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7 mai 2017 7 07 /05 /mai /2017 01:36

 

 

INTRODUCTION GÉNÉRALE AUX VITRAUX DE LA BASILIQUE DU FOLGOËT.

a) Alain Cap, début XVIIe.

Les vitraux anciens de la Collégiale ont été réalisés au XVIIe siècle par le peintre-verrier  Alain Cap (1578-1644), originaire de Lesneven, et qui intervint aussi sur  d'autres édifices du Finistère, tels que la cathédrale Saint-Corentin, Saint-Pol-de-Léon, Notre-Dame-de-Rumengol et Cuburien (Morlaix). 

"Vers 1630, il fait des réparations « sur et autour des vitres aux frais des seigneurs prééminenciers ». Il reste peu de chose de ces célèbres vitraux, que l’incendie de 1708 abîma et que la Révolution saccagea en 1793.  On voit, au presbytère, des débris d’un vitrail, don du R.P. Raoul de Kerdanet. L’un de ces morceaux représente la figure du fameux cardinal Alain de Coëtivy." (Kerbiriou)

 Il nous reste cependant les dessins des cartons d’origine de plusieurs d’entre eux. Voir la description et dessins de ces vitraux anciens sur le blog du  maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan

b) Émile Hirsch 1866-1889 : les six  verrières du chevet, de la chapelle sud et de la façade occidentale

Émile Hirsch,  qui remporta le concours lancé par Mgr Sergent, évêque de Quimper et Léon pour la décoration de la  fenêtre axiale de la basilique, réalisa les cartons et  les fit réaliser par trois peintres verriers : Loglet, Queynoux, Poutet .  À partir de 1889, peu satisfait du résultat, il se chargea lui-même  de la fabrication des verres, pour le vitrail du Couronnement.

 

De gauche à droite :

  • Baie à gauche du chevet (baie 1) : Notre-Dame-du-Scapulaire-du-Mont-Carmel remettant le scapulaire à saint Simon Stock en présence de sainte Thérèse (1868). La bordure inférieure reproduit les armes de Pie IX et de Monseigneur Sergent.

  • Baie axiale (baie 0) : Don du Rosaire à saint Dominique en la présence de sainte Catherine de Sienne et de saint Vincent Ferrier (1866).  La Vierge figurée avec l'enfant Jésus, assise sur un trône richement orné, remet le rosaire à saint Dominique en la présence de sainte Catherine de Sienne et de saint Vincent Ferrier, évangélisateur de la Bretagne. En arrière-plan, Salaün ar Foll en "bragou braz" se balance à la branche d'un arbre. Autour de la scène principale sont repris les quinze mystères du Rosaire et, dans les formes de la rosace, les litanies de la Vierge sous les armes de Monseigneur Sergent.

  • Baie à droite du chevet (baie 2) : La Proclamation du dogme de l'Immaculée Conception par Pie IX en 1854 (1870) . La scène sous arcature figure le pape, debout sur une estrade, entouré de sa cour, évêques et cardinaux, tenant un rouleau avec l'inscription Immaculée Conception".

  • Baie à droite du chevet (baie 4) : La Légende du Bienheureux Salaün ( 1869) offert par le recteur Le Haye.  La scène principale figure l'apparition de la Vierge à Salaün dans son arbre. De part et d'autre et en dessous, dix scènes racontent sa légende à l'exception de deux panneaux floraux et feuillagés. Chaque scène reprend un vers du cantique de "Salaün ar Folgoat" auquel sont ajoutés deux épisodes ayant trait à la véracité et à la renommée de la légende : l'abbé de Landévennec Don Jean De Langouesnou constatant le miracle, et la reine Anne priant devant l'autel.

  • Baie de la chapelle sud  dite de Coëtivy (baie 6) : Le Couronnement de la statue miraculeuse de Notre-Dame-du-Folgoët, et la rosace. (1889)

  • Baie haute de la façade occidentale (baie 100) : Quatre Donateurs. Les principaux donateurs figurent en pied sous arcature florale et sur un fond damassé violet : l'évêque Alain de la Rue, la Duchesse Anne, le duc Jean V, le cardinal De Coetivy. Le tympan reçoit les armes de ceux qui avaient contribué à l'érection de l'église, dont les blasons étaient sculptés sur la pierre, ou dont les armoiries ornaient les verrières. A la base du vitrail, deux cartouches reprennent le nom des douze paroissiens qui rachetèrent l'édifice pour le rendre au culte : sont regroupés ici tous les souvenirs historiques qui se rattachent au monument.

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    c)  Auguste Labouret 1954 : les 14 baies de la nef.

    Auguste Adolphe Labouret est né à Laon, le 20 mars 1871 et est mort à Crozon, Finistère, le 13 février 1964. Il créa en 1933 le vitrail en dalle de verre, éclatant et cloisonné en ciment.

    Responsable de l’entretien des vitraux de Bretagne, il refit à partir de 1954, les 14 fenêtres de la nef  sur le thème des saints fondateurs des paroisses du voisinage.

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    Schéma de J-P. Le Bihan avec la numérotation des baies selon le Corpus vitrearum:

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    La verrière de la Légende de Salaün le Fol (baie 4). Emile Hirsch 1869.

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    Localisation : elle éclaire par l'est la chapelle sud, au dessus de l'autel du Coëtivy.

    Cette verrière est composée d'un ensemble de quatre lancettes à têtes trilobées — consacrées à la Légende de Salaün —, et d'un tympan ajouré complexe — consacré à un déploiement d'armoiries — associant trois groupes principaux et de nombreux écoinçons.

