un jeu tout aussi passionnant que fructueux. Ce parcours de découverte va vous inciter à sillonner la campagne et le bourg et à pousser des Ah Ah Ah de satisfaction à chaque heureuse surprise. Le point de départ, telle une épingle sur une carte, sera le clocher de l'église et son inscription qui saute aux yeux : une piste bleue, pour débuter.
Et chaque relevé épigraphique vous offrira, en bonus, des œuvres d'art périphériques.
Ce sera notre Chasse au Snark à nous : farouche, opiniâtre, et palpitante ; et nous poursuivrons la mythique Pierre Gravée with forks and hope ; et with smiles and soap.
They sought it with thimbles,
They sought it with care;
They pursued it with forks and hope ;
They threatened its life with a railway-share ;
They charmed it with smiles and sloap. (Lewis Caroll, 1876, The hunting of the Snark ).
Pour vous aider, la Notice de Couffon indique :
"Le clocher à une seule galerie est posé sur le pignon ouest ; sous la balustrade du clocher, inscription : " V. ET. D. M. I. HARVEL. RTR/M. R. STEPHAN CVRE/1686 ", écussons des Poulmic-Goulaine et des Le Gentil de Quélern, ainsi qu'un cartouche où on lit : " IEAN. PENFRAT. IEAN. PALUD. LAN : 1651." Cloche fondue à Brest et datée 1781, " DU TEMPS DE MESSIRE JAFFRE PRIEUR ET RECTEUR DE ROSCANVEL . Près de l'église, fontaine : statue mutilée de saint Yves, date de 1666 et, à l'intérieur, inscription : " MESIRE TEFANI LVCAS CVRE ET MESIR CLAVDA MOCAER. RR. "
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Menu épigraphique à rechercher :
1. Face sud du clocher : "Vénérable et discret H. Harvel, recteur, M. R. Stéphan, curé, 1686".
2. fronton du porche ouest : "Jean Penfrat et Jean Palut fabriques l'an 1651"
3. contrefort du porche ouest : PS LAN / RE : HARV[EL] / : HERIAN
4. Héraldique : armoiries des Poulmic-Goulaine et dragon volant des Gentil de Quélern.
5. Cloche : "J'ai été faite du temps de Messire Jaffré prieur-recteur de Roscanvel [-] le sieur Pierre Allain commissaire Parein et Mareine [-] Marie Catherine Fraboulet ---sa sœur --- de la marine et de / François Salaun Marguillier. Faite à Brest l'an 1781."
6. Pierre tombale à gauche : CI GIT HERVE CARN : MORT LE : 27 JANVIER 1750 AGE DE 77 ANS R[EQUIESCAT] : IN PACE AMEN.
7. Pierre tombale à à droite de l'entrée : CI GIST LES CORPS DE CATHERINE ET ETIENNETTE PEROT DECEDEE LE 27 JANVIER 1801 AGEE DE 59 ANS ET DE GUILLAUME FRANÇOIS JAOUEN GARDE DU GENIE A QUELERNE DECEDE LE 27 FEVRIER 1812 AGE DE 71 ANS PRIEZ POUR LE REPOS DE LEURS ♥ ÂMES
8 . Dates à découvrir : 1672. 1767.
9. Fontaine : 1666. MESIRE TEFANI LVCAS CVRE / MESIR CLAVDA MOCAER. RP.
10. Fontaine. Statue de saint Yves (fontaine) : 1690.
11. Manoir de Lodoën : H. HARVEL ET M. GUEGUENIAT SA FAMME 1617 et H. HARVEL A FAICT CESTE P. LAN 1622
12. Maisons du bourg : M:P: PALUT 1611 et C. TANIOV 1618.
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1°) LE CLOCHER DE L'ÉGLISE, 1686.
