Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : IV. La baie 27 offerte par l'évêque Mathieu des Essarts vers 1300-1310.
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Cet article est le quatrième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle. Ces premiers articles montrent les vitraux avant 1330, avant cette apparition du "jaune d'Évreux" : voir l'introduction dans le premier article.
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Voir aussi :
Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.
.— Sur les vitraux de la cathédrale d'Évreux :
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Les vitraux de la baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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Les vitraux de la baie 17 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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Les vitraux de la baie 19 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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L'arbre de Jessé (baie 0) de la cathédrale d'Évreux (1467-1469).
— Sur les fonds damassés :
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La chapelle Saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre (1402) II. La Passion.
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Les fonds damassés des vitraux (vers 1417) du chœur de la cathédrale de Quimper.
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La baie 27, qui éclaire la chapelle des saints évêques d'Évreux, est haute de 5,20 m et large de 3,50 m. Elle comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 9 ajours et 9 écoinçons. On y retrouve la disposition en litre courante à l'époque, avec une verrière décorative claire et une bande horizontale de panneaux colorés et figurés.
La baie 25 qui éclaire la chapelle voisine (jadis chapelle Saint-Claude), où se trouve l'enfeu de Mathieu des Essarts, répondait à la même disposition, mais les panneaux colorés ont été regroupés avec ceux de la baie 27.
Les verres blancs sont répartis dans un réseau de plombs dessinant des quadrilobes concentriques, avec, au centre des panneaux, un fermaillet losangique coloré. Les verres blancs sont peints à la grisaille de rinceaux à feuilles de chêne et glands : nous retrouvons donc ici cet arbre utilisé de façon emblématique dans les baies précédentes (les photographies rendent mal ce détail, et les verres semblent blancs si la lumière n'est pas réduite : il est mieux visible sur le registre inférieur plus tardif de la dernière lancette).
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Les bordures.
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Les bordures à verre bleu, rouge et jaune alternent des armoiries de gueules au lion d'argent à la queue fourchée (non déterminées par les différents auteurs) avec celles du donateur, de gueules au chevron d'or avec la crosse en pal. Où plutôt, les armes au chevron sont placées sur la bordure gauche, et celles au lion sur la bordure droite.
Je ne vois pas d'autre solution pour le blason de gueules au lion d'argent à la queue fourchée (d'autant que la queue n'est pas passée en sautoir) que de l'attribuer aux seigneurs de Monfort, qui furent comte d'Évreux de 1198 à 1195 avant que ce comté ne rentre dans le domaine royal en 1200 et qu'il soit donné en apanage à Louis de France en 1298. Il reste à expliquer le choix de cette référence par l'évêque. Ces armoiries ne relèvent pas d'une restauration fantaisiste, car elles ont été décrites par de Gaignières dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale (BnF., Fond Gaigneres, 468), où on voit la représentation de son tombeau, avec une verrière au-dessus; la description suivante accompagne le dessin:
MATHIEU DES ESSARTS
Vitre dans la chapelle Saint-Claude, dans l'aile de gauche du chœur de l'église N.-D. d'Evreux.
Mathieu des Essarts, la mitre en tête, & genoux, mains jointes, manteau, chape jaune, sur fond rouge, accosté aux quatre angles d'une rose blanche; au-dessus de sa tête, dans l'ogive : MATHEUS EPISCOP' EBROICEN.
La vitre entourée, bordée à gauche d'une série d'écussons de gueules au chevron d'or avec une crosse; à droite, écussons de gueules au lion d'argent lampassé la queue fourchue. ,
Au-dessous de la vitre est la statue en pierre de l'évêque Mathieu, couchée, en habits pontificaux, mains jointes, mitre. Cy gist révérend père en Dieu messire Mathieu des Essartz, jadis evesque d'Evreux.
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Les panneaux colorés.
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Les panneaux colorés utilisent des verres rouges (tous les fonds), bleus, jaunes, plus rarement verts. Dans quatre panneaux sur cinq, deux à quatre étoiles (ou roses) jaunes sont placées au sein du fond rouge, sans doute jadis en chef-d'œuvre (la pièce de verre étant trouée pour y sertir la pièce) même si les refends réparés par des plombs de casse ne permettent plus de l'affirmer.