    La baie a été offerte par le recteur La Haye (1859-1882) :

     

    "Dès 1860, il se met à l'œuvre: il fait dé-badigeonner les statues et les niches des apôtres, laver toute l'église, réparer les mutilations; en 1865 il aliène,, avec l'autorisation préfectorale, des terrains que la fabrique possédait en Plounéour-Trez et en Ploudaniel, et en consacre le prix à faire le dallage ; il fait une belle chaire à prêcher en bois sculpté, sur-laquelle sont reproduites des scènes de la vie de Salaün; de 1866 à 1868, il commande les beaux vitraux qui remplissent les quatre fenêtres de l'abside droite du Levant. La verrière qui Se trouve au-dessus de l'autel du cardinal de Coëtivy fut payée de ses deniers . Dans son journal il s'extasie sur la beauté de ce vitrail : «le dessin, dit-il, en' est riche et splendide, l'exécution semble l'emporter sur celle de la grande verrière. » Et il ajoute: Le Recteur en a fait don à son église. Il aime à croire er il espère, oh! il espère que cette légende vivante saura inspirer plus que de l'admiration ; oui, il espère! que, la Sainte Vierge aidant; cette poétique et religieuse peinture prêchera à plusieurs bonnes âmes, sinon l'esprit de mortification du bienheureux Salaün, du moins son esprit de simplicité et sa tendre dévotion envers la divine Marie ... et il termine en répétant, avec une joie que l'on devine, les paroles de Salaün: Ave Maria, Salaün a zeppre bara ; o Maria, o ! o ! · o ! o ! . o ! o! Maria» "

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    La verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    La verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    LES QUATRE LANCETTES.

    Leurs seize panneaux associent dix médaillons racontant la vie du saint, et deux panneaux décoratifs, à un élément central montrant Salaün dans son arbre face à la Vierge.

    Histoire de Salaün ar Foll

    "Au XIVe siècle, tout ce pays était couvert par une immense forêt, qu'un incendie brûla en 1427. Dans la première moitié de ce siècle vivait au milieu des bois, sur le bord d'une fontaine, un pauvre innocent que les gens de Lesneven appelaient Salaün ar Foll (Salaün l'Idiot). Il était né au village. de Kerbriand dans la paroisse d'Elestrec, de parents pauvres. Dans son enfance, il avait fréquenté l'école; mais il n'y avait jamais appris autre chose que les deux premiers mots de la salutation angélique : Ave Maria. Après la mort de ses parents, il abandonna ~n village, et vint s'établir près de la fontaine. « La terre nue et froide était son lit ; une grosse pierre. lui servait d'oreiller; et il n'avait d'autre couverture que les feuilles d'une souche sous laquelle il se reposait la nuit. » (Langueznou). Toutes ses journées se ressemblaient ·: le matin, il assistait à la messe à Lesneven, et il s'en allait ensuite mendier de porte en porte, disant ces seuls mots qu'il accompagnait d'un sourire: «Ave Maria, Salaün a zepre bara» (Salaün mangerait du pain). Puis il revenait à sa fontaine, dans laquelle il trempait le pain qu'on lui avait donné. C'était sa seule nourriture. Il aimait à se balancer sur la branche d'un arbre, au-dessus de la fontaine, et il chantait à pleine voix: 0 o o o o o Maria, répétant six fois o avant de prononcer Maria; en même temps il se plongeait dans l'eau jusqu'aux épaules, même au milieu de l'hiver, par mortification sans doute, comme les vieux saints de Bretagne qui avaient cette coutume et dont il avait peut-être retenu ce trait raconté à l'école. « Comme un passereau tout solitaire, dit un religieux du XVII• siècle, le Père Pennec, qui écrivit le "dévôt pèlerinage du Folgoat" d'après des documents authentiques, il solfiait à sa mode les louanges de la Vierge sacrée, à laquelle, après Dieu, il avait consacré son cœur; et, de nuit, comme le gracieux rossignol, perché sur l'espine de l'austérité, il chantait mille fois: Ave Maria. » . Salaün vécut ainsi jusqu'à l'âge de quarante .ans environ, considéré par tous comme un pauvre innocent que l'on accueillait avec sympathie, car il ne faisait de mal à personne. Pendant la guerre de succession de Bretagne, il rencontra un jour une troupe de soldats qui lui demandèrent à quel parti il appartenait: «Je ne suis ni Blois ni Montfort, répondit-il ; ave Maria. » Les soldats se mirent à rire et, le traitant de fou, le laissèrent à ses manies. Un jour, le 1er Novembre 1358, ses voisins le trouvèrent mort près de la fontaine ; et, ne voulant pas se donner la peine de transporter en terre chrétienne la dépouille d'un pauvre idiot, comme le cimetière· se trouvait à une lieue de là, ils creusèrent une fosse au· pied d'un arbre, et l'y enterrèrent comme une bête, sans prêtre ni les cérémonies accoutumées de l'église.» (Yves Guillerm). Quel ne fut pas leur étonnement, quelques jours après, quand ils virent sur la tombe un beau lys aux fleurs éclatantes de blancheur, sur les pétales duquel étaient inscrites en lettres d'or le refrain de Salaün: Ave Maria. On ouvrit la fosse et l'on constata que les racines du lys plongeaient dans la bouche de l'innocent. Le miracle dura plusieurs semaines ; la renommée s'en répandit très vite aux alentours et dans la Bretagne tout entière : des ecclésiastiques, des seigneurs, des paysans vinrent en foule contempler le tombeau fleurdelisé et décidèrent qu'en mémoire de cette merveille, on édifierait une chapelle en l'honneur de Notre-Dame du Folgoat."

     

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    Les lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Les lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Le registre inférieur.

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    Six médaillons de la Légende de Salaün ar Foll.

