L'église Saint-Salomon de La Martyre. II. Le "bénitier" de 1681.
Voir :
— Sur La Martyre :
L'église Saint-Salomon de La Martyre I. La Porte triomphale (vers 1520) et le porche sud. (1430)
L'église Saint-Salomon de La Martyre. II. Le "bénitier" de 1681.
L'église Saint-Salomon de La Martyre. III. Les bénitiers de 1619 et de 1601.
L'église Saint-Salomon de La Martyre. IV. L'ossuaire (1619). Les inscriptions. Les crossettes.
L'église Saint-Salomon de La Martyre V. Les peintures murales (vers 1450)
— Sur les fonts baptismaux :
- L'église Notre-Dame de Rumengol. IV. Les fonts baptismaux. 1660.
- Les fonts baptismaux de l'église Saint-Sauveur du Faou (vers 1557-1570)
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Résumé.
En 1681, les fabriciens de La Martyre François Quentric et I. Kerraoul firent exécuter par l'architecte et sculpteur de pierre Jean Le Bescont (actif vers 1664-1682 sur huit paroisses) une grande vasque ou "piscine" afin de la remplir chaque dimanche d'eau bénite pour la répartir ensuite dans les bénitiers muraux. Ils suivirent ainsi l'exemple de Ploudiry, la paroisse-mère dont La Martyre était une trève, qui avait fait tailler un an auparavant par le même artisan une piscine analogue. Ils y firent graver la formule Haec aqua benedicta sit nobis salus et vita, "Que cette eau bénite soit pour nous salut et vie" formule liturgique d'aspersion lustrale attestée sur d'autres bénitiers.
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Dans l'église de Saint-Salomon à La Martyre, une vasque de pierre portant le chronogramme de 1681 est désignée par les principaux auteurs, Base Palissy et René Couffon en tête, comme un bénitier. J'y voyais pour ma part une cuve baptismale. Certes, les deux éléments sont destinés à contenir et à distribuer l'eau bénite. Certes aussi, la conversion de fonts baptismaux en bénitier est attestée. Mais on trouve les fonts baptismaux en titre, datés de 1635 par une inscription du baldaquin.
Cette cuve, que l'on découvre juste après avoir franchi la porte d'entrée, sur sa gauche, est placée en face d'un bénitier intégré à un pilier : sa fonction de bénitier ferait donc double emploi.
D'autre part, au lieu d'être adossée à un mur ou un pilier par une face plate, c'est une sculpture en ronde bosse, dont on fait le tour.
Cette cuve est monolithique, ovoïde, évasée, aux flancs ornés de godrons, et ornée de têtes de chérubins. Elle mesure (Le Seac'h) 1,12 m de haut, 1,14 m de large et 0,82 m de profondeur. Elle repose sur un pied en double volute à galons plats. Entre les volutes, un enfant ou angelot aptère ("buste de femme en cariatide" pour l'Inventaire) est accroupi, les mains posées sur les cuisses. Sa nudité est atténuée par un linge qui passe en diagonale de l'épaule gauche vers son bassin, avant de disparaître entre ses cuisses ; et ce sont sans doute ses extrémités, soigneusement pliées, qui sont croisées en V derrière les jambes et divergent de chaque coté des chevilles.
La taille singulière de ce bénitier, et sa ressemblance avec des fonts baptismaux, s'éclairent par le rapprochement établie par Emmanuelle Le Seac'h (2014, p. 299) avec un bénitier de Ploudiry (dont La Martyre était une trève). Car ce dernier, daté de 1680, est mentionné dans les archives paroissiales : le sculpteur, Jean Le Bescont, reçoit 24 livres « pour une grande piscine en pierre de Kersanton où l'on bénit l'eau tous les dimanches matin et que l'on verse ensuite dans les autres moindres piscines de l'église ». Cette "piscine" (en breton, bénitier se dit piñsin ou pileter ) porte l'inscription LABRVM : PAROAE : AQVAE : LVSTRALIS : 1680 "Cuve de l'eau lustrale de la paroisse" dans laquelle le mot latin Labrum désigne (Gaffiot) "un grand vase, un bassin, une cuve, une baignoire", caractérisés par une grande taille. Il faudrait donc distinguer par un vocabulaire spécifique les petits bénitiers muraux scellés (de porche, de seuil ou d'ossuaire) , et les grandes vasques sur pied, mobiles si besoin, mieux évoqués par le terme de piscine. A Ploudiry, une autre piscine avait été réalisée en 1675 , également sur pied, circulaire, avec l'inscription : : CETTE PISCINE A ESTE FAICT FAIRE PAR Y PAPE P. EN SA VIE L.A.1675.
Je peux supposer que le grand bénitier de La Martyre, réalisé 1 an après celui de Ploudiry, avait la même fonction de réservoir central d'eau bénite redistribuée dans les bénitiers muraux, ce qui explique sa morphologie.
