Le porche et le calvaire (XVIe siècle) de l'église du Grouanec en Plouguerneau.
Voir sur cette église :
PRÉSENTATION.
L'ensemble de la nef, du chœur et de l'aile nord sont du milieu du XIVe siècle, le porche a été commandité au tout début du XVIe siècle par le seigneurde Boutteville, baron et vicomte de Coaquénan, dont le manoir est situé à moins de 500 m.
L'architecture de l'église.
"L'église au plan en tau, caractéristique de nombreuses chapelles bretonnes, a un chevet plat, avec chœur très légèrement saillant.Les murs de granite sont en pierres de taille, mises à part les portions en moellons irréguliers du bas-côté nord et de la chapelle qui lui fait suite . Cette manière de traiter à moindre frais des parties d'édifice moins voyantes correspond à un usage fort répandu autre fois. La ligne de bancs de pierre du pied du mur sud, du porche et du mur ouest de la chapelle méridionale sont en relation avec des usages communautaires disparus." (Y.P. Castel)
Le porche des Boutteville.
"La facture soignée du porche au dessin sobre et précis, grand gable et contreforts biais, n'a rien d'étonnant vu la qualité des commanditaires, les Boutteville dont l'écu aux cinq fusées de gueules sur champ d'argent timbre les pinacles à l'extérieur et la clef de voûte à l'intérieur.
Baron du Faouët, sieurs de Barégan , les Boutteville sont connus pour avoir été les initiateurs en 1489 de la fameuse chapelle Sainte-Barbe, qui domine l'Ellé, dans leur pays du Faouët. Il y a lieu de penser que les armoiries de notre porche sont celles de Jean, qui, par son mariage avec Alix de Launay, gagna le titre de vicomte de Coëtquénan, fief voisin dont dépendait le Grouanec. Chevalier banneret, Jean Boutteville fut l'un des 468 hommes d'armes qui participèrent au recouvrement du duc Jean V, en 1420 après sa capture par les Penthièvre.
Le porche peut être daté ainsi de la première moitié du XVe siècle |sic]. Et si l'inscription en caractères gothiques, à droite de la façade, n'était aussi usée on aurait sur la date de sa construction quelque utile précision.
On l'a dit, le style de cette édifice est soigné. Les éléments en pierre de kersanton, qui tranchent sur la structure de granite, le rattachent à l'atelier du Folgoët, la Collégiale fondée en 1422 par le duc Jean V.
Archivolte à crochets, pinacles soutenus par des crossettes figurées dont l'une représente un homme renversé [sic, tout témoigne de l'habilité du sculpteur. Mais ne lui appartient pas la tête du Christ posée sur le fleuron, vestige provenant d'un calvaire démoli." (Y.P. Castel)
Proposition généalogique personnelle :
Jean III de Boutteville, écuyer, seigneur du Faouët, décédé en 1463, épousa Aliette de Coëtquenan, vicomtesse de Coëtquénan. En 1420, il prit les armes pour délivrer le duc Jean V, alors prisonnier des Penthiève. En 1427, il fut capturé par les anglais au Mont Saint-Michel. Son fils Jean IV de Boutteville , chevalier, vicomte de Coëtquenan, marié à Marie de Kerimerc'h est le cofondateur de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët . En 1495, la seigneurie du Faouet avait été érigée en baronnie au profit de Jean par la duchesse-reine Anne. De sa femme Marie de Kerimerc'h, épousée en 1463, il eut deux enfants, Catherine, et Louis, vicomte de Coëtquenan, décédé en 1539. Louis de Boutteville épousa le 19 janvier 1498 Jeanne du Chastel. Leur fils Yves épousa Renée de Carné (née en 1515). Leur fille Jeanne, vicomtesse de Coëtquenan se maria avec Yves de Parcevaux, décédé en 1558, puis elle épousa en 1559 Claude de Goulaine (1512-1579) qui reprit le titre de seigneur de Coëtquenan.
Si on considère que ce porche date du début du XVIe siècle, c'est Louis de Boutteville qui est le mieux placé chronologiquement pour en être le commanditaire. Mais les armes de son épouse, fascé d'or et de gueules de six pièces sont absentes au Grouanec. Je note que dans la chapelle Sainte-Barbe du Faouët, sur le vitrail où Louis et Jeanne sont représentés comme donateurs, Louis de Boutteville est présenté par saint Fiacre. Or, c'est à saint Fiacre qu'est dédiée la chapelle sud du Grouanec.
