La chapelle Notre-Dame de la Clarté à Combrit.
INTRODUCTION.
(D'après le document affiché dans la chapelle, et diverses sources citées infra).
Il s'agit d'une chapelle du XVI-XVIIe siècle en partie reconstruite en 1905 et dédiée initialement à saint Vennec, le frère de saint Guénolé, puis, depuis le XVIIe siècle, à Itron Varia ar Sklerded, Notre-Dame de la Clarté. Elle se composait primitivement d'un chœur à deux travées, avec bas-cotés, puis d'une nef. Un clocheton devait initialement surmonter le grand arc brisé central.
Comme l'église paroissiale et les autres chapelles, celle-ci du perdre son clocher en 1675 sur décision du Duc de Chaulnes après que le propriétaire du Cosquer, Nicolas Euzeniou ait été pendu à une fenêtre de son manoir lors de la révolte du papier timbré (Abgrall)
Elle fut vendue à la Révolution comme bien national à un dénommé Le Bour et associés.
Rendue au culte, elle fut partiellement détruite en 1824 par un cierge allumé près de la statue de la Vierge. Elle perdit alors sa voûte aux lambris peints, et en 1856 le recteur Jean-Louis Tilly n'y reconnaissait plus qu'une Annonciation.
Les inscriptions lapidaires aujourd'hui disparues ont été relevées :
—sur le linteau de la porte latérale :1761. Mre J.C. RIOU recteur de Combrit Paul K[er]viel fabrique.
—sur le linteau de la fenêtre de sacristie : G. Le Goff curé.
En 1905, la nef qui tombait en ruine fut refaite et agrandie de manière à offrir toute la largeur du chœur et de ses collatéraux, mais en gardant le portail gothique et le clocher. Les travaux ont été bénis lors du pardon le 8 septembre 1905.
Les fenêtres sont de style flamboyant ; le bénitier près de l'entrée est une vasque gallo-romaine du Ier siècle, on y voit encore des traces d'ocre.
Sur le pignon se voit un écusson soutenu par deux griffons ou deux sauvages portant l’aigle impériale éployée aux armes de Kerlazret , seigneur du Cosquer, d'azur à l'aigle esployé d'or.
La base du clocher est timbré d'un écu D'argent au lévrier de sable, colleté d'or, surmonté d'un grêlier de sable, enguiché, lié et virolé d'or aux armes de Penmorvan de Penfoul , paroisse de Bodivit. Voir aussi ces armoiries à Saint-Nonna de Penmarc'h sur le vitrail et sculpté sur le mur : Les vitraux de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h (29). Geoffroy de Penmorvan (v.1446) possédait autrefois sur la paroisse le manoir de Roscanvel (Abgrall 1906) et en 1422 Riou de Penmorvan faisait aveu de biens à Penanquoet en Combrit et du moulin Penmorvan sur l'eau du Guignil en Combrit. (Hervé Torchet).
La chapelle a été depuis longtemps célèbre et très fréquentée lors de son pardon par les aveugles, en raison des pouvoirs de sa fontaine de dévotion. Les pèlerins viennent ici de très loin, car la fontaine et les prières en ce lieu sont réputées guérir tous les malades des yeux et même les aveugles, et le recteur M. Tilly écrivait en 1856 "Il y a une fontaine qui, pendant les deux jours du pardon, est littéralement mise à sec par les pèlerins ; ils en boivent l’eau, en font couler entre leurs épaules et sur leurs poitrines et dans leurs manches de chemise ".
"Le grand Pardon annuel a lieu le dimanche dans l’octave du 8 septembre, ce pardon très fréquenté a lieu le même jour que celui de Kerdévot en Ergué-Gabéric et, naguère celui de N.D. d’Izel-Vor en l’église paroissiale de la Forêt-Fouesnant, aujourd’hui transféré au 15 Août. C’est ce que l’on appelait Pardon an teir Vari, le Pèlerinage des trois Marie, De nombreux pèlerins tenaient à visiter en ce jour les trois sanctuaires, assistant dans l’un à l’office matinale, dans un autre la Grand’messe, aux vêpres dans le troisième Les Chapelles ou églises dédiées à la Sainte-Vierge sous le vocable de N.D. de la Clarté sont au nombre de quatre dans notre diocèse : Combrit, Beuzec-Cap-Sizun, Plonévez-Porzay et Querrien, dans les Côtes d’Armor on connaît la chapelle monumentale de la Clarté en Perros- Guirec, dominant les rochers fantastiques de Ploumanac’h."
LES VITRAUX.
