Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 mai 2023 6 06 /05 /mai /2023 18:16

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer : une visite guidée sur les traces d'un cachalot.

.

 

PRÉSENTATION GÉNÉRALE PAR COPIER-COLLER.

Document n°1.

"En 1863, alors qu'il dirige les fouilles du tumulus du Mané er Hroek, René Galles décide de fouiller un autre tumulus de la commune de Locmariaquer : le Mané Lud. Celui-ci fait 90m de long pour 50m de large et environs 6m de hauteur. Aujourd'hui, le tumulus est bien conservé, presque complet, bien qu'ayant été coupé sur ses côtés, là par des maisons, là par une route.

La fouille a révélé une petite chambre funéraire, constituée de moellons, sans couloir d’accès, qui renfermait des ossements peu conservés, de la poterie et des objets de silex.
Le tumulus renferme aussi un dolmen, à l'ouest de la masse tumulaire, qui semble avoir été ajouté postérieurement et dont certaines des dalles sont gravées. Ces gravures ont été identifiées comme des haches, des bateaux, mais aussi un cachalot sur la stèle du fond de la chambre. Un escalier aménagé après la fouille permet de descendre dans le dolmen.

Le tumulus de Mané Lud et son dolmen, se trouvent à moins de 100 m du tumulus d'Er Grah et du site de la table des marchands. A pied, il faudra faire un petit détour pour relier les deux sites, mais il est aussi possible de rejoindre le tumulus de Mané Lud depuis la zone de stationnement aménagée à 150m à l'ouest, par un sentier piéton." (Paysages de mégalithes)

Document n°2.

"Le tertre du Mané-Lud est le premier grand monument de Locmariaquer que l'on aperçoit en arrivant d'Auray. Pratiquement installé au point culminant de la commune, c'est le seul dont le nom nous ait été transmis par le président de Robien, sous la forme déjà francisée au 18e siècle de Mont-Helleu, ce que l'on peut rapprocher du breton Uhelan (d'en haut) et qui n'a rien à voir avec les "cendres" ludu (humaines bien sûr !) invoquées à partir de déformations tardives par des esprits en mal de nécrophilie.

Il s'agit d'un grand "tumulus carnacéen" de 80m de long, 50m de large et 5m de haut. Au centre, un cairn circulaire abritait un caveau grossièrement maçonné de 2,25x1,25m recouvert en encorbellement. Il contenait les restes de deux personnes accompagnées simplement de quelques silex et fragments de poteries.

Vers l'est, ce cairn central se prolongeait par une nappe de pierres limitée par une curieuse structure : de deux mètres en deux mètres, six grandes pierres dressées dessinaient un arc faiblement concave vers l'ouest, portant des ossements déterminés comme étant des crânes de chevaux. Le tout était noyé dans une masse de "vase" atteignant 4m d'épaisseur et formant l'essentiel du tumulus.

L'extrémité occidentale du monument est engagée entre les maisons du village. Un grand dolmen à couloir y est enserré dans un second cairn dont les pierres affleurent en surface. Sa couverture comporte une énorme dalle d'orthogneiss (8,3m de long, 4m de large et 0,5m d'épaisseur), brisée sans doute par suite d'un porte-à-faux et anciennement amputée de son extrémité.

La chambre en a toujours été connue ouverte (elle fut jadis utilisée comme étable) et son couloir a été amputé par les constructions attenantes. La structure est strictement mégalithique, à dalles jointives (voire se recouvrant en écailles pour assurer l'étanchéité).

Le sol de la chambre est formé d'une seule grande dalle d'orthogneiss taillée en ogive, probable stèle anthropomorphe réutilisée. Plusieurs piliers de la chambre et du couloir sont ornés." (Mégalithes du Morbihan http://www2.culture.gouv.fr/culture/arcnat/megalithes/)

.

PRÉSENTATION PERSONNELLE.

 

La lecture s'apparente à une marche, tantôt flaneuse, tantôt hasardeuse, tantôt emportée par le rythme haletant de l'aventure.

Ma découverte des articles de l'archéologue Serge Cassen (directeur de recherche CNRS à Nantes) sur les mégalithes de Carnac et du Golfe du Morbihan m'a  entrainé dans un périple fabuleux. Marchais-je encore, ou rêvais-je déjà ?

Trois articles sur le tumulus de Mané Lud, très voisin de la célèbrissime table des Marchands de Locmariaquer, (successivement Mané Lud en sauvetage ; en images ; et en mouvement) m'ont appris que je trouverai là les gravures d'un cachalot, de bateaux, et d'oiseaux. Et non quelque déesse-Mère ou autre Hache-charrue.

J'ai  deux amours : les cétacés (et les bateaux, et les oiseaux...) et le Golfe du Morbihan (et les îles du Ponant).

Lire ici :

.

J'ai donc suivi Serge Cassen page  après page à Mané Lud, je me suis laissé entrainer entre les allées de pierres dressées, j'ai appris à les qualifier d'orthostates et à en traquer les traces, j'ai baissé la tête sous les dalles de couverture, je me suis  habitué à l'obscurité, j'ai été presque à ses côtés lorsqu'il menait son enquête et s'enthousiasmait de ses découvertes et qu'il criait "There she blows ! There ! There !".

Et puis j'ai posé ces centaines de page si bien illustrées, j'ai quitté ce monde virtuel et numérique (l'auteur a montré tout l'intêret de sa méthode d'acquisition et de traitement numérique des photographies superposées sous incidences lumineuses complémentaires, du scanner laser et de la photogrammétrie), pour aller, comme un grand, voir moi-même Mané Lud, tel celui qui, ayant trop lu Moitessier et les Damiens, part franchir le Cap Horn et toucher les glaces antarctiques.

J'embarquais, en guise d'Instructions nautiques, la précieuse littérature savante.

C'est ce voyage que je décris ici, par mes photos. Car pour le texte, je laisse la parole à Serge Cassen. Toutes les citations sont en retrait et entre guillemets avec la source. Toutes les figures sont extraites, avec sa permission, de ses articles mis en ligne.

.

 

 

.


 

Au nord de la Table des Marchands .Google maps

 

 

 

 

.

.

 

L'arrivée : la vue extérieure.

.

Depuis la Table des Marchands, on suit brièvement  la route jusqu'aux panneaux indiquant le site (à moins de prendre un étroit raccourci depuis le parquing) et on craint de s'être égaré car on ne repère l'endroit qu'au dernier moment : . Et dès lors, il va falloir se perdre, ou du moins perdre son temps, son XXIe siècle, pour atteindre le Néolithique : c'était il y a quelques 6000 ans.

Ce que nous découvrons, au sommet d'une légère élévation, c'est une belle pierre plate : la dalle de couverture de la tombe à couloir. La Rivière d'Auray est visible au nord-est (CPA)

Après l'avoir contourné, nous constatons la présence de quelques marches menant à un petit dédale longeant une habitation : nous y sommes.

 

.

