La verrière de la Dormition de la Vierge (vers 1535), baie 10 de l'église de Pont-Audemer.
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Voir : Tous mes articles sur les vitraux.
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PRÉSENTATION.
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La reconstruction de l'église Saint-Ouen avait été décidée sous Louis XII en 1480, et commença par la façade occidentale. Puis les travaux se poursuivirent avec les sept travées de la nef, qui est raccordée en 1514 au chœur roman, tandis que les bas-cotés, avec leurs 12 chapelles latérales, sont édifiés sous François Ier jusqu'en 1535, et dotés progressivement de vitraux à partir de 1514 environ, et jusqu'en 1556 grâce aux dons des confréries (du Saint-Sacrement en baie 18 et 20), aux corporations (des boulangers en baie 13, des peintres en baie 10), des familles de notables (baies 7, 8, 10, 12, 16, 17) ou du clergé (abbaye de Saint-Ouen de Rouen en baie 14, chapelain en baie 15).
Les six chapelles du coté sud, se succèdent ainsi d'ouest en est (vers le chœur) :
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1ère chapelle : baies 20 et 18 (vers 1515) : Miracles de l'Eucharistie (20), vie de saint Ouen (18) et procession de la confrérie du Saint-Sacrement (18 et 20), commanditaire.
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2ème chapelle : baie 16 (1516) Annonciation et Mise au tombeau offerte par le conseiller Guillaume Tesson et Jeanne Myre.
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3ème chapelle : baie 14 (vers 1515-1520) : saints Pierre et Paul offerte par l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen.
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4ème chapelle : baie 12 (1519) : saints Eustache, Jean, Nicolas et Mathurin offerte par 2 familles.
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5ème chapelle : baie 10 (v. 1535) : Dormition de la Vierge offerte par une famille.
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6ème chapelle : baie 8 (1535) : Vie de saint Jean-Baptiste, peinte par Mausse Heurtault et offerte par Jean de Génouville, marchand.
La baie 10 éclaire donc la 5ème chapelle sud et date de 1535 environ, elle a été offerte par deux familles figurées en donateurs non identifiées par les armoiries.
Elle mesure 5 m de haut et 3 m de large et comporte 3 lancettes en plein cintre et un tympan à 4 ajours. Les donateurs, en trois groupes, occupent le soubassement ; le registre principal est consacré à la Dormition de la Vierge ; et le tympan à son Assomption.
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"Après cette parenthèse germanique [baie 12], nous retrouvons une œuvre où je vois l'ultime floraison du groupe rennais issu de l'atelier d'Arnoult de Nimègue. Avec son avant-corps, le cadre architectural imite celui du vitrail des Trois Marie, à Notre-Dame de Louviers, exécuté par le chef d'école au début de sa période anversoise, donc après 1513 et vers 1520. Aussi bien, deux putti, debout sur la corniche du second plan, portent des étendards où l'on reconnaît à droite l'aigle de la corporation du Saint-Empire, et, à gauche, le blason de la corporation des peintres.
Une composition savamment ordonnée, une ambiance sereine et un coloris harmonieux font de la Dormition un chef-d'œuvre du vitrail normand. Les donateurs, agenouillés dans une galerie qui s'ouvre sur un paysage de montagnes et de châteaux, sont animés d'une vie tout à fait exceptionnelle pour des figures à si petite échelle. Moins individualisées, les têtes des apôtres qui entourent le lit de la mort de la sainte Vierge sont belles et expressives. Au tympan, l'Immaculée est accueillie dans la lumière dorée du ciel, et là aussi l'impression donnée est celle d'un parfait équilibre." (Jean Lafond 1961)
"Le Trépassement de la Vierge fait le sujet du vitrail de la cinquième chapelle et diffère singulièrement de style avec le précédent. A côté de l'école allemande, voici l'école italienne avec ses draperies, ses vieillards à longue barbe blanche entourant le lit à baldaquin sur lequel repose la Vierge. Des colonnes ioniques dont le fût est couvert de trophées supportent le dais du baldaquin. La composition est quelque peu prétentieuse, mais le coloris est admirable et puissant l'effet décoratif. Cette chapelle était autrefois dite de Saint-Eloi." (Montier p. 106)
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Sur le plan technique, le verre rouge gravé est utilisé pour les armoiries. La sanguine est employée.
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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LE REGISTRE DES DONATEURS.
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Ce registre est organisé en trois scènes dans les trois lancettes : d'abord à gauche un homme âgé, seul vêtu de bleu , agenouillé au prie-dieu en donateur avec un premier ensemble d'armoiries ; puis un autre homme plus jeune vêtu d'un manteau blanc devant ses deux fils, avec un deuxième complexe d'armoiries. Et enfin l'épouse en manteau rouge, devant ses trois filles, et de nouvelles armoiries. (C'est peut-être la grand-mère, car deux des filles semblent être des femmes mariées).
