Iconographie des saints Côme et Damien : la baie 133 (XVIe siècle) de la cathédrale d'Auxerre.
.
Voir les articles précédents sur l'iconographie des saints Côme et Damien :
-
Iconographie de saints Côme et Damien en Bretagne (et ailleurs..) : Iconographie de Saint Côme et saint Damien en Bretagne, sur une vingtaine de sites, sur les porches de Landivisiau (1554), Bodilis (1570), et Saint-Houardon de Landerneau (vers 1554), à Saint-Nic, Plougastel, La Martyre, Ploudiry, Languivoa, etc, etc... .Avec une petite iconographie générale (enluminures, ...).
-
Saint Côme et saint Damien sur le cadran solaire de 1614 de l'église de Saint-Nic (Finistère).
-
Le portail intérieur du porche sud de l'église de Bodilis.(1570)
-
Le porche sud et la porte sud de l'église Saint-Houardon de Landerneau. (vers 1554-1570)
-
Iconographie des saints Côme et Damien : la chapelle Saint-Sébastien de Saint-Ségal.
-
Saints Côme et Damien dans le Bréviaire d'Isabelle de Castille (vers 1497).
-
Les vitraux anciens de l'église de Saint-Lô : la baie 8 de la Trinité et de saints Côme et Damien .
-
et l'enluminure des Grandes Heures d'Anne de Bretagne folio 173v par Jean Bourdichon (1505-1510) .
.
Saint Côme, baie 133 (début XVIe siècle) de la cathédrale d'Auxerre. Photographie lavieb-aile août 2019.
.
PRÉSENTATION.
Dès la fin du IIIe siècle, saint Pèlerin a suscité à Auxerre l'implantation d' une basilique ; puis vers 400 saint Amatre a fait bâtir sa cathédrale sur l'emplacement actuel, et le sanctuaire fut embelli et agrandi jusqu'à sa destruction par un incendie vers 900. Il est reconstruit par Erifrid puis perdu en 950 dans un nouvel incendie, à nouveau reconstruit et à nouveau victime d'un incendie en 1023. Hugues de Chalons fait alors construire de 1023 à 1059 une cathédrale romane, dont ne subsiste aujourd'hui que la crypte. Le choeur roman est rasé et remplacé par un chœur gothique, achevé en 1234.
Au début du XIVe, la nef romane est à son tour rasée et remplacée par une nef gothique.
C'est en 1525 qu'est construite la tour nord.
Verrières.
Si les verrières du chœur datent du XIIIe siècle (baies 1 à 26 du déambulatoire et baies hautes 100 à 114) et du XVIe siècle (baies 14, 117), si les roses des transepts et de l'ouest sont du XVIe siècle (baies 119, 120 et 135), les baies hautes de la nef conservent au sud des verrières du XIVe et XVe restaurées au XXe siècle ( baies paires 126 à 130), et au nord les fragments de verrières plus tardives du XVe et XVIe siècles (baies impaires 125 à 133).
La baie 133 qui fait l'objet de cet article est la première baie haute du nord de la nef en partant du fond de la cathédrale, c'est à dire de l'ouest, juste après la tour nord achevée en 1525. Elle n'est pas datée de façon documentée, mais la baie 131 qui la suit, représentant saint Louis, Madeleine et saint Germain, a été commandée en 1524 à Germain Michel, Tassin Grassot et Thomas Duesme, peintres d'Auxerre. Germain Michel est aussi l'auteur, en 1528, des lancettes de la rose nord du transept.
Elle comporte deux registres horizontaux, mais le registre inférieur a perdu la majeure partie de ses verres d'origine.
Le registre supérieur voit se succéder de gauche à droite, dans 4 niches en plein cintre où des tentures sont suspendues, saint Côme, sainte Syre, sous une première arcade, et saint Pierre et saint Damien sous l'arcade suivante.
Le tympan regroupe trois roses, celles du haut montrant trois scènes du Jugement dernier (sept humains se redressant de leur tombe) sous une inscription (OSSA VIVENTE).
.
Les deux saints médecins et frères (voire jumeaux) sont donc séparés ici, même si la disposition actuelle a pu être modifiée, comme le suggère l'étude des niveaux des tentures et des cintres, ou l'aspect des sols carrelés.
Leur présence sur les verrières d'une cathédrale est rare : on la note à Chartres dès 1230 environ, à Saint-Lô à la fin du XVe , à Quimper. Mais la datation vers 1525 de la baie 133 crée un rapprochement avec la baie 1 datant de 1515 de Saint-Côme-et-Saint-Damien, à VÉZELISE,, église consacrée par Jean de Lorraine en 1520 . On y voit 3 panneaux, Saint Côme et saint Damien, Saint Côme et saint Damien conduits au ciel par la Vierge et saint Luc et Saint Côme et saint Damien, anargyres.
À la même époque, vers 1530, un vitrail les représentant est réalisé à l' église Saint-Paxent de Massey (Cher).
