Le mobilier de l'église de Guengat : le confessionnal de 1840, l'autel "face aux fidèles" et ses panneaux de 1843, et leurs inscriptions en "ancien breton".
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Voir sur Guengat :
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La maîtresse-vitre de la Passion (vers 1550) de l'église de Guengat (29).
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Les verres roses des vitraux datant vers 1500 de l'église Saint-Fiacre de Guengat : la baie 4.
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L'église de Guengat II : Statues, sablières et inscriptions.
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8 mars : mes premières coccinelles 7-punctata jouent à saute-mouton
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PRÉSENTATION.
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En 1840, le menuisier Vincent Garrec construisit un confessionnal pour l'église de Guengat, et orna les panneaux de sculptures et d'inscriptions en français et en "ancien breton" énigmatique.
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Trois ans plus tard, le menuisier Vincent Garrec, de Guengat, sculpta les panneaux d'une chaire à prêcher avec un corpus d'inscription en "ancien breton" et les data de 1843. Aucun auteur ne décrit cette chaire, mais René Couffon signale que ses panneaux furent réutilisés pour "l'autel face au peuple" (qu'imposèrent les nouvelles règles liturgiques du concile Vatican II à partir de 1965). Le corpus d'inscriptions de cet autel, qui se répartit sur quatre panneaux, permet de mieux comprendre les inscriptions du confessionnal. C'est pourquoi je le décrirai en premier.
Christian Jouin me communique deux clichés de cette chaire :
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I. L'AUTEL FACE AUX FIDÈLES DU XXe SIÈCLE ET SES PANNEAUX DE 1843.
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Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Les inscriptions.
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L'abbé Yves-Pascal Castel, du Service de l'Inventaire Général, les a étudiées et ses conclusions ont été publiées paru dans le Courrier du Léon du 12 mai 1986.
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"Il y a sur le maître-autel de l'église de Guengat une inscription étrange qui a attiré récemment l'attention des chercheurs de l'Inventaire général de Rennes. Pendant un certain temps, l'énigme que posaient les caractères sybilliens (sic) demeurèrent indéchiffrables. Mais grâce à la publication d'un dessin dans le bulletin de la Société archéologique du Finistère, les éclaircissements arrivèrent de toute part. On aurait pu s'épargner un tel déploiement de force !
À Guengat même, quelqu'un connaissait le sens des signes gravés sur l'autel : Jérôme Garrec en avait soigneusement fait le relevé par la méthode du frottis et communiqué depuis longtemps au cercle de ses intimes la signification des caractères mystérieux. Il le savait par tradition familiale, étant le petit-fils de Vincent Garrec, le menuisier lettré qui exerçait son art au bourg de Guengat au milieu du XIXe siècle.
Vincent GARREC ne manquait pas de talent. La chaire à prêcher et le confessionnal qu'il fournit en 1840 et 1843 à l'église paroissiale sont dans le pur style rocaille florissant au XVIIIème siècle et dont l'engouement se prolongea, on le voit ici, jusque dans le milieu du XIXème siècle. Le témoignage le plus ancien attestant des signes mystérieux utilisés par le menuisier de Guengat se trouve consigné dans la Grammaire du Père MAUNOIR, datée de 1659 qui l'appelle l'Alphabet des anciens Bretons Armoriques. D'après MAUNOIR, il est tiré « partie d'un ancien calice de l'abbaye de Landévennec, partie de quelques anciens bâtiments et monuments de la Bretagne ». (Castel 1986)
"Alphabet des Anciens Bretons Armoriques, tiré d'un ancien Calice de l'abbaye de Landevenec, d'une Croix de Pierre en Plou-Sané, à deux lieues de Breft, du Château de Lezafcoët près de Doüarnenez, dans les pierres de taille que j'ai vu en place en 1701 étoient toutes marquées de ces Caractères & de quelques autres Anciens monuments de la Bretagne."
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"On voudrait bien en savoir plus sur ce fameux alphabet, dont on ne trouve de traces gravées que par Vincent Garrec deux siècles plus tard.
