Le calvaire (granite, vers 1500) de l'église de Motreff.
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Le calvaire de Saint-Hernin (granite et grès arkosique, XVIe et XXe siècle).
Pour les autres calvaires, utiliser l'onglet "rechercher".
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DESCRIPTION.
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Deux marches en moellons, coté ouest, sont accolées à un soubassement carré en pierres de taille (granite) formant en périphérie un banc, puis à un deuxième soubassement carré plus petit avec table d'offrande coté ouest et bénitier du coté nord. Un socle cubique biseauté en pans sur le dessus, reçoit trois croix très rapprochées, et coté ouest, un groupe de la Déploration.
La croix centrale débute par une forme cubique, s'affine en forme octogonale jusqu'à une ronde de trois marmousets présentant des écus concaves, s'affine encore en forme cylindrique jusqu'à un disque tulipé et enfin s'achève par la croix, de section ronde.
La partie ouest du fût octogonal porte un Saint Michel terrassant le dragon, en haut-relief.
La partie cylindrique du fût est encadrée par les statues en ronde-bosse de la Vierge et de saint Jean, posées sur la tête des marmousets et orientés vers l'ouest.
La croix est dotée de deux anges hématophores, et d'un titulus aux lettres gothiques INRI. Ce titulus n'est pas un écriteau, mais une banderole en large linge plié.
Du coté ouest de la croix, le Christ crucifié a la tête inclinée vers la droite ; son dos est cambré.
Du coté est, le Christ ressuscité a la tête inclinée et tournée vers la droite ; il désigne de sa main droite la plaie du flanc.
Les croix des larrons, en retrait, cylindriques, s'affinent également jusqu'aux gibets,dont il ne reste que les croix en tau, sans les personnages.
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Un certain nombre de caractères, remarqués par Y.-P. Castel en 1980 et E. Le Seac'h en 2014, incitent à rapprocher ce calvaire de celui de la chapelle de Quilinen, en Landrévarzec. Mais aussi de celui de Mellac. Ce sont :
- le rapprochement des trois croix sur une base étroite,
- Les larrons cambrés, jambe gauche repliée.
- la Déploration sur le socle
- Les 3 marmousets formant console, et leurs écus
- Le Christ en croix encadré, en diagonale des deux anges tenant leur calice sous les mains du Crucifié.
- Le titulus large, en linge plié.
- Le Christ ressuscité vers l'est.
- Le matériau : le granite (et quelques personnages en grès feldspathique à Mellac).
- un élan vertical ascensionnel.
Aussi, en 2014, E. Le Seac'h les a attribuées par un nom de convention au "Maître de Quilinen". Et elle lui a attribué également les Larrons du calvaire de Saint-Hernin et la croix du Vieux-Bourg de Lothey.
Le calvaire de Motreff peut aussi être rapproché de celui de Brasparts, qui a aussi le titulus en linge plié en Z, les trois marmousets, l'ange saint Michel terassnt le démon, etc.
Les ateliers de sculpture sur pierre en Basse-Bretagne au XVe siècle sont ceux de l'atelier ducal du Folgoët (1423-1509), qui travaille la kersantite, dans le cadre du mécénat du duc de Bretagne, et du maître de Rosnoën (vers 1470), auteur du calvaire éponyme à Saint-Jean-Trolimon et de son atelier, travaillant le granite, exceptionnellement la kersantite, mais aussi dans la région de Carhaix-Gourin le grès arkosique , plus rarement le calcaire sur une dizaine ou quinzaine de sites.
L'atelier du Maître de Quilinen et celui du Maître de Brasparts, actifs vers 1500, ou à la fin XVe-début XVIe, occupent donc une place précoce (la troisième) dans l'histoire (présentée à grands traits) de la sculpture sur pierre du Finistère.
Les ateliers landernéens travaillant le kersanton sont plus tardifs, ce sont ceux des Prigent (1527-1577), du Maître de Plougastel (1570-1621) ou de Roland Doré (1618-1663). Ils sont responsables de la majorité des calvaires attribués des enclos bas-bretons.
