La tendre main de l'ange et le sommeil éternel : les treize gisants du cloître de la cathédrale de Tréguier.
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— Sur les gisants, voir ici :
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Seigneur de Sainte-Marie du Mont, et ami de Henri IV "mon cousin" Henri-Robert Aux-Épaules. (1607)
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Le gisant de Troïlus de Mondragon au Musée Départemental Breton de Quimper (vers 1545).
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Le gisant d'Olivier de La Palue au château de Kerjean (Saint-Vougay), (vers 1505).
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.L'enclos paroissial de Dirinon VI: le gisant de sainte Nonne (vers 1450).
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Le gisant de François de Tournemine (Maison prébendale de St-Pol-de-Léon) et son soubassement à Landivisiau. (XVIe siècle)
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Le gisant (kersanton, XVIe siècle) de Gilles de Texue au château de Brest (Musée de la Marine).
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GENERALITÉS
Un gisant – terme qui vient du verbe « gésir », autrement dit «être couché » – est une sculpture funéraire de l'art chrétien représentant un personnage couché (par opposition à orant ou priant) généralement à plat-dos, vivant ou mort dans une attitude béate ou souriante (par opposition au transi), l'effigie étant habituellement placée sur le dessus d'un cénotaphe ou, plus rarement, d'un sarcophage.
Un cénotaphe — du grec κενοτάϕιον : kenos (« vide ») et taphos (« tombeau ») — est un monument funéraire qui ne contient pas de corps contrairement au mausolée, élevé à la mémoire d'une personne ou d'un groupe de personnes, et dont la forme rappelle celle d'un tombeau. Le mausolée contient le corps du défunt, contrairement au cénotaphe, et est alors considéré comme son tombeau.
C’est l'élément principal de décoration d’un tombeau ou d’un enfeu. Les tombeaux à gisant peuvent être au ras du sol comme la plupart des pierres tombales mais ils sont le plus souvent sur un socle ou soubassement.
Par extension, un gisant gravé ou sculpté en bas ou demi-relief sur une dalle funéraire peut également représenter l'effigie d'un grand personnage.
L’art funéraire du Moyen-âge se singularise par une forte production de gisants, surtout à partir du 11ème siècle, parallèlement à la mise en place d’une nouvelle organisation de la société : la féodalité. Pendant les décennies qui suivent les invasions barbares, les seigneurs locaux profitent de l’affaiblissement du pouvoir central pour affirmer leur puissance et pour se constituer des fiefs sur lesquels ils règnent et qu’ils transmettent à leurs descendants. Ainsi fondent-ils de véritables dynasties, à l’image des Plantagenêt, famille originaire d’Anjou qui régna sur l’Angleterre du 12ème au 15ème siècle. À leur mort, ces seigneurs locaux ne tombent pas dans l’anonymat ; bien au contraire, leurs descendants préservent leur mémoire en plaçant leur effigie sculptée sur leur sépulture.
Au Moyen-Âge, le gisant a d’abord une fonction commémorative ; pour un personnage puissant, il constitue le moyen idéal de continuer d’exister par-delà la mort. Il est rarement isolé mais plutôt installé près d’autres gisants dans un même lieu, bien souvent dans l’église d’une abbaye qu’ils ont fondée ou enrichie, pour former ainsi de véritables nécropoles. Ces ensembles funéraires, qui se développent après 1150, visent à commémorer une dynastie et à renforcer sa légitimité. (source)
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LE CLOÎTRE DE TRÉGUIER.
Le cloître de l'ancienne cathédrale de Tréguier a été réalisé dans le troisième quart du 15e siècle, commencé sous l'épiscopat de Jean de Ploeuc et terminé sous celui de Christophe du Chastel.
