Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. La baie n°9, chapelle Saint-Claude.
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Voir :
L'église Saint-Étienne :
- Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. Adam et Ève chassés du Paradis.
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. La Déposition, en baie n° 0.
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Etienne de Beauvais. Baie n°5, 1522.
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais baie n° 6, Le Jugement Dernier (vers 1522)
- Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. La baie n°7 de Saint André et saint Jean.
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais I : la baie n°9.
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais . Baie n°12, La Fontaine de Vie. (1524)
- Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais : la baie n°19 de Notre-Dame de Lorette.
A la date d'aujourd'hui. (13 novembre 2015)
La cathédrale :
- Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Beauvais.
- Le vitrail d'Engrand Leprince de la cathédrale de Beauvais : vitrail dit "de Roncherolles" . I. Généralités. (1522)
- Le vitrail d'Engrand Leprince de la cathédrale de Beauvais : vitrail dit "de Roncherolles" dans la chapelle du Sacré-Cœur. Baie 25. II. Saint Christophe dévisagé.
- Saint Jean à Patmos : la verrière de la baie 12 de la cathédrale de Beauvais.
Beauvais :
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Le principal intérêt de la visite des vitraux de saint-Étienne de Beauvais est d'y admirer des œuvres de l'un des plus beaux ateliers de peintres-verriers, celui des Le Prince, et d'y examiner notamment leur maîtrise du jaune d'argent, un mélange de sels metalliques (qui s'incorporent au verre à la cuisson) et d'ocre appliqué au revers des pièces.
Les trois générations de l'Atelier Le Prince (1491-1561) de Beauvais.
1°) Le plus ancien verrier de cette famille se prénomme Lorin, il est mentionné en 1491.
2°) La seconde génération comprend Jean et Engrand Le Prince.
Ce sont les auteurs des verrières de Saint-Vincent à Rouen, de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Étienne de Beauvais et de la verrière de Roncherolles de la cathédrale de Beauvais.
—Engrand est actif de 1522 à sa mort en 1531.
— Jean est actif de 1496 à 1538. Il collabore avec Nicolas Le Prince à la verrière de Saint-Claude de l'église Saint-Étienne de Beauvais et à celle du bras nord du transept de la cathédrale de Beauvais
3°) Nicolas et Pierre Le Prince.
— Nicolas est sans-doute le plus prolifique de 1527 à 1551.
- Louviers, La Légende de Théophile vers 1530
— Pierre a signé vers 1530 le vitrail de la Santa Casa de N.D de Lorette de l'église Saint-Étienne de Beauvais ; il travaillait encore en 1561.
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LA CHAPELLE SAINT-CLAUDE AU NORD : LA BAIE N° 9 : "LÉGENDE DE SAINT-CLAUDE" PAR NICOLAS ET PIERRE LE PRINCE. 1527.
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Mesurant 7,20 m de haut et ; la = 2, 90 m de large, elle comporte quatre lancettes lancéolées organisées en deux registres à bandes légendées et d'un tympan de 12 ajours.
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM60003015
Cette verrière est consacrée à la vie de saint Claude (registre supérieur) et à deux de ses miracles (registre inférieur). Cette organisation en registres est une rupture par rapport à la disposition gothique en lancettes indépendantes, où chaque personnage est placé sur un socle et sous un dais de haute taille, afin de conserver à la figure une taille raisonnable. Ici, chaque registre horizontal comporte deux scènes, qui s'étendent donc sur deux lancettes en franchissant les limites des meneaux, mais les personnages gardent une taille humaine en raison, en bas, de la bande de verre blanc portant la légende, et en haut d'un arrière-plan situant la scène dans un paysage urbain ou naturel.
Sa date de 1527 la place sous le règne de François Ier et sous l'épiscopat d'Antoine Lascaris de Tende, et avant le concile de Trente qui luttera contre les excès du culte hagiographique au profit de thèmes plus théologiques. La figure du diable verdâtre que nous allons découvrir ne sera alors plus acceptable.