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VUE GÉNÉRALE.
Ces vues font apparaître l'empilement pyramidal des quatre étages.
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Du coté ouest.
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Du coté est.
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La seule figure (outre le marmouset) est celle du Christ ressuscité, au dos du Christ en croix.
À la différence du calvaire de Quilinen (aux figures tournées de façon radiaire sur une base triangulaire et même stellaire), celui de Motreff apparaît aujourd'hui comme organisé seulement en deux faces, occidentale au couchant pour la mort du Christ et oriental au levant pour sa résurrection.
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L'ÉTAGE SUPÉRIEUR.
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LE CRUCIFIÉ ET LES ANGES HÉMATOPHORES.
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Il est semblable à celui de Quilinen, avec ses jambes maigres, raides et tendues, ses pieds croisés le droit au dessus du gauche, son pagne ou perizonium croisé bas devant le bassin, au ras du pubis, le ventre rond propulsé en avant, le nombril en excroissance et le dos cambré, le buste très légèrement tourné vers la droite dans un mouvement accentué par les bras (épaule droite plus basse que la gauche) et la tête très inclinée sur la droite, avec le visage long, les cheveux formant un voile depuis la couronne d'épines, et les mains fixées par deux clous trapézoïdaux au bout de bras malingres.
Les anges, très érodés, sont vêtus d'une robe au drapé raide.
L'ange de gauche porte la main droite devant sa poitrine, mais le calice est soit tenu par le bras gauche abaissé, soit suspendu sous la croix, si le bras gauche est brisé.
De même, du coté droit, le bras droit de l'ange, qui tenait le calice supérieur, semble brisé, tandis que le bras gauche présente un deuxième calice devant la plaie du flanc.
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Le titulus est un linge, aussi large que la tête du Christ, plié trois fois sur lui-même en Z ; les lichens dont il est couvert masquent en partie les lettres INRI. Il manque peut-être une partie.
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LE CHRIST RESSUSCITÉ.
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Placé contre la croix, pieds nus appuyés sur le disque tulipé, il s'affirme en contre-type du Christ en croix, d'autant qu'il en garde les jambes maigres et droites, le pagne descendu, le ventre protrus devant la cambrure des reins, ou la tête tournée et inclinée vers la droite ; et que nous prenons à première vue les deux anges, vus de dos, en diagonale, pour ses bras élevés en V.
Il faut l'examiner de près pour voir que le bras droit, au coude levé à 120°, est plié afin que la main vienne nous désigner la plaie du flanc droit, l'un des cinq stigmates. L'autre bras, coude fléchi mais abaissé,vient placer le dos de la main contre la poitrine, afin que la paume ouverte expose le trou béant de la plaie causée par le clou du crucifiement.
C'est le Christ victorieux, vêtu du manteau écarlate de la Résurrection (et non du manteau pourpre de la Passion) : ce manteau entoure, coté gauche, l'épaule avant de retomber jusqu'au genou, tandis qu'à droite, il est soulevé par le coude, et tombe en un pli jusqu'au talon. Son agrafe (qui réunit les deux pans devant le torse) est ce losange centré par un bouton visible devant le sternum.
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Cette face orientale montre aussi comment le linge du titulus vient envelopper le sommet de la croix puis retomber en un pan vertical marqué de deux plis en tuyaux derrière le bras supérieur de la croix, puis se replier une ou deux fois encore. Si nous déroulons mentalement la bande de tissu, elle atteint peut-être 1,50 ou 2 mètres.
Ce titulus-banderole se retrouve à Quilinen, Mellac, et Brasparts, il a, par sa rareté dans l'art occidental, une valeur sémiologique précieuse. Il peut évoquer la banderole du Jugement Dernier au dos du crucifix des calvaires de Châteaulin et d'Argol, datant du XVe siècle, mais c'est ici quelque chose de différent.