Les gisants qui y sont rassemblés ne proviennent pas de la cathédrale, et pas d'avantage de la noblesse de Tréguier, et leur présence dans ce lieu est récente :
"Au XXème siècle (1932) , Monsieur de Kerguézec , sénateur maire de Tréguier, Président du Conseil Général, a fait transférer à Tréguier au moins 16 mausolées ou plaques tombales remisés à Saint Brieuc. Il les a fait installer ici , souhaitant transformer le cloître en musée dans le cadre de son ambition de faire de Tréguier une ville d’Art. Ces enfeux ne sont donc pas de Tréguier mais d’ailleurs : Abbaye de Beaulieu, (Languédias), cathédrale de St Brieuc , église d’Yffiniac de Lannebert, de Matignon… Nous avons ici une esquisse de musée remarquable spécialisé dans l’art funéraire. " (J.M. Huon 2015)
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Je ne décrirai que les gisants en ronde bosse ou demi-relief, et non les dalles avec leur décor et leurs inscriptions gravés.
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LES TROIS GISANTS DE LA GALERIE OUEST.
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Ce sont trois abbés de l'abbaye de Beaulieu ; un quatrième nous attend dans la galerie suivante. Cela mérite de nous intéresser à cette abbaye, qui aurait été totalement détruite: le domaine fut acquis par un homme de loi de Dinan le 28 septembre 1797. Il ne reste plus rien de cette abbaye dont l'église a été démolie en 1843 comme les derniers bâtiments subsistants. (Wikipédia)
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Pourtant...
L'Abbaye de Beaulieu en Languédias.
Languédias se trouve au sud-ouest de Dinan ; les cartes actuelles montrent le site portant ce nom de Beaulieu au sud d'un étang, dont les moines devaient tirer profit, avec une avenue rectiligne et un groupe de bâtiment (en partie agricole). Voir Remonterletemps IGN 1. La carte EM 1950 montre un réseau en étoile de ce qui fut peut-être une pêcherie. On sait que Guy Le Lyonnais avait fait construire un moulin à farine vers 1500 ; il est toujours visible, avec son bassin de retenue, sa digue, son bief de dérivation et il porte ses armoiries. L'Inventaire Général en propose un excellent reportage: Moulin à farine de Beaulieu.
La carte de Cassini (avant la vente de l'abbaye en 1797) montre l'emplacement ; et la carte EM 1820-1866 montre le mur d'enceinte de la propriété, polyédrique, à l'extrémité de l'allée.
Le site genealogie22.org propose un excellent dossier sur l'abbaye. J'y trouve (sans sa source) la description suivante avec la mention de cinq tombeaux :
«Dans l'église de l'abbaye de Beaulieu, nous est apparu dans le chœur, du côté de l'évangile, un tombeau, sur lequel est une statue en pierre de grain fin représentant un abbé crossé; ce tombeau est enfoncé dans le mur. Au dessus de ce tombeau est une pierre de grain aussi adossée au mur, sur laquelle est une épitaphe en écriture gothique, et sur une autre pierre, aussi en dessus du même tombeau est un écusson écartelé de 12 pièces, dont 6 unies et les 6 autres chargées de 3 hermines, chacune disposée 2 et 1. Dans la chapelle collatérale placée à gauche en entrant dans l'église, du côté droit d'icelle sont deux tombeaux enclavés dans la muraille, sur lesquelles sont deux statues entières et en pierre de grain, représentant deux abbés en habits sacerdotaux et au dessus de celui plus près du bout de la chapelle, est un écusson de pierre de grain, chargé de trois canettes ou oisons, deux en chef, l'autre en pointe -famille Lesquen. De l'autre côté de la même chapelle, aussi enfoncés dans le mur, sont deux autres tombeaux, sur lesquels sont aussi deux statues de pierre de grain et entières, portant près d'elle un écusson saillant de la même pierre, dont l'un est chargé d'un lion montant et l'autre de 12 losanges, sans pouvoir distinguer le fond de l'écusson...» L'exposé mentionne le tombeau de Guy le Lyonnais figurant en habits sacerdotaux dans le côté gauche de la ditte chapelle.
Aux quatre gisants d'abbés de Beaulieu, il faut ajouter ici celui d'Alain de Vitré, provenant de l'abbaye. Enfin, c'est le musée de Dinan qui a reçu le gisant de Roland de Dinan, fondateur de l'abbaye Notre-Dame de Pont-Pilard vers 1160
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Gisant n°1. Abbé [de Beaulieu?] non identifié.