L'ancien chœur roman de Saint-Étienne fut remplacé à partir de 1506 par un chœur gothique flamboyant à déambulatoire et à chapelles rayonnantes, et c'est en 1522 que, les parties romanes étant détruites et la partie basse étant achevée, le nouvel autel fut consacré par Jean des Pleurs, évêque in partibus de Rhusium. Le premier vitrail à être posé, celui de l'Arbre de Jessé de la baie 5, est créé en 1522 par Engrand Le Prince, puis le même artiste crée en 1524 la Fontaine de Vie pour la baie n°4 : la baie n°7 est donc la troisième à être vitrée.
C'est une assemblée de paroissiens, de marguilliers et de chanoines qui décide des travaux : c'est donc elle qui fait le choix de l'iconographie des verrières.
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Le culte de saint Claude.
Saint Oyend, 4e abbé du monastère de Condat fut vénéré dès son vivant pour ses facultés de thaumature. Durant le haut Moyen-Âge, l'on venait depuis des provinces éloignées chercher la guérison auprès du saint, qui dispensait ses bienfaits à distance par l'intermédiaire d'huile sainte ou de "billets" sur lesquels étaient écrites des injonctions "contre les démons et les maux". La ville de Saint-Oyand se développa autour de l'ancien monastère. Saint Claude, moine bénédictin, devint abbé de Saint-Oyand autour des années 648/657 et 703/712, mais ce n'est que lorsque son corps fut retrouvé intact que la ville en profite pour étendre sa renommée comme lieu de pèlerinage, prenant alors le nom de Saint-Oyand-Saint-Claude, puis seulement de saint Claude au XVe siècle.
Le récit de sa légende figure par exemple en 1537 dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine par Claude de Rota page 187 (en latin) et dans une édition en français de 1843 page 292.
Selon le site http://sanctuaires.coldev.org/index.php?r=cons&sr=cons&id=346
"De très nombreux miracles sont attribués à saint Claude depuis le XIIe siècle, dont certains ont été consignés dans des livres de miracles. En 1480, on parlait des "magna volumina stupenda admiratione conscripta", que les pèlerins pouvaient feuilleter à l'abbaye. La résurrection fait partie des miracles attribués à saint Claude depuis l'origine de son culte. À partir du XVe siècle, on a vu se multiplier les cas de résurrections d'enfants mort-nés (répits). Les guérisons de paralytiques, muets, sourds et aveugles sont parmi les miracles les plus fréquemment mentionnés concernant saint-Claude. À la fin du Moyen Âge, les miracles liés aux captifs ou naufragés ont été de plus en plus nombreux."
L'examen des enluminures des livres de dévotion du XVe siècle
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Le saint est vénéré par le roi Louis XI, qui s'y rend avec son père Charles VII, en tant que dauphin, puis nouveau en 1456, et à la fin de sa vie le 21 avril 1482. En 1499, après son deuxième mariage, avec le roi Louis XII, la reine Anne de Bretagne décida de visiter ce lieu de pèlerinage, en souhaitant un héritier du royaume de France. La reine donna naissance à la princesse Claude de France, plus tard épouse de François Ier. Je n'ai réalisé qu'après coup ce que je venais d'écrire : Anne de Bretagne donna à sa fille le prénom Claude en lien direct avec ce pèlerinage, et donna ainsi au culte du saint du Jura un lustre extraordinaire au XVIe siècle. Dans l'abécédaire qu'elle fit enluminer par Guido Mazzoni, le saint évêque est figuré avec sainte Anne devant Anne de Bretagne et sa fille Claude. Image trouvée sur Wikipédia avec une légende erronée :
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https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ab%C3%A9c%C3%A9daire_de_Claude_de_France
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On peut garder en mémoire que Claude de France, devenue reine de France en 1515, est morte en 1524, soit très peu de temps avant la date de cette verrière.
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Saint Claude et la ressuscitation des enfants.
Outre ces repères historiques, une autre indication peut être trouvée dans l'examen des enluminures. Le site Mandragore de la Bnf ne donne que deux images issues du N.A.F. 302 et N.A.F. 392 , et il est significatif que ces deux livres d'Heures datent de 1515 et 1533, encadrant la date de décès de la reine Claude et celle de la création de la verrière de Beauvais.