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LES CROIX DES LARRONS.
Il en reste peu de chose : une croix en tau à droite, avec une main en bas-relief sur le fût, et un lien (celui par lequel le Larron était garrotté par les bras et par une jambe), et un fragment de fût à gauche. Les deux suppliciés ont disparu.
On verra à Saint-Hernin, Mellac et Quilinen à quoi ils pouvaient ressembler.
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L'ÉTAGE INTERMÉDIAIRE : LA VIERGE ET SAINT JEAN.
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Autour de la partie cylindrique du fût, et posées sur les consoles, la Vierge et Jean occupent toute la hauteur du troisième étage (en partant du bas) entre ces consoles et le disque tulipé. Ils sont tous les deux orientés vers l'ouest, dans le même axe que le Christ en croix, ce qui est logique puisqu'ils se rapportent au texte de l'évangile de Jean 19:25-27
Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus, voyant sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.
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Les statues de Jean et de la Vierge frappent par leur haute taille contrastant avec leur faible largeur, ainsi que par la rondeur des visages.
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LA VIERGE.
Toute en longueur, elle est vêtue d'un manteau qui tombe jusqu'aux pieds, par le voile qui englobe sa tête en dépassant le front en auvent comme une capuche, d'autant qu'il forme un pli en pointe au milieu du front. La guimpe traditionnelle de Marie au pied de la croix est bien là.
Ses bras sont croisés sur la poitrine ; ils émergent du manteau, mais à gauche, l'avant-bras sort d'une manche large.
Ses traits sont sévères, la bouche aux lèvres avancées en moue se creusent à chaque commissure d'une fossette triste. Le visage aux joues rondes et au menton court est presque inscrit dans un cercle.
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Saint Jean, et son livre de ceinture.
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Ce qui est le plus remarquable est le sac rectangulaire qu'il tient dans sa main gauche mais qui est suspendu en réalité à sa ceinture. C'est bien-sûr, le livre dont il est l'auteur (Évangile selon saint Jean plutôt que le Livre de l'Apocalypse), livre qui, comme tous les manuscrits précieux de l'époque, enluminés et reliés, est protégé par une "couverte" qui sert d'enveloppe pour son transport. Ce détail, assez logique, est en réalité assez rare pour servir de marqueur iconographique, et il est notable qu'on le retrouve à Quilinen (sur les deux statues de Jean) et à Mellac.
On le trouve souvent sur les statues de saint Yves, où il peut correspondre à un sac à procès.
Cet étui de livre suspensif est une façon de reliure des livres de prières, très répandue au Moyen-Âge, où la couverture en cuir ou en étoffe, qui d'un coté se prolonge en forme de sac, est pourvue à son extrémité supérieure d'un crochet au moyen duquel le livre était suspendu à la ceinture pour le porter avec soi, ou d'un nœud permettant de le retenir dans le poing fermé . Quand le livre est ouvert pour la lecture, le sac pend en bas.
Wikipédia le décrit sous le titre d'article "Livre de ceinture" ou "livre en aumonière" ( girdle book en anglais, beutelbuch en allemand), en soulignant la pénurie de recherches. L'article s'accompagne d'illustrations éloquentes. Néanmoins, seuls 23 livres de ceinture médiévaux nous sont parvenus, le plus ancien datant vers 1453. Selon l'auteur, cet usage est limité à une région allant des Pays-Bas à la région rhénane, ce qui, si cela était confirmé, serait un indice important à propos du Maître de Quilinen. Il en existe plus de 800 représentations du XIIe au XVIIe siècle, mais ils passèrent de mode à la fin du XVIe.
Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne BnF latin 9474 en fournissent un bel exemple dans l'enluminure du folio 179v de saint Pierre le martyr. Or ce manuscrit est daté de 1505-1510, proche de la datation estimée des calvaires du Maître de Quilinen.
