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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 15:56

 

                  Vierges allaitantes IV:

             église Saint-Germain à Kerlaz:

                   des vitraux édifiants.

              Première partie, Baie 0 et Baie 2

 

 

      Ces  verrières ont été réalisées par le peintre-verrier Gabriel Léglise en 1917-1918.

   Leur commanditaire et donateur est le Révérend-Père Henri le Floch, originaire de Kerlaz, spiritain  et supérieur du Séminaire français de Rome.  La connaissance de la biographie et des convictions de cet homme d'église me semble importante pour comprendre la cohérence de cet ensemble de vitraux. Mais pour ne pas trop retarder la découverte des images, je la reporte à une deuxième partie.

   Deux vitraux, dont la maîtresse-vitre, portent une inscription indiquant qu'ils sont le don du T.R.P. le Floch, et deux autres sont signalés offerts par "Mlle Floch": il s'agit d'Anne-Marie Le Floch, , soeur du Très Révérend Père et elle-même soeur de la Congragation du Saint-Esprit sous le nom de Soeur Saint-François.

   C'est à peu-près comme si une bande dessinée nous faisait pénétrer à l'intérieur du grand livre d'images et d'histoires que chacun d'entre nous élabore dans son psychisme pour lui permettre de participer en y croyant aux grandes fictions consensuelles de son époque et de son groupe d'appartenance : nous allons découvrir les Grands Récits et la Legenda Aurea qui déterminerent une vie, celle d'Henri Le Floch,  sa réussite dans la Ville Eternelle dans l'ombre du Vatican jusqu'en 1927 puis la fracture que ces fidélités imposèrent. 

   Mais  nous allons aussi découvrir comment un homme devenu  influent à Rome a pu revenir en son Porzay natal pour proposer à sa  paroisse sa vision du monde et de  l'Histoire.

  Une troisième personne doit être présenté : Germain Horellou, natif de Kerlaz comme son prénom peut le faire deviner : cet Aumonier de la Retraite de Quimperlé (et non comme je l'avais cru "à la retraite")  fut  un proche du Révérend-Père Le Floch, et tous les deux apprirent le latin en même temps sous la férule du recteur de Kerlaz. Tous les deux partagèrent au début du XIXe siècle un intèret pour leur terroir, et sous les injonctions du Père le Floch, l'abbé Horellou rédigea en 1920 une brochure de 242 pages intitulée Kerlaz, son histoire, ses légendes, ses familles nobles, Brest, Imprimerie de la Presse Libérale. Cet ouvrage contient sous forme écrite toute la mémoire qui est ici réinterprétée sous forme de vitraux, et la trilogie de son titre livrerait les  axes de force du commanditaire : Histoire, Légende, Noblesse, s'il ne manquait le principal : le Catholicisme.

  On trouve dans cette monographie p. 66 à 75 une des rares (je n'en ai pas trouvé d'autre, sauf sur le site de Jean-Pierre Le Bihan) descriptions de ces verrières et quantités de  renseignements précieux à leur compréhension. Du fait de la proximité de l'auteur avec le commanditaire, on peut être certain que la description des scènes est  juste, c'est à dire conforme au projet initial. On y trouve aussi bien-sûr une biographie, élogieuse, d'Henri Le Floch.

  Enfin, le programme de ces verrières a certainement été influencé par les publications concernant la paroisse de Kerlaz dans les années précédents la commande, et notamment la Notice parue dans le Bulletin Diocésain d'histoire et d'archéologie parue deux ans auparavant, en 1915 par les abbés Abgrall et Peyron http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=36 et qui constatait la disparition des vitraux anciens, et déplorait la vente d'une statue primitive  de St Hervé.

 

   Les anciens vitraux du XVIe siècle ont été progressivement détruits par le temps, on signale une Passion de 1541 au chevet ; le maître-vitre portait en 1788 les armoiries de la famille Halna du Fretay du Vieux-Chastel et de Coatanezre. En 1880, l'abbé Pouchous peut encore voir ce qu'il reste de la Passion de 1541 avec un écusson d'azur aux trois poissons d'argent que voit encore l'abbé Abgrall avant qu'en 1913 des enfants ne détruisent les verres restant. 

   En 1917-1918, ces nouveaux vitraux furent réalisés et posés; le 13 août 1918, Sa Grandeur Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, répondit à l'invitation de leur commanditaire à venir les bénir solennellement, accompagné du chanoine Jean-Marie Abgrall, des recteurs voisins et d'une foule de fidèles. Ce fut l'occasion pour Henri Le Floch de faire profiter les paroissiens de ses talents oratoires réputés, rendant hommage à "l'Évèque très aimé de Benoît XV, comme il le fut de Pie X ", pour lui remettre " l'oeuvre harmonieuse de ces verrières, déployées comme un grand livre ouvert au regard des fidèles.Elles ont pour objet l'histoire religieuse locale, elles ont pour but de le rappel à la foi des ancêtres. Je me flatte de penser que cet objet et ce but ne sont pas pour déplaire à l'Évêque qui, mieux que personne, sait ce qu'il y a de fécond et d'opportun dans le réveil du régionalisme breton.Que votre bénédiction, tombant sur ces visions de beauté artistique,en fasse une exhortation permanente à la fidélité, à la foi, à la piété, à la vertu, à la sainteté" (G. Horellou, p. 77-78).

  Le programme tient en ces quatre phrases : 

_ l'objet ? : l'histoire religieuse locale, rencontre de l'Histoire profane et de l'Histoire Sainte

_le but ? : le rappel à la foi des ancêtres

_ le but ? : le réveil du régionalisme breton

_ le but ? : la Propagation de la Foi par le déployement d'un grand livre ouvert

- le but ? l'édification des fidèles : Foi, Fidélité, Piété, Vertu, Sainteté. Il ne manque que le mot Tradition, pour ceux qui ne l'entendent pas sous le mot Fidélité.


    Malgrè une restauration des vitraux avant 1960, le vandalisme entraina leur mauvais état constaté en 1972, et c'est l'atelier Jean-Pierre le Bihan de Quimper qui procéda à leur complète remise en état (avant 2008).

   

Il ne reste qu'à vous laisser guider devant le livre d'images et d'en découvrir l' Enseignement : 


DESCRIPTION DES VERRIERES.

 


I. Baie du  chevet :

   Elle porte en bas à gauche l'inscription "offert par le T.R.P. H. Le Floch Supérieur au Séminaire français de Rome . 1917" et en bas à droite :" G. LEGLISE Paris 1917.

Nota : la titulature  "Très Révérend Père" est réservée aux supérieurs de communautés religieuses, comme les Pères  Abbés.


  Les quatre lancettes montrent de façon conventionnelle des scènes de la Passion : couronnement d'épine, Jésus rencontrant sa mère alors qu'il porte sa Croix, Crucifixion et Pieta. Ce qui est particulier, c'est le traitement dramatique du ciel organisé en trainées obliques, jaunes, violettes et rouge comme si l'univers était embrasé par un feu cataclysmique.


   Notre mentor,  l'abbé Horellou nous fait remarquer que ces scènes reproduisent celles de l'ancien vitrail, à l'exception d'une seule. Laquelle ? Celle où Saint-Jean-Baptiste présente le chanoine donateur avec un écusson d'azur aux trois poissons d'argent. Mais le R. P. Le Floch, chanoine honoraire du diocèse de Quimper a eu l'humilité de ne pas figurer sur son vitrail, et de se contenter de l'inscription de son don. Quand aux armoiries d'azur au cerf d'or, il les a placé dans le vitrail consacré au Marquis de Nevet.

 

kerlaz-vitraux 8864c

 

  Les six ajours du réseau sont plus interessants. Dominés par un menhir christianisé par une croix ("le Christianisme supplantant le paganisme en Bretagne"), ils représentent en haut une soeur en cornette apportant le réconfort de la religion à un soldat à l'agonie (le vitrail est réalisé pendant la Première Guerre Mondiale) avec à l'arrière-plan une église en flamme, et pour l'autre médaillon  un missionnaire en soutane et camail noirs (!) placé en supériorité qui prêche à des africains représentés de façon plus que caricaturale puisque l'un d'eux tient une massue comme un homme préhistorique, alors que les autres sont armès de sagaie et vêtus de pagnes. L'abbé Horellou précise : "un missionnaire évangélisant une peuplade de sauvages". 

   Il faut certainement voir dans ce missionnaire  un pére spiritain, un membre de la Congrégation du Saint-Esprit qui se consacra à partir de 1799 à l'évangélisation du Sénégal, puis de la Réunion et de bien d'autres pays. Parallélement, une congrégation proche des pères spiritains,  les Filles du Saint-Coeur de Marie, s'établit à Dakar et deviendra la première congrégation autonome d'Afrique. En effet, le Révérend-Père Le Floc'h était spiritain et exerça des responsabilités importantes à Rome dans cette Congrégation.

  Au dessous,

  • Saint Louis se rend, pieds-nus, en procession avec la couronne d'épine à la Sainte-Chapelle.
  • Une femme tenant un glaive d'une main et une croix de calvaire de l'autre se détache sur un ciel d'apocalypse et une falaise bretonne façon Étretat. Au pied de la croix, les armoiries de la Bretagne ducale et la devise Potius mori quam foedari, plutôt la mort que le deshonneur, qui est la devise d'Anne de Bretagne soit en breton Kentoc'h mervel eget  bezan saotret.

        Cette femme serait, selon J.P Le Bihan, Jeanne la Flamme, mère du duc Jean IV, qui                     combattit en 1342 avec Jean de Monfort les troupes de Charles de Blois. Pour le

          porte-parole du commanditaire, c'est seulement "une Bretagne allégorique".

  • Une troupe de chevaliers portant trois étendards aux armes de la Bretagne, et une croix sur leur pourpoint : des Croisés apparemment. En effet, G. Horellou décrit "les chevaliers bretons à cheval partant pour la Croisade. On sait que plusieurs seigneurs de la trève ont participés aux Croisades. Parlant de la famille de Qelen du Vieux-Chastel, le Nécrologe des Cordeliers de Quimper lui consacre cette phrase élogieuse : Omnes fuerunt milites in Terra-sancta. Tous combattirent en Terre-Sainte. En 1248, quatre frères de Quelen, Eon, François, Christophe et Jean partirent pour la septième Croisade. Trois d'entre eux furent tuès à la bataille de Massoure (1250). Eon seul réchappa. Vingt ans après, Eon partait de nouveau pour la huitième croisade avec ses quatre fils, dont trois moururent de la Peste devant Tunis. Il fut inhumé en 1278 aux frères mineurs de Quimper (vérifié p. 28  de la généalogie de Quelen ici :http://www.quelen.fr/UserFiles/File/6_Genealogie_de_la_maison_de_Quelen.pdf )

  Les ciels des six ajours sont jaunes et rouges et placent ces vignettes dans un contexte dramatique ou eschatologique identique aux scènes de la Passion, comme pour representer comment les épisodes de l'Histoire situaient ces combats dans une Passion de l'Église, seconde Passion du Christ vécue dans son corps mystique qui est l'Église. 

   RETENEZ : Ce tympan associe le théme du combat guerrier contre l'envahisseur avec le thème du combat pour la propagation de la Foi, tissés avec des références à la Monarchie et d'autres avec le régionalisme breton. L'univers est la scène où se déroule le combat du Chistianisme contre le Paganisme, la lutte des Fidèles contre les Infidèles, une Croisade destinée aux âmes d'élite, que celles-ci soient celle du roi-saint, celles des nobles seigneurs, des spiritains chez les sauvages ou des Soeurs de Charité soutenant les soldats combattant l'ennemi.


 kerlaz-vitraux-8864cc.jpg

 

II. Baie 2, transept coté sud : mission du père Maunoir.

      Mention en bas à gauche : "Don du T.R.Père Le Floch, Supérieur du Séminaire Français de Rome"

  et au dessus: "Le Vénérable Père Maunoir prêchant à Kerlas la grande mission de 1658."

 Il s'agit là, pour la Basse-Bretagne, d'une référence majeure aux Missions d'évangélisation, et le Père Maunoir constitue un exemple pour les missionnaires de la Congrégation du Saint-Esprit.

      Le père Julien Maunoir (1606-1683) est un jésuite breton qui fut désigné par Dom Michel le Nobletz comme son successeur dans son rôle de missionnaire des campagnes bretonnes ; il apprit le breton et mena une première mission à Douarnenez en 1641, en utilisant les tableaux d'images spectaculaires de Michel le Nobletz, ses taolennou, mais aussi les cantiques et les processions costumées inspirées des mystères médiévaux. De 1640 à  son décès en 1683, il réalisa 439 missions, prêcha à 40 000 personnes. Il édita un dictionnaire français-breton-français et un Cathéchisme en breton. C'est la mission de 1658, au cours de laquelle il s'arréta à Kerlaz, qui est représentée. Cette Mission concerna outre quatre paroisses à St Brieuc et Tréguier, celles de Plouäré, Quernevel, Guengat, Pouldregat, Tréméauc, Querlaz, N.D. du Juch, l'isle de Sizun [Sein], N.D. de Quillinen". (Le Parfait Missionnaire, ou la vie du R.P. Julien Maunoir, Antoine Boschet, Paris 1697),  link. G. Horellou commente : " C'est pendant cette mission que le saint religieux tomba dangereusement malade et qu'il fut guéri par les prières de trois pieuses femmes." et il nous explique comment les trois veuves de Douarnenez, Marguerite Poullaouec, Catherine Daniélou et Thomase Rolland prièrent Dieu qu'il fasse retomber sur elles la maladie dont le Vénérable était frappé : le soir même elle furent saisis de frisson, alors que le Vénérable parfaitement guéri retournait prêcher à Kerlaz.

   L'abbé Horellou nous confie aussi un élément capital : le Révérend Père Le Floch a fait représenter son père, son grand-père et sa mère parmi les personnages. Le père et le grand-père semblent faciles à identifier comme étant ces deux dignes bretons en costume glasig qui s'alignent dans l'axe du clocher. La mère est-elle cette femme à genoux?


kerlaz-vitraux 8878c

    Le tympan est formé de trois médaillons, que j'ai négligé de photographier correctement ; pourtant, ils ne manquent pas d'intéret, l'un représente un ange tenant le mot CREDO, l'autre le roi Gradlon et Saint Guénolé à cheval allant voir Saint Corentin dans sa solitude de Plomodiern, et le troisième le marquis de Névet passant une revue dans la plaine de Kerlaz. (G. Horellou p. 71) Les aventures des  saints ermites qui fréquentaient le Bois de Nevet et ses alentours, les marquis et leurs chevauchées, les anges et le cathéchisme, voilà en trois médaillons le monde merveilleux d'un enfant né à Kerlaz en 1862. Ces médaillons dominent une vérrière où le père, la mère et le grand-père de l'auteur du livre d'image sont penchès sur une tombe , face à un prédicateur hanté par le péché et les combats contre le satanisme.  Que faut-il ajouter ?

 

  Le mot CREDO, placé en superiorité, peut être compris comme l'affirmation des véritès dogmatiques que le Missionnaire doit enseigner. Il peut aussi signifier un message du commanditaire : "voici ce que je crois", et témoigner de la foi en l'esprit missionnaire de celui qui venait de publier " Les élites sociales et le sacerdoce" et d'appeller les plus hauts esprits à se consacrer à la propagation de la foi : "je crois en Saint Corentin et en Saint Guènolé, je crois à la capacité des élites nobles à commander, je crois à la nécessité d'instruire le peuple comme Julien Maunoir l'a fait en Bretagne pour combattre le démon du paganisme". Mais il est dangereux de faire parler les images.

 Le déroulement d'une Mission :

http://books.google.fr/books?id=nXzN4Kj7zNYC&pg=PA265&dq=p%C3%A8re+maunoir&hl=fr&sa=X&ei=0-cyT8ThBtGZhQfnrryVBQ&ved=0CDsQ6AEwAg#v=onepage&q=p%C3%A8re%20maunoir&f=false

     Elles sont nées des décisions du Concile de Trente (1545-1563) de réaffirmer l'existence du péché originel, du purgatoire, du salut de l'âme  et des sept sacrements, d'insister sur la valeur du Saint-Sacrement et sur la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, , de former le clergé (premiers séminaires en 1650, publication du Missel romain-1570 de du Bréviaire romain-1568) et de remotiver les prêtres et les évêques (obligation de résider dans sa paroisse et de prêcher le dimanche, obligation d'être présent dans son évéché et de faire une tournée pastorale), mais surtout pour notre propos de se consacrer à l'instruction des fidèles en suscitant des écoles parroissiales gratuites, en publiant le Cathéchisme romain (1601 en français), et en organisant l'évangélisation des provinces françaises par des missions où les prêtres, arrivant dans une paroisse à plusieurs (4 à 8), se préoccupaient d'apprendre à la population les quatre oraisons (Ave, Pater, Credo et Confiteor), de susciter les conversions, de dépister et de lutter contre les superstitions, les hérésies ou  le paganisme, d'enseigner les rites, et de ne pas quitter la paroisse sans en avoir confessé les membres.


 

      La mission est préparée soigneusement, et le Père Maunoir a pris contact avec les paroisses, s'est assuré l'aide de prêtres et des femmes dévouées qui l'assistent, a prèvu l'hébergement et l'intendance. Il dispose de près d'un millier de volontaires, jeunes prêtres, grands vicaires, officiaux, recteurs, curés à la retraite, évêques même, laïcs érudits, dont il organise les interventions en leur fixant rendez-vous. Il a pris soin de faire annoncer par les recteurs les dates de sa venue, et que chaque fidèle qui viendrait communier  sauverait ainsi du purgatoire un membre décédé de sa famille, aussi les bretons affluent sur les routes. Chaque mission concerne un "canton" de plusieurs paroisses, y reste  environ  un mois, et le Pére Maunoir en dirige dix par an. 

  Combien de personnes assistent à une mission ? La population de la paroisse ? 1500 fidèles ? Beaucoup plus ! Et la fin de mission, avec les indulgences qui y sont délivrées, la Communion Générale et la grande procession théatralisée de cloture, attire les foules de toute la contrée. Deux chiffres donneront une idée : lors de la mission de Landivisiau, sept prêtres distribuèrent sans s'arréter la communion à la foule, et cela dura de six heures du matin à 3 heures de l'après-midi (A. Boschet, p. 318). Et en 1638, le Père Maunoir calcula que 30 000 hosties avaient été distribuèes lors de la Communion Générale de fin de mission. 

   Lorsque le Vénérable arrive avec toute son équipe, un dimanche soir après les Vêpres,  il organise une procession où le Saint-Sacrement est porté, puis il monte en chaire et  il donne lecture de la bulle d'indulgence, "montrant l'avantage qu'il y aurait à les gagner et la punition que mériteraient ceux qui par une néglgence riminelle laisseraient échapper une occasion si favorable et perdraient un temps de grâce et des jours de salut" (A. Boschet, p. 274). 

  Le lendemain, les cloches appellent chacun à l'église à quatre heures du matin. Tandis que les prêtres assistants s'installent dans les confessionnaux et commencent à recevoir la confession auriculaire des nombreux fidéles, d'autres, dont le Père Maunoir disent leur première messe, en se répartissant les autels. Puis le Père donne une première conférence, discours discontinu et dialogué qui diffère du sermon qui est continu et monologué : il interroge son assistance, il répond aux questions et sonde ainsi les reins et les coeurs, apprenant l'ignorance, les superstitions, les méchantes coutumes, les désordres et l' état de la paroisse" ( A. Boschet p. 283). Ayant appris le mal, il administre  le remède sous la forme d'un premier sermon qui expose à ses auditeurs "le nombre et l'énormité de leurs fautes", ébranlant les uns, convertissant les autres, et provoquant tant de repentirs que chacun veut se précipiter déjà vers les confessionnaux saturés. On les conduit hors de l'église vers le cimetière où un membre du clergé va leur apprendre les Canticou spirituels que le Vénérable a composé en breton et où il a mis en musique (sur des airs légers que chacun connaît) les Vérités de la Foi  et le tableau des souffrances endurées par le Sauveur pour leurs péchés. Marins ou paysans, artisans ou notables, les hommes sont soigneusement séparés des femmes, et des religieux détaillent à l'aide d'une longue baguette blanche l'enseignement des "tableaux énigmatiques" où sont exposès les chemins qui mènent au paradis et les atroces tourments de l'enfer.

  Vers dix heures, ils écoutent un deuxième sermon par un écclésiastique, puis ils entonnent l'un des cantiques qu'ils viennent d'apprendre pour se préparer à recevoir la sainte communion. "Et le Père, debout sur le marchepied du grand autel, disposait les communiants à une si sainte action...Le Père animait ses paroles d'un visage si enflammé, d'un ton si effrayant que c'était avec vérité que tous répondaient Nous tremblons." (A. Boschet, p. 286). Vient alors l'action de grâce, un second cantique, l'adoration du saint-sacrement, l'Angelus, la récitation du Te Deum, avant la pause du déjeuner.

   L'après-midi débute par "une conférence par manière de récréation" sur le sacrement de Pènitence, puis le Père fait le cathèchisme au peuple. Il partait toujours du principe que les gens étaient ignorants de tout, et leur donnait instruction des mystères sacrés en partant des bases, et en utilisant ses cantiques où toute la doctrine chétienne était exposée. "Et il instruisait si parfaitement en un mois tout un canton qu'il ne s'y trouvait plus personne qui ne sût ce qu'il devait croire, ce qu'il ne devait pas faire, et ce qu'il devait faire pour être sauvé." ( p. 291). Les confesseurs retrouvent leur isoloir et la cohorte des pécheurs, tandis qu'un prêtre vient apprendre aux autres à dire la prière, à réciter le chapelet à deux choeurs, ou à chanter. A quatre heure (cinq en été), c'est le troisième sermon. La première semaine, le Père parle de la mort, du jugement dernier, de l'enfer et du paradis, "tout sujet bien propre à remuer lâme et à persuader la pénitence." (p.291) puis quand les esprits sont disposés, il prêche "sur les occasions dangereuses, et on enseignait à les éviter ; sur les tentations, et on apprenait à les vaincre ; sur les mauvaises habitudes, et on montrait à les déraciner ; sur la rechute, afin de la prière ; sur la prière, que l'on proposait à tous les maux du corps et de l'âme, et dont on ordonnait l'usage en touit temps, en tout lieu, et en toute occasion , et sur la persévérance, qui couronne le juste et met le sceau à notre prédestination." (p.292). La journée s'achève sur le Salut où on adore le Saint-Sacrement, la prière du soir, et des cantiques que le Père avait composé exprès. Vient l'heure de retour au logis, où les missionnaires, soupant en silence en écoutant une sainte lecture, bénéficient d'une conférence "qui tenait lieu de récréation, et qui en était une, car le Père était d'humeur gaie" : ainsi un recteur jouait à être un pénitent, contrefaisant la manière des paysans, ou d'un grand seigneur, ou d' un sergent, ou d'un vieillard, et leurs différentes espèces de péchès. Un autre jouait le rôle du confesseur  et devait dire comment l'interroger, de quels remèdes, de quels préservatifs il fallait user, comment l'exhorter, quand il fallait lier, ou quand il fallait délier (Mat.16, 19) et  quelle pènitence il prescrivait. Sur quoi chacun donnait son avis, disait au confrère en quoi il avait fauté, et ainsi tous passaient une soirée aussi distrayante qu'instructive (p. 295) 

    Quelques jours avant la fin de la mission, la fièvre s'empare de tous ; car chacun se prépare à la Communion Générale, par laquelle ceux qui avaient communiè séparément, s'assurant ainsi du bénéfice de l'indulgence pour leur propre compte vont communier tous ensemble pour les âmes du Purgatoire : aussi les confesseurs ne quittent plus le surplis et l'étole violette de quatre heure du matin jusqu'à huit heures du soir, et se dispensent, comme ils le sont autorisés en cas Ld'affluence, du Misereatur, de l'Indulgentiam et du Passio Domini.

   Mais le grand moment, l'action la plus éclatante de la mission dont elle est l'âme depuis le premier jour, c'est la Procession Générale : le Père en a confiè les plus beaux rôles aux plus assidus parmi les chanteurs de ses canticou, aux plus fervents pour reprendre ses prières, aux plus emprèssés au chapelet, distribuant en récompense à tel jeune garçon de jouer l'ange qui tiendra la couronne d'épine, à telle jeune fille de jouer Sainte Hélène, à tel grand gaillard barbu de faire le Saint Pierre dans  cette nouvelle version des drames et des Passions médièvales qui se jouera alors. On se rassemble tous dans un pré ou un jardin valloné où sera représenté le jardin des Oliviers ; il y aura Jacques, et Pierre, et Jean, et le plus digne parmi les prêtres qui fera Jésus, et le Père expliquera la scène au public encore trop ignorant. Et puis on s'élancera, Père Maunoir en tête, et le Christ, les Prophètes qui ont annoncé son règne,  et les apôtres, Saint-Jean-Baptiste qui porte une peau de chêvre, les septante-deux disciples, les anges qui portent les instruments de la Passion et parmi eux notre beau garçon de tout-à-l'heure tout fier de tenir sa branche de prunellier qu'il a nouer en couronne ;  Les Saintes, et  Sainte-Hélène toute intimidée, puis les soeurs du Tiers-Ordre, deux groupes de vierges habillées de blanc et deux groupes de Martyres vêtues de rouge, et tout ce monde  frissonne d'émotion, pousse le cantique un peu plus aigu qu'il ne faut, retient des rires nerveux, réajuste sa tenue, et sent vibrer cette âme collective qui déplace les montagnes ; mais on s'arrête : Le Christ est devant Pilate, qui crie bien fort Ecce Homo ! et le Père explique en breton ce que c'est, et on repart, une Véronique se précipite pour éssuyer le visage du prêtre-Christ qui dégouline de sueur depuis qu'il porte la Croix, on s'arrète encore car voici que Jèsus arrive devant trois femmes : on reconnaît Marie du Bois, Catherine Burlot, et celle-là c'est Marie la soeur à Jacques Burlot, mais on en les reconnaît plus car elles sont la Vierge Marie, Sainte Marie-Madeleine et Marie-Salomé, et elles sont si transformées qu'auucune ne pourra revenir à la ferme et qu'elles rentreront chez les Ursulines de Quimper. Tout le cortège repart, défile devant les Filles de Jérusalem, devant Joseph d'Arimathie, devant ce nigaud de Nicodème, jusqu'à ce que l'on arrive devant la chapelle, où une grande scène a été montée. Le Père Maunoir est déjà à la chaire, et il raconte la Passion.

   Il fait monter le prêtre celui qui joue Jésus : celui-ci, livide, s'écroule sous le poids de la Croix et reste à terre tandis que le Père s'adresse à la foule : " Le voyez-vous ce Dieu-homme que vous avez crucifié ? C'est vous qui avez enfoncé cette couronne d'épine dans ce chef sacré où réside toute la sagesse de Dieu ; c'est vous qui avez mis sur les épaules du sauveur cette pesante croix qui l'accable. Voilà quel est le fruit de vos crimes !  Regardez cette face adorable que les Anges souhaitent de voir. Voyez comment vous l'avez défiguré ! "  Les trois saintes femmes se mouchent, le grand Saint Pierre essuie sa larme, et un ange de douze ans renifle bruyamment. La mère à Denis le Guidal qu'on croyait si forte tombe à genoux et verse des torrents de larme, et sa voisine Marie Marchadour l'imite, les deux frères le Joncour lévent leurs grands bras maigres en criant, le vieux père Cornic se mèle au concert de lamentation, et puis c'est Jean-Marie l'Helgouac'h, de Toulfeuteun, c'est Jacques Brélivet, de Kerguilligui, c'est Madame Louboutin et Madame Bescond de Talac'hoat, c'est toute la paroisse qui se surprend à chialer en choeur, si bien que le Père doit s'interrompre car on ne s'entend plus. Puis il reprend "Que serait-ce donc si vous voyiez Jésus lui-même chargé d'une croix beaucoup plus pesante que celle-ci ? Que serait-ce s'il vous parlait, s'il vous reprochait son amour, et votre perfidie?"

  C'est le coup de grâce, le Père doit cesser de prêcher et il reprend la tête de la procession devant une foule déconfite, qui marche en baissant le front en méditant sa faute, tandis que certains se hâtent de voir s'il reste des places pour la confession... 

  Une autre fois, à Plouhinec, (1) le Père jugea à propos d'affermir le canton par une crainte proportionnée à l'importance de sa faute ; il venait de composer ce cantique instructif et pathètique sur les tourments de l'enfer où les humains interrogent ceux qui souffernt dans les enfers et leur demandent quelles sont leurs peines, et qu'elle en est la cause. Il décida de faire monter sur la scène des enfants, qui allaient poser les questions aux damnès, et de dissimuler sous les trétaux des hommes et des femmes qui répondraient depuis les enfers. Il débuta en s'adressant à l'assemblée : "Descendons en enfer pour voir quels supplices effroyables endurent les âmes damnées que la colère de Dieu tient enchaînées au milieu des flammes,pour avoir abusé de ses grâces en ce monde ! C'est un abîme profond plein de ténèbres sans la moindre clarté ! 

   Ann tan zo var ho gorre, ann tan zo dindan ho

   Ann tan zo a bep koste hag ho devo ato.

   Des flammes sur leur tête, des flammes sous leurs pieds,

   Des flammes de tous cotès qui les dévorent à jamais !

   Ha Kignet vo ho c'hrorc'hen, hag ho chik difreuzet,

   Gand beg ann aeren-wiber, kouls ha dend ann diaouled

   Leur peau sera écorchée, leur chair sera déchirée

   Par la dent des serpents, par la dent des démons! (2)

                     

  Alors le Père place les enfants devant tous les paroissiens, et les petits récitent leur couplet :

                 Malheureuses créatures

                 Que le Dieu de l'Univers 

                 Par d'eternelles tortures,

                 Punit au fond des enfers,

                 Dites-nous, dites-nous,

                 Quels tourments endurez-vous ?

  Alors, des profondeurs de la terre surgissent des voix lugubres qui répondent :

                 Hélas, hélas, mortels, ne nous suivez pas! 

  Chacun frémit, tremble d'horreur, tous les regards glacés se tournent vers le Père qui dit aux Vivants : "continuez" :

                Les Vivants : Parlez, de chaque victime, racontez-nous les malheurs,

                                   Et du ténébreux abîme retracez-nous les horreurs,

                                   Dites-nous, dites-nous, quels tourments endurez-vous ?

                Un Réprouvé, d'une voix caverneuse : Ah, pour des plaisirs infâmes, 

                                   Qui n'ont duré qu'un moment, Il faut, au milieu des flammes,

                                    Bruler éternellement ! Hélas, hélas mortels, ne nous suivez pas!

                Les Vivants :  Pécheurs, dont l'intempérance, fit mépriser tant de fois,

                                    D'une faible pénitence, les douces et saintes lois,

                                    dites-nous, dites-nous, quels tourments endurez-vous ?

                Un Réprouvé (con dolore & con fuoco) : Hélas, la faim nous dévore,

                                     La flamme est notre aliment. Une soif brûlante encore,

                                    Achève notre tourment. Hélas, hélas mortels, ne nous suivez pas!

                Les Vivants : Et vous, jureurs d'habitude, qui dans vos emportements

                                  Faisiez une multitude d'épouvantables serments :

                                   dites-nous, dites-nous, quels tourments endurez-vous?

                Un Réprouvé ( disperato) : Les pleurs, les sanglots, la rage,

                                   les transports continuels, font notre horrible partage 

                                   dans ce brasier éternel. Hélas, hélas, mortels, ne nous suivez pas

                  Tous (patetico) : Le tourment le plus horrible, n'est pas le tourment du feu.

                                    Il en est un plus horrible,c'est de ne jamais voir Dieu.

                                    hélas, hélas, mortels, ne l'éprouvez pas !

                  Les Vivants, serrés les uns contre les autres : Jamais, est-ce bien possible ?

                                   Nos âmes, à ce mot terrible, s'épouvantent et se confondent.

                                   Hélas, Hélas, Seigneur, ne nous damnez pas ! (3)

            

     C'est, dans le public, la consternation la plus complète et chacun, épouvanté, à genoux, se frappe la poitrine et se signe en tendant devant soi la croix de son chapelet. Il y a ceux qui restent prostrés, et il y a ceux qui hurlent. Ceux qui croient que le Jugement Dernier est arrivé, et ceux qui croient à un miracle. Et les recteurs, qui ne sont pas dans le secret, cramponnent la bannière de la sainte Vierge. Mais le vent, qui soufflait déjà bien fort, augmente tant en apportant une averse si violente que tous les paroissiens retrouvent leurs esprits et se précipitent vers la chapelle en courant. Le vent se calme tout-à-coup.

  Mais, selon l'abbé Boscher, il y eut ce jour là parmi les 4000 personnes qui avaient assisté à ce prêche, plus de conversion et plus de pénitence qu'aucun autre jour.

         J'ai romancé ce récit à partir de ces sources :

(1) Le Parfait  Missionnaire, Antoine Boschet, p.166

(2) An Ifern, l'Enfer : Barzaz Breiz, de la Villemarqué, http://fr.wikisource.org/wiki/Barzaz_Breiz_1846/L%E2%80%99Enfer/Bilingue

et les commentaires de : http://chrsouchon.free.fr/ivernf.htm

(3) Nouveau recueil de cantiques pour les missions,  1824, n°42 ,http://books.google.fr/books?id=3F_fwinmQlAC&pg=PA46&lpg=PA46&dq=dialogue+des+âmes+réprouvées+enfer&source=bl&ots=14UlgotxA9&sig=r1M0-rGimXCk31njYRGHAXiYBH0&hl=fr&sa=X&ei=kXQ2T8jkEMu08QP92cS7Ag&ved=0CCI

                                    

        Réalité du paganisme breton du XVIIe siècle ?

      On peut s'interroger sur la réalité du constat de paganisme et d'ignorance religieuse qui justifièrent ces missions : les bretons s'étaient-ils détournès de la foi ? Avaient-ils oublié leurs prières ? Méconnaissaient-ils l'Histoire Sainte et les bases du christianisme ? La pratique religieuse s'était-elle affaiblie considérablement ?

   Je ne suis pas habilité à répondre, mais ces questions ont déjà été posées, par exemple par exemple par Louis Kerbiriou (Les missions bretonnes, histoire de leurs origines mystiques, Brest 1933) qui remet en cause le shéma d'une région retournée à l'indifférence religieuse puis reconquise par de nouveaux apôtres comme Michel le Nobletz ou Julien Maunoir, pour penser qu'un fond religieux restait bien vivant, comme le montre l'éclat de l'art chrétien, mais mélangé à des pratiques superstitieuses. Gabriel le Bras dans son étude critique de cette publication estime que "la vérité, c'est que les désordres de la Réforme et de la Ligue avaient agité la province et que les âmes étaient abandonnées comme partout à un clergé sans formation sérieuse."

   Mon examen des inscriptions et statues de Kerlaz dans l'article Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions.  montre que la mission de Maunoir en 1658  a été précédée d'une intense activité de construction et d'embellisement du sanctuaire, qui ne put être réalisée sans une forte contribution financière des fidèles, et donc une dévotion et une foi très vivante : j'en donne la liste pour  témoigner de l'absence d'infléchissement des investissements au XVIIe siècle avant la mission du père jésuite. Au contraire, aucune date n'est relevée après 1658...jusqu'aux vitraux du Très Révérend Père Le Floch.

   16eme siècle, statues de St Germain, Notre-Dame, St Michel, St Even, St Sébastien, groupe de Crucifixion. Réalisation des sablières

  • 1539 : date sur plaque tombale.
  • 1541 : verrières,
  • 1558 : arc de triomphe placître,
  • 1550 : ossuaire,
  • 1566 socle Notre-Dame de Trèguron
  • 1567 : fonts baptismaux,
  • 1569 socle St Sébastien,
  • 1572, porche sud Caradec
  • 1576, porche sud
  • 1588  construction par Bourch

17eme siècle, reconstruction du pignon occidental 1620-1635

  • 1603, construction clocher Brelivet
  • 1606, clocher,
  • 1609, contrat de fondation de 60 sols aux prêtres de la trève pour faire dire deux services par an pour le repos de âmes de Paul Kersalé et Dagorn, sa femme.
  • 1620, clocher, Lucas,
  • 1626 porche ouest
  • 1631,
  • 1639 fontaine Saint-Germain
  • 1644 : cloche
  • 1645, croix du cimetière, Hierosme Le Caro.