    De gauche à droite en partant du haut :

    — Salaün se balançant sur son arbre 

     

    Cf infra

    — Salaün à l'école, peinant à répondre au maître ;

     

    Il fut à l'école

    Mais nulle parole

    Ne le captiva ;

    Quand, tout l'importune,

    Il n'en retient qu'une,

    Ave Maria !

    — Salaün mendiant son pain, pendant que des enfants tirent sur les basques de son vêtement ;

    Chaque matin, pour entendre la messe,

    Salaün se rend, dès l'aube, au bourg voisin ;

    Il y redit le même nom sans cesse

    Et tout le temps de l'office divin.

    Puis ( car il mendie),

    Pour gagner sa vie,

    Va tendant la main,

    ...

    Objet de risée,

    La foule insensée

    le poursuit parfois ;

    La bande ennemie

    Des enfants lui crie :

    « C'est le fou du bois ! »

    — Salaün à la fontaine, plongeant son pain dans l'eau

     

    Il prend son asile

    Sous l'arbre tranquille

    Du bois qu'il chérit;

    Sur la terre nue

    Sa tête ingénue

    Repose la nuit.
    ...

    Revient à son chêne,

    Et dans sa fontaine Il trempe son pain.

    — Salaün se baignant dans la fontaine ;

     

     

    — Salaün entre partisans de Charles de Blois et partisan de Jean de Monfort.

    Au centre, deux panneaux sont occupés d'une composition à rinceaux et oiseaux stylisés à longue queue, plaçant ces six médaillons dans un environnement naturel et boisé.

     

     

     

     

     

     

    De ses parents sonne l'heure suprême;

    il resta seul, enfant abandonné ;

    Plus de refuge; il faut quitter même

    Ce pauvre toit sous lequel il est né :




     

    Depuis longtemps, le sol couvrait ses restes, Et mieux encore l'oubli couvrait son nom, Quand Dieu montra, par des signes célestes, Combien. du fou. la sainte affection Était douce et chère A son divin fils. A travers la mousse Sur la tombe pousse un blanc et beau lys . Dieu le posa gracieux sur sa· tige , Le parfuma; mais il fit plus encor; Dans son calice opérant un prodige , Le doigt divin traça des lettres d'or : Sur chaque corole Dieu mit la parole Que Salaün aima; Tous peuvent y lire, 1 Et chacun admire l'AVE MARIA!

    On accourut de toute la Bretagne Pour contempler les deux mots merveilleux; Tout le pays , la ville, la campagne Vint adorer .le lys miraculeux. I.e seigneur, ,le prêtre Au tombeau champêtre Courbent le genou; Au lieu de l'insulte . On lui rend un culte, A Salaün le Fou. En admirant la puissance divine, Les plus savants vo'ulurent découvrir . D'où s'échappait la mystique racine, Et par le, urs soins la toinbe dut s'ouvrir. 0 Grandeur suprême! · De la bouche même Sortait le beau lys ! · C'ét.ait .encore elle Qui disait, fidèle, Ces deux mots chéris ... La simple innocènce, 1\'IIeux que la science Au Seigneur sourit ; Ce sont ses mystères! ' " Bienheureux; mes frères . .: ' ' ' ,, Les pauvres ;d'esprit. ,

    Registre inférieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Registre inférieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Je m'intéresserai à l'un des épisodes, qui m'intrigue, et qui est figuré deux fois sur le vitrail : Salaün se balançant. 

    Le médaillon de Salaün se balançant à son arbre.

    Le peintre a représenté Salaün, vêtu d'un bragou bleu et d'un manteau rouge au pan emporté par le vent, suspendu par les bras à la branche d'un chêne, sur fond d'un vague paysage de basses montagnes et d'un autre chêne étêtée. Que fait-il ainsi ? De la gymnastique ? Ce Fou est-il un Acrobate, comme dans le Tarot de Marseille où le Mat (le Fou) voisine la lame du Bateleur ? La signification de cette scène est-elle ésotérique ? Ou simplement spirituelle, louant l'aspiration à se détacher de la Terre et de s'approcher du Ciel ? 

    En un mot, qu'est-ce que c'est que ce bin's ?

    Miorcec de Kerdanet  versifie ainsi cet épisode :

    Le repas fait, de son abri paisible

    De branche en branche il gagne le sommet;

    Il se suspend au bout d'un bois flexible,

    Et sans effroi dominant la forêt,

    Avec innocence

    Dans l'air se balance

    Et chante plus fort

    Son hymne chérie ,

    Le nom de Marie ,

    Dans un doux transport.

    Autrement dit, Salaün fait de l'acrobranche pour gagner la canopée, lieu d'élection pour adresser ses chants à la Vierge. Soit.

    Les deux cantiques  de Notre-Dame du Folgoët, connus sous le titre Patronez dous ar Folgoat, car c'est bien en breton qu'il se chante,  consacrent à la scène énigmatique un couplet :

    Le premier cantique daterait de 1852.

     

    Gwechall er vro man 'veve
    Eur paour berr a spered
    Salaun ar Foll ne ouie
    Netra Koule lavared
    Daou her "Ave Maria"
    Setu e oll bedenn
    N'ehane ket d'o hana
    Diwar skourr e wezenn

    Jadis, vivait en ce pays
    Un pauvre, simple d'esprit,
    Salomon Le Fou ne savait
    Pour ainsi dire rien, sinon
    Deux mots "Ave Maria"
    Voilà toute sa prière
    Qu'il ne cessait de chanter
    Perché sur la branche d'un arbre

     

    Pell amzer, kan a zavas
    A-us d'ar wezenn deo.
    Eun deiz ar vouez a davas,
    Salaün ne oa mui beo.
    E ene gant an Elez
    Oa aet d'ho lez, Itron,
    Da gana ho madelez
    Bepred e-tal ho tron.