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À l'exception du clocher (qui porte les dates de 1651 et 1686), l'édifice datait des XVIIIe et XIXe siècle et comportait une nef de cinq travées avec bas-cotés, terminée par un chœur à chevet polygonal ; mais il a été détruit (hormis les murs, les vitraux et le clocher) par un incendie dans la nuit du 2 au 3 septembre 1956. L'édifice a été restauré en 1957 sur les plans de l'architecte Philippe, qui a supprimé les bas-côtés, les piliers, les arcades et remodelant entièrement l'intérieur du bâti, la toiture étant soutenue par des arcs en béton.
L'église est aujourd'hui à plan allongé avec une nef unique et un chevet en cul de four. Le gros-oeuvre est en moellon de grès et de schiste d'extraction locale, l'intérieur est récent sous une charpente lambrissée, et l'ensemble n'avait pas attiré mon attention, hormis les vitraux de Labouret bien-entendu. Seul un éminent géologue comme Louis Chauris sait s'extasier devant le polylithisme polychrome de l'édifice et en décrire le microgranite beige clair de Trébéron ou de l'Île des Morts voisine, voisinant avec le calcaire bleu-gris — d'age dévonien— aux veinules de calcite blanche, provenant d'un affleurement proche du bourg, et avec quelques moellons de quartzites de Plougastel, parcourus de veines de quartz blanchâtre.
Mais un soleil d'une matinée de février m'a fait découvrir, en lumière oblique, la belle inscription du clocher et sa date de 1686 ! Finalement, un jeu de piste passionnant m'attendait.
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LE CLOCHER : SON ÉPIGRAPHIE , SES ÉVANGÉLISTES, SES CLOCHES.
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Contrastant avec le gros-œuvre, l'élévation ouest de l'édifice, de la tour et du clocher sont en pierre de taille alternant microdiorite quartzique (la belle et blonde pierre de Logonna ), kersantite (le kersanton dans son faciès noir et fin) provenant chacun du fond de la rade de Brest, et et plus rarement granite blanchâtre de Tréganna ou "pierre de Bertheaume" provenant des rives méridionales du Léon et granite blanc et rose de l'Aber-Ildut. Le pignon ouest fait remarquer son escalier aménagé dans l'épaisseur du mur pour accéder à la tour .
La chambre des cloches est coiffée une flèche polygonale à gâbles, aux arêtes édentée par des crochets, et cantonnée de quatre pinacles. Sa base est délimitée par une balustrade.
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C'est sous la balustrade , sur la face sud de l'amorce de tour, que l'inscription de 1686 me fait les yeux doux : une scène de balcon, comme celle de Juliette et de Roméo.
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1°) L'inscription de 1686.
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Je vérifie le relevé de Couffon : je propose de lire plutôt HHARVEL (deux H conjoints) ; par ailleurs, le chronogramme est inscrit sur un bloc de pierre différent du premier, tout en restant dans le même matériau, qui est, I presume, de la pierre de Logonna.
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V. ET. D. M. HHARVEL. RTR/M. R. STEPHAN CVRE/1686
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Je propose la leçon "Vénérable et discret H. Harvel, recteur, M. R. Stéphan, curé, 1686". Cette lecture du mot "recteur"ne semble pas avoir de précédent, mais elle incite à rechercher le noms des recteurs de Roscanvel. Peut-être retrouverait-on ce recteur sur les actes de baptêmes ?
De toute façon, la famille Harvel est bien connue à Roscanvel, pour avoir fait construire le manoir de Lodoën (à 1,7 km au sud-ouest de l'église) en 1617 pour Henri Harvel et sa femme M. Guegueniat. Eh, silence, c'est notre prochaine étape !
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Donc : en 1686, les commanditaires des travaux n'ont pas été la fabrique mais le recteur et son curé, et ces deux derniers sont issus de familles de la paroisse : non pas des familles nobles, mais issues de la bourgeoisie.
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L'inscription est en lettres majuscules droites, en réserve , sans cartouche, avec une séparation des mots à base de point unique. Les U sont encore en V ; les lettres sont sobres, la seule fioriture venant des deux A à traverse en V. L'inscription est très bien conservée, peu érodée.
On ne manquera pas de remarquer le beau N rétrograde de STEPHAN.