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N.A.F 392, fol. 157, Heures ango ad usum rotomagensem (Rouen) vers 1515. L'image ne représente qu'un saint évêque, mais l'antienne indique les compétences du saint :
Desolator consolator, captivorum liberator, resurrectio mortuorum, lumen caecorum ,auditus surdorum, mutor um eloquium, tutor nauffragantium, impotentium et languidorum sanator, medicine refugium, via errantium salus omnium in te creden tuum
http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=07911622&E=1&I=76466&M=imageseule
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N.A.F 302 fol. 80r Heures d'Antoine le Bon à l'usage de Rome, folio 80, 1533. Le premiere remarque est que saint Claude succède ici à saint Nicolas que l'enluminure représsente en train de ressusciter les trois enfants salés par le boucher. Car c'est aussi pour son pouvoir de ressusciter les enfants que saint Claude est invoqué, puisqu'il est représenté bénissant un enfant nu agenouillé à ses pieds, et le ressuscitant.
http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=052502484&E=167&I=75638&M=imageseule
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chapelle Saint-Eustache,
vitrail des «Scènes de la vie de saint Eustache» a été offert en 1554 par le marchand-drapier Eustache de la Croix qui est représenté avec sa femme Françoise de Nully. (offert par 3 familles différentes) Donateur du premier registre : Jean de Malinguehen (ancien maire de la ville) et sa famille 1) Vision de saint Eustache 2) Pillage des biens de saint Eustache
Paris, BnF, MSS NAL 302 folio 80r http://nossl.demo.logilab.fr/biblissima/id/Illumination/Mandragore/75482
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De même, sur le site Enluminure qui regroupe les trèsors des bibliothèques municipales françaises, on trouve 28 exemples de miniatures représentant saint Claude, entre 1435 et 1533. Deux d'entre elles montrent saint Claude bénissant un enfant sortant de son tombeau : les Heures à l'usage de Tours vers 1490 Bibliothèque Mazarine Ms 0507 fol.157 : le texte reprend le même suffrage que celui cité dans les Heures ango) "liberator resurectio mortuorum" :
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...et les Heures à l'usage de Rome de 1533 Avignon Res. 203 fol. 1
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L'ensemble de la verrière :
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REGISTRE SUPÉRIEUR.
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On me permettra de laisser la parole, dans cette description, à un auteur dont le nom porte beau, l'archéologue, musicien et royaliste légitimiste Stanislas de Gaillard de Saint-Germain (1816-1852). C'est chic et cela permet une plongée dans un style délicieusement daté.
Lancettes A et B, registre supérieur.
"Issu d'une famille illustre, saint Claude était à l'âge de 20 ans membre du chapitre de Besançon ; son goût pour la science théologique et les saintes écritures, ses progrès dans la vie spirituelle le placèrent bientôt parmi les prêtres les plus éminents en savoir et en sainteté de toute la Bourgogne. Après avoir possédé 10 ans son canonicat, il fut désigné miraculeusement par la voie du ciel pour succéder à l'archevêque de Besançon qui venait de mourir ; et malgré ses répugnances, force lui fut de céder aux vives sollicitations du peuple ; on le consacra donc en 626. Toutefois une humilité si profonde ne s'accommodait pas de ces grandeurs ; entraîné par un attrait irrésistible vers la retraite, il se démit des hautes fonctions archépiscopales qu'il avait remplies pendant 7 ans, pour aller revêtir l'habit obscur de simple religieux au monastère de saint-Eugent ou Ogent sur le Jura, limitrophe du diocèse de Besançon. Il va sans dire qu'il y devint par sa ferveur un objet d'édification pour tous les religieux. Mais comme si les promesses faites aux humbles devaient à la lettre s'accomplir en lui, plus il cherchait l'abaissement, plus aussi les honneurs venaient l'assaillir, et il avait à peine passé 5 ans au monastère, que les moines le choisirent unaniment pour les gouverner en place de leur abbé. A ce trait seulement comence le vitrail, et c'est ce que représent les panneaux supérieurs des 1ers et 2e compartiments. Saint Claude, en habits pontificaux, semble sortir d'un oratoire ; deux religieux, vêtus de coules noires, le conjurent d'accepter la charge d'abbé ; mais lui convaincu de son indignité, se refuse à leur vœu. Deux autres religieux attendent près d'une porte de l'abbaye l'issue de la négociation de leurs députés. Une église, sans-doute celle du monastère, termine ce tableau." Au bas est écrit :
" Com[m]e sainct Claude en saincteté fulgent / CINQ ans après qu'hermite se voult rendre / fut postulé abbé de sainct Eugent / comme cellui, on n'avoit que reprendre / et l'allèrent en l'hermitage prendre / pour leur prélat les moyens dudit lieu. / Religieux veulent cecy comprendre / Eureux sont ceux qui ont bon père en Dieu /"
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Notez l'adjectif de moyen français fulgent, "brillant, éclatant" (fulgor), et voyez le sens du latin fulgeo "briller" mais aussi "attirer l'attention, provoquer l'admiration".