 

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

Et le couloir est fort étroit ; on descend quelques marches, on évite l'angle de la  maison, on se faufile, on joue déjà à l'indien, car Indiana Jones est sans doute devant nous : la grande aventure.

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

La bouche du royaume des morts est ouverte, j'invoque Ulysse lors de sa Nekyia. 

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

L'entrée dans le couloir. Les orthostates.

.

Note personnelle : j'ai trouvé à mon arrivée les motifs des gravures surlignés (à la craie ou la peinture), un procédé qui semble utile au néophyte mais  dont la nuisance, aggravée par leur nettoyage par détergent, a été soulignée par  Serge Cassen 2005 p.337.

Le monument se compose de 5 dalles de couverture, de 21 orthostates et d'une dalle sur le sol de la chambre.

.

Neuf orthostates conservent des gravures : trois dans le couloir (n° 16,17, et 6), cinq dans la chambre (n°19, 21, 1, 1A et 2) dont 1 en grande partie occulté. Deux orthostates sont en orthogneiss (n° 20 et 5) à la lointaine origine (bassin oriental du Golfe, à 10 km de là), tandis que le n° 4 est en migmatite dont la source la moins éloignée se trouve à la pointe de Kerpenhir sur la même commune de Locmariaquer.

Le sol de la chambre (dalle 25) est une grande stèle d’orthogneiss de forme vaguement anthropomorphe et sculptée d’une bande en relief surmontée de deux éléments circulaires aux extrémités. Fouillée en 1912, il fut découvert sous cette stèle des objets en or attribués au néolithique et au campaniforme (Z. Le Rouzic 1912).

Il s'agit de dalles de ré-emploi (on ignore si la face non visible est gravée), et le couloir initialement court aurait été allongé ensuite : "Les stèles gravées du Mané Lud, réemployées dans la construction d’une tombe à couloir au début du IVe millénaire, parlent d’un ouvrage de monolithes édifié bien plus tôt, probablement au contact d’un tumulus de pierres et de limons recouvrant une ciste [tombe] à deux individus destinée (Galles & Mauricet 1864, p. 15)." (Cassen 2011)

 

.

.

Cassen Fig. 1 – Plan de la tombe à couloir du Mané Lud à Locmariaquer, Morbihan (d’après Cassen et al., 2005), et extraction des stèles gravées suivant un ordre croissant arbitraire de leurs tailles.

.

Les interprétations de Serge Cassen.

Cet auteur déconstruit les interprétations anciennes des gravures de Mané Lud et propose les changements  sémiologiques suivants  :

la "Grande Déesse" devient un cachalot soufflant ;

l"’herminette"  devient un homme bras en croix ;

la "hache du bûcheron" devient  une arme guerrière ;

la "houlette du berger" devient un bâton de jet  (crosse);

le "cornu"  se transforme en un oiseau volant ;

le "peigne-graffiti" est  un bateau monté ;

• et "l’idole en écusson"  est considéré comme un monde en miniature.

Bref, ça va souffler !

.

Liste des orthostates réinterprétés (dans l'ordre de leur succession sur le site) : 

  • L'orthostate n°16. Une arme de jet ;  une embarcation surmontée d’un oiseau ; un autre oiseau survole la représentation d’une terre (carré).
  • L'orthostate n°17. Un vol de 12 oiseaux.
  • L'orthostate n°6. Un voyage : l'homme-croix, l'oiseau, la hache emmanchée, le quadrilatère-monde.
  • La stèle 2. Une lame de hache ; deux crosses ; trois oiseaux ; une embarcation sans équipage ?.
  • L'orthostate n°19. Une crosse (arme de jet) au dessus d'un oiseau. Le quadrilatère "monde divisé".
  • La stèle 1. Le cachalot.
  • L'orthostate n°1A : signes en U superposés : vol groupé de 4 oiseaux.
  • La stèle 2. Une lame de hache ; deux crosses ; trois oiseaux ; une embarcation sans équipage ?.

.

 

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

 

L'orthostate n°16. Une arme de jet ;  une embarcation surmontée d’un oiseau ; un autre oiseau survole la représentation d’une terre (carré).

.

En jaune : une embarcation à 6 personnages survolée par un oiseau. Et une crosse : une figure de proue ?

En rouge : un oiseau au dessus du carré représentant la Terre.

.

Serge Cassen, «Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan)»

.

"Les gravures seront partagées en deux sous-ensembles.

En haut et à gauche (en jaune), trois signes bien distincts sont disposés à égale distance l’un de l’autre suivant un axe oblique et se partagent entre crosse, bateau et oiseau (fig. 12) :

- sur la gauche de la dalle, l’instrument dirige l’extrémité du crosseron vers la gauche ;

- l’embarcation est à peu près orientée parallèlement au sol actuel, mais en réalité contrainte par un ressaut naturel dans la pierre sur lequel elle semble reposer et qui impose une légère obliquité ; elle contient six personnages, à l’image des embarcations de la stèle n° 6, mais le personnage dominant les autres par la taille est ici placé au centre du motif ; une crosse, extrémité distale dirigée vers l’extérieur, prolonge la pointe gauche du bateau ;

- l’oiseau est en plein vol et surmonte le bateau.

Un autre groupement de deux signes (en rouge) s’inscrit plus bas entre deux failles altérées :

- tout d’abord un oiseau, deux fois plus petit que le précédent, signifie lui aussi un plein vol ;

- en dessous, un petit quadrilatère assez peu marqué mais indéniable est orienté parallèlement au sol.

Il est évident que nous retrouvons des éléments de la structure sous-jacente au Mané Lud, déjà révélée sur les dalles 2, 6 et 21 : d’une part un oiseau surmonte une surface terrestre, d’autre part un oiseau surmonte une embarcation et donc une surface d’eau. Pour cette dernière composition, la proue pourrait être signalée par une forme en crosse, l’avant du bateau étant en règle générale valorisé dans les représentations et les miniatures, à l’image des têtes animales (cervidés, bovins, oiseaux) révélées par les gravures et les modèles réduits de l’âge du Bronze pour ne s’en tenir qu’à la Russie d’Europe, la Scandinavie et la Sardaigne (Lahelma 2005 ; Coles 2006 ; Guerrero Ayuso 2004). Au Mané Lud, une certaine ambiguïté persiste sur cette forme en crosse ; elle pourrait en effet représenter l’arme que nous connaissons, mais également une tête animale simplifiée, et les précédents exemples européens contenant plusieurs figurations gravées très semblables peuvent nous permettre d’abonder dans ce sens (voir par exemple à Begby Ic, Østfold, Norvège - Coles 2005, fig. 248). Mais dans la mesure où une autre crosse à la morphologie assez proche est disposée en avant du motif en question, nous retenons temporairement l’arme de jet comme figure de proue du navire. Par conséquent, une direction au déplacement peut être proposée, de la droite vers la gauche."