Les dais sont semblables à ceux des bais précédentes de 1300-1310, avec leurs piliers en pierre, leur arcature trilobée sous un gable encadré de pinacles, au dessous d'un étage supérieur de trois flèches. Les gables principaux sont ornés de feuilles, qui sont franchement des feuilles de chêne dans la plupart des cas (et avec un gland sur un fleuron dans la première lancette).
Le jaune d'argent n'est retrouvé que sur la Vierge en grisaille de la lancette de droite, qui date des années 1400 et sort donc de notre sujet.
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Le donateur.
Les baies 25 et 27 ont été offertes par l'évêque Mathieu des Essarts, comme le prouve l'inscription qui le représente en tenue épiscopale, à genoux et tenant la maquette d'une baie. Or, ce dernier fut évêque d'Évreux de 1299 à 1310, ce qui fournit une date ultime pour la datation de ces baies. Le créneau de datation 1300-1310 est le même que celui des baies de la chapelle Saint-Joseph (du coté sud du chœur), baies offertes par le comte d'Évreux Louis et son épouse, et où il figure dans la même posture, tenant également une maquette de vitrail. Nous avons donc "du coté de l'évangile" (le plus sanctifié) la donation de l'évêque, et, du coté de l'épître, la donation contemporaine faite par le comte d'Évreux.
"Mathieu des Essarts. 1299—1310. Il est issu du chapitre cathédral d'Évreux. Il est mentionné comme chantre en mai 1298. Il accède en 1299 au siège d'Évreux et succède à Geoffroy de Bar. Le gros-œuvre et la décoration du chœur de la cathédrale d'Évreux sont achevés avant 1310, date de sa mort. Il est inhumé dans la chapelle des saints évêques d'Évreux, dans un enfeu avec un gisant en cuivre. Sa tombe a aujourd'hui disparu.
En 1286 , Mathieu des Essarts fit l'acquisition d'un fief à Saint-Germain-les-Évreux, puis en 1304 du manoir de Saint-Germain . En 1306, il en fait donation à la manse de l'évêché.
Son frère Roger († avant 1308) est trésorier en 1302 et archidiacre d'Ouche. Jean et Gilbert, fils de Pierre des Essarts, sont respectivement archidiacre d'Ouche et chantre du chapitre en 1309. D'autres membres de sa famille ont accédé au siège épiscopal d'Évreux: Guillaume (1333-1334) et Vincent (1334-1335), frère de Guillaume. (Wikipédia)
L'évêque a également fait apposer ses armoiries sur la voûte du chœur de la cathédrale.
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Les verrières 25 et 27 ont été restaurée par E. Champigneulle en 1894, puis recomposées en 1950 : quatre panneaux offerts par Georgette Le Gras en 1509 à l'occasion de la refondation de la chapelle Saint-Claude (baie 27) ont été déposés, puis reposés en 2001 au nord de la nef.
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La baie 25.
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La baie 27.
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Lancette de gauche.
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En haut : Vierge à l'Enfant debout.
La Vierge, couronnée et nimbée de bleu, et son Fils, au nimbe crucifère, sont tournés vers la gauche où se trouvait sans doute le donateur, et l'Enfant le bénit.
On notera les yeux en virgule, et la pupille en raisin noir déporté sur le coté plein de celle-ci .
La Vierge est cantonnée de quatre roses-étoiles d'or.
Le gable du dais est orné de feuilles de chêne, et en fleuron de deux glands à pédoncules courts : il s'agit donc de chêne rouvre, ou sessile, l'essence prédominante en forêt d'Évreux.
Cette insistante présence du chêne m'est déjà apparue comme emblématique, mais de quoi ou de qui ? De l'importance des forêts en Haute-Normandie (forêts d'Évreux, d'Eu, de Lyons-la-forêt ) ? Du lien associant celles-ci avec la fabrication du verre (cendre de bois) ? De la valeur nutritive du gland pour les porcs ? L'arbre est-il reconnu comme le roi des forêts, et le gland devient-il par métonymie leur emblème, comme la pomme est devenu le Fruit par excellence ?
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En dessous : panneau déplacé : saint Martin en archevêque de Tours.
Inscription S. MARTINUS.
Sous le même dais à feuille de chêne, saint Martin mitré et tenant la crosse bénit un personnage placé à sa droite.
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Les trois lancettes suivantes.