    Longtemps, le chant s'éleva
    Au-dessus du gros arbre.
    Un jour, la voix se tut,
    Salaün n'était plus en vie.
    Avec les anges, son âme
    Vous a rejoint, Notre-Dame, en votre cour,
    Pour chanter votre bonté
    Chaque jour devant votre trône.

     

    Le second a été composé par l'abbé Jean Guillou et fut publié par la revue « Feiz ha Breiz » du 14 juin 1873.

    https://www.youtube.com/watch?v=-MbJzQK1ubs

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/c02069db4918a110fe135511d651ae02.pdf

     

    Salaün var skourr eur vezen, Evit kaout he vara, Ne lavare ken peden Nemet : ô Maria !

    Salaün sur sa branche, Pour obtenir son pain, Ne faisait d'autre prière Que : ô Maria

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    Nous comprenons bien que ce balancement est associé à la fois à la prière ô Maria, mais aussi au chant. Bien-sûr, il est fréquent de se balancer un peu en chantant, mais se pendre à une branche pour le faire, voilà qui est moins banal. Je ne suis pas théologien, mais c'est du jamais-vu au Royaume des Cieux, parmi les Saints et les Bienheureux, non ? 

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    Salaün suspendu à son arbre. Registre inférieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Salaün suspendu à son arbre. Registre inférieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Le registre supérieur.

     Les quatre médaillons.

    — les voisins de Salaün le trouvent mort au pied de son arbre ;

    II passe ainsi quarante ans de sa vie,

    Sans autre abri, ni l'été, ni l'hiver,

    Soudain, frappé par une maladie,

    Plus d'un asile lui fut offert !

    Mais quitter son chêne,

    Sa chère fontaine, Salaün ne veut pas ;

    Au bois le pauvre être fait venir un prêtre ,

    Et meurt dans ses bras.

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    — L'abbé de Landévennec, dom Jean de Langoueznou, vient voir la tombe fleurdelisée ;

    Jean de Langoueznou, abbé de Landévennec aurait été le témoin oculaire de la mort de Salaün le Fol et aurait rédigé un écrit en latin sur ce miracle du lys fleuri sur sa tombe. Ce texte, aujourd'hui perdu, aurait été remis à l'évêque du Léon (1563-1613) Rolland de Neufville, abbé de Monfort qui l'aurait fait paraphraser en français par René Benoît et Pascal Robin . Cette paraphrase, qui a servi de source à Albert le Grand en 1636, a été publié par Miorcec de Kerdanet en 1837.  Voir sur ce poète, à qui nous devons Languentibus in  Purgatorio , l'article de synthèse de André-Yves Bougès, qui lui attribue le Chronicon Briocense : http://hagiohistoriographiemedievale.blogspot.fr/2005/11/jean-de-langouesnou-abb-de-landvennec.html

     

     

    "...Depuis donc que cet innocent fut decedé, il fut enterré, par les voisins, au lieu mesme, en la place de son lict, dessous son arbre, auprès de sa fontaine. Il advint, peu près, qu'un Lys très beau crut miraculeusement sur sa fosse, dont les fleurs representoient en elles ces mots escrits en Lettres d'Or : Ave Maria, c'est à dire en français : Je te salue Marie ! Ce qui fut cause que le bruit courut incontinent par tout le paIs circonvoisin, de sorte qu'un tel miracle fit amasser là une foule infinie de monde, tant de gens d'Église que de gentilshommes et d'auiltres personnes de tous estats, & tant d'hommes que femmes, pour admirer telle merveille, dont tous ensemble adviserent & conclurent, par deliberation & resolution prise sur la place, qu'on feraoit bastir une Église en l'honneur de la Vierge Marie, laquelle depuis, en perpetuelle memoire et commemoration de ce miracle, & du leiu où il fut veu publiquement de tosu, fut appellée, comme elle est encore dicte a present, l'eglise de Nostre Dame du Folgoat, c'est a dire du Bois ou Hermitage du Fol, nom dont on reputoit le dict saint Salaün... ; en laquele, par permission de Dieu, sont faits infinis & grands miracles, a la vue de tous les habitants voisins et pelerins y allant incessament en voyage par devotte & chrestienne affection & vray zele catholique, imitant & suivant la trace tres salutaire de leurs predecesseurs. ...

    Je, Jan de Langoezou, Abbé dudit lieu de Landevennec, ay esté present au miracle cy dessus, l'ay veu, ouy, & si l'ay mis par escrit à l'honneur de Dieu & de la Benoite Vierge Marie ; & a fin que je puisse mériter d'avoir place de repos eternel avec le simple & pauvre innocent, j'ai composé un cantique en latin pour les trepassez, auquel il y avait six fois ô Maria ô Maria ! Lequel est encores jusques aujourd'huy solennellement chanté en très grande dévotion en notre royal Moustier, & par tous les Prieurés qui en dépendent, comme aussi en plusieurs lieux, & est tel qu'il en suit en latin :

    Languentibus in Purgatorio

    Qui purgántur ardóre nímio,

    Et torquéntur gravi supplício,

    Subvéniat tua compássio :

    O María !

    [etc..]"

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    — L'évêque de Léon pose la première pierre de la chapelle.

    C'est en 1419 qu'Allain de la Rue, évêque de Léon, consacra l'église du Folgoët, bâti sur la fontaine de Salaün, mais dont la première pierre aurait été posée à la suite d'un vœu du duc Jean IV à la fin du XIVe siècle. 

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    — Anne de Bretagne et ses dames de compagnie à genoux devant l'autel de la Sainte Vierge.

    Anne de Bretagne vient plusieurs fois à Folgoët, en 1491, 1499, et en 1505 pour remercier Notre-Dame de la guérison du roi Louis XII d'une grave maladie.