La fonction d'Abbé est attestée par la crosse placée en diagonale, dont l'extrémité de la hampe est enfoncée dans la gueule d'un animal (un chien apparemment plutôt qu'un lion ou un dragon). Le défunt a les pieds adossé à ce chien. Il est vêtu d'une chasuble sur une cotte, avec un très beau mouvement des plis. Sa tête est posée sur un coussin rectangulaire.
Je dois faire appel à la photo de Bernard Bègne pour l'Inventaire, car son cliché pris de haut montre un détail que nous allons retrouver et qui semble propre aux gisants de l'abbaye de Beaulieu. Un ange (tête brisée) placé à gauche pose une main paume à plat sur l'épaule de l'abbé. C'est un très beau geste de tendresse, de protection ou d'accompagnement durant le sommeil éternel, comme celui d'un parent pour son enfant.
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Ce gisant partage avec les deux suivantes des caractères stylistiques communes, dont la moindre n'est pas la présence des deux anges bienveillants. Ici, le dais manque, mais n'a-t-il pas été brisé ? Il est également très proche du gisant de Gui Le Lionnais (bâton pastoral en diagonal) Si on considère la liste des abbés de Beaulieu dans ce créneau temporel, on trouve (je mets en gras les gisants identifiés et présents à Tréguier) :
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1391-1405 : Guillaume V du Val
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1406-1426 : Guillaume VI du Flo
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1426-1467 : Guillaume VII Boutier
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1470-1476 : Marc Gruel
Abbés commendataires
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1487-1517 : Guy le Lyonnais mort en 1528 ;
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1517-1545 : Mathurin Glé ;
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Nous pouvons donc imaginer que cet "abbé non identifié" soit Marc Gruel. Il succéda à son parent Guillaume Boutier. "Quelques actes de son abbaye le cite en 1470 et 1476.
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2°) Le gisant de Guillaume Boutier, († 1468), abbé de Beaulieu (1426-1468), aumônier et conseiller du duc Jean V de Bretagne, élu évêque de Saint-Malo.
Guillaume Boutier, abbé de Beaulieu (1426-1468). Granite, l = 248 ; la = 70. Ronde bosse. Tombeau provenant de l'abbaye de Beaulieu. Une inscription placée sur le tombeau se trouve dans le cloître, n°17.
"Guillaume Boutier conseiller et et aumônier du Duc Jean V fut pourvu de l'abbaye de Beaulieu par le pape Martin V l'an 1426 sur la démission de son prédécesseur. Son mérite et ses bonnes qualités le firent élire deux fois évêque de St Malo ; mais elles ne furent pas assez connues du pape pour en obtenir des Bulles : de sorte qu'après bien des poursuites faites par le duc, par les chanoines de St Malo et par l'Abbé même il fut obligé de rayer se ses titres celui d'élu de St Malo. On ne sait pas précisément l'année de décès de cet Abbé, qui vivait encore en 1467. Marc Gurel succéda à Guillaume Boutier son parent ; il tenait cette place en 1470 et 1476, selon quelques actes de son abbaye. " (Dom Morice)
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Ce gisant est placé (comme le suivant) sous un dais gothique. Le bâton pastoral est à droite, il s'interrompt au dessus de la douille hexagonale. L'abbé est nu-tête, avec une tonsure dite romaine (rasant le haut du crâne et préservant une couronne). Il porte le manipule au dessus du poignet gauche. Comme le précédent, il est entouré de deux anges (les têtes ont été brisées systématiquement) et l'ange de gauche semble placer une main derrière la tête.
Meilleure photo par B. Bègne ici :
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/cloitre-de-la-cathedrale-saint-tugdual-treguier/cce71869-22f9-4d8b-8f6c-af1d66f79a2b
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3°) Gisant de Guillaume Le Flo [ou Le Floch], abbé de Beaulieu décédé en 1427.
granite l = 243, la = 71 ; Ronde bosse. date 1427. Tombeau provenant de l'abbaye de Beaulieu.
