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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 17:45

Église Saint-Pierre de Plonevez-du-Faou ;le choeur :

  les statues, les apôtres de l'autel.

 

  

      A gauche de l'autel, Vierge à l'enfant: 

  Certains traits (cheveux longs, poignets des manches cannelés) la rapproche du groupe des vierges allaitantes ; l'enfant est tourné à l'opposé de sa mère, les bras écartés, tenant une pomme-globe, vêtu d'une robe à galon doré.

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      A droite de l'autel, Saint-Pierre, en évêque ou en premier pape avec les sandales pontificales rouges, les chirotèques rouges.

statue-retable 0086c

 

  

      Le rétable des apôtres sur le maître autel :

   Selon le site topic-topos, ce serait le travail des menuisiers de la Marine aux arsenaux de Brest, qui trouvent dans l'art religieux des débouchés face à la diminution des commandes de navire.

  Les douze apôtres sont répartis en deux groupes de six dans des niches néogothiques, alors qeu le tabernacle hexagonal reçoit les statuettes des évangélistes.

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      De gauche à droite : saint Pierre et sa clef, Saint ? doté d'une plume, Saint Jean imberbe, Saint Matthieu avec une hache, Saint Simon et sa scie

statue-retable 0081cc

Deuxième groupe : Saint ?, Jacques le mineur avec le bâton de foulon, Philippe ? a l'attribut perdu, Thomas avec le T, Jacques le majeur et ses coquilles : finalement, j'y perds mon latin.

statue-retable 0085c

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Published by jean-yves cordier
12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 17:16

Église Saint-Pierre de Plonevez-du-Faou :

              le rétable.

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 21:18

    Église Saint-Pierre en Plonevez-du-Faou :

                     les sablières.

 

I. Les armoiries et éléments historiques :

1. Le blason de Plonevez du Faou.

  Il associe un rameau de chêne et une branche de hètre autour du lion du Porzay, surmonté de ce qui serait les armes de la famille Le Forestier de Kerazaen (qui sont de sable à trois bandes fuselées d'argent). La devise de la commune, Kaled evel an dero, euun e giz ar fao, "Solide comme le chêne, droit (ou franc) comme le hêtre", explique une partie du blason.

  J'ai plaisir à le blasonner comme un hérault d'arme : D'or au tourteau de gueules chargé d'un lion léopardé de champ, accompagné à dextre d'un rameau de chêne et à senestre d'un rameau de hêtre, le tout de sinople, fruité aussi d'or, leurs tiges passées en sautoir, au chef de sable chargé de sept fusées d'argent, la quatrième surchargée d'une moucheture d'hermine aussi de sable Ouf !

sabliere 4606c

2. Le blason pontifical

Il s'agit des armoiries du pape Pie XII (1939-1958), dont le long pontificat englobe la période de la première restauration des sablières en 1947 (cf infra)

Blason

sabliere 4579c



 3. Jean-Louis Seznec, recteur 1947 / A. Faucon-Dumont, Peintre, Pleyben

sabliere 4613c

4. Mrs Fily, recteur Mars 1980 / Entreprise Grison Plonevez du Faou.

      sabliere 4605c


5

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      6. Armoiries de la Marche , sr de Bodriec, de Poulforn et de Quistinic en Locqueffret

de gueules au chef d'argent.

Présentes sur la maîtresse-vitre de St-Herbot à Plonevez-du-Faou.

Information sur cette famille sur le site grandterrier : link

sabliere 4616c


  7. Armoiries de la famille de Berrien

d'argent à trois jumelles de gueules en franc canton d'or chargé d'un lion de sable

Présentes aussi sur le vitrail de St-Herbot en Plonevez-du-Faou, ou sur celui de la chapelle de Lannelec en Pleyben, ou de l'église de Brennilis.