En somme, une crosse verticale dirige une embarcation surmontée d’un oiseau, tandis que plus loin et plus bas sur la stèle, contraint par un jeu de deux failles parallèles, un autre oiseau, plus petit ou plus lointain, survole la représentation d’une terre également réduite en proportion. " (Cassen 2011) 

 

.

—À propos du signe quadrilatère, Serge Cassen  :

"En somme, cet espace délimité à la marge océane, nous l’acceptons au Mané Lud comme une surface abstraite qui serait une terre, un monde, un jardin des délices, une habitation, une arche, une île fortunée ; peu importe." (Cassen 2011)

—La signification de la  crosse a été longuement étudiée par Serge Cassen: en s'appuyant sur la comparaison avec le lituus au manche courbe étrusque (ancienne arme de jet  qui, progressivement, est passée au rang de symbole, tout d’abord comme insigne royal dans la première royauté romaine, puis objet de divination aux mains des augures), et avec le sceptre heqat égyptien en « point d’interrogation » . Ce sceptre étaient remis au roi lors de son intronisation avec le fléau à grain, celui-ci rappelant sa fonction de pourvoyeur de nourriture pour le peuple tandis que la crosse marquait son rôle de berger, de guide.

En outre, il signale les bâtons de jets égyptiens  âmâat  utilisé pour la chasse aux oiseaux dans les marais . Les auteurs s’accordent à reconnaître dans ces bâtons de jets, trouvés le plus souvent dans des tombes, un double usage, cynégétique et talismanique.

Pour Cassen, le signe néolithique « crosse » n'est pas un bâton de pâtre, mais une arme de jet à fonction assomante, un peu comme un boomerang : il est opposé systématiquement, sur les stèles morbihannaises, avec des animaux (oiseaux, cachalots) qu'il vise.

.

Le signe "bateau".

D'abord rangé parmi les « pectiniformes » par G. de Closmadeuc (Closmadeuc (de) 1873), ce signe "en forme de peigne" sera identifier par A. de Mortillet  en 1894 comme  un bateau à proue relevée portant des hommes, à l’image de représentations semblables amplement documentées en Scandinavie dès cette époque. Mais les auteurs modernes  rejetteront cette image. Serge Cassen la reprend en soulignant sa cohérence :

-ce signe est uniquement réparti sur la zone côtière sud-armoricaine ;

- une composante importante du procès d’apparition du Néolithique en France méditerranéenne, puis atlantique, passe par des déplacements par voie maritime (*);

- le cachalot est représenté sur ces stèles contemporaines.

Sa coque peut varier d’une morphologie en « croissant de lune » ou disque tronqué, à celle souvent dite «corniforme » qui est une variante aplatie ou allongée de la figure géométrique précédente ; elle  peut être isolée, vide, ou bien surmontée de traits verticaux parallèles figurant des personnages embarqués, systématiquement conduit par un personnage plus haut que les autres.

 

"Trois sortes d’embarcations résonnent  sur les dalles de Mané Lud, trois formes également connues en Bretagne :

- la première est montée de personnages dont l’alignement est toujours dominé par un individu-tige plus grand que les autres, bien souvent vertical à la proue ;

- la seconde soutient un homme seul ouvrant ses bras en croix, encore placé à la proue ;

- la troisième forme de navire est une coque non montée, épurée, dont on ne sait ce qu’elle contient car aucune verticalité ne l’anime et ne lui donne vie."

(*)La découverte, dans les tombes, de pendeloques et perles en variscite, dont l'analyse a prouvé l'origine espagnole, renforce l'idée d'une population maîtrisant la navigation maritime ; de même, le ré-emploi de dalles lourdes d'un site à un autre du Golfe de Morbihan et de la Rivière d'Auray suppose la capacité de transporter des embarcations plus ambitieuses que des pirogues monoxyles.
.

Le signe en U ou signe-oiseau.

Un très riche argumentaire permet  à Serge Cassen de justifier qu'il remette en cause l'interprétation habituelle (un signe en joug ou la représentation de "cornus" renvoyant à des bovins et caprins) au profit d'oiseaux ; l'association très fréquente de ces oiseaux avec des embarcations est remarquable.

.

Ma photo montre  cet orthostate n°16, où on reconnaît l'oiseau et l'embarcation, mais elle montre aussi combien on peut passer assez rapidement devant lui sans en détailler les gravures si on attend un motif spectaculaire. Il aurait fallu être très attentif, ralentir, scruter la pierre en variant l'éclairage : il aurait fallu avant de s'engoufrer ici avoir appris à regarder : comme face à tout art, c'est un long apprentissage, et rien n'est donné au naïf.

Un peu plus loin, on discerne les oiseaux de l'orthostate n°17.

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

L'arrivée dans la chambre : à gauche, l'orthostate n°17, et à droite, l'orthostate n°6.

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer : une visite...guidée.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

L'orthostate n°17. Un vol de 12 oiseaux.

.

Serge Cassen, «Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan)»L’ancienne stèle a été penchée pour mieux « jointoyer » le bord de l’orthostate voisin n°18 à l’entrée de la chambre ; le haut de la stèle a par conséquent été partiellement retaillé

.

" Douze signes clairement établis, et deux autres moins assurés, se partagent une surface grossièrement triangulaire sur la partie gauche de la stèle. Ces deux derniers tracés incertains pourraient être identiques aux tracés voisins mais, dans les deux cas, seule la branche gauche est bien marquée, donnant l’image d’une crosse sur la gauche, d’un arc-de-cercle sur l’individu plus à droite, sans qu’il soit permis de trancher définitivement.

Loin de représenter le bétail domestique présumant un quelconque état socio-économique de la société étudiée, ces cornus sans tête sont à nos yeux la transcription la plus simple d’oiseaux en plein vol. Mais, ainsi que nous l’avions noté (Cassen et al. 2005, p. 365), cinq des sept signes gravés sur le côté gauche de la dalle débordent sur sa tranche [...].

Nous résumons par conséquent la scène à un vol d’oiseaux, peut-être en formation triangulaire, avec un individu en tout cas isolé à la pointe droite tandis qu’une série est alignée sur le bord gauche avec l’extrémité de chaque aile uniquement visible sur la tranche de la stèle, dans une autre de ses dimensions." (Cassen 2011)

 

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

L'orthostate n°6. Un voyage : l'homme-croix, l'oiseau, la hache emmanchée, le quadrilatère-monde.

 

.

.

"Quatre zones peuvent être discernées dont trois couvertes de gravures. La
première, délimitée dans la partie inférieure droite par une brisure oblique naturelle dans la
roche, comporte cinq motifs aisément identifiables (hache, « bateaux », carré, « U ») ; la
seconde, dans la partie inférieure gauche, au-delà de la faille, est vide de gravures ; au-dessus
de celle-ci, un secteur est rempli de motifs géométriques traités en petites cupules (carré,
cercle, lignes) ; détaché de cet ensemble, un ultime secteur occupe l’espace restant, à nouveau
sous formes de tracés gravés où l’on reconnaît deux haches emmanchées, un « bateau »
et un motif quadrangulaire ouvert sur une série de traits verticaux." (Cassen 2005)

"Les gravures. Cinq signes fondamentaux sont reproduits : l’homme en croix, l’oiseau, la hache emmanchée, le bateau, le quadrilatère-monde. Ils se partagent la surface en évitant certains secteurs, et s’orientent différemment dans l’espace. Six groupements ont été arbitrairement distingués par des lettres, de A à F (fig. 10).

