Le porche de Trégourez : inscriptions (1687) et sculptures anthropomorphes : la femme-serpent et son homme.
La façade sud et son motif armorié (Montmorency-Laval?).
.
.
Voir aussi :
-
La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.
-
Le martyre de saint Sébastien, vitrail vers 1570 de l'église Saint-Idunet de Trégourez.
.
PRÉSENTATION.
.
L'église Saint-Idunet date en majeure partie de la seconde moitié du XVIe siècle, même si elle conserve les fragments d'une verrière de la Passion du milieu du XVIe siècle, et que sa nef à cinq travées complétée par un transept et un chevet rectangulaire remonterait aux alentours de 1520. Les sablières portent la date de 1544. La statue du saint patron est datée de 1562, le groupe sculpté en pierre du Baptême du Christ de 1563. Le vitrail de saint Sébastien, armorié, daterait des années 1570.
Les cloches portent les dates de 1602 et 1646.
À la fin du XVIIe siècle, peut-être à la suite du rectorat de Maurice Guéguen et à la visite de l'évêque François de Coëtlogon en 1673, on constate une reprise des travaux d'aménagement : commande de dix pots acoustiques en 1666, construction d'un porche sud avec toit en carène inversée datée de 1687, puis d'une sacristie accolée au côté sud datée de 1675.
Ce porche de 1687 présente l'intérêt de porter une inscription lapidaire à chronogramme portant, en quatre cartouche, les patronymes des curés et fabriciens commanditaires. Sur la sacristie, on retrouvera une inscription comparable, mentionnant en outre le nom du recteur Maurice Guéguen.
Mais le porche est également doté de deux figures anthropomorphes en bas-relief, dont une femme serpent fournissant un nouvel exemple d'un motif bien représenté en Bretagne, et dont l'interprétation est ouverte.
Enfin, la façade sud, au faîte de la dernière lucarne, porte un écusson qui suscite notre curiosité.
.
.
.
LES INSCRIPTIONS.
.
1. Les inscriptions du côté gauche du porche :
Le cartouche supérieur (deux lignes séparées par une réglure) :
V P : BOVRCHIS
CV : 1687
Soit "Vénérable Pierre Bourhis, curé, 1687."
Le cartouche inférieur (deux lignes séparées par une réglure) :
F : PERON G . FA (*)
GR. PERON G . FA. (**)
(*) (**) N rétrogrades
.
Pierre Le Bourhis est mentionné comme "curé", c'est à dire vicaire du recteur Maurice Guéguen dès 1661, les "prêtres " étant alors Jean Le Bourhis (frère de Pierre) et Maurice Jac, qui décèdera en 1662. La famille Le Bourhis est bien établie à Trégourez.
https://gw.geneanet.org/dstagnol?n=le+bourhis&oc=3&p=pierre
En 1672, il existait pour assister Maurice Guéguen deux vicaires, "vénérable missires Jean et Pierre Le Bourhis, prêtres et curés, célébrant depuis longues années au profit et satisfaction de tout le peuple."
L'inscription de la sacristie les mentionnent tous les deux en 1675 :
" D. MAVRICIVS. GVEGVEN. R. 1675 / M. P. LE. BOVRCHIS. C./ M. I. LE. BOURCHIS. P./M. G. PERENNES / CL. LE. GALLOV. FA./ Y. LE COR /G. QVEINNEC. FA./ LO. TALIDEC. MA. " (mur ouest) ; et sur le mur nord : " H. I. CO. MAHE. "
"D. Mauricius Gueguen Recteur 1675, Messire Pierre Le Bourhis curé, Messire Ian Le Bourhis Prêtre, M. G. Perennès Cl; Gallou fabriciens, Y. Le Cor G. Queinnec fabriciens, Lo[uis] Talidec MA."
.
Les noms des fabriciens du cartouche inférieur posent problème. René Couffon avait lu "PERONIC (ou PEROVIC ?)". La base Geneanet ignore ces patronymes à Trégourez. Les familles PERON sont nombreuses sur la paroisse, qui, en 1672, comptait 872 habitants. Au village de Kerscao habitait alors Gilles Péron et sa femme Marie Le Goff.
Le G précédent FA (fabricien) correspond-il à "Gouverneur" ?
.
.
.
.
2. Les inscriptions du côté droit du porche :
.
Le cartouche supérieur (deux lignes séparées par une réglure) :
NOBLE & DISCRET
MI. MICHEL. DE. KGVEAV. P
Soit : "Noble et discret missire Michel de Kergueau (Kercueau ? Kercuehu ? Kerguen) prêtre".
N.b le recteur en 1699 est Vincent de Kerguélen
On aimerait lire Kerguern ou Kervern, sr de Penfrat, paroisse de Trégourez.