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Deuxième lancette : l'évêque Mathieu des Essarts en donateur.
L'évêque agenouillé mains jointes est tourné vers sa droite et vénère la Vierge à l'Enfant (ou le Christ). Il est mitré mais sans sa crosse.
Inscription :
MA
THEUS
: EPISCOPIS :
EBROICENSIS
"Mathieu évêque d'Évreux".
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Troisième lancette : le Christ en croix.
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Nous retrouvons pour la 3ème fois le gable aux feuilles de chêne et les glands.
Le buste du Christ a été restauré. La Vierge regarde la croix, les mains serrées témoignant de son chagrin, tandis que Jean détourne et baisse la tête, les deux mains entourant le livre de son évangile. Ce détournement de Jean se retrouve sur le Calvaire de Jean de Baumetz en 1390.
Le buste du Christ, avant restauration, est tourné légèrement vers la droite, et les jambes pliées sont de profil, les pieds croisées. Voir un peu plus tard la Crucifixion de Jean Pucelle :
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/70010733
Et celle par son élève Jean le Noir pour le Psautier de Bonne de Luxembourg :
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Quatrième lancette : l'évêque Mathieu des Essarts en donateur, tenant la maquette d'une baie.
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Inscription :
MA
THEUS :
EPISCO
PUS : EBRO
ICENSIS.
Mathieu, évêque d'Évreux.
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Quatrième lancette, registre inférieur : Vierge à l'Enfant vers 1400.
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Ce panneau de complément exécuté vers 1400 montre une Vierge à l'Enfant peinte à la grisaille sur un verre coloré bleu clair, debout sur un carrelage bicolore. Elle est couronnée, nimbée mais non voilée, vêtue d'un manteau blanc à roses d'or, et elle tient une fleur de lys.
Le jaune d'argent rehausse la couronne, les nimbes, les chevelures, les ornements des vêtements et la fleur.
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Le tympan et les têtes de lancettes.
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a) les têtes de lancettes.
Les têtes des lancettes 1 et 3 contiennent les armoires de Mathieu des Essarts de gueules au chevron d'or avec la crosse en pal, déjà observé dans les bordure.
Dans les lancettes 2 et 4, nous retrouvons les armes des Monfort de gueules au lion d'argent à la queue fourchée, mais dans un ensemble complexe, qui rappelle la succession de rectangles colorés des bordures, avec deux quadrants jaunes (opposés par la pointe) dont l'un, en 1, laisse la place à un demi-quartier bleu, et un quadrant rouge opposé au blason des Monfort. Ces couleurs ont-elles une valeur héraldique ? Elles proviennent plutôt de la rencontre au sommet des deux bordures droite et gauche. Enfin, au centre, une mandorle de verre blanc est ornée à la grisaille d'un végétal et d'une bande à annelets, sans doute par souci de se rapprocher de l'écu de l'évêque avec sa crosse en pal.
La présence des armes anciennes du comté d'Évreux indique-t-elle une double donation, civile et ecclésiastique ?
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b) Le tympan : la vitrerie géométrique.
Il est semblable à tous les tympans examinés jusqu'à présent dans les baies des chapelles sud du chœur, et qui datent tous du 3ème quart du XVe (ou de leur copie lors des restaurations du XIXe), avec ses soleils ondés.
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SOURCES ET LIENS.
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— Histoire des évêques d'Évreux : avec des notes et des armoiries / par M. A. Chassant,... et M. G.-E. Sauvage,..1846.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k95305k/f101.item
—BONNENFANT (Georges),1939, Notre-Dame d’Evreux (Paris: H. Laurens, 1939), 43-44, pl. 16;
— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.
— BOUSQUET (Jacques et Philippe), 2019, Donateurs avec la Madone, le cas de la cathédrale d'Evreux, site artiflexinopere.
https://artifexinopere.com/?p=17412
— FOSSEY Jules 1898, Monographie de la cathédrale d'Evreux par l'abbé Jules Fossey,... Illustrations de M. Paulin Carbonnier,...
— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385
— GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.