Les cartons sont dus à une artiste locale, fille du peintre Jules Simon de Sainte-Marine, Pauline Simon de la Jarrige (1909-1991).
Maîtresse-vitre : Notre-Dame de la Clarté 1943.
La maîtresse-vitre a été réalisée par le verrier Mazard-Lecourt. Le maître-verrier Léon Lecourt avait ouvert son atelier à Vanves en 1900 (23 rue Henri-Martin), repris par son gendre Clément Mazard (1871-1951).
Pauline de la Jarrige, qui avait déjà réalisé des vitraux sur le thème de la Passion pour l'église Saint-Tugdual de Combrit en 1935, fut sollicitée par le recteur l'abbé Rozuel pour un vitrail en l'honneur de N.D. de la Clarté.
La baie 0 est formée de quatre lancettes de trois panneaux et d'un tympan de 3 mouchettes et trois écoinçons.
Le tympan est occupé par la colombe de l'Esprit-Saint et par quatre anges portant respectivement la lune et le soleil symboles de la Clarté , les Tables de la Loi et l'Eucharistie (ciboire).
Les lancettes forment une seule scène représentant une procession de pèlerinage un jour de pardon, et la narration d'un miracle survenu à cette occasion à un fermier, Guillaume Grall.
La verrière peut se décrire en trois parties :
en bas le miracle de Guillaume Grall en 1891.
Ce fermier d'Elliant, père de dix enfants et à la tête d'une exploitation prospère, était déjà borgne mais il perd désormais la vision de l'autre œil ; il promet à Notre-Dame de la Clarté, dont le nom indique bien les pouvoirs, de vendre Jeannette, sa jument blanche et d'en distribuer la valeur aux pauvres s'il guérit. Le jour du pardon, l'eau de la fontaine lui redonne la vue. Mais, rentré chez lui, il ne peut se résoudre à se séparer de sa belle jument et il vend à la place un autre cheval : il perd rapidement la vue à nouveau. Convaincu de son erreur, il refait le pèlerinage l’année suivante et formule la même promesse. Le miracle se reproduisit, Ayant compris la leçon il vendit cette fois-ci sa belle jument blanche et distribua l’argent aux malheureux. Un siècle plus tard deux cents des descendants commémorèrent cette guérison.
Il s'agit sans-doute de Guillaume GRALL (né le 11 juillet 1847 à Elliant)-cultivateur , marié le 26.07.1871 à Marguerite Isabelle QUEMERE (née en 1850 à Elliant ) Son frère aîné serait Allan (Alain) GRALL (né en 1823 à Elliant ) -cultivateur marié à Marie Jeanne LE QUEINNEC (née à Elliant). On signale aussi un Guillaume GRALL né à Elliant le 4 juillet 1872, et un autre Guillaume, GRALL né le 18/12/1792 à Elliant et lui-même fils de Guillaume Grall.
On voit Guillaume, accompagné d'un homme plus âgé (son frère Alain) en bagou bras, sabots, gilet et chupenn, tenant respectueusement son chapeau de feutre dans la main. Guillaume, à genoux, en pantalon, tient un chapelet.
Devant lui, un groupe de sept aveugles se dirigent vers la fontaine de guérison, où un ange les accueille et les incitent à boire ou à se frotter les yeux avec l'eau du bassin. Chacun implore la Vierge : Itron Varia ar Sklaerded, Klevit mouez ho bugale…, Notre-Dame de La Clarté, écoute la voix de tes enfants*.
Cette scène se déroule dans la lumière bleu-nuit du petit matin, alors que les étoiles brillent encore dans le ciel.
La scène du dessus se passe en plein jour, elle représente la procession de pèlerinage qui sort de la chapelle, menée par le clergé et les porteurs de bannières. On reconnaît le recteur en soutane et surplis, son vicaire, puis, derrière, portant une statue de la Vierge sur un brancard, un groupe de femmes en costume rouge vif, coiffe, tablier blanc et or.
Au premier plan, sous une grande banderole KLEVIT MOUEZ HO PUGALE (Entendez la voix de vos enfants) tenue par des anges, des paroissiens prient la Vierge, habillés de leur plus beau costume de fête, alors que Guillaume Grall lève ses yeux guéris vers la sainte Vierge en menant sa belle jument.
La partie haute du vitrail est occupée par Notre Dame de la Clarté et son Fils, et par ses anges en robe rouge.
* Ce sont les paroles du cantique du Pardon :
Itron Varia ar Sklerdet Klevit mouez ho Pugale
Hed hor Buhez Mamm benniget, Hon diwallit noz ha de !