A - (en vert clair) Sous la ligne de ressaut déjà mentionnée sont réunis cinq signes inscrits dans un espace triangulaire :

- dans l’angle droit, au bas de la dalle, un signe quadrilatère (trapézoïdal) est exactement tangent à l’arête de la pierre ; si sa base rectiligne est bien parallèle à la ligne de sol (actuel), son côté opposé est en partie oblique tandis que les bords latéraux sont également divergents selon cette même dynamique ;

- deux bateaux bordent les deux côtés du signe précédent ; ils sont penchés, suivant en cela à la fois une partie du tracé supérieur du quadrilatère et une faille apparente sous la seconde embarcation du bas ; respectivement cinq et six segments verticaux figurent les deux équipages et un personnage s’y trouve systématiquement placé plus haut que les autres et bien posé à l’extrémité gauche, partie que nous reconnaissons en conséquence devant très certainement figurer une proue ;

  • juste en avant de la proue de l’une de ces embarcations, une hache polie sur manche crossé dirige son tranchant dans la même direction, c’est-à-dire vers la gauche ; - un signe oiseau surmonte l’ensemble, et tout comme l’embarcation qu’il survole, et à la différence du quadrilatère, l’extrémité de son tracé en creux déborde sur la tranche de la dalle (fig. 11).

  • - un signe oiseau surmonte l’ensemble, et tout comme l’embarcation qu’il survole, et à la différence du quadrilatère, l’extrémité de son tracé en creux déborde sur la tranche de la dalle (fig. 11).

Le hors-champ de l’oiseau et d’un bateau, la position des proues, l’orientation du tranchant de la hache, tout concourt à désigner un sens commun au déplacement des signes dont au moins deux sont par essence mobiles (l’oiseau, le bateau). Au surplus, la direction de ce déplacement peut être déduit de nos observations antérieures, notamment sur l’orthostate 17, dans la mesure où les mêmes oiseaux montrent là-bas un déploiement triangulaire avec un seul individu à l’une des extrémités ; il signifie, comme dans la réalité, la tête du groupement (l’oiseau suiveur récupérant la composante ascendante en bout d’aile de l’oiseau précédent, battements d’ailes alternés par rapport à l’oiseau qui précède). Si cette composition reproduit une formation d’oiseaux en vol, alors ils se dirigent de la gauche vers la droite, ils entrent littéralement dans le cadre. En sorte que sur la dalle 6 et suivant ce principe directeur, l’oiseau, les bateaux (et la hache ?) se meuvent de la droite vers la gauche, et par conséquent donnent une indication de « montée » par l’obliquité légère mais notable des représentations.

B- (en blanc) . Comme posé sur la ligne de ressaut, une gravure isolée en forme de croix latine occupe le « sommet » de cet accident naturel. Elle représente un humain dans une position statique universelle, bras tendus, jambes jointes, une station qui est néanmoins exceptionnelle, loin de signifier la vie courante.Si le tronc est vertical, les bras sont penchés l’un dans l’alignement de l’autre, et suivent la direction du signe sus-jacent, à moins bien sûr que ce ne soit l’inverse.

C- (en bleu clair Ce grand signe quadrangulaire n’est pas fermé, mais ouvert sur le dessus. Il contient plusieurs traits parallèles dont deux sont inscrits dans une figure courbe, formant alors la ligne qui pourrait être rapportée à un bateau embarqué, mais alors très arqué ; cette dernière figure est comme posée sur une diaclase qui forme un ressaut dans la pierre, grossièrement horizontal. Une cupule est disposée à son côté, sur cette ligne naturelle.Comment interpréter cet ensemble, très perturbé par des tracés parasites provoqués par le nettoyage de graffitis ? Si nous admettons la représentation d’une surface terrestre par le biais du motif quadrangulaire (simple ou divisé, droit ou oblique), la figure « ouverte » de l’orthostate 6 ne laisse pas d’intriguer, et en dire davantage serait cette fois bien risqué.

D- (en jaune) Sont ici regroupées deux haches polies emmanchées, tranchants dirigés vers la gauche. Les lames semblent parallèles au sol, mais un des deux manches est oblique et suggère en conséquence une action portée par la plus grande lame régulière au talon pointu.

Fait exceptionnel, unique dans l’état actuel des connaissances, les manches ne sont non seulement pas crossés, comme en A et comme il est usuel de le produire en gravure en Bretagne, mais ils ne dépassent pas non plus le corps de la lame au point que ce type d’emmanchement inconnu dans notre corpus pose question.

- Est-ce un mode d’emmanchement réel, qui impliquerait une fixation directe par liens et colle, peu documentée en Europe à cette époque ?... Cette possibilité est admissible mais difficilement crédible, d’autant plus qu’aucune lame polie à gorge – une morphologie fonctionnelle en règle générale recherchée pour adopter cette configuration – n’est connue dans l’ouest de la France (voir Avias 1949, pour vérifier le rapport d’identité entre le « casse-tête » à gorge et la manière de le représenter par la gravure sur un rocher).

- Est-ce un mode d’emmanchement réel, qui supposerait une lame de hache perforée sans dépassement du manche ?... L’hypothèse est recevable (cf. Klassen et al. à paraître) mais nous ne connaissons pas d’instruments perforés, en pierre ou en métal, trouvés en contexte en Bretagne, datés de cette époque (milieu du Ve millénaire).

- Est-ce un emmanchement idéel dont le classique crosseron serait alors supprimé ?... En ce cas, un manche tronqué qui n’est plus opérationnel – comment, en effet, la lame polie pourrait-elle tenir ? – charge l’arme d’une autre signification ; et l’objet « crosse », privé de sa partie active, ne fournirait plus que la matière du « manche » de l’arme, au mépris de son ancienne efficacité dans le monde réel.

E- (en rouge)  Dans ce même quadrant arbitrairement façonné par nos axes majeurs divisant la stèle, une série de petites cupules fut diversement appréciée par les observateurs et les commentateurs. Une figure quadrangulaire et une autre circulaire ont en tout cas systématiquement retenu leur attention, sans pour autant motiver une interprétation spécifique à leur propos. Reprenons l’énumération :

- un contour quadrangulaire est nettement dégagé dans le registre inférieur ; il est approximativement parallèle au sol actuel ;

  • un autre contour, cette fois plus circulaire, marque la partie supérieure, seulement interrompu par la coque d’un bateau ;

  • - depuis ces deux figures, d’autres petits segments formés de deux ou trois cupules partent vers le bas, ou vers la gauche tout en étant parallèles à la même ligne de sol ;

- comme « sortie » de la petite hache emmanchée, ou en tout cas rejoignant son tranchant, une ligne – toujours ponctuée au moyen de cupules – oblique légèrement vers le bas ; une autre lui semble parallèle, inscrite au-dessus ; les deux étant à leur tour parallèles à une ligne semblable émanant de l’angle supérieur gauche du signe quadrilatère, ces trois alignements étant peu ou prou dirigés vers le bord de l’orthostate ;

- un autre alignement, équivalent mais obliquant vers le haut, semble être orienté vers le tranchant de la grande lame emmanchée.