Ce dernier est attribué d'ailleurs par E. Le Seac'h au même sculpteur, Jean Le Bescont (vers 1664-1682), également architecte, actif en ses deux ateliers de Landerneau et de Carhaix sur huit paroisses, et auteur de trois séries d'apôtres des porches de Dirinon, Goulven et Locmélar. Ceux-ci sont caractérisés par "les grands yeux exorbités en amande" ..."des orbites très rondes avec un fin contour et une arcade sourcilière marquée", des lèvres fines et serrées, des mains longues et fines. Or, pour E. Le Seac'h, les trois têtes d'angelots ailés du bénitier de La Martyre ont le même style que les apôtres sculptés par Le Bescont.
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La vasque porte les inscriptions sur deux lignes
: "HAEC. : AQUA : BENEDICTA : SIT : NOBIS : SALVS : & VITA." et dessous : "F : QVENTRIC : F. / I. K : RAOUL : 1681."
La ligne supérieure suit la lèvre de la cuve, elle est écrite en minuscules romaines, avec des lettres simples, sans empattement ni ornementation. On note l'emploi du N rétrograde et de l'esperluette.
La ligne inférieure est disposée de part et d'autre de la tête du chérubin. Elle est écrite en majuscules romaines et en chiffres arabes. N rétrograde. Q sous la forme d'un 9.
– La première ligne, en latin, Haec aqua benedicta sit nobis salus et vita, peut se traduire par "Que cette eau bénite nous soit le salut et la vie". On la retrouve sur un bénitier de l'église de Pardaillan, de l'église Saint-Aignan en vallée de la Viaur (81), en Vienne à l'église de Leignes-sur-Fontaine. Mais dans les ouvrages liturgiques, elle est mentionnée, rarement, soit lors l'aspersion d'eau bénite accompagnant l'administration de l'extrême-onction, soit la remise de l'eucharistie à un malade, ou avec modification (Haec aqua benedicta sit vobis salus et vita), lors de l'exorcisme d'animaux. Son emploi n'apparaît donc pas courant, ni pour le baptême, ni lorsque le fidèle se signe avec l'eau du bénitier.
On la trouve aussi sous la forme haec aqua benedicta sit mihi salus et vita et pro ea sunt dimissa peccata venialia mea , ou bien plus brièvement dans Hore beate virginis marie ad usum Sarum [Wolf. Hopyl] Pro Anthonio Vérard, Paris 1503-05 Copenhagen Kongelige Bibliotek CMB Pergament 19 4° Aqua benedicta sit mihi salus 1503-05, f.10;
– La seconde ligne peut être transcrite ainsi : "F[rançois] Quentric, F[abricien] / I Kerraoul, 1681", puisque le K initial d'un nom est souvent abréviatif de Ker-. Or, un certain Yvon Keraoul "fabrique de N.-D. de La Martyre", apparaît en 1637 avec son collègue Olivier Paugam dans l'établissement d'un marché pour la construction de l'orgue de l'église. Les fabriciens sont désignés dans les familles honorables (et donc riches) de la paroisse, et c'est peut-être son fils Ian ou Ivon qui occupe ce rôle en 1681. Les généalogistes mentionnenent un François de Kerraoul ou Keraoul, Keroul, Keroullé ca 1628-ca 1670. Il existe de nos jours à la Roche-Maurice une ferme nommée Keraoul.
http://gw.geneanet.org/parnoult?lang=it&v=KERRAOUL+(DE)+(KERAOUL)(KEROUL)(KEROULL%C3%89&m=N
http://it.geneanet.org/search/?name=KERAOUL&country=FRA®ion=BRE&subregion=F29&place=La%2BMartyre%2C29144&ressource=arbre
http://gw.geneanet.org/katoff?lang=it&v=KERAOUL&m=N
De la même façon, un François Quentric ( 1632- La Martyre, 1692) est attesté par les généalogistes. François Quentric, époux de Catherine Nicolas, eut cinq enfants (François, Guillaume, Françoise, Marie, Catherine) nés à La Martyre.
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SOURCES ET LIENS.
— CASTEL (Yves Pascal), THOMAS ( Georges-Michel) 1987, Artistes en Bretagne: Dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous l'Ancien Régime, Société archéologique du Finistère, 1987 - 364 pages
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) , 1988, La Martyre, Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/MARTYRE.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, p. 298-299.
