Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. II. Le coté du chœur (coté est).
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Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). A. La clôture.
Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). B. La tribune.
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Voir les autres articles sur le patrimoine du Faouët:
a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :
b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët:
c. Chapelle Saint-Sébastien
Sablières, inscriptions et pardon de la chapelle Saint-Sébastien au Faouët (56).Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. II. Le coté du chœur (coté est).
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Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). A. La clôture.
Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). B. La tribune.
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Voir les autres articles sur le patrimoine du Faouët:
a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :
b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët:
c. Chapelle Saint-Sébastien
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A tout seigneur, tout honneur, débutons par le chœur.
— Et bien-sûr par le patron des lieux, Monsieur saint Fiacre.. Ah non?
— ...
— Vous me faites signe de commencer par votre Dame ? Ah, bien-sûr, la préséance va à la Vierge à l'Enfant.
A droite du maître-autel, ce groupe en chêne de 1,24 m date de la fin du XVe, elle est donc contemporaine du Jubé et de la fin de la construction de la chapelle. La Vierge, élégamment hanchée, est coiffée d'un voile et d'une couronne royale, vêtue d'une robe rouge-pourpre et d'un manteau doré dont le large pan revient sur la manche droite. C'est à droite que cette Mère porte son Enfant, cheveux très court, en robe blanche, qui tient un livre ; son index droit suit avec attention un passage. Il s'agit sans-doute du même passage des Ecritures que Marie lisait, sur l'Annonciation du Jubé, celui d'Isaïe 7:14 qui annonçait Ecce virgo concipiet, et pariet filium et vocabitur eius Emmanuel, Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel (c'est à dire Dieu avec nous) . Comme cela sera chanté plus tard, Virga jesse floruit, Virgo deum genuit, la tige de Jessé a fleuri, la Vierge a enfanté d'un homme Dieu.
Tige, fleur, mais aussi fruit puisque la mère présente dans la main gauche un objet rond qui évoque une pomme, rappel du thème du jubé, celui de la Rédemption : par son Incarnation, le Christ rachête la faute d'Adam, le Péché originel concrétisé par le Fruit Défendu, la pomme. En même temps, cet objet rond est aussi le globe terrestre que tiendra le Christ Sauveur du Monde. La "pomme" a été dorée : jadis objet de désir, de gourmandise ou de concupiscence, elle a désormais acquis un statut sacré.
René Couffon a retrouvé les indices d' "une très nette influence flamande" : figure ovale de la Vierge, front bombé avec des sourcils très arqués, cheveux nattés sur le dos, haute couronne. Denise Moirez (Inventaire Général, 1975) discernait "une facture d'inspiration savante où l'influence allemande se manifeste dans la structure générale comme dans le traitement des plis. Dans tous les cas, l'une des plus belles Vierges de Bretagne.
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Ecce Homo
Sculpture en bois polychrome du XVIIIe siècle, de 1,92 m, jadis placé dans une niche ou dais sculpté à gauche du maître-autel. Poignets liés, ceint de la couronne d'épines, il est seulement vêtu d'un pagne (le terme perizonium doit être reservé au Christ en croix) et du "manteau de pourpre" que mentionne l'évangile de Jean Jn 19:1-5:
tunc ergo adprehendit Pilatus Iesum et flagellavit et milites plectentes coronam de spinis inposuerunt capiti eius et veste purpurea circumdederunt eum et veniebant ad eum et dicebant have rex Iudaeorum et dabant ei alapas [...]ut cognoscatis quia in eo nullam causam invenio et purpureum vestimentum et dicit eis ecce homo
Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges. Les soldats tressèrent une couronne d'épines qu'ils posèrent sur sa tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre; puis, s'approchant de lui, ils disaient: Salut, roi des Juifs! Et ils lui donnaient des soufflets.[...] Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit: Voici l'homme.
Le long roseau que l'on voit dans la main droite est mentionné par l'évangile de Matthieu Mt 27:29-30 :
et plectentes coronam de spinis posuerunt super caput eius et harundinem in dextera eius et genu flexo ante eum inludebant dicentes have rex Iudaeorum et expuentes in eum acceperunt harundinem et percutiebant caput eius
Ils tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s'agenouillant devant lui, ils le raillaient, en disant: Salut, roi des Juifs! Et ils crachaient contre lui, prenaient le roseau, et frappaient sur sa tête.
Le Gaffiot donne bien pour arundo, inis : "roseau". Il ne s'agit pas d'une extrapolation.
Ce manteau royal et ce sceptre végétal tourne ainsi en dérision la royauté de celui à qui le Sanhédrin reprochait de se dire Rex Iudaeorum, Roi des Juifs, et de menacer ainsi le pouvoir des Romains sur la Province de Judée (Iudaea).
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Saint Fiacre.
Nous pouvons voir ici trois objets d'art et de culte.
D'une part, la console de granite, et les cinq fusées de gueules en fasces des armoiries de Boutteville sur l'un des culots.