Chapel ar Skeridet zo brudet Dre ar burzugou dispar
A ra ar Werch'ez benniget E-Kenver an nep he har !
Notre Dame de la Clarté, Entendez la voix de vos enfants
En nos vies , Mère bénie, protégez-nous jour et nuit !
La chapelle de la Clarté est bien estimée à cause des merveilles sans égales
Que fait la Vierge bénie envers celui qui l'aime !
Nota bene : j'ai déjà eu l'occasion de décrire une scène semblable, précisément à Elliant, et à y décrire le fameux costume Melenig ("jaunet") que porte ici Guillaume Grall : voir : Costumes bretons d'Elliant : vitrail et statues.
En 1976, la Nativité et la Descente de croix furent commandés à Pauline de la Jarrige par l’abbé Joseph Guellec et offerts par la famille Kerrès-Cabon pour la chapelle de La Clarté.
Chapelle latérale sud : La Descente de croix : 1977.
Maître verrier Michel Durand ( ce successeur de Max Ingrand était installé à Orly 19-21 avenue des Martyrs -de-Chateaubriand).
Chapelle latérale nord : La Nativité 1979.
Dans la nef, quatre autres verrières de Pauline de la Jarrige datent de 1984 et sont consacrées aux Saisons.
LA STATUAIRE.
NOTRE-DAME de la CLARTÉ.
Statue en bois polychrome du XVIIIe siècle dans le style des ateliers de la Marine royale de Brest.
Hauteur : 1,57 m.
SAINT VENNEC ou GUENNOC
en Abbé. XVIe siècle. H = 1,38 m. Un hameau voisin porte encore le nom de Saint-Vennec.
Fils de sainte Gwenn, dite « aux trois mamelles », car elle allaita simultanément ses trois jeunes enfants, il est le frère de saint Guénolé et le jumeau de saint Jacut. Ce saint breton du VIe siècle, appelé aussi Gwenneg, .aurait été le deuxième évêque de Quimper.
Présenté ici en abbé mitré et crossé, saint Vennec est le successeur de saint Corentin, comme évêque, à la tête du diocèse de Cornouaille. Cette représentation d'inspiration locale est en contradiction avec un autre récit de la vie du saint qui en fait un soldat : voir Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec : sainte Gwen Trois-mamelles et ses fils
SAINT ALAR (Saint ÉLOI)
début du XVIe siècle. Un fer à cheval fixé à ses pieds rappelle qu'il est invoqué pour protéger la santé des chevaux. Il est représenté en évêque avec crosse, mitre, chape orfroyée à fermail, gants, pantoufles. Le bâton pastoral n'est pas d'origine, mais porte, au -dessus de la douille qu'empoigne le prélat, un nœud sphérique orné de gemmes (émeraudes et rubis) avant de se conclure en un crosseron à la volute dépouillée.
SAINT URNEL (SAINT SATURNIN)
XVIe siècle. H = 1,10 m. Bloc monolithique. Selon la légende bretonne, saint Urnel, né près de Locronan, aurait été transporté en Palestine où il aurait aidé le Christ lors de son baptême dans le Jourdain en tenant sa tunique. Puis il aurait repris le même mode de transport pour son retour auprès de sainte Anne-la-Palud. Cette légende est la version locale de celle de saint Saturnin de Toulouse. Saint Saturnin est, d'après la Légende dorée, un disciple de Jean-Baptiste et le porte-tunique lors du baptême du Christ. Il est est parfois pris pour un ange aptère.
Voir son homologue dans la chapelle de Tronoën : Vierges couchées (4) : calvaire de Tronoën à saint-Jean-Trolimon (29). avec plus de détails sur la légende.
SANT BASTIAN : SAINT SEBASTIEN.
XVIIIe siècle
SANT LAORANZ : SAINT LAURENT.
XVIIIe ; en diacre portant le manipule ; a perdu son grill.
LES BANNIÈRES.
Elles datent peut-être toutes de la première moitié du XXe siècle. Chacune est montée sur sa traverse horizontale glissée dans un gousset et dont les extrémités sont protégées par des gros pommeaux de bois doré. Des cordelières en passementerie y sont fixées, qui permettent aux acolytes du porteur d'orienter la toile selon le vent. Le mât ou hampe mesure près de quatre mètres.
Bannière Itron varia a Scleder / Notre-Dame de la Clarté.
Velours bleu, bord inférieur à lambrequin frangé de cannetilles, broderie de fond comportant quatre fleurs et deux rinceaux liés par un ruban, inscription ITRON VARIA A SCLERDER.P.E. en tissu rapporté cousu, motif central en patchwork de quatre étoffes de soie ou satin (rose, bleu, blanc et écru) surpiquées, visages peints.