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8. Armoiries de la famille de Rusquec

d'or à un chef d'azur, chargé de trois pommes de pin de gueules.

  que l'on retrouve aussi sur la maîtresse-vitre de St-Herbot.

sabliere 4629c

9. ??

sabliere 4610c

 

II. Les têtes.

On trouve des visages semblables en les églises voisines de Collorec et de Chateauneuf, deux anciennes trèves de Plonevez. Les premières femmes aux pommettes bien roses et aux lèvres fardées me semblent coiffées selon la mode de la deuxième moitié du XVIe siècle, avec la raie médiane et les cheveux ramassés sur les tempes en deux volumes qui a valu à cette façon le nom de coiffure en raquette. Puis viennent (je suis parti du milieu du bas-coté sud, progressant vers le fond de la nef, puis revenant par l'allée centrale jusqu'à la croisée du transept) des hommes coiffés de béret et des femmes qui ont passé un déguisement de mouton, et enfin des dames du temps jadis en coiffe courte ou mi-courte. Nous terminons en musique avec un joueur de trompe (ou d'olifant).


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Published by jean-yves cordier
11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 16:54

L'église Saint-Pierre de Plonevez-du-Faou

                 L'inscription gothique.

 

plonevez-du-faou 0023c

 


    Sous le porche sud, qui est fermé par des grilles, on remarque sur le mur du fond cette belle inscription à l'écriture soignée et aux creux rehaussés de peinture noire (entreprise Grison, 1980). Sa lisibilité est remarquable, et je m'attends à en trouver le relevé et la traduction sous la plume de tous les chanoines si attachés à notre patrimoine religieux, à commencer par Jean-Marie Abgrall qui a consacré à l'épigraphie des églises du Finistère une belle étude dans son Bullletin diocésain.

  Mais les informations ne sont pas légions, et ce qui semblait devoir intriguer le premier visiteur venu ne semble pas avoir fait couler beaucoup d'encre. Je me livre donc à en exercice personnel : Je lirais :

   Plebs . m'oz .  ecce  . nova . may . f~udoz . qoz . Certa . M: c~u : qiñqentis .  dñj .  currrntibz . annis

       1. La seconde ligne :

 Il n'est pas difficile de reconnaître l'abréviation de la formule d'usage domini currentibus annis, "en l'année du Seigneur", qui suit donc la date. On en déduit que M : c~u : quingentis, dont les termes sont séparés par le double point à la différence des autres, correspond à cette date. Il existe un motet nommé Mille quingentis : ce requiem de Jacob Obrecht pour son père Wilhem débute effectivement par une datation, Mille quingentis verum bis sex minus annis, "Mille cinq cent moins deux fois six ans" pour 1488 si je calcule bien. Je disposerais donc du sens de la deuxième ligne, en l'an du Seigneur mille avec cinq cent, ou : "en l'an du Seigneur 1500". Puisque cette deuxième ligne est riche en tilde et abréviations, je vais néanmoins vérifier mot à mot si ma "traduction" respecte la présence de ces signes abréviatifs: 


 M : c~u: qiñgentis : le tilde ~ remplace le m dans "cum" et remplace le u de "quingentis" :mille cum quingentis Mille et cinq cent.

dñj : d(omi)ni : du Seigneur

currrntibß : currentibus : dative et ablative de currens, "en courant", dans le cours de.

annis  : année.

Domini currentibus annis, formule habituelle  pour "En l'an du Seigneur"...

  -A noter, outre l'emploi du tilde, celui de l'abréviation qui ressemble à un z à la fin de currentibz. Dans l'écriture médiévale,  la terminaison en -us peut être transcrite par un signe en forme de 9, à l'exception de la finale en -bus qui se transcrit habituellement par un point-virgule ; . Ce z serait-il une forme graphique du point-virgule ?

 - J'admire les ornementations des jambages des lettres qui se placent en début et en fin de mot, et leur accentuation emphatique en début et fin de ligne.