Puis la niche de 3,10 m, à candélabres feuillagés sur les montants, surmontée d'un dais à quatre niveaux, qui fourmille de feuillages, de rinceaux à tête de chimères ou de licornes (1er niveau), de candélabres et rinceaux peuplés et de frise fleuronnée (2ème niveau), de fenêtre découpée à réseau gothique et médaillons à l'antique (3ème niveau) et même, tout en haut, de petits personnages et (?) de licornes autour d'un vase.
Enfin la statue de bois polychrome de 1,41m, du XVIe siècle. Le saint est vêtu en moine, d'un scapulaire et cape noire sur la robe blanche. Il tient ses deux attributs, la pelle témoin de sa préoccupation de nourrir les malades qui le consultaient (c'est un saint thérapeute avant d'être un saint-jardinier), et le livre où il se réfugiait dans ses chères études et ses pieuses lectures lorsqu'on lui en laissait le temps.
La pelle-bêche "modèle Saint-Fiacre" est caractéristique, mais elle n'est pas bien représentée ici : elle est en bois, mais le tranchant en métal la prolonge en écusson. J'en ai vu une, datant du 18e, au Musée de Grenoble, qui a dû lui appartenir : je l'ai reconnue tout de suite.
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LE TRANSEPT.
Bras nord .
Sainte Apolline et ses bourreaux.
C'est une statue en pierre du XV-XVIe siècle où la sainte est attachée par les cheveux à une potence, tandis que ses mains sont attachées dans le dos et que ses deux bourreaux, armés de tenailles, sont en train de lui arracher les dents. D'ailleurs, une belle molaire est encore entre les mors d'une de ces pinces.
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Sainte Anne.
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Bras sud du transept
Saint Antoine.
C'est saint Antoine l'anachorète, le fondateur de l'érémitisme chrétien, et représenté avec la longue barbe , la coule ou cuculle qui recouvre sa tête et descend sur son dos, sa canne en T ou plutôt en Tau et son petit cochon, qui sont toutes ses richesses, tous ses attributs.
Mais pourquoi un Tau ? Pourquoi un petit cochon ?
Rien à voir avec la vie du saint, en Égypte au IVe siècle. Mais avec l'Ordre Hospitaliers des Antonins, fondé après qu'un seigneur du Dauphiné ait ramené dans l'actuelle Isère les reliques du saint, lesquelles faisaient merveilles contre le Mal des Ardents, le feu de Saint-Antoine. Cette maladie était due à un champignon du seigle Claviceps purpurea qui vous donnait (et donne toujours) des hallucinations, car il est riche en acide lysergique (révisez l'article sur le LSD). Les moines antonins ignoraient cela, mais savaient qu'une alimentation équilibrée, riche en viande et en légumes, détournait les patients d'une mono-consommation de céréales contaminés. Ils obtinrent le privilège (exorbitant à l'époque) de la circulation de leur élevage de porcs dans les rues des villages, où ils se nourrissaient des eaux grasses et autres ordures. On reconnaissait les porcs des Antonins (et les moines eux-mêmes) à leur clochette.
Outre la viande de porc, ils utilisaient les bonnes herbes mélangées dans de la graisse...de porc en un remède nommé le Saint Vinage : on en comptait 14, dont la scrophulaire (un anti-inflammatoire), le grand plantain et le plantain lancéolé (un anti-histaminique), l'ortie blanche (reminéralisante) le coquelicot, la verveine, et d'autres que j'ai oubliées.
Comme l'ergot de seigle et la dénutrition causaient des paralysies et des gangrènes, les moines organisés en Commanderies adoptèrent comme logo la béquille. La canne en T plus exactement, sous la forme du signe Tau. Les Antonins étaient experts en amputations et en appareillages. Ils eurent un succès fou, et bientôt on dénombra plus de 380 établissements rattachés à la Maison-mère. L’Ordre s’enrichit grâce aux largesses accordées par les papes, les rois, princes et puissants qui accourent auprès des reliques. Et parmi eux, Anne de Bretagne.
Saint Antoine est, avec saint Fiacre et saint Sébastien, l'un des trois saints thérapeutes contre les épidémies médiévales présents dans la chapelle. Ajoutons sainte Apolline, car il ne faut pas sous-estimer les problèmes dentaires.
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LA NEF.
Le Martyre de saint Sébastien.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'un tel groupe, où l'officier Sébastien est la cible des flêches de ses propres archers, et où il reçoit les blessures avec la belle indifférence de ceux qui mettent leur foi dans le Seigneur, est caractéristique d'un culte où le saint est invoqué contre la "peste", ce terme désignant toutes les épidémies médiévales.
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LEVONS LA TÊTE, ON NOUS REGARDE.
1. La charpente, diaporama.
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
2. Diaporama
Suite, diaporama
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CONCLUSION.