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Lancettes A et B, registre supérieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Une image de détail permet d'admirer la finesse de la peinture en grisaille sur un verre bleu (architectures) et sur verre rose.
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Lancette A (détail), registre supérieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette C et D du registre supérieur.
"Le sujet peint sur les deux panneaux suivants est la mort de saint Claude. Ce saint abbé est exposé sur le lit de parade en habits de chœur avec une chape rouge. Plusieurs religieux, vêtus de blanc et de noir, entourent ces vénérables dépouilles ; l'un d'eux écrit, d'autres récitent des prières, jettent de l'eau bénite, encensent, portent les insignes épiscopaux, et procèdent aux premières cérémonies funèbres. On lit :"
Com[m]e sainct Claude fut dud[it] monastère / le père abbé par soixante cinq ans / lequel après que vie trèsaustère / eust demeuré tout le cours de son temps / le benoist sainct dage d'ung et cent ans / l'ame rendit et aux saincts cieulx ravie / Notez ch[ac]un tant petits com[m]e grans. / la bonne fin ensuit la bonne vie.
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Jean Lafond (1929, p.93) a exprimé son enthousiasme pour "cette prodigieuse réussite dans ce domaine" :
"Avec ses blanches figures de moines, le dressoir où la vaisselle d'étain brille doucement et l'angelot "réservé" sur le lambris de chêne, la lancette de droite est l'une des merveilles de la peinture sur verre."
Lancettes C et D, registre supérieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette C.
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Lancettes C, registre supérieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette D.
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Lancette D, registre supérieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette D (détail), registre supérieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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REGISTRE INFÉRIEUR.
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Lancettes A et B du registre inférieur.
"On voit dans les panneaux de la fenêtre les deux grands miracles de ce saint. Une femme, nommée Poncia, caressait son enfant ; pendant cette effusion de tendresse maternelle, Satan lui apparaît : « si tu m'immoles ce fils chéri, lui dit-il, les trésors de la terre sont à toi ». Séduite par cette promesse menteuse, la misérable mère passe des témoignage de l'amour aux plus violents transports de rage, et égorge ce fils qu'elle couvrait de baisers. Le démon, à son tour, loin de réaliser ses belles paroles, veut étrangler la femme. C'est l'action que l'on voit ici. Un hideux diable vert, à tête de vache, embrasse l'infanticide d'une horrible étreinte. A ses clameurs le mari accourt tout éploré, le démon s'échappe ; mais Poncia est muette et perclue des deux bras ; Jean se confie à Dieu, mène sa femme au tombeau de saint Claude, et après beaucoup de prières et de larmes obtient le pardon pour le crime et guérison pour les maux de sa femme."
Com[m]e une femme par fureur de courage / son propre enfant occist et mist [à mort] / dont le diable en vengeant cest outrage / lors étrangla la femme et mil [...] / quand le mari entre vyt cest [effort ?] / pour son refuge s'en vint à [...] / recouvra vie qui fut grand reconfort pour qui Dieu aide le diable ne [...] ..