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.de France
— BOULET (Eric), 2012, La reliure en aumônière.
http://www.atelier-rochebonne.fr/article-reliure-aumoniere.html
— Jérôme Bosch, saint Jacques en pèlerin, triptyque du Jugement Dernier, vers 1482-1515.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Hieronymus_Bosch_097.jpg
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jugement_dernier_(Bosch,_Vienne)
— L'objet-livre, livre de ceinture :
https://bibliothecaire.wordpress.com/2006/12/22/lobjet-livre-livres-de-ceinture/
https://www.flickr.com/photos/25300312@N08/sets/72157625022673359/with/4998163808/
https://www.iostopan.com/a-modern-take-on-the-medieval-girdle-book/
Le site larsdatter.com propose 3 représentation de saint Jean au pied de la croix, portant un livre à la ceinture.
http://www.larsdatter.com/girdlebooks.htm
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Le saint est vêtu d'un curieux manteau fermé,aux manches larges, et serré comme une tunique par une ceinture portée haut et qui fait bouffer l'étoffe. Ce manteau est court, et il recouvre en tablier la robe ou cotte talaire, d'où ne dépassent que l'extrémité de souliers ronds.
L'autre élément remarquable, c'est, je l'ai déjà signalé, la rondeur du visage et la faible hauteur de l'étage inférieur, ce qui, avec la bouche en accent circonflexe, le nez large et épaté et les orbites profondes, confère un aspect sévère à ce saint plus souvent représenté ailleurs avec plus d'aménité.
Enfin sa coiffure mi-longue forme deux masses latérales qui accentuent l'impression de rondeur.
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LES TROIS MARMOUSETS.
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Le terme de "marmouset" est employé par tous les auteurs depuis P.-Y. Castel pour désigner ces trois personnages en buste qui font une ronde pour séparer les étages du fût tout en servant de console aux personnages de l'étage sus-jacent. Il désignait habituellement, en histoire de l'art monumental, une figure grotesque qui sert d'ornement architectural. On les trouve à Quilinen, Motreff, Mellac (où ils sont réellement grotesques voire hideux), Saint-Hernin et Brasparts où ils tiennent dans la plupart des cas des écus.
On les trouve également, mais cette fois, par deux et tenant un phylactère, sur le calvaire de Saint-Nic.
http://www.lavieb-aile.com/2019/05/le-calvaire-de-l-eglise-de-saint-nic.html
Aucun de ces écus ne portent d'armoiries, et il me semble que ce soient plutôt les boucliers de ces petits messieurs vêtus en écuyer, et dont les seuls traits grotesques sont d'être bedonnants et excessivement cambrés.
Ils tiennent de la main droite leur écu et posent leur main gauche sur le poignet de leur compagnon de gauche.Ils sont vêtus d'un gilet à large col à rabats en pointe, à un seul bouton sous le menton, ouvert sur la poitrine, et ceinturé à la taille. Ils sont coiffés d'un bonnet à revers, sur un front largement épilé. Leur visage rond est proche de celui de saint Jean.
Deux d'entre eux portent, directement sur la tête sans console, la statue de la Vierge dans un cas et de Jean de l'autre. Entre eux, faisant face à l'ouest au dessus de saint Michel, le troisième ne porte pas de statue. Sur les trois consoles soutenues par les marmousets, l'une, celle de l'est, est vide.
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SAINT MICHEL TERRASSANT LE DÉMON.
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Le saint s'étire tout en longueur sur le fût, il est taillé en demi-relief sur le même bloc que lui. Il est en armure (on en voit la cuirasse, la jupe ouverte sur la braguette, ou les solerets) et il tient en main droite une très grande épée ou une lance dont l'extrémité est pointée dans la gueule du dragon. Dans la main gauche, il saisit son bouclier ou rondache, si rond qu'on le confond volontiers avec un chapeau. Tout en rondeur est, cela ne nous étonnera pas, le visage de l'archange, et nous retrouvons ici les traits du saint Jean ou des marmousets, les orbites creusées rendant le regard triste et profond, et la bouche sévère ; la calvitie frontale (que j'avais décrite avec tact plus haut comme une épilation) s'étend ici largement en arrière ; mais le saint se rattrape par deux masses latérales de cheveux très fournies.