La justification de la présence des deux médecins est évidente : leur culte aurait été introduit en France par saint Germain, patron de la cathédrale d'Auxerre, et qui a fondé en cette ville vers 429 le monastère Saint-Côme et Saint Damien sur la rive droite de l'Yonne. Mamert devient le deuxième abbé de ce monastère, succédant à saint Aleu. Puis le monastère prend une centaine d'années plus tard le nom de monastère Saint-Marien, avant d'être détruit par les Normands, puis reconstruit. Cette abbaye était la première des quatre "filles" de la cathédrale, suivie de Saint-Eusèbe, Saint-Père et Saint-Amâtre.
Auxerre est le lieu de culte le plus ancien de Côme et Damien.
.
Rappel par copié-collé ; voire mon article initial sur l'iconographie.
Saint Côme (ou à l'ancienne Cosme) et son frère saint Damien, patron des chirurgiens, nés en Cilicie ou en Arabie, pratiquaient la médecine à Aigéai en Cilicie. Ils souffrirent ensemble le martyre sous Dioclétien, en 303 ou 310. On les appelle « anargyres » parce qu'ils soignaient gratuitement (sans accepter d'argent) . On les fête le 26 septembre en Occident.
Ils pratiquèrent la médecine dans le port maritime d'Égée (aujourd'hui Ayash) dans le golfe d'Alexandrette, puis dans la province romaine de Syrie.
Pendant les persécutions de Dioclétien, Côme et Damien furent arrêtés sur l'ordre du préfet de Cilicie, Lysias . Il leur ordonna d'abjurer sous la torture. Selon la légende ils restèrent fidèles à leur foi en dépit de toute une série de tortures affreuses auxquelles ils restèrent insensibles ; finalement ils furent décapités. Leurs frères cadets (et confrères) Antime, Léonce et Euprepius, qui les suivaient partout, partagèrent leur martyre.
Côme et Damien ont été fréquemment représentés depuis l’Antiquité. L’iconographie des saints a retenu l’attention des historiens parce qu’on les a représentés comme des médecins de la fin du Moyen Age ou de l’époque baroque. Ils portent habituellement les vêtements amples et le haut chapeau que les médecins portaient pour affirmer leur dignité. Leurs attributs sont : la trousse, la lancette pour les saignées, la pince, la spatule, le mortier et son pilon, le pot d’onguent, l’urinal, et tant pour s’instruire que pour rédiger l’ordonnance, plume et encre, rouleau et livre.
Malgré des variantes (souvent tardives), Côme tient le flacon d'urine symbolisant la fonction diagnostique, et Damien l'un des instruments ou le pot d'onguent, témoignant de la fonction thérapeutique de l'art médical.
Mais le saint patron des médecins est saint Luc (qui veille aussi sur les peintres).
.
.
.
.
.
Les deux lancettes de gauche. Saint Côme et sainte Syre.
.
.
.
.
Saint Côme examinant la matula (urinal).
.
Tenture de fond verte à damas. Robe rouge, manches bleues, bonnet pourpre
Le saint est vêtu de la robe rouge doublée de fourrure des chirurgiens et coiffé du bonnet propre à ce titre.
Il lève vers la lumière la matula ou urinal, flacon dans lequel il mire les urines de son patient pour en examiner les sédiments afin d'en déduire, selon la théorie des humeurs et la "science" dite uroscopie, des données diagnostiques ou pronostiques. Dans la main droite il tient un rouleau de parchemin témoignant de sa science .
Depuis la création de la Confrérie saint Côme et saint Damien par Jean Pitard sous saint Louis, sa robe longue le distingue des chirurgiens-barbiers, "de robe courte".
Son nom est inscrit en belles lettres perlées avec l'orthographe S. COVSME. Cette graphie est rare, et donc intéressante, je la retrouve dans les statuts des barbiers et chirurgiens de la ville de Toulouse ("saint Cousme et saint Damian")
.
Le Livre des compaignons de l'office de cirurgie et barberie de Tholoze mss latin et français IM 74712 1517-1712, Bibliothèque de la Faculté de Toulouse, contenant les statuts de 1517, offre en première page une gravure (de 1506 ?) montrant à gauche sous les initiales SC saint Côme tenant l'urinal, index gauche dressé vers le ciel, et sous les initiales SD, Damien tenant la lancette ou la spatule au dessus d'une boite à compartiments. https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?cote=111502x1929x72&p=538&do=page
.
.
.
.
.
.
.
Sainte Sire ou Syre, pèlerine et thaumaturge.
.
Sainte Syre de Toyes ou de Rilly (Aube) est représentée avec trois de ces quatre attributs qui la détermine comme pèlerine : le bourdon, la besace ou panière à houppes, et le livre. Il manque le chapeau à larges bords, remplacé ci par un voile couvrant les épaules.