"Guillaume Le Flo fut recommandé au duc Jean V par l'antipape Benoit XIII [pape d'Avignon] l'an 1406. Le Duc reçut cet abbé, et le mit au nombre de ses conseillers. Guillaume se démit en 1426 et mourut au mois de juillet 1427." (Dom Morice)
Cette démission a-t-elle été entraînée par la nomination de Guillaume Boutier par Martin V, pape à Rome, alors que le protecteur de Guillaume Le Flo, l'antipape Benoit XIII, était décédé en 1423 sans se démettre et avait été suivi par le pape d'Avignon Clément VIII ? A-t-il été désavoué par Rome et contraint à renoncer à son titre ?
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http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Tr%e9guier&NUMBER=52&GRP=0&REQ=%28%28Tr%e9guier%29%20%3aLOCA%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=200&MAX3=200&DOM=Tous
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5320172202209nuca/aeaa29ac-ece4-43d0-aace-21ed3c6bb54d
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Il s'agit du prédécesseur de Guillaume Boutier, et les deux gisants sont assez proches, notamment par le dais gothique, le manipule, la tonsure. Les plis de la chasuble sont plus réguliers. Par contre, il ne porte pas le bâton pastoral, ce que Jean-Michel Huon relie au fait qu'il s'était démit de ses fonctions un an avant sa mort.
L'ange de tendresse est ici particulièrement visible : il glisse la main gauche sous la tête de l'abbé tandis qu'il place son index droit sur la page d'un livre ouvert, comme pour aider le défunt à réciter ses prières.
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LES QUATRE GISANTS DE LA GALERIE NORD.
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4°) Prêtre non identifié, prieuré Saint-Pierre de Matignon, XIVe siècle.
"granite l = 186 ; la = 70 2e moitié 14e siècle . La dalle a dû faire partie d'un dallage car on y voit des traces d'usure, le gisant est défiguré. Elle a été découverte en 1863 dans le cimetière du prieuré Saint-Pierre à Matignon."
L'ancienne chapelle Saint-Pierre à Matignon est aujourd'hui disparue ; elle existait encore pendant la Révolution avant d'être vendue comme bien national en l'an VI puis d'être détruite en 1863. Ses pierres tombales furent transportées à Saint-Brieuc, puis à Tréguier .
Ma photo ne montre pas grand chose : je reproduis la photo de Bernard Bègne dans le dossier de l'Inventaire .
Le gisant est spectaculaire, car la dalle est taillée en bas-relief, et le défunt est représenté vêtu d'une chasuble ovoïde aux plis en V où les deux manches (simple repli d'étoffe) forment un dessin très stylisé d'où émergent les deux mains jointes dans la prière. Cette chasuble rappelle la paenela romaine et donne une allure ancienne au monument. Elle recouvre une cotte talaire au dessus de deux souliers pointus.
La tête est petite, très épurée, coiffée d'un bonnet (ou des cheveux coupés au bol ?) Un calice est placé à gauche, symbole de la tombe d'un prêtre. Une crosse d'abbé se devine tant à gauche de la tête .
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5°) Gisant d'Alain de Vitré, dit Alain de Dinan
Granite, l = 163 ; la = 75. Classé au titre objet le 20 juin 1986.
Ce gisant, le plus ancien conservé ici, a pu être exécuté en 1199, mais plutôt en 1220 (caractères de l'armure) ; il provient de l'abbaye de Beaulieu. Alain de Dinan est le fondateur de l'abbaye de Bello-Loco à Beaulieu en 1190, transfert de l'abbaye de Pont-Pilard fondée par Rolland de Dinan. Fils de Robert III de Vitré, il a été "adopté" comme fils par Rolland de Dinan, sans enfant, et il lui succéda en 1186 et reçut comme lui la charge de Sénéchal de Bretagne au service de Geoffroy II de Bretagne. Il s'illustre pour sa force et son courage lors de l'affrontement avec Richard Cœur de Lion. Il meurt peu après, à 42 ans.