Laurent Léna signale aussi les statues de sainte Elisabeth, de sainte Ursule et de saint Laurent. On peut comparer les statues encore conservées à Saint-Fiacre avec la liste des suffrages du Livre d'Heures du duc Pierre II de Bretagne proposée par Jean-Luc Deuffic :
f. 125v (suffrages, prières en français et en latin), martyre de S. Eutrope; f. 126v, S. Fiacre; f. 127v, S. Bernardin; f. 128v, S. Vincent Ferrier; ; f. 146v, S. Germain d'Auxerre; f. 147v, S. Dominique;; f. 148v, S. Pierre Martyr, frère Prêcheur; f. 149v, S. Thomas d'Aquin; f. 150v, S. Antoine; f. 151v, Martyre de sainte Apollonie; f. 152v, Ste MagdeIeine; f. 153v, Ste Catherine; f. 154v, Ste Marguerite; f.155v, S Julien; f. 156v, S. Christophe; f.157. S. Sébastien; f. 158v. S. Maudet ; f. 159v, martyre de S. Adrien; f. 160v, S. Michel; f. 161v, S. Jean-Baptiste; f. 162v, S. François d'Assise; f. 163, S. Gilles; f. 164v, Ste Anne, la Vierge et l'enfant Jésus; f. 165, S. Etienne; f. 166v, Ste Barbe; f. 167v, S. Donatien et S. Rogatien; f. 168v, Ste Ursule; f.169v, les Onze mille vierges;
La chapelle n'a certainement pas conservée l'ensemble de sa statuaire du XV et XVI e siècle, mais il ne peut néanmoins nous échapper que les saints représentés ici sont ceux qui sont invoqués contre les maladies. Si on associe cette constatation à la notion d'un hôpital construit dès l'origine à proximité, à l'existence d'une fontaine de dévotion à trois bassins (dont les eaux avaient certainement un pouvoir thérapeutique), à l'existence d'un pélerinage , aux paroles d'un cantique breton à Saint Fiacre clamant que D' ar c'hlangour c'houi rè ar yec'hed ("Vous rendiez la santé aux malades"), on ne peut que porter crédit à un faisceau d'arguments présentés par Laurent Léna lorsqu'il envisage "que le service de la chapelle était peut-être assuré, ainsi que son hôpital annexe, par des hospitaliers de la Commanderie voisine. Les Hospitaliers, impliqués depuis les Croisades dans une lutte contre la lèpre, et implantés depuis le XIIe siècle dans le pays, possédaient une Commanderie de Saint-Jean, au Faouët, une Commanderie de Beauvoir à Priziac, et la Commanderie du Crosity, dans un espace de dix kilomètres environ.
Saint Fiacre est souvent présenté comme le patron des jardiniers, et, éventuellement comme le guérisseur des hémorroïdes, les "apostumes du fondement" ou "Mal saint-Fiacre" mentionné par le médecin Rabelais, ou par Antoine du Pinet dans sa traduction de Matthioli (1566). La première mention que je rencontre date de 1547. Amboise Paré parle des "fics ou fils Sainct-Fiacre" comme des fungus de la Dure-Mère, ou des "espèces de verrues" du col de la matrice. Mais son invocation contre la lèpre, contre les maladies de la peau, et contre toutes les maladies ne doit pas être négligée. La Molène ou Bouillon-Blanc Verbascum thapsus était jadis désignée sous le nom d'Herbe de saint-Fiacre. Elle est traditionnellement utilisée contre les maladies de la peau et de l'appareil respiratoire. On désigne aussi sous le même nom d'Herbe de Saint-Fiacre l'Heliotrope commune Heliotropium europaeum aussi nommée Herbe aux verrues. Ce lien entre Herbe de Saint-Fiacre et Herbe à verrues est attesté depuis au moins le XVIIIe siècle.
Il est attesté aussi que saint Fiacre passait pour le saint des lépreux (1684), et autres galeux, teigneux, rogneux et vérolés (1821).
DIVERSES ENLUMINURES de saint Fiacre.
Amiens, BM 0201 f.140 Fin XVe siècle.
De Sainct Fiacre Anthaine
Beate Christi confessor fiacri ecce nomen tuum fulget per secula petimus.
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Bnf Latin 13279
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BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)
Beate Christi confessor fiacre cem nomen tuum. fulget per secula
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Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.
Beatus fiacrius heremita magnus ficus [in melden si tento no sub] sanctissimu faronis epi~ protectione cons---
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Bnf Latin 1159
Qur me confessus..
Bnf Latin 10538
Qua --- confessore fiacrium fac nos semper...
Valencienne 1206 folio 193 recueil de prières 16e siècle.
Si te supplie devotement que a mon ame premierement –petre la gloire eternele Et au corps temporelement me donne sante corporele. Amen.
Item aultre oraison de [notre] sainct fiacre.
Beate Christi confessor fiacre cem nomen tuum. fulget per secula Petimus ergo ut tuis sacris precibus mereamur adm—ari a domino Ora pronobis beate fiacri.
SOURCES ET LIENS.
— Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.
— LÉNA (Laurent), 1990, Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac.
Site mandragore .bnf.fr
Site enluminure.culture.fr.