  Quatorze ans avant le passage de Julien Maunoir, en 1644, la cloche avait été posée avec cette inscription : 1644 : S. GERMAIN P.P.N : LORS ETAIT RECTEUR GUILLAUME VERGOZ ET HENRI KERSALE, CURE. J. CARADEC F. : pour une trève de la paroisse de Plonévez-Porzay, les fidèles disposaient d'un recteur, d'un curé et d'un fabricien, pour ne pas parler des deux chapelains, l'un au Ris-Huella et l'autre au Coty, et des desservants des chapelles des manoirs, comme la chapelle Saint-Louis du château de Lezargant. Et nous ne disposons pas (à ma connaissance) des comptes de fabrique qui nous renseignerait sur les confréries en activité, sur le montant des dons et, indirectement, sur la ferveur des paroissiens.

   On remarque que la mission de 1658 a lieu à la trève de Kerlaz et non à la paroisse, qui est  Plonevez-Porzay. Est-ce parce que kerlaz est le siège d'un Pardon, le dimanche de la Pentecôte ? J'ignore quand celui-ci a été institué. 

 

  Il reste l'accusation de superstition. Le Porzay , s'il est le lieu de deux des plus fameux et anciens pardons de Bretagne (Ste Anne-La-Palud et Locronan) est l'une des régions de Bretagne où les rites chrétiens sont les plus contaminés par des pratiques prèchrétiennes qui ont été christianisées, et où les légendes de saint Ronan ( fondant la tromènie de Locronan), de Saint Corentin (patron du diocèse de Quimper), de Saint Guénolé avec celle de Gradlon et de la ville d'Ys, de Saint Théleau, Saint Even, Saint Hervé reprennent d'anciens cultes, d'anciennes pratiques de guérison (cloche de Ronan), d'anciens rites autour des animaux (Corentin et le poisson, Théleau et le cerf, Hervé et le loup), des sources et des fontaines, des arbres et des pierres. Le développement de Locronan n'est pas tant dû à la présence des reliques de St Ronan qu'en la vénération de ce sanctuaire par les Ducs de Bretagne en mal de postérité, ou qui venaient remercier d'une naissance : car de tout temps le nemeton gaulois, la forêt de Nevet, ses sources et ses pierres ont  été vénérés pour leur puissance fécondante, fécondité du dieu Lug celte ou du dieu gallo-romain Mercure. Lors de la Tromènie de Locronan, les femmes désirant avoir un enfant venaient, ou viennent, se frotter le ventre ou s'asseoir sur une pierre mégalithique, la Jument de pierre. Et à Kerlaz, lors du pardon, il était coutumier d'aller s'asseoir sur Kador sant Jermen, la chaise de saint-Germain.

   Le sujet de ces articles sur les Vierges allaitantes en fait preuve, et les Vierges s'inscrivent sur moins de 30 km autour de Locronan  et de sa Vierge de Bonne-Nouvelle et de ses routes principales : vers l'Ouest (Kerlaz), vers le Sud (Seznec à Plogonnec), vers le Nord-Est (Quillidoaré à Cast, St-Venec à Briec, Kerluan à Chateaulin,) ou l'Est -Nord-Est ( Kergoat à Quéménéven, Trèguron à Gouezec, Lannelec à Pleyben), non sans rapport avec un culte du lait, de l'eau de de la cire qui s'enracine dans celui de Vénus anadyomène.

   Le Concile de Trente souhaitait épurer la religion de cet enracinement prè-chrétien. Les missions du Père Maunoir y ont-elles contribuè ? Leur succés vient-il de l'instruction théologique donnée aux fidèles ? Des injonctions à la pratique d'une vie évangélique ?  Ou de l'utilisation de la peur de la mort et de l'enfer,  des indulgences accordées à ceux qui se confessaient et communaient, et des pratiques d'exorcisme contre les suppots de satan, et leurs sabbats?


Retour au vitrail :

 Il représente le Père Maunoir qui porte une courte barbe en pointe, en train de prêcher, en désignant le Ciel, à l'assemblée des paroissiens en costume bretons de la fin du XIXe siècle, tandis que deux nobles, à droite, contemplent la scène. Le clocher de Kerlaz est en arrière plan, et le Père est monté sur un des degrés du calvaire, sur lequel on peut distinguer des armoiries avec un léopard, très vraisemblablement celle des seigneurs de Nevet.

   Je ne sais ce que le Père Maunoir tient dans la main gauche. Mais l'espace de terre remuée qui lui fait face, et que tous les paroissiens fixent des yeux, c'est une tombe sur laquelle deux couronnes et un ruban ont été déposées. Il prêche donc sur la mort, sur le sens de la mort pour un chrétien, et sur les moyens de si préparer. S'il ne connaît pas encore l' Oraison Funèbre que Bossuet prononcera en 1669 pour Henriette de France, ni ses Sermons sur la mort, préchès lors du carème 1662 devant la Cour, son talent oratoire lui inspire certainement de développer des arguments analogues.

  Mais puisque Henri Le Floch a fait figurer son père Mathurin Le Floch (1813-1916), agriculteur aisé dont l'exploitation s'est développée dans ce riche Porzay agricole qui incline ses pentes fertiles vers la Baie de Douarnenez, puisqu'il a figuré, face à cette sépulture, son grand-père, s'il y a placé sa mère Marie Le Joncour (1838-1871), mère de huit enfants, qui est morte lorsqu'il avait 9 ans, je pense que ce CREDO qu'il a fait inscrire au sommet de la vitre concerne cet acte de foi chrétienne, cette espèrance confiante d'une vie après la mort, espèrance confiante dont sa mère l'a nourri et grâce à laquelle il a surmonté ce deuil de l'enfance. Mais s'il pense à sa mère, il pense aussi à son père qui vient tout juste de décédé, et par l'héritage duquel il peut aujourd'hui offrir ces vitraux à la patrie de ses ancêtres. 

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Etude des costumes :

  Ce sont les costumes du pays Porzay, appartenant à la mode de Quimper : les hommes sont surnommés glazik avec leur costume bleu, et les femmes borleden du nom de leur coiffe.

       Les deux hommes au premier rang portent le costume glazig, "petit-bleu" de la mode de Cornouaille sud. En 1917, les bragou braz, ces larges culottes  de droguet (chanvre et laine) marron ou de toile de lin blanc l'été ne sont plus portés depuis les années 1860-70 par les jeunes générations. Elles sont si plissées et si larges aux genoux qu'on peut sans-doute les nommer bragou ridet, ces culottes dont on fixait les  plis en les plaçant dans le four à pain encore chaud de la dernière fournée, et qu'on ne lavait jamais. 

   Sous les bragou se trouvent les guêtres ou gamachou portés sur des sabots ou des chaussures à boucles.

  Les pantalon sont retenues par ces ceintures en peau de buffle nommées gouriz, aux fermoirs de cuivre ciselé d'un motif floral.

Le costume comporte aussi :

  • une chemise blanche à col haut,
  • un gilet (jiletenn) à deux plastron, boutonné par six boutons, et dont l'encolure porte une bande de velours noir,
  • peut-être une sous-veste,
  • une veste sans manche (?) dont le bord (bruskou) et l'encolure sont doublés de velours noir sur lequel se détache une alternance de boutons dorés ronds  et de larges boutons argentés. Les manches du gilet sont également rehaussées d'une bande de velours noir brodée d'un zig-zag orange.

 Un autre homme porte un costume identique, mais les boutons sont remplacés par des zig-zag brodés sur l'encolure du gilet et sur deux bandes de velours de la veste. Il porte un penn bazh dans la main gauche. On remarque les cheveux longs.

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  Le costume féminin du personnage debout de profil : il se caractérise par une longue jupe rouge plissée sur l'arrière et le coté, d'un corsage ou manchou de drap rouge, ouvert et sans manches, et de gilets dotés de manches retroussées et étagées décorées de broderies de rubans et de galons de lin brodé de fil argenté (galons de fehl).  La ceinture est également de passementerie métallique et se prolonge dans le dos par deux longs pans. A l'arriere-plan, la femme porte un gilet brodé de motifs floraux de  cannetille et de perles, à l'encollure rectangulaire, et une parure de cou avec un coeur en cuivre ciselé et une "croix-jeannette".

  On ne peut que remarquer la richesse de ces costumes, et de la surabondance (qui ne plaisait pas au clergé) des perles, verroteries, paillettes, fils d'or et cannetilles. Ce sont plutôt des costumes de noce, mais ils pouvaient être portés lors des pardons. 

  On peut encore observer de nombreux détails sur ce vitrail, détailler les coiffes (dont une sorte de cape très simple, une coiffe de deuil ou un capot contre la pluie chez une personne plus agée en robe sombre et dépuoillée ), le costume et le bonnet des enfants...

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   La femme  à genoux ( qui représente peut-être la mère, décédée à 33 ans, du Père Le Floch) porte une robe noire et un tablier de tissu léger à carreaux bleus et blancs ornés d'étoiles. Elle porte aussi un gilet de drap gris, aux deux manches larges richement brodées d'or qui s'arrêtent sous le coude pour libérer la chemise aux poignets gaufrés, un corsage sans manche, descendant en croisant sous la poitrine selon une mode des annèes 1880. La parure de cou est intéressante à détailler : un ruban de velours noir est aggrafé sous le menton ; il se prolonge par un élément de dentelle rectangulaire qui fait ressortir le coeur de cuivre , et la croix-jeannette. Cette parure de cou posséde une vertu protectrice religieuse identique aux scapulaires, ces bandes d'étoffe qui protégeaient les carmes ("quiconque  mourra  revêtu de cet habits sera préservé des flammes éternelles") ou les Croisés, et devenus dans la guise de Quimper un élément du costume féminin. D'ailleurs, cette femme semble porter, outre la parure de cou, une paire de scapulaires, formée par ces rectangles dorés aux petits carrés blancs qui se prolongent par des bandes de tissu gallonés de fehl et brodés d'épis  qui descendent dans le dos. 

  Bien-entendu, il serait plus judicieux que ces descriptions soient données par des personnes plus compétentes que moi : prenez-les à défaut de mieux.

    On remarque aussi le couple présent à droite, les seigneurs locaux en tenue Louis XIV avec perruques, chapeau à plume, dentelles, crevés, etc. Le rôle de la noblesse est ainsi soulignée. G. Horellou nous précise qu'il s'agit du pieux marquis  René  de Névet, dont nous reparlerons longuement, et de la marquise Renée de Névet née Anne Guyon de Matignon. 


 

 

  On admettra que l'exercice auquel je me livre n'est pas toujours aisé ; on me reprochera peut-être mon manque de légitimité pour m'y aventurer. Que l'on veuille bien pardonner mes maladresses.


                                                             A SUIVRE : LES VITRAUX DE KERLAZ, DEUXIEME PARTIE


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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 15:55

        VIERGES ALLAITANTES IV 

       Église Saint-Germain à Kerlaz,

                     Des vitraux édifiants :

 

                 Deuxième partie

 

 

       première partie :  Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 1ère partie..

 

 

 

III. Baie 3, transept nord : la légende de Saint Even.

 

"Don de Mlle Floch"


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 a)  Tympan : 3 ajours  dont le soufflet central montre une procession au XIXe siècle (paysans en bragou braz) à la fontaine de Saint-Even.

b) deux lancettes cintrées de trois panneaux  légendés:

  • Saint Even chassé de la maison paternelle à cause de ses sentiments religieux.
  • Saint Even après avoir érré plusieurs jours se présente au manoir de Lezascouët.
  • Le seigneur de Lezascouët l'accueille dans son manoir comme pâtre.
  • Frappé par ses qualitès, le seigneur de Lezascoët lui donne sa fille en mariage. 
  •  Saint Even précipité par son oncle dans la mer gagne le monastère de  l'Île Tristan.
  • Saint Corentin apparaît à Saint Even et lui dit de réintégrer son manoir. Il meurt à son arrivée.

   A l'occasion de la découverte de la statue de St Even dans cette èglise Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions. , j'ai présenté la version de Mr Pouchous sur  la vie de Saint Even ou Ewen. Celle-ci est assez différente, et j'ignorais quelle en était la source : peut-être l'histoire que Henri Le Floch a pu recueillir de ses parents ou autour de lui à Kerlaz ?

  b1  A propos de Lezascoët:

Lezascoët ou Lezaskoed (lieu de naissance de Germain Horellou) est actuellement un lieu-dit de Kerlaz. Sous la forme Lezharcoët attestée en 1332, c'est l'un des plus anciens toponymes de la commune, où on reconnaît la racine -lez (dont j'ai discutée à propos de Pontlez  Vierges allaitantes III : Quillidoaré, la légende du Marquis de Pontlez et l'histoire.) qui signifie " cour seigneuriale" du haut Moyen-Âge (avant Xe siècle) , racine -lez qui est associée au patronyme -Harcoët lui-même dérivé du vieux-bretonhoarn, "fer" et skoed, "écu, bouclier" pour désigner un guerrier au bouclier de fer. http://www.ofis-bzh.org/upload/travail_fichier/fichier/69fichier.pdf

   L'existence d'un domaine seigneurial à Lezascoët est donc parfaitement plausible. Mieux, le Père Grégoire de Rostrenen déclare avoir trouvé en 1701 les pierres de taille de ce chateau, marquées des caractères "d'un ancien alphabet des bretons d'Armorique". Plus exactement, l'histoire, que je découvre alors que je rédige ce texte, est la suivante, selon, toujours, Germain Horellou qui en a écrit 28 pages (pp. 204-232) : Ce manoir de Lezarcoët a été le fief d'Olivier de Lezarscoët cité en 1332 dans le Cartulaire de Quimper, puis des Languéouëz, puis de Jacques de Guengat (voir Plogonnec: Les vitraux de Plogonnec I : Saint Sébastien ), puis de René de Kergorlay du Cleuzdon (voir Buhat-Pestivien : Les vitraux de Bulat-Pestivien : les Anges Musiciens.) et du Cleuz du Gage (id), des de Roquefeuil et de Quemper de Lanascol jusqu'à la Révolution. Mais le manoir a disparu, ne laissant que les murs de cloture, une petite ferme nommée Koz-Maner  et une éminence nommée Plas-ar-Maner. Un baron du Fretay y a fait des fouilles en 1895 et a dégagé un édifice de 58m sur 14, datant du XVe siècle selon P. Peyron avec réemploi de pierres d'un édifice médiéval. Julien Maunoir aurait été le premier en 1658 à être frappé par les inscriptions curieuses, où il aurait vu un alphabet breton ancien ; l'abbé Grégoire les  retrouve en 1702, Dom Le Pelletier donne dans son dictionnaire deux spécimens d'alphabet celtique ancien d'après ces signes, et finalement le chanoine Peyron, le fameux auteur des Notices du Bulletin Diocvesain y reconnaît.... des marques de tacheron que les tailleurs de pierre payès à la tache utilisent pour identifier leur travail ! Voir Abgrall & Peyron, Notice sur Kerlaz, 1915, http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=36


  Un monastère est suspecté sur l'Île Tristan en vertu d'un texte du XIIe siècle où Robert, evêque de Quimper, fait don au monastère de Marmoutier de l'ïle de St Tutuarn, qu'on assimile à Tristan.

   b2. A propos de cette version

Je découvre page 212 de mon livre de chevet que cette version de la légende est issue d'un gwerz sant Even, dont "l'original appartenait à une personne de Douarnenez. La traduction fut faite par le chanoine Millour [ mentionné à Plonevez-Porzay au grand pardon de 1895 où il bénit une cloche] à la prière de M. du Fretay.". L'abbé Horellou explique que cette vraie légende où le héros est saint Even a été pillée au profit d'un autre héros, le seigneur de Pramaria, et publiée par le Pére Maunoir dans sa Vie de Catherine Daniélou , puis reprise par le chanoine Peyron dans le Bulletin diocésain d'histoire et d'Archéologie Bdha de 1909. Effectivement, cette référence est exacte :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1099887/f252.r=catherine+danielou+peyron.langFR

  Henri Le Floch a très bien pu lire en 1910 la publication du chanoine Peyron, qui a pu lui rappeller la légende qui se racontait à propos de saint Even à Kerlaz, et décider de l'illustrer par un vitrail.

    Dans la version de Kerlaz rapporté par Horellou page 215, le saint est chassé en raison de sa foi chétienne par sa mère "païenne et dénaturée". Il est recueilli comme pâtre chez le Sr de Lezascoët, qui le marie avec sa fille. Mais le frère du seigneur, l"oncle", est jaloux du jeune héros et lors d'une partie de chasse, le jette du haut des falaises de Lanévry. Il gagne l'Île Tristan, y reste 4 ans, puis saint Corentin lui apparaît pour lui demander de retourner auprès de son épouse qui se languit de lui. Il revient chez lui et meurt subitement.

   Dans la version beaucoup plus détaillée de P. Peyron, c'est le père qui prend en grippe son fils ainé, Joseph-Corentin de Coetanezre et le chasse, avec l'accord de son épouse. C'est ensuite une succession de dévotion à la Vierge et à Saint Corentin, nommémént dèsignés comme substitut de la mère et du père, qui lui apparaissent sous des formes diverses, qui le secourent miraculeusement, pendant que le jeune homme suit la trame de l'histoire précédente, épouse la fille du seigneur de Lezascouët, est poussé dans la mer par l'oncle, accoste sur l'îlot Trévinec, revient cinq ans plus tard chez lui où , il doit verser le prix des miracles dont il a bénéficier : sa vie, et celle de son fils.

 


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IV. Nef : baie de deux lancettes cintrées : éducation de la Vierge

 Don de Mlle le Floch (soeur du T.R.P.Le Floch)

    Sous ce titre d'allure banale, les commanditaires placent dans le programme de vitrail une référence capitale pour leur foi, et pour toute la région du Porzay : celle du sanctuaire de Ste-Anne la Palud, et de son Pardon. 

  Ce sanctuaire a tant d'importance que ce sera lui qui, avec Krelaz, bénéficiera des efforts du Très Révérend Père Le Floch. En effet, alors qu'en 1913 il avait déjà aidé à obtenir le couronnement de la statue de Sainte-Anne, c'est par l'utilisation de son influence dans les spères romaines qu'il obtint de la basilique romaine Saint-Paul-hors-les-Murs un fragment de côte et de l'église d'Apt un fragment de doigt de Ste Anne, reliques qui seront transférées en grande pompe à la Palud en août 1922. Cela plaçait le sanctuaire à l'égal de Ste-Anne d'Auray, qui possédait déjà des reliques d'Apt.

   Cette importance s'accroit aux yeux de la famille Le Floch car c'est à Ste Anne La Palud que l'abbé réfractaire Garrec, recteur de Kerlaz et arrière grand-oncle, a continué à exercer son sacerdoce après la fermeture de la chapelle de Kerlaz.

  On peut aussi penser que Henri Le Floch ayant perdu sa mère quand il avait 9 ans, ce sont ses grands parents qui ont participé à son éducation.

 Réseau : soufflet central, scène devant la chapelle de Sainte-Anne-la-Palud, des femmes font l'aumone à un mendiant. Costume masculin : bragou braz, sabots, chapeau rond à deux guides. Costume féminin : châle, coiffe courte (penn sardin ?)

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Lancette

Mention:"Éducation de la très sainte Vierge"

  Sainte Anne donne des conseils à Marie.

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 V. Baie  sud : St Hervé

 une lancette

Mention "Saint Hervé bénissant les fidèles" 

Mention : Gl Léglise Paris 1918.

  Là encore l'abbé Horellou nous donné une prècision : "Cest la reproduction sur verre, aussi exacte que possible, du groupe en granit qui a disparu de l'église il y a une vingtaine d'annèes."Effectivement, la Notice des chanoines Abgrall et Peyron de 1903 sur Kerlaz mentionnait la disparition d' "un groupe en pierre, très curieux et très primitif représentant saint Hervé, le chanteur aveugle guidé par son petit compagnon Guic'haran qui conduit le loup traditionnel et le menace d'un fouet armé de gros noeuds. Sous couleur que c'était une oeuvre de style un peu barbare, on a cédé pour une destination profane cette statue qui avait été vénérée pendant quatre siècles par les paroissiens de Kerlaz. Ce groupe provenait de la chapelle de Saint-Mahouarn de Lezoren (Plonevez)." 

  Saint Hervé est un saint breton dont l'hagiographie a été écrite par Albert Le Grand au XVIIe siècle : né vers 520, aveugle de naissance, il est souvent représenté avec un loup et un petit garçon. Celui-ci est son guide, du nom de Guic'haran, et l'histoire est celle-ci : un jour, l'oncle de Saint-Hervé, saint Wiphroëdus, qui l'heberge en son petit monastère, doit partir en voyage et confie à son neveu et à l'enfant le soin de labourer le champ et de veiller sur son âne. Mais "le loup, l'ayant trouver à son avantage, le dévora". Guicharan crie, appelle son maître, mais Hervé se contente de prier avec ferveur le Bon-Dieu d'épargner cette perte à son oncle Wiphroëdus. (si vous ne comprenez pas à la première lecture qui est l'âne, le loup, l'oncle, le champ et l'aveugle, et qui a mangé qui, c'est que je ne suis pas le seul ). Or donc " Comme il prioit ainsi, voilà venu le loup à grand erre; ce que voyant Guiharan crioit au saint qu'il fermast la porte de la Chapelle sur soy ; mais le saint lui répondit : "non non, il ne vient pas pour mal faire, mais pour amender le tort qu'il nous a fait ; amenez-le,& vous en servez comme vous faisiez  de l'Asne", ce qu'il fit".  

 Et maintenant, la phrase que je préfère ( certainement celle que le petit Henri Le Floch demandait à sa grand-mère : "encore, Mamm Goz, encore là où le loup traîne la charrue!"):

" & estoit chose admirable de voir ce loup vivre en mesme estable avec les Moutons, sans leur faire de mal, traîner la charrue, porter les faix et faire tout autre service comme une beste domestique". (Albert le Grand, les Vies des saints de la Bretagne Armorique, Ed J. Salaün, Quimper 1901 p. 234)

 Et sûr que Mamm Goz n'omettait aucune esperluette, aucun "estoit chose admirable", et qu'elle disait Asne au lieu d'"âne", mesme estable au lieu de "même étable" beste au lieu de "bête", et sûr  que le petit Henri rigolait sous ses draps d'entendre une grande personne massacrer l'orthographe  et sûr encore qu'il se disait qu'estoit chose admirable que ce fut permis.

 

   En ce temps là, le martinet avait dèjà été inventé, et Guiharan en menace Messire Loup en lui disant "au pied". Et Saint Hervé bénit avec trois doigts, en signe de la Sainte Trinité, guérissant à l'aveugle les maladies des yeux (sauf la sienne), les peurs et les angoisses, les dépressions majeures caractèrisées et les dépressions masquées qu'il démasquait sans le DSM-IV, les possédés des démons, les chevaux vulnérables et les grenouilles, à condition qu'elles coassassent. Car il leur disait, je crois "croissez pour peu que vous ne coassassiez ".

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                              A SUIVRE,  LES VITRAUX DE KERLAZ : TROISIEME PARTIE :

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 15:54

                    VIERGES ALLAITANTES IV 

              Église Saint-Germain à Kerlaz,

                  Des vitraux édifiants :

         Troisième partie : le marquis de Névet .


  Résumé : l'ensemble des vitraux de l'église Saint-Germain de Kerlaz a été réalisé pendant la Première Guerre Mondiale par Gabriel Léglise sur la commande et grâce au don de deux enfants du pays, un frère et une soeur, après que leur père,  exploitant agricole du Caouët, soit décédé. Ces co-héritiers étaient l'un Supérieur du Séminaire Français de Rome, l'autre religieuse, tous les deux  spiritains de la Congrégation du Saint-Esprit à vocation missionnaire, et en 1916, ils n'héritèrent pas que de biens meubles ou immeubles, mais aussi des traditions et légendes de ce territoire qui s'adosse à la montagne de Locronan et au "nemeton" (territoire gaulois sacré) de la foret du Nevet, et dont la foi et la pratique religieuse a incorporé un matériau prè-chrétien considérable. Ils héritèrent d'un catholicisme qui accueillait avec  un enthousiasme et une ferveur allant jusqu'au sacrifice les missionnaires et les recteurs qui organisaient des Grands Pardons (celui de Ste-Anne-la-Palud, tout proche, mais aussi celui de Kerlaz, sans parler de Rumengol), qui assuraient aux participants des indulgences plénières, reprenant des circumductions rituelles allant de mégalithes christianisés en anciens sanctuaires de la fécondité  et de source en statue de saints (Eutrope, Ouen, Germain)  lors de la Grande Troménie de Locronan, prenant la tête de processions, validant le légendaire développé autour des saints locaux, Corentin, Ronan, Guénolé, Theleau, Hervé, Thuriau et leur animal dédié, se procurant, avec l'appui des Ducs ou des seigneurs, de saintes reliques. En un mot, il reçurent (notamment de leur mère qui les menaient aux pardons) ce Merveilleux breton qui a su laisser dans l'art religieux comme dans les âmes le plus beau et le plus exaltant des trésors, trésor d'autant plus riche qu'il se mêlait aux légendes et aux haut-faits des écuyers et des chevaliers qui devinrent leurs seigneurs, frappant le fronton et les vitraux des églises de leur armoiries, enrichissant le territoire du panache de leurs noms et de leurs titres, partant en Terre-Sainte quérir la gloire et les reliques, et s'affrontant en combats magnifiques. 

   Mais s'ils héritèrent de cette profusion de Saints et de Héros de légende, ils reçurent aussi lors des veillées  les récits de plaies que la grande Histoire avait laissée en passant : épidémies de pestes diverses, famines, Guerres de religion et violence de la Ligue (Fontenelle dévastant le château de Lezargant situé su la paroisse), Révolte du Papier Timbré,  Révolution, Constitution Civile du clergé. C'était une histoire familiale, mémoires des arrières grands-parents ou d'arrières-grands-oncles : 

    Ces plaies non refermées dont l'Histoire avait balafré leur passé se sont associées aux légendes merveilleuses pour composer cette romance avec laquelle nous enchantons nos vies, et avec laquelle ils affrontèrent la leur. 

   Les images qu'ils nous ont laissé en sont le témoignage. Passionné et passionnant.

 


V.  Baie coté nord : Mort de René de Nevet.

 "René de Nevet, lieutenant du roi et colonel de l'arrière-ban en Basse-Bretagne, meurt le 13 avril 1676 plein de mérites et de vertus en son château de Nevet et pleuré par ses vassaux."

  Ce vitrail est encadré de quatre écussons, qui sont :

  • en haut à gauche, le lion rouge sur fond jaune se lit "d'or au léopard morné de gueules" (je reprends là-dessus l'abbé Horellou qui écrit "le léopard d'or morné de gueules ": Oh !).  Ce sont les armes des Nevet, et on lit leur devise, Perak ?, "pourquoi ?" [inscrit Perac].


  • en haut à droite le château fort se lit " d'azur au château d'or, sommé de trois tourillons de même", qui est Vieux-Chastel ou Koz Kastel. La devise est lue par G. Horellou comme Trementem pungo, "je tue celui qui tremble, je tue le lâche" en signalant que quelques armoriaux portent Prementem pungo, "je tue l'oppresseur", et que Claude de Lannion du Vieux-Châtel (sic) était grand amateur d'antiquités et généalogiste émérite. Mais l'inscription exacte est Prementem pugno (et non pungo), associant le verbe pugno, "combattre" (ou le nom pugno, "le poing" avec l'accusatif singulier de premens, "pressant", "la poursuite"). C'est la devise de la maison de Lannion, et non celle de la famille de Vieux-Chastel, mais elle a pu être empruntée à Claude de Lannion (mort vers 1621)  qui épousa Renée de Quelen, dame du Vieux-Chastel.


  • en bas à gauche, selon Horellou, les armoiries des Quelen du Vieux-Chastel "burelé d'or de six pièces d'argent", que je corrige en "burelé d'argent et de gueules de dix pièces" avec la devise E peb amzer Quelen, "De tout temps Quelen" qui joue sur le sens de quelen en breton, "le houx", toujours vert. Mais le vitrail porte Quelen atao, "Quelen toujours", qui n'est pas la devise héraldique.

          Je remarque que ces armoiries sont proches de celles que j'ai vues dans l'église de Kerlaz en socle du saint-Sébastien avec la date 1569 :  Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions.  Au lieu d'être entières, elles sont divisées par une ligne médiane en deux parties très proches mais néanmoins dissemblables et décalées , et dont seule la partie gauche semble être dotée des dix burèles ( on nomme burèle une bande horizontale ou fasce dont la largeur est diminuée, et employée en nombre pair supérieur ou égal à dix). Le blason débute en haut par une burèle d'argent (blanche) masquée sur ma photo par la barlotière. 


  • en bas à droite, un blason qui se lit "d'azur au cerf d'or" et qui n'est pas surmonté de couronnes, mais d'un cimier. Selon G. Horellou, il a été composé  par le R.P. Le Floch pour attribuer des armoiries à l'abbé Le Garrec (du breton gar, "jambe" garreg "celui qui a de grandes jambes"). Il lui a aussi attribué une devise, " Difennour ar feiz", "défenseur de la foi".    Je serais enclin à penser qu'on peut y voir la devise  que le Père Le Floch s'est choisie pour figurer dans ce carré de noblesse.  Le cerf blanc, parfois doté d'un collier d'or,  est, dans le roman breton, le messager des fées et du monde surnaturel, l'animal psychopompe qui guide le héros naïf vers les contrées boisées où il  accédera au Merveilleux où il devra se dépasser et se transformer. Diffenour ar feiz  peut sans-doute se traduire par "confesseur de la foi", titre réservé à un chrétien qui a été persécuté pour sa foi, qui a subi des blessures mais qui a survécu : ce sens s'applique alors à l'abbé Garrec.

  Il reste que ce "détail", l'invention d'armoiries et  d'une devise pour faire figurer les prêtres de Kerlaz à partie égale à l'un des quatre coins d'une représentation imagée du monde (symbolique du nombre quatre) avec les familles nobles ( 1.Kerlaz, 2.ses légendes, 3.ses familles nobles, 4.son clergé) est si singulier, si contraire à l'héraldique nobiliaire, si incongru et, quoique bien dissimulé, si hénorme qu'on ne peut faire l'impasse sur son interprétation. La plus banale serait d'y voir l'équivalent des vitraux du XVIe siècle où le donateur, un noble chanoine comme à Kergoat, figure dans le coin inférieur avec son saint intercesseur et ses armoiries. La plus élaborée partirait de la biographie et de l'étude critique de la pensée d'Henri Le Floch pour déchiffrer un message : ce qui est hors de mon propos.

 


 Description :       

   On  voit un homme alité dans un lit à baldaquin, recevant les derniers sacrements sous les regards d'une femme noble qui doit être son épouse. Une petite fille  est agenouillée devant nous, dont le costume breton contraste avec celui de trois autres enfants plus âgés, vêtus comme des enfants de seigneurs. Deux hommes se tiennent derrière eux, l'un en tenue de mousquetaire. Un paysan breton est visible tout au fond, près de la porte, affichant une attitude plus humble et respectueuse que les autres. Si on ne dispose pas d'autres explications, on conclue à une représentation à quatre composantes, la mort, la religion catholique, la noblesse, la paysannerie bretonne, sans comprendre pourquoi cette scène nous est montrée. 

  Parmi les deux personnages nobles qui assistent à la scène, l'un, en tenue de soie bleue et au chapeau de feutre empanaché, porte le ruban de l'Ordre du Saint-Esprit. Cet ordre ne comporte que 8 commandeurs, tous ecclésiastiques, qui portent le ruban en sautoir, et cent chevaliers, qui portent le large " ruban de soye de couleur bleue céleste" en écharpe sous le bras gauche, pour permettre la chevauchée. A ce  cordon bleu moiré s'attache le "placard" où est brodée d'argent la croix de Malte portant une colombe du Saint-Esprit. Ce sont les chevaliers des ordres du roy, qui sont toujours institués chevaliers de l'ordre de Saint-Michel avant d'être décoré de cet ordre.  La liste en est limitée, au XVIIIe siècle on n'y trouve pas de nobles bretons mais des princes, des maréchaux, des pairs de France, des ducs, des évêques et archevêques, des gouverneurs. Deux personnages proches du marquis de Névet ont porté le cordon bleu du Saint-Esprit, ce sont son beau-père François Goyon de Matigon, Comte de Torigny et Lieutenant-général de Normandie, mais qui mourut en 1675, et  Charles d'Albert duc de Chaulnes son supérieur hiérarchique. Ce serait donc lui qui est représenté ici, bien qu'il n'ait pas assisté au déces de René de Névet. 

  A ses cotés, en habit rouge, nous pouvons penser qu'il s'agit de M. de Tréanna, Sr de Lanvillio. 

  René de Nevet n'avait que deux fils, âgés à sa mort de 3 et 5 ans. Et celui qui l'a accompagné dans ses derniers instants, M. de Tréanna, à la Retraite de Quimper, ecrit qu'il a fait le récit de cette mort pieuse à son épouse, qui était donc absente. Mais un vitrail n'est pas un document historique, mais une représentation artistique. En outre, nous allons le voir, ce qui est montré ici n'est pas un fait réel, mais une légende développée autour d'un personnage historique

   


 

 

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La famille de Névet : éléments historiques :

      Dans la monographie de l'abbé Horellou Kerlaz, son histoire, ses légendes, ses familles nobles , Brest 1920, les pages 110 à 124 sont consacrées à la forêt de Nevet, et les pages 125 à 191 à l'histoire des seigneurs de Nevet : c'est dire l'importance du vieux territoire gaulois devenu ermitage de saint Ronan pour la paroisse de Kerlaz, et de l'histoire de cette famille illustre dont la seigneurie s'étend de 1270 à 1721.  Horellou lui-même reprend les travaux des chanoines Abgrall et Peyron, auxquels on peut se reporter. Enfin, Gérard Le Moigne a publié en 1999 dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère CXXVIII un article sur les seigneurs de Névet.

   Cette seigneurie étendit progressivement son fief sur soixante dix paroisses. Elle agrandit au cours des siècles le château de Lezargant qui finit par comporter deux grands corps de logis et un pavillon. Elle dirigea la Capitainerie de Quimper au XVIe siécle, celles de Quimper et de Douarnenez au XVIIe lors de la Ligue.

  


  • La famille de Névet date ses origines de la période précédent l'introduction du christianisme en Bretagne et estimaient être à l'origine du nom de la grande forêt de Névet, forêt où ils auraient accueilli sur leurs domaines de Plogonnec, Plonévez et Locronan Saint Corentin, Saint Ronan et Saint Guénolé.C'est Hervé VI de Névet (1424-1444) qui après de démêles avec l'évêque de Quimper, fit démonter son château pour le reconstruire pierre par pierre à Lezargant, sur la trève de Kerlaz. puis vinrent :
  • Jean Ier de Nevet (1444-1462), sans postérité : son frère lui succède :
  • Henri Ier de Nevet (1462->1480), seigneur de Névet : il épouse Isabelle de Kerhoent, puis Jeanne du Chastel, puis à nouveau Isabelle de Kerhoent.
  • Jean II de Nevet (>1480-1493), sans postérité, son frère lui succède :
  • Hervé VII de Névet (1493-1494)
  • Jacques Ier de Nevet (1494-1555), seigneur puis baron de Nevet, Sr de Coat-Nevet, de Lezargant, de Pouldavid, de Kerlédan, de Langolidic, Gouverneur de Quimper en 1524 et en 1543, il épouse Claudine de Guengat. Il est de religion réformée.
  • René de Névet (1555-1585) il abjure le protestantisme à la mort de son père. Gouverneur de Quimper. Son frère lui succède :
  • Claude Ier de Névet (1585-1597),Gouverneur du Faou, de Douarnenez et de Quimper en 1585.
  • Jacques II de Névet (1597-1616), il est assassiné le 28 octobre 1616 à la sortie des États de Bretagne à Rennes par le sire de Guémadeuc.
  • Jean III de Névet (1616-1647), baron de Névet, Chevalier du roi et gentilhomme ordinaire de sa Chambre, il épouse Bonaventure de Liscoët dont il eut dix enfants. Auteur de l'aveu du 6 juin 1644.
  • François Ier de Névet (1647-1647), son frère lui succède :
  • René II de Névet (1647-1676), baron puis Marquis de Névet
  • Henry-Anne Ier de Névet (1676-1699), colonel du régiment de Royal-Vaisseaux, sans postérité : son oncle, frère de René, lui succède :
  • Malo Ier de Névet ( 1699-1721), longtemps ermite à Plogonnec, avant d'épouser Marie-Corentine de Gouzillon ;  Le titre passe à la famille de Breil de Pontriant.

Éléments historiques sur René II de Névet.