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    Registre supérieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Registre supérieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    La Vierge apparaissant à Salaün se balançant à son arbre : les quatre panneaux centraux du registre supérieur.

    A la place centrale du vitrail, la scène mystérieuse revient à nouveau. Ah, il y tient, à sa branche ! Offrez-lui des agrès ! Le jeune athlète y poursuit si opiniâtrement ses tractions qu'il ne semble pas apercevoir la jeune femme qui lui tend les bras.

    Pour trouver la solution de mon énigme, j'abandonne les auteurs du XIXe siècle, et j'effectue une plongée dans le temps. J'atterris en plein XVIe : 

    "Or, son lict estoit seulement de terre nue, avec une pierre qui luy servoit d'oreiller sous sa teste, & icelle terre estoit amassée sous un arbre tordu & peu eslevée de terre, auprès d'icelle fontaine. Quand donc il estoit transy de trop grande froidure d'hiver, il gravissoit dans cet arbre, &, empoignant les branches souples d'icelui arbre, il se brandeloit & secouoit de telle sorte qu'au branle et mouvement qu'il se donnoit, à la façon des brandelles des rustiques, il moderoit la rigueur du froid, en chantant, à pleine bouche, ces mots par six fois continuelles : ô Marie ! ô Marie ! ô Marie ! ô Marie ! ô Marie ! ô Marie !"

    En clair, s'il se brandelait et secouait tant à la branche d'icelui arbre, c'était pour échapper au froid ! Mais il suffisait de le dire !

    Retenez : brandeler signifie, dans le DMF (1330-1500) :  1 Emploi intransitif : A  au sens propre, "se balancer, s'agiter". B. Au figuré : "être hésitant". 2. Emploi transitif : "Agiter , remuer, brandir". Voir Godefroy. ou Roman de Renart vers 19571 : "agiter" (Mes mout fu durement lassez Que des cox, que du brandeler Qu'il ot pris as vignes garder, Qu'il n'i remest os a brisier.)

    Retenez aussi : "les brandelles des rustiques" : le CNRTL donne pour brandelle : "position branlante, critique", qui est le sens donné par Godefroy, mais qui ne convient pas ici. Mais le mot apparaît sous la plume de Rabelais dans le chapitre XXII du Gargantua (1534), dans la fameuse liste des 215 jeux : ..."à sainct Cosme ie viens adorer, au chesne forchu, au chevau fondu, à la queue au loup, à pet en gueulle, à guillemain baille my ma lance, à la brandelle, au trezeau, à la mousche, à la migne migne beuf,", et "à la brandelle" est alors traduit par les spécialistes comme "à la balançoire", ce qui convient parfaitement à notre texte. Dans la revue Romania de 1888, les auteurs reconnaissent que "ce mot est peu exactement défini dans le Dictionnaire de Godefroy, et l'historique en est très incomplet. Il fallait dire que sa première signification est celle de « balançoire, escarpolette », et que de là il a passé naturellement, comme le mot balance, au sens métaphorique de « situation critique, périlleuse » .

     

    Attention : Branler : intrans. « chanceler, faiblir » , est une contraction de brandeler « vaciller » , dérivé du rad. de brandir; suff. -eler*. D'ailleurs, une branloire (1350, branlouere) désigne, comme la brandelle, une balançoire.

    Cet homme était vraiment dérangé. En plein hiver, il se baignait nu dans une fontaine, puis, il se rhabilloit, et escaladait son chêne pour se réchauffer en se balançant. Pardon, en se branslant en l'air  ainsi qu'en atteste frère Albert Le Grand:

    "Lorsqu'il faisoit froid, il se plongeoit dans l'eau de sa fontaine jusques aux aisselles et y demeuroit longtemps, chantant toujours quelque couplet ou rythme Breton à l'honneur de N. Dame : puis, ayant repris ses accoutremens, il montoit dans son arbre, &, empoignant une branche, se bransloit en l'air, criant à pleine teste : O ! Maria, O ! Maria ! "(Albert le Grand)
     

    C'est pas raisonnable, ça ; j'suis pas médecin, mais c'est un coup à vous donner des hallucinations.

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    Registre supérieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Registre supérieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Mais au fond, la balançoire n'est-elle pas l'équivalent sur le plan physique de la lecture ?

    Comme l'écrivait Jacques Amyot en 1618 :

    " au moins en lisant à haulte voix : car ce que la branloire est au regard de l'exercice du corps, cela mesme en proportion est la lecture au regard du parler, remuant tout doucement & promenant la voix dedans la parole, ne plus ne moins que dedans un coche ou voitture d'autruy "

    (Les règles et préceptes de santé, Oeuvres Morales et philosophiques de Plutarque V, p. 297)

     

    Registre supérieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Registre supérieur des lancettes de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    LE TYMPAN ARMORIÉ.

    D'après Guillermit :

    Bretagne.

    2°) Mi-parti Bretagne France (Jean V et Jeanne ).

    3°) Le Gouzillou de Kernao (d'or fascé d'azur, accompagné de trois merlettes d'azur, membrées et becquées de gueules).

    4°) Rivoalen de Mezléan (d'argent au chevron de gueules, cantonné de 3 quintefeuilles de gueules).

    5°) De gueules à la bande d'or. (Il doit y avoir une erreur. Devrait être d'azur parti de gueules a la bande d'or, qui sont les armes de Sourdis, un des fondateurs de l'église du Folgoat).

    6°) Léon (d'or au lion morné de sable).

    7°) Goulaine (mi-parti Angleterre et France. Angleterre : de gueules à trois léopards ; France : d'azur à une fleur de lys et demie d'or). 

    8°) Rohan (de gueules à neuf mâcles d'or accolées et aboutées 3, 3, 3. Devise : A plus).