Entre temps, les auteurs de Dictionnaires bretons, Grégoire DE ROSTRENEN en 1732, et Dom LE PELLETIER en 1752 , ont redonné l'alphabet armoricain, dans leurs ouvrages. Par chance, le premier indique, pour ce qui est des monuments sur lesquels on le trouve, en plus du calice disparu, les pierres du château de Lezarscouet près de Douarnenez, affirmant qu'il les avaient vues en 1702."
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"Si l'on ne possède aucune description des caractères du calice de Landévennec, BACHELOT DE LA PYLAIE donne le dessin des glyphes de Lezarscouët, comme il les appelle dans les planches ses « Études archéologiques et géographiques ».
Or ces glyphes ne ressemblent guère aux tableaux donnés par Grégoire DE ROSTRENEN ou Louis LE PELLETIER. Ce sont tout simplement des marques de tailleurs de pierre. Les glyphes ressemblent fort aux signes relevés par nous sur les pierres de taille des façades du manoir de Moëlien, en Plonévez-Porzay. Il n'y a guère de doute et chacun peut en faire la vérification lui-même.
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Ainsi l'on n'est guère à notre connaissance très documenté sur ce curieux sujet de l'alphabet armoricain.
Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est de savoir comment Vincent GARREC de Guengat a pu être au courant de ces caractères, dits armoricains. Est-ce le fait d'un recteur érudit qui possédait dans sa bibliothèque la Grammaire de MAUNOIR ou bien l'un des dictionnaires que nous avons cité plus haut, qui aurait communiqué au menuisier local l'alphabet ?
En examinant le relevé que nous donnons on remarquera que GARREC en use très librement. Pour certaines lettres, il utilise l'alphabet romain qui est, tout simplement, le nôtre. Par exemple, le MU de l'abréviation du mot menuisier est parfaitement compréhensible pour nous... Cet intérêt de Vincent GARREC pour l'alphabet armoricain témoigne d'un goût pour un ésotérisme, qui a toujours fasciné, à toutes époques et que nos contemporains, avides de mystères au milieu d'un monde en proie à la rationalité, sont en train de redécouvrir." (CASTEL (Y.P.) :Esotérisme ? L'Alphabet Armoricain. Une curiosité peu connue - In Progrès de Cornouaille - 12/V/1986.). https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/27060aae6f0ed8a6bcba4b01005569a4.jpg
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Yves-Pascal Castel donne la transcription suivante des signes gravés sur la chaire à prêcher de 1843 transformée en autel :
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Traduction de la première inscription.
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PHILIPPE GUEGUEN
ADJOINT TRESORIER
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Il faut sans doute comprendre : "PHILIPPE, adjoint. GUEGUEN, trésorier". En effet, les généalogistes ne mentionnent aucun Philippe Guéguen, mais par contre, de nombreux habitant de Guengat portent le patronyme PHILIPPE au XIXe siècle. Enfin, une inscription de 1838 à la voûte du chœur indique : "MARCHAND, Recteur. LE QUÉAU, Maire. PHILIPPE, adjoint. GUÉGUEN, trésorier 1660-1838".
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Traduction de la deuxième inscription.
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LE QUEAU MAIRE.
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Cette inscription mentionne le nom de Jean-Louis LE QUÉAU, né le 17 mai 1801 à Le Merdy, Guengat, et décédé le 9 avril 1849 à Guengat. Il fut maire de Guengat de 1836 à 1846.
https://gw.geneanet.org/kerangal?n=le+queau&oc=&p=jean+louis
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Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Traduction de la troisième inscription :
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GARREC VINCENT MU [MENUISIER] 1843.
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Vincent Garrec est le fils de Guillaume Le Garrec, (Plonéis,1785-1840), menuisier (acte de mariage 1831) et de Marie Anne Perrine Jugeau (1787-1866). Il est né à Lezmel, Plogonnec le 22 juin 1807 et est décédé le 8 février 1878 à Lestraon, Guengat. Sa profession de menuisier est précisée dès son premier acte de mariage en 1831. Il épousa en 1831 Marie Catherine Coadou 1797-1836, dont il eut deux enfants Marie-Anne et Vincent, puis il épousa le 19 septembre 1836, à Guengat, Marie Catherine Lozachmeur ?1814-1887 dont huit enfants.
https://gw.geneanet.org/aaannagenea3?n=garrec&oc=&p=vincent+jean
https://www.geneanet.org/archives/actes/actesenligne/4925809
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Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Traduction de la quatrième inscription :
MARCHAND RECTEUR.