Les généalogies consultées ne sont pas unanimes.
https://man8rove.com/fr/family/de-Boutteville
https://gw.geneanet.org/hamety?lang=fr&n=de+bouteville&p=jean
https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=louis&n=de+bouteville
https://www.lavieb-aile.com/2016/01/le-vitrail-de-la-vie-de-saint-fiacre-chapelle-saint-fiacre-le-faouet.html
https://www.lavieb-aile.com/2023/07/la-tribune-de-la-chapelle-sainte-barbe-du-faouet.html
Les crossettes en kersanton.
Ce sont deux "lions de crossettes" typiques des sculpteurs sur pierre bas-bretons du XVe siècle. Cet animal partage avec les dragons la palme des motifs de ces pierres d'amortissement, avant les chiens ou les anges. Leur forme est constamment retrouvée, notamment la gueule montrant les crocs, la crinière contrastant avec un corps glabre, la langue pendante, les pattes velues ou la queue passant sous l'abdomen et faisant retour sur le dos pour y étaler le fouet caractéristique.
L'animal est semblable des deux côtés. La crinière est traitée en trois rangs de mêches bouclées.
Les pinacles gothiques à crochets.
a. Le pinacle du côté est.
Si la forme des deux pinacles est identiqsue, avec crochets, fleuron sommital et gable à la base, les détails sculptés sont différents.
À l'est, un homme renversé occupe le gable à feuilles d'acanthe. La tête (à cheveux courts en couronne) est bien visible, il est difficile de confirmer l'hypothèse qu'il s'agit d'un acrobate réalisant une galipette ou renversement postérieur, bien qu'on puisse deviner qu'il se saississe de sa cheville droite. À notre gauche, un élément à larges franges peut correspondre à une partie de vêtement de saltimbanque.
Au dessus, les armes des Boutteville à cinq fusées sont sculptées sur un blason en bannière.
Le pinacle ouest.
Les gables sont occupées par un trilobe gothique.
On trouve au dessus les fusées des Boutteville, mais surtout une belle figure héraldique, celle d'un lion rampant.
Si nous passons en revue les alliance des Boutteville depuis le moment où ils sont devenus seigneurs de Coëtquénan, et donc les descendants de Jean III et d'Aliette ou Alix de Coëtquenan, vicomtesse de Coëtquénan — ou les parents de cette dernière—, nous ne trouvons pas de famille ayant un lion rampant dans ses armes :
Marie de Kerimerch épouse de Jean IV de Boutteville
Jeanne du Chastel épouse de Louis de Boutteville
Renée de Carné épouse d'Yves de Boutteville.
Claude de Goulaine, époux en 1559 de Jeanne de Boutteville.
Une hypothèse : sont-ce les armoiries de pourpe au lion rampant d'argent de Kerouzéré ?
- Le château de Kerouzéré en Sibiril.
- Le gisant d'Éon de Kerouzéré dans l'église de Sibiril.
- https://armma.saprat.fr/monument/sibiril-eglise-saint-pierre-gisant-deon-de-kerouzere/
Que dit Pol Potier de Courcy sur cette famille :
Kerouzéré (de), baron dudit lieu et sr de Kersauzon, par. de Sibiril, — de Kerroenaouet et de vtenfautet par. de Cléder, — de Trogoff par. de Plouescat, — de Kerandraon et de Keraliou, par. de Plouguerneau, -*- de Kerdrein, — de Kernavallo, — de Kerangoraar, par. de Taule, — de Trévehy et de Tromanoir, par. de Plouenan.
Réf. et montres de 1426 a 1534, elites par., év. de Léon. De pourpre au lion d’argent. Devise : List, list. (Laissez, laissez.)
Eon, président universel de Bretagne en 1390 ; Jean, son fils, échanson du duc Jean V, contribua au siège de Chamteauceaux à la délivrance de ce prince, prisonnier des Penthièvre en 1420, et épousa Constance le Barbu, dame de Trévéhy ; Yvon, conseiller et chambellan du duc François II en 1465 ; Alain, évêque de Léon f 1445.
La montre de l'évêché de Léon à Lesneven en 1481 signale 38 gentilshommes de Plouguerneau, dont en tête Olivier Le Moyne, de la garde du duc, puis, juste après, Vincent Kerouzéré, de 132 #, archer en brigandine, bras couverts, et sous lui Autred Kerasquer, vouger en brigandine et page, puis Yvon Kerouzéré, de 70 #, absent es études, par Derien Kerasquer, vouger en brigandine . Viennent ensuite Yvon Coetivy, et Allain Coetivy, et ensuite Allain an Nobletz, dont le fils Jean obtiendra par contrat de 1514 droits de prééminence dans la chapelle sud du Grouanec.