Le gisant le représente sous les traits idéalisés d'un jeune homme aux longs cheveux bouclés ceints par un arceau frontal ; le visage aux yeux ouverts est doux et souriant. Le sénéchal porte la tenue de chevalier avec une armure recouverte d'un surcot plissé (sauf le tiers supérieur) serrée à la taille par une fine ceinture. Le baudrier de l'épée est porté plus bas. Les bras (sauf la main droite) et les jambes sont brisés. Un objet que je n'ai pu identifié est suspendu au poignet droit.
Il porte sur son bouclier ses armes de gueules, à un lion de sable, couronné d'or et armé de sable :
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Il est passionnant de le comparer avec le gisant de Roland de Dinan, mieux préservé :
"Avec ses 2,15 mètres de long, ce haut-relief est imposant. La tête du personnage repose sur un coussin, son visage triangulaire est encadré de cheveux bouclés, il a les yeux grands ouverts, son expression est paisible et reflète bien le rapport que l’homme du Moyen-Âge pouvait entretenir avec la mort : elle est apprivoisée, acceptée sereinement, sans drame excessif. Il porte ses armes, signe de sa fonction et de son activité d’ici-bas, sa main gauche tient fermement l’épée qui l’accompagne. Il est vêtu de son haubert de mailles et de ses chausses de fer, ses pieds reposent sur un lion incarnant sa puissance, son genou est découvert, il semble esquisser un pas en avant. Ses gantelets de fer sont également parfaitement représentés. Enfin, le personnage porte un surcot et s’équipe d’un bouclier qui présente les mêmes armoiries que celles figurées sur le sceau de sa petite-nièce, Gervaise de Dinan, fille d'Alain de Vitré, précieusement conservé aux Archives départementales des Côtes d’Armor : losangés d’argent sur fond de gueule. Ces armoiries nous confortent dans l’idée qu’il s’agirait du gisant de Roland de Dinan. Constat bien surprenant : ce gisant ressemble en tout point à un autre, installé dans le cloître de la cathédrale de Tréguier : celui d’Alain de Vitré. Les deux effigies se ressemblent trait pour trait, au point que l’on suppose qu’elles faisaient partie de la même commande et étaient le fruit du même atelier. Le gisant du Musée de Dinan n’a pas été sculpté à l’époque du trépas de Roland car l’analyse stylistique de l’armure figurée par le sculpteur indiquerait plutôt les années 1220. Il s’agirait donc d’une commande différée. Selon Peter Meazey, le commanditaire des gisants de Roland de Dinan et d’Alain de Vitré pourrait être le troisième époux de Gervaise de Dinan, Richard le Maréchal, ou son gendre, Henri d’Avaugour. En supposant que les deux gisants datent des années 1220-1230, l'un ou l'autre de ces deux hommes pourrait les avoir commandés, tous les deux ayant besoin d'imposer leur autorité, de montrer leur largesse et de célébrer l'ancienne lignée. Primitivement donc, le gisant de Rolland de Dinan reposait à l’abbaye de Beaulieu, aux côtés du gisant de son neveu. L’imposante sculpture est extraite des ruines de l’abbaye de Beaulieu quelque temps après la Révolution, puis transportée à Saint-Brieuc. En 1848, Luigi Odorici, conservateur du Musée de Dinan, réussit à faire valoir les droits de la Ville de Dinan auprès des membres du Conseil général des Côtes-du-Nord qui acceptèrent que la pierre retournât à Dinan." http://www.dinan.fr/medias/doc/other/319/gisant-de-roland-de-dinan-1961-173-2.pdf
photos de ce gisant :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rolland_de_Dinan#/media/File:Gisant_de_Rolland_de_Dinan.jpg
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Le plus passionnant pour mon enquête est de retrouver, dès 1220, sur les deux gisants, les deux anges, (ceux de Roland étant mieux préservés) et, sur l'épaule droite, dans les deux cas, la petite main posée à plat.
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Gisant d'Alain de Vitré (détail), vers 1220. Cloître de la cathédrale de Tréguier. Photographie lavieb-aile 1er mars 2019.
