La charpente sculptée de l'église de La Roche-Maurice II : les sablières et blochets du bas-coté sud (1552).
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Je poursuis ma découverte de la charpente sculptée de l'église Saint-Yves, après sa remarquable restauration en 2014-2017. Cette série comportera 4 articles : I, Les abouts de poinçon. II, Sablières et blochets du bas-coté sud. III, Sablières et blochets du bas-coté nord. IV. Sablières et blochets de la nef.
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— Voir le premier article de cette série sur la charpente sculptée de La Roche-Maurice :
— Voir sur l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice :
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La maîtresse-vitre de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. La Passion de 1539.
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— Voir sur les autres monuments de la commune :
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Voir sur les sablières de Bretagne :
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PRÉSENTATION.
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"La Roche-Maurice fut jusqu’au Concordat de 1801 une des nombreuses trèves de la paroisse de Ploudiry, elle-même prieuré cure de l’abbaye des chanoines réguliers de saint Augustin à Daoulas.
L’église actuelle fut construite au cours du XVIe siècle ; c’est dans une église ou chapelle qui la précéda, qu’en 1363, Hervé VIII dernier seigneur de Léon fonda par testament deux chapellenies. À cette date, l’église de La Roche-Maurice est déjà placée sous le patronage de saint Yves décédé en 1303 et canonisé en 1347.
L’édifice actuel est de plan rectangulaire comme l’étaient la plupart des églises et chapelles bretonnes jusqu’au XVe siècle. Il porte sur sa structure des dates s’échelonnant de 1539 sur la grande verrière à 1589 au-dessus du portail occidental. L’édifice dut être entièrement reconstruit et peut-être agrandi au cours du XVIe siècle comme tant d’autres édifices religieux qui avaient eu à souffrir des guerres bretonnes entre 1487 et 1491. Au cours de ces guerres, le château de La Roche-Maurice fut assiégé et endommagé, nul doute que le bourg castral et son église eurent à subir quelques méfaits. La paix et la prospérité revenues favorisèrent un élan de construction ou de reconstruction d’églises et de chapelles déjà amorcé au cours du XVe siècle.
La construction de la nouvelle église de La Roche-Maurice se fait du temps du vicomte René Ier de Rohan (1516-1552) qui devint prince de Léon vers 1530, des vicomtes Henri Ier de Rohan (1535-1575), René II de Rohan (1550-1585) et Henri II de Rohan, ce dernier devenu duc de Rohan en 1603. La fin du mécénat ducal à la mort, en 1514, d’Anne de Bretagne entraîne le tarissement progressif du mécénat seigneurial. Rappelons que les Rohan adhèrent au protestantisme de 1550 à 1645. À La Roche-Maurice comme ailleurs, les ressources paroissiales, gérées par des fabriques recrutés parmi la paysannerie aisée, permettent la mise en œuvre de chantiers aussi bien que la commande d’œuvres d’art. Les comptes conservés de la trève ne concernent que les années 1692-17025, les ressources annuelles sont alors d’environ 600 livres. Le plus ancien document laissé par la fabrique date de 1560 et concerne un acte de donation. De l’époque de la construction de l’église actuelle et de son embellissement nous n’avons que quelques noms de fabriques, appelés tantôt trésoriers tantôt marguilliers, inscrits sur le verre, dans le bois ou la pierre. Les armoiries des Rohan et de leurs alliances qui figurent ou figuraient dans divers endroits de l’église rappellent moins leur mécénat que leurs droits de seigneurs prééminenciers. Les Rohan percevaient une chefrente sur certains biens que possédait la fabrique de l’église. En ce XVIe siècle qui voit la reconstruction de son église, La Roche-Maurice reste le siège d’une juridiction, son château fort est aussi en reconstruction sous la direction des capitaines qui en assurent la garde. Ce double chantier anime la petite cité mais aussi pèse sur sa population sous forme de corvées pour le château, de charrois gratuits pour l’église." (G. Leclerc)
L'intérieur, du type à nef obscure, et dont les arcades en tiers-point pénètrent directement dans les piliers cylindriques, est lambrissé en berceau avec sablières et entraits engoulés. La richesse de ses sculptures, notamment des sablières, panneaux sculptés qui ornent le sommet des murs, a été remarquée depuis longtemps.