De même, H. Pérennès cite "une réformation sans date qui doit se situer dans la seconde moitié du XVe siècle", où Vincent Kerouzéré arrive juste après Henri Coatquenan dans la liste des nobles de Plouguerneau, devant Prigent de Coetivy et Ollivier Le Moyne :
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Je ne peux que suggérer cette hypothèse, sans la conclure.
L'intérieur du porche.
"À l'intérieur du porche, l'absence de niches pour les statues des apôtres est compensée par la loge à console médiane qui devait abriter quelque sculpture religieuse. Un vaste bénitier à double usage, extérieur et intérieur, est encastré dans le mur de part et d'autre de manière ingénieuse.
Le vantail de la porte à trois panneaux mêle aux serviettes médiévales deux têtes d'angelots du style que Bertoulous sculptait au XVIIe siècle. Le bas-relief représente la Vierge à l'enfant sous le titre de N.D . GROUANEC, réplique de la grande Vierge de kersanton du bras nord.
Signalons dans ce porche une curiosité peu banale. Entre les arcs ogifs en pierre, appuyés sur des culots sculptés de masques, les quartiers de la voûte sont ...en bois. Mais nul ne saura dire si c'est le résultat de l'avortement du propos primitif ou si c'est dû à une destruction accidentelle postérieure de la voûte en pierre, ce qui semble bien peu probable." (Y.P. Castel)
Les armes des Boutteville en clef de voûte.
Les culots sculptés de masques : trois écuyers et une sirène.
Nous n'avons pas affaire à des sculptures en kersanton, qui, avec son grain fin, résiste bien à l'usure, mais à du granite, et même à plusieurs faciès de granite, aussi les clichés sont-ils médiocres et peu aptes à en rendre les sujets. Mais on voit trois têtes de personnages assez semblables, aux cheveux mi-longs et bouclés, et un col bien marqué. Rien ne permet d'y voir des anges, et ce serait plutôt des écuyers, comme ceux qui, dans d'autres porches bretons, saluent le fidèle qui s'apprête à entrer.
La sirène à queue bifide.
Une autre sculpture montre ce qui pourrait être un animal vu de dos, mais je propose plutôt d'y voir une sirène, vue de face, à la chevelure longue, et qui maintiendrait avec ses mains les extrémités d'une queue bifide.
Comme sur les chapiteaux romans de Brioude...
L'ossuaire.
"Au mur occidental s'accroche un ossuaire d'attache bâti après coup, au XVIe siècle. Les cinq pilastres classiques sont dans l'esprit de l'architecte morlaisien Michel Le Borgne, sans qu'on puisse affirmer qu'il en soit véritablement l'auteur."
L'inscription de la porte de l'aile nord.
"Si les armoiries des Boutteville n'ont [n'avaient] été, à ce jour, relevées par aucun auteur, l'a été, quoique de manière incomplète [Couffon], l'inscription gravée à l'ombre du fleuron de la porte sur l'aile nord. La voici. LAN:MIL Vc :F : N : NOUEL : F[ABRIQUE] / H : ROUEL.
On sait ainsi qu'en 1500, un certain N. Nouel était ici fabrique. Quant à H. Rouel, non suivi d'initiale, on ne sait quelle est sa qualité exacte, fabrique ou prêtre." (Y.-P. Castel)
LE CALVAIRE DE 1505. CIMETIÈRE DU GROUANEC.
Le calvaire de l'enclos du Grouanec occupe désormais le centre du cimetière. Il a été décrit par Yves-Pascal Castel en 1980, et celui-ci l'a daté du XIVe siècle, et, par ses inscriptions, de 1508 (chapiteau) et de 1838 (socle). C'est d'ailleurs une croix, et non pas un calvaire.
Au dessus d'un soubassement de plan octogonal à quatre degrés et d'un socle portant la date de 1838 est posé le fût à pans où Castel a lu l'inscription L AN MIL VCV H O P, en lettres gothiques. Puis, un "chapiteau" évasé en losange porte la croix, monolithique aux bras terminés en fleurons carrés, et couronnée d'un élément à godrons.
La face principale.
Elle porte le Christ en croix (kersanton). Hélas, les lichens ont proliféré et dissimulent la majeure partie du visage, des bras et du tronc, ne laissant pas estimer la qualité du travail du sculpteur. Les jambes sont fines et les pieds sont croisés et superposés. On devine les cheveux longs, mêlés à la couronne d'épines, et un œil globuleux. Les côtes sont horizontales.