—GAVET Philippe, Si l'art m'était conté. La cathédrale d'Évreux.
http://www.philippe-gavet.fr/05/36/index.html
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ) et Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2001_num_159_3_1042_t1_0286_0000_3
"Les vitraux des chapelles du chœur mis en place à partir de 1300 ne reflètent pas seulement les remaniements de l'édifice au XIIIe siècle, mais aussi des changements d'ordre technique, liturgique et religieux. L'introduction et le développement de la technique du jaune d'argent peuvent être suivis à leur exemple. Les plus anciennes verrières des chapelles du chœur (celles de Louis de France ou de l'évêque Matthieu des Essarts) ne montrent pas encore de trace de cette nouvelle technique. Dans la deuxième décennie, en revanche, elle s'affirme, quoique hésitante au début, comme dans l'image du chanoine Raoul de Ferneres, récemment redécouverte. Au XVe siècle, les réseaux des fenêtres furent refaits selon les formes modernes de l'architecture flamboyante, mais ces travaux achevés, les vitraux gothiques furent remis en place. Aussi les panneaux des réseaux ont-ils été mal insérés dans les ouvertures des nouveaux couronnements, comme on peut l'observer dans la chapelle de Louis de France, comte d'Evreux . A l'époque du flamboyant, on ne réemploya pas seulement des vitraux anciens, mais on ajouta aussi des éléments nouveaux, surtout dans les grisailles du XIVe siècle. Ces compléments du XVe siècle ont été enlevés à l'occasion du remontage des vitraux après la guerre pour garder l'unité du style . Ces panneaux représentent des personnes ayant fait des fondations dans les chapelles. Pour en laisser un témoignage visuel, ils ont fait insérer leurs images dans les grisailles déjà en place . En les mettant en dépôt après la guerre, on a amputé les chapelles de témoins historiques importants. Nous avons observé ailleurs que, quand les chapelles passaient à une autre famille, cette dernière adaptait les vitraux à cette nouvelle situation . Ainsi la famille de l'Aubespine a introduit ses armoiries dans le vitrail de Jacques Cœur à Bourges ; on peut mentionner un changement encore plus profond à la cathédrale de Moulins : dans le vitrail dit des ducs , trois grands personnages et une sainte ont été introduits dans celui-ci par la famille de Dornes .
Les verrières les plus connues sont celles du chœur. Se sont aussi les seules qui ont été prises en considération hors des frontières. Ainsi ces vitraux sont-ils régulièrement considérés comme des modèles utilisés par les artistes qui ont exécuté les peintures de la clôture du chœur de la cathédrale de Cologne . Mais faut-il vraiment penser à un rapport direct entre Évreux et Cologne? La recherche antérieure a toujours daté les vitraux d'Évreux du 2e quart du XIVe siècle en rapport avec ceux de Saint-Ouen de Rouen (1325-1339). En revanche, F. Gatouillat les rapproche, à juste titre, de la peinture parisienne des années 1330. Il est donc plus probable que les verriers d'Evreux et les peintres colonais se sont servis des mêmes modèles parisiens, aujourd'hui perdus, pour la création de leurs œuvres. F. Gatouillat, qui connaît parfaitement les conditions de création du vitrail et de sa technique, a réussi à redresser plusieurs jugements erronés sur ces œuvres. En effet, le vitrail est un médium qui demande une approche prudente et une expertise que l'on ne peut s'approprier que par une longue expérience. Ces images fragiles ont rarement été conservées sans restaurations. Souvent les vitraux ont été déplacés à l'intérieur même de l'édifice pour compléter des lacunes. Ainsi, des ensembles importants ont été démembrés ce qui est justement le cas d'une partie des vitraux de la cathédrale d'Évreux et non des moindres. Je mentionnerai le cas des « verrières royales » : F. Gatouillat a fourni la preuve que le roi de France se trouvant depuis 1956 dans la baie 210 du chœur est bien Charles VI parce que la tenture fleurdelisée du fond n'a pas été refaite à la fin du xviir siècle mais date bien