La forme du démon n'est pas facile à saisir car il est sur le dos, et il dresse une patte sur l'épée, et une autre contre la jambe gauche de son adversaire : dans cette iconographie, comme dans celle des Vierges à la Démone, il est important de montrer que la bête, figure du Démon, n'est pas morte, loin s'en faut : elle est terrassée, mais se rebelle.
On le trouve, avec quelques différences (orienté vers l'est ; bouclier en écu, etc) à Mellac, on le trouve aussi à Brasparts, mais non à Quilinen.
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LA DÉPLORATION À QUATRE PERSONNAGES.
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Jean, Marie et Marie-Madeleine porte le corps du Christ décroché de la croix et exprime leur chagrin. Jean et Marie-Madeleine sont debout, un peu en arrière de Marie, les trois personnages formant un arc de cercle imposant de tourner autour d'eux pour les examiner. La Vierge me semble à demi-assise, soutenant le Christ sur ses genoux.
Jean soutient le bras droit, Marie-Madeleine pose la main sur le bras gauche, tandis que Marie retient le corps de son Fils par le coté.
Le Christ est en tout point semblable à celui de la Croix, avec ses membres longs et fins, ses pieds encore superposés (mais en sens inversé, pied gauche au dessus), son pagne entourant la face externe des hanches et se croisant au dessus du pubis, son ventre rond, sa plaie béante du flanc, sa tête inclinée vers la droite, son crâne ras et les cheveux longs sur le coté.
La Vierge est aussi très semblable à celle du pied de la croix, avec le grand voile qui la couvre entièrement comme une cape, la guimpe, le visage rond bien-sûr, et la bouche amère et butée.
Jean, que je ne vois pas bien (seule la lumière du couchant l'éclairerait car celle d'une fin d'après-midi le laisse encore partiellement dans la pénombre) n'a, bien sûr, plus son livre de ceinture (ou bien il le porte à gauche, et il est caché), mais c'est bien le même que tout à l'heure, front dégarni, flots de cheveux sur les épaules, le visage carré à force d'être rond, un enfant faisant la bouche en gueule de raie.
Marie-Madeleine est fidèle à son image, jeune, élégante, cambrée, richement vêtue d'une robe au corsage très ajusté avant de s'évaser en un plissé savant dont le bord se glisse sous les pieds de son Maître. Elle n'a pas le flacon d'aromates qui l'identifie, mais ce ne peut être qu'elle, à cette place favorite aux pieds du Seigneur. La finesse de ses bras et avant-bras est soulignée par le manchon (des manches rapportées) qu'elle porte sous le coude.
Cette Déploration diffère de celle de Brasparts (trois femmes de même taille, alignées sur le même plan, debout), mais il ressemble à ceux de Mellac et de Quilinen, avec Jean et Marie-Madeleine debout autour de la Vierge demi-assise : la posture des personnages est la même, et les traits stylistiques du Maître de Quilinen s'y retrouvent. Dans les trois cas, la Vierge n'est pas placée frontalement dans l'axe du Christ en croix, mais décalé vers la droite ; dans les trois cas, le corps du Christ s'enroule autour du genoux de sa Mère, et dans les trois cas, spectateur (ou le fidèle) est obligé de se déplacer pour suivre l'arc de cercle de la composition du groupe.
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CONCLUSION.
Si ce calvaire de Motreff mérite à lui-seul notre admiration, c'est surtout la comparaison avec ceux de Quilinen et de Mellac (et avec les Larrons du calvaire de Saint-Hernin) qui rend sa visite passionnante, en faisant apparaître l'unité stylistique de ces œuvres qui, quoique toutes dans le diocèse de Quimper et dans le Finistère, sont toutefois éloignées l'une de l'autre de 50 kms.