Elle attirait à Rilly (où, après un pèlerinage sur la tombe de saint Savinien, elle recouvra miraculeusement la vue) les foules en pèlerinage par sa vertu de guérir la gravelle (lithiase urinaire), et Gaspard de Coligny lui exprima sa reconnaissance en 1539
"Elle est honorée dans le diocèse de Troyes où sa fête s'est fixée le 8 juin (fête patronale locale). Elle se rattache au culte de saint Savinien (ou Sabinien), le martyr légendaire de Rilly qui y aurait été décapité en l'an 275 sur l'ordre de l'empereur Aurélien. Au IVe ou au Ve siècle, Syre, aveugle depuis quarante ans, aurait été avertie par une révélation céleste de se rendre sur la tombe du martyr alors oubliée ; sa guérison miraculeuse la révéla et la rendit aussitôt célèbre. Syre en reconnaissance y fit élever une église." (Wikipédia)
Liens utiles :
https://patrimoine-vanne.info/saintesyre/saintesyre.html
Saint Côme et sainte Syre sont deux thaumaturges, invoqués par les malades.
.
.
.
.
.
Les deux lancettes de droite : saint Pierre et saint Damien.
.
.
.
La lancette C : saint Pierre.
.
Peu de commentaires. Il est identifié par sa clef et par sa calvitie. La difficulté est de comprendre ce qui motive sa présence parmi les trois saints thaumaturges. Ne s'agit-il pas d'un déplacement depuis une autre baie pour combler un manque et compléter ce registre ?
.
.
.
La lancette D : saint Damien.
.
C'est pour moi la figure la plus intéressante, car, au lieu du pot d'onguent habituel, le saint tient une cuillère ou spatule et une boite à six compartiments.
Cette représentation n'est pas exceptionnelle pour autant, et on en trouve un exemple — plus tardif, et sous le nom de S. Cosmas — sur les peintures à l'huile octogonales de Pont-à-Mousson conservées à Nancy ; et les compartiments contiennent des petits flacons et fioles :
.
.
L'inscription indique, dans les mêmes lettres perlées que pour saint côme, S. DAMIEN.
La tenture bleu-violet est damassée. L'habit du saint est la même que celle de son frère, aux couleurs près.
.
.
.
.
.
.
Le registre inférieur : fragments.
.
Lancettes A et B : deux saints martyrs.
On identifie leur qualité par la palme de martyr qu'ils tiennent ; et je me plais à imaginer ici un saint Savinien, un saint Pèlerin, premier évêque d'Auxerre, ou quelqu'un des siens.
.
.
.
Lancette A :
.
.
.
.
Lancette B.
.
.
Lancettes C et D.
L'inscription résiste à mes efforts de transcription.
.
.
.
SOURCES ET LIENS.
.
http://www.mesvitrauxfavoris.fr/Supp_g/cathedrale-haut-nord_auxerre.htm
http://www.professeurs-medecine-nancy.fr/AAMFMN_tableaux_octogonaux/Come_Damien.htm
HÉROLD (Michel), 1981, Les vitraux anciens de l'église Saint-Côme-et-Saint-Damien à V ézelise par Michel Hérold , Le Pays lorrain : revue régionale bi-mensuelle illustrée / dir. Charles Sadoul Société d'archéologie p. 177-193
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9600049h/f45.image.r=
illustrations des vitraux de Mésélise
http://patrimoine-de-lorraine.blogspot.com/2012/01/vezelise-54-leglise-saint-come-et-saint_28.html
M.L. DAVID-DANEL. — Iconographie des saints médecins Côme et Damien. — Lille, 1958, p
Congrès archéologique de France 1958 vol. 116 à 117 page 71
"En 1524, en effet, Germain Michel, Tassin Grassot et Thomas Duesme, peintres d'Auxerre, reçurent commande d'une verrière représentant saint Louis, la madeleine et saint Germain . Dans l'avant derniere baie du coté nord nous trouvons donc le saint patron d'Auxerre qui présente une donatrice et ses filles; saint Louis avec le donateur et ses fils, Il représente saint Pierre, avec sa clef et un livre, sainte Sijre (la jeune pèlerine qu'on rencontre si souvent dans les vitraux de Troyes), saint Côme et saint Damien"
et
https://books.google.fr/books?id=MJs1AQAAMAAJ&pg=PA477&lpg=PA477&dq=Thomas+Duesme+auxerre&source=bl&ots=TBtKj70TGC&sig=ACfU3U12eudrlNHm1b9DOUGjb-wi3dJBzw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiivOish8fkAhUOCxoKHfSzBxwQ6AEwAnoECAgQAQ#v=onepage&q=Thomas%20Duesme%20auxerre&f=false
— LASTEYRIE (de), 1841, Description des verrières peintes de la cathédrale d'Auxerre,
— Notice Palissy
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM89002340
https://monumentum.fr/ancienne-cathedrale-saint-etienne-pa00113586.html
— Nancy pont-a-mousson
http://www.professeurs-medecine-nancy.fr/AAMFMN_tableaux_octogonaux/Come_Damien.htm