    9°) Penhoët (d'or à une fasce de gueules).

     10°) Beaumanoir (d'azur à dix ou onze billettes d'argent. Devise :" J'aime qui m'aime).

    11°) De la Forest (d'argent au chef de sable).

    12°) Du Châtel en alliance avec du Juch (mi-parti fascé d'or et de gueules, six pièces (du Châtel) et d'azur au lion d'argent, armé et lampassé de gueules (du Juch).

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    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par  Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

    Tympan de la verrière de la Légende de Salaün le Fol par Emile Hirsch 1869. Chapelle de Coëtivy, baie 4 de la Basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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    LA CHAIRE À PRÊCHER.

    Elle fut commandée par le recteur La Haye entre 1852 et 1882. Elle reprend les différents épisodes de la Légende de Salaün ar Foll : 

    1. SALAUN SE BALANÇANT.

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    La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. X. Les vitraux du XIXe siècle : La Légende de Salaün le Foll.

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    La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. X. Les vitraux du XIXe siècle : La Légende de Salaün le Foll.

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    2. SALAUN ARRÊTÉ PAR LES SOLDATS..

    ... ou plutôt Salaün sommé de choisir entre Charles de Blois et Jean de Monfort lors de la Guerre de Succession ou Guerre des deux Jeanne. 

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    La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. X. Les vitraux du XIXe siècle : La Légende de Salaün le Foll.

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    3. LA S.V. APPARAIT À SALAUN.

    Traduire S.V par "La Sainte Vierge".

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    La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. X. Les vitraux du XIXe siècle : La Légende de Salaün le Foll.

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    4. LE LYS MIRACULEUX.

    ...avec l'abbé Jean de Langouesnou et, curieusement, le soldat du panneau 2 qui est venu déposer son épée sur la tombe du pauvre innocent.

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    La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. X. Les vitraux du XIXe siècle : La Légende de Salaün le Foll.

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    ANNEXE .

    HISTOIRE DE LA FONDATION DE NOSTRE DAME DU FOLLCOAT, par Albert Le Grand (1636, édition 1901)

    "En Léon, le 8 Mars.

    I. L'histoire Miraculeuse de Nostre Dame du Follcoat, au Diocèse de Léon, a esté écrite par Jean de Land-Goëznou, Abbé du Monastère de Land-Tevenec, Ordre de S. Benoist, Diocèse de Cornouaille, lequel est témoin oculaire ; & de luy a prise Messire René Gaultier [ Comme on pourra le voir à l' Indication des sources où a puisé Albert Le Grand, cet historien serait non René Gaultier, mais René Benoist.] qui l'a insérée en sa Légende, & est telle : Environ Tan de grâce 1350, séant en la Chaire Apostolique le Pape Clément VI, Charles IV du nom tenant les resnes de l'Empire, & le Roy Jean régnant en France, durant le plus fort des guerres Civiles entre le Duc Jean de Montfort (depuis surnommé le Conquérant) et Charles de Chastillon, dit de Blois, Comte de Penthévre, devers sa femme, pour la Duché de Bretagne, Guillaume de Roche-fort estant Evesque de Léon, vivoit, au territoire de Les-Neven, un pauvre garçon idiot, nommé Salaun, qui signifie Salomon, lequel avoit l'esprit si grossier, qu'encore qu'il fust envoyé de bonne heure aux écolles, jamais il ne peut apprendre autre chose que ces deux mots : Ave Maria; lesquels il recitoit continuellement avec grande dévotion & consolation de son Ame.

    II. Ses parens estans décédez, il fut contraint de mendier sa vie, ne sçachant aucun mestier pour la gagner. Il faisoit sa demeure dans un bois, à l'extrémité de la Paroisse de Guic-Elleaw, prés d'une fontaine ; n'usant d'autre lict que la terre froide, sur laquelle il se couchoit, à l'ombre d'un arbre tortu, qui luy servoit de Ciel 8c de pavillon. Il estoit pauvrement vestu, deschaux la plus part du temps. Il alloit, tous les matins, à la Ville de Les-Neven, distante de demie lieuê de son bois, où il entendoit la Ste Messe, pendant laquelle, il prononçoit continuellement ces mots : Ave Maria, ou bien en son langage O ! Itroun Guerhez Mari, c'est à dire : O ! Dame Vierge Marie ! La Messe oûye, il alloit mendier l'aumône par la ville de Les-Neven, que luy donnoient volontiers les Citoyens & Soldats de la Garnison ; puis, s'en retournant à son Hermitage, rompoit son pain & le trempoit dans l'eau de sa fontaine & le mangeoit sans autre assaisonnement que le saint Nom de Marie, qu'il repetoit à chaque morceau. Lorsqu'il faisoit froid, il se plongeoit dans l'eau de sa fontaine jusques aux aisselles et y demeuroit longtemps, chantant toujours quelque couplet ou rythme Breton à l'honneur de N. Dame : puis, ayant repris ses accoutremens, il montoit dans son arbre, &, empoignant une branche, se bransloit en l'air, criant à pleine teste : O ! Maria, O ! Maria !