Il est intéressant de noter que les bordures droites des figures quadrangulaire et circulaire sont tangentes à un même axe vertical virtuel, et qu’aucune cupule ne dépasse cette limite (fig. 10) ; une limite qui coïncide de surcroît avec les tranchants superposés des deux haches emmanchées, ce qui ne peut être le fruit d’un hasard. Soulignons en aparté que S. Ferguson (Ferguson 1864) est le seul à avoir repéré deux lignes de cupules partant de la lame polie la plus basse, alors que notre figure n° 17 en 2005 ne rendait pas justice de cette bonne observation en ne rappelant que les levés, par ailleurs incomplets à cet égard, de Cussé, Closmadeuc, Le Rouzic/Péquart et Shee-Twohig.

F- (en violet) Le dernier sous-ensemble est placé à l’angle supérieur de l’orthostate ; il est ici le troisième motif (fait d’un croissant et de barres verticales) que nous interprétons comme la représentation d’une embarcation montée, dont un personnage plus grand que les autres pourrait indiquer la proue (en Scandinavie, A. Fredsjö dès 1948 traduisait cette distinction de taille d’un humain à la proue des navires de l’âge du Bronze comme la marque d’un statut particulier - Bengtsson & Bengtsson 2011, p. 38). Ce bateau n’est pas gravé parallèlement au sol actuel mais, à l’image des deux autres inscrits dans le registre inférieur, est placé en oblique par rapport à ce plan de référence. Deux particularités supplémentaires doivent être soulignées :

- la coque interrompt la ligne de cupules formant le signe circulaire sous-jacent, preuve d’un évitement volontaire dans une composition globale cohérente ; les personnages signifiés dans l’embarcation « débordent » sur la tranche supérieure de la stèle, ajoutant une troisième occurrence au sein du programme iconographique relevé sur cette même dalle, après les hors-champs notés sur l’oiseau et sur un autre bateau.[...]

Nous appellerons voyage ce déplacement suggéré des grands mobiles, réserves d’imaginaire qu’étaient en ce temps-là une embarcation et un oiseau, devant lesquels l’instrument hache crossée ouvre la voie. Nous opposons un univers révélé par des tracés continus à un autre monde signifié par des tracés discontinus, en sorte que ce jeu des interruptions nous ramène au principe fondamental du passage d’un état à un autre (Cassen 2009b, p. 65). (Cassen 2011)

.

À propos du signe-croix, Serge Cassen précise :

"Le signe en croix inscrit sur les stèles du Mané Lud est la représentation d’un anthropomorphe de type statique, du type « crucifié », la représentation d’un personnage en position arrêtée, jambes fusionnées et bras écartés, dans l’attitude la moins « narrative » qui soit ; mais peut-être aussi, par là même, la plus exceptionnelle qui soit."

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

Le groupe A : un oiseau (mal compris par celui qui a surligné la gravure), l'embarcation à équipage, la hache, le signe-quadrilatère (la terre), et la deuxième embarcation. 

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

Détail de l'orthostate n°6 partie A : le signe-quadrilatère (la terre), et la deuxième embarcation. Sur place, on comprend très peu ce que l'on voit.

.

 

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

 

 

Détail de l'orthostate n°6 partie C le bateau du bas avec son équipage dont un personnage plus grand à la proue.

 

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

 

Détail de l'orthostate n°6 partie D : les deux haches.

.

 

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer : une visite...guidée.

.

.

L'entrée dans la chambre.

.

L'orthostate n°19. Une crosse (arme de jet) au dessus d'un oiseau. Le quadrilatère "monde divisé".

.

.

.

"Les gravures  sont partagées en deux zones séparées par un ressaut naturel dans la pierre, dans le tiers inférieur ; nous considérons cette partition comme pertinente.

Dans la partie basse, (en jaune) un signe quadrangulaire est placé à la verticale, marquant plutôt le secteur droit de la dalle si l’on s’en remet à l’axe longitudinal ici dessiné (fig. 9). La figure est à son tour exactement divisée en deux par un trait horizontal. Cette surface quadrangulaire séparée en deux moitiés est l’illustration même d’un concept mieux connu par l’expression philosophique du rapport à l’altérité ; en répétant l’opération, le monde se divise, presque à l’infini (le réticulé, la grille, le damier, etc. - cf. Cassen 2007a).

Au-dessus (en rouge), un signe oiseau très affaissé, « aplati » au point de ressembler aux embarcations gravées de Scandinavie, est inscrit sur le même côté droit mais de telle manière qu’une branche montante de l’aile mord sur l’arête de la stèle et se prolonge sur la tranche. Un schéma déjà entrevu avec les oiseaux gravés sur l’orthostate 17 mais débordant là-bas sur le côté gauche.

Enfin, plus haut encore sur la pierre (en rouge), une gravure courbe terminée par une dépression grossièrement circulaire n’avait pas subi le risque d’une interprétation dans le Mané Lud en sauvetage (2003), faute de connaître la suite du tracé tronqué par la taille et la mise en forme postérieure du sommet de la stèle. Mais après la découverte du Bronzo (Cassen 2005) où une crosse gigantesque semblait stopper l’envol d’un oiseau, il nous a semblé crucial de revenir aux clichés de notre campagne photographique pour vérifier si l’amorce d’un tracé rectiligne, pouvant suggérer le manche, ne serait pas encore visible, comme par « transparence » dans la matière enlevée. Et ce fut très opportunément le cas. En sorte qu’une campagne complémentaire de relevés fut programmée en 2010 (34 clichés) pour préciser le tracé. Il y a fort à parier maintenant, malgré cette impossibilité de discuter à partir d’un document complet qui, seul, permettrait d’être bien plus affirmatif, que ce prolongement rectiligne attesté est bel et bien le manche d’une crosse qui opposerait ainsi sa zone active au signe oiseau sous-jacent, individu provenant derechef d’un hors-champ, un oiseau déplacé de la gauche vers la droite et désormais directement concerné par cette plausible frappe." (Cassen 2011)

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

L'orthostate n°21.

.

Serge Cassen

.

"Les gravures. Quatorze signes ont été inventoriés. Ils sont assemblés en bas à gauche et vers le haut à droite, distribués en oblique en laissant ainsi la surface en bas à droite et le quadrant en haut à gauche entièrement vides d’inscriptions. Nul doute que ces évitements sont volontaires.