Les auteurs les datent habituellement de 1559 (date sur le coté sud de la nef) et 1561 (bas-coté nord) , mais une inscription, particulièrement soignée du bas-coté sud, méconnue jusqu'à la restauration de 2017, porte la date de 1552 et les armes des seigneurs de Léon.
La pose de la charpente aurait donc débuté par le bas-coté sud, puis le sud de la nef et enfin le bas-coté nord. Le chevet était construit depuis plus de 20 ans, puisque la maîtresse-vitre porte la date de 1539. On notera que la chapelle de Pont-Christ reçut ses sablières en 1560.
La datation 1552-1561 des sablières correspond à la fin du règne d'Henri II et au début de celui de François II. L'influence des ornemanistes de l'École de Fontainebleau s'y décèle sur la frise inférieure, mais bien moins que dans les productions de l'atelier du Maître de Pleyben, postérieur d'une vingtaine d'année.
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Contexte : les ateliers de menuisier-imagiers de Bretagne à la moitié du XVIe siècle.
Le contexte peut se baser sur trois critères : stylistique, chronologique, et thématique.
— Les caractéristiques stylistiques du sculpteur des sablières de La Roche-Maurice n'ont pas été étudiées, et cette série d'article pourra procurer les moyens de le faire.
— À défaut, nous pouvons profiter de connaître leur date pour les situer dans la production des sablières, même si beaucoup de celles-ci ne soient pas datées. En Finistère, 114 ensembles sont datés du XVIe siècle (S. Duhem).
En Basse-Bretagne, la charpente sculptée de La Roche-Maurice (1552-1561) est contemporaine de l'atelier de Plomodiern (1544-1564), actif plus au sud, et antérieure à la production de celui de Pleyben (1567-1576). Elle est contemporaine des sablières de Pont-Christ (1560, perdues), de Le Tréhou (ca 1555), de Lannédern (1559), et de La Martyre (ca 1560).
— Sur le plan thématique, l'ensemble comporte au moins cinq thèmes remarquables : au sud une lutte au bâton de bouillie, un buveur au tonnelet, puis un couple de musiciens tambourin/cornemuse, et au nord une scène de labour, et une scène de funérailles. Ces thèmes se retrouvent ailleurs en Bretagne. Le plus significatif est le labour à la charrue, retrouvé aussi à La Martyre, Le Tréhou, Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, Pleyben, Bodilis, entre 1560 et 1570 dans un rayon de 50 km en Finistère. Les trois derniers sites relèvent de l'atelier du Maître de Pleyben.
Voir : Tous mes articles sur les sablières.
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Rappel sur la structure de la charpente.
Les entraits sont des grosses poutres de bois qui assurent la solidité de l'ensemble : des gueules de dragons ou engoûlants sont sculptés à leurs extrémités. Des culots de poinçon sont ornés de blasons seigneuriaux, lion des Léon et macles des Rohan, ainsi que d'anges et de personnages aux expressions variées.
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Ces sablières n'ont jamais fait l'objet d'une étude dédiée. L'auteure de référence reste Sophie Duhem, et l'Index de son ouvrage général sur les sablières de Bretagne, en 1997, pour l'item "Roche Maurice", possède 28 renvois de pages. Néanmoins, elle les attribue à B. Rollant (nom inscrit sur la nef sud, en réalité "A. ROLLANT"), alors qu'il faut voir sous ce nom, à mon sens, celui du fabricien en exercice en 1559. D'autre part, elle donne les dates de 1559-1561.
Guy Leclerc, en 2012 pour le SHAB, consacre un paragraphe de trente lignes aux sablières dans son article sur l'église, en indiquant les dates de 1569-1571.
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La charpente de l'église Saint-Yves est divisée en dix travées, tant dans la nef que sur les collatéraux. Dans la nef, les successions des entraits engoûlés se poursuit jusqu'au jubé, qui sépare la 6ème et la 7ème travée, qui débute le chœur.
Ces travées découpent la succession des sablières. Celles-ci sont sculptées en bas-relief peints monochromes sur l'extérieur des bas-cotés, et nous pouvons donc décrire dix pièces sculptées au sud et autant au nord : je les désignerai sous les sigles S1 à S10 au sud et N1 à N10 au nord.
Au centre les sablières de la nef puis du chœur sont également au nombre de 10 au sud (Sn 1 à Sn10) et dix au nord (Nn 1 à Nn 10).