de 1390/95. Comme elle le souligne, les verriers du XVllf siècle n'auraient pu, techniquement, créer un tel élément. L'analyse du vitrail dans l'atelier du restaurateur a permis de constater l'état original de cette tenture. L'auteur a pu également reconstituer une troisième verrière de cette série magnifique grâce a une découverte heureuse faite après la parution de la monographie. Une Vierge de très grande qualité, mais très endommagée, a été retrouvée en dépôt à Evreux. Après une soigneuse étude des descriptions anciennes, F. Gatouillat a pu la mettre en rapport avec l'image de Blanche de Navarre, reine veuve de France (aujourd'hui son image et ses armoiries sont placées dans la fenêtre 208 du chœur). L'auteur souligne à juste titre que ces vitraux ont été créés par des artistes au service de la cour, mais qu'ils se distinguent des œuvres encore conservées de ce milieu, comme ceux de Bourges (la Sainte-Chapelle et la cathédrale, particulièrement les chapelles Aligret, Trousseau et Boisratier). Cette observation rejoint les recherches faites sur l'art des cours européennes. L'art commandité par les membres des cours princières ne recherche pas l'unité de l'expression, mais se plaît à affirmer les goûts personnels des différents personnalités impliquées . Le chapitre sur le vitrail ébroïcien du XV est d'un intérêt primordial. La restauration en cours des verrières de la chapelle d'axe commandées par le roi Louis XI a incité l'auteur à entreprendre une recherche approfondie sur ces œuvres. Elle a réussi à reconstituer la production de trois ateliers différents, deux travaillant à Evreux (à l'église Saint-Taurin) et un à Rouen, qui se sont partagés la création des vitraux de la chapelle d'axe de la cathédrale d'Evreux. Il est rare dans l'histoire de l'art français du XV siècle, surtout dans l'histoire du vitrail, de pouvoir redécouvrir des groupes cohérents d'œuvres et de suivre l'activité des mêmes artistes sur plusieurs décennies. Souvent, comme par exemple à Bourges ou à Moulins, on ne connaît que les vitraux d'un ou de deux monuments tandis que le reste de la production de l'atelier a disparu. Quoique ces vitraux de la troisième décennie du XV siècle n'atteignent pas la qualité des verrières royales, leur étude nous renseigne d'avantage sur le fonctionnement des ateliers, la manière de travailler des verriers et la coopération entre les différents ateliers. Ceci n'est possible que lorsqu'une grande densité de vitraux a été conservée comme c'est le cas en Haute-Normandie."
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07
http://www.eure.gouv.fr/content/download/18041/123811/file/ESSENTIEL_CONNAISSANCE_07%20Historique%20complet%20de%20la%20Cath%C3%A9drale%20d'Evreux.pdf
— KURMANN-SCHWARZ (Brigitte), LAUTIER (Claudine), 2009, « Le vitrail médiéval en Europe : dix ans d’une recherche foisonnante », Perspective [En ligne], 1 | 2009, mis en ligne le 21 février 2018, consulté le 01 novembre 2019.
https://journals.openedition.org/perspective/1841#tocto2n3
— LAFOND (Jean), 1953, "Le vitrail en Normandie de 1250 à 1300", Bulletin Monumental Année 1953 111-4 pp. 317-358
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1953_num_111_4_3745
— LEBEURIER (P-F.), 1868, Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868
https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ
https://archive.org/details/bub_gb_TYdZAAAAYAAJ/page/n29
— LILLICH (Meredith Parsons), 1986, “European Stained Glass around 1300: The Introduction of Silver Stain,” Europäische Kunst um 1300 6, Akten des XXV. Internationalen Kongresses für Kunstgeschichte, Gerhard Schmidt and Elizabeth Liskar, eds. (Wien, Köln and Graz: Hermann Böhlaus Nachf., 1986).
https://www.researchgate.net/publication/324314671_European_Stained_Glass_around_1300_The_Introduction_of_Silver_Stain
— LILLICH (Meredith Parsons), 1992, "Heraldry and Patronage in the Lost Windows of Saint-Nicaise de Reims.", L'Art et les revolutions, 27e Congres international d'histoire de l'art, vol. 8 (Strasbourg: 1992), pp. 71-102.