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LES QUATRE ÉVANGÉLISTES CANTONNANT LA BALUSTRADE.
Ils n'ont ni la fonction de gargouilles, ni celle d'amortissement des crossettes, mais seulement d'ornementation allégorique plaçant la voix des cloches dans sa fonction de rappel de la voix de Dieu.
Ils sont en pierre de kersanton, et ils représentent les quatre évangélistes Matthieu, Marc, Luc et Jean assis face à leur pupitre respectif, la plume (plutôt le calame) à la main. Ce motif est très courant, notamment dans le Finistère où Roland Doré, virtuose de la taille du kersanton, en a donné un bel exemple à Saint-Thégonnec en 1625. Avant lui, le Maître de Guimiliau en avait sculpté quatre pour les contreforts de l'église du même nom. On les retrouve sur le Grand Calvaire de Plougastel vers 1602-1604 par le Maître éponyme qui en plaça aussi au calvaire de Guipronvel. On les avait déjà à Landivisiau sous le ciseau des frères Prigent.
Dans l'aventure des ateliers de sculpteurs sur pierre de Basse-Bretagne qui a débuté en 1423 au Folgoët, il faudrait chercher leur attribution parmi les ateliers les plus tardifs comme celui de Julien Ozanne (1650) ou de Jean Le Bescont (1664-1682), mais le talent et les compétences d'Emmanuelle Le Seach, qui en dressa le catalogue, nous manquent.
D'habitude, ils sont identifiables par leur attribut issu de Tétramorphe, mais il manque ici. par contre, quatre figures, animale ou humaine, sont sculptés dans la corniche (en microdiorite) juste à leur pied. J'ai souhaité y reconnaître un taureau (Luc), puis un aigle (Jean), puis un lion ailé (Marc), puis un ange (Matthieu).
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Saint Luc et son Taureau ailé.
Il est assis devant un pupitre (une cuve entre deux pieds en S) où son livre est posé. Il est vêtu d'une cape serrée sous le cou par un fermail rond, et qui laisse les pans s' envoler de chaque coté. Sa barbe est sculpté comme un colombin de potier autour du menton. Sa bouche est courte, fine et convexe. Le nez est droit. Les pupilles des yeux sont comme des billes creuses (comme le faisait Roland Doré). Les cheveux font deux révérences bouclées sur les épaules.
Le plus curieux est la coiffure, en barrette à quatre cornes.
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Saint Jean et son aigle.
La description est assez identique à celle du précédent, mais il n'est pas barbu, il a la tête nue, et sa main gauche est posée sur sa poitrine.
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Saint Jean, son aigle... et sa mésange bleue.
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3. Saint Marc et son lion ailé.
Mêmes caractéristiques que saint Luc (barbu, coiffé d'une barrette, pupilles creusées, etc) il est en train d'écrire.
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4°) Saint Matthieu et l'Homme.
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Les visages sculptés sur le clocher.
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LA FAÇADE OCCIDENTALE.
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Couffon signale les écussons des Poulmic-Goulaine et des Le Gentil de Quélern. Cela correspond-il à ces blocs de kersanton très érodés ?
1°) L'écusson parti au I de Goulaine, au II de Poulmic.
Poulmic : échiqueté d'argent et de gueules.
Goulaine : Mi parti d'Angleterre et de France (mi-parti de gueules à trois léopards d'or passant l'un sur l'autre et d’azur à trois fleurs de lys d'or.
Malgré l'érosion, nous devinons encore la couronne au dessus de l'écu, et les deux moitiés différentes (Poulmic à droite avec ses carrés).
Ces armoiries se retrouvent aussi sur l'église de Telgruc et sur la chapelle Rocamadour de Camaret : c'est le blason d'
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Rappel par le chevalier de Fréminville : "Anne du Chastel , dame héritière de Poulmic , transporte ce fief par mariage à Vincent de Plœuc, seigneur du Tymeur. Anne de Plœuc , héritière de Poulmic , transporte par mariage ce fief à Jean de Goulaine , baron du Faouet. Claude de Goulaine , dame héritière de Poulmic, (5 juin 1593 à Rennes, Rennes 22 décembre 1649) transporte ce fief par mariage à Jehan du Ham, président au Parlement de Bretagne. Joseph-Marie du Ham, seigneur de Poulmic, épouse N. de Coëtlagon, dame de Vauluisant."