Nous aurions donc, si le décompte est exact et qu'à la vérification il ne manque rien, un corpus de 40 pièces sculptées. Et chaque sablière est double, puisque sous la pièce supérieure, de 20 ou 30 cm de haut, court une pièce plus décorative, en frise, de 10 cm de haut environ.
Chaque pièce des bas-cotés est entourée depuis la façade ouest jusqu'à la façade est d'un blochet : ajoutez donc au décompte 20 blochets, chacun sculpté en ronde-bosse d'un motif animal ou humain.
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Une restauration indispensable.
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Un cartel affiché pendant les travaux sur l'église apprenait au public que :
"Le principal désordre affectant les charpentes est un affaiblissement des structures des bas-cotés. Cet affaissement est en grande partie dû au pourrissement des sablières, repoussant l'ensemble de la charpente vers l'extérieur. Une précédente rénovation avait entraîné une remontée des parties basses de charpente, modifiant ainsi sa forme générale et provoquant des entrées d'eau aux extrémités des versants, le long des chevronnières. La charpente sera restaurée sur place afin de ne pas altérer les lambris constituant la grande richesse de cette église. Les ardoises de la couverture seront déposées, retaillées puis reposée sur la charpente une fois celle-ci restaurée. Les travaux seront réalisées en trois tranches, débutant par les deux premières travées du chœur. »
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Les trois tranches de travaux Tc1, TC2 et TC3 (plan M.-S. de Ponthaud) :
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Selon un autre plan (infra) établi par M.-S. de Ponthaud, les deux premières travées des bas-cotés sont récentes, une partie de leurs sablières , et leurs blochets, ont été sculptés en 2017 par l'atelier Le Ber de Sizun.
La restauration des autres pièces :
"Les artisans ont préservé les bois d'origine et n'ont remplacé que les parties irrécupérables. En dépit de l'utilisation d'outils modernes, les méthodes de restauration restent traditionnelles. Les matériaux sont le chêne et le pitchpin, mis en oeuvre au XIXe siècle. Les principaux facteurs de dégradation sont l'humidité et l'utilisation de bois jeunes, propices à l'installation des champignons et des insectes xylophages. La protection du bois est assurée par des produits anti-fongicides.
Les parties sculptées sont souvent altérées. Les artisans doivent remplacer les parties les plus abîmées. Ils ne conservent que le parement, la face visible et ouvragée. La pièce de bois est recoupée en atelier. Une partie de bois neuve remplace la section irrécupérable. Les parties sculptées sont remodelées à l'aide d'une pâte, qui adhère bien au bois. La pièce est ensuite peinte par les polychromeurs." (Atelier Le Ber)
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Un bonus : on trouvera quelques photos des sablières datant de 2011, avant la restauration.
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DESCRIPTION.
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Elle progressera d'ouest en est, donc de S1 à S10.
S1 : masque crachant des feuilles
S2: Volutes entrelacées et têtes animales
S3: deux hommes luttant au jeu du "bâton à bouillie" ou Baz yod ( 1552)
S4: Homme serrant un tonnelet ( 1552).
S5: Musiciens (cornemuse et tambourin) ( 1552)
S6 : Inscription "Jacques Le Men 1552" ( 1552)
S7 et S8 : ?
S9 : têtes d'anges.
S10 : Deux hommes présentant des phylactères.
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Les pièces sont séparées par des blochets également désignés BS.1 à BS.10.
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Premier blochet BS.1 : un singe . Le sigle arobase (Atelier Le Ber, 2017).
Ce singe est peut-être un Capucin. Le menuisier s'est amusé, mais j'ignore son arrière pensée. Je l'avais attribué aux ateliers Le Ber, mais en février 2023, j'ai reçu ce message dont je remercie madame Le Ber :
"Nous ne sommes pas à l'origine du blochet sculpté en singe. Il existait déjà avant notre intervention. Les travées 1 et 2, au Nord comme au Sud, ont été remplacées en 1995, par l'entreprise CCA. Par contre La frise inférieure, avec le "@", est bien de notre fait, en effet et date de la campagne de restauration qui s'est terminée en 2017. Un grand merci pour tous vos partages. Bien cordialement Anne-Claire Le Ber"
Le menuisier de l'atelier Le Ber a placé, en clin d'œil de la modernité de sa restauration, un sigle @ juste en dessous de ce singe.