  2. Je peux m'attaquer à la première ligne

Plebs. :"peuple", désigne la paroisse primitive "plou". On pense immédiatement au toponyme Plonevez, plou-nevez, ou plebs nova, d'autant que le mot nova survient plus loin.

m'o2. le genitif pluriel -orum ou -arum s'abrège par un dessin du r en forme de 2, coupé par une barre. Nous pouvons lire m'orum ; l'accent est peut-être là pour un e suscrit ce qui donnerait "meorum", les miens. 

ecce. : voici, voilà, ainsi.

nova : nouvelle ; (ecce nova est le début d'une phrase de l'Apocalypse, ecce nova facio omnia)

may : faut-il lire maii ? et traduire "du mois de mai" ? 

f~udo2 : fundorum : genitif pluriel de fundus,i, m "les biens fonciers, propriétés, domaines"

q°z : quo...

Certa. le r est barré : abréviation de er, donc Cererta ?

 Cette ligne ne livre pas son sens, mais je peux détailler les éléments épigraphiques :

  • pas de réglure, pas de cadre
  • Ponctuation : un point sépare chaque mot. (archaïque)

  •                 : un deux-point sépare les trois termes de la date

  • régularité des lettres (nova) qui se confondent au point de gêner la lecture dans currentibus et annis. Néanmoins l'écriture reste claire.
  • régularité des espacements
  • lettres ornées : P de Plebs, M de la date, m de meorum, d de fundorunt, d de domini, s de annis
  • pas de lettres conjointes
  • jambage inférieur bifide du q de qinquegentis et du q de qos,

 

L'écriture gothique décompose les courbes en une série de droites en introduisant des brisures;

elle commence au début du XIVe, s'étend sur tout le XVe et cède progressivement la place à

l'écriture humaniste au XVIe.


II. Où je découvre des éléments de réponse.

  Celui qui cherche finit par trouver : je découvre la notice des monuments historiques, qui

propose le relevé suivant : PLEBS MEO ECCE NOVA MAII FUDS GOS CERTA M CU QUINGENTIS

DNI CURRENTIBUS ANNIS

        Je suis déçu de ne pas trouver de traduction, mais aussi de constater le caractère rapide de la translation qui ne tient aucun compte des signes abréviatifs.

Puis je trouve l'article suivant : Yves-Pascal Castel Tanguy Daniel , Plonevez du Faou, Église

Saint-Pierre, inscription sous le porche sud, 1500, Bull. Société Archéol. Finist. CXXX, 2001 pp

163-164.

Les auteurs signalent successivement :

  • que Henri Waquet a qualifié l'inscription "d'illisible",
  • M. Charpy la dit écrite " en mauvais latin, incomplète et illisible",
  • René Couffon s'abstient même de la mentionner dans son Nouveau répertoire des églises 
  • l'abbé Feutren en a tenté en lecture en 1985, reprise en 1987.

L'abbé Feutren propose ceci : PLEBS. MEORUM. ECCE. NOVA. MAII. FUNDORUM. QUOQUE.

SEXTA.M. CUM QUINGENTIS. DOMINI. CURRENTIBUS. ANNIS.

  Les auteurs, particulièrement compétents dans le domaine de l'art religieux, en donnent la

 tentative de traduction suivante : "Peuple (paroisse) de mes

domaines (mes bénéfices ecclésiastiques), voici quelque chose de neuf (une fondation nouvelle),

le sixième jour de mai, mil, avec cinq cent années du seigneur qui courent (qui s'écoulent)."

   Ce texte a le mérite d'être l'une des premières traductions données, en 2001, à une inscription

pourtant spectaculairement mise en évidence en cette église; il respecte le sens de chacun des

mots, dans une traduction soigneusement littérale. Néanmoins, n'étant pas latiniste, je m'étonne

que l'on puisse traduire par "le sixième jour de mai" les mots maii et sexta qui sont séparés par

fundorunt quoque. Ne faudrait-il pas  sextus dies

 

  Dans leur conclusion, les auteurs, pas tout-à-fait satisfaits, suggèrent que les mots meorum et

fundorum ne sont pas obligatoirement exacts, et que les abréviations correspondent peut-être à

d'autres mots.