L'écu de l'église de Telgruc, mieux conservé, nous aidera à reconnaître les formes effacées de celui de Roscanvel :
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2°) L'écusson de Gentil de Quélern, d'azur au dragon volant d'or.
Il est placé au dessus des armoiries précédentes, témoignant de la prééminence de cette famille dans cette église. La famille possédait le manoir de Quélern.
Il faut un peu d'imagination pour reconnaître dans les formes érodées celle d'un dragon ailé.
https://fr.wikisource.org/wiki/Nobiliaire_et_armorial_de_Bretagne/G
Gentil (le),_sr de Barvédet, par. de Ploëven, — du Pontlez et de Kercaradec, par. de Quéménévon, — de Coëtninon, par. de Plomodiern, — de Kerléven, par. de Ouimerc’h, — de Rosmorduc, par. de Logonna, -- de Penanvern, — de Quélern, par. de Crozon, — des Rochers, — de Pencran, — de Kerougant. — du Tromeur, — de la Barbinais et marquis de Paroy, en Brie en 1754.
Ane ext., réf. 1668, huit gén., et maint, par les commissaires en 1699 ; réf. et montres de 1426 à 1536, par. de Ploëven-Porzay, Quéméneven et Plomodiern, év. de Cornouaille.
D’azur au serpent volant d’or. Devise : Spargit undèquague venenum et Suis nititur alis.
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/ancien-manoir/6bdcae57-7e69-47e8-926b-78f8a98d5c64
Un peu à l’écart du bourg de Quélern et non loin des fameuses fortifications érigées par Vauban, se dressent encore, face aux îles Trébéron et des Morts, les vestiges du manoir de Quélern (Kerlern en breton), ancien logis seigneurial de la paroisse .
Le bâtiment d’origine est en partie ruiné ; il subsiste une forte tour carrée en gros moellons et un corps de logis qui a fait l’objet d’une restauration récente ; des dépendances, un petit pavillon en bordure d’un ancien chemin et de vieux murs couverts de lierre complètent le tableau .
Possession de la famille Goulhezre (armes : d’or au chevron d’azur accompagné de trois trèfles de gueules) puis par alliance de la famille Le Gentil de Quélern (armes : d’azur au dragon volant d’or), branche cadette de la famille Le Gentil de Rosmorduc, famille d’antique noblesse et puissamment établie en Léon et en Cornouaille, le manoir de Quélern appartenait au XVIIIème siècle au maréchal de camp Emmanuel-Jean l’Evangéliste Le Gentil, baron de Quélern (1773-1843), officier général du Génie et conseiller général du Finistère .
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3°) L'ange de kersanton.
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L'inscription de 1651 du fronton :
Couffon l'avait relevé comme " IEAN. PENFRAT. IEAN. PALUD. LAN : 1651.". Mais il faut lire :
IEAN : PENF / RAT : E : IEAN / PALVT : FABR / IQVES : LAN : 1651
soit : "Jean Penfrat et Jean Palut fabriques l'an 1651".
Notez les trois N rétrogrades et la lettre Q écrite comme un P rétrograde. On s'interroge depuis longtemps sur cette inversion de la lettre N, dans laquelle on a pu voir le manque d'instruction des graveurs et tailleurs de pierre, ou des messages ésotériques. Je pense plutôt (après en avoir examiné un grand nombre d'exemples) qu'il s'agit d'une ornementation, une façon jugée élégante d'écrire un texte pour en signaler l'importance. Cette mode est limitée dans le temps.
Notez aussi la graphie PALUT (au lieu de PALUD), car nous allons la retrouver : en effet, Jean Palut avait sa maison à deux pas d'ici, et ses ancêtres avaient fait graver ce nom et les dates de 1611.