  On les trouve dans les articles rédigés par le chanoine Peyron en 1919,  soit l'annèe suivant la réalisation des vitraux de Kerlaz, dans le Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie sous le titre Les derniers Seigneurs de Névet. : Bdha 1919 p. 19-48 et 90-96 :http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=40 .

Le contenu de cet article est reproduit  dans la monographie de G. Horellou Kerlaz, son histoire, ses légendes, ses familles nobles, Brest 1920. 

  Les trois ecclésiastiques Henri Le Floch, chanoine honoraire de Quimper, Germain Horellou son ami d'enfance, aumonier à Quimperlé et Paul Peyron, chanoine de Quimper ont sans-doute travaillé de conserve sur les mêmes thématiques, et si les vitraux ont été exécutés en 1917-1918 avant la publication de l'article de Peyron en 1919 et de l'ouvrage d'Horellou en 1920, les deux derniers citant les vitraux de Kerlaz, il est très vraisemblable que les recherches historiques aient été réalisées par Paul Peyron avant le début de la Guerre et communiquées au Père Le Floch lorsqu'il développa son projet. En effet, le chanoine Peyron écrit dans sa Notice sur Kerlaz, qui date de 1915, "nous parlerons plus au long de la maison de Névet dans la notice de Locronan". On peut aussi penser que, appartenant au même catholicisme breton, ils appréhendaient l'Histoire avec les mêmes options.  De là à faire de Paul Peyron l'inspirateur d'Henri Le Floch...

  A la réflexion, reprenant ce texte, je constate que mon hypothèse est une évidence puisque l'inscription légendée qui figure sous le vitrail,  "René de Nevet, lieutenant du roi et colonel de l'arrière-ban en Basse-Bretagne, meurt le 13 avril 1676 plein de mérites et de vertus en son château de Nevet et pleuré par ses vassaux."est une citation de l'article de P. Peyron.

   Sur René de Névet, P.Peyron nous indique ceci : 

"René, marquis de Névet, né le 26 octobre 1641, il fut élevé par les Jésuites, pour lesquels il conserva un profond attachement pendant toute sa vie. A l'âge de 30 ans, vers l'année 1670, il épousa Anne de Guyon de Matignon, fille de François de Guyon de Matignon, et petite fille d'Éléonore d'Orléans de Longueville, apparentée à Louis XIV." Sa pierre tombale à Locronan apprend aussi qu'il était garde-coste général de l'évêché, donc chargé de la Capitainerie.

   "Il était lieutenant du roi et colonel de l'arrière-ban de l'évêché de Cornouaille. C'était un gentilhomme foncièrement bon, doux et charitable. Il était adoré de ses vassaux et rendit à son pays les plus éminents services, notamment pendant la révolte du papier timbré en 1675. Quatorze paroisses s'étaient révoltèes de Douarnenez à Concarneau et avaient pris le Code Paysan comme résumé de leurs revendications. Or, l'influence de M. de Névet fut telle que, sans avoir combattu, mais non sans avoir encouru quelques dangers, il obtint, des paroisses rebelles, la promesse de ne plus prendre les armes, d'empècher de sonner le tocsin, et les détermina même à brûler le Code Paysan. Sur ces entrefaites, à la fin du Carème 1676, sentant la mort approcher, il vint à Quimper chez les Pères Jésuites pour y préparer une dernière retraite. Il y retrouva M.de Tréanna, un autre saint homme qu'il avait choisi comme éxécuteur testamentaire."

  Décédé en son château de Lezargant le 13 avril 1676 et fut enterré le lendemain en l'église de Locronan, en son tombeau prohibitif, au milieu du choeur, face au maître-autel. Ce tombeau fut violé pendant la Révolution et les pierres dispersées. Le recteur Brisson en récupéra deux, que l'on peut encore voir dans l'église de Locronan :

 

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  On y lit ceci : CI-GIST : MESSIRE : RENE DE NEVET : CHEVALIER : MARQVIS : DE : NEVET : COLONEL : DU : BAN : ET : ARRIERE : BAN : ET : GARDE : COSTE : GENERAL : DE : L'EVECHE : DE :  CORNOVAILLE : COMMENDANT : POUR : LE : ROY : DANS : LE : MESME :  EVECHE : IL : ETOIT : FILS : DE : MESSIRE : IEAN : DE : NEVET : ET : DE : HAVTE : ET : P :  DAME : BONAVENTVRE : DV : LISCOVET : IL : EST : MORT : DANS : SON : CHATEAV : DE : NEVET : LE : 13 : AVRIL : 1616 : AGE : DE : 34 : ANS. CY GIST : AVSSI : MESSIRE : DE : NEVET : SON : PERE : FILS : DE : MESSIRE : JACQVES : DE : NEVET : ET : DE : DAME : COISE : DE : TREAL : HERITIERE : DE : BEAVBOIS : IL : EST : MORT : LE : 10...S AGE : DE : 34 : TOUS : LES : SEIGNEVRS : DE : NEVET :..IS  :ONT : AVSSI : ETE : MIS : DANS : CE : TOMBEAV : DE : LEVRS : ANCE...

La seconde pierre porte inscrit : Est apporté le coeur de Messire Henry-Anne de Nevet, colonel du régiment Royal-Vaisseaux et du ban et de l'arrière-ban de l'évesché de  Cornouaille, et garde-costes général, chevalier, marquis de Névet. Il était fils de Messire de Névet et de dame Marie-Anne de Matignon. Il est mort en son château de Beauboys le 12 décembre 1699, agé de 29 ans.

 


           Un lieutenant du roi est, dans une province, le représentant du roi. La Bretagne était gouvernée par un Gouverneur, alors le Duc de Chaulnes, qui a sous ses ordres trois lieutenant du roi, l'un pour le comté Nantais, l'autre pour la Haute-Bretagne, le dernier Lieutenant du roi pour la  Basse-Bretagne : ce fut le marquis de la Coste, puis en 1675-1676 René de Névet. C'est donc un poste considérable, qui donne la responsabilité de toute l'administration civile et militaire. 

  Le poste de colonel du ban et de l'arrière-ban confère la responsabilité de convoquer pour une action militaire face à un péril, ou pour une Montre pour vérifier l'équipement et l'état des troupes, les vassaux du roi (ban), et l'ensemble des hommes pouvant être armès mais qui que le roi ne peut convoquer directement. L'ensemble représente les hommes fiéffés du roi. Les derniéres convocations (exceptionnelles depuis Henri II) dataient de 1674, sur la Meuse. Ce poste de colonel du ban correspond donc à la plus haute charge militaire. René de Névet siégeait à l'état-major en qualité de premier officier.

  Germain Horellou consacre quatre pages au "rôle joué par le Marquis René de Névet pendant la révolte du papier timbré" en citant l'Histoire de Bretagne de La Borderie et B. Pocquet, tome V, chap. 32 et 33,  1913. 

  C'est, sur le plan historique, l'élément crucial si on pense interpréter ce vitrail comme un testament moral et politique, comme un acte de foi dans la valeur de la religion, et de la noblesse : un noble breton meurt en chrétien, "ayant reçu les derniers sacrements nécessaires à son salut par le vicaire perpétuel de la ville de Locronan" (registre paroissial), entouré des siens et respecté des paysans dont il était aimè. Les chanoines de Quimper citent M. de Tréanna un seigneur converti par les Jésuites qui témoigne de la sainteté de ses sentiments, ou s'appuient sur l'Histoire de Bretagne de La Borderie, père de l'historiographie bretonne, mais catholique monarchiste et antirépublicain dont Henri Le Floch partage les opinions.  

  Voilà les éléments historiques présentés par La Borderie en les résumant à l'extrème puisque chacun peut consulter en ligne la source citée :

  • La misére des peuples dans la seconde partie du XVIIe siècle était réelle,
  • Beaucoup de seigneurs commettent des exactions abusives de leurs paysans et exigent d'eux des corvées excessives,
  • Mais il faut se garder de généraliser, un mauvais seigneur fait plus de bruit que cent bons.
  • Il est juste de dire que la noblesse ne remplissait plus son rôle d'autorité sociale,
  • Plus que contre les nouveaux impots (taxe sur le papier timbré, sur le tabac, sur la vaiselle d'étain) éxigés par le roi, c'est contre les membres de la noblesse et contre le clergé que la colère du peuple s'exerça : "il tournent plus leur colère contre les gentilhommes que contre l'autorité du roi ; ils ont rendu à quelques uns les coups de bâton qu'ils en avaient reçu",
  • mais "les celtes de la Basse-bretagne sont particulièrement fiers, susceptibles,orgueilleux et égalitaires.C'est un pays rude et farouche, et qui produit des habitants qui lui ressemblent, ils entendent médiocrement le français et guère mieux la raison.
  • Les bas-bretons différent beaucoup entre eux : autant le Léonard est profondément religieux, il aime et vénère ses prêtres, il s'incline avec déférence devant les supèriorités sociales, il respecte le seigneur, autant le natif de Cornouaille, autour de Quimper, Quimperlé et Chateaulin, est frondeur, rebelle à toute autorité, il deteste toute supériorité sociale et surtout les chatelains. Les nobles sont pour lui l'ennemi.
  • En mai 1675, une émeute éclate à Guingamp, et le Marquis de la Coste, Lieutenant du roi, s'y rend et fait punir trois meneurs (une femme est pendue et deux hommes condamnés au fouet et au bannissement).
  • le 5 juin, M. de la Coste se rend à Chateaulin où les esprits s'échauffent ; le tocsin sonne dans plus de trente paroisses et des bandes de paysans armès se rassemblent. Face à un huissier insolent qui présente les revendications de la foule, M. de la Coste lui passe son épée au tarvers du corps. Lui-même bléssé, il se réfugie dans une maison où, assailli, il promet la révocation des édits.
  • La révolte éclate dans vingt paroisses de Quemenéven, Cast, Plogonnec à Elliant. Laurent Le Quéau, meunier à Quéménéven, et Alain Le Moign, laboureur à Briec prennent la tête des révoltès ; les recteurs de Briec sont malmenés, le château de la Boixière est attaqué. Un véritable foyer d'insurrection se forme entre Concarneau, Douarnenez, Chateaulin, Chateauneuf-du-Faou et la mer (qui inclut donc le Porzay et Kerlaz) avec de nombreux attentats de juin à août 1675 : pillages, attaques contre des gentilhommes, meurtre du seigneur de Cosquer en Combrit, attaque du château de la Motte à Douarnenez où le gardien est tué, attaque des notaires où le papier timbré est brûlé, "et ils n'en veulent pas moins à leurs recteurs et leurs curés. En juillet 1675, quarante paroisses se sont révoltées, vingt mille hommes ont pris les armes. Ces "Bonnets bleus" (pays bigouden) et "Bonnets rouges" (pays de Poher) furent les maîtres du pays pendant trois mois, les nobles se réfugiant dans les villes, le Duc de Chaulnes en la citadelle de Port-Louis. 
  • Un Code paysan en 14 articles rassemble les revendications de 14 paroisses, ainsi qu'un Code Pesovat "un véritable programme social, éxigeant non seulement la supression des nouvelles taxes, mais l'affranchissement des impositions royales, des droits seigneuriaux et de dîmes ecclesiastiques".
  • Le Duc de Chaulnes nomme le marquis de Névet au commandement des milices de l'évêché en remplacement du marquis de la Coste, blessé. Mais jusqu'à juillet, il n'y eut aucune répression, le duc de Chaulnes restant enfermé à Port-Louis, le marquis de la Roche (Gouverneur de Quimper) à Quimper, le marquis de Névet dans son château de Lezargant, anxieux, sans troupes, vivant dans la crainte perpétuelle d'une attaque et ne songeant point à réprimer une attaque.
  • Les paysans, n'ayant ni chefs, ni organisation et pressés par leur récolte, se dispersent alors que le duc de Chaulnes reprend l'initiative habilement, tente de diviser les insurgés, promet l'amnistie à ceux qui déposeront les armes, donnant des instructions en ce sens à La Roche et à Nevet, ainsi qu' au P. Lefort, supérieur des Jésuites de Quimper,qui parcourait plusieurs paroisses rurales. M. de Nevet fit même arréter, juger, exécuter et pendre, aux fourches patibulaires de Névet, les meurtriers du garde du château de La Motte.
  • D'autres essayaient de négocier: "M. de Névet très bienveillant et très aimé", reçut le 19 juillet 1675 la visite d'un délégué de vingt paroisses de la région de Chateaulin demandant miséricorde au roi.  M. de Névet "la trouve fort juste" : "ils ne font plus condition ni pour les édits, ni autrement, mais seulement demandent justice de la méchante noblesse, juges et maltôtiers". Le duc de Chaulnes pense aussi que les paroisses devraient se soumettre, se plaignant "seulement des mauvais traitements qu'elles recevaient des gentilhommes et des curés", et de se libérer de leurs véxations, "et il est certain qu'elles sont grandes", mais demande qu'on lui envoie les troupes nécessaires pour appliquer aux mutins une punition exemplaire.
  • La Remontrance des vingt paroisses "vers Chateaulin" que reçut René de Névet et qu'il trouve fort juste est cité en note page 505 : les paysans se plaignent :  1. du manque de justice , "les juges n'ayant aucune considération ny pour les pauvres, ny mineurs, ny pour la pauvre populace". 2. du champart, prélèvement en nature sur les récoltes. Wikipédia donne le chiffre d'une gerbe sur huit, et on trouve ici les chiffres de une sur trois, sur cinq, ou de cinq à est selon les seigneurs. 3. du droit de moulin. 4. du droit de pâtures de brebis et autres bestiaux que les nobles font paître occasionnant des dégats dans les champs de blés, parcs et terres. 5. des Corvées. 6. des pigeons qui mangent les blés sans qu'ils aient le droit de les chasser. 7. Des nouvelles taxes : "comment veut-on que nous payons les nouveaux édits, n'étant pas capable de soutenir ceux qui y étaient?".
  • Les révoltes menées  dans le Porhay par le notaire Le Balp et dans la région de Carhaix sont décrites, ainsi que la riposte "incontestablement habile" du duc de Chaulnes retranché à Port-Louis : envoyer dans les paroisses révoltées les prêtres et des religieux chargés de "prêcher des missions" (les guillemets sont de La Borderie) : après le Père Lefort, Supérieur des Jésuites, c'est le Père Maunoir qui prêche à Plouguernevel, essayant d'amener à resipiscence les paysans révoltès, " apaisant les esprits, et la procession, représentant les scènes de la Passion, obtint son effet habituel, d'émotion et d'attendrissement sur ces rudes et simples esprits". Le texte renvoie, en note, vers le Parfait Missionnaire du Père Boschet, pp 360-364 :link dont la lecture est édifiante. On y lit combien "le duc de Chaulnes fut très content du Père Maunoir", comment le Père Maunoir accompagna le duc lorsque celui-ci "entra dans le pays en état de faire tout plier et de châtier les plus coupables" afin d'assister religieusement les suppliciés et de convaincre de docilité la population, car "Dieu bénit aussi ces missions militaires" et comment il se félicita qu'allant prêcher à Pontivy après que "quelques paysans y ayant été tués dans la chaleur de leur crime et d'autres venant d'être exécutés", cela provoqua plus d'ardeur dans les conversions à la foi, évoquant dans l'esprit du zélé missionnaire le verset du Psaume 77, verset 34 : "on les tuait, et ils retournaient à Dieu".
  • M. de Névet est encore mentionné pour avoir adressé des courriers au chef des révoltès (Le Balp) pour le détourner de marcher sur Morlaix. Mais Sébastien le Balp, installé au château de Tymeur à la tête de 30 000 hommes et avec 2000 bonnets rouges, est tué par le marquis de Montgaillard le 3 septembre 1675.
  • De l'avis de La Borderie (p. 517) comme du duc de Chaulnes "la révolte des paysans bretons méritait une répression énergique" mais entre ceux qui traitent le duc de tyran sanguinaire et cruel et ceux qui en font un saint, le chartriste historiographe juge avec impartialité qu'il était "un administrateur très fin, plutôt doux par caractère, bienveillant même quand cela ne nuisait pas à ses intérets personnels, ne faisant le mal que quand on le lui commandait, mais capable alors d'aller jusqu'au bout, ne dédaignant pas d'ailleurs les petits profits, et surtout attentif à soigner sa carrière. Ce n'était point à coup sûr un Néron, encore moins un Saint-Vincent-de-Paul, bien qu'il fut devenu sur le tard fort dévot : c'était un parfait fonctionnaire, et ce terme moderne le dépeint tout entier". (p. 518) Terme si moderne qu'il évoque certaine publication sur la banalité du mal...
  • Les quarante paroisses qui avaient participé à la révolte furent divisées en trois groupes : cetaines furent pardonnées, non sans avoir envoyè des suppliques signées des principaux habitants et promettant de se soumettre, et avoir dédommagé les victimes nobles ou du clergé. D'autres durent livrer "deux ou trois coupables", remettre leurs armes, descendre leurs cloches, payer des droits. Les troisièmes, instigatrices des révoltes, furent exclues de toute amnistie et de toute pitié. Parmi elles, 38 paroisses de Cornouaille, (parmi lesquelles ne figure pas Plonevez-Porzay et donc Kerlaz, mais Cast, Quéménéven, Plogonnec, Plomodiern et Doaurnenez), soit 79 personnes dont quatre prêtres.Voir la liste : link On sait  que six clochers du pays bigouden furent décapités.
  • on ne trouve pas d'autres mentions que celles cités précedemment  sur le rôle de René de Nevet dans cette répression. On sait qu'il devint fort dévot, et il est cité p. 592 parmi les collaborateurs du Père Maunoir, avec Saluden de Trémaria, Hingant de Kerisac, Jean de Treanna seigneur de Kerazan en Cap Sizun, ou le marquis de Pontallec, autant de nobles qui, parfois après une vie trés dissolue, devenus veufs ou ruinés par les créances, abandonnent la vie mondaine, se font parfois ordonnés prêtres et mènent auprès des Jésuites une vie de dévotion, de macération et de charité en collaborant à l'effort missionnaire.

 

Le vitrail de René de Névet, une autre interprétation :

  Plutôt que de voir ce vitrail comme la représentation d'un fait historique, la mort chrétienne d'un acteur de la Révolte des Bonnets Rouges (ce qu'il est), il est possible de le voir comme l'image illustrant une complainte bretonne, une gwerz  qui ne respecte pas toujours l'exactitude historique mais qui séduit par son effet de vérité et par sa puissance émotive. La chanson est tirée du Barzaz Breiz de La Villemarqué et se nomme Maronad ann otrou Nevet, Élégie de monsieur de Nevet : voir ici : link

 

 

_Savet, savet, otrou person ! 

Ann otrou Nevet a zo Klaon ;

Kaset gen-hoc'h ar groaz-nouen,

War ann otrou koz a zo tenn.

_ Chetu me deut, otrou Nevet,

Tenn eo war 'n hoc'h am euz klevet.

Ar groaz-nouen zo gan-ime

D'ho konforti, mar gallann-me.

_ N'em euz konfort bet da gahouet

Enn tu ma c'horf e-barz ar bed ;

Enn tu ma c'horf me n'am euz ket,

Enn tu ma ene, larann ket _

 

 

_Levez-vous, levez-vous, monsieur le Recteur ! M. de Nevet est malade ;

Portez avec vous l'extrème-onction, le vieux seigneur souffre beaucoup.

_ Me voici, monsieur de Nevet, vous soufferz beaucoup, me dit-on ?

J'ai apporté l'extrême-onction pour vous soulager si je puis.

_ Je n'ai aucun soulagement à attendre à l'égard de mon corps en ce monde ;

Je n'en attends aucun à l'égard de mon corps ; à l'égard de mon âme, je ne dis pas._

Après avoir été confessé, il dit au prêtre : _Ouvrez aux deux battants la porte de ma chambre, que je vois tous les gens de ma maison.



Ma femme et mes enfants tout autour de mon lit ; Mes enfants, mes metayers et mes serviteurs aussi.

Ma friet ha ma bugale Tro-war-dro demeuz ma gwele. Ma bugale, ma meriounen, Kerkouls ha ma servichourien

 

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Que je puisse, en leur présence, recevoir Notre-Seigneur avant de quitter ce monde_

La dame et ses enfants, et tous ceux qui étaient là, pleuraient ;

Et lui, si calme, les consolait et leur parlait si doucement !

_ Taisez vous ! taisez vous ! ne pleurez pas ; c'est Dieu le maître, ô ma chère femme !

Oh ! taise-vous, mes petits enfants ! La sainte Vierge vous gardera !

Mes métyers, ne pleurez pas : vous le savez, gens de la campagne,

Quand le blé est mûr, on le moissonne ; quand l'âge vient, il faut mourir !

Taisez-vous, bons habitants des campagnes ; taisez-vous, chers pauvres de ma paroisse ;

Comme j'ai pris soin de vous, mes fils prendront soin de vous.

Ils vous aimeront comme moi ; ils feront le bien de notre pays.

Ne pleurez pas, ö bons chrétiens ! nous nous retrouverons bientôt !_

Voilà l'extrait de ce chant composé par le mendiant Malgan, l'un des dix mille parmi les pauvres gens qui assistaient à son enterrement, ce chant "en l'honneur du seigneur de Névet, du seigneur de Névet béni, le soutien des Bretons :

D'ann otrou Nevet benniget,

A oa kendalc'h ar Vretoned."

 

  Bien-entendu, le chanoine Peyron, infatigable fureteur, s'est interrogé sur l'identité de ce Monsieur de Névet, ( link ,p. 91) retrouvant les publications dans lesquelles Gaston de Carné ( link ) et de M. de Trévédy (link) dans la Revue de l'Ouest de 1888 proposent d'y voir l'un Malo, le frère de René de Névet, parce qu'il était le seul à avoir atteint l'age d'être qualifié d' ann otrou koz, de vieux monsieur, l'autre Jean, le pére de René et de Malo, en objectant que Malo n'avait pas eu de fils, et seulement une fille. Paul Peyron rétorquait que le terme breton otrou koz était parfois appliqué pour des hommes jeunes, et optait pour y voir la description de la mort de René de Névet, pour tenir compte de la strophe III chant qui dit Dar iou vintin, otrou Karne, "Sire de Carné ce jeudi matin / de la fête de nuit / Sur son cheval blanc revenait / vêtu d'un habit gallonné / tout de velours d'un rouge ardent " (Tr. C. Souchon). Ce monsieur de Carné en habit rouge est peut-être celui que nous voyons sur le vitrail. L'indice que retient P. Peyron, c'est cette nuit de fête, alors que Malo et Jean sont décédés soit au Carème, soit pendant l'Avent, périodes où les fêtes ne sont pas de mise. Au contraire, la date du décès de René de Névet tombe, selon le chanoine, le lundi de Pâques, ou lundi de la Quasimodo, jour de fête. Le fait que le texte parle d'un jeudi matin et non d'un mardi matin ne semble pas le déranger. De toute façon, inutile de rechercher un exactitude stricte puisque le chant se conclue par l'enterrement du défunt au cimetière, et qu'aucun seigneur de Nevét n'a jamais été enterré ailleurs qu'aux Cordeliers à Quimper ou en l'église de Locronan. Quoiqu'il en soit, pour le chanoine Peyron, un monsieur de Névet à la mort si chrétienne ne peut être que le marquis René de Névet.

  En 1921, c'est Louis Le Guellec qui reprend la réflexion dans le bulletin de la Société Archéologique du Finistère pour réfuter les arguments de l'abbé Peyron (René était vraiment trop jeune pour être qualifié ann otrou koz ; et il n'avait que deux fils, alors que le chant en mentionne d'avantage ; et son épouse n'a pas assisté à son déces ; et il n'a pas été enterré au cimetière..) pour conclure tout à trac "que cette élégie est une oeuvre d'imagination, et non un document historique, qu'elle a été composée seulement au XIXe et que par suite elle manque d'authenticité". Ou bien que " La Villemarqué a réllement découvert des lambeaux d'une gwerze ancienne sur la mort d'un seigneur de Névet _probablement ce René qui trépassa dans de si touchants sentiments ..." et qu'à partir d'informes débris décousus il a peint de chatoyantes couleurs le tableau de la mùort du Juste qui venait en contrepoint de la figure sinistre du marquis de Guerrand, qui la précède. Ayant débuté son article par un reproche adressé à l'abbé Horellou et "à son interessante notice Kerlaz, ses légendes, ses familles nobles", lequel a reproduit intégralement l'élégie sans avoir remis un instant en cause l'authenticité du récit et sans en confronter les données "à la généalogie de cet antique estoc" (sic), Germain Horellou décida de montrer par l'étude des manuscrits de collecte de La Villemarqué que celui-ci ne disposait pas de fragments rapsiodiés, mais qu'il avait transmis le chant fidélement. Mais, malade, il décéda en 1923 sans avoir fait publié sa réponse (qui reste inédite).

  Article de Louis le Guennec : : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441279g/f210.image.r=arch%C3%A9ologique%20Finist%C3%A8re.langFR

  

   Ce qui m'étonne, c'est que tous ces auteurs cherchent l'identité du défunt, mais ne s'interrogent pas sur celle de l'auteur de la chanson, et qu'ils admettent l'histoire d'un chant composé par un mendiant (La Villemarqué : "son oraison funèbre a été composée par un mendiant, et la voici telle qu'on la chante encore aujourd'hui".) Car il me paraît évident que le style est plus proche du style jésuite que de celui d'un mendiant, et je me demande si ce chant n'a pas été composé au XVIIe siècle par M. de Tréanna, Julien Maunoir, ou un de leurs amis en simulant une version populaire, imprimé à Quimper comme feuille volante pour être vendue ou chantée lors des pardons et des missions, et si, la feuille, support fragile, une fois  perdue, la chanson colportée, patinée par l'usage, retouchée pour introduire le personnage du mendiant ou la mention du cimetière,  n'a pas été collectée par La Villemarqué auprès d'un authentique chanteur populaire. Je me permets cette hypothèse en l'étayant sur une note n° 10 d'un article en ligne de Daniel Giraudon, professeur à l'U.B.O link qui écrit : " On peut considérer que la pratique qui consista à imprimer des chansons en langue bretonne et les vendre sur la voie publique remonte au moins au XVIIe siècle, c'est à dire au moment où la Bretagne connaît une activité religieuse intense. Elle semble en effet avoir été inaugurée dans le cadre des missions qui se déroulèrent à cette époque. Les Jésuites, à l'origine de ce coup de fouet religieux, prenant modèle sur l'église réformée, virent tout le bénéfice qu'ils pouvaient tirer en faisant chanter et vendre des cantiques à leurs ouailles. Celles-ci se prêtèrent d'autant plus volontiers à cet exercice que les cantiques étaient chantées sur des airs populaires." Ne seraient-ce pas eux qui, à l'origine, voulurent écrire "la mort chrétienne d'un seigneur aimé de tous" ?

  Les publications de Donatien Laurent et celle de Francis Gourvil donnent les antériorités, les autres versions et les données complémentaires sur de nombreux chants du Barzaz Breiz, mais je n'y est rien trouvé sur l'Élégie de Mr de Névet, si ce n'est une mention de la source auprés de qui elle a été colléctée : un seul mot sur les "Tables des matières" manuscrite :mr de nevet, un étrangé.

    La Villemarqué lui-même donne, après son "argument" initial, donne un commentaire en note : après avoir surenchéri sur le caractère illustre de la famille de Névet, son zèle héroïque, sa "passion inviolable à conserver les droits et immunitéz de la Bretagne", ou sur la famille de Carné, " seigneurs braves, galants et généreux", il cite Augustin Thierry : "Les gens du peuple en Basse-Bretagne n'ont jamais cessé de reconnaître dans les nobles de leur pays des enfants de la terre natale ; ils ne les ont point haïs de cette haine violente que l'on portait ailleurs à des seigneurs de race étrangère ; et sous les titres féodaux de Baron et Chevalier, le paysan breton retrouvait encore les tiern et les machtiern du temps de son indépendance. Il leur obéissait avec zéle, dans le bien comme dans le mal, par le même instinct de dévouement qu'avaient pour leur chefs de tribu les Gallois et les Montagnards d'Ecosse".

  Et La Villemarqué verse cette Élégie de monsieur de Nevet "à l'appui du jugement[...] sur les bons rapports qui ont toujours existé entre l'aristocratie bretonne et les habitants de nos campagnes", tout comme d'ailleurs "on dirait que les descendants des anciens celtes ont conservé aux prêtres catholiques la vénération que leur père avaient pour leurs druides" (Barzaz Breiz, 1839, Prêtre Exilé, tome II p. 153). 

  Si bien que l'on se demande, dans cette Cornouaille idylique où un esprit clanique et religieux ancestral fait régner un Âge d'or de cohésion sociale quasi familiale (Nelly Blanchard, Barzaz Breiz, une fiction pour s'inventer, P.U.Rennes 2006), quelle réalité ont eu les révoltes paysannes, le pillage du château de Roscannou à Gouezec en 1590 et le massacre de soixante dix gentihommes, la révolte des Bonnets Rouges contre les nobles et l'attaque du hâteau de Ty meur par Le Balp entre mille exemples, et surtout pourquoi, si le bon peuple aimait tant son clergé et sa noblesse, pourquoi ceux-ci s'unirent-ils pour les punir et les réprimer si sévèrement.



 

 

VI. La légende de la ville d'Ys et du roi Gradlon.

"St Guénolé abbé de Landevennec sauve le roi Gradlon lors de la submersion de la ville d'Ys"

  Les sources litteraires et iconographiques de ce vitrail sont claires :

 -1. en 1845, dans la seconde édition du Barzaz Breizh, Théodore Hersart de la Villemarquépublie Livaden Geris, Submersion de la ville d'Is, avec l'argument suivant : "La ville d'Is, capitale du roi Gradlon était défendue contre les invasions venues de la mer par un puits ou bassin immense destiné à recevoir les eaux de l'océan lors des grandes marées comme autrefois le lac Moeris celles du Nil. Ce puits avait une porte secrète dont le roi seul avait la clef, et qu'il ouvrait ou fermait lui-même quand cela était nécessaire. Or, une nuit, pendant qu'il dormait, la princesse dahut, sa fille, voulant couronner dignement les folies d'un banquet donné à un amant, lui déroba la clef du puits, courut ouvrir la porte, et submergea la ville. Saint Gwénolé l'avait prédit". ,

-2.  En 1850, Olivier Souvestre fait paraître un chant en breton qu'il a composé à 19 ans: Ar Roue Gralon ha Kear Is, Le roi Gradlon et la ville d'Ys. voici le passage que décrit le vitrail  (trad : Christian Souchon link)


  "Qui donc vois-je là-bas dans la rue, dans une cavalcade éperdue, sur un cheval noir dont le galop  fait jaillir le feu sous ses sabots?

C'est le messager de Dieu, député au roi d'Is ; c'est l'apôtre de la foi, saint Gwennolé, aimé dans la Bretagne.

Je le vois approcher, sa crosse d'abbé à la main gauche, et une étole d'or sur sa robe blanche, et un cercle de feu autour de la tête.

Le voilà au seuil du palais où dort le père d'Ahes, et, sans descendre de cheval, il appelle, à haute voix dans la nuit :

Roi Gradlon, lève-toi sans tarder ! Lève-toi pour suivre Gwénnolé, Debout et fuis devant la mer verte car les écluses d'ys sont ouvertes.

Et le vieux roi, troublé s'est élancé de son lit : A moi, mon cheval le plus rapide !... Hélas, c'en est fait de cette ville!...

Et bientôt à cheval, il court sur les traces de son ami, et, derrière eux, mugissante, ils entendent rouler la mer.

En ce moment, la princesse débauchée dont l'amant avait disparu errait par la ville d'Is, les cheveux épars.

En entendant, au milieu de ses angoisses, le galop des chevaux fuyant la mer, elle reconnut, à la lueur des éclairs, son père et le saint.

Mon père ! mon père ! Si vous m'aimez, emportez-moi sur votre cheval léger !

Va zad, va zad, ma em c'harit Var ho marc'h skanv va c'hemerit !

_Et, sans prononcer une parole, le père, dans sa tendresse, prend sa fille en croupe.

Aussitôt, les vagues accourent plus rapides, et Gwennolé en tremblant s'écrie :

_Grallon, Grallon, au nom de Dieu, hâte-toi de noyer cette couleuvre ! 

Gralon, tôl an diaoul-ze "Divar dailler da hinkane!..."

Cependant, plein d'une mortelle inquiétude, le père tient encore embrassée la pécheresse, mais le saint fait le signe de la croix, et la touche du bout de sa crosse.

A l'instant même, l'amante du démon roule dans les flots écumants et le vieux roi entend à ses cotès un rire bruyant dans la nuit. Eur c'hoarin skiltre e kreiz an noz...

Mais allégé de ce fardeau, il ne tarde pas à rejoindre Gwénnolé, et son cheval, les quatre jambes mouillées, s'élance sur le rivage."

  Certains disent qu'il arriva à Quimper, en fit sa capitale où il vêcut jusqu'au restant de ses jours.

  Mais Anatole le Braz (Au pays des pardons) raconte que Gradlon desespéré d'avoir sacrifié sa fille se retira à l'orée de la forêt du Cranou et vécut en ermite. Ses dernières volontés furent qu'on éleva une église dédiée à la mère douloureuse du Christ pour que les malades y trouvent guérison et les affligés, miséricorde : ce voeu fut accompli et l'église de Rumengol accomplit son premier miracle en guérissant le vieux roi de son terrible remords.

 

- 3.  Évariste-Vital Luminais expose vers 1884 au Salon La fuite du roi Gradlon, actuellement exposé au Musée de Quimper avec une étude préparatoire. Études présentées également aux musées de Rennes et de Nantes.

 La légende peut s'interpréter de mille façons, mais  cette image m'inciterait à y voir les saints et le clergé  arrachant la  Bretagne de l'emprise diabolique du paganisme : une nouvelle image des Missions.

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 Liens :

 1. Christian Souchon, texte et étude critique des gwerz de Souvestre et de La Villemarqué : http://chrsouchon.free.fr/chants/keris1.htm  et http://chrsouchon.free.fr/kerizf.htm

2. Tableau d'Évariste-Vital Luminais La Fuite du roi Gradlon au Musée des Beaux-Arts de Quimper : http://www.bretagne-musees.fr/Les-musees/FINISTERE/Quimper/Musee-des-beaux-arts-de-Quimper/La-Fuite-du-Roi-Gradlon

   étude préparatoire vers 1884 :http://www.bretagne-musees.culture.fr/index.php?p=reserve/fiches/oeuvre&l=1&NumOeuvre=15

3. Réception de la Gwerz de Souvestre par J.M.Déguinet vers 1851-54 :http://grandterrier.net/wiki/index.php?title=La_gwerz_de_la_ville_d'Ys_chant%C3%A9e_par_D%C3%A9guignet#_ref-0

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 15:53

 

                  VIERGES ALLAITANTES IV 

              Église Saint-Germain à Kerlaz,

                  Des vitraux édifiants :

             Quatrième partie : Les prêtres réfractaires

             Cinquième partie : Henri Le Floch

 

 

 

Malheur deoc'h mar heuliet

Ar veleyen-se milliguet

Mar assistet o officiou

A memes en o offerennou

Chomet quentoch eb offeren

Eb confessi gant touerien

Rac convers gant tud criminel

A vet certen pebet marvel

Malheur à vous si vous suivez

Ces prêtres maudits  si vous

assistez à leurs offices 

ou même à leurs messes

Rester plutôt sans messe

Sans vous confesser avec les jureurs,

Car converser avec cette gent criminelle

Est certainement un péché mortel

(Feuille volante, Douarnenez, 1791 : BDHA 1908 :link)


   Ces derniers vitraux ouvrent une nouvelle page de l'histoire religieuse de la Cornouaille . Après la mission de 1658 du père jésuite Julien Maunoir, cherchant à expurger le catholicisme breton de ses éléments peu conformes au catholicisme romain et aux consignes du Concile de Trente, après la révolte des Bonnets Rouges de 1675 divisant la population entre partisans de la soumission au roi, à la noblesse et au clergé et insurgés cherchent à abolir des droits ancestraux et les abus de ces droits, voici le moment où les mêmes doléances paysannes sont reprises et conduisent à la Révolution. Si la Révolte de 1675 a laissé des traces durables et si, de ce fait, les paroisses les plus engagées dans cette insurrection sont aussi celles qui, en 1791, seront le plus du coté des Bleus révolutionnaires contre les Blancs monarchistes, en même temps cette longue imprégnation jésuite de fidélité au Pape (c'est la base du combat d'Ignace de Loyola et de ses "soldats du Christ"), placera le clergé dans l'impossibilité de jurer fidélité à une nouvelle organisation de l'église qui tournerait le dos à l'Évêque de Rome et deviendrait gallicane. Les paysans, artisans et bourgeois qui avaient soutenu le Tiers-État furent le plus souvent solidaires de leurs curés.  Et la foi tenace des bretons, toujours mâtinée de cultes anciens, était nouée comme un lierre à celle de leurs recteurs, auxquels ils restèrent fidèles dans ce  pathétique épisode de résistance au balancier cruel de l'Histoire.