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Cette inscription renvoie à Clet-Marie MARCHAND, de Cléden-Cap-Sizun, recteur de Guengat de 1834 à 1849 (Abgrall). Il peut être assimilé au prêtre Clet Marchand, Trouguer en Cléden-Cap-Sizun 25 juillet 1799/ Bourg de Cléden-Cap-Sizun 9 août 1884.
https://gw.geneanet.org/mjcoat?n=marchand&oc=1&p=clet
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Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Panneau (1843) de l'autel (XXe siècle) de l'église de Guengat. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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II. LE CONFESSIONNAL DE 1840.
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Le confessionnal de 1840, classé au titre d'objet au 15-06-1999 a été décrit en 1984 par Yves-Pascal Castel qui en a déchiffré les inscriptions. La base Palissy le décrit comme "confessionnal n°2" dans sa notice PM290004857, en indique les mensurations avec sa hauteur de 3,90 m, sa largeur de 2,50 m et sa profondeur de 1,30 m. Il a été restauré en 1992.
Il est placé contre le mur nord de la chapelle du bas-côté nord, à côté de l'armoire à bannières.
Il est de cette forme à trois pans, traditionnelle en France, où une loge centrale équipée d'un siège et réservée au prêtre est accessible par une porte. Elle est entourée de deux compartiments ouverts, équipés d'une tablette (et jadis d'un prie-Dieu). Les compartiments communiquent, au gré du confesseur, avec l'isoloir par un double guichet grillagé à volet d'obturation coulissant, sorte de "boîte à lettres de la conscience". Il est couronné par un demi-dôme.
La porte est ornée de deux panneaux sculptés dont le principal est ajouré. Les montants latéraux et supérieurs de la porte sont aussi décorés, tout comme le dôme.
Les inscriptions mentionnent en français le nom du fabrique, du recteur et du maire, et en alphabet "ancien breton" celui du menuisier Vincent Garrec avec la date de 1840.
L'église conserve deux confessionnaux, dont un au fond de la nef. Jadis, l'un était réservé aux femmes et l'autre aux hommes, mais j'ignore si cet usage répandu est attesté à Guengat. Je présenterai, pour être complet, le confessionnal "n°1" en fin d'article.
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Le panneau ajouré de la porte : le monogramme christique IHS sur un cœur et sous un pavillon frangé.
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Composition aux feuilles de chêne.
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Les inscriptions en français.
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Sur le bâti du coté gauche :
PHILIPPE ADJOINT FABRIQUE
soit, en s'aidant de l'inscription de la chaire, "Philippe , adjoint au Maire et membre de la fabrique" ?
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Sur le haut de la porte, du coté gauche :
MARCHAND : RECTEUR.
Cette inscription présente en "ancien breton" sur la chaire renvoie à Clet-Marie MARCHAND, de Cléden-Cap-Sizun, recteur de Guengat de 1834 à 1849 (Abgrall)
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Sur le haut de la porte, du coté :
JEAN : LOIUS [sic] : LE QUÉAU : MAIRE.
Cette inscription présente en "ancien breton" sur la chaire mentionne le nom de Jean-Louis LE QUÉAU, né le 17 mai 1801 à Le Merdy, Guengat, et décédé le 9 avril 1849 à Guengat. Il fut maire de Guengat de 1836 à 1846.
https://gw.geneanet.org/kerangal?n=le+queau&oc=&p=jean+louis
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Les deux inscriptions en ancien breton.
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Elles se rapprochent de celle de l'ancienne chaire à prêcher, qui ont été déchiffrées, nous l'avons vu, en 1986, par l'abbé Castel .