https://www.academia.edu/36414224/_Heraldry_and_Patronage_in_the_Lost_Windows_of_Saint-Nicaise_de_Reims_
— LAUTIER (Claudine), 2000, "Les débuts du jaune d'argent dans l'art du vitrail ou le jaune d'argent à la manière d'Antoine de Pise", Bulletin Monumental Année 2000 158-2 pp. 89-107
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2000_num_158_2_2371
— Monuments historiques, Notre-Dame-d'Evreux
http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/evreux/vitraux/1.html
— xxx
http://evreux.catholique.fr/contenu/documents/services/cathedrale_Evreux-bestiaire.pdf
— Patrimoine-histoire.fr, Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame
http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Evreux/Evreux-Notre-Dame.htm
https://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Evreux/Evreux-NotreDame_v8.htm
— http://www.evreux-histoire.com/evreux-3-1-0.html#icono2
— MUNIER Claudine, À travers le verre, du Moyen Age à la Renaissance, catalogue Expo. Rouen, Musée départemental des Antiquités [compte-rendu], Bulletin Monumental Année 1990 148-4 pp. 462-464
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1990_num_148_4_4386_t1_0462_0000_3
— PHILIPPE (Michel ), 1992, "Chantier ou atelier : aspects de la verrerie normande aux XIVe et XVe siècles" Annales de Normandie Année 1992 42-3 pp. 239-257
https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1992_num_42_3_1927
INFLUENCES : ENLUMINURES ET ORFÈVRERIE.
a) Jean Pucelle :
—Les Heures (1324-1328) de Jeanne d'Évreux, reine de France (1329-1349)
https://www.metmuseum.org/art/collection/search/70010733
— Le bréviaire de Belleville : Breviarium ad usum fratrum Predicatorum dit Bréviaire de Belleville. Ce manuscrit destiné à suivre les prières durant la célébration de la messe comprend deux volumes, l'un destiné aux prières pendant l'été (volume 1), l'autre pendant l'hiver (volume 2). BnF lat. 10483 et 10484.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447295h
— Bible de Robert de Billying BnF latin 11935 Décoration achevée en 1327.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105097447
— Bréviaire de Jeanne d'Évreux : ms. Chantilly, Musée Condé 51
http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/10299
—Manuscrit de Gautier de Coincy, Miracles de Nostre Dame (Livres I et II) pour Jeanne de Bourgogne, Paris, BnF, NAF 24541
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6000451c
— Influence : Heures à l'usage d'Amiens
http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/6048/659
— BLUM (Rudolf ), 1949, Jean Pucelle et la miniature parisienne du XIVe siècle Scriptorium Année 1949 3-2 pp. 211-217
https://www.persee.fr/doc/scrip_0036-9772_1949_num_3_2_2230
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Note. La fille de Louis d'Évreux et de Marguerite d'Artois, Jeanne d'Évreux, deviendra reine de France de 1325 à 1328 par son mariage avec Charles IV le Bel. Veuve et douairière depuis 1328, elle fut enterrée à sa mort en 1371 à l'abbaye de Saint-Denis. Or, l'enlumineur Jean Pucelle (dont l'influence sur les cartons des vitraux d'Evreux après 1330 est reconnue) a orné le Livre d'Heures de Jeanne d'Évreux entre 1325 et 1328 et son Bréviaire à l'usage des franciscains après 1325. Une autre influence exercée sur la peinture sur verre de l'époque est celle de l'orfèvrerie, et on se reportera à la statue en argent doré de 69 cm de la Vierge à l'Enfant, réalisée entre 1324 et 1339, pour la comparer aux Vierges des baies du XIVe siècle d'Évreux.
Orfevrerie : statue de la Vierge à l'Enfant offerte par Jeanne d'Evreux en 1339 à Saint-Denis.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vierge_%C3%A0_l%27Enfant_(Jeanne_d%27%C3%89vreux)
La Vierge de Jeanne d'Évreux (69 cm de haut) est une œuvre anonyme réalisée à une date située entre 1324 (date où Jeanne devient reine) et 1339 (date du don inscrite sur le socle), conservée et exposée au musée du Louvre, dans les salles du Trésor de Saint-Denis du département des Objets d'art. Jeanne d'Évreux, reine de France de 1324 à 1328, en a fait don à l'abbaye de Saint-Denis en 1339. Sur un socle soutenu dans les angles par des figurines de lion, Marie tient l'Enfant Jésus. Dans sa main droite, elle tient une fleur de lys, reliquaire qui contenait à l'origine les reliques du lait, des vêtements et des cheveux de la Vierge, tandis que l'Enfant pose sa main sur sa joue.
Sur le socle, des petits piliers ornés des figures de prophètes séparent des plaques d'émaux qui retracent les événements de la vie du Christ sur terre.
Ces influences, qui s'exercent à partir de 1325, incitent à séparer les vitraux d'Évreux du XIVe postérieurs à cette date, de ceux qui lui sont antérieurs.
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