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S1 : masque crachant des feuilles.
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Toute la frise inférieure serait récente, puisqu'on ne l'observait pas en 2011.
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Blochet BS.2 : un homme ou ange pieds nus en tunique.
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S2: Volutes entrelacées et têtes animales.
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Troisième blochet BS.3. Homme caressant sa barbe.
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S3: deux hommes luttant au jeu du "bâton à bouillie" ou Baz yod ( 1552)
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Ce jeu courant en Bretagne jusqu'au XIXe siècle — une lutte au bâton unique tenu transversalement et par les deux extrémités par chaque adversaire —, est également représenté sur les sablières de la chapelle Saint-Sébastien de Le Faouët (Morbihan) qui portent la date de 1608. On le trouverait aussi selon S. Duhem dans la chapelle de la Trinité de Bieuzy (Morbihan), mais je ne retiens pas cette suggestion car les deux hommes, avalés par des dragons, se battent en tenant chacun un bâton, par sa poignée.
Cette représentation dont nous n'avons que deux exemples en Bretagne possède donc une forte valeur documentaire.
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Mais à la différence de la chapelle Saint-Sébastien, où les concurrents sont figurés en costume XVIe siècle (à taillade pour l'un), les deux hommes de La Roche-Maurice sont nus, à la fois sur le dos et sur le ventre, les pieds tenus par des masques barbus, et, enfin, emplumés par des rubans, des volutes et des colliers de feuilles dépourvus de tout réalisme. Nous avons là une caractéristique stylistique, qui se retrouvera plus loin, de transformation du thème, au départ documentaire sur la vie rurale, en un décor fantastique. Nous trouvons aussi une dilution des frontières entre les trois mondes humain, animal et végétal, et une transformation de l'un en l'autre. Ces métamorphoses, ces passages se retrouveront plus tard — ou se retrouvaient déjà —dans les réalisations du Maître de Plomodiern (1544-1564) en Porzay et au Cap-Sizun.
La frise (la première qui soit d'origine) est également importante à considérer car les masques humains tiennent des volutes enlacées par des anneaux (sans modèle naturel notamment végétal) et donnant naissance à des épillets. C'est, typiquement, le vocabulaire de l'Ecole de Fontainebleau, comme on en trouve dans les stucs du Grand Salon du château de Fontainebleau. Et ce vocabulaire sera repris par le Maître de Pleyben, notamment pour les sablières de la chapelle du château de Kerjean.
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Nous voyons donc que le style de ce huchier n'est pas assimilable à celui d'autres ateliers, mais qu'il existe des points de contacts témoignant, en Bretagne, d'une sensibilité aux influences artistiques du moment.
Les visages se caractérisent par des nez aux fortes narines, par des lèvres inférieures épaisses et par une ligne sourcilière longue et puissante, sous un front court et des cheveux presque crépus. Ces visages viennent ainsi frôler la monstruosité.
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Blochet BS.4. Buste nu de femme aux lèvres épaisses et à la poitrine développée.
Elle est coiffée d'un bandeau au dessus d'un voile qui serre son menton. Ce buste se greffe sur des éléments décoratifs en volute.
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S4: Homme serrant un tonnelet ( 1552).
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Le buveur, figure de l'intempérance, est encadré par deux grylles, personnages chimériques barbus à queue en feuille de lotus, dont la bouche crache une créature semblable.
Les exemples de ce type de tonneau, ou de figures d'ivrognes, ne manquent pas :
Scène d'ivrognerie autour de tonneaux à Notre-Dame de Grâces (1506-1508)
Scène d'ivrognerie au tonnelet à l'église de Loguivy-Plougras (1551-1557)
Scène d'ivrognerie des sablières sb4 de Bodilis en 1574.
blochet au tonnelet à la chapelle Notre-Dame des Cieux d'Huelgoat en 1580.
Buveur au tonnelet en about de poinçon de la chapelle Saint-Tugen de Primelin (ca 1535 ?)
Buveur au tonnelet des crossettes de Confort-Meilars (ca 1528).