En s'aidant de ce relevé, Christian Jouin a déchiffré l'inscription de gauche ainsi :
IAN : KAVAV
VAL : FABRIQ
UE : ROSERE
soit "Jean Keraval fabrique du Rosaire".
La mention "fabrique du Rosaire" est obscure. Il existe alors une confrérie du Rosaire, mais pas de fabrique propre au Rosaire.
Ce nom est attesté par les généalogistes : par exemple pour un tailleur d'habit et cultivateur (1805-1878) :
https://gw.geneanet.org/duport1?n=keraval&oc=&p=jean
En 1894, un Keraval pose une balustrade pour l'église (C. Jouin)
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Pour l'inscription de droite, je transcris :
VINCENT GA
MU 1840
, soit "Vincent Garrec Menuisier 1840" :
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Le confessionnal n°1.
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Il est comparable au confessionnal n°1, mais ne comporte aucune inscription.
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Panneau sculpté de la porte : les emblèmes papaux (tiare et clés).
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1911, Notice sur la paroisse de Guengat, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, BDHA, Quimper
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/344
— CASTEL (Yves-Pascal), 1984, " Eglise Saint-Fiacre, inscriptions sur un confessionnal et sur l'autel" Bull. Société archéologique du Finistère page 327.
— CHUTO (Pierrick), 2010, «Le maître de Guengat».
"Au hameau de la Croix de mission, René Kéraval, le forgeron vit avec sa femme et ses sept enfants aux âges très rapprochés. Comme si cela ne suffisait pas, le couple accueille trois enfants de l'hospice. Cette pratique est courante à Guengat et permet aux ménages de gagner quelque argent.
À Lestraon, Vincent Garrec, menuisier et sa seconde femme, Catherine Lozachmeur, élèvent cinq enfants. Celle-ci a accouché d'Hervé le petit dernier, à 41 ans. Elle allaite également Marie-Louise Philomène, nourrisson abandonné à Quimper. "
https://www.letelegramme.fr/local/finistere-sud/ouest-cornouaille/dzregion/guengat/livre-le-maitre-de-guengat-de-pierrick-chuto-23-02-2010-796261.php
Voir aussi :
https://www.histoire-genealogie.com/L-alcoolisme-au-XIXe-siecle-en-Basse-Bretagne
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Notice sur les paroisses,...
https://www.diocese-quimper.fr/wp-content/uploads/2021/01/GUENGAT.pdf
"Nouvel autel face au peuple, fait de panneaux provenant de la chaire à prêcher de 1843 ; l'inscription subsiste, en alphabet artisanal, dont le nom du recteur Marchand, du maire Le Quéau, de l'adjoint Philippe, du trésorier Guéguen et du menuisier, Vincent Garrec Mu. Ces noms se retrouvent dans une inscription peinte sur la voûte pour signaler une réfection du lambris.
Deux confessionnaux du XIXe siècle ; celui du sud porte la date de 1840 et une inscription dans les mêmes caractères que l'ancienne chaire."
— DILASSER (Maurice), 1979 : Locronan et sa région (Paris, 1979)
—DIVERRÈS (Henri), 1891, "Monographie de la commune de Guengat ", Bull. S. A. F., pages 42-61).
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f115.image
— JOUIN (Christian), s.d, Tout sur l'histoire de Guengat.
https://www.guengat.com/
— JOUIN (Christian), 2021, twitter Estelle Boudillet
—PÉRENNÈS (Henri), 1941 : Guengat (Rennes) non consulté
— POP.CULTURE
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM29004857
— WAQUET (Henry ), 1957, Guengat (S.F.A. - Congrès archéologique de France CXVe session 1957 Cornouaille.) -
— WAQUET (Henry ), 1942, Art breton, 2è éd., 1942, pp.145-151
— Sites divers :
http://www.guengat.com/8/eglise05.html.
— Site Tout sur l'église : http://www.guengat.com/8/eglise07.html
— Site Infobretagne : http://www.infobretagne.com/guengat.htm
http://www.guengat.fr/patrimoine/leglise
— WIKILAND
https://www.wikiwand.com/fr/Guengat
—Wikipédia