Le cartouche inférieur (une ligne) :
IL : BLANCHET.
Le patronyme BLANCHET est attesté à Trégourez
https://gw.geneanet.org/rockabilly?lang=fr&iz=0&p=julien&n=blanchet
.
.
.
LES DEUX REPRÉSENTATIONS ANTHROPOMORPHES.
.
1°) La créature de type femme-serpent.
.
Allongée sous la corniche du mur sud du porche, au dessus de ces inscriptions à l'angle gauche, cette femme sculptée en bas-relief est couchée sur le dos. Son visage ovoïde est entouré d'une chevelure longue à deux nattes ; les yeux sont peut-être clos, la bouche est petite. Les bras sont confondus avec le torse, qui a la forme d'un disque sur lequel les deux seins sont stylisés en deux demi-disques. La queue s'enroule en boucle et s'achève par une pointe arrondie.
.
/image%2F1401956%2F20230301%2Fob_b5e33e_amamiya2.jpeg)
.
.
Cet ornement du type femme-serpent appartient à une série de 11 exemples de la statuaire bretonne, dont 9 dans le Finistère. Le plan souligne la répartition particulière de ces figures.
.
1. église Saint-Idunet à Trégourez, granite,1687.
2. Le Juch, granite XVIIe.
3. église Notre-Dame , Bodilis, porche sud, granite, 1564-1570?
4. église Notre-Dame de Brasparts, porche sud, granite, 1592.
5. église Saint-Edern à Lannedern, crossette de l'ossuaire, 1662.
6. église de la Sainte-Trinité de Lennon, crossette du porche sud, XVIe siècle
7. chapelle Saint-Herbot de Plonévez-du-Faou, porche ouest, granite, 1516.
8. église Saint-Suliau à Sizun, crossette de l'ossuaire, kersanton.
9. église Saint-Suliau à Sizun, ornement d'une frise du chevet, granite.
.
Voir sur ce blog :
.
/image%2F1401956%2F20230301%2Fob_09a2bb_amamiya.jpeg)
.
.
.
.
2°) Le personnage masculin.
.
On le découvre sur le mur oriental, faisant l'angle.
Son style rudimentaire et sa position allongée sur le dos incite à l'associer à la femme-serpent en un couple ou du moins un tout, mais il est nu et dépourvu de tout détail permettant une interprétation.
.
.
LA DEUXIÈME LUCARNE DE LA FAÇADE SUD : LE BLASON.
.
.
.
Analyse :
Les supports : deux lions léopardés.
Les quatre quartiers : en 1 et 4, trois lys soit les armes de France.
En 2 et 3 , une croix cantonné de seize alérions = Montmorency ; les bras de la croix semblent bien porter des coquilles.
Brochant sur le tout : un lion (Laval)
Et un lambel à trois pendants.
.
La solution proposée couramment est d'y voir les armes de "Nicolas d'Aragon et Charlotte de Laval" (Couffon)
http://knockaertmarthe.unblog.fr/un-peu-de-notre-histoire/au-moyen-age/
"Les Trêves de Tregourez, de Saint Goazec et de Saint Thois dépendaient de la seigneurie de Laz. Cette seigneurie de Laz appartenait à la riche famille de Kergorlay au 13e siècle qui possédait en outre des domaines en Spezet et Motreff. Elle passa au 15e siècle de la famille de Kergorlay à la famille de Montfort par le mariage de Raoul de Montfort avec Jeanne de kergorlay. Son fils Jean de Montfort épousa Jeanne de Laval. Il mourut le 12 avril 1414 laissant la seigneurie de Laz à son fils André de Laval, Maréchal de France, dit Maréchal de Lohéac.
A sa mort en 1486, son frère Louis de Laval-Châtillon, devint seigneur de Laz donc de Tregourez et autres trêves. Son neveu Nicolas de la Roche Bernard épousa Charlotte d’Aragon, princesse de Tarente, fille de Frédéric III d’Aragon, roi de Naples. Ils eurent quatre enfants dont Anne née à Vitré le 25 septembre 1505, filleule d’Anne de Bretagne. Anne de Laval épousa en 1521 François de la Trémoïlle, prince de Talmont. La seigneurie de Laz et ses dépendances passa donc dans la famille de Trémoïlle. "
Mes suggestions :
Cet écartelé évoque celui de Guy de Montmorency-Laval (+1338), blasonné ainsi :
Ecartelé au I d'azur à trois fleurs de lys d'or, au II et III d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2 et chargée de cinq coquilles d'argent, au IV d'azur à trois fleurs de lys d'or chargé d'un bande camponnée de gueules et d'argent, sur le tout de gueules au lion d'argent.
Mais je ne vois pas, en 4, la barre camponnée. D'autre part, ces armes portent un lambel indiquant une brisure.
