Les inscriptions lapidaires de fondation de l'enclos paroissial de Lampaul-Guimiliau : 1533-1679.
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Sur Lampaul-Guimiliau :
L'intérieur de l'église :
L'extérieur de l'enclos :
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Les crossettes et gargouilles (granite, 1602-1667) de l'église et de l'ossuaire de Lampaul-Guimilau.
Le porche :
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Le porche de l'église de Lampaul-Guimiliau II : les quinze anges (vers 1533).
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Le porche de l'église de Lampaul-Guimiliau II : les Apôtres, la Vierge et les Saints (kersanton, vers 1533).
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La façade (1533) du porche sud de l'église de Lampaul-Guimiliau.
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Rappel chronologique.
Les inscriptions lapidaires de l'enclos (en rouge infra) permettent de documenter la construction de l'église et des autres parties de l'enclos, et parfois d'en connaître les commanditaires, qui sont les deux "fabriques" en exercice pour l'année. J'ai indiqué en bleu les éléments datés de l'intérieur de l'église.
La construction de l'église a débuté par celle de la nef (peut-être en remplacement progressif d'une église romane dont il ne subsiste aucune trace).
1530 : Déploration en bois.
1533 : début argumenté de la construction de l'église, par son tiers sud-ouest.
1573 : tour-clocher (ouest), le 19 avril.
XVIe siècle : retable anversois de la Passion
1609 : les travaux se poursuivent sur l'élévation nord et sa porte datée du 31 mai 1609.
1622 : progression de la nef vers l'est : date sur la porte sud.
1627 : construction du chevet et dédicace (consécration) de l'église.
1634 : Bannière de Saint-Pol.
1650 : Fonts baptismaux : dais et dôme par Millio ROPARZ et Hervé ABGRALL fabriques
1651 : Fonts baptismaux par Laurens ROPARTZ et L. ABGRAL
1660 : tribune ouest par G. BRAS et Y. POULIQUEN.
1662 : tableau de la Sainte Famille pour le retable de Sainte Anne, peint par Nicolas FLOCH.
1667 : construction de l'ossuaire par I. GOFF et I. GUILLOU fabriques.
1667 : Bannière de la Vierge.
1669 : construction de l'arc de triomphe donnant accès au placître et à son cimetière, par A. RANNOU et C KERTANGUY fabriques.
1673-1679 : sacristie, par A et Y POVLIQVEN fabriques, H. GVILLERM étant recteur. Porte intérieure faite en 1679 par le menuisier PAVL LE GOFF, POVLIQVEN étant fabrique.
1676 : Mise au Tombeau sculpté par Anthoine Chavagnac, par commande des fabriques I. LEGAT et H. POVLIQVEN , H. GVILLERM étant recteur et C. ABGRALL curé.
1684 : lambris du chœur peints par François LERREL
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Le porche sud : 1533.
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"L'église de Lampaul-Guimiliau, autrefois Lampaul-Bodénès, trève de Guimiliau, dédiée à Notre Dame et à saint Pol, premier évêque de Léon, est bâtie sur l'emplacement d'un monastère fondé par ce Saint dans le cours de ses pérégrinations à travers le pays qu'il évangélisait.
L'édifice actuel, qui a dû remplacer une église romane dont on ne trouve plus aucun vestige, a été construit par parties à des époques diverses, comme le constatent le style et les dates inscrites en différents endroits. C'est par le porche et l'angle Ouest du bas-côté Sud qu'on a commencé cette reconstruction, remontant à 1533, Là, l'ornementation et la structure sont encore absolument gothiques, avec quelques mélanges cependant de détails indiquant l'influence de la Renaissance." (Abgrall)
L'inscription fondatrice est étudiée ici :
http://www.lavieb-aile.com/2019/04/la-facade-du-porche-sud-de-lampaul-guimiliau.html
J'en rappelle le texte : "L'an 1533" :
LAN MIL Vc XXX III
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Deux contreforts, posés sur les angles, accostent cette arcade, et sur les faces intérieures de chacun sont deux petits anges tenant une banderole avec ces légendes en caractères gothiques : Bonnes gens qui ycy passez priez Dieu pour les trépassés. Benedictus qui venit in nomine Domini.
Les inscriptions sont étudiées ici :
http://www.lavieb-aile.com/2019/04/le-porche-de-l-eglise-de-lampaul-guimiliau-ii-les-anges.html
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La tour-clocher : 1573.