J'ai cherché longtemps où Stanislas de Gaillard de Saint-Germain avait trouvé les prénoms du couple : Pontia et Jean. J'ai fini par trouver ce détail dans la vie De sancto Claudio confessore qui complète la Légende Dorée dans l'édition qu'en donna Claudius de Rota au début du XVIe siècle : ici et ici :
Mulier quedam pontia nomine thalamo suo quadas die residens filium materno affectu blandis amplexibus refovebat : et miti susurro cantilene demulcens deosculabatur eum. Sed callidus humani generis tentator veneno inuidie tabescens muliercule peccatrici foveam perditionis preparabat. Qui fenestram aduolans sub imagine corvina mulieris assistebat auricule et sub mellis dulcedine virus effundens aurum : et argentum et mundi fallentes divitias promittebat si acquiescens ei filium enecaret. Sic malignus innata calliditate maternum pectus exasperans matrem armavit in filium. Que in ora sui pignoris pollicem iniiciens : pietatis oblita guttur digitis comprimebat. Tunc inimicus innocentie in faciem evolat mulieris et ungues insigens gutturi matrem eum filio suffocabat. Quos pauco murmure vix reclamantes : commater audiens admirans quid hoc esset celeriter intravit cameram et rem inaudita oculo perspiciens exclamavit. Deinde ioannes maritus pontie post commatrem suam accurens uxorem et filium iacere vidit exanimes : et apprehendens eam mutam et manibus debilitam invenit. Et cognito a commatre qualiter uxor eius opressa a demone filium suum iugulare tentasset : profusis lacrymis illam deo et beato claudio reddidit. Quibus statim ad sepulcrum beati claudii pariter properantibus et in orationibus prostratis : infelix mulier : quia ore non poterat veniam delictorum et corporis sanitatem cordis affectu postulabat. Et paulo post consurgens manuum sanitate recepta non solum verbo simplici loquebatur : sed etiam hostis insidiantis machinam insuper dei et beati claudii magnalia expedite enarravit.
Cela nous assure que les commanditaires de la verrière de Beauvais disposaient précisément de ce texte.
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ELLE TUE SON ENFANT DANS UN ACCES DE FOLIE ET RESTE PARALYSÉE ! ELLE RÉCUPÈRE APRÈS UN SÉJOUR EN RÉÉDUCATION A L'HÔPITAL SAINT-CLAUDE.
Au XVIe siècle, la plupart des infanticides sont l'œuvre de mères célibataires ou de grossesses illégitimes. Mais ici, Pontia est une femme mariée qui aime son enfant. Le drame qui est figuré peut être perçu par nos sensibilités contemporaines comme celui d'un accident neurologique spectaculaire avec passage à l'acte, paralysie et aphasie, ou bien comme une crise psychiatrique aigue avec folie meurtrière après hallucination auditive et bouffée délirante. Par exemple lors d' une décompensation de psychose puerpérale. Bref, "ça" nous parle.
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Lancette A.
Selon J. Lafond, "la tête de l'affreux monstre vert a été fort bien restaurée d'après une estampe célèbre d'Albrecht Dürer".
Lancette A, registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
Lancette A, registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Je ne tiens pas spécialement à vous faire faire des cauchemards, mais simplement à poser la question : comment cela est-il peint ? Le diable nous apparaît vert mais couvert de pustules comme la peau d'un crapaud. Le peintre est parti d'un verre blanc (ou bleu clair comme celui des fenêtres) sur lequel il a peint à la grisaille les détails au trait : yeux, museau et naseaux, crocs et dents, et sans-doute les tonalités plus sombres de la fourrure. Puis, il a placé au revers le jaune d'argent en touches plus ou moins rondes et larges pour rendre les pustules. Peut-être a-t-il aussi étalé un jaune d'argent plus dilué sur tout le verre pour le verdir. J'aimerais en savoir plus.
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Lancette A, registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette B.
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Lancette B, registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancettes C et D du registre inférieur.
