Vierges allaitantes III:
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle
à Quillidoaré (Cast) :
La chapelle et les vitraux.
I. LES VITRAUX.
Les cinq fenêtres de la chapelle Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Quillidoaré ont été dotées de verrières à sa construction au début du XVIe siècle, époque où furent aussi posés ceux de Tréguron (1570) Kergoat (avant 1566) ou Lannelec (1500), ou ceux de Guengat (1500-1525), Plogonnec (1520), Confort-Meilars ( 1530), N.D. du Crann à Spezet (1560), parmi tant d'autres.
Je n'ai pu découvrir que la maîtresse-vitre, ou baie 0, la plus riche. Elle se compose de quatre lancettes, contenant des scènes de la Passion datées de 1510-1520 et de verres composites, et un tympan armorié qui amène à étudier les seigneuries locales.
I. Le tympan.
Il se compose de cinq ajours armoiries et de cinq écoinçons en verre de remplissage.
Les ajours contiennent cinq armoiries qui ont été adaptèes ultérieurement à la construction initiale en les entourant de fragments de vitres. Ces cinq blasons sont placés dans des couronnes de feuillage et de fruit nommés "chapeau de triomphe" et qui témoignent d'un vocabulaire stylistique renaissance d'influence italienne (ils entourent souvent des médaillons ou des bustes en ronde bosse).
Les deux écussons du haut :
Leur position indique une prééminence des familles représentées .
- A gauche : écartelé au premier et quatrième d'azur au serpent volant d'or qui sont Le Gentil Sr de Pontlez, et au second et troisième d'argent au greslier de sable accompagné de trois molettes de même, qui est de Pontlez. (Note 1)
- A droite : d'argent au sanglier de sable en furie, qui est de Tréouret. (note 2)
Notes :
1. L'histoire de la famille Le Gentil est longue, mais elle est au coeur de cet article. Je vais la détailler plus loin. Disons d'emblée que l'identification des armes des Le Gentil est donnée par Abgrall et Peyron 1905 et reprise par tous, tandis que je ne parviens à identifier les secondes armoiries qu'aujourd'hui, après m'être égaré sur les pistes de Kergadalan (d'argent au greslier de sable, cf Les vitraux de Plogonnec II : le Jugement dernier.), des Sr de Kerloüet et de la famille de Canaber, (armoiries : d'argent au greslier de sable accompagné de trois molettes ou plutôt de merlettes de même ), ou de celle de La Fruglaye de Lourmel, de celle des de Jourdain ou de Jourdren ou Jourden, des Jourdain de Couëdor avant de trouver la solution ici :http://www.laperenne-zine.com/articles.php?lng=fr&pg=903
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206472f/f121.image.r=grelier+pontlez.langFR
2. La famille de Tréouret (Cast), seigneur de Penanouaz (Loperec), Penfoulic (Fouesnant), Coatlez et Trohannet (Briec), du Pouldu et de Kerigonan (Quemeneven), Kerstrat (Chateaulin) , porte d'argent au sanglier de sable en furie, allumé et défendu d'argent. Sa devise est "Sovit, furit et ardet", il est en furie, se rue et arde. (Source : base héraldique de FranceGenWeb). Le sanglier est symbole de courage. il est "allumé" si son oeil est d'un émail particulier, et "défendu" si ce sont ses défenses qui sont d'un émail différent du corps, lequel est toujours représenté de profil, et de sable (noir).
Marie de Tréouret-Kerfrat épousa le 12 avril 1509 Jean le Gentil, Seigneur de Coëtninon en Plomodiern.