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Dans le muret d'enceinte : la date de 1672.
C'est manifestement un réemploi.
Il est important de noter que c'est durant l'année 1671 que le Père Maunoir vint prêcher une mission à Crozon, Camaret et Roscanvel et y raviva la foi si bien que trois mille personnes apprirent à méditer la Passion en chantant les vers breton qu'il venait de rédiger.
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LES DEUX CLOCHES.
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1°) La grosse cloche de 1781 .
En l'absence d'un accès à la chambre des cloches, la lecture de l'inscription est fragmentaire :
IAI * ETE * FAITE * [DU TEMPS DE ME]SSIRE * JAFFRE * PRIEUR * ET [RECTEUR DE ] ROSCANVEL
LE * SIEUR * PIERRE * ALLAIN * COMMISSAIRE * PAREIN ET MAREINE /
E MARIE * CATHERINE * FRABOULET * / ---SA SOEUR ------- * DE * LA * MARINE * ET DE
FRANÇOIS * SALAUN * MARG[UILLIER] / FAITE A * BREST * LAN * 1781 [fin de l'inscription]
( * = fleur de lys)
Sur un soubassement à trois degrés, un crucifix fleuronné de fleurs de lys. Les marches et la croix sont ornées de lignes entrelacées.
Sur l'autre face, un médaillon contient la Vierge de l'Immaculée-Conception, cantonnée de quatre têtes d'anges.
Les personnages cités sont :
- Messire Jaffré, prieur et recteur de Roscanvel. Il est attesté, sous ce titre de prieur-recteur, en 1774 (où il livre un état de la population de la paroisse")
- Le sieur Pierre Allain, commissaire (et ? parrain de la cloche).
- Marie-Catherine Fraboulet : en 1795, le (premier) maire de Roscanvel se nommait Fraboulet.
- François Salaun, marguillier (= fabrique) figure parmi les signataires du cahier de doléances de Roscanvel en 1789. https://roscanvel.presquile-crozon.com/histoire/doleances-roscanvel.htm
Quel est le fondeur de cette cloche ? Les fondeurs du roi à Brest ont été Thomas Le Soueff (actif jusqu'en 1714), Etienne Le Moyne jusqu'en 1760 et les Beurrier de la Rivière (Jean, Jean-François puis René), et enfin à la fin du XVIIIe siècle Jacques Le Beurrier La Rivière (1724-1797) et son neveu Julien Le Beurrier (1759-1818). Un élément de détermination vient du médaillon de l'Immaculée-Conception, exactement identique à celui placé par Thomas Le Soueff sur la cloche du Prêcheur (Martinique), fondue à Brest en 1712. Voir :
http://www.lavieb-aile.com/2018/12/la-cloche-fondue-en-1712-par-le-soueff-a-brest-pour.html
Or, Thomas Le Soueff était apparenté avec la vaste famille de fondeur Beurrier la Rivière, puiisqu'il avait épousé en 1689 Jeanne Le Douarin, veuve d'un Jacques le Beurrié. On peut penser que ses moules d'ornementation sont parvenus à sa mort (à Brest) dans l'un des ateliers des Beurrier-la-Rivière de Brest.
En définitive, il n'est pas possible d'attribuer cette cloche fondue à Brest en 1781 à un atelier précis, mais le nom de Jacques Beurrier La Rivière peut être proposé. Seule la collecte des motifs stylistiques de l'ensemble des cloches du Finistère et leur catalogue permettrait d'aller plus loin.
On remarquera enfin que la couronne à anses n'est pas ornée (à la différence des motifs de têtes humaines de Le Soueff) .
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Complément :
- La cloche du Prêcheur, (Thomas Le Soueff, 1712) offerte par Louis XIV à la demande de son épouse morganatique Madame de Maintenon, et atteinte par l'éruption de la Montagne Pelée en 1902.
- La cloche de Plouha fondue par Thomas Le Soueff en 1712 : une sœur aînée de la cloche du Faou (Thomas Le Soueff 1714) !