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Le clocher, bâti 40 ans après le porche, était avec ses 70 mètres l'un des plus hauts du Finistère, après le Kreisker (78 m.). Il doit sa forme tronquée à la foudre qui en a détruit la flèche en 1809, et l'a amputé de 18 mètres.
Le bas de la tour s'ouvre sur l'extérieur par trois arcades de style classique, formant un porche. Elle porte deux inscriptions datées de 1573.
La première occupe le coté sud-ouest, à l'angle d'un contrefort à coté du dais d'une niche. Elle est dégradé et je ne lis plus que :
L'A[N] / M : V : [XX]X
III
Le [N] est restitué d'après le tilde inscrit sur le A : Ã. Les deux X entre crochets [XX] sont ceux qui s'imposent mais qui sont manquant en raison d'une entaille. Elle est gravée sur un bloc de kersanton détérioré sur son quart droit, en lettres gothiques et en chiffres romains. Si nous la comparons aux inscriptions de l'église du Faou, où celle de 1593 est également en lettres gothiques et chiffres romains, alors que celles de 1603 et 1613 sont en chiffres arabes, et que les suivantes à partir de 1628 adopte les majuscules classiques, nous constatons une cohérence dans la chronologie d'un style à un autre en Basse-Bretagne.
La dégradation du bloc de pierre est-elle consécutive à l'écroulement de la flèche du clocher en 1809 ?
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Deuxième inscription de la tour-clocher.
On lit sur l'architrave :
ANNO : D[OM]INI : 1573 : DIE : 19 : APRILIS : FV[N]DATA : FVIT : HEC : TVRRIS
"L'an du Seigneur 1573, le 19ème jour d'avril, fut fondée cette tour". (les lettres entre crochets sont abrégées par un tilde ~ sur l'inscription).
Si la date du jour et du mois est indiquée, c'est qu'e cette précision est importante. Si j'en crois ce site, le jour de Pâques était, en 1573, le 22 mars.
http://5ko.free.fr/fr/easter.php?y=16
Le 19 avril 1573 correspond alors au quatrième dimanche du Temps Pascal.
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La porte nord : 1609.
La porte percée dans le bas-côté nord est encadrée par deux colonnes cannelées, le cintre est formé de claveaux saillants et la frise est ornée de cette inscription qu'a lu le chanoine Abgrall : ANNO : DOMINI : 1609 : DIE : VLTIMA : MAII . Au-dessus est une niche qui abrite actuellement une statue en kersanton de saint Jean l'Evangéliste.
Je n'ai pu lire ni photographier correctement l'inscription, mais il faut la traduire ainsi : "l'an du Seigneur 1609, le dernier jour de mai".
En suivant le raisonnement et le site précédent, Pâques tombait en 1609 (calendrier grégorien depuis le 15-10-1582) le 19 avril, et la date indiquée ici correspond au septième dimanche du Temps Pascal, juste après l'Ascension.
La porte est surmontée d'une plaque en kersanton qui portait des armoiries aujourd'hui huchées.
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La petite porte sud : 1622.
En avançant vers l'abside, on trouve dans le bas-côté Sud une porte dont le pilastre et le couronnement présentent un curieux mélange de gothique et de Renaissance. Sur l'entablement se lit cette date :
A : D : 1622 :
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Le chevet de l'église : 1627.
Sous la fenêtre sud du chevet, près du contrefort, la date de 1627 est inscrite, en chiffre arabes, assez discrètement et dans un cartouche à peine marqué.
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Dans le pignon qui couronne la fenêtre Sud du chevet, un cartouche porte cette inscription :
BENE : FVNDATA : EST : DOMUS : DOMINI.
Il s'agit d'un extrait d'une antienne du Commun de la dédicace d'une église (Bréviaire romain) : Bene fundata est domus Domini supra firmam petram , "La maison de Dieu a été bien fondée sur un roc solide". Elle a été particulièrement étudiée par Robert Favreau dans les Études d'epigraphie medievale, Volume 1 : Lors de la dédicace, après avoir consacré l'autel, l'évêque faisait trois fois le tour de l'église à l'intérieur, en aspergeant les murs chaque fois un peu plus haut, et on chantait Haec est dommus etc, texte inspiré de l'Ecriture (Matthieu 7:24-25 et Luc 6:48) mais d'expression liturgique. On la trouve sur l'église romane de Civaux, à Châteauneuf -sur-Charente au XVe s, à Saint-Frutos en Castillle en 1100, à la commanderie du Fouilloux à Neuville -les-Decize, sur un chapiteau du XIIe de saint-Etienne de Romorantin-Lanthenay.