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La frise alterne des volutes, des têtes reliées par des anneaux aux volutes, des sortes de monogramme,et des petits cuirs découpés (cuirs qui se développeront à Kerjean pour devenir une marque de fabrique du Maître de Pleyben, mais qui proviennent de l'École de Fontainebleau). Les masques aux yeux caves transpercés par des anneaux sont un nouvel exemple de la perte de réalisme. Ils se retrouvent en Sb4 sur les sablières de Bodilis (Maître de Pleyben,1574), juste a à coté de la scène d'ivrognerie.
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Blochet BS.5 : une vache tenant un phylactère par ses sabots.
C'est peut-être un bœuf. Et pourquoi pas celui de saint Marc, si on y tient. Pas moi.
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S5: Musiciens (cornemuse et tambourin) ( 1552) et charrette de futailles.
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La scène à six personnages et deux animaux est riche, d'autant que la frise inférieure n'est plus strictement décorative.
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Les musiciens.
Le regard est attiré d'abord par les deux musiciens. Celui de droite joue d'une cornemuse, dont le bourdon, orné d'une ruban en boucle, est posé sur l'épaule. Les deux mains sont posés sur le hautbois.
http://jeanluc.matte.free.fr/fichio/rochemaur.htm
Son compagnon joue d'un tambourin avec deux baguettes.
Une main surgie de nulle part leur tend un verre de vin.
Ils sont chacun coiffé d'un bonnet à plume.
En fait, nous ne voyons que leur tête, leur buste et leurs bras, qui s'implantent sur une queue de plume ou de feuilles.
Derrière chacun d'entre eux, une tête de profil (coiffée d'un bandeau ou d'un bonnet) et le haut d'un buste.
Le Maître de Pleyben a sculpté plusieurs sonneur de cornemuse :
En blochet pour la nef de l'église de Pleyben vers 1571.
En about de poinçon pour la croisée du transept de la même église de Pleyben. (avec le bourdon à l'épaule gauche)
En about de poinçon de l'église de Bodilis (ca 1574)
En about de poinçon de l'église de Saint-Divy (ca 1570-1580)
En about de poinçon de la chapelle du château de Kerjean (1570-1580)
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Sur la frise, un cheval est attelé à une charrette dont on a déchargé deux tonneaux.
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Aux extrémités, deux renards montrent leur tête, mais là encore empanachée de feuilles-plumes.
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Blochet BS.6. Ange tenant deux clous.
Pas de photo.
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S6 : Inscription "Jacques Le Men 1552" ( 1552).
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Entre deux gueules de chien ou de loups (au corps végétalisé), deux anges allongés et volants tiennent d'une main un phylactère, et de l'autre un blason au lion dressé.
L'inscription dit ;
PIL E LACLE LE MEN / LAN MVLII
ce que je transcris par "[Fiacre] Le Men l'an 1552".
Le déchiffrage des premiers mots, et notamment de LACLE, est difficile. Faut-il lire IACIE pour ce rapprocher de IACQUES ? Ou plutôt lire FIACRE LE MEN, en s'inspirant de l'inscription nord , et en assimilant le E (quatrième lettre) à un F ?
(La généalogie Brenéol rapporte un Fiacre le Menn, mais il est né à Plouvien en 1680)
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Nous retrouverons ce "Fiacr Menn" sur la sablière N6 sur une inscription où son nom est suivi d'un G qui le désigne comme gouverneur, chef de la fabrique paroissiale.
Je ne le retiendrais comme auteur des sculptures que si la mention " a fait faire" était présente. Dans le cas contraire, je le tiens pour le fabricien. Sa fonction était-elle précisée par le début "PIL E" ?
Un autre argument pour y voir un fabricien local est que le bénitier de kersanton du porche sud porte l'inscription A. MEN. Bien que, là encore, certains y voient le nom du sculpteur et d'autre celui d'un donateur, la présence du même patronyme sur deux chantiers différents, l'un en pierre, l'autre en bois, plaide pour deux fabriciens d'une même famille aisée de la paroisse. Le porche sud ne porte pas de date, mais on l'estime entre 1530 et 1540 (E. Le Seac'h), 1530 et 1550 (Abgrall 1183 et 1911) ou 1550 (Apève) : donc sans doute antérieur mais presque contemporain de ces sablières. Cela avait déjà été remarqué avant moi par L. Lécureux en 1914 ("un bénitier de granit à pans coupés , dont l' inscription en gothique A : MEN indique certainement le nom du donateur, que l' on retrouve, sur une sablière du bas-côté sud , orthographié Menn.") puis en 1919 "Nous noterons enfin, dans le bas-côté sud, au revers du trumeau de la porte, un bénitier en granit à pans coupés portant l'inscription en lettres gothiques A : MEN qui représente certainement le nom du donateur. Celui-ci est peut-être le même que Alaër Menn. — Alaer ou Alar est le nom d'un saint breton que l'on a fini par confondre avec saint Éloi — dont nous avons vu le nom figurer sur la sablière du bas-côté nord."