" On voit sur le panneau suivant une partie du miracle des noyés qui recouvrent la vie par l'intercession de saint Claude. Ces deux enfants sont entraînés par le courant ; la mère se lamente et s'arrache les cheveux, le père veut les sauver. Ce même sujet est traité plus complètement sur une vitre de Marissel (près Beauvais). Nous y avons emprunté quelques mots à l'inscription qui est aussi mutilée ; mais de ces deux débris, il n'est malheureusement résulté rien de parfait.
Sur un monument dans le lointain de ce dernier tableau, on découvre NICOL. JH, signatures de Nicolas et Jean Lepot, peintres sur verre à Beauvais. Simon a donc commis une erreur en attribuant ce vitrail a Angrand Le Prince."
Légende :
Selon Isabelle Isnard, Monuments historiques 1999 :
/ comme jadis [...] deux enfants innocens devant leurs parents / perdirent presque [...] sainct Claude vouèrent /[...] comme[...] / les enfants se noièrent [...] / ung estant mort, l'autre / incontinent [...] .
Ma leçon :
/ Comme jadis deux enfans innocens / dont leurs parents perdirent presque sens / Ce non obstant à sainct Claude vouèrent / [...] comme sein l'élancèrent /Comme l'espace d'un stade / Les enfants estoient es eaux retirés / Ung etans mort l'autre navré / incontinent fure d'alleare [pour "allègre ?] et dispos.
Lancettes C et D, registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette C.
Lancette C , registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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La signature de Nicolas Le Prince.
Je ne déchiffre que les lettres NICOL, mais Jean Lafond a lu (en 1929) aussi les lettres IH, "interprêtées depuis longtemps comme les signatures de Nicolas et "Jehan" Le Prince".
Il ajoute :
"Les lettres NIC sont tracées deux fois, avec la date : MAI 1527, sur les corniches, les frontons et les cartouches de l'arc de triomphe qui décore le tympan. On y lit aussi les lettres AVE. Un fragment d'inscription QVAN[D?] est tracé sur une corniche, au sommet du tableau du diable vert. L'une des colonnettes du lit de saint Claude porte un cartouche avec la lettre N (?) coupée par le meneau". [...Ces lettres NIC ] constituent le plus ancien document que nous possédions sur la longue carrière artistique de Nicolas Le Prince. Le second en date lui ressemble beaucoup, c'est la curieuse inscription VIVE NICOL... qu'on lit à Gisors sur le vitrail de la Légende de saint Crépin et de saint Crépinien.
Or, il se trouve que pour figurer à Marissel-les-Beauvais, dans le vitrail Saint Claude, le miracle des Enfants Noyés, l'auteur s'est servi du même carton qui représente à Gisors la noyade des deux martyrs dans l'Aisne. Mais l'inscription (par malheur incomplète et mal restaurée) était jadis pareille à celle de Beauvais.
D'autre part, à Marissel comme à Beauvais, le réseau de la fenêtre est consacré au même sujet, traité de la même façon dans les deux œuvres. S'agit-il, comme l'a avancé Stanislas de Saint-Germain, du Pèlerinage de Saint Claude ? Ce n'est pas impossible, bien qu'il soit difficile de reconnaître une statue dans la figure assise qui reçoit l'hommage des pèlerins. Il nous semble plus vraisemblable d'admettre que l'artiste a représenté ici le saint archevêque de Besançon accueillant, de son vivant, la multitude des "nobles, des bourgeois et des ecclésiastiques qui venaient à lui attirés par le renom de sa sainteté et lui demandaient ses conseils pour arriver à la perfection" (Légende Dorée, supplément, trad; G. Brunet, p. 294).
Quoiqu'il en soit, le Saint Claude de Beauvais, qui porte la signature de Nicolas Le Prince, est comme la tête de toute une série d'œuvres remarquables parmi lesquelles on signalera seulement aujourd'hui, en dehors des vitraux de Gisors et de Marissel, déjà cités, le Saint Crépin de Clermont [Oise], plusieurs verrières à Chevrières et à Guignecourt (Oise) et l'exquis Saint Théophile de Louviers (Eure), auxquels il faut joindre probablement certains vitraux de Villotran et ceux abominablement restaurés d'Agnetz.