Le signe crosse, le plus fréquent, est reproduit à cinq exemplaires, dont un est clairement appuyé sur la ligne naturelle de démarcation à mi-hauteur de l’ancienne stèle, marquant le centre de la composition ainsi que le milieu de la dalle (fig. 4). Si les manches sont plutôt droits, l’individu au contact du motif quadrangulaire présente une courbure classique et par conséquent une longueur moins importante du manche, à l’image des crosses similaires dans le corpus de la France de l’ouest. Il est d’ailleurs le seul à être penché, à l’instar du signe carré adjacent et du signe en forme d’oiseau qui le surmontent. Tous les autres signes sont en position verticale et paraissent de la sorte stabilisés.

Deux signes haches sont gravés dans chaque « moitié » de la dalle, tranchants dirigés vers la gauche, de même tous les crosserons du signe précédent sont dirigés vers la gauche, sans exception. Les manches des haches sont aussi en forme de crosse, mais si l’exemplaire du bas de la stèle laisse ressortir le talon pointu de la lame, ce n’est pas le cas du spécimen positionné en haut.

Trois signes cruciformes sont enfin regroupés dans le bas de l’orthostate, deux sont isolés mais un est directement connecté au dernier signe de ce registre puisqu’il s’inscrit à l’extrémité d’un croissant que nous interprétons comme un bateau. Nous serions par conséquent en présence d’une embarcation contenant un seul personnage central traduit par une barre verticale (le mât semble moins crédible ; voir à ce propos la transformation du mât en croix – ou inversement – dans la représentation du bateau de Saint-Vincent gardé par deux corbeaux, fig. 5), mais présentant dans le même temps, vers la proue ou vers la poupe, un autre personnage debout les bras en croix. Une ligne horizontale tracée sous cette composition introduit un égal effet de support au second personnage les bras en croix, placé en bas et au centre de la stèle, et bien qu’il n’y ait pas contact avéré entre les tracés. Ce personnage est surmonté dans son axe vertical exact par un grand signe oiseau. Le troisième cruciforme est inscrit au-dessus de cet ensemble, mais sur le côté de l’oiseau. Ainsi, les deux oiseaux sur la stèle n’ont pas de signe les surmontant directement." (Cassen 2011)

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

La dalle 25 (plancher de la chambre).

.

 

"Ce grand monolithe en orthogneiss est l’exemple type de la stèle en réemploi que Le Rouzic (1913) avait déjà identifié en ce sens dès 1913. Intensément piétinée par sa position en « plancher » qui lui fut dévolue dans la construction de la chambre, à l’instar de plusieurs tombeaux morbihannais (Kerlud, Petit Mont, etc.), on regrettera là encore que les passages innombrables effectués sur cette pierre aient abrasé, érodé, poli l’intéressante sculpture qui en marque sa partie médiane. 

Un « bandeau » en relief, d’une quinzaine de centimètres de large sur 2 à 3 cm d’épaisseur partage la surface, à la hauteur des deux points d’inflexion notés sur les deux bords, les reliant en quelque sorte ; ce positionnement est certainement voulu et désigne le secteur en pointe, actuellement dirigé vers le couloir d’accès, comme une forme signifiante, que l’on doit rapprocher de la stèle de chevet de la Table des Marchand. Ce détachement en relief est le résultat d’un large enlèvement de matière en son pourtour.  Aux deux extrémités supérieures de cette barre, deux motifs ou renflements circulaires se détachent nettement, et furent signalés en tant que tels par Le Rouzic.

En partie fouillée par son dessous par Z. Le Rouzic — lequel y trouva des objets en or — cette stèle mériterait d’être un jour soulevée afin que l’on puise en explorer sa face cachée, dont l’éventuelle composition gravée serait à même de compléter cette immense gravure en champlevé qui la partage en deux secteurs bien différenciés." (Cassen 2005)

.

Cassen 2005

 

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

La stèle 1. Le cachalot.

.

 

.

Serge Cassen, «Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan)»

.

Ce motif était auparavant interprété comme une déesse antique ou une "hache-charrue".

 

"Loin d’une fantastique déesse, il s’agit là de la figuration d’un cétacé la plus réaliste que nous ayons pu trouver dans le corpus armoricain ; il s’agit enfin de la représentation d’un cachalot, espèce déjà pressentie (Cassen et Vaquero, 2000) mais que valide irréfutablement cette découverte (tête quadrangulaire, dégagée par flexion du corps de l’animal). On rapprochera cette image donnée par l’utilisation opportuniste du relief de la pierre, observée à l’extrémité de la tête, de la figuration au rendu semblable remarquée à l’extrémité céphalique d’un des cachalots du Mané Rutual." (Cassen 2005)

"Voici une forme nouvelle, sans doute peu éloignée des restitutions de nos prédécesseurs qui en avaient reproduit les lignes directrices, mais suffisamment distante pour qu’un regard neuf puisse cette fois déclencher un autre processus de reconnaissance, à vrai dire facilité par le réalisme de la figure.

.

[...]Les unités graphiques identifiables peuvent être résumées ou décrites comme suit :

  • la tête est quadrangulaire ;
  • le souffle jaillit en « fontaine », à l’image des figurations familières de l’eau émergente (fig. 2) ;
  • la queue est profilée selon une vue latérale, en perspective ;
  • la tête et le tronc sont dans un égal rapport de proportions ; auxquels s’ajoutent : 
  • la tête « carrée » dégagée par flexion du corps de l’animal ; 
  • la flexibilité de l’appendice caudal si remarquée en mer lors du plongeon vertical qui laisse alors aisément entrevoir cet affaissement de la queue en une barre perpendiculaire au tronc ;
  • l’emprise étonnante de la tête qui occupe dans la réalité le tiers du corps de la bête, confirment notre diagnostic premier (Cassen, Vaquero, 2000) : le cétacé n’est pas une baleine, mais bien un cachalot.

[...]Remarquez la manière dont le « souffle » est rejeté vers l’avant, depuis un évent en position anatomique erronée mais suffisamment efficace à l’échelle de la représentation pour rendre compte d’un phénomène étonnant, visuel autant que sonore, qui domine l’animal émergeant au loin et sur lequel cette signature universelle est finalement centrée et abstraite.

C’est cette évacuation vers l’avant en une courbe terminée en deux traits rectilignes qui nous autorise à effectuer le rapprochement formel avec la « boucle » dégagée au-dessus de la Chose (the Thing) sur les stèles de Galice et du nord du Portugal (Cassen, Vaquero, 2000, fig. 174). Une dynamique particulière du tracé, commune aux deux contextes géographiques, qui ne peut procéder d’une simple convergence iconophile mais qui relève au contraire, à la même époque, d’une même idée graphique sous-jacente, d’une même solution partagée/adoptée pour un problème singulier de représentation, confortant l’intuition première reliant l’ouest ibérique et le sud de l’Armorique." (Cassen 2007)

 

"Cette gravure est la plus réaliste du corpus armoricain, et seuls un enregistrement insuffisant des surfaces et la croyance systématique en l’aspect anthropomorphe des menhirs ont détourné le regard et la reconnaissance (voir Cassen 2005, 2007a, pour un historique des recherches).