  VII. Les trois vitraux de l'ancien ossuaire accueillant les fonts baptismaux : Les prêtres réfractaires pendant la Révolution.

1. Rappel historique.

a)  En juillet 1790, l'Assemblée Constituante vote la Constitution Civile du clergé visant à créer un église nationale intégrée dans l'État, église gallicane dégagée de l'autorité et de l'influence du Pape, et décide la sécularisation des biens de l'Église et la suppression des voeux religieux.  Le 27 novembre 1790, les prêtres des paroisses ont été  tenus de prêter serment à cette Constitution, par le texte suivant : "Je jure de remplir mes fonctions avec exactitude, d'être fidéle à ma nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi". La tenue de ce serment fut organisée chaque dimanche de janvier à mars 1791 (ex : à Briec, le maire indique que le serment a été prêté devant l'assemblée électorale tenue à la Cathédrale [de Quimper] le 27 mars 1791). Si seulement 4 évêques sur 143 prêtèrent ce serment, 24 000 des 70 000  curés furent "jureurs", ou "assermentés", tandis que 46 000  refusèrent et furent "Réfractaires" ou "insermentés" (source Wikipédia). Le 13 avril 1791, le pape Pie VI dénonça solennellement ce serment et exhorta les jureurs à se rétracter.

Philippe Sagnac dans son article de la Revue d'histoire moderne et contemporaine de 1889, Étude statistique sur le clergé en 1791 donnait, pour 43 départements, une moyenne de 57,6% de jureurs, mais en Bretagne, cette proportion était de 27% pour les Côtes d-Armor, de 11% pour le Morbihan et de 23% pour le Finistère link.

  Le Finistère était découpé en 9 régions administratives nommées districts. La proportion était, selon ces districts, la suivante :

  • Quimper      : 36%
  • Chateaulin   : 12%
  • Morlaix        : 3%
  • Pont-Croix   : 9%
  • Quimperlé    : 7%
  • Landeneau   : 6%
  • Brest          : 8%
  • Lesneven    : 3%
  • Carhaix       : 6%

   Le district de Chateaulin, qui inclut Kerlaz n'est pas fortement réfractaire, et globalement, le clergé de la Cornouaille (Quimper- Chateaulin-Quimperlé ) où la révolte des Bonnets-Rouges avait été virulente, a été plus assermenté que le reste du département et notamment que le Léon (Morlaix-Lesneven).

   Alors qu'en mai 1791 un décret accorde le droit aux insermentés de célèbrer le culte dans les églises, dés avril 1791, les autorités du Finistère, toujours en avance sur les décisions de l'Assemblée, décident l'éloignement des curés réfractaires des anciens lieux de résidence, puis leur internement en juillet aux couvent des Carmes de Brest jusqu'à leur amnistie en septembre 1791.

b) En novembre 1791 est adopté à l'Assemblée Constituante un décret contre les prêtres réfractaires, leur imposant de s'éloignerer au moins de quatre lieux de leur ancien lieux de culte. Les églises sont réservées au culte constitutionnel. Le 29 novembre 1791, le Conseil Général du Finistère décide l'internement des insermentés amnistiés en septembre, et de ceux des réfractaires qui troublent l'ordre public: ils doivent être conduit au Château de Brest. Le 1er juillet, il leur est proposé de rester emprisonnés ou de partir en exil ; 74 prêtres quittèrent Brest pour l'Espagne (Bilbao) le 12 août et les autres (les moins valides) sont conduits successivement aux Capucins d'Audierne, à la maison de retraite de Quimper, à la Communauté de Kerlot à Quimper. Ils sont 86 lorsqu'ils sont transférés en novembre 1793  aux Capuçins de Landerneau.

Les prêtres qui échappent à ces mesures se cachent et exercent alors le culte (offices, sacrements, tenue des registres) de manière clandestine, dans les maisons privés, les chapelles, et au fur à mesure que la répression deviendra plus sévère, dans des grottes, ou en mer sur des barques de pêche.

c) En mai 1792, les mesures se durcissent : tout prêtre insermenté, dénoncé par 20 citoyens, sera proscrit. 

d) Le décret du 14 août 1792 exige des prêtres un nouveau serment de "liberté-égalité".

e) Un décret  du 26 août 1792 bannit les réfractaires qui pourront choisir leur lieu d'éxil (ïles anglo-normandes, Espagne), ou être déportés. Tout prêtre dénoncé par 10 citoyens actifs peut subir le même sort. Les infirmes et ceux qui ont dépassé 60 ans sont placés en une maison commune sous la surveillance de la police.

f) Les pontons de Rochefort : Les prêtres arrêtés sont jugés et condamnés à être déportés en Guyane ou à Madagascar via les ports de Nantes, Bordeaux et Rochefort. La plupart seront enfermés à bord de navires dématés de 1792 à 1795. A Nantes, entre 1793 et 1794, des milliers de personnes sont noyés sur ordre de Jean-Baptiste Barbier. (Dans le Finistère, en novembre 1793, 83 prêtres étaient détenus dans l'ancien couvent des capucins de Landerneau. Le 9 juillet, 29 prêtres sont envoyés à Rochefort.)

  A Rochefort, 829 prêtres de toute la France (puis plus de 1000) furent conduits à bord de navires négriers, les Pontons de Rochefort  nommés les Deux Associés, Le Bonhomme Richard et le Washington. Entassés dans un espace trés exigu à même le plancher de cale dans des conditions terribles, 547 moururent d'avril 1794 à début 1795, de typhus, dysenterie, scorbut ou autres maladies. les survivants sont transférés en juillet 1794 à bord de L'Indien, puis libérés en avril 1795.

 f') déportation en Allemagne :En août 1792, un arrêté décide que les prêtres ni infirmes ni septuagénaires seront enfermés au château du Taureau à Morlaix. Le 18 février 1793, le district de Morlaix  décide de déporter 28 prêtres au port de Brème en Allemagne, où ils seront chaleureusement accueillis et hebergés à Paderborn, Hildesheim et Munster.


g) En 1794, (Convention Thermidorienne) un adoucissement des lois permet aux prêtres de revenir d'exil, sans prêter serment et en reprenant l'exercice clandestin (ou parfois public avec l'assentiment des populations) du culte. Le 16 août 1794 est décidée la remise en liberté de plusieurs milliers d'aristocrates, de bourgeois, d'opposants et de prêtres réfractaires.

h) Le 21 février 1795, le libre exercice du culte est rétablit.

i) en réaction à la tentative de débarquement des royalistes à Quiberon et de la Terreur Blanche, une nouvelle répression des manifestations du culte est votée par la loi du 29 septembre 1795, et on exige que les prêtres assermentés tiennent un nouveau serment. Le culte des prêtres insermentés sera à nouveau clandestin de 1796 à 1798.

j) le coup d'État du 4 septembre 1797 est suivi d'une nouvelle répression, exposant les prêtres réfractaires à l'exil ou à la déportation.

 

 

 

2. Le Très Révérend Père Le Floch et les prêtres réfractaires.

   Henri le Floch possède deux bonnes raisons de placer, dans l'ancien ossuaire, trois vitraux illustrant le refus de la Constitution Civile par certains prêtres de la paroisse, outre son souci d'enseigner l'histoire par ses images : la première, c'est que sa carrière l'a conduit à Rome, où il a placer ses compétences au service du Vatican : ses convictions anti-gallicanes rejoignent des convictions antirépublicaines. L'autre raison date de son enfance et de ses traditions familiales puisque quatre de ses arrière-grands oncles ont été prêtres réfractaires et persécutés à ce titre : ils sont selon ses termes, "confesseurs de la foi", et leur dévouement contre le jacobinisme antireligieux possède une haute valeur d'exemple. 

  On sait peut-être que parmi les prêtres déportés sur les pontons de Rochefort, et qui y sont décédés, 64 ont été béatifiés par Jean-Paul II le 1er octobre 1995. Mais inutile de dire que pour les familles des "confesseurs de la foi", chacun d'entre eux est, à leurs yeux, équivallent de saints. 

   Le Père le Floch leur devait ce mémorial qui arrose de sa lumière les fonts baptismaux en cette belle alliance de l'ossuaire des ancêtres et de la fontaine d'onction des enfants de l'avenir.







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L'inscription indique :" Ignace le Garrec prêtre  vicaire à Kerlaz, le père Maximin L'Helgoualc'h, capucin, Le Gac, Alain Le Floch, prêtres réfugiés, refusent de prêter serment à la Constitution Civile du clergé et sont arrêtés (1793)". 

 

 

L'image est suffisament éloquente pour se dispenser de commentaires : les trois prêtres sont en surplis, barrette sur la tête, et brandissent le crucifix alors que le capucin est en robe de bure.

1. Ignace Le Garrec est né à Plonévez-Porzay le 30 novembre 1734. Il était le fils de Guillaume le Garrec (né 30 septembre 1738 à Plonévez-Porzay) et de Catherine Le Quiniou (3 mai 1744, Quéméneven-6 avril 1768). Sa soeur Marie-Anne épousa Jean le Bihan (descendance alliance avec les familles Le Bihan (de Ploaré), Cosmao, Pichavant)  Je n'ai pas pu établir (de même que pour les trois autres prêtres) son lien de parenté exact avec Henri Le Floch, dont le sépare apparemment plus de cinq générations. Ignace Le Garrec, qui porte le prénom du fondateur des Jésuites, était recteur de Kerlaz. Il exerça publiquement le culte jusqu'en août 1792. Arrété en début 1793, il est interné à Kerlot (note 1) puis à Landerneau (note 2), il fait partie des 29 prêtres transférés à Rochefort le 9 juillet 1793 et se trouve sur le Washington. Il a alors 55 ans. Libéré par ordre du 4 avril 1795, il est de retour à Kerlaz le 14 mai et assure un ministère clandestin sur une large partie du Porzay. Il échappe à la vague de répression qui suit le coup d'État du 4 septembre 1797 et il tient des assemblées clandestines importantes à Plogonnec et à Guengat. (Note 3) ; en 1801 il est interpellé à Plogonnec. En 1803 il devint le recteur de Ploéven puis de Saint-Évarzec. Il meurt le 28 mai 1814.

 Au Concordat, Kerlaz demeura sans recteur jusqu'en 1874.

Dans sa monographie, l'abbé Horellou le confond avec Jean-Guillaume Le Garrec, curé de Kerlaz en 1773. Néanmoins il consacre les pages 16 à 27 à son activité clandestine. Il le donne comme natif de Kerolier ou plutôt, selon H. Le Floch, du Caouët. Il décrit comment il reste caché deux heures dans une cheminée obstruée, comment il demeura une nuit dans les roseaux du marais de Guern-Névet, comment il se cachait au Caouët chez sa belle-soeur la veuve Carrec, ou à Lézarscoët où un confessionnal avait été aménagé , ou encore à Kergreiz ou dans la forêt de Névet, échappant aux gardes nationaux par une fenêtre du manoir de Keryar... Il décrit comment la paroisse se détourne du curé jureur de Plonévez-Porzay et recherche les services des prêtres insermentés pour le culte, les baptêmes ou les confessions, et comment , la chapelle de Kerlaz ayant été fermée, c'est à celle de Sainte-Anne-la-Palud qu'il vient officier, avant que celle-ci ne soit controlée en permanence par les gendarmes.


_ note 1 : La Constitution Civile du clergé ne reposait que sur les prétres actifs ; les religieux et les moniales ont été rendus à la vie civile et leurs couvents ont été confisqués pour une utilisation publique :  L'abbaye cistercienne de Kerlot à Quimper abritait avant la Révolution une dizaine de religieuses conduites par l'abbesse N. de Kergu ; en 1792, elles furent expulsées et l'abbaye devint une prison. Elle fut démolie en 1972.

_ note 2 : Landerneau : l'ancien couvent des Capucins servit de centre de détention. Mais les Ursulines furent expulsées également et leur couvent servit aussi de prison.

_ note 3 :"Dans ce secteur, il n'y eut que deux prêtres insermentés à exercer un culte, parfois public, la plupart du temps clandestin, c'était Nicolas Louboutin et Ignace Le Garrec" Maurice Dilasser, Locronan et sa région, 1979. En 1776, la présence de  Le Garrec et Louboutin accompagnée de Bescond, prêtre de Kerfeuteun, est signalée à Briec.

 

2. Corentin  l'Helgoualc'h capucin sous le nom de Père Maximin de Locronan, né à Keradenn (Plonévez) ou à Kerdiouzet (Kerlaz).   Maître des novices du couvent de Morlaix, il se retire à Plogastel où il est vicaire. Arrété  au début de 1793, détenu à Kerlot, transféré à Landerneau, il décède en prison le 19 février 1794.

 Lien avec Henri Le Floch : Corentin L'Helgoualc'h avait une soeur à Keriouzet mariée à Henri le Joncour, bisaïeul d'Henri Le Floch" (G. Horellou). " La grand-mère de H. Le Floch, Marie-Jeanne L'Helgouarc'h (sic) était de Kerdreun" selon la note nécrologique des spiritains.

3. Alain le Floch, né à Plonévez-Porzay le 1er novembre 1765, ordonné prêtre le 21 novembre 1790 à la veille de la Révolution et nommé prêtre habitué à Crozon, qui est desservi par onze autres prêtres, dont la plupart si ce n'est l'ensemble refusèrent de jurer. Le 24 septembre, le maire de Crozon signale que Sizun, Moreau et Le Floc'h, au lieu de se rendre à Brest comme l'ordonnait l'arrété du 1er juillet 1791, sont restés dans le pays et y ont même organisés un quête. Mais la Municipalité suivante protège les ci-devant prêtres, et reçoit une mise en garde des commissaires départementaux rappellant que "l'enlèvement des ecclesiastiques insermentés est très essentiel". Les Commissaires se livrent à des enquêtes, mais "perquisitions, menaces, promesses d'argent, rien n'a réussi" et les prêtres continuent à errer de village en village, "déguisés sous toutes fomes de costume, cachés, protégés par tous". Le curé institutionnel est critiqué, raillé, insulté, et deux prêtres réfractaires se mêlent un jour, déguisés en matelots, à une procession du curé "intrus" pour rire et se moquer et crier "Ar c'hure gant e vas treuz". Alain Le Floch se voit obligé de quitter la presqu'île en juillet 1792 pour aider Ignace le Garrec dans son travail clandestin au Porzay. Arrété au début 1793, à la même époque que les précédents, également détenu à Kerlot puis à Landerneau, il est déporté avec Le Garrec à Rochefort, se trouve sur le Washington avec lui, est libéré après le 4 avril 1793 et s'installe à Camaret. Il se rend à Elliant où il aide Jean Codu, vicaire réfractaire jusqu'à ce qu'ils doivent, le 3 octobre 1797, s'embarquer de Lorient vers l'Espagne. En résidence à Palencia, Alain le Floch décrivait dans une lettre son activité à Elliant : "Au Carème, nous passâmes quatorze nuits à confesser, nous couchant à 5h du matin. Nous avions apssé auparavant et passâmes bien d'autres nuits, mais pas autant de suite. dans les temps qui semblaient annoncer le calme, on était plus hardi, mais sans pour autant se fier; quelquefois alors, on allait de jour aux malades et on confessait les biens-portants, mais avec de telles précautions que les pauvres et autres qui venaient dans les villages ne pouvaient s'en apercevoir : on y venait à la dérobée et on se cachait quand on était arrivé. L'année dernière, (1797) nous fîmes, M. Codu et moi, le tour de la paroisse d'Elliant pendant six semaines, confessant de jour ceux qui voulaient. Tous furent prévenus." lire la suite ici :link, BDHA 1908 p. 219

 A son retour, il poursuivit son activité clandestine puis est nommé desservant à Camaret en 1803, à Saint-Yvi en 1805. Nommé à Plogonnec le 1er novembre 1816, il devint curé-doyen de Briec le 4 janvier 1817 avant de démissionner le 9 février 1827. Il décède à Cast le 23 novembre 1831.

-4. Charles Le Gac né à Plonévez-Porzay le 1er mars 1758, ordonné prêtre le 18 septembre 1784, est professeur de cinquième au collège de Quimper en 1787. Seul à ne pas prêter serment, il est immédiatement destitué. Arrété le 1er décembre 1791, interné au château de Brest le 6, il est libéré le 1er mars 1792. Il se cache avant de s'exiler en Espagne, puis il revient à Plonévez-Porzay où il est arrêté le 7 janvier 1793 (date identique ou voisine de Le Garrec et Le Floch : arrestation commune ?). Il est enfermé au chateau du Taureau à Morlaix le 20 janvier puis déporté à Bréme avant de s'installer à Munich, d'où il ne revint qu'après le 18 juillet 1814. Il est alors chanoine titulaire de Quimper en 1817 et décède le 2 février 1842.

5. La mule du fonctionnaire.

  La scène ne représente pas le refus de prêter serment des prêtres mais pourrait se passer au Tribunal de Quimper à l'instant de leur interrogatoire. C'est en 1791 qu'ils ont été sommés de prêter serment, et peut-être l'un d'entre eux a-t-il répondu (je reprends les réponses authentiques enregistrées à Irvillac par quatre autres réfractaires) :

_Ma conscience ne me permet pas de prononcer le serment dont est cas !

_ l'autre : Ma conscience ne me permet pas de prêter serment, ni aucun chrétien ne peut le faire sans renoncer à la foi catholique et apostolique et romaine et consentir à sa damnation éternelle !

_ le troisième : Je ne peux jurer serment sans approbation du Pape !

_ le dernier : Comme mes confrères. Plutôt être pendu !

  Et le citoyen Maire, s'est tant offusqué  de la fureur, de l'arrogance et de la fermeté de ces propos qu'il a signalé au directoire du Finistère combien son âme patriote avait été offusquée de ces déclarations incendiaires !

   Mais, en janvier ou février 1793, c'est en l'an I de la République une et indivisible, devant le tribunal révolutionnaire de Quimper qu'ils sont interrogés. On a saisi des documents compromettant, des lettres, on dispose de dépositions, de plaintes, de dénonciations, et l'accusateur public questionne Ignace le Garrec sur ses surnoms, noms, age, profession, demeure,:

_Citoyen Garrec, as-tu prêté le serment éxigé par l'article 39 du décret du 24 juillet 1790 ? 

_Répond n'avoir prété aucun serment relatif à la ci-devant Constitution Civile du clergé.

_ Dans quelle paroisse as-tu exercé la fonction de prêtre ?

_Répond dans la paroisse de Plonévez-Porzay, détaché à la trève de Kerlaz.

_ Connais-tu les nommés Louboutin et Le Floch ?

_Répond les connaître depuis longtemps.

_ As-tu dis des messes dans des maisons privés ?

_Répond qu'il en a célébré.

_As-tu pratiqué des baptèmes ? des noces? as-tu tenu des registres?

_Répond avoir donné les sacrements conformément à son sacerdoce.

_ Comment se nomment les citoyens qui te cachaient ?

_Répond qu'il ne donnera aucun nom.

_ Connais-tu Rénier, à Bonnescat ? La veuve Marie-Philippe, à Kerivoal ? La veuve Renée Le Berre, à Kerourédan ? La veuve Renée Le Hénaff à Kerervan ? 

_ Répond qu'il refuse de répondre.

 L'accusateur public déclare qu'Ignace Le Garrec est coupable d'avoir erré pendant trois ans autour de son ancienne paroisse en y vivant caché pour nuire à la chose publique, prêcher dans le secret les anciennes erreurs et des principes contre-révolutionnaires, d'avoir incité à la sédition et, n'ayant pas prêter serment, est dans le cas de la déportation lors de son arrestation.* 

 

      * cet interrogatoire est une fiction

    Il est convaincu de la justesse de la cause qu'il défend, l'Accusateur : il applique à la lettre les décrets que l'Assemblée a voté, et il présente ces textes à l'accusé. Il applique la Loi. C'est un bon citoyen. C'est un bon fonctionnaire. Il méprise profondément ces prêtres qui font obstacle à la Révolution.

  Il a déboutonné sa veste. Il se renverse sur sa chaise et balance négligemment la savate de son pied gauche. Il pense à cette phrase qu'un Commisaire lui a dite : " Quand la nation se trouve sous le canon des ennemis et sous le poignard des traîtres, l'indulgence est parricide".

 Plus que son index vindicatif, c'est cette savate qui dit l'étendue de son ignominie. 

La banalité du mal, sans état d'âme, en faisant très correctement son devoir. Exactement comme le duc de Chaulnes et son acolyte le marquis de Névet, très-aimé-des-siens,  quand ils réprimaient les Bonnets Rouges.

Mais cette fois-ci, le Bonnet Rouge est du coté du Tribunal. Des deux bords, "les Dieux ont soif ".


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VIII. La dernière messe de l'abbé le Garrec.

      Inscription : "Ignace le Garrec prêtre-vicaire à Kerlas pendant la révolution célèbre une dernière messe paroissiale dans une grange au Caouët en janvier 1793".

  Selon Paul Airiau, le manoir du Caouët, dont le nom est attesté en 1426 (La Cage), 1463 (Le Gaouêt), 1750 (Gaouët) est possédé par la famille maternelle d'Henri Le Floch sans-doute depuis le XVIe siècle après l'avoir acheté aux seigneurs de Guengat. (plus exactement selon G. Horellou du comte Jacques Yves Joseph Marie Quemper de Lanascol, seigneur de Guengat et de Lezarscoët, qui émigra en Angleterre à la Révolution et dont les biens furent vendus à cette occasion : l'achat date alors du début du XIXe, ce qui me paraît logique). Cette ancienne maison noble située à une centaine de mètres du bourg de Kerlaz était associée à une ferme ; au XIXe, seule celle-ci subsistait, avant qu'en 1912 Henri Le Floch fasse reconstruire la maison d'habitation, "une élégante gentilhommière adossée à la ferme, avec vue sur la baie de Douarnenez et les hauteurs de Pouldergat (Horellou, Kerlaz, p.233).

  On retrouve sur ce vitrail les mêmes costumes bretons que sur la verrière représentant la mission de 1658 du Père Maunoir et où figuraient les parents du Père Le Floch : tout me semble comme si l'enfant tenu ici par les deux hommes, le grand-père et le père, était le même que l'enfant qui était tenu par sa mère  sur le vitrail de la mission de 1658, comme si cet enfant était la mémoire enfantine du commanditaire, cette mémoire à qui on avait raconté ces scènes légendaires de la famille. Dans les deux images, l'enfant est au premier plan avec ses parents. Ils le tiennent en lui disant _Regarde, regarde ce que nous avons vécu, et témoigne! La scène elle-même  (l'abbé qui célèbre la messe, l'Élévation) est lointaine, distante comme un vieux souvenir.

    

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IX . La condamnation.

Inscription : Le Tribunal révolutionnaire de Qumper condamne ces confesseurs de la foi suivie de l'éxil et de la déportation (1793-1795).

        Maintenant, l'accusateur public est en rouge. Le gréffier ne balance plus sa savate, il ne s'ennuie plus, il dresse les comptes de la République une et indivisible.

Des soustractions.

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Sources :


1. LA lecture qui s'impose :   Histoire des prêtres réfractaires lors de la Révolution Française http://www.foi-et-contemplation.net/amis/pretres/pretres-deportes/Hist-Pretres-Refrac.php

2.  H. Perennes, Documents  et notes sur l'histoire religieuse du Finistère sous le Directoire : Bull. Dioc Hist. Arch.Bdha  1935-37 :

- BDHA 1935 p. 79 et 121 : http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=56

-BDHA 1936 : p. 17et        :http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=57

-BDHA 1937 p. 11 et 135   :http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=58

 Mais aussi les Notices des différentes paroisses du Porzay où Abgrall et Peyron donnent le contenu des Archives de l'Évêché, dans le même Bulletin Diocésain

3. Germain Horellou, Kerlaz, son histoire, ses légendes, ses familles nobles, Brest 1920.

4. , F. Uzureau, Les prêtres insermentés du Finistère  Annales de Bretagne, 1919, vol.34, 34(3) pp 261-272 :

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391x_1919_num_34_3_1527

 

 

   LES ACTEURS : HENRI LE FLOCH, GABRIEL LEGLISE, ...

 

 

I. Henri le Floc'h 1862-1950.

  

       I. Éléments biographiques .

  On trouvera les meilleurs renseignements dans les articles de Paul Airiau :

1. Henri Le Floch, recteur du Séminaire Français (1904-1927) in 150 ans au coeur de Rome, link .

2. Du catholicisme breton au catholicisme romain : le cas d'Henri Le Floch (1862-1950), Bull. Société Archéologique du Finistère, tome 133, 2004, pp 407-429.

  En tenant initialement compte des renseignements trouvés dans la monographie de G. Horellou, j'ai peut-être introduit quelques imprécisions.


Henri Le Floch est né le 6 juin 1862 à  Kerlaz.  Son père Mathurin exploite la ferme du Caouët, la famille Le Floch est propriétaire de terres agicoles depuis au moins  le XVIe siècle et elle est honorablement connue. Sa mère, Marie Le Joncour (1838-1871) est  la fille d'un des rares paysans léttrés du Porzay : Henri Le Joncour, grand-père mais aussi parrain du jeune Henri. Ce patriarche, très féru en droit, exerça, sans en avoir le titre, les fonctions de juge de paix et fut surnommé "Alvocat Kerlaz", l'avocat de Kerlaz.  Madame le Joncour décéda à 33 ans, déjà mère de 8 enfants dont Henri serait l'un des ainés ou l'ainé des garçons. Des autres frères et soeurs, je ne peux indiquer que sa soeur Marie-Anne, qui deviendra Soeur Saint-François dans la Congrégation de Saint-Esprit, et qui reçut une Médaille d'honneur des épidémies par le Ministre de la Guerre (14-18) et une lettre autographe à cette occasion par S.S Benoît XV.

  Après des études au Likes de Quimper de 1873 à 1875, il entre au petit séminaire de Pont-Croix puis au petit scolasticat spiritain de Langonnet. Sa vocation écclesiastique contrarie son père, qui envisageait que son ainé reprenne l'exploitation agricole, mais il finit par céder.

  Il poursuit des études de théologie et philosophie  au grand scolasticat de Chevilly, et rentre dans la Congrégation du Saint-Esprit dans l'espoir de devenir missionnaire. Mais ses brillantes études, et sa santé fragile  incitent ses supérieurs à l'orienter vers l'enseignement. Il prépare le doctorat de philosophie à Louvain tout en devenant professeur de philosophie à l'Institut St-Joseph d'Épinal de 1889 à 1894.Il obtient son doctorat de théologie à la Grégorienne en juillet 1905. Il est ensuite nommé Supérieur du collège de Beauvais ou Institution du Saint-Esprit jusqu'en septembre 1900. Il est alors également Conseiller général de sa Congrégation . En 1904, il est nommé au poste prestigieux de Supérieur du Séminaire Français de Rome.

Le Séminaire Français de Rome

  Le premier recteur en 1853 en fut un breton, L.M Barazer de Lannurien. Fondé à une époque où l' Église était encore marquée par le gallicanisme et se dégageait avec peine du douloureux épisode des persécutions du Directoire, la création du Séminaire Pontifical de Rome a été voulue par Pie IX pour renforcer les liens avec la papauté. Installé à Santa Chiara, ancien couvent de clarisses, il accueille encore actuellement un cinquantaine de séminaristes adréssés par leur évêque de tous les diocèses. Il est en relation avec l'Ambassade de France au Saint-Siège.

 Pendant 150 ans, ce Pontificum Seminarium Gallicum de Urbe (couramment : le Gallicum) était tenu par les spiritains de la Congrégation du Saint-Esprit. Il formait les séminaristes à la "romanité" (le contraire du gallicanisme) ; le terme apparu dans cette acceptation au début du XXe siècle à la suite de celui d'ultramontanisme est difficile à définir puisqu'il désigne la connaissance et le respect des domes de l'église catholique : à l'apogée de la centralisation romaine (débutée avec le Concile de Trente), lorsqu'au XXe siècle la manière romaine de vivre le catholicisme était devenue la règle, la romanité ne pouvait désigner autre chose que l'excellence, l'absolu, la plénitude de la foi  et de la conformité  avec l'enseignement romain. Aussi les "séminaristes romains "issus du Séminaire de Rome représentent une élite censée donner "un exemple de doctrine profonde et sûre" (SS. Pie XII) dont sont issus de nombreux évêques. Ils reçoivent  une formation dans les universités pontificales, notamment dans l'université grégorienne.

  Les repères principaux de l'ultramontanisme furent, très ou trop schématiquement :

- la remise en cause de la papauté par les protestants et la réaction nommée Contre-Réforme : Concile de Trente, création de l'Ordre des Jésuites en 1540 , des Capucins, des Ursulines. 

- fondation de la Compagnie de saint-Sulpice en 1645 par J.J Ollier, consacrée à la formation du clergé.

- fondation de la Congrégation du Saint-Esprit en 1703 par l'aristocrate breton Poullart des Places, membre de la société secrète des Aa basée sur la défense de l'autorité papale.

- lutte contre le jansénisme et le gallicanisme au XVIIIe siècle.

- réaction contre les décrets du Directoire lors de la Révolution aboutissant à la Constitution Civile du Clergé.

- lien au XIXe siècle avec le courant de la Restauration qui prend le contre-pied de la Révolution avec Joseph de Maistre et de Lammenais.

-  fondation par François Libermann en 1841 de la Société du Saint-Coeur de Marie, qui fusionnera avec la Congrégation du Saint-Esprit pour rassembler ceux que l'on nomme les Spiritains.

 - dogme de l'Immaculée Conception en 1854.

- fête du Sacré-Coeur de Jésus instituée en 1856

- renforcement de l'ultramontanisme après les mesures anticléricales de la IIIe République en 1880-1905.

- Concile Vatican I en 1870 qui consacre l'autorité absolue du Pape et affirme le dogme de l'infaillibilité du Pape.

 

   La période des années de formation du Père Le Floch (1870-1900) et son origine familiale d'une part, les liens historiques entre l'ultramontanisme et la méfiance contre la République d'autre part, peuvent permettre de comprendre qu'Henri Le Floch soit présenté, dans l'article Wikipédia qui le concerne link comme "défenseur de positions antimodernistes, antilibérales et antidémocratiques qui se rallia aux idées de Charles Maurras et de l'Action Française".    

 Henri Le Floch dirigea le Séminaire de 1904 à 1927. Pendant ce temps, il occupa des responsabilités importantes qui accentua encore sa "romanisation" : 

  • 1907 : Consulteur de la S. Congrégation de la Propagande.
  • 1908 :  Consulteur de la S.C. Consistoriale.
  • 1912 : Consulteur de la S.Commission cardinaliste
  • 1913 : Consulteur de la Commission pour la révision des Conciles Provinciaux
  • 1913 : Consulteur de la S.C des Séminaires et des Universités des études.
  • 1918 : Consulteur  de la S.C. du Saint-Office.
  • 1927 : Consulteur  de la S.C des églises Orientales

 Il écrivit également plusieurs ouvrages et articles:

  • 1904  : Vie de Claude François Poullart des Places.
  • 1915 : L'acte d'union du vénérable Libermann et de ses disciples, Rome, Séminaire Françàis
  • 1916 : Les Élites sociales et le sacerdoce. ( gallica ici :link )
  • 1916 : Le rétablissement du culte dans les colonies françaises, Paris, P. Lethellieux.
  • 1918 : Le Séminaire français pendant la guerre , 23 p.
  • 1919 : La politique de Benoit XV, Paris.
  • 1922 : Discours prononcé au pélerinage de la-Palud à l'occasion de la translation des reliques de Sainte-Anne le 27 août 1922, Tours, A. Mame et fils.
  •  1937 : Cinquante ans de sacerdoce. Aix-en-Provence, Ed. Fourcine (autobiographie)
  • 1947 : Soixante ans de sacerdoce 
  • 1948 : Le Cardinal Billot, lumière de la Théologie , Paris, Beauchêne et ses fils, 1947 : ouvrage non publié, mais diffusé en petit nombre. désormais en ligne sur catholicapedia.net ici :link, il contient en chapitre VI une critique du catholicisme liberal dénoncé comme une hérésie dérivée de la Révolution. Le cardinal  Billot 

En 1925, Edouard Herriot dénonce à la Tribune de la  Chambre la politique hostile à la laïcité du Séminaire français.  

En 1926, Charles Maurras et son quotidien nationaliste Action Française sont condamnés par le pape Pie XI. Malgré cette condamnation, des témoignages ayant monté que le Père le Floch restait fidéle au maurrassisme, il sera contraint par le Pape de démissionner de son poste de Supérieur du Séminaire de Rome en 1927.

   En septembre 1927, il est affécté à la Procure des Missions Spiritaines à Fribourg, puis il est en résidence au Noviciat d'Orly en 1928, à la Procure de Marseille en 1930.

En 1939, il obtient une audience auprès de Pie XII. Pendant la guerre il séjourne au château de Barbegal près d'Aix-en-Provence,  chez le chanoine du Roure jusqu'à son déces en 1950.

 

II. L'action du T.R.P. Le Floch à Kerlaz et dans le Porhay.

        Henri Le Floch a fait bénéficier sa paroisse à la fois de l'héritage qu'il a reçu au déces de son père en 1916, et à la fois de sa position influente à Rome, à quatre reprises  :

1. En 1917-1918  en offrant avec sa soeur la réfection de l'ensemble des vitraux de l'église de Kerlaz.. 

2. En offrant à Kerlaz un calvaire en 1935. 

  Ce calvaire se situe au Caouët, la propriété familiale. Il est décrit sous le n° Kerlaz 646 Gaouët dans l'Atlas des croix et calvaires du Finistère de Pascal-Yves Castel de la façon suivante : granit, 4 mètres. 1935. Trois degrés. Socle composite, plaque gravée à gauche : HENRICUS LE FLOCH OLIM PER XXIII ANNOS SEM.GALL. DE URBE RECTOR PRECLARISSI MUS ANNO RE. MCMXXXV EREXIT. O CRUX AVE. Fût circulaire, noeud. Croix, branches rondes, fleurons et crucifix. 

   Je traduis l'inscription ainsi : Henri Le Floch autrefois pendant 23 ans supérieur du célèbrissime Seminaire Français [preclarissimus : superlatif de l'adverbe praeclarus qui signifie déjà très illustre, très renommé, très glorieux, fameux]  érigea (cette croix) en l'année 1935. Salut, Ô Croix !

3. En favorisant l'obtention pour le sanctuaire de Sainte-Anne-la-Palud, appartenant à la paroisse de Plonevez-Porzay, du privilège dit du Couronnement célébré le 26 août 1913 lors du pardon devant 30 000 personnes . Cela nécessite un rappel : 

   Au XIXe siécle, le renouveau du culte marial et la survenue d'apparitions à La Salette, Lourdes ou Pontmain ainsi que l'institution du dogme de l'Immaculée Conception conduisirent les autorités écclesiastiques à solliciter l'octroi par le pape Pie IX d' une couronne pour cetaines statues, signe de leur vénérabilité. La première Vierge de Bretagne à être couronnée fut Notre-Dame -de-Bon-Secours à Guingamp en 1857, puis ce fut Notre-Dame-de-Rumengol en 1858. La fête du Couronnement attirait une foule considérable (100 000 personnes à Rumengol) et était suivie par une renommée et un accroissement de la renommée et de la fréquentation du sanctuaire. En 1865, Notre-Dame-d'Espérance à Saint-Brieuc obtient la couronne d'or. En 1868, Notre-Dame-du-Roncier.  En 1888, le couronnement de  la Vierge du Folgoët attira 60 000 pélerins. En 1868, cet honneur que le pape réservait à la vierge est accordé à sa mère, Sainte Anne, pour son pardon à Auray, premier lieu de pélerinage en Bretagne. Dans le jeu de benoîte concurrence (disons plutôt : de sainte émulation) que les pardons, les pélerinages ou les statues se font pour augmenter leur audience et faire profiter d'avantage de fidèles des bénéfices des indulgences, Sainte-Anne-la-Palud ne pouvait être en  reste  vis à vis de sa soeur du Morbihan, mais il fallait être introduit auprès de la Curie romaine et de ses dicastères (eh eh, à vos dictionnaires ! ou, ici :link, mais je suis trop bon), notamment la Congrégation de la Cause des Saints où beaucoup d'autres paroisses faisaient antichambre. C'est alors que la position du T.R.P. Le Floch fut décisive, lui qui appartenait à trois Congrégations Romaines. Une supplique avait été adréssée par le recteur de Plonevez-Porzay en 1911, mais comme l'écrivent les deux abbés historiens de Ste-Anne-la-Palud, Boussous et Thomas, " Dans les bureaux de la Chancellerie romaine, on ne se rendit sans-doute pas bien compte de l'importance du pélerinage de Sainte Anne, et la lettre sollicitant la faveur du couronnement risquait d'être oubliée si la paroisse de Plonévez-Porzay n'avait eu l'heureuse chance d'avoir à Rome, en la personne du T.R.P. Le Floch, Supérieur du Séminaire français, un excellent agent d'affaires". (Bossus H. et Thomas J. Sainte-Anne -la-Palud, Brest, 1935).  