Chacune, ainsi, éclaire la compréhension des deux autres, et en complète les parties manquantes. Les choix esthétiques se révèlent être, par leur répétition par le même atelier, vraiment délibérés. J'ai mentionné en introduction quels sont ces points communs. Le plus intéressant pour moi est l'absence d'une polarité unique, celle ouest-est des calvaires habituelles, construits sur les axes d'une croix. Cette volonté est déjà détectable à Motreff.
À Motreff, cela commence par cette Déploration qui nous oblige, pour être face à la Vierge de Pitié, à nous décaler à droite de l'axe crucial. Cela se poursuit avec le recul des croix des larrons, qui ne s'alignent pas avec celle du Christ. Et cela s'achève par la rotation du corps du Christ crucifié vers la droite. C'est encore peu de chose. C'est à Quilinen que le sculpteur et organisateur spatial réussit un coup de maître en associant l'élan ascensionnel avec une rotation en spirale des axes que le regard doit adopter.
Le sens spirituel de ces mouvements et de ces ruptures de point de vue est fécond, mais c'est à chacun de l'interpréter.
On aimerait en savoir beaucoup plus, découvrir les commanditaires, leur milieu, les influences qui se croisaient en cette fin du XVe siècle et à l'aube du XVIe, le rôle possible des seigneurs de Kergorlay, l'effervescence artistique dans le Poher, etc.
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SOURCES ET LIENS.
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— CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère.
"Motreff, église, g. 7 m. XVè s. Quatre degrés. Soubassement de plan carré. Socle à pans, bénitier, trois fûts ronds, ceux des larrons ne portant plus que des vestiges. Fût central, Vierge de Pitié, statue de saint Michel terrassant le dragon, consoles à marmousets portant Vierge et Jean. Croix, branches rondes, large titulus, lettres gothiques, anges recueillant le Sang, crucifix cambré, Christ ressuscité. Parenté avec le calvaire de Quilinen (Landrévarzec). "
http://croix.du-finistere.org/commune/motreff.html
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Motreff, Nouveau répertoire des églises du diocèse de Quimper.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/e914c89e712f882d58147e3a2c190bee.pdf
"Dans l'enclos, calvaire du XVIe siècle, du type à trois fûts rapprochés comme à Saint-Hernin. Croix privées de leurs larrons. Sur la croix principale, Christ ressuscité au revers du Crucifix ; Vierge et saint Jean sur des culots, saint Michel terrassant le dragon en bas-relief contre le fût, Vierge de Pitié soutenue par deux saintes Femmes au pied du fût. "
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne les ateliers du XVe au XVIIe siècle / ouvrage préparé par Jean-Yves Eveillard, Dominique Le Page et Fañch Roudaut , Rennes, Presses Universitaires de Rennes. page 241
—S.N, 2014, QUATRE CALVAIRES DE LA RÉGION DE CARHAIX. Motreff, Brasparts, Saint-Hernin, Cléden-Poher
http://gwezen.dero.pagesperso-orange.fr/
http://gwezen.dero.pagesperso-orange.fr/motreff/motreff.html
— PÉRENNÈS (Henri), 1938, Motreff, Notice, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf
" Près de l'église, nous dit M. Waquet, se trouve un calvaire du xvie siècle du type de celui de Saint-Hernin."
— FINISTERE - CANTON CARHAIX-PLOUGUER / EN 2 TOMES : TEXTE + ILLUSTRATIONS. / Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. COLLECTIF / COMMISSION REGIONALE DE BRETAGNE. Edité par IMPRIMERIE NATIONALE - PARIS (1969)
— Site de la commune de Motreff :
http://www.motreff.fr/accueil_motreff/vivre_a_motreff/le_patrimoine/le_calvaire
— PATRIMOINE.BZH/GERTRUDE. 1986. Photos d'archive