— SPREV :
http://www.sprev.org/centre-sprev/la-martyre-eglise-saint-salomon/
— Infobretagne : Emploi des ressources de l'église de Martyre
http://www.infobretagne.com/martyre-ressources-eglise.htm
http://www.infobretagne.com/enclos-martyre.htm
— http://www.chantony.fr/patrimoine_et_histoire/29_la_martyre.html
— Site Bretania "La Martyre"
— Site Bretania "Fonts Baptismaux" (387 réponses)
Sur les fonds baptismaux :
— Dossier pdf "Cuves baptismales et fonts baptismaux : évolution formelle avant le XVIe siècle"
http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/CATALOGUES/fontsbapt/fontsbapt_histav16e/html/fontsbapt_histav16e.html
— Dossier pdf "Cuves baptismales et fonts baptismaux : environnement des fonts"
http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/CATALOGUES/fontsbapt/fontsbapt_envir/html/fontsbapt_envir_image_1.html
— Dossier pdf : "Cuves baptismales et fonts baptismaux : évolution formelle au XVIe siècle"
http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/CATALOGUES/fontsbapt/fontsbapt_hist16e/html/fontsbapt_hist16e.html#fig5
— Dossier pdf : "Cuves baptismales et fonts baptismaux : évolution formelle au XVIIe siècle"
http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/CATALOGUES/fontsbapt/fontsbapt_hist17e/html/fontsbapt_hist17e.html#fig12
— https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonts_baptismaux
— Les Fonts baptismaux d'Hildesheim (Ier tiers XIIIe) :
La bande la plus basse montre quatre figures humaines, qui soutiennent toute la cuve. Ce sont des personnifications des quatre fleuves du jardin d'Eden ( Genèse 2: 10-14 ). Chacun d'eux se déverse sur l'eau de la vie: Les quatre figures sont clairement distinctes par les vêtements, la posture, et la coiffure et symbolisent les différentes classes et phases de la vie. Dans une petite zone au- dessus de leurs têtes, ils sont identifiés par les vertus cardinales : la modération, le courage, la justice et la sagesse.
https://en.wikipedia.org/wiki/Baptismal_font_(Hildesheim)
— Les fonts de Saint-Clément (Aisne) :
https://inventaire.picardie.fr/dossier/fonts-baptismaux-cuve-baptismale-a-infusion/395d3f40-a71e-4372-88ef-07dc9b844074
— A_Twelfth_Century_Baptismal_Font_from_Wellen_The_Metropolitan_Museum_Journal_v_44_2009 (1).pdf
Baptismal font. Wellen, Limburg, Belgium, 1155–70. Bluestone . The Metropolitan Museum of Art, The Cloisters Collection
In the Ordo romanus, the ritual of blessing the baptismal water alludes to the four rivers of Paradise—the Gehon, the Phison, the Tigris, and the Euphrates—that “water all of the earth,” like the waters of holy baptism. Patrologia Latina, vol. 78, “Romani Ordines,” 21, cols. 1015–16, and 42, col. 956. In early Christian iconography, the rivers of Paradise, associated with the Evangelists in the prayers of Saint Cyprian (ca. 200–258) and by Saint Augustine in the City of God,( Ibid., vol. 3, col. 1110, and vol. 31, col. 395) issue from human or lions’ heads. The four human heads on the Cloisters font are homogeneous enough in design to permit an interpretation of them as personifications of the rivers of Paradise, but the diversity among the heads on a number of other fonts prevents any such generalization. Despite their rather reassuring features, the heads may also have served an apotropaic function.
— FAVREAU (Robert), 1995, Les inscriptions des fonts baptismaux d'Hildesheim, Baptême et quaternité Cahiers de civilisation médiévale Année 1995 Volume 38 Numéro 150 pp. 116-140
http://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1995_num_38_150_2609
— MÂLE ( Émile), 1922 L'art religieux du XIIe siècle en France : étude sur les origines de l'iconographie du moyen age
https://archive.org/details/lartreligieuxdux00mluoft
— MÂLE ( Émile), L'art religieux du XIIIe siècle en France: étude sur l'iconographie du Moyen ... 1898
https://archive.org/stream/lartreligieuxdu00mlgoog#page/n7/mode/2up
page 20 : https://archive.org/stream/lartreligieuxdu00mlgoog#page/n45/mode/2up/search/lion
page 55 Honorius d'Autin :https://archive.org/stream/lartreligieuxdu00mlgoog#page/n79/mode/2up/search/lion
page 149 Fonts baptismaux 4 fleuves https://archive.org/stream/lartreligieuxdu00mlgoog#page/n175/mode/2up/search/fonts
—MÂLE ( Émile), 1922, L'art religieux de la fin du Moyen Age en France : étude sur l'iconographie du Moyen Age et sur ses sources d'inspiration, 1922,
https://archive.org/stream/lartreligieuxdel00mluoft#page/n7/mode/2up
— BOGAERT (P-M.) J.-Fr. Gilmont La première Bible française de Louvain (1550) Revue théologique de Louvain Année 1980 Volume 11 Numéro 3 pp. 275-309
http://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1980_num_11_3_1779
—REUSENS, (Edmond Henri Joseph),1885, Éléments d'archéologie chrétienne :
https://archive.org/stream/lmentsdarchologi01reus#page/178/mode/2up/search/fleuves
— VIOLLET-LE-DUC "Fonts", in Dicionnaire raisonné de l'architecture française
https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_raisonn%C3%A9_de_l%E2%80%99architecture_fran%C3%A7aise_du_XIe_au_XVIe_si%C3%A8cle/Fonts_(Baptismaux)
— Fonts baptismaux de la Somme :
http://www.richesses-en-somme.com/patrimoine-des-%C3%A9glises/fonts-baptismaux/fonts-bapt-du-10e-au-13e-si%C3%A8cle/
— Fonts de saint Barthélémy à Liège
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonts_baptismaux_de_Saint-Barth%C3%A9lemy
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