Le cachalot est fort bien restitué, puisque la tête occupe véritablement le tiers du corps, ce qui est exceptionnel ; le dessin rapporte bien cet allongement et la partie quadrangulaire de la tête. La rencontre des deux axes majeurs divisant la stèle se place à peu près là où devrait se trouver l’oeil de l’animal, ce qui n’est peut-être pas un accident. La nageoire caudale est également remarquable de vérité, tant sa souplesse naturelle ne laisse habituellement transparaître que cet état « plié », vu en profil, l’organe étant rabattu sous son propre poids lors de la plongée ; et dans la mesure où l’observateur n’est jamais vraiment dans l’axe exact de la bête plongeant mais plutôt placé sur un des côtés, cette dissymétrie est l’image parfaite qui peut en être donnée. Par contre, le dessin du souffle est une erreur anatomique manifeste quant à son placement sur la tête. L’évent du cachalot est en effet placé loin en avant de la tête, en son extrémité même, et l’on se demande pourquoi le graveur a fait cette erreur. Il est vrai que le souffle est le moins localisable des phénomènes observés, même depuis une embarcation, puisqu’il ne s’agit pas d’un jet mais d’un mélange gazeux et liquide largement diffusé au-dessus du corps de l’animal. Un animal difficile à voir, difficile à approcher. Aussi n’est-il pas impossible que sur ce détail précis du comportement du cachalot, le graveur ait réuni l’image générique du souffle renvoyant aux cétacés visibles à cette époque.

En définitive, ce réalisme de la figure n’est pas superposable aux gravures connues sur la même commune (Table des Marchands, Grand Menhir) et plaide probablement pour une date plus ancienne de la réalisation, avant que ne se poursuive le processus d’abstraction et de simplification des grandes unités graphiques (corps, tête, souffle, queue, pénis, melon) qui atteindra un extrême avec la stèle de Dissignac. Dissignac est également le seul signe à être représenté tête vers la gauche, car au Mané Lud le mouvement de l’animal est bien suggéré de la gauche vers la droite, à l’instar de tous les autres signes similaires du corpus." (Cassen 2011)

.

Comme l'indique Serge Cassen, on retrouve des gravures de cachalots, jadis considérées comme des "haches-charrues" sur d'autres mégalithes du Morbihan (La forme d'une chose, S. Cassen, 2000) :

  • Le Grand Menhir brisé du site de la Table des Marchands (Locmariaquer)
  • La dalle de couverture du cairn de Gavrinis (Larmor-Baden), ré-emploi d'un fragment d'un menhir de 14 mètres voisin du Grand Menhir de Locmariaquer.
  • Le menhir de Kermaillard (Sarzeau), avec une embarcation heurtant un quadrilatère-monde.
  • L'orthostate n°6 de la tombe à couloir de Mané-Rutual (Locmariaquer), avec une scène interprétée comme un affrontement avec une embarcation.
  • L'orthostate de la tombe à couloir de Pen-Hap à l'Île-aux-Moines.
  • Le plafond de la tombe à couloir de Kercado à Carnac,
  • sur le site de Kerhan-Lann Porz Menec à Ploemeur.

On le trouve également à Dissignac (Saint-Nazaire, Loire-Atlantique)

Un processus d'abstraction du dessin progresse de Mané Lud à Gavrinis puis à Dissignac.

Le rapprochement est fait également avec des gravures des stèles de Galice et du nord du Portugal (Aboboreia, Dombate, Casa Dos Mouros).

.

 

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

L'orthostate n°1A : signes en U superposés : vol groupé de 4 oiseaux.

.

Orthostate n°1A. Serge Cassen, «Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan)»

.

"Le sommet de la stèle fut manifestement cassé. Trois trous percés sous les motifs néolithiques
rappellent une ancienne tentative de carrier pour débiter la roche." (Cassen 2005)

"En somme, la stèle présente un vol groupé d’oiseaux, dont la disposition ne suggère aucune direction de déplacement, ni d’un côté ni de l’autre, ou alors plutôt vers l’avant, ou bien vers l’arrière. À moins qu’il ne s’agisse que d’un procédé commun de rangement et d’ordination, par répétition d’un objet. Mais l’imbrication des sujets signifie probablement davantage que la seule action itérative ; c’est en tout cas un procédé retrouvé à l’identique à Gavrinis, par exemple sur le bloc en réemploi RS2 avec ses six oiseaux imbriqués et superposés (aujourd’hui peu visibles), contraints entre deux autres signes semblables mais trois plus grands." (Cassen 2011)

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

.

La stèle 2. Une lame de hache ; deux crosses ; trois oiseaux ; une embarcation sans équipage ?.

.

.

"Une lame de hache triangulaire, tranchant dirigé vers le haut, est sans problème identifiée dans la partie basse, et se conforme à un modèle bien inventorié dans l’ouest de la France. Sa verticalité peut donc corroborer l’état actuel d’implantation du support, malgré son sommet fracturé qui peut en effet plaider en faveur d’une mise en forme à l’occasion du réemploi d’une stèle préexistante.


Au sommet du monolithe (le sommet actuel, que l’on sait tronqué), un premier signe quadrangulaire complet est disposé à peu près dans l’axe longitudinal, mais en réalité plutôt inscrit dans le quadrant droit. Il semble prolongé par des segments rectilignes et verticaux, qui confortent ainsi, avec le rectangle gravé, l’orientation donnée par la lame de hache et l’implantation de l’orthostate. Ces segments sont malheureusement difficiles à lire et seul le fragment supérieur paraît faire partie intégrante d’un second motif plus complet, grossièrement quadrangulaire, qui chevauche l’autre quadrilatère plus régulier, sans que l’on puisse connaître la chronologie relative des tracés. Une diaclase naturelle est mise à profit pour « poser » le segment de base de cette seconde figure. D’autres segments incertains marquent le quadrant supérieur gauche mais il est impossible d’y reconnaître une figure géométrique familière ou un motif déjà recensé.

 

Plus satisfaisante est l’interprétation des gravures sur le côté droit de la stèle. Quatre familles de signes se succèdent ; ainsi, du haut vers le bas, peut-on décrire :
- deux signes en crosse opposés par leur partie active ;
- trois signes oiseaux imbriqués, à l’image de l’orthostate 1A ;
- un signe rayonnant difficilement identifiable ;
- enfin un signe courbe – lui aussi, comme le précédent, très abîmé par le nettoyage des années 1990 – que nous sommes tentés d’interpréter comme le bateau du registre armoricain, mais une embarcation sans équipage. |...] en somme, un bateau est surmonté d’un signe non identifié, l’ensemble est surmonté de trois oiseaux en plein vol « stationnaire », et le tout est couronné par un couple de crosse qui, avec les oiseaux ainsi disposés, reproduisent un schéma structural déjà inventorié sur la commune de Locmariaquer, comme au Mané er Hroëck (Twohig 1981)." (Cassen 2011)

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.