Bannière du Sacré-Cœur.
Velours rouge, bord inférieur à lambrequin de trois festons, encadrement par entrelacs d'une tresse de fils d'or, rinceau aux fleurs soulignées par des paillettes, tresse dessinant un double rectangle recevant 32 pastilles dorées, et timbré de quatre fleurs de lys, ovale en zig-zag enrichi de paillons, motif central rapporté en tissu peint et nuage surpiqué.
Bannière de Saint Roch.
Sancte Roche Ora pro nobis. Saint Roch, protecteur de la peste et autres épidémies rassemblées sous le nom de "pestes", montre son célèbre bubon de la cuisse (droite, ici : il varie régulièrement). Il est en tenue de pèlerin, comportant le chapeau en cloche, les coquilles cousues sur la pèlerine (avec deux bourdonnets en X), le bourdon auquel est noué la calebasse qui fait office de gourde, et le bon chien de Roch, son "Roquet" qui ne comprend pas d'avoir donné son nom à tous les "petits chiens hargneux aboyant de façon intempestive", alors qu'il a nourri chaque jour son maître d'un pain des anges miraculeux.
Bannière de saint Georges.
Cette œuvre, réalisée peut-être par les religieuses du Carmel de Morlaix, expertes dans ces "peintures à l'aiguille", a amené sœur Angélique ou sœur Thérèse à choisir un beau velours vert de 1,30 m de large, à le border d'une large frange de cannetille d'or, et à y former un gousset pour introduire la traverse en bois. Elle a renoncé à façonner la partie inférieure en lambrequin découpé en trois festons, comme elle l'avait fait pour la bannière de saint Roch pour mieux dissimuler sous des pompons de passementerie plissée les trois clochettes qui se révéleront lors des processions, et pour améliorer sa tenue au vent. Pour son Saint-Georges, elle fait courir sur l'encadrement un simple galon doré avant de broder au fil d'or et d'argent les fleurons (cinq pétales où un fil noir figure les étamines, deux feuilles) et les rameaux garnis de boutons floraux, puis de choisir une soie fine pour représenter ce glorieux chevalier en armure que ses plus beaux rêves ne lui offrent pas.
Elle a disposé devant elle les échevettes de Soie d'Alger, dont Mère Supérieure dit qu'elle ne venait pas d'Algérie, mais d'un procédé de fabrication propre à la Maison "Au ver à Soie" (1820). Le catalogue lui propose 2688 coloris de Soie d'Alger, et 780 coloris de Soie à coudre ( la Soie 1003) ou 365 coloris de Soie Perlée sans compter la Soie 1302 "fil à gant" et le cordonnet Schape !
Pendant qu'elle brode, elle prie et pense à Notre Seigneur, mais ses yeux se posent aussi machinalement sur la boite qu'elle a relue cent fois :
FABRIQUE DE SOIES TEINTES ET ÉCRUES
AU VER A SOIE
23, Rue Turbigo, 23
Paris
Spécialités de Soie d'Alger, Soie Ovale, Soie de Chine, pour la Tapisserie.
Soie à Tricoter.
Cordonnet anglais Mi-tressé Mi-perlé.
Au centre de l'étiquette, une chenille blanche et dodue s'étend langoureusement sur une feuille de mûrier qu'elle grignote comme par caprice, princesse oisive en son sofa...
Mais finalement, parce que l'atelier a laissé s'accumuler le retard, elle se contente de peindre sur la soie les contours du beau cheval blanc et du dragon et d'en rehausser le dessin par des couleurs pastels, bleu, rose et jaune.
Et parce qu'elle a vidé toute sa boite de paillettes, de paillons et de perles pour son Saint-Roch, ou parce qu'elle estime que ce chevalier étincelle déjà de mille éclats, elle termine simplement son travail en brodant au point d'emplissage SAINT GEORGES en lettres d'or.
N.B 1 L'Atelier d'Art sacré du Carmel de Morlaix a été en activité de 1850 à 1950, mais seule1 mon imagination a attribuée cette bannière à cet atelier.
N.B 2 : on n'attribuera aucune valeur à mes exercices de description, qui sont celles d'un parfait amateur incapable de distinguer un point de tige et un point passé empiétant, un point de chaînette d'un point de coté, et une couchure d'une guipure, mais soucieux de préserver la diversité de notre vocabulaire.
SOURCES ET LIENS :
Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Combrit ",Bulletin de la commission diocésaine d'histoire et d'archéologie, Quimper, 6e année, 1906, p. 113-134.
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