Je me pose la même question pour maii et pour sexta. Mais depuis 2001, aucun épigraphiste et

aucun médiévaliste ne semble être venu approcher la lanterne de la Science du porche sud de

Plonevez-du-Faou. 

 

  Il reste la date de 1500, qui est considérée comme la date de construction de ce

porche sud . C'est la partie la plus ancienne, le clocher à dôme et lanternon datant du XVIIe et

l'église ayant  été reconstruite en 1838.

  

 

III. Où je donne ma langue au chat :

calvaire 4744c

      Plonevez-du-Faou, chapelle St Herbot, calvaire.

 

 


 

 

 


Sources consultées :

Michel Parisse, Manuel de paléographie médiévale, Picard 2006.

Robert Favreau, épigraphie médiévale, Brepols 1997.


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Published by jean-yves cordier
10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 17:47

Église Saint-Pierre de Plonevez-du-Faou :

 

  Photographie d'un Incube ?


Sculptures de la facade nord, près de la porte latérale :

  C'est une sculpture curieuse, où une femme, nue mais ordinaire, ni sirène ni démone, supporte une créature démoniaque aux pattes griffues, aux longs doigts torves et à la chevelure luxuriante mais dont, heureusement, vous ne voyez pas l'horrible visage grimaçant (j'ai flouté l'image). 

  La scène est d'autant plus difficile à interprèter que la bestiole ne chevauche  son suppôt (du latin suppositus, "placé au dessous") qu'assis sur une selle-cathèdre dont je ne parviens pas à analyser l'anatomie postèrieure.

 

plonevez-du-faou 0028c

 

  Une vue frontale révèle mieux l'indolent abandon de la jeune fille  sous l'effet de la séance d'ostéopathie cranienne à laquelle se livre le terrible incube. L'envoûtement est complet, elle restera fidèle à son gourou.


 

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  Non loin de là, sa mère pense à sa fille perdue. Elle n'a plus que ses yeux pour pleurer.

plonevez-du-faou 0027cher

 

  Elle a été me chercher dans sa chambre la photographie du beau jeune homme auquel sa fille était promise : "Regardez : beau comme un dieu ! Et gentil avec ça ! Mais l'autre lui a chamboulé la tête, et elle ne veux plus rien entendre". 

 

plonevez-du-faou 0046c

 

  Dommage, non?

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Published by jean-yves cordier
12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 23:25

 

 Les reliques de Saint Thérèse de Lisieux

 

             exposées à la vénération des fidèles

 

               en l'Église Saint-Louis de Brest.

 

                                        Le reliquaire gothique.

 

    A la demande de Mgr Ravel,évêque du diocèse aux Armées, dans le cadre d'une tournée des aumôneries catholiques militaires de la zone Défense Ouest du 15 janvier au 24 mars, les reliques de saint Thérèse de Lisieux ont été acheminées jusqu'à Brest sous la vigilance de Pierre Josse, Aumonier du Groupement de gendarmerie : arrivées le jeudi 9 février en l'église Saint-Michel, elles ont été exposées à la vénération du public à l'Hôpital Inter-Armées avant d'être placées au centre de la nef de l'église Saint-Louis  dimanche 12 février lors de la Grand-Messe présidée par le Curé Doyen, le Père Claude Caill. Pas une place de banc n'est restée libre pour cette cérémonie où les militaires en grand uniforme, leurs épouses et leurs enfants écoutèrent l'homélie du Père Joseph Gstadler, aumônier de marine avant de venir très nombreux autour de la châsse pour y prier, placer une bougie votive ou la photographier.

 C'est la troisième fois que ces reliques viennent en Finistère, après 1947 et 2009.