     

    III. Les villageois du voisiné, voyans ses déportements, le jugèrent fol, & ne l'appelloit-on partout autrement que Salaun-ar-foll , c'est à dire, Salomon le fol. Une fois, fut rencontré par une bande de Soldats qui couroient la poule sur la campagne, lesquels l'arresterent & luy demandèrent qui vive : « Je ne suis (dit-il) ny Blois, ny Montfort (voulant dire, qu'il n'estoit partisan ny de Charles de Blois, ny du Comte de Montfort), Vive la Vierge Marie! » A ces paroles, les Soldats se prirent à rire, l'ayant fouillé, ne luy trouvant rien qui leur fust propre, le laissèrent aller. Il mena cette manière de vie l'espace de 39 ou 40 ans, sans jamais avoir ofîensé ny fait tort à personne. Enfin, environ l'an 1358, il tomba malade, & ne voulut, pour cela, changer de demeure, quoy que les habitans des villages circonvoisins luy offrissent leurs maisons. Il demanda le Curé de Guic-Elleaw, auquel il se confessa, &, peu après, deceda paisiblement, le premier de Novembre, jour de Toussaints. Son corps fut enterré dans le cimetière de Guic-Elleaw (et non au lieu où il mourut, qui estoit terre prophane) sans autre solemnité. Mais Dieu vouloit que sa sainte Mère fust glorifiée en ce sien serviteur, & fit paroistre aux yeux de tous combien cette devotieuse affection qu'il portoit à la glorieuse Vierge Marie luy avoit esté agréable.

     

    IV. Car, comme on ne parloit plus de Salaun & que sa mémoire sembloit avoir esté ensevelie dans l'oubliance , aussi-bien que son corps dans la terre , Dieu fit naistre sur sa fosse un Lys blanc, beau par excellence, lequel répandoit de toutes parts une fort agréable odeur ; et, ce qui est plus admirable, c'est que dans les feuilles de ce Lys estoient écrites en caractère d'Or ces paroles : Ave Maria ! Le bruit de cette merveille courut, en moins de rien, par toute la Bretagne, de sorte qu'il s'y transporta une infinité de monde pour voir cette fleur miraculeuse, laquelle dura en son estre plus de six semaines, puis commença à se flétrir ; & lors fut advisé, par les Ecclésiastiques, Nobles & Officiers du Duc, qu'on fouiroit tout à l'entour de sa tyge, pour sçavoir d'où elle prenoit sa racine, & trouva-t-on qu'elle procedoit de la bouche du corps mort de Salaun ; ce qui redoubla l'estonnement de tous les assistans, voyans un témoignage si grand de la Sainteté & Innocence de celuy que, quelques années auparavant, ils estimoient fol.

    Lors, par délibération commune des Seigneurs qui se trouvèrent là et des Officiers du Duc, fut conclu et arresté qu'en mémoire de cette merveille on édifieroit, au lieu mesme où Salaun avoit fait son Hermitage, une Chappelle en l'honneur de Nostre Dame, qui seroit appelée Ar-Follcoat, c'est à dire le bois du fol. Le Duc Comte de Montfort, adverty de ces merveilles & de la délibération de ces Seigneurs, approuva leur dessein, & promit à Dieu & à la Glorieuse Vierge, que si, par son assistance, il devenoit paisible possesseur de son héritage de Bretagne, il luy édifieroit l'Eglise du Follcoat, la dotteroit et donneroit salaire aux Ecclésiastiques pour y faire le divin Service.

    V. Et de fait, ce Prince, ayant défiait ses ennemys à la bataille d'Auray, l'an 1364, où son compétiteur Charles de Blois fut tué, s'alla faire reconnoistre par toutes les villes de son Duché, &, estant à Les-Neven, au mois de Janvier 1365, il fit ladite fondation, & assigna des rentes pour les Doyens, Chanoines, Chappellains &, Sallette du Follcoat, fit prendre les fondemens de l'Eglise & y posa la première pierre. On continua le bastiment jusqu'à l'an 1370, que la guerre commença entre le Roy de France Charles VI [Charles V.] & le Duc, de l'obéissance duquel la plus part de ses sujets se révoltèrent, en haine de ce qu'il avoit logé des Garnisons Angloises à Morlaix, Kemper & Les-Neven, où ils commirent des insolences si grandes, que tout le païs se rua sur eux & les chassèrent hors. Cette guerre dura jusques à l'an 1381 , pendant laquelle, l'ouvrage ne s'avança aucunement, les deniers qui y estoient destinez ayant esté divertis pour subvenir aux frais de la guerre, laquelle estant sur le point de se rallumer, l'an 1388, à cause de l'emprisonnement du Connestable Olivier de Clisson au Chasteau de l'Hermine, à Vennes ; &, l'an 1392, le Roy de France Charles VI menaçant de fondre sur la Bretagne, les susdits deniers furent derechef arrestez pour survenir aux nécessitez occurrantes du pais; enfin, le Duc, mourant au Chasteau de Nantes, l'an 1399, le jour de Toussaints, en chargea trés-expressement à son fils, le Comte de Montfort, qu'au plustost que faire se pourroit il s'aquitast de cette fondation ; à quoy il ne manqua.

    VI. Car, incontinent qu'il fut de retour de France, en l'an 1404, il vint à Les-Neven ; il fit son entrée & receut les hommages des Nobles de la Comté de Léon, fut au Foll- coat, fit venir des ouvriers de toutes parts et y fit continuellement travailler, en sorte que l'Eglise, parfaite, fut dédiée, l'an 1419, par Allain, Evesque de Léon, peu avant qu'il fut transféré à l'Evesché de Treguier par le pape Martin V. Cette Chappelle est l'un des plus dévots Pèlerinages de toute la Bretagne, renommée par tout pour les grands Miracles que Dieu y a opérés par l'intercession de sa sainte Mère. Tous nos Princes, depuis Jean le Conquereur jusques à François II, y ont fait plusieurs voyages, Se, en leurs affaires les plus urgentes, s'y sont vouez. La Reyne Anne de Bretagne, estant venue faire un tour en son païs de Bretagne, y vint en Pèlerinage, l'an 1506, y fit sa neufvaine, y laissa de riches presens, comme aussi le Roy François ler, en Septembre l'an 1532, à l'issue des Estats de Vennes, où la Duché de Bretagne fut incorporée & inséparablement urne à la Couronne de France.