- Les fondeurs de cloche actifs dans le Finistère sous l'Ancien Régime.
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La petite cloche.
Elle ne porte pas d'inscription, mais un crucifix sur une face, et la Vierge de l'autre.
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La date du contrefort intérieur ouest : 1767 (en haut à droite).
Elle pourrait correspondre à une consolidation du massif occidental.
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LES PIERRES TOMBALES.
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Pierre tombale à gauche de l'entrée.
CI GIT HERVE CARN : MORT LE : 27 JANVIER 1750 AGE DE 77 ANS R[EQUIESCAT] : IN PACE AMEN.
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Un long calcul permet de dire que ce défunt était né en 1673.
Que dit la généalogie ? Elle parle d'un Hervé Carn de Roscanvel né en 1649 et mort le 22 décembre 1691, époux de Clémence Le Treut et père de Bernard C. qui épousa Marie Le Treut, et de Marguerite (1718-1758). Ce n'est pas notre homme, mais c'est peut-être son père.
Un autre auteur parle d'Hervé Carn né à Roscanvel, époux de Madeleine Lochore puis d'Anne Le Bris, père d'Anne Carn née à Lambezellec en 1690.
Mais les Carn sont nombreux à Roscanvel. Que celui-ci repose en paix.
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Pierre tombale à droite de l'entrée.
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CI GIST LES CORPS DE CATHERINE ET ETIENNETTE PEROT DECEDEE LE 27 JANVIER 1801 AGEE DE 59 ANS ET DE GUILLAUME FRANÇOIS JAOUEN GARDE DU GENIE A QUELERNE DECEDE LE 27 FEVRIER 1812 AGE DE 71 ANS PRIEZ POUR LE REPOS DE LEURS ♥ ÂMES.
Ce couple est connu du généalogiste Luc Le Gall, de Plougastel, qui indique qu'ils eurent deux enfants, Marie-Yvonne Jaouen décédée à 3 mois (Brest 1765-Plougastel 1765) et Jean-Marie Jaouen, décédé à 6 mois (Brest Saint-Louis 1768-Plougastel Pedel 1769). Il donne à Guillaume-François la profession de maître-maçon.
https://gw.geneanet.org/everest29?lang=fr&pz=luc+gerard+philippe+jacques&nz=le+gall&p=guillaume+francois&n=jaouen
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LA FONTAINE.
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L'inscription de 1666 (fontaine).
Couffon a relevé : MESIRE TEFANI LVCAS CVRE ET MESIR CLAVDA MOCAER. RR. : "Messire Lucas Tefani curé et Messire Claude Mocaer prieur-recteur."
La date de 1666 est sculptée sur le sommet de la niche.
L'inscription est portée sur les deux parois latérales de l'édicule.
1°) à droite, elle occupe un cartouche à deux lignes inégales : TEFANI / MESIRLVCASCVRE
2°) à gauche, elle s'étend sur une seule ligne : MESIRECLAVDAMOCAERRP
Soit : "Messire Lucas Tefani curé, / Messire Clauda Mocaer Recteur-Prieur", ou bien : "Tefani Messire Lucas curé / Messire Clauda Mocaer Recteur-Prieur". Comme le patronyme TEFANY très connu à Camaret, le patronyme LUCAS est bien attesté à Roscanvel, à la différence du prénom Lucas associé à Tefany. Pourtant, une inscription de Camaret, sur la maison devant l'église indique ATEPHANI LK / DRU LAN 1650, ou LK pourrait correspondre à Lucas (?).
Voir l'inscription http://www.lavieb-aile.com/article-visite-de-camaret-et-de-ses-inscriptions-lapidaires-ses-tildes-86992145.html
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La fontaine : le fût de croix avec la statue mutilée de saint Yves, 1690.