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Gisant d'Alain de Vitré, vers 1220. Cloître de la cathédrale de Tréguier. Photographie lavieb-aile 1er mars 2019.
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Gisant d'Alain de Vitré, vers 1220. Cloître de la cathédrale de Tréguier. Photographie lavieb-aile 1er mars 2019.
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Gisant d'Alain de Vitré, vers 1220. Cloître de la cathédrale de Tréguier. Photographie lavieb-aile 1er mars 2019.
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6°) Gisant de Guy de Lionnais, abbé de Beaulieu 1477-1528.
Granite l = 195, la = 70. Oeuvre provenant de l'abbaye de Beaulieu, qui aurait été exécutée entre 1477 et 1517. Guy le Lionnais était aussi chanoine de Rennes.
http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Tr%e9guier&NUMBER=44&GRP=0&REQ=%28%28Tr%e9guier%29%20%3aLOCA%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=200&MAX3=200&DOM=Tous
"Gui Le Lionnais chanoine de Rennes obtint l'abbaye de Beaulieu en Commende vers l'an 1477 et fut élu évêque de Rennes l'an 1501 en la place de Michel Guibé. Mais les Chanoines ayant su que la Cour n'approuvait pas ce choix, rétractèrent le 3 mars de cette même année tout ce qu'ils avaient fait sur ce sujet. Gui se démit l'an 1517 en faveur de Mathurin Glé, son neveu. Le pape Léon X admit sa résignation, à condition qu'il se réserverait le titre de Commendataire et la jouissance de tous les biens de l'abbaye. Gui mourut le 18 juin 1528 et fut inhumé dans son église." (Hyacinthe Morice, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne Volume 2)
On remarque les points communs avec les gisants des abbés de Beaulieu qui l'ont précédés. Mais l'abbé n'est plus tonsuré, il a même les cheveux longs et bouclés : c'est toute la différence entre un abbé commanditaire (qui perçoit les bénéfices mais n'apparient pas à la communauté monastique) et un père abbé.
On retrouve le manipule au poignet gauche, la tête appuyée sur un coussin rectangulaire, la hampe de la crosse placée en diagonale. On ne peut dire si celle-ci se terminait dans la gueule d'un lion, car la partie basse est brisée. Le visage aux yex ouverts est paisible.
Les deux anges gardiens sont bien là, et celui de gauche pose sa menotte sur la poitrine de l'abbé, tandis que celui de droite tend la main vers la crosse.
Voir la photo de Bernard Bègne ici.
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7°) Le gisant d'un abbé de Beaulieu, vers 1300-1350 .
Granite, l = 165, la = 65 ; 1ere moitié du XIVe siècle. Proviendrait de l'abbaye de Beaulieu.
Ces indications sont celles de la base Palissy PM22002032.
Photo par Bernard Bègne de la tête vue de dessus ici.
Ce visage encapuchonné par une sorte de coiffe qui donne à l'abbé une allure féminine est frappant par ses traits ronds et lourds, son nez épaté, et surtout ses profonds plis naso-géniens ou sa bouche en U inversé. À la différence des autres défunts, il porte une chape à bords ornés d'orfrois à perles groupées en fleurons. Je ne vois pas la crosse ; mais peut-être un chapelet.
Il y a bien un ange à sa droite, mais il tient un blason où se distingue une fleur de lys, et d'autres meubles qu'il serait passionnant de préciser avec des clichés mieux orientés.
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LES CINQ GISANTS DE LA GALERIE EST.
Je trouve la description et la photo du gisant suivant provenant de l'église de Lannebert. : Gisant d'un homme d'arme, Guillaume Le Bigot. Gisant en calcaire. dalle en granit. l = 163 (Dimension du gisant) ; Dimensions de la dalle : l = 208, la = 76, avec une inscription : CY GIST GUILLAUME LE BIGOT EN SON VIVANT S de LA VILLEALANE.
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Mais je n'ai pu le repérer dans mes clichés ou ceux disponibles en ligne.
Poursuivons la visite : nous sommes à l'angle entre la galerie nord et la galerie est.
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La galerie est avec ses cinq gisants.