Elle était chantée en grégorien et appartient aux antiphonaires les plus anciens, comme celui de l'abbaye de Saint-Gall.
https://gregorien.info/chant/id/996/0/fr
https://www.e-codices.unifr.ch/fr/csg/0391/135
Son texte entier est le suivant :
Haec est domus domini firmiter edificata, bene fundata est super
Bene fundata est domus Domini supra firmam petram
Lapider preciosi omnes muri tui exturres hierusalem gemmis aedifi
Mane surgens iacob erigebat lapidem intitulum.
En 1627, l'évêque de Cornouaille qui procéda à cette consécration était Guillaume Le Prestre de Lezonnet. Il faut imaginer l'affluence attirée par cette cérémonie, la procession autour de l'église, les chants, les sonneries des cloches, ...
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Deuxième inscription du chevet.
De l'autre côté, au-dessus de la fenêtre Nord se trouve un cartouche de même taille et de même forme que la précédente, mais dont l'inscription est érodée. Le chanoine Abgrall y a lu en 1891 :
O : QVAM : METVENDVS : EST : LOCVS ; ISTE.
Cette inscription se retrouve aussi à Guimiliau et à Saint-Sauveur du Faou :
-Le Faou, porche ouest, vers 1628 :
- Gouesnou, porche :
http://www.lavieb-aile.com/article-eglise-de-gouesnou-inscriptions-et-armoiries-117905766.html
Elle correspond également à un chant grégorien dont le texte est le suivant :
O quam metuendus est locus iste!
vere non est hic aliud,
nisi domus Dei et porta caeli.
Que ce lieu est redoutable !
vraiment, ce n’est ici rien d’autre
que la maison de Dieu et la porte du ciel.
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LA SACRISTIE : 1679 .
La sacristie à deux étages sur plan rectangulaire à chevet à trois pans, et à chacun des angles monte un contrefort puissant et très orné, couronné aussi d'un clocheton. "Autrefois, cette sacristie avait un aspect plus pittoresque et plus artistique, lorsqu'elle était couverte d'une toiture en pavillon avec deux beaux épis ou deux belles urnes en plomb au-dessus des poinçons des Groupes. Le toit de la tourelle d'escalier était également surmonté d'un épi en métal." (Abgrall)
Elle porte deux ensembles d'inscriptions, l'un sur le pan nord, l'autre sur les pans nord-ouest.
a) Sur le pan nord-est, sous la fenêtre à épais barreaux (la sacristie contenait le coffre-fort), on lit :
A : ET : Y : POVLIQUEN : LORS : FABRIQVES : 1679.
Y[ves] POULIQUEN était également fabrique en 1660 puisque son nom figure (avec celui de G. BRAS) sur le coté nord de la tribune des orgues.
Le patronyme POULIQUEN est parfaitement attesté dans la paroisse à cette date . "A. POULIQUEN" peut correspondre à un Alain Pouliquen.
http://lesgall.pagesperso-orange.fr/ff540.htm#P_6209
http://lesgall.pagesperso-orange.fr/ff538.htm
http://lesgall.pagesperso-orange.fr/ff537.htm#P_3150
Nous retrouvons le nom de cette famille sur la porte intérieure de la sacristie :
PAVL. LE. GOFF. FLOCH, FAIT. FAIRE : P : POVLIQVEN : FABRIQVE. 1679.
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b) sur les pans nord et nord-ouest de la sacristie, on lit , en deux inscriptions distinctes:
1. Sous une fenêtre à barreaux au dessus de la porte, dans un cartouche, en lettres majuscules droites :
FAIT: FAIRE : DV : TEMPS : DE MESSIRES : H
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2. Sous la troisième fenêtre à barreaux, la suite :
GVILLERM RECTEV
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Le pluriel Messires annonce deux noms, celui du recteur et celui de son "curé" ou vicaire, mais je ne trouve pas ce dernier nom, qui est celui d'Abgrall.