Si les archives ne permettent pas de retrouver des identités au XVIe siècle, le patronyme LE MEN ou LE MENN est attesté à Ploudiry (la paroisse à laquelle La Roche-Maurice appartient) sitôt que les généalogistes disposent d'actes . C'est bien le nom d'un paroissien.
Le blason montre les armoiries des seigneurs du Léon, dont les héritiers furent les vicomtes de Rohan.
La date est également problématique, en raison de l'avant-dernière lettre qui, en 2011, apparaissait comme un R. Néanmoins, cette date 1552 est donnée sur le site de l'entreprise Le Ber, qui, lors de la restauration, a pu faire la part entre les lettres réellement gravées, et les parties peintes postérieurement.
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Les photos de 2011.
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UNE RUPTURE DE STYLE.
Au delà de la sixième pièce de sablière, ( correspondant, dans la nef, au franchissement du jubé), nous assistons à un changement de style, dont le critère le plus objectif est l'interruption de la frise inférieure. Il y a changement stylistique, et les scènes figurées complexes et fantasques laissent la place à des éléments ponctuels sur une pièce de bois non sculptée par ailleurs : bustes d'hommes ou d'anges, hommes au phylactère. Le changement d'atelier est manifeste.
La même rupture survient également sur le bas-coté nord au delà de la 6ème travée, qui reprend sans variété les mêmes anges et les mêmes hommes au phylactère.
Cela correspond-il à une réalisation plus tardive (ou antérieure au contraire) ?
Sophie Duhem mentionne un atelier de l'église de Plonévez-du-Faou, également actif à Combrit, qui adopte ce style ( assez banal et répétitif), dont j'ai décrit une réalisation sur la chapelle sud dite du Rosaire de Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix.
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Blochet BS 8. Vache.
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Blochet BS 8. Diable au phylactère.
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S8 : Têtes d'hommes coiffés de bonnet carré.
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S9 : deux bustes d'anges.
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Blochet BS.9. Aigle au phylactère.
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S10 : Deux bustes d' hommes présentant des phylactères.
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Blochet BS.10 : Ange au phylactère.
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SOURCES ET LIENS.
—BROUCKE (Paul-François), MAUGUIN ( Michel) ) 2006. Les prééminences armoriées des Rohan au tympan de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Yves, La Roche-Maurice (Finistère), Bulletin de la Société archéologique du Finistère.
https://www.shabretagne.com/scripts/files/58ac1051308735.01528915/2012_03.pdf
—BROUCKE (Paul-François), 2012, "L’emblématique de la maison de Léon aux XIIe-XIVe siècles et les prééminences de Daoulas et La Roche-Maurice aux XVe-XVIe siècles", Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne , Congrès de Brest SHAB pages 59-82. En ligne :
http://www.shabretagne.com/scripts/files/58ac1051308735.01528915/2012_03.pdf
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, La Roche-Maurice, in Nouveau répertoires des églises et chapelles du diocèse de Quimper
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/ROCHEMAU.pdf
"Les sablières portent les inscriptions suivantes : " IA(N). LE. BOELL. G. AN. LAN. MIL VcLXI/A. ROLLAND. 1559/1561. H. H. ELAERE. LE. MEN. "
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... Sophie Duhem ; préf. d'Alain Croix. Vue : ... Publication, Rennes :Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997.
— LECLERC (Guy), 2012, La Roche-Maurice, église Saint-Yves et ossuaire, Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne , Congrès de Brest SHAB pages 699-711. En ligne :
http://www.shabretagne.com/scripts/files/58e3e365148ef0.21808328/2012_31.pdf
— LÉCUREUX (Lucien), 1914, Congrès archéologique de France.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4224131z/f218.image
— LÉCUREUX (Lucien), 1919, Congrès archéologique de France à Brest et à Vannes.
http://www.infobretagne.com/roche-maurice-eglise-ossuaire.htm