Ces huit donateurs sont tournés vers la gauche (donc vers le chœur) et ils appartiennent à la même famille, puisqu'ils partagent un motif héraldique commun, que je décrirai en toute incompétence comme d'azur à trois étoiles d'or et brochant sur le tout, de gueules à une "rencontre de cerf d'or, accompagné en chef d'une étoile d'or". Autrement dit, un blason bleu à trois étoiles jaunes, avec au centre un blason plus petit, jaune, contenant une peau couleur rouge, qui contient elle-même une tête de cerf jaune, et une étoile entre les bois de ce cerf.
Le premier homme, que je suppose être le grand-père ou l'ancêtre, écartèle ce premier blason d'un autre , bleu avec une croix pattée jaune. (c'est en réalité plus compliqué que cela).
Le deuxième homme avec ses fils conserve la "rencontre de cerf d'or" et la croix pattée d'or, associé à un autre élément, de gueules fascée d'or avec deux coquilles d'argent en chef.
L'épouse, qui est sans doute accompagnée des armes de sa propre famille, reprend le premier complexe (d'azur à trois étoiles d'or . d'azur à la croix pattée d'or / de gueules à la rencontre de cerf d'or, accompagné en chef d'une étoile d'or) , coupées en mi-parti par ses armes de gueules au chevron d'or aux trois piques d'or.
Selon Gatouillat, les premières ont été remaniées. Les deuxièmes , bien conservées, seraient celles d'une alliance des Genouville d'Etelan et des Le Gras. Les troisièmes étaient endommagées et illisibles au XIXe siècle.
Certes, les Picart d'Ételan ont porté de gueules à trois fers de piques d'argent (Picart d'Estelan et de Radeval) ou d'azur à trois fers de pique d'or (Picard de Radeval) ou 1 : de gueules à trois piques d'or, au chef crénelé d'or, armoiries des Picart d'Etelan ; 2 : mi parti en 1, fasce de gueules et d'azur, en 2, de gueules à 3 piques d'or, Picart d'Etelan, mais sans le chevron d'or.
Et certes je trouve mention de GRAS (LE,), élection de Pont-Audemer, maintenu le 20 janvier 1669 d'or, au rencontre de cerf de gueules, accompagné de trois étoiles mal-ordonnées d'azur.
J'ai décrit les armoiries de Louis Le Picart de gueules à trois fers de piques d'argent dans la baie 1 de Bourg-Achard.
http://www.lavieb-aile.com/2018/10/la-baie-1-de-1460-1480-et-de-1500-1510-marie-madeleine-de-l-eglise-saint-lo-de-bourg-achard.html.
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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La Dormition.
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"Dans un édifice ouvert flanqué d'un péristyle dont les terrasses supportent 2 putti agitant des étendards (aux armes de la corporation des peintres à gauche, aux armes du Saint-Empire à droite), la Vierge au centre, étendue sur un lit à colonnes vu de front, entourée de saint Jean, de saint Pierre et de deux anges ; au 1er plan, et dans les lancettes latérales, les autres apôtres (assez bien conservé ; tête de saint Jean et quelques pièces de la lancette droite rest.)" (Gatouillat et al. 2001 p. 193).
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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LE TYMPAN.
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Dans l'oculus inférieur central, la Vierge en Assomption, portée par quatre anges.
La Trinité dans les nuées occupe les trois autres oculi : la colombe du Saint-Esprit entouré d'un cercle de séraphins dans l'oculus supérieur, le Christ sortant du tombeau à gauche, et Dieu sur un trône et coiffé de la tiare à droite.
Six anges (deux fois trois cartons) occupent les écoinçons.
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Verrière de l'Assomption (vers 1535), baie 10, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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SOURCES ET LIENS.
Sources principales :
— GATOUILLAT ( Françoise), CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), HÉROLD (Michel), 2001, Eglise Saint-Ouen in Les Vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum / Recensement des vitraux anciens de la France vol. VI, Paris, CNRS, 2001. p. 194.
— LAFOND, (Jean), 1969, Les vitraux de l'arrondissement de Pont-Audemer, Nouvelles de l'Eure, n°36, 1969
En complément :
— MONTIER, (Armand), 1895, Les vitraux de Saint-Ouen de Pont-Audemer, Pont-Audemer, Impr. du Commerce, G. Hauchard, 1895 ;
— MONTIER, (Armand), 1896, "L'église Saint-Ouen à Pont-Audemer", Normandie monumentale et pittoresque p. 109 (simple mention de la baie). page 106
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62406567/f142.item
— PHILIPPE-LEMAITRE (Delphine) 1853, non consulté
— REGNIER (Louis) en 1899, non consulté.