Les trois blasons inférieurs :
_ A gauche : écartelé en premier d'azur au serpent volant d'or, qui est Le Gentil, en deux d'azur au léopard d'or, qui est le Faou, en trois d'argent au greslier de sable accompagné de trois molettes de même, qui est de Pontlez, et en quatre d'azur à la tour ou à la gerbe d'or. (note 1)
_ Au milieu : ?? je penche pour de simples fragments à motifs d'architecture
_ A droite : Troisiéme blason, incomplet : en un, d'argent au sanglier de sable en furie, qui est de Tréouret...en trois , d'or à trois tête de sable ????
note 1 :
a) la lecture du deuxiéme quartier est celle d'Abgrall et Peyron. Je ne peux identifier un léopard d'or ; je note que les armes de Kergoët sont les mêmes que celles du Faou, avec un croissant pour brisure.
b) on retrouve en quatre le blason décrit sur la baie 2 par le Corpus Vitrearum.
c) Les armes des Tyvarlen sont d'azur au chateau d'or ; Yves le Gentil, décédé en 1537 -ou 1543- épousa Louise de Tyvarlen.
II. Les armoiries mentionnées dans les autres baies :
Source : Corpus Vitrearum 2005:
_Baie 2 : trois écus : en haut, armes écartelées des Le Gentil de Pontlez ; à gauche, armes parti des précédentes, "d'or, au croissant de gueules" ( ?) au 3 et de Tréanna, au 4; à droite, parti des premières, "d'azur au léopard d'argent" au 3 ; "d'azur à la tour ou à la gerbe d'or," au 4 (armes intactes).
III. Les lancettes :
Leurs panneaux d'origine ont été complétés par ceux qui furent récupérés d'une chapelle désaffectée depuis 1835 , Saint-Géniste de Loctinidic, consacrée à Saint Tinidic. En 1840, M.Guizouarn écrivait à propos de St-Géniste dans une lettre (Notice consacrée à Cast, J.M. Abgrall et P. Peyron, Bdah 1905 p. 120) "le grand vitrail s'est éboulé sur l'autel".
La vérrière a été restaurée au XIXe, puis en 1933 par Labouret ; elle a été déposée en 1942 et réplacée en 1955 par Jean-Jacques Grüber. Son mauvais état, les nombreux plombs de casse et l'encrassage des verres montrent qu'il n'y a pas eu de restauration récente.
La lancette de gauche donne à voir une comparution devant Pilate ; les autres lancettes montrent une Crucifixion sur fond rouge,
Lancette de gauche :
Lancette B, deuxiéme depuis la gauche : Crucifixion, le bon larron :
Son âme s'échappe de sa bouche, et deux anges, dont on ignore la partie haute, l'amènent vers les cieux.
En dessous, un cavalier romain casqué de bleu, au manteau rouge et au camail vert orné d'un gland d'or à franges, chevauche un cheval blanc richement arnaché. Sa lance pointé vers la thorax du Christ le désigne comme Langin. Parmi la foule, le visage d'un soldat nous regarde : ne serait-ce pas ce centenier qui s'écria " Vraiment, cet homme était juste ! (Luc, 23 :47).
En dessous, les visages des saintes femmes éffondrées essuient leurs larmes. Le visage blond auréolé et non voilé est celui de Saint Jean, au manteau rouge.
Lancette C, troisième depuis la gauche : Christ en croix.
Sur fond rouge (comme c'est souvent le cas dans les Passions du Finistère), le Christ apparaît en son agonie, coiffé de la couronne d'épine, barbu, cheveux longs, le flanc droit percé, la taille ceinte du perizonium, surmonté du titulus et encadré par deux oriflammes. On remarque l'auréole crucifére, et une forme blnache au dessus du titulus où J.M. Abgrall et P. Peyron ont reconnu un pélican, symbole christique de la réssurection.
Au dessous, c'est une foule où se mèlent pharisiens ou chefs en turban, cavaliers romains en cuirasse, témoins.
Lancette D, à droite : le mauvais larron
Il a bien la tête de l'emploi, le mauvais larron avec sa barbe bifide et ses yeux globuleux, et son âme que n'a pas sauvée le repentir est emportée sur le dos d'un démon verdâtre. Elle crie, l'âme rétive au remords et au rachat, elle hurle en voyant déjà les horizons atroces vers lesquels elle est conduite, mais il est trop tard : l'occasion s'est éloignée, et elle est chauve par derrière.