    Cette Histoire est prise de René Benoist, en sa légende, laquelle il a tiré d'un extrait authentique tiré du manuscrit Original, à luy envoyé par feu Rolland de Neuville, Evesque de Léon et Abbé de Mont-fort, partie aussi des mémoires manuscrits de Messire Yves Le Grand, Chanoine de S. Paul de Léon, Recteur de Ploudaniël, Aumosnier et Conseiller du Duc François II, le tout rendu conforme aux- Annales de Bretagne."

     

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    SOURCES ET LIENS.

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    — ABGRALL (Jean-Marie) 1909 Notice sur Le Folgoat  Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie, Quimper page 175 et 209

    https://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1909.pdf

    — ABGRALL (Jean-Marie), 1896, Le Folgoët (Finistère), « Livre d’or des églises de Bretagne », Rennes, 

    — ABGRALL (Jean-Marie), 1901, L'église Notre-Dame du Folgoat, in A.Le Grand, La vie des saincts...page 88

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5038760/f126.item.r=Folgoet

     

    — COËTLOGON (Marquis de), 1851, Dessins, histoire et description de l’église de Notre-Dame du Folgët, Brest, 1851

    — COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LE FOLGOET. Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.

    http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/FOLGOET.pdf

     

    — COURCY   Notice sur Notre-Dame du Folgoët, par Pol et Henri de Courcy. ln-12. Saint- Brieuc, Prud'homme; 1860

    — DANTEC (Dominique), 1986, La basilique de Notre-Dame-du-Folgoët : un programme classique de vitraux au XIXe siècle Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest  Année 1986  Volume 93  Numéro 4  pp. 405-410

    http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1986_num_93_4_3237

    — GUILLERMIT (Augustin),1922  Le Folgoat Monographie paroissiale. ed. A. Lajat (Morlaix)

    https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8c56e3a44e19df315b7cd0de70f0f172.pdf

    — GUILLOUET (Jean-Marie), 2009,  Le Folgoët, collégiale Notre-Dame, Congrès archéologique de France (2007), Finistère. 165, pp.166-176.

    https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00557740/document

    — JOB AN IRIEN 1989, A la recherche de la vérité sur Notre Dame du Folgoët = Itron Varia ar Folgoet. Ed Minihi Levenez (Landerneau) 24 p.: ill.; 25 cm.

     

    — KERBIRIOU (Louis) 1938, Un grand Sanctuaire Marial en Bretagne · Notre·Dame du Folgoët Notice descriptive, historique et archéologique, Brest, Impr. Le Grand

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/c02069db4918a110fe135511d651ae02.pdf

    — LE GRAND (frère Albert), Les vies, morts, gestes et miracles  des Saints de la Bretagne Armorique : première édition à Nantes en 1636 chez Pierre Doriou / 1659 Rennes, Ferré, Jean Vatar / Rennes, Veuve de Ian Vatar à la Palme d'or, 1680 / édition annoté et augmenté par Miorcec de Kerdanet Brest, P. Anner et fils 1837 / édition par A.M. Thomas et J.M. Abgrall Quimper 1901.

    https://archive.org/stream/LaVieDesSaintsDeLaBretagneArmorique/saints_vie_bretagne#page/n1/mode/2up/search/folgoat

     

    Frère Albert Le Grand, baptisé Jean, est un frère Dominicain né à Morlaix en 1599 et décédé à Rennes en 1641. Cette Vies des Saints est la première somme hagiographique bretonne en français et comprend 78 vies de saints, trois récits et neuf catalogues épiscopaux, un pour chacun des diocèses bretons (Saint-Pol-de-Léon, Quimper, Tréguier, Saint-Brieuc, Vannes, Saint-Malo, Nantes, Dol-de-Bretagne et Rennes). L’ouvrage est réédité, augmenté sous les auspices de Guy Autret de Missirien (Rennes, Jean Vatar, 1659), qui avait collaboré avec le dominicain. Puis en 1680. Daniel-Louis Miorcec de Kerdanet en offre une nouvelle édition, sans les catalogues épiscopaux, parue en 1837 (chez P. Anner à Brest). L’édition de référence demeure celle dite « des trois chanoines », publiée en 1901 (J. Salaün, Quimper), due à Alexandre-Marie Thomas, Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron.

     

    — LÉCUREUX ,1914,  « Le Folgoët. Église collégiale. 3ème excursion », dans Congr. arch. de France. Brest et Vannes, 1914, p. 99-110.

    — LORME (A. de ), 1896, « L’art breton et l’église du Folgoat », dans Congr. arch. de France . Brest, 1898, p. 218-236.

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k356651/f290.item

    — MIORCEC DE KERDANET ( Daniel), 1853, Nouvelle notice sur N.-D. du Folgoët et sur ses environs, J.-B. Lefournier (Brest), 144 p.; 22 cm.

    https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/33e093346604e23fe86b2fdaa39ca374.pdf

    Ou : in A.Le Grand, La vie des saincts 1837 :

    https://books.google.fr/books?id=BYITAwAAQBAJ&dq=%22La+vie+des+saints+de+la+Bretagne+armorique%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

    — PENNEC (Cyrille), 1825,  Le dévot pèlerinage de Notre-Dame du Folgoët, Rennes

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/061c8316a48418d20634b1b408c93613.pdf

     

    — INFOBRETAGNE :

    http://www.infobretagne.com/folgoet.htm

    http://www.infobretagne.com/folgoet-basilique.htm

    — LES AMIS DU FOLGOËT.

    http://les-amis-du-folgoet.pagesperso-orange.fr/Basilique.htm

    — monumentshistoriques.free.fr

    http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/folgoet/descriptif.html

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