L'Atlas des Croix et Calvaires du Finistère donne :
2652. Roscanvel, fontaine au sud de l’église, k. 1,80 m. XVIe s. Fût fuselé, statue de saint Yves, motif en forme de harpon sous le culot. La date gravée sur le socle (1692) n’est pas à attribuer au fût. Un second socle de croix gît aussi près de la fontaine. [Yves Pascal Castel 1980]
Il faut corriger la date (en réalité 1690) et le "motif en forme de harpon", en réalité une paire de ciseaux ou des forces de laine.
Le saint se reconnaît à son sac contenant soit un livre de droit, soit les pièces du procès qu'il doit instruire en son titre d'Official de Tréguier, mais également à son vêtement à larges manches, recouvert d'un camail retombant sur les épaules.
Ce type de fûts de croix, où la statue d'un saint patron en haut relief est sculpté dans la masse monolithique, au 1/3 inférieur, est répandu en Presqu'Île de Crozon.
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Le manoir de Lodoën.
Trois familles y vécurent, qui ont marqué l'histoire de Roscanvel : les Harvel, Taniou et Le Mignon, familles bourgeoises qui exercèrent les métiers de procureur et notaire. Or, nous avons déjà rencontré à deux reprises le nom de Harvel dans les inscriptions de l'église, à propos de H. Harvel, recteur en 1686, et de RE. Harvel, possible membre de la fabrique. C'est d'autant plus intéressant de se rendre sur place (propriété privée) que le manoir, qui fait l'objet d'une étude du Patrimoine est toujours présent, et qu'il possède lui aussi deux belles inscriptions :
1°) Sur la façade sud sur kersanton : H HARVEL / ET M : GVEGVENIAT SA FAMME 1617.
On ne peut que souligner la beauté de cette inscription, avec la finesse du grain de la pierre, sa ponctuation de séparation à base de deux-points en losange (un procédé remontant aux inscriptions en caractères gothiques), le mélange parfaitement harmonieux des proportions des lettres capitales (le E et le T par ex.), l'élégance d'un R , le charme des deux différents G.
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2°) Linteau du portail de cour , sur pierre de Logonna :
HHARVEL A FAICT CESTE P [ORTE?] / LAN 1622.
Dans les deux inscriptions, l'initiale du prénom, le H, est identique à celui du recteur, et peut correspondre à Henri ou à Hervé. Il est courant de reprendre le même prénom à chaque génération.
Le manoir figure sur la carte de Cassini sous le nom de Laudoen.
Les généalogistes (poirrier78) connaissent bien la famille HARVEL de Roscanvel. Je note aussi une alliance avec la famille STEPHAN. L'auteur mentionne :
Henry /1637-1682/ &1659 Hélène TANIOU ca 1633-1699
Henry 1662-1738 &/1693 Catherine STEPHAN 1661-1741
Hervé ca 1656-1682/
Plus tard, on signale un René Harvel (1671-1753), "matelot", fils de Jean, dont il est intéressant de lire les actes
https://gw.geneanet.org/fcamar?n=harvuel+ou+harvel&oc=&p=rene
- Acte de naissance - Harvel René - Roscanvel - 1671 -
Ce jour 3me avril 1671 fut baptisé sur le fond batismal de Roscanvel par le soussignant curé ... René fils naturel et légitme de Jean Harvel et Marie Harvel son parain... par la nomination de Jean Herian et Jeanne Haruel qui ne signe et témoins de quoy avons signé.
On remarque ici ce patronyme de HERIAN rencontré à coté de celui de Harvel sur le contrefort de l'église.
- Acte de mariage - Harvel René - Largenton Marie - Roscanvel - 1691 --
Ce jour quatorzieme may 1691 après les fiancailles faites et les trois proclamation de ban par trois dimanche consécutifs aux prosnes de grande messe entre honorable personnes René fils de décédé Jean Harvel décrété en mariage par décret du 13e du courant par la juridiction de Crauzon, et Marie fille a Bernard Largenton et Marguerite Treut tous de la paroisse de Roscanvel. Sans opposition canonique , ont esté conjoint en mariage par soussignant resteur le dit jour en présence de Bernard Harvel, Bernard Largenton, Hervé Le Treut, Olivier .. . et plusieurs autres et de leurs parents.