.

Au total.

"Les orthostates enregistrés dans la tombe à couloir du Mané Lud sont très probablement les ultimes témoins d’un ouvrage de pierres dressées qui, peut-être, accompagnait la ciste enfouie sous le tumulus plus ancien à l’extrémité duquel s’est adossé le dolmen daté des débuts du IVe millénaire. Les dimensions homogènes des dalles et la réalisation technique comparable des gravures sur leurs faces visibles s’ajoutent à une remarquable convergence des signes permettant de conclure, sans risque majeur, à l’existence d’un ensemble architectural cohérent (barre rectiligne ou barre curviligne de stèles). Ainsi, les monolithes du Mané Lud auraient été placés à l’extrémité nord-ouest de la dorsale de Locmariaquer, fermant (ou débutant) la suite des ouvrages semblables édifiés à Kerpenhir, Men Letionnec, Mané er Hroëck et Grand Menhir, tous montant et barrant cette ligne topographique sur près de 3 km. "

Cette première barre de stèle serait contemporaine de la stèle en grès occupant le fond de la Table des Marchands, avec des datations vers 4600-4300. La réorganisation des stèles de Mané Lud I pour former le dolmen daterait du début du IVe millénaire (en même temps que la Table des Marchands).

.

La visite solitaire et libre de ce site est une expérience très forte puisque le franchissement d'un seuil (jamais anodin) puis la progression dans un couloir voûté étroit et l'arrivée dans une chambre au silence lapidaire mais serein s'accompagne d'une part de l'aventure mentale de la confrontation  troublante avec les traces d'humains des Ve et IVe millénaires; et surtout du face à face avec l'expression de leur pensée et de leur spiritualité. Que cette pensée nous échappe très largement n'évite en rien le choc de la rencontre avec une altérité fraternelle. 

En outre, ou surtout, cette rencontre passe par la contemplation finale du  Cachalot. Il ne s'agit surtout pas d'une scène de chasse, mais de la représentation d'un être mythique transcendantal, de l'archétype du Sauvage.

En des lignes magnifiques, Serge Cassen (Mané Lud en mouvement) explore toutes les dimensions philosophiques et anthropologiques de ses découvertes archéologiques et ouvre les perspectives d'un voyage vers la mort d'un Roi du "Royaume de Carnac", mené dans cette transition entre deux états par un navire sans équipage et accompagné des signes qui lui confèrent le pouvoir : armes de jet, haches, embarcation à équipages, oiseaux , et monde en miniature.

 

 

.

Cette visite est terminée, mais vous pouvez la prolonger  par la reconstruction 3D  de Mané Lud sur sketchfab:

https://sketchfab.com/3d-models/dolmen-de-mane-lud-locmariaquer-2d31a7610ea7433daf18ef60ee841da9#upload

.

 

.

 

.

.

SOURCES ET LIENS.

.

—CASSEN (Serge),VAQUERO LASTRES J., 2000, La Forme d’une chose, in: Eléments d’architecture : exploration d’un tertre funéraire à Lannec er Gadouer (Erdeven, Morbihan) : constructions et reconstructions dans le Néolithique morbihannais : propositions pour une lecture symbolique, Cassen S. (Dir.), Chauvigny, Association des Publications chauvinoises (A.P.C.), 2000, p. 611-656 (Mémoire ; 19).

https://www.academia.edu/2065171/La_forme_dune_Chose

—CASSEN (Serge), 2003, Cassen & Vaquero Lastres 2003a, CASSEN S., VAQUERO LASTRES J., Relevés de gravures pariétales. Le Mané Lud (Locmariaquer, Morbihan - 2002/2003). Propositions pour un nouveau corpus des signes gravés, Rennes : Rapport d’opération programmée sous convention de recherche, SRA/DRAC Bretagne et Laboratoire de Préhistoire, Université de Nantes s.l., s.n., 2003a, 32 p., 41 fig.

 

—CASSEN (Serge), 2005, CASSEN S., LEFÈBVRE B., VAQUERO LASTRES J., COLLIN C., Le Mané Lud en sauvetage (Locmariaquer, Morbihan) : enregistrement et restitution de signes gravés dans une tombe à couloir néolithique, L’Anthropologie (Paris), Paris, 109, 2, 2005, p. 325-384.

https://www.academia.edu/1954737/Le_Man%C3%A9_Lud_en_sauvetage_Locmariaquer_Morbihan_Enregistrement_et_restitution_de_signes_grav%C3%A9s_dans_une_tombe_%C3%A0_couloir_n%C3%A9olithique

—CASSEN (Serge), 2007, Le Mané Lud en images : interprétations de signes gravés sur les parois de la tombe à couloir néolithique de Locmariaquer (Morbihan), Gallia Préhistoire, Paris, 49, 2007a, p. 197-258.

https://hal.science/hal-02345835v1/file/GP_49_197-258_CASSEN.pdf

 

 

— CASSEN (Serge), 2011, «Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan)», Préhistoires Méditerranéennes [Online], 2 | 2011, online dal 26 mars 2012, consultato il 28 avril 2023. URL: http://journals.openedition.org/pm/582; DOI: https://doi.org/10.4000/pm.582

https://www.academia.edu/1954748/Le_Man%C3%A9_Lud_en_mouvement_D%C3%A9roul%C3%A9_de_signes_dans_un_ouvrage_n%C3%A9olithique_de_pierres_dress%C3%A9es_%C3%A0_Locmariaquer_Morbihan_52

 — CASSEN (Serge), GRIMAUD (Valentin) 2016, PAYSAGES DE MEGALITHES. Corpus des signes gravés néolithiques 2016.

 

https://www.megalithes-morbihan.fr/fileadmin/user_upload/Les_sites/Corpus_signes_graves.pdf

— Documentaire film, juin 2021 " CARNAC, Sur les traces du royaume disparu", 1h 35'

https://www.youtube.com/watch?v=_QR_ALrSLkE

 

— GALLES (René), 1864, "Étude sur le Mané-Lud de Locmariaquer," Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 10 (Juillet à Décembre 1864), pp. 355-364 (10 pages)

https://doi.org/10.11588/diglit.24252.50

 

— MEGALITHES DU MORBIHAN

http://www2.culture.gouv.fr/culture/arcnat/megalithes/

— PAYSAGES DE MEGALITHES

https://www.megalithes-morbihan.fr/les-sites/tumulus-de-mane-lud.html

— LIEUX INSOLITES

https://www.lieux-insolites.fr/morbihan/man%E9%20lud/lud.html

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Néolithique. Sculptures Monument funéraire Navires sculptés

Présentation

  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
  • Contact

Profil

  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

Recherche