Anne trinitaire de l'église Notre-Dame-du-Folgoët de Bannalec (29).
15e siècle.
Voir :
Groupes de Sainte-Anne Trinitaire de la vallée de l'Aulne.
L'église du Vieux Bourg à Lothey : Anne trinitaire.
Sainte-Anne trinitaire du Musée départemental de Quimper.
Anne trinitaire de l'église de Plougasnou.
Anne trinitaire de l'église de Guimaëc.
Sainte Anne trinitaire de Burgos.
Les statues de l'église de Plourin-les-Morlaix (2 : Anne trinitaire) .
etc...
Après avoir admiré en Bretagne de nombreux groupes intitulés "Anne trinitaire" et représentant la Vierge et l'Enfant accompagnés de sainte Anne, mère de la Vierge, j'éprouve, devant un nouvel exemple, beaucoup de curiosité à découvrir comment l'artiste va traiter ce thème avec ses figures imposées qui sont "le livre comme objet intermédiaire" et "la transmission corporelle par le jeu des mains et des pieds".
Je retrouve vite ici les poncifs : la guimpe cachant entièrement les cheveux d'Anne (car elle est, sinon veuve, du moins retirée de la vie féconde) ; la tête couronnée de la Vierge, aux cheveux dénoués pour signifier au contraire sa fécondité. De même, la poitrine d'Anne est cachée et celle de Marie apparaît sous un décolleté arrondi.
Mais au lieu de trouver deux femmes de la même taille, assises et tenant l'enfant, ou bien à l'inverse une Anne adulte tenant une Marie à taille de fillette qui maintient un poupon semblable à sa poupée, nous avons deux personnages adultes, de la même taille, réunis autour de l'enfant placé au milieu.
Ce n'est qu'après coup que l'on voit que Marie est juchée sur un meuble, comme une enfant qu'on redresse en l'asseyant sur les annuaires des Postes ( Bottin par antonomase) ; et ce procédé est extrémement astucieux puisqu'il permet à l'artiste de signifier la différence de génération entre Marie et sa mère par la taille supérieure de sainte Anne, mais de le faire sans offenser la Vierge en la diminuant. Mieux, celle-ci est grandie par les deux livres contenus dans le coffre : métaphoriquement, elle est elevée (à sa dignité) par le pouvoir des Écritures, celle de l'ancien Testament qui annonce sa venue (Isaïe 7,14 "Voici la jeune fille est enceinte et elle enfantera un fils") et celle du Nouveau Testament qu'elle et son Fils vont écrire par leur vie : Matthieu 1, 23 :Voici que la vierge concevra et enfantera un fils". Ce piédestal des Écritures, encore en puissance lorsqu'il n'est que lecture —celle-là même qui occupait Marie lorsqu'elle reçut la visite de Gbariel — devra s'accomplir et se faire chair, existence et Passion : c'est ce Verbe que représente le troisième livre, celui, prémonitoire, que sainte Anne présente à l'enfant.
Les trois personnages ne sont pas réunis par leur parenté, mais par leur connnaissance de leur rôle respectif dans un plan divin du Salut : tout l'enjeu est de traduire cette connivence sacrée dans leurs échanges. Parfois, le livre est l'objet médian tenu par chacun, ici c'est le Christ qui est médian : Anne se contente de poser la paume sur son bras, ce simple contact n'étant ni un soutien, ni une caresse, mais une imposition (ou une bénédiction ?). Marie le tient dans le creux de son bras gauche, mais vient aussi saisir son pied gauche, dans un geste qui n'a aucun sens en terme de maternage mais qui se justifie dans cette circulation des échanges. Quant au Christ, il tient — c'est là le plus inattendu — de sa main gauche l'extrémité d'une mèche de cheveux de sa Mère, mèche qui n'est pas là par hasard puisqu'elle se courbe à cet effet. Sa main droite est posée sur la poitrine de sa mère. Bien que cela soit un peu délicat de le souligner, l'artiste le met en scène si expressément qu'on ne peut le nier : l'Enfant Jésus se relie par ses mains aux deux symboles les plus féminins ou les plus liés à la fonction maternelle d'engendrement et de nutrition : les cheveux (symbole métonymique de la puissance sexuelle) et le sein. Du livre tenu par Anne, et par la chaîne des contacts des mains, nous parvenons à l'engenderment. Une savante mise en image de la parole de Jean 1 "Et le Verbe s'est fait chair".
Dans les groupes assis, les corps d'Anne et de Marie s'unissent souvent jusqu'à se confondre, mais ici, ils forment deux colonnes distinctes, rassemblés par un bloc beige qui tend à mêler les robes aux lourds plis verticaux en un seul rideau. Le manteau d'Anne est bleu ourlé d'or et à revers rouge, couleurs qui s'inversent dans le manteau rouge parsemé de fleurs or et à revers bleu de la Vierge. Les deux robes sont couleur or.
En dessous, devant le pied de la Vierge, se voit une boule rouge, qui est sans-doute la pomme-globe terrestre que l'Enfant-Jésus tient dans ses mains dans d'autres sculptures, à moins qu'il s'agisse d'un ornement d'un coussin.
J'ai consulté la notice de l'Inventaire du patrimoine, rédigée en 2001 par Sophie Tissier :
Pierre : granit de grain très fin.
h = 125 ; la = 65 ; pr = 35
La Sainte Anne de Bannalec se distingue parmi les nombreuses représentation de la Sainte Parenté par l'originalité de sa composition. Ici, dans la formule de la juxtaposition horizontale, Anne est debout et la différence d'échelle entre Marie et elle est compensée par la position de Marie, juchée sur un coffre. La Vierge tient dans sa main le pied gauche de l'Enfant selon une iconographie courante du 15e siècle mais qui relève davantage de l'iconographie des Vierges de tendresse que celle des groupes trinitaires. Cette oeuvre, avec certaines maladresses d'exécution, est probablement due à un atelier local. Classé au titre objet le 27 avril 2001.