Le titulus porte les lettres INRI en caractère gothique.
La face opposée.
Elle porte une statue de la Vierge à l'Enfant en kersanton, qui serait très belle et émouvante si elle n'était, elle aussi, défigurée par les lichens.
La Vierge porte une couronne à fleurons, son visage est rond, sa bouche petite. Son manteau forme un pli qui recouvre le bras doit avant de retomber en triangle, dessinant un triangle à pointe supérieure avec le côté opposé. Le corps est long et fin. La robe est (ou semble) serrée par une ceinture ; fine et ajustée sur le buste, elle se plisse ensuite en plis tubulaires.
Je ne parviens pas à distinguer les chaussures ; sont-elles pointues, comme au XVe siècle.
Car cette statue me semble dater de ce siècle (et, alors, relever de l'atelier du Folgoët). Notamment, les cheveux en boucle de l'enfant-Jésus m'évoque cette datation.
Cet enfant a le visage très rond, "à la Tintin", une remarque qui m'était déjà venue devant les deux Vierges à l'Enfant de l'intérieur de l'église du Grouanec . Il est vêtu d'une tunique longue. Il pose tendrement la main sous la gorge de sa Mère, tandis que le bras gauche est vertical ; la main gauche est posée sur le globe terrestre, que Marie soutient dans sa paume.
On rêverait de voir ce chef-d'œuvre correctement mis en valeur et débarrassé de ses scories qui interdisent toute étude valable.
Voir le cliché de la croix du cimetière en 2015 : le visage du Christ était encore préservé :
https://fr.geneawiki.com/wiki/Fichier:29195_-_Plouguerneau_-_Grouanec_-_Calvaire.jpg
Comparer par exemple avec des calvaires du XVe siècle :
- Le calvaire de 1450 de Rumengol
- Le calvaire (kersanton, premier atelier du Folgoët, entre 1433 et 1457) de l'église de Plomodiern.
-
Le calvaire (kersanton, seconde moitié du XVe siècle) de l'église Notre-Dame de Châteaulin.
Le calvaire de l'église d'Argol.
Et :
Le calvaire de Notre-Dame du-Traon à Plouguerneau, de 1511.
SOURCES ET LIENS.
—CASTEL (Yves-Pascal ): Plouguerneau . L'enclos du Grouanec . Non consulté.
— CASTEL (Yves-Pascal), 7 mai 1994, "Découverte de la Bretagne. Plouguerneau. L'enclos du Grouanec"; Le Progrès du Léon.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/2532
— CASTEL (Yves-Pascal), 1980, "Plouguerneau", atlas n°2009 Le Grouanec cimetière" Atlas des croix et calvaires du Finistère = 4 clichés [closdesfuschias2024]
2009. Le Grouanec, cimetière, granite. kersanton. XIVè s., 1505, 1838. Soubassement de plan octogonal à quatre degrés. Socle: 1838. Fût à pans: L AN MIL VCV H O P, en lettres gothiques, chapiteau. Croix, fleurons, crucifix, Vierge à l’Enfant. [YPC 1980]
https://societe-archeologique.du-finistere.org/croix/plouguerneau.html
—CASTEL (Marcel), s.d, L'enclos paroissial du Grouaneg-Eglise Notre-Dame. Dépliant de présentation.
— COUFFON (René), LE BRAS (Alfred), 1988, « Plouguerneau », Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/974
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre de Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, PUR éditions, page 103 et figure 90.
— PÉRENNÈS (chanoine Henri) 1941, Plouguerneau, une paroisse entre Manche et Océan.
Transcription du texte sur Infobretagne
https://bibliotheque.idbe.bzh/data/cle22/Plouguerneau_.pdf
"Un ossuaire est adossé à la chapelle, et une fontaine l'avoisine. A 400 mètres au nord-est se dresse un vieux calvaire à baldaquin, qui d'après de Kerdanet, serait de 1580."
—POTIER DE COURCY (Pol) 1859, « Itinéraire de Saint-Pol à Brest », Revue de Bretagne et de Vendée, 6,
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110249t/f126.item
DIVERS :
— PLOUGUERNEAU D'HIER ET D'AUJOURD'HUI
https://plouguerneau.net/croix-et-calvaires/#:~:text=la%20VIERGE%20A%20L'%20ENFANT,la%20croix%20n%C2%B0%2062.
—Visite virtuelle
https://www.bretagne-decouverte.com/chapelle-du-grouanec-a-plouguerneau-29/