  Lire :Les statues de Notre-dame couronnées dans le diocèse de Quimper et de Léon, Congrès marial breton Le Folgoët 1913, p. 426-454. Textes de M. Y.-M. Le Pape, recteur de Rumengol (couronnement en 1858), du chanoine Corre sur Notre-Dame du Folgoat (1888), du chanoine Michel Péron sur Notre-Dame des Portes, Châteauneuf-du-Faou (1894), et de Louis Le Guennec et Laurent-Marie Goret sur Notre-Dame de Kernitroun en Lanmeur (1909).

 http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=29

 

4. En obtenant en 1922  pour Sainte-Anne-la-Palud les reliques de St-Paul-hors-les-Murs et de l'église d'Apt, tour de force qui supposait beaucoup d'entregent.

 

III. Henri Le Floch, homme de conviction, admiré et contesté.

        _ L'engagement du Père Le Floch pour la propagation de la Foi, pour les missions, pour la formation d'élites dans le clergé, pour le rayonnement du catholicisme en France et dans sa paroisse, pour le maintien des traditions liturgiques est incontestable, et beaucoup de ses anciens élèves de collège ou de séminaires, particulièrement impressionnés par sa pensée, ont exprimés leur admiration. Parmi eux, citons Mgr Marcel Lefebvre,qui fut Supérieur Général de la Congrégation du Saint-Esprit de 1962 à 1968 avant de fonder la Fraternité Saint Pie X, puis d'être excommunié pour avoir sacré quatre évêques traditionnaliste sans l'aval de Rome. On trouve sur le site  de la fraternité St Pie X  : "Mgr lefebvre gardera toujours une grande estime pour le directeur du Séminaire français Henri Le Floch qui lui fit aimer et révérer l'enseignement des papes".

  Dans ce cas, comme dans le cas d'Henri le Floch, la romanisation semble finir par achopper par l'exces même de la fidélité à la tradition romaine , et le Père Le Floch citait le cardinal Billot s'écriant : Etiamsi Magnus Turca diceret, ego non ! (Quand bien même le Grand Turc l'affirmerait, je ne l'accepte pas !).

      _ J'ai dit que les séminaristes du Gallicum bénéficiaient de l'enseignement de la "Grégorienne", cette université fondée et dirigée par les Jésuites. Le cardinal Louis Billot y enseigna la théologie dogmatique à partir de 1885, et Henri Le Floch fut son élève puisqu'il prépara son doctorat de théologie à la grégorienne. Ses convictions contre le liberalisme et  le modernisme, contre l'influence des "pseudophilosophes" du XVIIIe et de la Révolution le conduisirent à s'opposer à la conduite du pape Pie X contre l'Action Française, mais lorsque le pape le convoqua en septembre 1927 , il se contenta, en signe de soumission et de sacrifice, de déposer sa calotte et ses insignes sur le bureau et de sortir. L'intransigeance des idées s'accompagnait ici de l'allégance complète vis à vis du Souverain Pontife.

 

 

La pensée d'Henri Le Floch    est  souvent critiquée, taxée de catholicisme d'extrème droite, de catholicisme intégral, d'intransigeance dogmatique dans un militantisme qualifiée de"croisade antisubversive" On signale son apocalyptisme antirépublicain, sa théologie fixiste et immobiliste, sa politique du pire, on parle de" maurassisme écclesiastique".

 

  Paul Airiau apparaît comme le meilleur connaisseur de la personnalité et de l'oeuvre de Henri Le Floch. J'ai déjà cité deux de ses références, et on trouvera en ligne la revue Histoire et Missions chrétiennes de juin 2009 où, sous le titre du dossier de Action Française, décolonisation, Mgr Lefebvre, les Spiritains et quelques crises du XXe siècle, donne en tant qu'historien une analyse de la complexité des appréciations sur le Supérieur du Séminaire français : ici :link et illustre son document de photographies du recteur de Santa Chiara (p. 49 et 79).   Paul Airiau est agrégé d'histoire (1994) et a réalisé sa thèse d'histoire (IEP Paris 203) sur le Séminaire français de Rome du P. Le Floch) : résumé de sa thèse ici :link

    C'est aussi cet historien qui qualifie la pensée de H. Le Floch d' apocalyptisme catholique, sujet auquel il a consacré un ouvrage, l'Église et l'Apocalypse.(résumé ici : link) Qu'entend-on par "apocalyptisme catholique" ? L'attente d'une Parousie proche, l'idée que l'Histoire est à décrypter comme le Récit de la lutte entre Dieu et Satan, la conviction que Dieu intervient dans l'Histoire et que les miracles sont des manifestations d'un combat spirituel ou que les déboires sont les chatiments qui doivent frapper le monde, une conception polémologique de la religion qui trouve dans les Croisades une manifestation exemplaire et qui applique cette combativité de Croisés aux différents ennemis qui sont succesivement dénoncés selon le goût du jour, ou encore une théorie du complot exigeant une vigilance extrême pour déceler les ennemis cachés. A la détermination combattive ou sacrificielle, à l'idée que la Fin justifie tous les moyens sont opposés la négociation, l'adaptation, l'intégration, l'appaisement des conflits considérés comme trahison de la Cause. Outre les pensées millenaristes, la Contre-Réforme, le militantisme de l'Ordre des Jésuites, des missions, les Congrégations fondées après la révolution pourraient participer de cet apocalyptisme. 

   Chaque verrière de Kerlaz, avec les Croisés, les missions du père Maunoir, les troupes de René de Névet, le Pardon de Sainte-Anne-la-Palud, les sacrifices des Confesseurs de la Foi peuvent dés lors être rassemblès sous cette bannière de l'Apocalyptisme, qui trouverait son summum dans la scène où, in extremis, Saint Corentin arrache Gradlon qui risque de se damner par ses attermoiements et sa tendresse paternelle. 

   Bien-sûr, bien-sûr... mais comme je répugne à diaboliser ma lecture de ces beaux vitraux, je vais aller me balader du coté de la litterature :

 

 

 

IV. Henri le Floch  entre  romanisation et esprit romanesque.

  Après le sérieux des thèmes évoqués, dont les enjeux théologiques ou politiques me dépassent , je voudrais jouer avec les mots :  Dans la Revue d'histoire de l'Église de France,1935, Gabriel Le Bras, en donnant une étude de bibliographie du livre Les Missions bretonnes, histoire de leurs origines mystiques par  l'abbé Kerbiriou, 1933, écrit ceci :

  "  Michel le Nobletz vit tous les maux du siècle avec les yeux d'un saint romanesque . Autant que par le spectacle de l'irreligion, il me paraît évident que sa glorieuse carrière fut suscitée par la lecture des romans de chevalerie. Sa mèthode révèle qu'il fut séduit, comme sainte Thérèse d'Avila et saint Ignace, par les conteurs d'aventure.

  Si j'ignore quel roman de chevalerie a été lu par Henri Le Floch, il nous a tout dit des "conteurs d'aventure" qui ont nourri et exalté son imaginaire : sa mère, lorsqu'elle le menait au pardon de Sainte-Anne-la-Palud, son grand-pére (maternel), et tous les conteurs de veillées, tous les colporteurs de gwerziou, tous les chanteurs de canticou spirituels, les oncles et tantes qui racontaient les ruses et les tours des grand-oncles échappant aux gendarmes pour dire la messe, et toutes les images, les grandes images peintes sur le plafond de la chapelle Saint-Michel de Douarnenez  avec l'ange qui tient Satan enchaîné et celui qui le combat de son glaive, les vitraux et les calvaires. S'il ne lut pas de roman de chevalerie, les châteaux des seigneurs de Quelen et de Nevet parlaient de Croisés donnant leurs vies pour les reliques et des lieux saints, de Marquis servant le roi, alors que l'endroit où il était né avait été acquis des derniers seigneurs de Guengat. Si cela ne suffisait pas à fournir à un jeune esprit des modèles d'identification, la forêt de Névez et le pays de Locronan regorgeaient de monts et de merveilles où jadis les fées, puis les saints avaient vécu, et où Ronan, Corentin, Hervé, Théleau, réalisaient leurs miracles. 

   Tous ces héros pouvaient l'inciter à prendre lui même les armes pour participer à l'épopée des Valeureux contre les Lâches, des Fidèles contre les Infidèles,  et peut-être ressemblait-il au personnage de Cervantes qui "avait à toute heure et à chaque instant l'imagination remplie des combats, des défis, des enchantements, des aventures, des amours, bref, de ces absurdités que l'on trouve dans les romans de chevalerie, et tout ce qu'il disait, pensait ou faisait n'avait d'autre but que de s'y conformer " ( Don Quichotte, ch XVIII, p. 187).

   Oui, peut-être ressemblait-il à Don Quichotte. A Madame Bovary. Ou à Flaubert. Ou à moi, voire même à vous.


 

II. Gabriel Léglise, maître-verrier.

  Le maître-verrier Gabriel Léglise appartient à une famille de verrier installés à Auch, Bd Roquelaure, parmi lesquels on compte Louis et Antonin. Lui-même eut son atelier à Paris. On lui doit, dans le désordre, les verrières de la chapelle Sainte-Thérèse à Fougère, de l'église de Jugon les lacs, de celle de Plévin ou de Verneuil le Grand dans la Meuse,  de l'église Saint-Pierre de Plestan, ou "charles de Blois fait prisonnier par les anglais, église sainte-Catherine à La Roche-Derrien.

  L'interrogation d'un moteur de recherche avec un patronyme Léglise s'avère bien difficile.

Il existe une rue Gabriel Léglise à Bordeaux.

  Je note deux réalisations dont le thème se rapproche des vitraux de kerlaz:

  • église Notre-dame à Plévin (22) : 3 verrières consacrées au Père Maunoir.
  • La Chapelle Saint-Florent (Maine-et-Loire) : Mort de Bonchamp, sur un carton de René-Victor Livache, dans le cadre des vitraux consacrés à la guerre de Vendée

III. Les auteurs des  cartons

 Le blog de Jean-Pierre Le Bihan, qui a restauré la verrière, indique  : "Cartons de Evalche, prix de Rome, d'après croquis de Melle Hersart de la Villemarqué et de Melle Krebs".

  Je ne retrouve pas Evalche, mais René-Victor Livache (1831-1909) et son fils Victor-René (1872-1944) peintres d'Angers à qui on doit des cartons de vitraux. Victor-René Livache fut directeur de l'école régionale des beaux-Arts de Rennes de 1921 à 1935. Ce qui est troublant, c'est de trouver le même récit de nomination à L'école régionale des Beaux-Arts d'Angers, qu'il dirigea jusqu'à sa mort en 1944... Je copie ce commantaire :"  Le 22 octobre, Victor Livache sort vainqueur des différentes épreuves. Né en 1872, fils de peintre, élevé dès son enfance dans les arts, le salon des Artistes avait accueilli en 1910 son tableau le Jeu de la rose, vaste composition de 2 m sur 2,50 m. Son oeuvre était déjà importante, tant en restauration de tableaux anciens, qu'en création, spécialement dans le domaine des maquettes de vitraux : brasserie de la gare Saint-Lazare à Paris, verrière de l'escalier de l'hôtel Bordeaux-Montrieux et vitraux de l'église Notre-Dame à Angers. Son projet pour une salle à manger angevine évoquait le festin de Gargantua, dans des couleurs lie-de-vin. Il sera directeur de l'École des Beaux-Arts jusqu'à sa mort, en 1944, communiquant aux élèves toute son expérience."

 

  Concernant les croquis, je ne peux que constater la filiation suivante :

  • Théodore Hersart de la Villemarqué l'auteur du Barzaz Breiz,
  • Pierre son fils, avocat : 1854-1933 épouse Alix de Kergariou, d'où :
  • Valérie Hersart de la Villemarqué, petite-fille du barde, épouse en 1920 Arthur Krebs, d'où 5 enfants, Alix, etc...

 

   Conclusion.

     J'ai déjà cité les travaux de Marcel Jousse  Le vitrail de la Vie de Jésus à Confort-Meilars basée sur une anthopologie du geste étroitement lièe à la mémoire orale, mémoire dont il avait mesuré l'étendue dans la Sarthe rurale où il était né en 1886. Il insistait sur l'ancrage corporel et rythmique de cette mémoire qui n'est jamais énoncée, mais toujours rythmo-mélodiée lorsqu'elle est transmise, à l'enfant sous forme de comptines, de berceuses, de devinettes ou de proverbes ou de contes aux formulettes répétitives, à l'adulte sous forme de chants et de récits traditionnels en cantilènes, voire de lectures sacrées psalmodièes au lutrin.

   Passant par Kerlaz pour photographier la statue de Vierge allaitante, j'ai découvert progressivement les vitraux de l'église, puis leur commanditaire, puis les personnages qui apparaissaient liés à la conception de ces verrières: chaque rédaction de notice pour commenter mes photos m'ont ouvert des perspectives, alors que ma naïveté et mon ignorance initiales étaient complètes. Ce n'est qu'une fois que ces notices sont terminées que je constate que le point commun de ces vitraux n'est point, comme je l'ai cru, d'exprimer les convictions théologiques ou politiques d'un milieu clérical et conservateur, mais plutôt de témoigner de la force de la mémoire orale acquise durant les années de formation d'un breton de Cornouaille.

   Car quels sont les individus que j'ai rencontré lors de cette exploration ?

  • Julien Maunoir, auteur de canticou spirituels destinés à faire mémoriser aux paroissiens les dogmes, le crédo, le cathéchisme et les prières catholiques.
  • Théodore Hersart de La Villemarqué, collecteur de l'oralité bretonne et dont trois chants du Barzaz Breiz sont repris comme sujets des vitraux : L'Enfer (qui reprend lui-même le canticou du père Maunoir), Élégie de monsieur de Névet, Submersion de la ville d'Is. (sans compter Ar beleg forbannet ou le prêtre éxilé).
  • Germain Horellou (5-02-1864/06-05-1923), élève du petit séminaire st-Vincent de Pont-Croix, vicaire de Plourin en 1888 puis de Ploudalmézeau en 1894, ami d'enfance d'Henri Le Floch, mais dont je découvre que sous le surnom de Bleiz Neved, il était aussi "poète latin, français et breton", "auteur de cantiques, de chansons et de poèsies de circonstance

s qui ont fait la joie des réunions cléricales" (Henri Poisson, Histoire de Bretagne, Breiz, 1981). on trouve, publié dans Feiz ar Breiz, Fino (1908 p. 215), Al leon hag ar c'houibuenn (le lion et le moucheron,1923 p. 88), Ha gwerz an aotrou St Mikel (1923 p. 334), Mouez ar wazenn ( 1939 p. 117), ou dans Kroaz ar Vretoneg Kanaouen an eostig (1916 p. 12), et on peut encore découvrir un Kantikou an Eskopti ou Kamodig er Galoun zakr, "hymnus sapphiccus, 1916. Je découvre aussi par exemple que Denez Prigent a interprété l'une de ses compositions, la berceuse Tio Tio ( nous sommes bien dans l'oralité précoce et rythmée) dans son disque de 1996 Ar gouriz koar.


 

  Mieux, je constate que Germain Horellou était très proche de le famille La Villemarqué et de l'oeuvre de l'écrivain puisqu'il fut l'un des rares, et le dernier avant 1964, à consulter les fameux carnets de transcription du "barde"  en son manoir de Keransquer où il était reçu. C'est Laurent Donatien qui, p. 31 d' Aux sources du Barzaz Breiz, Ar Men 1989, signale qu'Horellou ayant accordé peut-être trop de confiance à l'une des pièces du Barzaz Breiz, il fut pris à partie par Louis Guennec et que, pour se défendre, il utilisa les archives de Keransquer auxquels  Pierre de La Villemarqué lui donna accés. 

   Le menhir christianisé lui-même, qui culmine au tympan de la maîtresse-vitre, est une figure qui vient de La Villemarqué : "Le menhir est toujours debout, mais la croix le domine". (Barzaz Breiz, 1939, Introduction X, lxxij)

           Henri Le Floch se situe donc au coeur d'un réseau ou d'une chaîne de transmission auriculaire à la fois familiale (récits des haut-faits des grand-oncles, des saints bretons et des seigneurs locaux, chants des Pardons de Kerlaz et de Sainte-Anne-la-Palud...) et amicale et culturelle ( Canticou spirituels et feuilles volantes des jésuites / Gwerziou traditionnels / La Villemarqué/ berceuses et cantiques d'Horellou ) d'une mémoire orale. C'est cette oralité qui est mis en image sur les vitraux de Kerlaz, plutôt que la pensée conservatrice et la tradition catholique acquise chez les spiritains au séminaire et dont il fut, pourtant, l'un des farouches gardiens.

   

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 14:15

 

                                   Vierges allaitantes V :

                    

                 Chapelle Saint-Venec  à Briec :

         Première partie : Notre-Dame de Tréguron ; les statues des saints ; le calvaire.


Préambule : quelques considérations géographiques et historiques.

   Balzac n'avait pas tort, lorsqu'il imposait à ses lecteurs ces fameuses entrées en matière fastidieuses avant de présenter les personnages de sa Comédie, tant il est vrai que l'on ne comprend bien une situation que si on en a appréhendé le contexte. Mais si 90% lecteurs des Chouans ou du Pére Goriot sautent allégrement le ruisseau de son préambule, 99% des lecteurs de ce pauvre blog sont déjà partis vers les images qui suivent.

  J'ai fait de même, prenant d'abord les clichés, pour ne regarder que longtemps après la carte IGN de Briec, pour situer cette chapelle Saint-Venec entre Porzay et Poher, sur les pentes qui séparent le Menez Roc'h Meur (231m) des vallées des affluents du Steïr et de leurs moulins, à cinquante mètres de la route nord-sud Chateaulin-Quimper.

   Un simple compas, réglé pour un rayon de 15km, encerclerait dans son empan toutes les Vierges allaitantes de Cornouaille : Trèguron en Gouezec au nord-est, Kerluan en Chateaulin au nord, Quillidoaré en Cast au nord-ouest, Kergoat en Quéménéven, Bonne-Nouvelle en Locronan et Kerlaz à l'ouest, Seznec en Plogonnec au sud-ouest. Lannelec en Pleyben restait à peine plus loin. Et tout-près, Notre-Dame des Trois-Fontaines parlait encore de culte de la fécondité.

  L'histoire m'appris que la paroisse de Briec était jadis divisée en trèves et en frairies dont l'organisation était compliquée par le fait que le territoire de Landrevarzec séparait les paroissiens de leur église-mère : au XVIIIe siècle, ce que l'on nommait l'enclave de Briec encerclait en machoire Landrevarzec, qui ouvrait elle-même sa gueule sur Briec-même: il suffit de regarder la carte du site Tudchentil.org:http://www.tudchentil.org/spip.php?article30

  Saint-Venec, et les lieux-dits Jubic, Ty Venez Jubic, Guinnigou, kermenguy, Kerveguen, Kerrouzic, Ty spern, Stang Yen, etc.. appartenaient à la frairie de Trebozen (Trebozen Huella et Izella). Lorsque Landrevarzec devint commune en 1873, seule la partie orientale de Trebozen resta attribuée à Briec, sous le nom de Trève de Saint-Venec, Trev Sant Veneg.

   Puisque ce sont les vierges allaitantes qui me mènent ici, et que nombreux sont ceux qui voient là une resurgence de cultes païens comme ceux qui, en Égypte, liaient la montée de lait à la crue des eaux ou comme ceux de l'antiquité gréco-romaine ou celte, il n'est pas non plus indifférent d'apprendre qu'à 500 mètres au sud-ouest de la chapelle, à Kertiles, une villa gallo-romaine fut découverte en 1935 (Bull. Société Arch. Finist.), avec une sépulture du IVe siècle d'un adolescent dans un sarcophage de plomb. C'est que nous sommes ici le long de la voie romaine Carhaix-Douarnenez (Vorgium-Leones),  Hent Pesket, bel odonyme de la route des poissons qui menait le garum et les salaisons de Douarnenez vers la capitale des Osismes ( notre Finistère, peu ou prou), noeud routier de huit voies de communication au IIIe siècle de notre ére.

  Le passé gaulois peut d'autant pus être pris en compte que le nom de Briec vient d'un toponyme gallo-romain Brithiacum dont l'origine gauloise Brithiacos est indiquée par le suffixe "-acos".

   Jusqu'où irons-nous dans les spéculations ? Évoquerons-nous un ancien culte d'Isis, auquel on relie parfois aussi la fameuse Venus de Quinipily de Baud ? Oui, pour le plaisir de prononcer ce theonyme (je voulais placer mon sceau, mon gago in, sur ce néologisme, mais ce n'en est pas un : voir Cyril Aslanov, l'onomastique divine et humaine, indice de la confusion entre transcendance et immanence). Irons-nous mentionner les grandes déesses nourriciéres des Panthéons gallois et irlandais ? Pourquoi pas, puisque nous allons pénétrer dans un sanctuaire dédiè à Venec, fils d'un roi d'Irlande.

  La chapelle de Saint-Venec, comme toutes les chapelles et du moins comme toutes celles qui abritent une vierge allaitante, possède sa fontaine de dévotion, particulièrement soignée et contenant une statue du saint : Le culte gaulois des sources n'est pas loin, avec ses divinités de la fertilité.

 


 

 

 

La chapelle Saint-Venec :

   "A quatre lieues de Quimper sur le bord de la route de Chateaulin on découvre au milieu de grands arbres qui la cachent presque entièrement aux regards une petite chapelle dédiée à Saint Venec. tout auprès est un beau calvaire en granit, à soubassement triangulaire, qui porte la date de 1556. Parmi les nombreux personnages, pittoresquement groupés sur les angles, autour des deux croix qui y sont plantées, on remarque les douze apôtres tenant des cartouches à demi-déroulés, sur lesquels sont gravées les paroles du Credo. Un peu plus loin est la fontaine du saint, aussi vieille que le calvaire mais plus richement ornée que ne le sont ces édicules, accessoire obligées de toute chapelle bretonne. L'église construite au XVIe siècle sur le plan d'une croix latine, n'offre, à l'extérieur rien de remarquable, et on est péniblement surpris quand on y entre de l'état de délabrement dans laquelle elle se trouve".

   Ces lignes ont été publiées en 1874 dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère par M. Le Men restent parfaitement actuelles. Sans-doute le délabrement s'est-il seulement accentué, l'incurie a entraîné la disparition d'une niche gothique, mais nous pouvons poursuivre la lecture du texte, depuis près de 150 ans, rien n'a changé :

   Au bas de la nef est une tribune à panneaux vermoulus  grossièrement sculptés ; au milieu pend une lampe en fer [...] ; quelques sièges à moitié brisés et un ou deux confessionnaux sans porte complètent son ameublement. Cependant les débris de verre de couleur* qui restent encore dans les compartiments flamboyants de ses fenêtres, et les sculptures qui décorent les clefs de voûte et les poutres de sa charpente sont des indices certains que la pieuse sollicitude des fidèles qui l'ont fait construire n'avait rien négligé pour rendre le monument digne du saint à qui il est dédié".

*En 1905, on voyait encore des débris de vitraux avec deux anges tenant une banderolle, puis une sainte vierge et un saint sébastien.

DSCN2315c

 

  L'impression que ressent le visiteur, lorsqu'il découvre, à gauche du maître-autel, "du coté de l'évangile", sur un fort cul-de-lampe, la délicate statue de la Vierge allaitante se détachant sur le mur aux moellons déchaussés, au crépi décrépi souillé par des ruissellement pisseux, au salpêtre verdâtre, est celle de rendre visite dans un hospice ou en sa prison  à une ancienne Reine déchue qui met toute sa dignité à relever sa robe et à se préserver des eaux de sanie et des immondes fanges.

1) Notre-Dame de Tréguron :

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   Lorsque l'abbé Abgrall, ou le chanoine Peyron, lui rendirent visite en 1904, elle était abritée par une niche en bois, "de style de la fin de la période gothique", où une statue en bois de Sainte-Anne l'accompagnait. A l'époque, ils pouvaient lire sur le socle l'inscription NOTRE DAME DE TREGVRON, "le même vocable que la vierge de la chapelle de N.D de Tréguron en Gouezec, où elle est priée surtout par les mères et les nourrices qui ont besoin de lait pour leur nourrisson". Les services des Monuments Historiques nous procurent  une photographie (de 1994 ?) de cette niche et des statues sur la base Palissy qui laisse rêveur : mais comme les droits en sont réservés, voici le lien : link On nous indique une restauration par M.Mainponte en 1956 (les ateliers Mainponte de Mondoubleau travaillent pour les Monuments Historiques depuis plus de 50 ans) . Les deux statues, rehaussées par un socle simple pour Ste Anne, un socle double pour la Vierge, retrouvent tout l'équilibre de leurs proportions .

  J'ose espérer que cette niche a été de nouveau confiée à un restaurateur et que la disposition désordre que je constate n'est que temporaire.

 

 

L'inscription : NOBLE.DAME.MERE.DV.REDEMPTEVR.1592 est sculpté sur le cul-de-lampe en majuscules dont les A, à chevron, et les M sont ornés. 

 

En 1592, Henri IV est roi de France depuis 3 ans, et il cherche à soumettre le duc de Merceur, gouverneur de Bretagne  qui se révolte contre l'ascension au trône d'un ancien protestant, et qui a obtenu le soutien de Philippe II roi d'Espagne. Les paysans soutiennent majoritairement le duc de Merceur, et en 1590, lorsque la ville de Carhaix a été totalement incendiée par le Sr de Liscoët au nom du roi, les paroisses de la région, y compris Briec, se sont mobilisés pour la défendre. Henri IV  ne mettra un terme à la Ligue bretonne (1588-1598) en soumettant le duc de Mercoeur qu'en 1598, puis il signera l'Édit de Nantes.


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   Cette statue de Vierge allaitante est la cinquième que je découvre. Elle possède des points communs avec les précédentes ou les suivantes, comme la longue chevelure lactiflue aux boucles dorées, le manteau bleu dont un pan revient sur le coté gauche, ou le corselet ouvert en V sur le sein allaitant,  mais c'est la seule à ne pas être grandeur nature. Sa facture est plus gracieuse encore que les autres, son visage rayonne de tendresse, sa pose hanchée est sinueuse mais digne. Elle est la seule à donner le sein gauche, sinistre. La seule aussi à ne pas tenir le sein pour le présenter à l'enfant, mais à offrir de la main droite, comme un double du sein tété, un fruit, une figue ou plus certainement une pomme d'or qui englobe dans sa rondeur métaphorique le fruit des Hespérides, celui du serpent de l'Eden, la grenade de Perséphone et celle du Cantique des Cantiques (tu fais jaillir un paradis de grenades avec des fruits exquis, du nard et du henné, IV,13), et enfin le globe terrestre. Une interprétation théologique me paraît être de voir Notre-Dame tendre généreusement à l'humanité la même nourriture dont elle a allaité l' enfant Jésus et répondre par ce geste de maternité sprirituelle à la prière de Saint Bernard Monstra te esse matrem, "Montrez-vous notre Mère".

  Autre particularité, la ceinture dorée qui remonte très haut sous la poitrine.

  C'est la seule qui soit couronnée.( Celle de Kergoat l'est également, mais elle est coiffée d'un accessoire ajouté).

  A la différence de ces Jésus retouchés par la pudibonderie du XIXe siècle des Vierges de Kerlaz, Lannélec ou Quillidoaré, , celui-ci est aussi mignon et naturel que possible, avec ses cheveux frisés et ses douces menottes.

  Aussi cette Notre-Dame de Tréguron-ci est bien à part des autres et ne semble pas issue exactement du même atelier. 

  Une confidence ? Elle est peut-être ma préférée. Mais chut, ne le leur dites pas, je ne veux pas d'histoires.

 

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La poursuite de la visite de la chapelle

a) les statues :

Notre-Dame de Bonne-Nouvelle :

  C'est une statue en pierre, restaurée par l'atelier Mainponte en 1956 est datée du XVe siècle. En 1994, la photographie MH montre que la tête de Jésus était déjà cassée. Elle est coiffée d'une sorte de casquette à la Charles Bovary, d'où s'échappe en ruisselant de longs cheveux qui l'apparenterait à une Vierge de fécondité (son nom de Bonne-Nouvelle s'y prête), surtout si on interprète l'espèce de pomme de pin qu'elle propose à son enfant comme dans la symbolique chrétienne de l'art roman comme symbole d'éternité (son pignon résiste au feu), de fertilité et de reproduction.

  Si on veut, on y verra une grappe de raisin, comme celles qui font une frise sous l'inscription de N.D de Tréburon.

   La longue chevelure est, par ailleurs, un signe iconographique de virginité retrouvé chez les vierges Saintes et Martyres.

 


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Sainte Anne :

  Sainte-Anne apprenant à lire à Marie. Mais le livre lui est tombé des mains.

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Sainte Marguerite :

  Statue en bois du XVe

  C'est à son propos que les cheveux dénoués sont à lire comme le signe de la virginité de la patronne...des sages-femmes. Elle mérite bien cet honneur (qui est, me souffle-t-elle, plutôt une lourde charge surtout les nuits de pleine-lune) puisqu'elle est experte en maïeutique (Socrate et sa mère la vénéraient) pour s'être extraite, armée d'un simple crucifix, du ventre d'un dragon. En vrai, ce dragon, n'était le diable déguisé pour la convaincre de céder aux avances du préfet d'Antioche Olybrius. En vain, an vain, car la vierge garda la tête froide, avant de la perdre, décapitée par l'Olibrius libidineux devenu fou furieux.

  Inscription : Ste Marguerite :P.P.N.

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Saint Yves entre le riche et le pauvre :


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L'inscription est la suivante : DEVS : QVI : BEATVM : YVONEM : CONFESSOREM Y. MOEZ 1592.

 Il s'agit d'un extrait de l'oraison à Saint-Yves : Deus, qui ad animarum salutem et pauperum defensionem beatum Yvonem Confessorem tuum insignem ministrum elegisti : quaesumus, ut ejusdem nos tribuas et caritatem imitari et apud te patrociniis communiri. Per dominum...

 "Dieu, pour sauver les âmes et défendre les pauvres, vous avez choisi un ministre en la personne du Bienheureux Yves, votre confesseur : nous vous en prions, donnez-nous d'imiter sa charité et d'être fortifiés auprès de vous par son patronage."

 

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          On peut penser que Y.MOEZ corresponde à un Yves Moysan.

 Saint-Yves est vêtu d'un surplis blanc sur la soutane noire et d'une aumusse  rouge ; au lieu de la barrette, il est coiffé d'un chaperon. Il est assis, accoudé à la cathèdre. L'iconographie de St Yves le représente soit dans sa fonction de juge du tribunal ecclésiastique ou official,en cotte et camail rouge, housse blanche parsemée d'hermines, chaussons violets, barrette rouge, soit dans celle de recteur des paroisses de Tredrez puis de Louannec. C'est donc comme recteur qu'il apparaît ici. Plus exactement peut-être, l'artiste a peut-être tenté de respecter les descriptions authentiques que les témoins ont donné d'Yves Hilory lors de son procès de canonisation en 1330 : ils signalaient "un long surcot et une cotte qui descendait jusqu'aux talons ainsi qu'un capuchon fait d'une étoffe blanche bon-marché", "un capuchon tiré sur les yeux", "une chemise de filasse grossière", laquelle dissimulait le cilice pénitentiel. En tout-cas, il avait abandonné tout signe extérieur d'attachement aux vanités de ce bas-monde, et notamment les toges douillettement bordées d'hermine.

   Jadis, la niche était très probablement, comme celle des autres saints de cette chapelle dotée de volets.

  Ces  trios du Saint, du riche et du pauvre sont apparus dans l'iconographie principalement au XVIe siécle, suscités par des groupes d'Italie (on retrouve à San Gimignano une fresque du Sodoma figurant saint Yves entre les plaideurs), et leur densité est plus importante en Finistère qu'autour de Tréguier. 13 groupes sont dénombrés dans le Finistère au XVIe siècle, 11 au XVIIe et 1 au XVIIIe. Notre trio de 1592 se place donc au choeur de la période de production. Il est destiné, pour répondre aux orientations du Concile de Trente, à répandre l'image du Bon Clergé, consciencieux, évangélique, irréprochable : l'image du Prêtre Juste. Habillé sans ostentation. Indépendant de la noblesse et des marchands. Pratiquant la charité. Régulier dans l'exercice de ses dévotions. Toutes qualités qui paraissent aujourd'hui aller de soi mais qui, à l'époque, avaient besoin d'un peu de publicité.

(Source :Virginie Montarou, Saint Yves entre le riche et le pauvre,  in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003), P.U.Rennes/CRBC 2004.)

  

  Le pauvre :

Je regrette que ma photographie soit si pâle mais les couleurs de la statue sont également bien délavées : on voit néanmoins le costume rapiécé du pauvre en un étonnant patchwork multicolore ; on note aussi qu'il porte une sorte d'étole.  C'est le détail intéressant, car il s'agit vraisemblablement du sac contenant le placet de sa défense, ici un bissac. C'est ce qui me fait découvrir le rouleau lui-même, que je n'avais point vu sous le bras droit (ou bien est-ce le moignon du bras cassé ?). Le pauvre est surchargé par tous ces dossiers : ces procédures étaient coûteuses et facturées à la ligne manuscrite par les hommes de loi, alors que Saint-Yves plaidait et assistait les plaignants gratuitement.

 

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      Le riche

  Comme il se trouvait abaissé en étant placé sur un pied d'égalité avec le pauvre, il s'est haussé le col en montant sur un piédestal plus élevé que le misérable faquin : pas bête.

  Il s'est mis à droite, du bon coté du Saint. Le plus souvent, l'artiste représente le pauvre à droite, placé sous la protection de saint ; mais dans le groupe que j'ai photographié à Gouezec, pas très loin d'ici, le riche est aussi à droite : 

   L'état lamentable de l'oeuvre d'art ne fait pas honneur à la magnificence de son costume, composé d'un manteau orfrayé comme celui d'un évêque, d'une tunique au copieux boutonnage, serré par une ceinture, d'une petite fraise , de bas de chausses bleus. Sa coiffure est soignée, courte et bouclée par devant, mi-longue à l'arrière.

  Mais c'est bien-sûr son aumônière qui attire mon attention, d'une part parce qu'elle est décorée  à la façon des broderies des costumes bretons et que nous avons là un beau témoignage de passementerie de costume du XVIe siècle, et d'autre part puisque c'est dans cette aumonière (qui porte mal son nom ici) que se trouve sans-doute la somme d'argent avec laquelle il comptait soudoyer l'official de Tréguier.

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Saint Antoine :

      Statue en bois du XVe siècle (M.H )

  Il est représenté en tenue monastique, et il porte un livre et un chapelet. Il est pieds nus, et ces pieds sont fort laids. Les antonins ont le privilège de laisser leurs porcs se nourrir en liberté. Les manants n'ont rien le droit de dire, mais ils sont bien contents, lorsque l'ergot de seigle les a contaminés et qu'ils sont torturés par le feu saint-antoine, de trouver l'un des dix mille moines de l'Ordre capable de les soigner. 

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Saint Sébastien :

 Un Saint-Sébastien, c'est un Saint-Sébastien, même quand il lui manque un bras et qu'il a perdu ses flêches : et le van VW garé sur la dune avec le stickers Break the waves, not the Beaches collé sur la vitre et les oakley ou les ray ban aviator derrière la même vitre, c'est à lui. (les clefs sont sous la roue avant-gauche) ; et puis  il a mis a sêcher son surfshort Toes on the nose sur son longboard. Il se protège le nez avec de la pâte de zinc. Il renforce ses adducteurs avec un leash venant de Californie mais que son coach lui a donné et dont il entoure ses deux jambes : no worries ! 