-Acte de décès - Harvel René - Roscanvel - 1753 -
- Le vingt sept juillet mil sept cent cinquante trois mourut au Kervian René Harvel muni de tous les sacrements âgé d'environ quatre vingt ans et a été enterré le lendemain dans le cimetière de cette église ont assisté au convoy Claude Stephan, Joseph Palut, Tanguy Le Treut et autres qui signent.
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Les maisons de maître dans le bourg. TANIOU 1618 et PALUT 1611.
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La commune abrite également rue Saint-Pol-Roux une maison de 1618 qui a été construite pour C. TANIOU, maître de barques qui assurait la liaison maritime avec Brest. On y lit sur le porche de kersantite l'inscription C. TANIOV. 1618.
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Un peu plus haut, Venelle du Centre. une belle maison ouvre sa cour par une porte en anse de panier où le linteau montre l'inscription : M.P. PALUT 1611. Une autre inscription sur un porche intérieur en kersantite répète cette date de 1611.
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Terminons par un clin d'œil au XXe siècle, avec cette très belle restauration de l'ancienne poste. Un document épigraphique remarquable. Cet ancien bureau de poste doit être rapproché de celui du Fret :
"Le bureau de poste du Fret dit "Le Fret-Crozon" est réalisé sur les plans de l'architecte Pierre Baillet de Brest, en 1954. L'entreprise adjudicataire des travaux est celle de L. Dieutegard à Camaret. Situé à l'entrée du Fret, ce petit bureau de poste en béton enduit adopte un plan en L avec une avancée à étage. L'ensemble est couvert d'un toit à longs pans et pignon découvert en ardoise. Un porche précède l'entrée du bureau de poste situé au rez-de-chaussée tandis que l'étage est réservé à l'habitation du receveur des Postes. Conçu au début des années 1950, ce bâtiment public est de conception néo-régionaliste avec son avancée et ses pignons découverts. Deux autres bureaux de poste à Roscanvel et Lanvéoc ont été construits à la même époque, dans un style comparable. Ils témoignent de l'époque où les bureaux de poste constituaient un véritable réseau sur l'ensemble du territoire. " Christel Douard FlorentMaillard . Judith Tanguy-Schröer
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/ancien-bureau-de-poste/9161575b-d8c6-4888-a2d1-e15d9273a720
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SOURCES ET LIENS.
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n.b la fabrique de la paroisse est attestée en 1814 avec les signatures du curé Domin, et de Le Braz, Jaffré, Legevalo, Le Guen et J.M Penfrat.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/41435db200985eab52db539aa8a815e8.pdf
— SITE www.presqu-ile-de-crozon.com
https://www.presqu-ile-de-crozon.com/roscanvel/index.php
— BUREL, (Marcel) 1980, "Roscanvel : le manoir de Lodoën aux 17e et 18e siècle", les cahiers de l'Iroise, avril-juin 1980.
— BUREL, (Marcel), 1995. Roscanvel dans la presqu´île de Crozon. Bannalec : Impr. Régionale, 1995.
— CHAURIS, (Louis), 2009. "L´église Saint-Eloi à Roscanvel. Un polylithisme exacerbé". Dans : Avel Gornog , N° 17, juillet 2009.
— COUFFON, René, LE BARS, Alfred, 1988. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988. p. 369.
— GARGADENNEC, (Isabelle), 2002, Les vitraux de l'église Saint-Eloi de Roscanvel dans le Finistère par Auguste Labouret in Regards sur le vitrail, Actes sud, 2002. p. 111-116
— Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) :
Manoir de Lodën :
http://patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/manoir-de-lodoen-roscanvel/0205d4b3-a75d-4275-ab54-f0bef5926730
Eglise :
http://patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/eglise-paroissiale-saint-eloi-roscanvel/cd58c89c-419e-4550-802a-ba657b20c77f#historique
Fontaine :
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/fontaine-de-devotion-saint-eloi-place-de-l-eglise-roscanvel/70e7dd5c-d1a0-4765-b558-b6a2cd584b5d
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