Il faudrait être plus averti que moi de la généalogie nobiliaire et de l'héraldique, et de l'histoire locale, pour aller plus loin.
Quelques copié-collés sur la baronnie de Laz, sur Nicolas de Laval-Montfort dit Guy XVI de Laval (1476-1531) et sur la fille de Guy XVI de Laval et de Charlotte d'Aragon, Anne de Laval.
À partir de 1486, la baronnie de Laz appartient à la famille de Laval. Un aveu d'Anne de Laval concernant la seigneurie de Kergorlay date de 1543.
Le roi François 1er fait épouser à Guy XVI, le 5 mai 1517, Anne de Montmorency, sœur d’Anne, qui devint connétable de France . La mort lui enleva, en 1525, le 26 juin, Anne de Montmorency, au château de Comper . Le corps d’Anne de Montmorency fut rapporté à Laval et fut inhumé à la Collégiale Saint-Tugal de Laval , le 23 juillet, par Yves Mahyeuc , évêque de Rennes qui, la veille, venait de procéder à la consécration de la chapelle de la maison de Patience.
Nicolas de Laval-Montfort dit Guy XVI de Laval (1476-1531) était comte de Laval-Baron de Vitré-Vicomte de Rennes-Baron de La Roche-Bernard-Baron d’Acquigny et de Crevecœur-Seigneur de Montfort et de Gaël-Baron de Quintin et du Perrier, Seigneur d’Avaugour, de Beffou , de Belle-Isle, châtelain de La Bretesche, seigneur de La Roche-en-Nort, de Laz, seigneur de Tinténiac, de Bécherel et de Romillé, seigneur de Lohéac , de Bréal, et de La Roche-en-Nort , seigneur de La Roche-d’Iré, chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, gouverneur et lieutenant-général en Bretagne, capitaine de Rennes, amiral de Bretagne.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_de_Laval_(1505-1554)
https://gw.geneanet.org/sraynal38?lang=fr&iz=52&p=anne&n=de+laval
VOIR
http://sophie.demeautis.free.fr/joomla/index.php/dossiers-et-recherches-en-cours/noblesse-francaise/264-les-sire-de-laval-jusquen-1265
.
.
.
QUELQUES CROSSETTES.
.
Un lion.
.
.
.
Une créature à queue de serpent (dragon ou femme-serpent?).
.
.
.
Un dragon à queue de serpent.
.
.
.
Un lion.
.
.
.
SOURCES ET LIENS.
.
— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 176. Version remaniée de la thèse de 1996.
— AMEMIYA (Hiroko) Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129
Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'épouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse représentant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siècles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'épanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux façons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'étudier leur compatibilité dans leur contexte socioculturel. Les récits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une société. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet a la société de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en bretagne, la destruction de la cite légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au japon, ii. Récits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxième volume est un inventaire des différents types de représentation semi-humaine en bretagne.
— COMITE D'ANIMATION DE LAZ
http://www.comiteanimationlaz.fr/mydata/Revolution%20Tregourez.PDF
—COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Trégourez, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/11f67d5b790259d5e88147762dfe6e34.pdf
Le porche latéral sud, avec toit en carène renversée, porte l'inscription : " V P : BOVRCHIS CV : 1687/F. PERONIC (ou PEROVIC ?). FAB./GR. PERONIC (ou PEROVIC ?). FAB. " et " NOBLE & DISCRET MI. MICHEL. DE. KGVEAN. P./IL. BLANCHE. " La porte intérieure est soulignée d'une accolade reposant sur des culots. Porte identique dans le mur sud. Enfin, la sacristie, accolée au flanc sud, porte des inscriptions : " D. MAVRICIVS. GVEGVEN. R. 1675 / M. P. LE. BOVRCHIS. C./ M. I. LE. BOURCHIS. P./M. G. PERENNES / CL. LE. GALLOV. FA./ Y. LE COR /G. QVEINNEC. FA./ LO. TALIDEC. MA. " (mur ouest) ; et sur le mur nord : " H. I. CO. MAHE. "
— INFOBRETAGNE
http://www.infobretagne.com/tregourez.htm
— INVENTAIRE GENERAL 1966
https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/9a06828e-20a5-40a7-92c1-b8d45ff5397d
https://inventaire-patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/public/annexes/IA00005194_01.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
— WAQUET (Henri), 1945, Confidences d'un recteur bas-breton, Trégourez en 1672, Mémoire de la Société histoire et archéologie bretonne SHAB
https://m.shabretagne.com/scripts/files/5f467d5dd0f360.27066687/1945_03.pdf
— AUTRES.
http://www.infobretagne.com/tregourez.htm
http://piquetjm.free.fr/notes%20historiques%20LAZ.pdf