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8°) Gisant d' Eon Gillebert, homme d'Armes,
Provenance : église d'Yffiniac, XV° siècle. granite, l = 206 ; la = 92 Epitaphe (partiellement illisible) : CI GIST EON GILBERT JADIS SEIGNEUR de CARJEGU et DU ROST QUI TREPASSA LE III ... DU MOIS de ... MILIIII et LXIIII exécutée entre 1450 et 1470.
La famille Guilbert, ou Gilebert, Gillebert ou Guilbert est une famille noble d'Yffiniac. Elle y possédait le manoir de Carjegu, rue des Grandes Patûres ( Olivier Guilbert en 1514, Hervé en 1536).
Éon Guilbert est cité lors de la réformation du 25 octobre 1426, avec Geffroy Guilbert, et Guillaume du Bouaisbouexel, ou Guillaume de Brehant, deux familles que nous allons retrouver). Ils sont présents aussi à la réformation du 7 décembre 1432, sauf Éon.
À la montre d'armes de Saint-Brieuc de 1480, Jehan Guillebert (200 livres de revenu) comparaît comme homme d’armes ;
L'homme d'armes est représenté en armure complète non recouverte d'un surcot, épée au coté, avec les solerets appuyés sur un animal (un lion je présume), la tête nue reposant sur un coussin, tandis que son casque est posé à sa gauche.
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9°) Gisant d'un Homme d'Armes, famille Bourné,
provenance : église de Lannebert, XVI° siècle.
"La famille DU BOURNÉ, aujourd'hui éteinte, appartenait à la noblesse de l'ancien diocèse de Saint-Brieuc, en Bretagne, où elle a possédé une terre de son nom dans la paroisse de Lannébert. On en trouvera un tableau généalogique dans les Dossiers bleus. Elle figure de 1427 à 1513 aux réformations et montres de la noblesse des diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier. Kerviler mentionne un G. du Bournet qui habitait en 1445 la maison noble des Ouches, en Tréverien, et un Yvon du Bourné qui figure en archer à cheval, pour Lannebert, à la montre de Goello en 1481. "
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La tête, le bas des jambes et les avant-bras sont brisés. Une dague est tenue dans la main droite.
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Les trois gisants suivants étaient initialement prévus pour l'ancienne église Saint-Michel de Saint-Brieuc, détruite en 1849 : ils sont exposés dans le cloître de la cathédrale de Tréguier depuis 1920 (selon Claude Raffay, ancienne gardienne du cloître, témoignage recueilli par E. Le Seac'h) .
E. Le Seac'h attribue ces trois gisants, dont la ressemblance est importante, à Roland Doré, le célèbre sculpteur en kersanton de Landerneau actif entre 1618 et 1663. Les Bois-Boissel étaient une famille influente de Saint-Brieuc, qui se prétendaient être les fondateurs de l'unique paroisse de la ville, Saint-Michel. Les Bréhant ont repris leur succession.
Ils sont donc à rapprocher des 6 autres gisants de Roland Doré : ceux de Jacques Barbier (1638) exposé au Musée de Lesneven, Guillaume de Rosmadec à Lantic , de Thébault de Tannouarn à Plérin, de Gilles de la Noé au château de Keranroux à Ploujean, d'Yves Bervet, sieur du Parc exposé au Musée Départemental de Quimper, et enfin celui d'Auffray du Chastel à Landeleau. Trois d'entre eux sont décrits dans ce blog.
Ils partagent tous un air de famille, avec leur sorte de perruque triangulaire, leur moustache et le toupet du menton comme les mousquetaires de nos imaginations, l'armure Louis XIII, le coussin (ou "carreau) sur lequel ils reposent, yeux clos et visage serein...
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10. Homme d'Armes, famille Bréhant, Kersanton, atelier de Roland Doré (1618-1663).
il mesure (Le Seac'h) 1,70 m de long, 59 cm de large et 1,03 cm de haut.
Les jambes, le nez et les doigts sont brisés.