Quel est le riche personnage enturbanné, au manteau d'or doublé de fourrure qui regarde la scène ? Un pharisien ? Joseph d'Arimatie?
II. LA CHAPELLE : Autel et statues:
Je l'ai dit, lorsque je visitais la chapelle de Quillidoaré, tout ou presque était bâché pour les travaux de restauration. J'ai pu néanmoins voir :
Le Christ rédempteur du maître-autel:
C'est le Christ ressuscité au flanc transpercé, vêtu d'un large linge évoquant le linceul et tenant en main la croix pastorale ; il marche sur le globe planétaire en écrasant du pied gauche la tête du serpent dont la gueule mord la pomme du péché originel. Il lève la main droite en un geste qui n'est pas celui de bénédiction (les trois doigts cubitaux sont fléchis), et nous laisse hésiter entre l'index imprécateur, le doigt prophétique, ou, plutôt, l'index qui emmène le monde à sa suite et le guide tel le berger.
La statue de Saint-Joseph :
C'est une statue en bois peint du XVIIe-XVIIIe, grandeur nature : la figure du Saint charpentier est belle, vigoureuse, avec ses cheveux longs et bouclés, sa barbe taillée soigneusement en dessinant une barbiche sous la lèvre. Le manteau est ample et ses plis sont emportés par l' envolée d'un geste fougueux du bras. Il est élégamment maintenu par un large ruban qui, en se nouant sous le col, vient former une sorte de lavallière avant l'heure. La longue tunique verte est constellé de quatre feuilles d'or. Sa ceinture, lacée assez haut, ressemble au ruban du manteau et vient sonner en écho en l'animant le branle du brin libre. Et puis il y a l'élégance de la manche, la façon par laquelle elle s'évase, et se fend.
Le bas-relief du maître-autel : Adoration des bergers.
Il date de la dernier quart du XVIIe siècle, et est l'oeuvre des ateliers de la Marine à Brest. La Vierge est prise par un mouvement de tendresse et d'adoration vers le divin enfant, alors que Joseph reste en retrait, présentant le nouveau-né de la main. Un ange se pâme d'émotion. L'âne et le boeuf tiennent leur place. Mais ce sont les deux bergers qui apportent une vie et une originalité particulière. L'un, à genoux, -peut-être une bergère- caresse l'agneau qu'il va offrir tandis que l'autre, curieusement, détourne son regard. Peyron et Abgrall écrivent qu'il joue de la cornemuse, peut-être un peu rapidement car l'outre gonflée qu'il tient n'est à mon avis qu'un sac de blé.
Un travail de l'atelier de sculpture de la Marine? Les arsenaux de la Marine exigeaient de bénéficier, pour la réalisation et la décoration des navires, de maître-sculpteurs de talent, et une rue principale de Brest conserve la mémoire de l'un d'eux, Yves Collet, (1761-1843)qui dirigea l'atelier des Arsenaux pendant 43 ans et réalisa de nombreuses figures de proue et des bustes de marins. On doit aussi à son père Jacques Etienne (1721-1808) quelques-unes des figures de proue conservées dans nos musées. Mais j'ignore pourquoi ces menuisiers, ou du moins les ateliers qu'ils dririgeaient, ont réalisé des ouevres pour les église du Finistère : rétables de Rumengol et Lopérec, statue de St Jean à Rumengol, statues à
A Commana, les statues du baptistère de 1683 sont signées Honoré Alliot, maître sculpteur de la Marine en 1701, Nicolas Renard était le chef de l'atelier de sculpteurs de l'Arsenal. Les frères Jean et Pierre le Déan, sculpteurs du roi, travaillèrent à Bodilis, à Pleyben, à Pont-Croix, à Goulien, à Plogonnec, à Cast (statue de Ste Marguerite) ...et à Quillidoaré où ils réalisérent le bas-relief de l'autel. Lorsque les sculpteurs n'ont pas réalisés eux-même les oeuvres, ils ont marqués de leur influence les artisans qui ont réalisés le retables des enclos paroissiaux.
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