  Sur le spot voisin, à la chapelle Saint-Sébastien de gavrinis à Briec, on voit une statue presque identique, mais le bras droit est intact et le saint est à l'abri dans une niche (beach hut) aux volets peints où quatre archers le visent . Mais le malheureux n'a pas du tout the surfer's hair à la Brice de Nice. Tandis qu'à Saint-Venec, c'est blond platine façon Kanabeach!

   Seb nous a donné son secret :

_"de l'eau de mer, du vent, des beach-breaks et des reef-breaks, y'a que ça mon gars".

_ et physiquement Seb, comment vas-tu ?

_ Une shape d'enfer!

_ Seb, à quoi te sert la rope-malibu autour de tes jambes ?

_Ah, sur ma shortboard j'étais goofy alors sur une gauche j'étais backside mais les regular ils étaient frontside donc...

_ Ah c'est clair ! Où comptes-tu aller cette saison?

_ Seb (jouant avec une dent de requin taillée en pointe de flèche) :Je crois que je vais regagner Paradise, j'ai bien mérité ça.

_G'day Mate!

 

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Christ ressuscité :

 

Nous l'avons vu, placé à coté de Notre-Dame de Tréguron. C'est une statue de bois du Christ au matin de Pâques sortant de son tombeau, statue grandeur nature dont  on voit bien qu'elle n'est pas à sa place, et qu'elle dévalue la sculpture demi-nature de la Vierge. L'ensemble est mal proportionné et incohérent. Elle était placée en 1994 à coté de la statue de saint Antoine (photo MH, link) mais  cela donnait alors l'impression que le Christ disait à son saint : "accueille moi un instant sur ton piédestal, je n'ai pas une pierre pour poser ma tête". La statue a bénéficiée également d'une restauration par Mainponte en 1956; elle est estimée dater du XVe siècle.


 

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Saint Jacques le Mineur :

Le fils de Cléophas et de Marie (l'une des Saintes Femmes) porte le bâton de foulon qui serait l'instrument de son martyr. En effet, premier évêque de Jérusalem, il fut précipité d'une tour du Temple, puis lapidé, puis achevé avec un foulon dont on lui fracassa le crâne. Il porte un phylactère avec l'article du Credo qu'il a énoncé le premier. ( Voir  Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.)

  J'ai cru (je l'avais lu) qu'il s'agissait de Jacques le Majeur, mais celui-ci, qui a perdu la tête, ets resté à l'exterieur sur le calvaire. On peut être égaré, je le conçois, par le fait que le Majeur tienne en main un bâton, mais il ne faut pas confondre le bourdon du Majeur et le bâton à foulon du Mineur. (d'autant que ce bâton à foulon servit, selon la légende dorée, à un juif qui "d'un grand coup brisa la tête de l'apôtre et fit voler au loin sa cervelle". Et puis J- l'écervelé ne porte pas de chapeau alors que J+ porte celui de pélerin de St jacques avec ses coquilles. Enfin, on peut se rapporter à la mention S. IACOBVS MAJ et S. IACOBVS MIN qui peuvent aider les plus latinistes.

   Puisqu'il est Mineur, il porte son article du Symbole des apôtres qui est le sixième, Ascendit in caelos ; sedet ad dexteram patris Dei Patris Omnipotentis, qui se résume ici à ASCENDIT AD CE.. dont on peut admirer les belles lettres I, T, A et les N aux empatements ornés.


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       Il reste à admirer "le grés arkosique employé dans la vallée de l'Aulne". (merci à Yves-Pascal Castel et à son site Chemins de Bretagne) :

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La chapelle aux sortilèges.

  Quel sortilège dans cette chapelle ? Ai-je dérangé, en plein hiver, par ma visite inattendue, les évolutions joyeuses et enchantées de personnages qui ne feignent de se pétrifier face à un touriste que pour reprendre, une fois que la porte grinçante s'est refermée, une sarabande de chaise musicale où le maître du jeu retire à chaque polka une niche, à chaque ragtime un socle, chaque fox-trot un cul-de-lampe, chaque valse un autel, où le vantail de confessional fait le baryton et la lampe rouillée la mezzo-soprano, le petit cochon de saint-Antoine la basse et le dragon de Marguerite le ténor ? Où, lorsqu'un nouveau touriste survient, Christ sort précipitament de son tombeau, Petit-Jésus cesse de jongler avec la pomme, St-Yves  rend à Marguerite le dragon, les petits  Jacut, Guénolé et Guennoc  arrêtent de jouer à cochon-pendu pour se suspendre chacun au sein qu'il doit têter ? Et tant-pis si, d'une fois sur l'autre, Sainte-Anne s'est trompée de niche, Marguerite est encore en train de faire saute-mouton avec son dragon, Notre-Seigneur est en équilibre instable à coté de Sébastien et si Jacques le Mineur est resté par terre : c'est lui qui s'y collera, au Chat Perché.


  Car si on regarde les photos de 1994, on voit qu'aujourd'hui non seulement la niche de la vierge a disparu, que ce grand Christ a sauté du piédestal de Saint-Antoine à celui de la Vierge, que  Sainte-Anne n'est plus à coté de Notre-Dame, mais qu'elle est désormais accompagnée de Marie à qui elle apprend à lire ; que le livre qu'elle est censée lire est entre les mains de saint Antoine ;  que Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, jadis placée à coté de Sainte-Marguerite, s'est déplacée sous la fenêtre ; que St Guennoc dans sa niche n'a plus les deux saint-évêques qui l'encadraient. 

 

        Le même sortilège a frappé le photographe des Monuments Historiques, ou du moins sa collection de clichés, link, puisque Saint-Yves s' est échappé, suivi de son riche et de son pauvre, dans la chapelle Saint-Sébastien de Garnilis sous le n° 290000083 et que le cliché  de Saint Guénolé sous sa niche est venu illustrer la notice de Sainte Guen (sainte Blanche) et ses trois fils.  Il n'est peut-être pas bon que je m'attarde ici... 

 

 

II. Le calvaire de saint-Venec :

  Difficile de ne pas dire, comme partout, que ce calvaire de base triangulaire, daté par une inscription 1556, montre Notre-Dame de Pitié tenant son fils sur ses genoux,  Saint-Jean Baptiste, ou les douze apôtres tenant chacun leur article du Symbole. Il faut contourner l'édifice pour découvrir une belle Véronique, patronne des photographes, présentant la Vraie Icône.

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  Les supports des statues sont formés par des êtres humains étrangement contorsionnés. Tout-en-haut, la Vierge, et une place vide là où on s'attendrait à trouver Saint Jean, qui est à l'étage médian, tenant la coupe du poison dont il a triomphé. A ses cotés, c'est la très belle statue de Sainte Madeleine, mains jointes, la tête saisie par une convulsion de chagrin qui la projette en arrière. De part et d'autre, deux apôtres, Saint Pierre et Saint Jacques le Majeur.

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  Autour du Christ, trois anges recueillent dans un calice le Précieux Sang.

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  Bon ou mauvais, les larrons se recroquevillent de douleur sous la morsure des lichens.

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        La Vierge de Pitié entourée des saintes femmes et Madeleine ulcérée :

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On remarque son flacon de parfum qu'elle a posé à ses pieds ; on note son élégance, son col et ses poignets gaufrés ou ruchés ( ah, c'est mon grand regret de n'avoir pu, comme Marcel, bénéficier auprès de la Duchesse de Guermantes de cette initiation à la toilette féminine qui est comme l'adoubement indispensable, le vrai viatique de la vie mondaine, mais qui s'avère tout aussi indispensable à l'exploration de l'art religieux,  de n'y avoir pu feuilleter le Petit Echo de la Mode en discutant des volants, des ruchés, des bouillons de dentelle ou des éffilés de jais de la dernière collection avant de pour pouvoir décrire ainsi la robe d'Albertine : "Elle était envahie d'ornementation arabe comme Venise, comme les palais de Venise dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierre, comme les reliures de la bibliothèque Ambrosienne, comme les colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie, se répétaient dans le miroitement de l'étoffe, d'un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon regard y avançait se changeait en or malléable, par ces mêmes transmutations qui, devant la gondole qui s'avance, changent en métal flamboyant l'azur du Grand Canal. Et les manches étaient doublées d'un rose cerise qui est si particulièrement vénitien qu'on l'appelle rose Tiepolo."

  Regardez ces manches que Madeleine tend en un geste poignant et écoutez le bruit de l'étoffe , voyez " l'inflexion du corps qui fait palpiter la soie comme la sirène bat l'ombre et donne à la percaline une expression humaine", humez ce parfum et laissez la bergamote de tête se marier à ses notes de fond de santal et d'opopanax... et je vous jure que vous saurez, avec cette certitude bouleversante, que ces manches et ce col magdalenéen vibrent de ce rose cerise qu'on appelle rose "Tiepolo".


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 Saint Jean :

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Le credo apostolique.

Ils ne sont pas si fréquents, les Credo où les apôtres, déroulant leur phylactère, proclament les uns après les autres les douze articles du Symbole des apôtres, et où ces banderoles sont encore lisibles. J'avais découvert cela sur le vitrail de Kergoat, où il se double d'un Credo prophétique mais qui ne montre que Pierre, André, Philippe et Jacques. En sculpture, le plus beau se trouve sous le porche de l'église Saint-Herbot à Plonevez du Faou et date de 1481. Les versets y sont cités intégralement, en utilisant les tildes abréviatifs. Cette citation intégrale que l'on rencontre à la fin du XVe va laisser la place à une citation bréve au milieu du XVIe, comme sur le calvaire de Saint-Venec.

Liste des credo gravés ou sculptés en Bretagne link:

  • Plonevez du Faou, èglise St Herbot, porche
  • Briec, chapelle Saint-Venec, calvaire,
  • Sizun, ossuaire,
  • Larmor-Plage, porche.
  • ( Porte d'entrée du cimetière moderne de Ploaré à Douarnenez : Pierre et Jean)

  Ici, à Saint-Venec, il ne manque que Saint Barthélémy, et Saint Jacques le Mineur qui est rentré à l'intérieur. Leur texte est raccourci, allusif ; en voici la liste, telle qu'elle a été publiée par Yves-Pascal Castel dans les Cahiers de l'Iroise de janvier 1991, mais que j'ai trouvé sur le site breton.coatmeal.free.fr ici: link Je la complète par St Philippe et St Jacques et je rajoute l'attribut quand je le peux. Pour l'histoire du Credo apostolique et pour les versets dans leur intégralité, je renvoie à mon article de Kergoat : Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux. :

S. PETRUS : CREDO IN DEVM                     : La clef.

S. ANDREAS : ET IN IESVM                        : La croix de St André.

S. IACOBVS MA : QVI CONCEPTVS,             : Le chapeau, la coquille, le bourdon, la gourde

S. IOANNES : PASSUS SB PONCIO              : le vase ; Jean ets imberbe

S. THOMAS : DESCENDIT AD INFEROS        : l'équerre d'architecte

S. IACOBUS MI : ASCENDIT AD CE(LOS)      : le bâton de foulon

S. PHILIPPE : INDE VENTURUS EST              : la croix à double traverse

S. Barthelemy absent                                  :le couteau

S. MATTEVS : SANCTAM ECCL (ESIAM)        : la lance

S. SIMON : REMISSIONEM PECCA (TORVM)  : la scie

S. IUDE : CARNIS                                        : la massue

S. MATHIAS : VITAM AETERNAM AMEN          : la hache ou la hallebarde. Il pourrait aussi avoir la courte-paille, puisque c'est lui qui fut tiré au sort parmi les disciples pour remplacer Judas.

 Et, me direz-vous avec votre perspicacité légendaire, l'apôtre Paul alors ? Et bien, Paul est le treizième des douze apôtres, mais s'il demande parfois à ses collègues du Collège apostolique de se serrer pour qu'il s'abrite aussi sous les porches méridionaux de nos églises*, il ne figure pas dans le Credo Apostolique. Avec tous les épîtres qu'il a écrit, ce n'est pas une banderole qu'il tiendrait, mais une de ces "paperoles"  que Celestine Albaret collait aux manuscrits de Proust pour compléter une phrase longue comme un jour sans pain par une addition interminable de nouvelles propositions, avant d'en coller une nouvelle, et puis...

* A Penhors, c'est Thomas qui a cédé sa place à Paul :http://www.penhars-infos.com/article-saints-en-bretagne-le-porche-de-treffrin-77708656.html

  Je montrerais quelque-uns des bons apôtres de saint-Venec;  on admirera les lettres ornées et fleuronnées. Chaque apôtre tient, en plus de son attribut, un livre : non seulement les évangélistes, mais aussi les autres, comme s'ils portaient les Actes des Apôtres.

 


       Saint Pierre tient son phylactère : ST. PETRUS. CREDO IN DEVM

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  Philippe :

L'apôtre n'a plus toute sa tête mais il tient son phylactère où est inscrit INDE / VENT, suffisant pour décrypter Inde venturus est iudicare vivos et mortuos, "d'où il reviendra juger les vivants et les morts" : c'est donc Philippe, et l'attribut qu'il porte est la croix de son supplice. On le crucifia, à l'age de quatre-vingt six ans, mais on ne le cloua pas à la croix comme son Maître : on l'y attacha, comme on voit le faire pour les larrons. 

Outre la croix, il tient un livre dans la main gauche, qu'il ne lit plus beaucoup.

  D'après l'abbé Yves-Pascal Castel, c'est durant la dernière guerre que des malotrus visérent les têtes de ces apôtres pour faire des cartons, laissant la trace indélébile de leur confondante Bêtise. L'immonde Bête à sept têtes et à dix cornes, au moins.

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Saint Thomas : l'apôtre récite cet article : descendit ad inferos et il omet la fin, tertia die ressurrexit a mortuos.

Il descendit aux enfers, il ressuscita le troisième jour.

  L'équerre est bien là, portée sur l'épaule droite, 

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      Saint Mattias : Vitam aeternam Amen.

Il tient le long manche d'une possible hache.


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Sources :

Notice sur Briec, chanoines Abgrall et Peyron,, Bull. Dioc. Hist. Archeol. Quimper, 1904, 400-404 :

http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf

Le Men, Bull SAF 1884 p. 104 : sainte Guen Teirbron , Alba Trimammis.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207549n/f106.r=teirbron.langFR

 

Bonus


   Les Éditions Lavieb sont heureux d'offrir aux acquéreurs de ce coffret collector "Vierges allaitantes" un bonus qui restait introuvable :


                              Histoire des apôtres déchaussés. 




Les Apôtres aux pieds nus.


  On remarquera que les apôtres représentés à Saint-Venec  sont tous nu-pieds : selon les codes de l'art statuaire religieux, seuls Dieu, Jésus et les apôtres peuvent être figurés pieds-nus, et en aucun cas la Vierge et les saints (Émile Mâle). Cette tradition iconographique se conforme au verset de l'Évangile de Matthieu 13, 10 : " non peram in via neque duas tunicas, neque calceamenta, neque virgam ; dignum enim est operarius cibo suo."


Le plus simple est de citer le chapitre 10 de Matthieu (Trad:R.P de Carriéres 1840)


  1. Alors, Jésus ayant appelé ses douze disciples, leur donna puissance sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guèrir toutes les langueurs et toutes les maladies.
  2. Or voici le nom des douze apôtres : le premier Simon, qui est appelé Pierre, et André son frère;
  3. Jacques, fils de Zébédée, et André son frère, Philippe et Barthelemy, Thomas et Matthieu le publicain, Jacques fils d'Alphée et Thadée;
  4. Simon Cananéen et Judas Iscariote, et qui est celui qui le trahit.
  5. Jésus envoya ces douze, après leur avoir donné les instructions suivantes : n'allez point vers les gentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains,
  6. mais allez plutôt vers les brebis perdus de la maison d'Israël.
  7. Et dans les lieux où vous irez, prêchez, en disant : que le royaume des cieux est proche
  8. Rendez la santé aux malades, guerissez les lépreux, chassez les démons : donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement.
  9. N'ayez ni or, ni argent dans votre bourse,
  10. ne préparez ni un sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni souliers, ni bâton : car celui qui travaille mérite qu'on le nourrisse.

  Dom Calmet signale pourtant que St Marc (6, 9) écrit que Jésus autorise des disciples à porter des sandales dans leurs voyages : Sed calceatos sandaliis (Vulgate et Vulgate Clémentine), Sed ut calcearentur sandaliis (Nova Vulgata Vaticanii II) "Allez chaussés de sandales et ne mettez pas deux tuniques". Les sandales/sandaliis de Marc sont-elles différentes des souliers/calceamenta de Matthieu ? Que disent les textes en grecs ? le mot calceamenta de Matthieu est la traduction de ὑποδήματα,et les mots calceatos sandaliis de Marc sont traduits du grec ὑποδεδεμένους σανδάλια.

Mais est le terme prononcé par Jésus, qui ne parlait pas grec, mais araméen ?

Lexique :

  • calceatos : du verbe calco, marcher
  • calceamen, inis : chaussure, soulier
  • calceamentum, i : chaussure, soulier
  • Calceatus, us : chaussure
  • calceus, i : soulier, brodequin, à larges lanières et lacèes au dessus de la cheville.
  • calceolus, i petit soulier, bottine
  • caliga : espèce de sandale portée par les soldats romains et souvent ferrée.
  • sandalium,ii : sandales (pour les femmes).

 Munis de ces éléments linguistiques, pouvons nous conclure? Non, ce serait oublier saint Luc, dont l'Évangile (22, 35) fait dire au Christ : "lorsque je vous ai envoyé sans bourse, sans sac, sans chaussure, (sine sacculo et pera et calciamentis) avez-vous manqué de quelque chose ?" 


  Jésus lui-même portait des chaussures à courroies, puisque Jean-Baptiste se déclare indigne de les délacer cujus non sum dignus procubens solvere corrigiam calceamentorum ejus, (Marc 1, 7) (Luc, 3,16), ou de les porter, non sum dignus calceamenta portare (Mat, 3,13).


  Devant ce point ardu d'herméneutique, Dom Calmet, qui se refuse à donner tort à Marc, qui permet les sandales contre Matthieu qui interdit les chaussures, soutient qu'il faut lire "ne préparez ni un sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni (deux paires de) souliers" estimant que, quoique ce soit l'usage dans l'antiquité de faire porter par son esclave une paire de souliers de réserve ( et Jean-Baptiste se déclare alors indigne d'être, ne serait-ce que l'esclave du Christ chargé de cette deuxième paire), les apôtres en auront bien assez d'une seule.


    Ne pensons pas que Dom Calmet, s'il ne donne pas raison aux artistes et tailleurs de pierre du Moyen-Âge et de la Renaissance  qui s'obstinèrent à laisser les apôtres pieds nus, traite ce sujet par dessus la jambe parce qu'il méconnaît les arcanes de la cordonnerie antique. Que nenni ! Sachez que le père d'Augustin Calmet, bénédictin de la Congrégation de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe et abbé de Senones était maréchal-ferrand ; et que lui-même, loin de se contenter d'écrire le Traité sur les Vampires tant moqué par Voltaire, consacra douze pages (235-247) de son Commentaire sur la Régle de saint Benoît (1734) à l'étude de ce passage du chapitre LV de la Régle Indumenta pedum, pedules et caligas, "ils auront pour vêtement des pieds, des bas et des souliers" et disserta sur les pedules, ou chaussons de laine pour l'hiver, et les caligas, chaussures à semelle de bois ou de cuir attachée par des courroies à la cheville. La calige était une chaussure militaire (proche de notre sandale) , "d'où vient qu'on donna au jeune Caïus, fils de Germanicus, le surnom de Caligula (bottine de soldat) à cause de cette chaussure qu'il portait dans le Camp." On y apprend que les moines de Saint-Vanne recevaient le Jeudi-Saint deux paires de chaussures ( duo paria calceamentorum) et autant de chaussons attachés par derrière (pedules retrorsum) : de quoi faire des envieux chez Pierre, Paul, Jacques et les autres.


  Il fallu attendre 1542 et Thérèse d'Avila pour que les Carmes déchaussés renoncent aux chaussures et adoptent les sandales en bois.

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 14:13

                        Vierges allaitantes V :

             Chapelle Saint-Venec à Briec.

           Deuxième partie : sainte Gwen Trimammis, Guénolé, Jacut et Venec.

 


I. Saint Guéthenoc / Venec:

   Depuis la photo de 1994 de l'inventaire des Monuments Historiques, link la niche, qui tenait déjà avec un bout de ficelle, s'est encore détériorée, a perdu le peu de fonds peint qu'elle conservait tant bien que mal et se réduit maintenant à un grabat de planches vétustes que les ronces ou le lierre viennent envahir. En 1904, Abgrall pouvait décrire "une niche gothique en bois dont le dais a des découpures flamboyantes très fines". Mais plus rien ne flamboie aujourd'hui.

  La statue est en pierre et date du XVe siècle. Elle a été restaurée en 1956 par Mainponte. Elle a perdu les deux saint-évêques qui l'accompagnaient  et qui devaient représenter ses frères , mais qui étaient de taille moitié moins grande et ne devaient pas se trouver à leur place initiale. Que sont-ils devenus ?

saint-venec 8441c

 

inscription: S. GVEZNOCE : 1578... Cette inscription semble de la même main que celle du cul-de-lampe de Notre-Dame de Trèguron ou du groupe de saint-Yves, datant de 1592 et se détache sur le même fond rouge brique. La frise sous-jacente est différente et elle est centrée par une tête.

   Il s'agit donc du saint-patron de la chapelle, et c'est le moment de reprendre la lecture de notre exemplaire du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1884 et de suivre René-François Le Men, Archiviste du Finistère, dans son commentaire : 

   " Quand à Saint Venec, dont le nom moderne est une altération des formes anciennes Guethenoc, Guezenec, Guenoc et Guenec, la tradition bretonne ne nous en apprend que ce que j'ai rapporté d'après le cartulaire de Landevennec. [cf infra] Il est représenté du coté de l'épître, dans le sanctuaire de sa chapelle, presque de grandeur naturelle, en costume de guerrier, tenant d'une main une épée et de l'autre un livre. A ses cotés, dans la même niche, mais avec des proportions bien moindres, sont représentés ses deux frères, Saint Guénolé et Saint Jacut, en costume d'abbé. On n'ignore pas que le premier fut en effet abbé de Landevennec, et que Saint-Jacut donna son nom à un monastère, situé à deux lieues de saint-Malo, dont il avait été le premier abbé. Les habitants du village de Saint-Venec n'ont rien pu m'apprendre de la vie de ce saint. On  l'invoque dans le pays pour la guérison des rhumatismes. Sa fête patronale a lieu le dimanche gras et le lundi de la Pentecôte."

   Saint Venec, Vennec, Guéthenoc, Guézennec, Guithern, en breton Sant Guezheneg ou Gwezhenog est le fils du roi britannique Saint Fragan et de Sainte Gwenn dont nous allons parler, et le frère de Guénolé et de Jacut. Il est contemporain de l'émigration de Bretagne insulaire vers l'armorique au V-VIe siècle et notamment de celle de l'an 513. Son nom, issu du vieux breton guethen, prend donc la signification de "combattant, guerrier". Comme on sait très peu de chose sur lui, c'est en examinant ses statues que l'on (Le Men) déduit, puisqu'il est en armure, qu'il tient une épée mais aussi un livre, qu'il fut d'abord guerrier avant d'être religieux : c'est aussi simple que cela.

Iconographie :

  • Chapelle Notre-Dame de Ponthouar, Trégourez (29) :http://fr.topic-topos.com/saint-guezennec-tregourez Saint Guezennec y est représenté en guerrier, tenant une épée (disparue) et un livre. la statue est datée de 1563.
  • Chapelle Notre-dame de la Clarté, Combrit (29) statue de Saint Vennec, 17e.
  • Roudoualec (56), statue petite nature de Saint Vennec

Ici, il est représenté "en guerrier, casque en tête , revêtu de la cuirasse et du reste de l'armure de fer, et portant sur le tout un manteau qui le drape élegamment. " (Abgrall, Notice de Briec, BDHA 1904 p. 402, http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf

  Dans la main droite, il ne tient plus que le pommeau et la garde de l'épée nue qui était encore visible en 1904.

 


 

II.  Sainte Gwenn Teir Bronn (Kersantite, 1,30m, vers 1578) :

  Après avoir vu les niches principales et les statues de N.D. de Tréguron  et de Saint Venec encadrant l'autel, nous nous rendons à droite, vers le transept sud, pour découvrir la représentation "la plus curieuse et la plus extraordinaire qui soit dans le pays". (Abgrall) :  un groupe de quatre personnages,  assez décoloré, mal éclairé par la lumière d'hiver de ma visite, et dont je ne compris qu'à mon retour chez moi ce qu'il fallait y voir : les trois mamelles !


saint-venec 8434c

 

  Je me mets à nouveau à l'écoute de René-François Le Men : 

  "La femme est représentée assise et le front ceint d'un diadème. Son corsage ouvert laisse voir sur sa poitrine nue trois mamelles, dont l'une, celle du milieu, plus développée que les autres semble destinée à allaiter un petit enfant qu'elle tient sur les genoux et qui laisse échapper de sa main un cartouche sur lequel on lit en caractères gothiques : S. GUENNOC . Les deux autres enfants debout de chaque coté de la femme s'appuient d'une main sur ses genoux et tiennent comme le premier des cartouches sur lesquels on lit S. GUENOLE et S. JACUT. Aucune date n'accompagne ce groupe, mais on peut, d'après les caractères de ses inscriptions, fixer l'époque où il fut sculpté à la seconde moitiè du XVIe siècle."

  J.M. Abgrall remarque un détail : la chevelure abondante qui tombe sur les épaules et est retenue par des rubans ou bandeaux. C'est là à mes yeux un détail fondamental puisqu'il est retrouvé à l'identique sur la quasi totalité (6/7)des Vierges allaitantes de Cornouaille, la seule exception étant ...celle de Saint-Venec. Cela oblige, à moins de retrouver ce bandeau transversal sur d'autres chevelures ailleurs, à insérer cette Sainte Gwen à l'intérieur du groupe des Vierges plutôt que de considérer sa présence conjointe mais non signifiante dans ce sanctuaire.

  Par ailleurs, Abgrall corrige la lecture des inscriptions car l'enfant dans les bras de sa mère tient l'intitulé de son prénom qui est S. GVENOLAE et non GUENNOC, alors que les grands enfants se nomment S. GVESNEC (ou GUEZNEC) à droite de sa mère  et S. JACVT à gauche. Il détaille aussi le costume des enfants : robe (verte) dont le bas est orné d'une frange (et les manches ont un revers doré) pour Guénolé, dont les pieds sont nus, robe verte sur des hauts de chausse pour Jacut avec un col rond rehaussé d'or et de pierres, casaque rouge et col en V  pour Guénolé. Sainte Gwen est recouverte d'un lourd manteau sur une robe rouge et un tablier bleu-roi aux quatre-feuilles d' or. Les jumeaux Gueznec et Jacut sont coiffés comme des seigneurs du début du XVIe, court devant et long derrière, alors que Guenolé est coupé court, presque ras.

  La mère et les deux aînés sont chaussés, et les chaussures presque carrées de Gwen se découpant sur le lourd drapé de la robe confèrent au groupe quelque caractère  pesant et hiératique d'une sorte de divinité primitive.

  Le mamelon du sein tierce est présenté au fils par cette préhension digitale latéro-latérale entre index et majeur qui est aussi celle des Vierges de Quillidoaré, de Kergoat et de Kerluan.

 

saint-venec 8420c

 Il nous reste à découvrir qui sont ces personnages :

"La femme ainsi représentée est célèbre dans les annales bretonnes et galloises qui la nomment Alba Trimammis ( Blanche Trois-Mamelles) ou Gwen Teirbron (idem en breton), mais qui présentent quelques divergences au point de vue de son identité. Voilà ce qu'en rapporte la Vie de St Guénolé, écrite au IXe siècle, et qui fait partie du cartulaire de Landevennec, manuscrit dont la rédaction presqu'entière remonte au XIe siècle :

   Fracan, guerrier renommé et cousin de Cathou, un des rois de la Bretagne insulaire, fuyant les atteintes d'une maladie pestilentielle qui désolait le royaume de ses parents, en punition des crimes de ses habitants,(1) passa en Armorique, emmenant avec lui sa femme nommée Blanche (Alba, en breton Guen) et ses deux fils Guehennoc et Jacob (Jacut). Ils débarquèrent dans un lieu nommé Brahec (2) et s'établit ensuite dans une localité qui de son nom se nomma Ploufragan (Plebs Fracani)(3), et où il lui naquit un troisième fils qui reçut le nom de Guénolé. Dieu, par un miracle, donna à Blanche une troisième mamelle pour allaiter ce troisième fils qui était appelé à de grandes destinées, et c'est de cette faveur spéciale que lui vint ce nom de Trimammis.[...] 

  Sainte Guen Teirbron n'est connue que sous le nom de "la mère de saint Venec" 'Mamm Sant Venec) dans la paroisse de Briec où est située la chapelle que je viens de décrire. Les nourrices lui font des offrandes de quenouilles de lin pour avoir du lait.* Elle était la patronne de la paroisse primitive de Plouguien (Ploe Guen, Plebs Albae) près de St-Brieuc, et on la voit représentée "en robe longue, assise, et allaitant ses trois garçons dans la chapelle de Lezven (altération probable de Lez Guen ) dans la même paroisse.

   Les traditions galloises mentionnent aussi une Sainte Guen, à laquelle elles donnent le même surnom de "teirbron" .

  (1) : Fragan dut passer en Armorique vers l'année 465, et l'invasion saxonne fut très probablement la véritable cause qui l'obligea à quitter son pays.

(2) : M. de La Borderie pense qu'il s'agit du port de Brehec, situé tout près de Lanloup, dans la Baie actuelle de St-Brieuc.

(3) Canton de St-Brieuc, Côtes-du-Nord.

* C'est moi qui souligne. Les quenouilles de chanvre sont liées à la fécondité et au "travail" de la femme : dans le Perche, le cortège nuptial, après la cérémonie, s'arrêtait à un autel de la Vierge où les parents remettaient à la jeune femme une quenouille consacrée qui s'y trouvait.  Elle devait  ramener chez elle la quenouille nuptiale, ornée de rubans, filer le chanvre qui s'y trouvait, et rapporter sur l'autel la quenouille rechargée en chanvre, avec l'écheveau de fil qu'elle avait confectionné. (Antiquités percheronnes, Joseph Fret, 1838)

 

  R.F. Le Men signale que cette Gwen galloise est considérée comme la fille d'un Emyr Llydaw, neveu de Saint Germain l'Auxerrois qui se rendit en 420-430 en Bretagne Insulaire pour combattre l'hérésie pélagique. Gwen épousa un prince armoricain, Lydewig, dont elle eut un fils nommé Cadvan, ce qui signifie "guerrier" comme Venec. Cadvan émigra au VIe siècle au Pays de Galles avec d'autres valeureux compagnons qui devinrent tous saints. Il fonda un monastère sur l'île de Bardsey ; il était considéré comme le patron des guerriers. En Armorique, la paroisse de Cavan (22) et les chapelles de Caduan à Braspart et de Saint-Cava à l'Aberwrac'h lui sont dédiées.

  L'archiviste breton conclue qu' "il ne faut pas un grand effort d'imagination pour reconnaître dans ces représentations de femmes à poitrine découverte qui figurent dans quelques chapelles bretonnes une réminiscence des déesses-mères de l'antiquité païenne qui étaient aussi les divinités tutélaires des nourrices", et il donne la liste des vierges allaitantes de la région. Il ajoute qu'il n'est pas sans savoir que les recteurs de quelques paroisses ont enterré des statues de Sainte Gwen ; nous savons que c'est le cas pour la Vierge, à Kerluan. Enfin, il mentionne comment la vierge allaitante de Seznec à Plogonnec a vu sa poitrine affublée d'un gilet à raies jaunes et rouges, "pour remédier à l'insuffisance de son costume", et il ajoute  : "cet ingénieux vêtement a complètement trahi la bonne volonté de son auteur" : comme c'est gentiment tourné !

 

  Il reste à mentionner le quatrième enfant de Sainte Gwen, Chreirbie ou Klervie, qui ne mérita pas qu'une quatrième mamelle s'ajoute à la poitrine de la Sainte nourrice. Le nom de Clerwi, Chreirbia, dérive du gallois creirwy qui signifie joyau, perle.

 

Sainte Gwen au Musée de Landevennec.

  Le musée de Landevennec se consacrant à la description de l'abbaye créée par saint Guénolé se devait de montrer aux visiteurs une statue de sa mère sainte Gwen, et il le fit par un moulage de la statue de St-Venec sur laquelle furent appliquées les couleurs probables d'origine, en se basant sur les traces de polychromie encore constatables : la statue a fière allure, et on distingue mieux le sein ectopique, dont le mamelon est tenu entre index et majeur ce qui fait jaillir une goutte de lait. (Moulage de Hugues de Bazelaire)

saint-venec 5947c

 

saint-venec 5950c

 

Sainte Gwen, déesse-mère ?

  Quels sont les arguments qui permettraient de vore en sainte Gwen "la réminiscence des déesses-mères de l'antiquité" ?

  1. L'origine gauloise du nom de Briec, Brithiac. Associant toponymie et hagionymie, Guy Souillet a remarqué ( Ann. Bret.1956) que les églises des paroisses en-ac du Finistère, Irvillac, Mellac, Scrignac, Briec et Yuliac (disparue) en Cornouaille ou Milizac (Léon) étaient toutes dédiées à Saint-Pierre, témoignage de l'effort de l'église romaine, en utilisant le patronage du premier pontife, de lutter contre les micro-chrétientés celtiques et les anciens saints bretons.
  2. Le passage sur la commune de voies de communication romaines, Carhaix-Douarnenez ouvrant aux influences maritimes -c'est la route des salaisons de poissons- et St-Pol +Morlaix-Quimper.
  3. La présence d'antiquités gallo-romaines : importante villa gallo-romaine à Kertiles, et deux groupes equestres nommés "cavaliers à l'anguipède", l'un à Guelen en Briec (Musée départemental breton) signalé par J. Trevédy en 1886, l'autre à Buzudic en Landudal découvert par R. Sanquer en 1978. Ces cavaliers étaient associés à des exploitations agricoles dont ils devaient assurer la prospérité.link
  4. la persistance sous couvert de christianisation du culte gaulois des sources autour des fontaines : une déesse-mère celte est la personnification de l'eau bienfaisante et fécondatrice et assure la prospérité de l'exploitation agricole et du foyer. Elle est représentée vêtue d'une longue robe, assise sur un fauteuil d'osier à haut dossier, allaitant un ou deux enfants souvent réduits à un minuscule objet emmailloté et situés symétriquement. Elle est figée dans une frontalité austère et impassible, sa tête est très grosse, ses cheveux formrnt un S. (Hugues Vertet, les statuettes de terre-cuite gallo-romaine, cité avec une riche iconographie ici : link)  Ces statuettes fabriquées par moulage pouvaient provenir d'un seul atelier à Toulon-sur-Allier et se retrouver dans le Finistère. On les plaçaient pour leur action tutélaire dans les sanctuaires des sources avec les ex-voto des organes à fortifier. Leur symbolisme du lait comme liquide nourricier et régénérateur s'associe à celui de l'eau, lequel est pris en compte sous forme des déesses anadyomènes, debout, nues, sortant du bain, une main retenant une mêche de cheveu et l'autre, plus basse, tenant une draperie dont les plis figurent parfois l'écoulement de l'eau. Les deux étaient très associées à l'eau, aux étangs, lacs, et sources. (ibid).


 

saint-venec 8436c

 

André Cornec, dans un article publié par le bulletin municipal de Briec de janvier 2099, s'inspire du concept de fonctions tripartites indo-européennes de Georges Dumezil pour constater que chacun des trois fils peut représenter l'un l'agriculteur (Guénolé, patron de l'avoine à Collorec), l'autre la fonction sacerdotale (Jacut, protecteur des épidémies, des inondations et les sécheresses et, à ce titre, intermédiaire entre la nature et les puissances surnaturelles) et enfin le dernier la fonction guerrière (Venec). Guénolé était pourtant un bon candidat pour le sacerdoce, mais ce qui ne se discute pas, c'est l'attribution du rôle de guerrier à Venec-Cadvan dont le nom même exprime sa fonction. Le même auteur souligne que selon les archéologues, la plupart des dédicaces aux déesses-mères (Matres) étaient des soldats, et que la déesse est ainsi lièe à la fonction militaire. 