On lit que les armes de la branche aînée sont de gueules à un léopard d'argent et celles d'une branche cadette de gueules à trois macles d’or . Mais E. Le Seach donne plus judicieusement, citant de Courcy, de gueules à sept macles d'or, 3,3,1 (idem dans Toussaint de Saint-Luc).
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11. Homme d'Armes, famille Bréhant, Kersanton, atelier de Roland Doré (1618-1663).
Il mesure 1,70 m de long, 52 cm de large et 98 cm de haut.
Les jambes sont brisées sous les genouillères et désolidarisées du reste du corps. Une cassure est visible au niveau du tronc, comblée par du ciment. Le nez et les doigts sont brisés.
Les armoiries sont martelées mais laissent deviner des macles disposées comme pour le gisant précédent.
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12. Gisant d'un homme d'armes de la famille de Bois-Boissel. Kersanton, atelier de Roland Doré (1618-1663).
il mesure 1,60 m de long, 59 cm de large et 1,02 m de haut. Pieds manquants, coupés au dessus des chevilles. Le haut des doigts est brisé ainsi que son nez.
http://www.boisboissel.fr/
La famille de Boisboissel était la seigneurie la plus importante de la banlieue de Saint-Brieuc, et son ancienne demeure, l'hôtel de Quicangroigne à Saint Brieuc en 1592 , devint palais épiscopal. Le Blason de la famille est: d'hermines au chef de gueules, chargé de 3 macles d'or, qui se dit également de Bretagne au chef de Rohan.
Photographie Bernard Bègne ici.
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LE GISANT DE LA GALERIE SUD.
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13. Gisant de Jeanne du Buchon, femme d'Eon Gillebert, homme d'armes. Provient de l'église d'Yffiniac, xve siècle
Granite l = 200 ; la = 79
Inscription (incomplète) : et JEHANNE DU BUCHON SA FEMME QUI TREPASSA LE Xe JOUR de JUL... et ...
Oeuvre exécutée entre 1450 et 1470. Elle provient d'Yffiniac et était sans doute accolée au tombeau d'Eon Guillebert.
http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM22002048
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SOURCES ET LIENS.
— COPY (Jean-Yves ) 1986, Art, société et politique au temps des ducs de Bretagne: les gisants haut-bretons. Aux Amateurs de livres, 294 pages
— HUON (Jean-Michel), Le cloître de la cathédrale de Tréguier.
http://jeanmichelhuon.canalblog.com/archives/2015/04/15/31895538.html
— G.L.S. Recteur, « Notice sur Trédias, Saint-Urielle, Yvignac, Languédias, l'Abbaye de Beaulieu, Mégrit et Trémeur (environs de Broons) », Mémoires de la Société Archéologique et Historique des Côtes du Nord, 1890, p. 33-36
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2078664/f54.image
— L'abbaye Notre-Dame de Beaulieu en Languédias.
http://www.genealogie22.org/sites/racines_galleses/abbaye_beaulieu_languedias.htm
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, pages 222-229.
— Pierre Hyacinthe Morice 1839, L' église de Bretagne ou histoire des siéges épiscopaux, séminaires et ...
https://books.google.fr/books?id=yr0AAAAAcAAJ&pg=PA529&lpg=PA529&dq=Guillaume+Boutier+conseiller+et+et+aum%C3%B4nier+du+Duc+Jean+V+fut+pourvu+de+l%27abbaye+de+Beaulieu+par+le+pape+Martin+V&source=bl&ots=Lgwztum4aP&sig=ACfU3U3FZqNhIsp9CUYJrEqzP3jbxkPQBw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjV4JC4mvzgAhWVAWMBHQqPABwQ6AEwA3oECAcQAQ#v=onepage&q&f=false
— Les gisants du cloître de Tréguier : dossier photo de Bernard Bègne.
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/cloitre-de-la-cathedrale-saint-tugdual-treguier/cce71869-22f9-4d8b-8f6c-af1d66f79a2b
http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Tr%e9guier&DOM=Tous&REL_SPECIFIC=3
https://www.ouest-france.fr/bretagne/brehand-22510/brehand-le-gisant-de-guillaume-de-launay-revient-l-eglise-6064912