Parmi les caractéristiques de ce groupe qui se font déjà jour dans le Saint Claude de Beauvais, on peut relever l'emploi de verres jaunes, lie de vin, bruns, etc., dans les fabriques , et l'excessive petitesse des têtes. Le visage du moine agenouillé devant saint Claude est peint sur un grand morceau de verre blanc. Aucun plomb ne souligne le contour noir du profil. Les cheveux et les traits sont modelés en grisaille brune, et la carnation est donnée par un peu de "jeancousin" appliqué à l'extérieur".
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Signature de Nicolas Le Prince, lancette C, registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette D.
Lancette D , registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Ce qui est magique pour moi, c'est que j'ai regardé ce vitrail, je l'ai photographié, j'ai trié et cadré mes photos, je les ai mis sur cet article, mais ce n'est qu'au moment où je découvre le récit du miracle que les détails de l'image surgissent comme s'ils émergeaient soudain de la brume. Je VOIS la mère vociférant, je vois les corps des deux enfants se noyant dans le Doubs, je vois les parents étreignant leurs enfants sani et hilares.
Lancette C , registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette D , registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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Lancette D , registre inférieur, baie n°9, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
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TYMPAN.
"La partie supérieure de la fenêtre, divisée en nombreux compartiments par des meneaux contournés, représente le saint évêque de Besançon en habits pontificaux, tenant de sa main gauche la double croix archiépiscopale et de la main droite donnant sa bénédiction. Deux pèlerins, les mains jointes, le bourdon sur l'épaule, sont prosternés aux marches de son trône ; dans le lointain on voit les fidèles accourir à ce pèlerinage du Jura, si célèbre au Moyen-Âge, où le corps de saint Claude , conservé intact, opérait tant de prodiges, et que le peintre aura voulu rappeler ici."
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SOURCES ET LIENS.
— Les vitraux de l'église Saint-Etienne sur le site de l'Association Beauvais Cathédrale ABC :
http://www.cathedrale-beauvais.fr/nouveausite/saintetienne/vitraux/vitrauxste.html
— Le site www.patrimoine-histoire :
http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Beauvais/Beauvais-Saint-Etienne.htm
— Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-%C3%89tienne_de_Beauvais
—Site therosewindow
http://www.therosewindow.com/pilot/Beauvais-st-etienne/table.htm
— 28 Enluminures des bibliothèques municipales représentant saint Claude :
http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr ACTION=CHERCHER&FIELD_98=SUJET&VALUE_98=%27Saint%20Claude%27&DOM=All
— Enluminures de la Bnf du site Mandragore : Bnf N.A.F 302 et 392
http://mandragore.bnf.fr/jsp/classementThema.jsp
- Heures d'Antoine le Bon à l'usage de Rome , 1533, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=052502484&E=167&I=75638&M=imageseule
- Heures ango ad usum rotomagensem (Rouen) vers 1515, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=07911622&E=1&I=76466&M=imageseule
— BRUNET (G.) 1843 La Légende Dorée par Jacques de Voragine, traduite du latin et précédée d'une notice historique et bibliographique par M. G. B[runet]. Première (-deuxième) série, 1843.
https://books.google.fr/books?id=vuliAAAAcAAJ&dq=miracle+%22saint+claude%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— CALLIAS-BEY (Martine) , Véronique CHAUSSÉ , Françoise GATOUILLAT ,Michel HÉROLD, 2001, Les Vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum ; Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Commission régionale Haute-Normandie. Nombreuses pages sur l'atelier Leprince, 48-49 etc.
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http://visualiseur.bnf.fr/ark:/12148/cb32813221g/date1847
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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65168165/f138.image
— HÉROLD (Michel), 1995, L'atelier des Leprince et la Normandie, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen , Rouen, musee des beaux-arts , 190 pages, p. 44-5
— LAFOND (Jean), 1943, Pratique de la peinture sur verre à l'usage des curieux suivi d'un essai sur le jaune d'argent et d'une note sur les plus anciens verres gravés [s. n.] (Rouen)
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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6517959k.r=%22saint-etienne%22