 

  Iconographie de Sainte Gwenn :

  • Chapelle Sainte Blanche, Plougastel (29)
  • Église Notre-Dame-de-la-Soumission, Pléguien (22) : groupe de Sainte Gwenn et ses trois fils.
  • Plouguin (29) : fontaine Sainte-Blanche (moderne) 
  •                      : Abgrall mentionne la chapelle du manoir de Lesven où se trouvait un tableau de sainte Gwen (Bdha 1903 p. 338). 
  • Chapelle Sainte-Blanche, Saint-Cast-le-Guildo (22) : pas de statue.

Toponymie:

  • Ar Vourc'h Wenn, Bourg-Blanc, devrait l' origine de Wenn au fait que ce nom "qualifiait souvent les lieux sacrés ou voués aux divinités" (site de la Mairie).

  En nous interressant aux Déesses-mères, nous nous sommes détournés de ce qui fait la spécificité de Sainte Gwen : ses trois seins. Il nous faut donc revenir à ce caractère:

 

      Gwen trimammis: étude succinte de la polymastie.

   Commençons par consulter Wikipédia : c'est le sujet de la trimammophilie, ou attirance sexuelle pour les femmes à trois seins, qui est traité, avec Gwen en exemple princeps, puis la déesse indienne Sri Minakshi, "qui possédait des yeux de poisson et trois seins, mais le troisième disparut quand Shiva l'épousa"., puis de brèves images d'une actrice topless dans le film Total Recall, l'héroïne Valérian des bandes déssinées de Mézière et Christin, ou l'actrice Taylor Chanel qui apparaît souvent avec trois seins sur ses films et photos. 

   Cet article mélange fiction et réalité de manière ambigüe : la prèsence de plus de deux seins existe-elle dans l'espèce humaine ?

   La réponse est claire : si la polymastie, présence de plusieurs seins, est une anomalie bien attestée, elle ne réalise jamais ce que les artistes depuis l'antiquité ou les trucages photographiques peuvent imaginer.

La polymastie, point de vue médical.

   Ces anomalies peuvent se développer le long des "crêtes mammaires primitives ", alignement chez l'embryon de cellules destinées à donner des cellules mammaires chez l'adulte et  qui partent de l'aisselle, passent par le mamelon et descendent vers l'aine. Des seins aberrants peuvent apparaître sur leur trajet, la localisation la plus fréquente étant la région axillaire : ces ectopies régressent souvent chez l'embryon, mais leur persistance ou leur développement, parfois bilatéral, sous forme de masse au niveau de l'aiselle peuvent en abuser, même en échographie, pour des lipomes alors qu'il s'agit d'un tissu glandulaire. La patiente consulte alors pour une sensation de gonflement pendant les règles ou une tuméfaction  lors d'une grossesse. La femme est le plus souvent concernée mais la présence de seins surnuméraires a été aussi décrite chez les hommes. 

  Des seins aberrants peuvent apparaître aussi en dehors de ces crêtes mammaires, sur le visage, sur le pied, sur la cuisse. 

  La polythélie est l'existence de plusieurs mamelons et aréoles, avec ou sans polymastie.

  Ces seins peuvent aller de la simple zone pileuse (polythelia pilosa), munie d'aréole (polythelia areolis), de mamelon (polythélie), de tissu adipeux sous-jacente (pseudomamma), ou avec du tissu glandulaire comme un vrai petit sein capable de sécreter du lait comme un grand : c'est la vrai polymastie, et ce en quoi elle différe de la banale polythélie, souvent prise pour un grain de beauté, et qui existe chez une personne sur dix-huit.

 

  Polymastie dans la religion et l'art.

 

   Mais il existe une espèce parahumaine, homo suprasapiens artificialis, celle qui est le fruit de l'activité artistique d'homo sapiens : celle-ci présente des cas fréquents de polymastie où le sein triple n'est que le stade le plus modeste. Le cas le plus connu est celui d'Artemis d'Éphèse, avec des seins innombrables qui peinent, dans l'exubérance de leur multiplication, à se trouver une place sur la partie antérieure du corps de la déesse, et qui paraissent, sur les statuettes, mous, flasques et ptosés comme ceux de la déesse famina de Baudelaire dont la gorge déjà basse /pend de chaque coté comme une callebasse.  . A la Renaissance, et jusqu'au XVIIe siècle, c'est Isis, déesse importée d'Égypte pour un néoculte européen, qui profite de ces avantages.

Pourtant, hormis Mînakshî et Sainte Gwen, je n'ai pas trouvé d'autre divinité dotée de trois seins.

A défaut, et pour compenser ces exces mammaires qui finiraient par être indigestes par un appel à l'ascèse, je rappelle que les Amazones de Cappadoce brulaient le sein droit de leur fille à l'age de huit ans, afin qu'elles méritent leur nom (a privatif et mazos, mamelle) et qu'elles puissent tirer plus habilement à l'arc. Notre hagiographie catholique est riche d'A-Mazones plus radicales telles que Sainte Barbe et Sainte Agathe qui se virent arracher les seins lors de leur martyr. Et les plus fidèles à ce blog se souviennent peut-être précisément des seins de Sainte Agathe,

Recette Les seins de Sainte Agathe 

(pour six seins, pour la pâte, 3 oeufs, 75 g de sucre, 75 g de farine, 1 citron, 1 pointe de sel ; pour la décoration, 150g de sucre glace, 1 blanc d'oeuf, 2c.à c. de jus de citron...et des cerises confites)

  Mais j'avais gardé par devers moi, pour mes propres délices, les pupazza frascatana

  Ces poupées de Frascati perpétuent la légende d'une déesse à trois seins, mais dont deux produisaient du lait, et celui du milieu du vin. Du vin, du Gwin ru, et les bretons de Briec n'y avaient pas pensé !!!

Fichier: Cookie Frascati.JPG

Source : Carlomorino : http://it.wikipedia.org/wiki/Pupazza_frascatana

Pupazza Frascatana

 

Ingredienti ?  

 

125 g de beurre, 60 g de sucre, 3 cuillerée de lait, vanille, 190 g de farine à levure incorporée, 60g de préparation pour "budino alla vaniglia", du miel, et n'oubliez pas le vin rouge pour le sein du milieu (c'est le meilleur).

 

 



Sources :

Notice sur Briec, chanoines Abgrall et Peyron,, Bull. Dioc. Hist. Archeol. Quimper, 1904, 400-404 :

http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf


Le Men, Bull SAF 1884 p. 104 : sainte Guen Teirbron . (Alba Trimammis).

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207549n/f106.r=teirbron.langFR

 

Moins sérieux mais exhaustif :http://sachatchenko.voila.net/Mutantes.htm

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:12

                         Vierges allaitantes VI :

 

          Chapelle Notre-Dame de Kerluan

                       à Chateaulin

              I.Inscriptions... et N rétrograde.

 

   Elle tire son nom du lieu-dit Kerluhan, toponyme dont l'étymologie vient du breton ker-, lieu fortifié puis "village, hameau" et de Luhan, patronyme lui-même dérivé de lugern, brillant, avec la forme diminutive -an. Il s'agit donc du hameau de Luhan. La carte IGN indique l'orthographe Kerluhan, et la carte de Cassini de 1750 celle de Kerluan.

La chapelle de Kerluhan date du XVIe siècle;elle est en forme de croix latine, complétée par une sacristie hexagonale au sud, et un clocher renaissance à deux étages amorti par un dome à lanternon. Son chevet a été reconstruit en 1713 comme l'atteste une inscription BEZIEN FABRIQUE 1713 (ou 1725, Peyron), Le pignon ouest date du XVIe mais sa partie haute a été remontée au XVIIIe. La longère sud a été restaurée en 1837. 

chateaulin--kerluan 9690c

La date la plus ancienne relevée à Kerluan est celle qui est portée sur le calvaire qui provient de l'atelier de Roland Doré : 1639. On sait que cette date correspond à une épidémie de peste, et on n'est pas surpris de trouver sur le fut du calvaire les statues de Saint Sébastien et celle de Saint Roch.

  Sur la chapelle elle-même, c'est en haut du clocher que l'on peut lire la date de 1653 sur le linteau de la chambre des cloches. Je lis l'inscription Y. PLOU / SENEC 

  Le patronyme PLOUSENEC est attesté sur Ploeven avec cette orthographe, et à Chateaulin avec l'orthographe Plouzennec

  René Couffon signale dans son Nouveau Répertoire des églises et chapelles que "la date la plus ancienne inscrite sur l'édifice est celle de 1653 qu'on lit sur le linteau de la chambre des cloches avec le nom de M. LAGADEC, desservant de la chapelle à cette époque". 

Les cloches elles-même furent déposées, fondues et transformées à Brest en canons en 1793, avant qu'en 1796  la chapelle et son enclos ne soient vendues " à Charles-François Le Lièvre pour 500 Livres". 

chateaulin--kerluan 4526c

 

  Sur l'angle ouest-sud de la sacristie, on découvre cette inscription bien lisible qui me fait le beau cadeau d'un N rétrograde : j'adore ! :

chateaulin--kerluan 9687c

   Je lis, sur un seul bloc de pierre, en lettres capitales latines

           V : D : MRE : L : EDY : Rr

           H : H: IANGVISIEN FABR :     et plus loin , sur un bloc séparé, la date 1734

  Ce que je comprends comme Vénérable et Discret Messire L. Edy, Recteur

                                                 Honorable Homme Jean Guisien, Fabricien

 

 le titre Vénérable et Discret est réservé aux ecclésiastiques; l'abréviation Rr désigne donc le recteur. Il s'agit du recteur en poste  à Chateaulin de 1737 à 1741, et qui  se nomme Louis EDY (bdha 1905) ; il succédait à Guillaume Bigeaud, docteur en Sorbonne. Dans le même temps, Jean Edy était recteur à Ergué-Gaberic ( inventaire après décès en 1748 : sur le site Grand Terrier).

    Cette inscription a été relevé par les chanoines Abgrall et Peyron dans la Notice consacrée à Chateaulin dans le Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie Bdha de 1905, p. 164. http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=29

  L'inscription est disposée sur deux lignes chacune isolée dans un cartouche, et le mot abrégé FABR, aux lettres plus grandes, est isolé dans un cartouche à part, l'ensemble sur le même bloc de pierre taillé pour s'ajuster à l'angle du mur polygonal de la sacristie.

  Elle comporte deux lettres N dont seule la seconde est rétrograde.

 

  Au dessus de la porte d'entrée, sud, se trouve une autre inscription plus difficile à déchiffrer, surtout sur photographie :

chateaulin--kerluan 9686c

 

 Elle s'inscrit sur un bloc de 68cmx30cm, en lettres de 6cm de hauteur. Son examen permet de lire ceci :

   F :F :P :IEANHET

  ET FABRIQVE LA
             N 1... 

Ce que je lis comme "Fait Fait Par Jean HETET Fabrique l'an 1???" La date pourrait être 1811, mais cela  paraît tardif. René Couffon déchiffre 1819.

   Le patronyme Hetet est courant encore actuellement à Chateaulin. Des généalogistes signalent un Jean Hetet 1729-1788 à Rumengol-le Faou, mais un fabricien est forcément résident sur la paroisse de Chateaulin.

  Enfin, à l'angle nord-est, se trouve cette inscription : .

chateaulin--kerluan 9689c

 

  Je lis FAIT PAR
                    ALLAIN
                    BEZIEN                   

                    FABRIQVE    1725

 

 



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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:09

                       Vierges allaitantes VI :

          Chapelle Notre-Dame de Kerluan

                      à Chateaulin :

               Les vitraux et les statues.

 

I. Les vitraux


      Les vitraux, ou plutôt la maîtresse-vitre posée en 1999 grâce aux fonds collectés par l'Association de sauvegarde de la chapelle et  dont le carton a été réalisé par l'artiste-peintre de Chateaulin Jean-François Chaussepied.

  Cet artiste a aussi réalisé 8 autres cartons de verrières pour la chapelle, apparemment restés...dans ses cartons.

  La maître-verrier est Alain Grall, qui a son atelier à Guengat : site :http://www.grall-arts.fr/.

chateaulin--kerluan 8851c

 

Les Statues :


 Abgrall et Peyron recensaient Saint Luc, Saint Marc, saint Augustin et saint Corentin.

René Couffon donne Luc, Marc, Corentin, Mathurin, et un diacre (Laurent ?), la Vierge et saint Jean sur une poutre de gloire dépourvue du Christ.

L'inventaire général du patrimoine, dréssé en 1997 ( Jean-Pierre Ducouret, Claude Quillivic) cite:

  • Saint Marc, bois, 17e, h : 134 cm, attribut : lion et livre
  • Saint-évêque, bois, 18e, h :155 cm, manque attribut, manque doigt
  • Saint-évêque, bois, 18e, h : 105 cm, manque bras. Bénédiction ?
  • Saint Lucas, bois, 17-18e, h : 118 cm, désigne un livre, Saint Luc ?
  • Diacre ? bois, 17-18e, h :100 cm, repeint.
  • Vierge et Saint Jean, 16-17e, h : 75 cm, Vierge en kersantite, Jean en bois avec liens
  • Vierge à l'enfant, 18e, bois (chataigner) peint, mauvais état, main de l'enfant mutilé.
  • 8 blochets, 18e, bois peint, 45-60 cm, être humain, oiseau.

En 2006, les Vandales sont repartis avec Lucas, la Vierge et Saint Jean.

  Aujourd'hui, même après avoir compris que Lucas et Luc ne faisaient qu'un, j'ai bien du mal à les identifier :

Saint évêque :

chateaulin--kerluan 8826c

 

chateaulin--kerluan 8828c


Saint Jean, celui qui était sur la poutre de gloire : à noter sa ceinture de corde aux allures de liens  

chateaulin--kerluan 8836c


  La Vierge qui accompagnait Saint Jean sur la poutre de gloire et qui serait en kersantite :    

chateaulin--kerluan 8838c

Saint Lucas-Saint Luc présentant son évangile. Noter les pieds nus, confirmant qu'il s'agit d'un apôtre. 

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Saint évêque manchot: les gants et les sandales pontificales violettes confirment sa nature épiscopale. La main gauche devait tenir une crosse.

chateaulin--kerluan 8833c

      Saint diacre : saint Mathurin ?  avec une belle chasuble frangée d'or, mais pieds nus.

chateaulin--kerluan 8847c

 


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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:05

                  Vierges allaitantes VI

Chapelle Notre-Dame de Kerluan à Chateaulin:

                 Les Vierges de l'abbé Le Roy et Notre-Dame de Kerluan ressuscitée

 

I. L'ancien culte à Notre-Dame de Kerluan, et la Révolution.

   Dans la Notice du bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie consacrée à Chateaulin,link, Agrall et Peyron présentent la chapelle située "dans une des boucles formées par le cours sinueux de l'Aulne, presque en face du bourg de Saint-Coulitz" et rapporte la légende suivante : jadis, les habitants des hameaux de Kerluan et de Saint-Coulitz se livraient à un lutte féroce, chacun prenant partie pour la rive de l'Aulne où il se situait; mais les saincouliziens écrasaient régulièrement les kerluanais, car les premiers étaient de vrais géants et les seconds chétifs, fluets et souffreteux. Tant va la cruche à l'Aulne qu'à la fin elle se casse, et les kerluanois malingres allaient laisser dans cet Interville le peu de santé dont ils disposaient encore, lorsque la Vierge, qui intervient dans les luttes intestines entre petitboutiens et grandboutiens, Grandgousiens et Picrocholais avec autant de zèle que le faisaient Athéna durant la Guerre de Troie, s'émut du sort de cette minuscule trève, que dis-je, de cette frairie bas-bretonne peuplée d'irréductibles avortons et  leur promis, pour peu qu'ils aient quelques forces pour bâtir une chapelle en son honneur, un miracle : "que vos nourrices, leur dit-elle en breton, aillent boire l'eau de la fontaine et s'en frotter, sauf votre respect, les mamelles et vos enfants seront les plus vigoureux gaillards de la chatellenerie".

     Ainsi fut fait ; la chapelle de Kerluan à peine édifiée, on fit la queue autour de la fontaine de Stang-vihan, on y mena aussi les vaches, et jamais plus nourrice du pays n'eut besoin de fenugrec (Trigonella foenum-graecum) ou de chardon beni (Cnicus benedictus) pour provoquer la montée de lait. C'était merveille de voir le colostrum, cette gelée royale des humains, s'écouler en flux orangé des mamelons presqu'engorgés, merveille de voir les petits goulus prendre leur tétée avant d'aller administrer une raclée aux coulitzais, merveille que ce fleuve de lait qui battait de son flux impulsif les rythmes de la vie, tandis que, sur Kerluan, les ombres descendaient. Le soleil horizontal, passant entre les branches, éblouissait les yeux ; ça et là, tout autour d'eux, dans les feuilles ou par terre, des taches lumineuses tremblaient, comme si des colibris, en volant, eussent eu éparpillés leurs plumes. Le silence était partout. Les Kerluanais priaient Notre-Dame de Kerluan.

 

   Le culte de Notre-Dame de Kerluan.

   La Vierge de Kerluan fut bientôt réputée dans le canton, puis les mariniers de l'Aulne, qui voyaient du bord de leur gabarres les seins généreux des paysannes de Kerluan, en parlèrent tout le long du fleuve, et toutes les mères de Cornouaille vinrent vénérer Virgo Lactans, vocable sous lequel, selon l'abbé Abgrall, ils l'invoquaient.

   Un jour, un jeune malin  de Saint-Coulitz aussi mécréant qu''incrédule, voulut se moquer de toutes ces futures mamans et de ces nourrices d'appoint qui venaient se frotter la poitrine à la fontaine, et il alla s'y laver. Mal lui en pris, et le nigaud se retrouva vite encombré d'une généreuse paire de seins .

   Le conseil de fabrique réuni dans la sacristie faisait ses comptes : les offrandes affluaient, la vente d'ex-voto en cire marchait très fort, celle des cierges itou, et on décida d'offrir à Notre-Dame une statue à son éffigie. Allain Allanic prétentit peut-être que la Vierge lui était apparue, lui disant "Allan ne craignez rien, dites à votre recteur que ma statue représentera l'Enfant buvant le lait précieux" mais s'il ne fut pas cru, les marguilliers trouvèrent l'idée bonne, d'autant qu'à Trèguron ils en avaient une qui faisait des miracles. 

   Une statue de pierre joliment peinte de Maria Lactans fut commandée et bientôt placée près de l'autel, du coté de l'évangile, et personne ne s'offusquait de voir le petit Jésus tendre sa petite main vers le sein si naturellement offert. 

   D'ailleurs, Notre-Dame avait ses habits de semaine, mais le dimanche on l'habillait de sa robe dominicale, qui dissimulait ses attributs.

  

II . La réforme de l'abbé  le Roy :

  Personne ne trouvait donc à redire, sauf l'abbé Le Roy, ancien aumônier du Carmel de Morlaix, qui, lorsqu'il prit possession le 20 février 1899 de son poste de curé archiprêtre de Châteaulin qui estima, soit qu'il était temps de renouveler l'art religieux et d'accompagner le renouveau du culte marial du XIXe siècle, soit que les progrés des moeurs et de la conscience morale n'autorisaient plus de laisser en nos sanctuaires des vierges dépoitraillées, soit que les deux idées allaient parfaitement ensemble.

 Auparavant, Notre-Dame de Kerluan avait souffert pendant la Révolution, où elle aurait été brisée en onze morceaux et mal restaurée  par la suite. Puis ce fut la vente de la chapelle à un particulier, et, en juin 1805, l'incendie qui ravagea l'édifice et barbouilla de suie la Vierge, laissant la chapelle en ruine jusqu'à son rachat par la fabrique de Chateaulin en 1809. Lorsqu' Alfred Le Roy la découvrit en 1899,  la statue était-elle si calcinée, si détériorée qu'une restauration lui soit apparue moins séduisante que l'acquisition d'une de ces belles statues de Notre-Dame de Lourdes, de Sainte-Thérèse pour lesquelles les soeurs du Carmel brodaient de précieuses bannières?  

   Car l'art saint-sulpicien qui avait pris son essor en 1850, n'avait pas alors la réputation d'art miévre et trop coloré qu'il acquis par la suite, et les statues de platre que produisait, par exemple, la manufacture de Vendeuvre-sur-Barse au rythme de 15 000 par an attiraient une clientèle de plus de 40 évêques et archévêques et les compliments de Mgr Justin Fèvre et de Pie IX. Il fallait être à la page, et participer au grand combat de réaction de l'Église face aux assauts laïcistes des républicains, assauts  qui allaient conduire en 1905 à la séparation de l'Église et de l'État.

  L'abbé le Roy (?- 1938) n'était pas, en matière d'art religieux, un béotien : vicaire à Loperec en 1874, aumonier du Carmel de Morlaix en 1886, curé-archiprêtre de Chateaulin en 1899, chanoine titulaire et directeur diocésain des oeuvres en 1911, il avait su se faire apprécier pour ses compétences théologiques et d'historien, rédigeant deux brochures sur le Tro Breiz puis en 1936 La Vie de Mgr Léséleuc, évêque d'Autun que l'Académie Française trouva bon de couronner. Il était membre de la Société Archéologique du Finistère. Mais il avait été oblat de Saint-Pierre de Solesme et restait très attaché à la vie monastique, admirant si bien les travaux des moines de Solesmes qu'il rédigea en 1923 un article pour la Revue Grégorienne, Etude rythmique à propos du Kirie fons bonitatis. Rien de ce qui concernait la vie liturgie et grégorienne de l'École de Solesmes ne le laissait indifférent. Il aurait collaboré à la revue mensuelle de Dom Besse, La Vie et les arts liturgiques (1913-1926).

  Durant le Second Empire, l'Église avait pu espérer retrouver toute son influence, et avait sucité les grands sanctuaires dédiés à la Vierge et à Sainte-Anne ; le Pape avait encouragé les Couronnement de leur statues, l'organisation de pèlerinages, de pardons et de processions, tandis que les théoriciens de l'art religieux, considérant que cet art n'avait cessé de dégénéré depuis Michel-Ange, plaidaient pour le retour d'une iconographie ressourcée auprès de la pureté médièvale ou antique. Raoul-Roquette, le secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts,  déplorait la décadence de l'art catholique : le protestantisme avait affadit la croyance ; l'étude mal dirigée de l'antiquité occasionnait des méprises ; l'abandon des types primitifs était frappant ; et partout, la passion déréglée des idées nouvelles advenait de compromettre la destinée d'un art dont la marche avait été, jusqu'aux chefs-d'oeuvres de Raphaël et de Michel-Ange, si sage, si droite et si régulière. (Raoul-Roquette, Discours sur l'origine, le développement et le caractère des types imitatifs qui constituent l'art du christianisme, Paris 1834, 71 p)

   La vieille statue de la Vierge que l'abbé Le Roy, arrivant tout droit de l'Atelier d'Art Sacré de Morlaix, découvrait à Kerluan n'était ni sage, ni droite, ni régulière ; mais généreuse jusqu'à l'exubérance, sinueuse de forme, vulgaire avec cette chevelure libère à l'image de ces passions déréglées qu'il fallait combattre, usée et brisée, ancienne, et beaucoup trop lourde pour être portée en procession. Il la trouvait " absolument sans cachet ; la pruderie de notre époque la jugeait indécente, sculptée ainsi avec la poitrine absolument découverte. Ses mamelles paraissaient très protubérantes. Elle comprimait son sein et l'offrait au petit Jésus, mais l'enfant Dieu détournait la tête d'un air boudeur et dégouté". ( Citation détournée des Archives paroissiales, link )


  Comme pour le chant sacré, que les moines de Solesmes et Dom Gueranger, qu'on surnommait Guerroyer, parvenaient à restituer dans sa pureté originelle, il fallait lutter contre la décadence qui menait là où nous en étions (Les Prussiens dans Paris; Gambetta  déclarant "le cléricalisme, voilà l'ennemi !" ; les bénédictins de Solesmes expulsés depuis 1880 de leur abbaye). Le Pape, le Haut Clergé montrait l'exemple.

  Lors du premier Concile du Vatican à Rome, les évêques avaient été conviés par Pie IX à visiter l'Exposition Romaine, vaste présentation de la conception pontificale d'un art catholique régénéré : "les évêques et les prêtres venus de toutes les parties du monde pour livrer à l'erreur, sous la conduite de leur chefs, ces grandes batailles, trouveront à l'Exposition un sujet d'utiles et fécondes études ; des vases sacrés, des ornements saints, des sculptures, des peintures de tous les styles et de tous les prix". L' abbé C.L. de Cléves, ici cité, en avait fait paraître le catalogue link où il présentait l'école romaine, l'école allemande et les grandes maisons françaises comme Klem-frères, Poussiègues-Russand, Tissot à Lyon, Froc-Robert et l'Hermitte à Paris, ou la maison Durenne (plus de 600 ouvriers). Pour la statuaire, il écrit :

           MM Choyer (Paris), Cabuchot (Paris), les frères Zanazio, Froc-Robert (Paris), Champigneulle (Metz), et Raffl (Paris) sont les principaux représentants de l'école française. [...] Les statues de MM Froc-Robert et Raffl en carton-pierre * et bois sont bien travaillés, bien peintes, mais elles n'ont pas le sentiment religieux de l'école de Munich, ni le cachet artistique de l'école romaine. Il y a là de l'industrie plus que de l'art. Cependant nous devons de la reconnaissance à ces artistes et à ces industriels qui fournissent à nos églises de bonnes statues à des prix accessibles.

* le carton-pierre est un matériau fabriqué à partir de colle de peaux d'animaux et de craie, additionnée de pate à papier, utilisé pour réaliser les moulures de plafond. Interessant pour sa solidité et sa légereté, il fut remplacé par le carton romain puis le staff, spécialité de la maison Raffl.

  La Maison Froc-Robert, présente à l'Exposition Universelle de 1867, se situait 38 rue Bonaparte à Paris ; elle produisait des statues religieuses et disposait d'un atelier de décoration intérieure d'églises, employait 99 artistes peintres ou sculpteurs. En 1867, elle était recommandé par le Cours élémentaire d'Archéologie catholique à l'usage du clergé, abbé Gareiso, Nimes 1867.

La Maison Raffl, aussi nommée La Statue Religieuse, était au 64 de la même rue Bonaparte. Elle connut succesivement plusieurs propriétaires, Raffl en 1857, Froc-Robert en 1903, et Cachal-Froc en 1907 : on peut penser que ces trois industriels sont proches et que Raffl les a repris progressivement. De 1871 à décembre 1877, 62547 statues sortirent des ateliers Raffl.

La Maison Cachal-Froc se trouvait au 30 rue Vavin à Paris. J'ignore si elle succéda à Froc-Robert.

Le Bulletin diocesain de Quimper mentionne (Bdha 1909 p. 309) une Sainte-Anne, bas-relief par Cachal-Froc en 1886. Cachal-Froc eut une altercation sérieuse dans les colonnes de la Semaine Religieuse du Diocése du 23 janvier 1891 avec A. de La Borderie, qui avait maladroitement traité toutes les statues de St Yves qui ne répondait pas à sa propre conception de "mascarades".

  Le ministère de la Culture propose, en ligne, la consultation du catalogue de cette maison :

http://www.inventaire.culture.gouv.fr/referentiels/CACHALFROC.html

 

Fig. 24 - Couverture du catalogue de la maison Cachal-Froc, Paris, 1895. Finance, Laurence de © Inventaire général, 2006.

Image agrandie numéro 24


    C'est dans l'un de ces catalogues de Chaval-Froc  que l'abbé Le Roy trouva un modèle de Vierge conforme à ses souhaits et au désir d'unification iconographique émis par le Vatican. Il choisi une vierge à l'enfant, donnant certes le sein pour satisfaire les paroissiens attachés à l'ancienne idole, mais en se couvrant la poitrine afin que ce sein malencontreux ne fut visible de personne. Comme il avait lu le Cours élémentaire d'archéologie catholique ou quelqu'autre ouvrage d'art chrétien et qu'il était soucieux que son acquisition soit non seulement sage, droite et régulière, mais aussi placée dans la filiation avec les oeuvres italiennes précédant l'art décadent, l'agent commercial de Cachal-Froc lui assura que l'artiste s'était inspiré de la Madonna della Neve de Sienne ( mais apparemment ni de l'oeuvre de ce nom de Matteo di Bartolo à la Chiesa di santa Maria, ni du rétable de Sasetta actuellement au Palazzo Pitti de Florence), ou bien "du Halthez de Tours".

  Et comme les prix étaient très attractifs, le curé acheta aussi une petite statue en carton pierre du même modèle (il était disponible en stock dans toutes les tailles de 30cm à 3m), avec le brancard de procession. A en croire le catalogue, sans-doute paya-t-il le tout 250 francs.

  Si bien qu'il pu enfin écrire de sa belle plume les lignes suivantes (archives paroisse de Chateaulin):

                 "le samedi 7 juillet 1900, en présence de Jean l'Haridon, fabricien, de Messieurs jézégou, Mével et Caroff, vicaires de Chateaulin, au milieu d'un grand concours de fidéles, je soussigné curé archiprêtre de Châteaulin, ait béni solennellement, avec l'autorisation de monseigneur l'évêque*,la nouvelle statue de N.D. de Kerluan, représentant la Vierge Marie allaitant son Enfant Divin, qui remplace l'ancienne image brisée en 11 morceaux** pendant la Révolution, restaurée grossièrement ensuite, et elle-même reproduction grossièrement travaillée de l'image de N.D. de Kregoat en Quéméneven.

  L'ancienne statue a été enterrée en morceaux sous le nouveau piédestal en granite, don de M. et Mme Armand Gassis***.

  L'ancienne statue est en terre cuite, et sort des ateliers de M. Cachat Froc (sic) de Paris. Elle reproduit à peu près le tableau vénéré à Sienne soius le nom de Madonna delle neve, et l'image du Halthez**** de Tours.

  En même temps, j'ai béni une petite statue du même modèle, en carton pierre, destinée à être portée en procession."

* Mgr Dubillard.

** " Le 2 février 1901, deux ouvriers allèrent de bon matin à la chapelle. Ils descendirent la vieille statue et l’enfouirent sous le trône de la nouvelle. Ils constatèrent alors que l’antique image avait eu à subir plus que le supplice du feu. Elle était en neuf morceaux collés avec du plâtre. Le tout avait  été recouvert d’une couche de peinture…. Les archives de Châteaulin ne mentionnent pas ce massacre barbare et sacrilège. Mais on peut supposer qu’après l’incendie de la chapelle de Kerluan, un homme exalté et rendu fou par les théories révolutionnaires aurait pris son marteau pour détruire la statue qu’on y vénérait."arch. parois. Châteaulin.

*** Ie piédestal est en pierre de Locronan ; Armand Gassis (1839-1915) originaire de Châteaulin et fils d'entrereneur de travaux publics, était architecte. Entré à l'École des Arts et Métires d'Angers en 1856, il intègre l'année suivante l'entreprise paternelle et devient architecte, tout en menant une carrière politique comme conseiller municipal de Châteaulin à partir de 1884, puis comme maire en 1896 et enfin comme sénateur de 1903 à 1912. Il réalisa, comme architecte et comme entrepreneur, 9 édifices religieux dans le Finistère, 5 néo-gothiques et 4 néo-romans.

**** Je n'ai pas pu retrouver cette oeuvre.

 

   L'abbé Le Roy s'était démené pour rendre à la chapelle son faste d'autrefois, pour y ramener les fidèles et raffermir le culte marial : après avoir fait abattre et fait vendre au profit de la fabrique les arbres du placître qui menaçaient la toiture, après avoir fait maçonner le mur d'enceinte du coté nord, rétabli le lambris de la voûte, 


chateaulin--kerluan 8832c

 

      La version en carton pierre sur son brancard de procession : 

  Le jour du pardon inaugural de juillet 1900, ce fut 2000 personnes venues de Châteaulin, de Saint-Coulitz ou de Lothey qui accompagnèrent la procession, musique du patronage de Châteaulin en tête, et comme l'abbé le Roy qui pensait à tout, avait fait imprimer 600 feuilles volantes du cantique que  l'abbé Brignou, le recteur de Lanneufret avait composé spécialement en l'honneur de Kerluan, personne n'entendit les fidéles de Kerluan faire du mauvais esprit, regretter leur ancienne patronne et dire que c'était pas auprès de celle-là que les nourrices allaient obtenir du lait. Et lorsque mamm coz Mari-Jeanne s'emporta à prédire que le jour où on allait mettre la vraie Dame-au-Lait dans son trou sous le piédestal, la foudre allait s'abattre sur les profanateurs pour les réduire en cendre, la fanfare joua plus fort, et la belle affaire !

chateaulin--kerluan 8801c

 

 Ce mauvais esprit était hélas partagé en 1895 par Karl Joris Huysmanns, dont le héros Durtal devient, dans le roman L'Oblat, oblat à Solesmes, et qui écrivit :

   "L'hagiographie était une branche maintenant perdue de l'art ; il en était ainsi d'elle que de la sculpture sur bois et des miniatures des vieux missels. Elle n'était plus aujourd'hui traitée que par des marguilliers et des prêtres, par des commissaires de style qui semblent toujours, lorsqu'ils écrivent, charger leur fétu d'idées sur des camions ; et elle était, entre leur mains, devenus un de ces lieux communs de la bondieuserie, une transposition dans le livre des statuettes des Froc-Robert, des images en chromo des Bouasse". En Route, 1895.

  Mais aujourd'hui, un esthétisme du kitsch religieux et du "sublime du laid" amène à classer aux Monuments Historiques ces produits industriels, comme  l'église Sainte-Marie-Madeleine de Rennes-le-Château classée à l'inventaire pour "son mobilier saint-sulpicien". Nous apprenons enfin à apprécier l'art dont l'Église, Pie IX le rappelait aux évêques de Vatican I, fut toujours "l'amie et l'inspiratrice".

 

chateaulin--kerluan 8802c

 

III. La réforme touche aussi la fontaine :

  Elle fut déplacée pour permettre  la construction de la voie express Brest-Quimper qui tranche désormais  de ses quatre-voies le sentier qui reliait la chapelle avec sa fontaine.  L'accés est désormais réservé aux initiés, et on trouvera un plan ici : link .

  Elle abrite un doublon du XXe siècle du chef d'oeuvre de Cachal-Froc, mais n'attire plus aucune poitrine. Les saincoulitzaises se frottent les mains.

  Ou se trouve la statue vénérée auparavant ? sous le bitume de la quatre-voie ?

 

chateaulin--kerluan 9652c

 

 

chateaulin--kerluan 9658c

 

chateaulin--kerluan 9660c

 

 

IV. Grace aux vandales, la Vierge retrouvée ressuscite à Kerlouan :

      L'histoire est la suivante : en 2006, la veille de la Toussaint, des voleurs pénètrent dans la chapelle et emportent un vase en céramique et quatre statues : "Notre-Dame de Lourdes (?), Saint jean, Saint Lucas et sainte Marie" (Bulletin Chateaulin 2006). Le Bulletin ajoute : "pour récupérer des pièces (angelots) du baldaquin en bois peint et sculpté par l'artiste quimpérois Autrou, ils n'ont pas hésité à briser la statue de la Vierge allaitante vénérée par tant de générations. [...alors que l'association de bénévole a réalisé] la réstauration de la toiture en 1987, du calvaire en 1991, l'achat de bancs, le changement des portes latérales et l'achat d'un vitrail en 1999".

   Jean Andro, curé de l'ensemble paroissial, fut alors amené à rechercher les documents d'archive et à y découvrir, dans le registre des installations du presbytère, le compte-rendu de la cérémonie de bénédiction rédigé de la main d'Alfred le Roy, tel que je l'ai cité ci-dessus, et où il mentionne que la Vierge allaitante déprèciée avait =été placée sous le nouveau piédestal offert par Armand Gassis. 

  Cette information n'était plus connue depuis longtemps et les bénévoles se demandaient où ils pourraient découvrir l'ancienne Notre-Dame.

  Le huit février 2007, devant Yolande Boyer, maire et sénatrice de Châteaulin, devant les caméras de TF1 et les photographes des quotidiens régionaux, de Guy le Dréau, responsable des bâtiments de la ville et d'Isabelle Garguadennec, conservateur des antiquités et oeuvres d'art du Conseil Général, les ouvriers municipaux déplacèrent le piédestal et creusèrent le sous-sol.