Le recteur H. [Henri ?] Guillerm est en effet également connu par une inscription de l'intérieur de l'église , celle de la Mise au Tombeau de 1676 :
M : H : GVILLERM : P : M : C / ABGRALL : CVRE
FAIT: F : PAR: I : LEGAT : H: POVLIQVEN
FABR[QVE· 1676.
Mais ce recteur "H. GVILLERM" (Henri Guillerm ?) est aussi celui dont le nom est inscrit à Guimiliau, puisque Lampaul-Guimiliau était alors une trève de Guimiliau. On le trouve nommé sur la chaire à prêcher (1677), et sur le baptistère (1675) : RE :M:H: GVILLERM : SIEVR : RECTEVR : LORS: IAN: TANGVY: E: HERVE :LE MEVR :FABRIQVES : 1677:" (chaire) et : 1675 F : DV : TEMPS : DV : VENERABLE : M : H : GVILLERM : RECTEVR ..... LORS : DERIEN : POVLIQVEN : & : IACQVES : QVOTAYN : FABRIQVE. (Baptistère).
http://www.lavieb-aile.com/2016/11/les-huit-sibylles-de-l-eglise-de-guilmiliau-finistere.html
Le chanoine Abgrall a relevé de nombreuses inscriptions, à Guimiliau et à Lampaul-Guimiliau notamment, mais il n'a pas relevé celle-ci sur la sacristie.
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L'OSSUAIRE.
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L'ossuaire de 1667.
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Au dessus de la porte est : MEMENTO MORI.
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La porte de l'ossuaire et l'Arbre de vie.
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Au dessus de la porte : la statue en kersanton du Christ-Sauveur.
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Sur le pan sud-est du chevet : I. GOFF : Y : GVILLOV : F: 1667.
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Sur un lanternon : PARZ HANR.
avec un N rétrograde.
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Sur l'un des gables : "C. KGOAT... KBRAT. 1669." .
soit C. KERGOAT (et) KERBRAT 1669.
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L'ARC DE TRIOMPHE (1668).
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Du coté de l'enclos : A. RANNOV. Y.KTANGVY : F : 1668 .
a) Le nom de RANNOV se trouve aussi gravé sur un calvaire de la paroisse, à Cosquer-Bihan, Croaz-Kernévez avec la date de 1621 sur le socle et l'inscription RANNOV , sous une des premières réalisations en kersanton du sculpteur Roland Doré.
Les généalogistes connaissent bien cette famille RANNOU sur la paroisse, dès le XVIe siècle.
https://gw.geneanet.org/oberthele?lang=fr&v=RANNOU&m=N
b) K.TANGUY se lit KERTANGUY. Yves ou Yann Kertanguy
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SOURCES ET LIENS.
—ABGRALL (Jean-Marie), 1891, Notice sur l'église de Lampaul-Guimiliau , Bulletin de la Société archéologique du Finistère .
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f92.image
— ABGRALL (Jean-Marie), 1916, Notice sur l'église de Lampaul-Guimiliau, B.D.H.A. page 65 .
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eb8a12b7e12798d2ef6eea2b182e7115.pdf
— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère, Société Archéologique du Finistère - SAF 1915 tome 42 - Pages 189 à 216
— ARMET (Alain), photos
http://www.collections.musee-bretagne.fr/resultat.php?type_rech=rs&index%5B%5D=fulltext&bool%5B%5D=&reset=1&nr=1&value%5B%5D=%22lampaul-guimiliau
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Notice sur Lampaul-Guimiliau , Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm. ISBN 978-2-950330-90-1.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/ffdece473d8b2cacb3b0124f2e647d77.pdf
— COUFFON (René), 1964 Quelques considérations sur la sculpture religieuse en Basse-Bretagne du 12e au 19e siècle In: Bulletins et mémoires. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord vol. 92 (1964) p. 21-52
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
— PELLETIER (Yannick), 1991, Lampaul-Guimiliau, ed. Jean-Paul Gisserot, 32 p.
- Y.-P. Castel : Lampaul-Guimiliau (Rennes, 1979) Non consulté.
- M.-M. Tugorès : Le retable de saint Jean-Baptiste de Lampaul-Guimiliau (B.S.A.F. 1980) Non consulté.
- Christel Douard et Roger Barrié : Lampaul-Guimiliau : Un enclos paroissial du Léon (Châteaulin, 1987), Photos de D. Le Doaré et D. Soret. . Broché. 32 pages. Non consulté.
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