   Et voilà qu'après un sommeil de 107 ans, la Belle au bois dormant apparut :

 


 

 

les deux très émouvantes  images suivantes viennent du site officiel de la ville de Châteaulin : http://www.chateaulin.fr/pages.php?id_ref=4&id_ref1=145&p=1&num_page=1414537

 Chacun put découvrir alors une statue de Kersantite de 1,45m, conservant des traces de polychromie ancienne, et dont la couleur rougeâtre attestait qu'elle avait fortement souffert de l'incendie de 1807. On estima même que ce devait être lors de cet incendie qu'elle avait du tomber et se fracasser en morceaux. Peut-être avait-elle échappé au marteau révolutionnaire, qui aurait plutôt frappé la, tête. Il fallait rendre cette justice à l'abbé Le Roy qu'on avait peut-être accusé trop rapidement comme père-la-morale d'avoir, nouveau Moïse, détruit les anciennes idoles qu'idolatrait un peuple de bas-breton rendu aux erreurs du paganisme : vraiment, la pauvre Notre-Dame de Kerluan était dans un état qui ne permettait pas qu'une restauration lui rende son faste. Mieux, en l'enterrant et en indiquant par écrit son geste, il montrait le respect que l'on doit aux statues vénérées, même lorsqu'elles sont brisées.

 

 

 

 Notre-dame de Kerluan : ma visite en janvier 2012 :

 

J'admirais d'abord la finesse des traits de son visage ; puis je m'assurais qu'elle portait, comme toutes les autres, la longue chevelure seulement retenue par ce bandeau très particullier. Je retrouvais le geste maternel de présentation du mamelon entre index et majeur, et le corsage ouvert en V, la taille très cintrée, la main gauche qui retient par le petit doigt le pli de la robe : tous les détails qui la situait dans le groupe des Vierges allaitantes de Cornouaille.

   Je regrettais le désatre qui  était survenu, l'imaginant intacte, ornée de ses couleurs, l'or et le rouge, le bleu qu'on devinait encore, dignement placée dans une niche ou encore, comme à Kergoat, sous un dais.

  J'entendais au loin un cheval hennir, et des corneilles crier. Et, encore plus loin, des cloches résonnaient.

   Je rêvais à un moulage de cette Madonna del latte, qui vienne en donner une copie restituant la splendeur d'origine.

  Mais aussi, comme face à ces vedutisti qui surent rendre dans leur peinture la beauté des ruines romaines, je me laissais saisir par l'esthétisme  des ruines, cette musique douloureuse qui parle de la fragilité des roses, je révais de chapelles gothiques abandonnées, de l'infortune des reines, des ruines dans les bois, des migrations d'oiseaux dans les nuages, des grèves désertes, des lacs, des océans, des mausolées illustres cachés sous la verdure et des tombes au clair de lune, silencieuses sous les lierres. 

   J'avais voyagé par les champs et par les grèves, j'avais connu la mélancolie des autos, les froids réveils dans l'attente, l'étourdissement des paysages et des villes, l'amertume des poésies interrompues. 

  Le bruit des cloches revint.

  J'eus d'autres pensées encore, et d'autres regards vers la madone. Mais la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. Des minutes passèrent en contemplation pure, où je dégustais le désoeuvrement de mon intelligence et l'inertie de mon coeur.

 

chateaulin--kerluan 8820c

 

chateaulin--kerluan 8824c

 

chateaulin--kerluan 8811c

 

V. Les autres Vierges de la chapelle :

Notre-Dame de Kerluan

Statue de granite, taille directe, peinte, revers partiellement évidé, h :110cm ; inscription sur socle en bois N.D de Kerluan datation : 17e (?)

  Première question : Je suis  un peu surpris de l'intérêt que porte l'enfant pour le livre qu'il tient ouvert ; je note les longs cheveux dénoués. A-t-on remanié la statue ?

  Deuxième question: Si cette statue est vraiment une N.D. de Kerluan, pourquoi l'abbé Le Roy crut-il nécessaire de faire réaliser une nouvelle Vierge ? Celle-ci, en l'état, était bien assez prude pour qu'il l'agrée.  Et son ancienneté la rendait vénérable. Donc,

Troisième question : le socle et son titre  correspondent-ils à cette Vierge à l'enfant?

  L'abbé Yves-Pascal Castel  mentionne une  "Vierge à la figue" qui figure parmi les oeuvres dérobées lors du vol de 2006, et une Vierge à l'enfant honorée par quarante ex-votos dont l'un indique : "Merci/à N.D. de Kerluan/ dans la nuit/ du 18 sept. 1937". 

  Effectivement, la Vierge tient un fruit ovale qui peut être une poire, ou, si on en aime le symbole féminin déguisé, une figue.

  Bien qu'elle ne soit pas dépourvue de valeur, il suffit de la comparer une seconde à la Virgo Lactans pour constater l'extraordinaire vitalité, la supériorité d'inspiration de cette dernière, et de mesurer l'exception que ce groupe des vierges allaitantes de Cornouaille   constitue  dans l'art statuaire de nos chapelles.

 

chateaulin--kerluan 8840c

 

Vierge à l'enfant du 18e.

Notice M.H : statue de chataîgnier (?) taillé, peinte, 18e, h : 132 cm, mauvais état, vermoulure, fente, main de l'enfant mutilée.

  On remarque que la Vierge va pieds nus, ce qu'un artiste médiéval ou Renaissance ne se serait pas permis.

chateaulin--kerluan 8829c

 

 

Merci aux membres de l'Association de sauvegarde de Kerluan, qui m'ont accueilli pour m'ouvrir la porte et me présenter leur chapelle ; leur travail bénévole est admirable.

 

 

Source :  http://www.chateaulin.fr/pages.php?id_ref=4&id_ref1=145&p=1&num_page=1414537 

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:04

                     Vierges allaitantes VII

Chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben.

Chapel Itron Varia Lanneleg

                    Première partie :

               Présentation ; La Vierge.

 

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Je reprends un article de 2012 en le complétant de commentaires et de photos de 2019.

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1°) Cet article appartient dans ce blog  à la série des Vierges allaitantes (avec 4 articles consacrés à Lannélec):

 

 

 

2°) Il appartient aussi à la série consacrée à Pleyben et ses chapelles :

 

L'église

Les chapelles :

3°) Voir aussi :

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   En 1990, Madame Philomène Le Douzen, paroissienne émigrée aux États-Unis, laissa à la commune un legs important qui permit la restauration des six chapelles tréviales de Pleyben. Depuis, les fonds récoltés par  l'Association de sauvegarde lors des pardons, et les soins dont ils entourent leur chapelle permettent de découvrir un sanctuaire qui met remarquablement en valeur les trésors qu'il renferme. Je remercie ces bénévoles de l'accueil qui a rendu possible ma visite en plein mois de janvier 2012.

   Le pardon a lieu le troisième dimanche de septembre.

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                      I. Présentation

 

Voir : Florent Maillart, Chapelle de Lannelec, Pleyben, Inventaire général du patrimoine, 2009 link

        : idem, Calvaire, link

      La chapelle Notre-Dame de Lannelec, la plus grande de la paroisse de Pleyben, est l'ancienne "trève de l'évêque", trefnescop, ce qui correspondrait (sans aucun élément probant) à un ancien prieuré de Landevennec ; elle date du XVe siécle (une date mentionne sur la dernière colonne du coté droit :lan mill CCCCXX et X  ( 1490) fut fondée ceste église) et sa position surélevée indiquerait qu'elle fut bâtie sur une ancienne motte féodale arasée, bien que d'autres (H. Pérennés, Bdha 1938) parlaient d'ancien camp romain. 

   Le toponyme peut faire envisager la présence d'un de ces moines irlandais qui ont émigré pour évangéliser la Bretagne au V et VIe siècle : un certain Eleg aurait fondé ici son ermitage, Lann.

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  Sur cette trève se trouvait, ou régnait, le manoir de Keranclanff, dont le seigneur, Thomas le Roy, fonda en 1473 une chapellenie à Lannelec. (un chapelain, prêtre qui vivait au village, desservait la chapelle et percevait une rémunération). 

  Dans la première partie du XVIe siécle, le fief appartient aux de Kergoët, dont le berceau est à st Hernin. Ils blasonnaient d'argent à 5 fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées en chef de quatre roses de même. Leur devise était : en christen mad me bev  en Doué

  En 1553, la terre passe dans la famille du Bouëtiez de Kerorguen, dont le berceau était près d'Hennebont. Ils blasonnaient d'azur à deux fasces d'argent accompagnées de six besants d'or.

  Jean du Bouëttiez prit une part si active et si violente à la Ligue que le duc de Merceur lui fit couper la tête, pour les nombreux méfaits dont il se rendit coupable sur la paroisse voisine de Guengat.

  Rappellons que la guerre de la Ligue opposait le duc de Merceur, soutenu par les paysans et qui représentait le parti catholique, contre les "royaux" d'Henri IV, récent roi de France et recemment converti au catholicisme, mais soutenu par les Réformés ou protestants. Parmi ces derniers appartenait Jacques de Guengat, homme de guerre. Le jeune Du Bouëttier aidé de vingt-cinq à trente brigandeaux, se saisit du château de Guengat, où il se retrancha. Il pilla, ravagea, faisant des prisonniers, violant et tuant comme s'il eût été en terre de conquête, tant que les ligueurs de Quimper furent contraint de l'assiéger. Il capitula à condition d'avoir la vie sauve. En ce siège mourut grand nombre de paysans ainsi qu'Allain de Marhallat. (Chanoine Moreau, Histoire de Bretagne, chap. V)

 D'après le rôle des contributions de 1751, la seigneurie de Keranclanff s'étendait sur 18 villages de Pleyben.

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       La chapelle comprend sous une forme en tau une nef centrale à quatre travées, deux bas-cotès, deux transepts, une abside droite, une sacristie. Elle renferme cinq autels de pierre. 

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lannelec 9199x

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Le CALVAIRE.

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Voir CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère Pleyben 1474

http://croix.du-finistere.org/commune/pleyben.html

Voir aussi 

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/calvaire/7f8828b9-e51d-48f2-96c9-6cf5fc2eacf6

Ce calvaire du XVIe siècle de 5 m. de haut associe emmmarchement en moellon de grès arkosique et de schiste à un degré, un soubassement  en pierre de taille de grès arkosique, un socle carré en grès arkosique, un fût chanfreiné en granite, et une croix, et des parties sculptées en kersantite.

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lannelec 9197c

 

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Copyright Inventaire Général Florent Maillard.

Copyright Inventaire Général Florent Maillard.

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Sur la croix à fleurons-boules, le Christ est entouré de deux anges hématophores, recueillant dans leur calice le sang s'écoulant des plaies des mains et du flanc. 

 

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Le Christ a la tête incliné et les yeux clos, il est couronné d'épines aux brins parallèles, les cheveux tombent en mèches devant les épaules, les bras en V étirent les côtes à l'horizontale, le nombril est en bouton, le pagne à olis croisés est noué à gauche par un nœud volumineux, tous critères relevant du style de Bastien et Henri Prigent de Landerneau, sans que cela suffise à leur attribuer ce calvaire bien qu'ils aient été fort actif à Pleyben dont ils sculptèrent le calvaire de l'église en 1555.

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Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

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Sur le croisillon à droite du Christ, Dimas ou Dismas (du grec dysme, "crépuscule"), le bon larron, les bras  liés à la traverse d'une crux comissa, lève son regard vers le Crucifié. Cf Luc 23:42-43. Ce fut le premier à entrer au Paradis, il fut canonisé.

Son pagne est lisse, sans plis ni nœud.

Les jambes sont fléchies, selon une tradition générale à la Bretagne et qui rappelle que, dans l'évangile de Jean 19:31-32, les larrons eurent les jambes brisées (afin de s'assurer de leur mort et pour éviter que les corps restent en croix un jour de sabbat particulièrement solennel).

 

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Le mauvais larron Gesmas baisse la tête et tire la langue au Christ.

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g. k. s. 5 m. XVIè s. Soubassement élevé. Fût à pans, griffes. Croisillon, consoles, gibets des larrons (deux statues manquent). Croix, fleurons-boules, crucifix, anges aux calices, Vierge à l’Enfant, écu muet. [YPC 1980]

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Sur l'autre face, tournée vers l'est, est représenté un Christ au lien, comme à Saint-Sébastien de Saint-Ségal, au calvaire de Saint-Ségal, ou à la chapelle Saint-Laurent de Pleyben.

Curieusement, Yves-Pascal Castel décrit ici en 1980 une Vierge à l'Enfant.

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Le nœud du calvaire (entre les croisillons) a dû être mal orienté au remontage, car sur cette face orientale se trouvent les deux anges recueillant le sang des pieds du Christ crucifié de la face occidentale. Inversement, le nœud qui devait se trouver sous le Christ aux liens est un blason, muet.

 

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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LES INSCRIPTIONS DE DATATION (par ordre chronologique).

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1°) Inscription de fondation : 1490.

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Une inscription en français en caractères gothiques, placée sur le premier pilier sud-est, nous apprend l'époque où fut construire la chapelle :  LAN . MILL .  CCCC . IIIIXX . ET. X FUT . FONDE . CESTE . EGLISE.

"lan mill CCCCIIIIXX et X fust fondé ceste esglise ».

Cette date est proche de la mention en 1473   d'une chapellenie (cf. supra) . 

On peut regretter qu'un peintre zélé l'ai badigeonné au blanc, quand on connaît la beauté du grain de kersanton, sa faculté à prendre la lumière et avec un estampage, à augmenter sa lisibilité.

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5320092900303nuca/e4a782c7-97f0-4612-85de-6ec38946b794

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Il faut attendre 50 ans pour les datations suivantes.

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  •  1546, MATER : DEI : ORA : PRO:  ME (Mère de Dieu priez pour moi) : panneaux sculptés de l'ancienne porte nord. Un donateur est agenouillé devant le prie-dieu face à la Vierge à l'Enfant et adresse à elle sa prière..

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lannelec 9275

 

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  • une inscription disparue sur cette porte (dont deux panneaux sculptés ont été conservés et sertis dans un encadrement moderne) est citée par Guy Leclerc : 1546 FUST/ FAICT P G FAVENNEC. Or, on lit actuellement sur une pierre placée dans le mur intérieur d'un transept : V. C  PAVENE.I ( un Jacques Favennec né en 1610, est attesté à Pleyben) .

    On pense à Germain FAVENNEC, maçon et architecte avec son frère François, mais ceux-ci intervinrent à Pleyben en 1718. 

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lannelec 9280c

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  • la  statue de sainte Barbe est datée par inscription de  1578 . Celle de Notre-Dame de Lannélec relève approximativement de la même date.

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Puis s'écoulent près de cent ans avant la pose de deux statues d'apôtres en 1667, celles de (St André) et de St Matthieu..

 

La chapelle de Lannélec reçut au cours des âges des restaurations et des embellissements : les sablières et  les blochets  les statues, les autels portent diverses dates : 1578, 1619, 1664, 1667, 1742.

  • 1742 sur la porte de sacristie 

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lannelec 9278c

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Puis :

  • F. FAIRE PAR F. LE ROUX Fabriqve LAN MDCCLXIV (1764) au dessus de la porte nord.
  • F (fait) fair par M. Léon, recteur : de : Pleiben : M. : Guillaume : Le : Born. Gan : Palant : Mathias : Direson : fabric : fait lan 1772. Yves Rioual fabric. sur les lambris de l'un des transepts. Le recteur  Guillaume Léon a aussi mis son nom au confessionnal de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal.

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La sacristie de 1741.

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  La sacristie porte l'inscription de sa construction : IAQ : PLASSART : FABRIQVE : 1741

La généalogie de Louis Le Brun indique Jacques PLASSARD, né le 19 février 1717 à Menez Guenn à Pleyben, fils de Jan Plassard et de Françoise LE PAIGE (1687-1733).

https://gw.geneanet.org/zardoz?lang=en&iz=1542&p=jacques&n=plassard

Sauf homonymie, Menez- Guen se trouve à l'est de Lannélec, sur le Cloître-Pleyben

On sait qu'à la suite du Concile de Trente, et surtout d'un édit royal, les églises et chapelles firent construire une sacristie afin de protéger les revenus de la fabrique ou les objets de valeur ; c'est donc une pièce protégée des effractions par des fenêtre à barreaux et une forte serrure. Le conseil de fabrique est tenu de s'y réunir. Elle ne doit pas être trop humide, et doit donc se trouver au sud ou à l'est. Elle doit disposer d'un lavabo et d'un oratoire pour le desservant.

L'église de Pleyben fit construire sa sacristie en 1680-1690 ; elle fut reconstruite en 1719. Celle de Gars-Maria date de 1729. A Lanridec, la chapelle dispose d'une armoire de sacristie datée de 1664.

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lannelec 9193c

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On signale aussi : 

  • le 19 février 1764 fut bénite une cloche baptisée Marie
  • La flèche du clocher date de 1883

 

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 L'élément décoratif majeur est le maître autel surmonté de la maîtresse-vitre et encadré par les deux niches gothiques : celle de la Vierge à l'enfant du coté de l'évangile, celle de Sainte Barbe du coté de l'épître.

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lannelec 9309c

 

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Pour conclure cette présentation, je reprendrai la notice de l'Inventaire Général :

"La chapelle a été construite dans une enceinte aujourd´hui arasée qui pourrait se rapporter au Moyen Age. Les parties les plus anciennes de l´édifice datent de 1490 (inscription en lettres gothiques sur le pilier sud-est). Mais, dans son ensemble, la chapelle date du 16e et du 17e siècle ainsi que les sablières, les autels et les verrières (restaurées au 19e siècle). Vestiges de vitraux anciens dans la maîtresse-vitre dont cinq blasons pouvant correspondre à ceux des seigneurs de Ker-an-Claff ou Kerc'hlany, prééminenciers supposés de la chapelle. Elle a été restaurée en 1764 par le fabricien F. Le Roux (date et inscriptions portées au dessus de la porte nord, date également portée sur la cloche). La flèche date de 1883. Sacristie construite en 1741 à l'initiative de Jacques Plassart, fabricien (date et inscription sur le linteau d´une des fenêtres), avec un vantail de porte daté 1742."

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"Édifice de plan en T à chevet plat. Nef à quatre travées séparée des bas-côtés par des piliers octogonaux en arc brisé, moulurés à pénétration directe. Bas-côtés éclairée au nord et au sud par une porte en plein cintre et une fenêtre en arc brisé à réseau. Bras de transept éclairés au nord et au sud, mais aussi à l´ouest par deux fenêtres en arc brisé. Cinq autels sont conservés : le maître-autel, deux dans les chapelles latérales, et deux dans les bas-côtés. Sol couvert de grandes dalles de schiste. Sablières et blochets sculptés (dans le transept et le choeur). Lambris de couvrement. Massif occidental avec chambre de cloches surmontée d´une flèche. Sacristie hors-oeuvre de forme hexagonale."

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II. Notre-Dame de Lannélec

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C'est la Vierge allaitante dont la présence motive ma visite. 

Elle est présentée dans une niche à gauche de l'autel en vis-à-vis d'une autre niche dédiée à Sainte Barbe : c'est ce que l'on retrouve encore à Kerlaz (face à Saint-Germain), à St-Venec en Briec (face à Saint Venec), et c'était peut-être aussi le cas à Quillidoaré, voire dans les autres chapelles abritant des Virgo Lactans. Dés lors, je suis amené à penser que Sainte Barbe a été la patronne ou la co-patronne de la chapelle, mais je n'ai pas rencontré cette mention chez les auteurs de monographie.

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  La niche et son volet historié.

  La niche historiée est l'une des mieux conservées qu'il m'a été donné de voir ; mais  seul le volet droit est présent. Elle porte l'inscription NOSTRE. DAME. DE. LANNELEC en un mélange de lettres capitales et minuscules ; les deux N sont conjoints, le C final est sus-inscrit, sans qu'on devine la raison de cette abréviation puisque le calligraphe ne manquait pas de la place nécessaire.

  Des pampres de vigne et des grappes de raisin dorées  grimpent en bas relief sur les cotés pour atteindre le linteau, décoré de nouvelles grappes peintes et d'entrelacs de feuillage. Au centre, où se trouve souvent un emblème (armoiries, symbole) est peint un personnage en prière, mains jointes.

Au sommet vient se placer un haut élément à trois pans encadrés par des pilastres, des panneaux ajourés comme des moucharabiehs d'or _ des grilles de confessionnal, des claustra_ par des ornements gothiques aux reflets vermeils. Et cet échafaudage culmine en un dernier placard, tout aussi doré, mais dont l'artiste a pris la peine de travailler les ajours pour dessiner des croix enchevêtrées.

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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 Le volet aux trois panneaux :

 

 1. l'Annonciation

   La représentation est classique : l'ange Gabriel trace de la main droite une bénédiction (Tu es bénie, Marie) et prononce les paroles  Ave Maria gratia plena Dominus tecum, qui viennent s'enrouler autour d'un sceptre fleurdelisé lui même placé au dessus d'un bouquet de lis martagon placé dans un vase : cet axe médian entre l'espace divin à gauche et l'espace profane de droite est aussi l'axe vertical qui relie Dieu-le-père avec la terre, signifiant sa décision d'incarnation.

   Cet alignement surabondant de symboles semble réciter les Litanies :

  • le vase : vas spirituale, ora pro nobis, vas honorabole, o.p.n, vas insigne devotionis, o.p.n (litanies de Lorette)
  • le lis, emblème de virginité : sicut lillium interspinas, comme le lis au milieu des épines (O Sanctissima, ou Cantique des Cantiques)
  • la colonne : Colonne immaculée de notre foi (Litanies de l'Immaculée Conception)

  La Vierge, traditionnellement vêtue de bleu, les cheveux sagement couverts d'un voile, recule par stupeur dans un geste et une posture qui parvient à associer l'acceptation et la surprise.

 Dieu coiffé de la tiare tient le globe terrestre, et bénit de la main droite tandis que son souffle de lumière  divine envoie la colombe de l' Esprit Saint féconder l'Immaculée avec le même entrain qu'un convive de la Saint-Sylvestre soufflant dans une langue de belle-mère.

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vierge 9235c

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 2. La Visitation. 

 La sculpture en bas-relief obéit encore à l'iconographie traditionnelle; l'espace est soigneusement construit par les deux arcades, la ligne horizontale du mur, et l'angle du bâtiment ; la perspective est approximative. Sainte Élisabeth, habillée de sa robe verte traditionnelle, pose sa main sur le ventre de Marie et se réjouit de la naissance à venir sous les yeux de Zacharie, coiffé d'un turban.

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vierge 9236c

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 3. la Nativité.

  L'image est si conventionnelle qu'il est inutile de la commenter, sauf à considérer les chausses de Joseph, témoin du costume du XVIe siècle, et le pot à feu, symbole de Vie ou de Charité.

vierge 9239c

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NOTRE-DAME DE LANNÉLEC

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La statue et la niche  ont été restaurées en 1977.

Cette statue en pierre polychrome (kersanton, selon Amamiya) mesure 1,86 m.

C'est une Vierge Allaitante tout à fait semblable à celles que j'ai déjà présenté, mais les vêtements de celle-ci sont particulièrement riches et colorés. Les couleurs sont les mêmes qu'à Kerlaz (manteau) ou qu'à Kergoat (robe) :  large manteau drapant bleu frappé de motifs dorés, au revers rouge, et dont le pan gauche est retenu par l'annulaire ; corselet doré dont l'ouverture s'entrebaille sur un soufflet de même étoffe : robe largement élargie sous la taille par une sorte de vertugadin, et qui se compose d'une première robe-tablier plus épaisse qui se soulève et fait retour vers la ceinture pour dévoiler un revers soyeux de couleur verte (qu'on retrouve aux manches), et de la robe elle-même qui tombe sur le sol, ne laissant apparaître qu'un bout de chaussure rouge.

  Cette vierge est couronnée par un attribut peint sur un ciel bleu constellé et ondoyant.

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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vierge 9207c

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vierge 9211x

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  L'inscription :

Le long du bord de la robe court une inscription  qui a été déchiffrée

  • par H. Pérennés comme : Nostre Dame de M.R.I.C.S (miséricorde ?) PE pour nous, 
  • et par René Couffon comme :Nre : dAME MRCIS PE : POVR, 
  • par Guy Leclerc comme : N(o)TRE DAME DE M(e)RCIS P(ri)E POUR
  • alors que je lis N˜RE : dAME : dE : M˜RICO˜/PE : POVR

  Les tildes abréviatifs transforment N˜RE en NOTRE et M˜RIC.. en MISERICOR/PE

Sachant que les D sont ici, comme c'est souvent le cas, écrit en onciale et non en notre D majuscule (voir : dAME), je pense que ce que nous lisons PE est en réalité dE, la lettre d étant verticalisée pour prendre moins de place : donc nous pouvons  lire MISERICORdE.

Je lis donc NOTRE DAME DE MISERICORDE POUR (NOUS ?).

  Cette inscription est semblable à celle de N.D. de Bonne Nouvelle à Quillidoaré, mais la dédicace à N.D de Miséricorde est étonnante car cette Vierge n'a aucun rapport avec l'allaitement ou la naissance, que son culte est très rare dans le Finistère ( Monastère de N.D de Miséricorde à Pont-L'Abbé) et en Bretagne.

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vierge 9237c

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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L'enfant Jésus, une pomme à la main,  tient en l'air par l'opération du Saint-Esprit, car il ne repose pas sur la main de sa mère. L'enfant ne tête pas, comme il le fait à Gouézec ou Saint-Briec, mais sa main droite est posée sur la poitrine recouverte du coté gauche. 

 Marie présente le mamelon entre le majeur et l'annulaire, dans un geste plein d'élégance et de grâce. Son visage n'a pas la grâce de celui des Vierges de Kerluan, de St-Venec ou de Kergoat, le front est épilé de manière radicale, mais on retrouve la chevelure maintenue par le bandeau occipital  de tissu froncé avant de libérer sur les épaules son flux onduleux. La métaphore du Fleuve de lait se poursuit à travers les boucles et les volutes du décor peint en arrière-plan.

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Il faut noter deux détails :

 

1.. Le corselet ouvert en V selon le modèle désormais habituel présente la particularité d'un laçage entre des oeilletons, très précisément représenté.

 

2. le pan gauche du manteau est relevé et tendu par les deux derniers doigts de la main. 

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Nous avons la chance de disposer de la description donnée par Christiane Prigent dans sa thèse (non diffusée) par l'intermédiaire d'H. Amamiya :

"L'échancrure du corsage laisse passer le sein droit que la Vierge presse entre le medius et l'annulaire de sa main droite. [...] Production d'un atelier probablement installé à Pleyben, utilisant une quinzaine d'années après les modèles de l'atelier de Locronan. La Vierge, datée des années  1578 par comparaison avec la statue de sainte Barbe de même édifice offre de nombreuses analogies avec la chapelle de Quillidoaré, et l'église de Kerlaz . Nous voyons ici la pénétration vers le sud des ateliers morlaisiens et leur rencontre avec un atelier local de sculpture sur pierre."

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

 

 

vierge 9209 x

 

 

 

 

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Mais ce qui caractérise cette Virgo Lactans parmi toute les autres, c'est qu'elle maîtrise de ses pieds un démon aux allures féminines  qui tient la pomme fatale dans la main gauche. Sous le pied de l'Archange, de Saint-Georges ou de la Vierge, les dragons, monstres, démons et autres avatars du Malin ne sont jamais morts, tout-au-plus dominés, mais ils bougent encore, battent de la queue, crient au scandale, et ils relèvent la tête, les impudents ! Les plus optimistes pensent que la vouivre hurle ou grimace de douleur.

  Je retrouve dans cette créature habillée d'écaille celle qui apparaissait en dessous de Jessé dans l'Arbre de St Thégonnec : L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec.

Nous avons donc une statue qui appartient à la série des Vierges allaitantes, mais aussi à celle des Vierges à la Démone, dont le catalogue a été dressé en Bretagne par Louis Le Thomas puis par Iroko Amamiya.

Les plus proches exemples se trouvent à la chapelle de Gars-Maria en Pleyben (accès interdit par le propriétaire) et de Saint-Sébastien de Saint-Ségal (jadis appartenant à la paroisse de Pleyben):

http://www.lavieb-aile.com/2019/06/la-chapelle-saint-sebastien-en-saint-segal-la-vierge-a-la-demone-et-le-retable-nord.html


Voir d'autres Vierges à la démone de Bretagne dans les articles suivants :

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5319822200139va/6a84908d-7360-40ec-b2e7-0350abc13e37

 

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H. Amamiya en donne 35 exemples, et décrit celle de Lannélec page 98 de son ouvrage. Elle décrit la Démone ainsi :

Couchée sur le coté sous le pied droit de la Vierge, tête à droite, buste légèrement redressée. Chauve. Visage très expressif avec un rictus marqué sur la bouche grande ouverte. Son buste nu est plat [retouche d'une poitrine trop provocante par bûchage ]. Une pomme jaune rougeâtre dans la main gauche, la droite posée sur le sol. La partie inférieure du corps a la forme d'une queue de serpent squameuse qui s'enroule une fois sur elle-même  avant de pointer vers le haut. Le bout manque."

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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La bannière de procession (Le Minor, 2008) de Notre-Dame de Lannélec :

  Récemment, le comité de sauvegarde de la chapelle a fait réaliser par les établissements Le Minor de Pont-L'Abbé une superbe bannière. Le qualificatif n'est pas complaisant, et les paroissiens peuvent être fiers d'une telle réalisation dont le carton me semble  rivaliser en qualité avec celle, très réputée, des brodeurs. On trouve au verso le nom du cartonnier : J. Derouet, celui ou celle qui a fait preuve ici d'un joli talent.

  La Vierge est fièrement campée et affiche crânement sa maternité. L'artiste a été fidèle au modèle, mais il a affiné le visage, et transformé l'enfant Jésus en un petit hercule malicieux et sympathique. La magnificence du costume et de la coiffure est parfaitement rendue. La démone n'en mène pas large.

Un feuillet épinglé dans la chapelle reproduit le Certificat d'authenticité :

  "Cette bannière a été brodée en 2008 aux ateliers Le Minor à Pont-L'Abbé par J.M. Perennec d'après un carton de Jackez Derouet à la demande du Comité "La Chapelle de Lannelec", Monsieur l'abbé Guillaume Gonidou étant curé de Pleyben. Le 28 juin 2008."

Jean-Michel Perennec, brodeur chez Le Minor depuis 20 ans, a passé trois mois a réaliser ce  travail, utilisant 155 écheveaux pour 22 couleurs.

  Je trouve Jakez Derouet cité sur la toile :

  • comme représentant de la Ligue Celtique...en 1964,
  • comme artiste ayant participé à la conception du blason de Pluguffan,
  • comme artiste qui a réalisé le logo de l'association de défense de la langue bretonne Mervent,
  • comme concepteur du logo bigouden,
  • comme créateur du dragon rouge qui figure sur le drapeau breton du Trégor, sur fond jaune à croix noire,
  • étant "de Plomelin", etc...

En juillet 2010, Jean-Michel Perennec a réalisé une autre bannière sur un carton de Jakez Derouet : celle de la chapelle de la Madeleine à Penmarc'h. La première bannière réalisée chez Le Minor avait été dessinée par Pierre Toulhoat  pour la Tromènie de Locronan, en 1953. Celle de Lannelec était la 31ème, celle de la Madeleine la 34ème.

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Voir la liste et la description des 45 bannières Le Minor sur mon blog :

Les bannières Le Minor.

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vierge 9415c

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  Le verso de la bannière : L'arbre de Vie et l'Apocalypse.

  C'est la partie originale, avec un thème qui doit être un hapax en matière de bannière.

  Pour une raison que j'ignore, l'artiste ou les commanditaires ont choisi d'illustrer le verso de la bannière par un Arbre de Vie, au pied duquel un couple, à priori le couple originel, émerge des eaux et prend appui sur des formes rouges. Une colombe s'apprête à se poser sur une branche ; le soleil apparaît derrière une porte, qui pourrait être celle de l'arche de Noé.

   L'arbre de Vie est celui que mentionne la Genèse 2, 9 :

           L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

 

   et puis, après la Chute, dans Genèse 3,24 :

              C'est ainsi qu'il chassa Adam ;et il mit à l'Orient du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante pour garder le chemin de l'arbre de vie. ( Trad. Louis Ségond)

  Il confère l'immortalité, mais il est aussi symbole de vie bien-sûr, donc de croissance, de vitalité voire de fécondité ou de prospérité : placé au revers de la Vierge allaitante, il apparaît alors comme le qualificatif spirituel le plus adapté pour qualifier Maria Lactans, comme dans ces Méditations sur les litanies de la Vierge de 1701 link : Quelles louanges ne devons-nous pas aux excellentes dispositions de votre âme, Ô arbre de vie, qui nous avez donné le véritable fruit vivifiant !

   L' olivier est souvent l'arbre choisi pour le représenter, quand ce n'est pas le figuier sycomore.

La conjonction de l' olivier, de la colombe et de l'arche évoque un autre premier jour de l'humanité,  Genèse 8, 11 :

  La colombe revint à lui sur le soir ; et voici, une feuille d'olivier était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur terre (Trad. Louis Ségond)

 

  Alors que l' arbre de Jessé  relie Marie à l'arbre de la connaissance, celui du péché originel (c'est le symbole de Notre-Dame de Miséricorde foulant le démon et sa pomme sur la statue de Lannelec) à travers l'arbre de la Croix, le choix de l'arbre de vie tourne le dos à cette problématique du Péché et ouvre l'esprit du fidèle à un monde neuf, primesautier, un premier matin du monde inondé de soleil. Marie Arbre de Vie redonne accès à l'arbre du milieu du jardin de l'Eden.

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vierge 9417c

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 L'arbre de vie est celui de la Genèse, mais aussi celui de l'Apocalypse. Or, c'est ce texte de Saint Jean qui est cité en broderie autour et en dessous de la bannière : Apocalypse, 7, 14 :

       Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville !

  Ce verset est précédé dans le texte par celui-ci, qui en explicite le sens :

   Je lui dis : Mon seigneur tu le sais. Et il me dit : ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau. (Trad. Louis Ségond)

  Il sera suivi de celui-ci :

  Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. (Apocalypse 22, 2 : id)

 

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III. La fontaine près de Lannelec, et le culte pour la guérison des enfants.

  - En 1910, l'abbé Peyron signale que le pardon se déroule "le dimanche le plus rapproché de la fête de saint-Matthieu" (21 septembre) et qu'à cette occasion " l'on y demande plus spécialement la santé des enfants, et à la procession du pardon, plusieurs mères, le cierge à la main, y conduisent leurs petits enfants. Non loin de la chapelle est une fontaine dite de Saint Vendal où les parents plongent leurs enfants atteints de rhumatismes."

  Le chanoine Pérennés donne à cette fontaine le nom de Saint-Venec et signale qu'elle est dépourvue d'édicule.

  Les cartes IGN, Cassini ou d'Etat-Major ne signalent pas de fontaine. L'office du tourisme de Pleyben signale cette fontaine Saint-Venec dans son site.

 

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SOURCES ET LIENS.

.— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

— AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . 

— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PLEYBEN.pdf

 

 

Mobilier :

Deux niches à volets historiés avec leurs statues en pierre polychrome du XVIe siècle : Vierge Mère allaitant, portant sur le rebord du manteau l'inscription : "Nre. dAME MRCIS PE. POVR...", sur la plinthe de la niche : "NOSTRE DAME de LANNELEC" ; sur l'unique volet, en bas-relief, l'Annonciation, la Visitation, la Nativité.

 

— INVENTAIRE GENERAL

 

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-notre-dame-de-lannelec/5e9eca66-2134-4fd9-8d43-bb9416344296

 

 

 

— LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

 

— PRIGENT, Christiane. 1981, Etude de quelques sculptures bretonnes influencées par les modes venues des pays nordiques. Dans : Bulletin de la société archéologique du Finistère, t. CVIII, 1981.

 — PRIGENT, Christiane, 1982, . Les statues des vierges à l'enfant de tradition médiévale: XVe- XVe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille  Prigent, Christiane. - [Université de Rennes] (1982)

 

— LECLERC (Guy), 2009, La statuaire de la Vierge au sein, Pleyben, chapelle de Lannelec, Bulletin Société Archéologique du Finistère Tome CXXXVII, 2008-2009 p. 411-412.

 

PERENNES (Henri ) , 1938, , Notice sur Pleyben , Bulletin Diocésain d'histoire et d'Archéologie 1938:

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf

Bretagne sacrée :

http://archive.wikiwix.com/cache/?

http://kergranit.free.fr/Textes/Lannelec.htm

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Published by jean-yves cordier - dans Pleyben Vierges allaitantes Bannières.

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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