   Il ne peut qu'être superflu de rappeler qui fut Sainte Thérèse de Lisieux, elle dont la statue est dans chaque église bretonne, celle qui est vénérée sur les bannières du Finistère (voir : Église de Plogonnec : statues et bannières.), celle dont les oeuvres autobiographiques ont été traduites en breton (revue Imbourc'h), celle dont tant de lycées bretons , tant d'écoles et de collèges portent le nom, celle enfin dont le livre Histoire d'une âmeeût une diffusion populaire extraordinaire.

   Disons simplement que Thérèse Martin rentra en 1888 au Carmel de Lisieux où elle prit le nom de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, qu'elle mourut en 1897 de la tuberculose, et que la sainteté de sa vie et la hauteur de sa spiritualité en fit l'une des plus grandes saintes du XXe siècle, la patronne des Missions, la seconde patronne de la France, reconnue Docteur de l'Église en 1997, et que son pèlerinage à la Basilique de Lisieux est le deuxième en France après Lourdes.

   Il paraît plus intéressant, face à certaines confusions parues dans la presse à l'occasion de l'évènement, de préciser ce que l'on entend par "reliques de Sainte Thérèse". Non que quelque colombe m'ai fait don de l'infaillibilité, mais pour partager mes efforts pour m'y retrouver entre Premier reliquaire, Grand Reliquaire, Reliquaire du centenaire, Châsse du Brésil ou Reliquaire Gothique, entre celui qui contient un fémur et un fragment de pied et celui qui contient une vertèbre. 

 

 

 

I. Le reliquaire gothique à Brest le 12 février :

    Il est placé sur un plateau doté de quatre poignées et de quatre bras escamotables, et protégé par un vitrage. Ce reliquaire est dit "gothique" en raison du travail néogothique de l'orfèvre, qui a réalisé uns sorte de basilique aux arcades de plein cintre surmontées de frontons triangulaires, séparées par des pinacles (arrêtez-moi si je me trompe...) ou tourelles au toit conique, pinacles ou tourillons que l'on retrouve aux coins de la galerie du petit clocher central. Les frontons sont décorés d'émaux quadrilobés, comme le socle. Le caractère gothique est aussi donné par les crochets en volutes foliées qui s'échelonnent le long des pignons, et par les pommes de pin couronnant les palmettes. ( Corrigez-moi, vous dis-je !)

  Cet ensemble en or remplit parfaitement sa fonction, celle d'inspirer le respect  et de marquer la valeur inestimable de ce qu'il contient.

 Des pierres prècieuses rouges, bleues, grenat, sont certies autour du socle.

ste-therese 9858c

 

   L'intérieur est composé de trois vitrines : dans les vitrines latérales, une tige sans épine s'évase en quatre roses d'or, pour évoquer le symbole cher à la petite  Thérèse et les paroles qu'elle prononçait avant de mourir : "oui, je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferais tomber une pluie de roses". Ou bien, elle écrivait dans un poème du 21 janvier 1897 :

"La joie se trouve dans mon coeur

Cette joie n'est pas éphémère,

je la possède sans retour.

Comme une rose printanière,

Je la possède sans retour."

  On pense aussi à la rose d'or que le pape Pie XI, ou plutôt son légat, déposa dans la châsse contenant le corps de Thérèse à Lisieux peu après la canonisation du 17 mai 1925.

 


ste-therese 9859c

   La vitrine centrale contient , suspendue par une chaîne à un médaillon crucifère, la relique de la sainte : c'est une vertèbre cervicale, et parmi les quatre vertèbre candidate (C3 à C6), il est possible qu'il s'agisse de la troisième vertèbre. 

 

  En effet, les minutes du Procès en canonisation de 1916 comportent les constatations de deux médecins, le Dr Alexandre Damasse de Cornière, chirurgien-chef honoraire de l'hôpital de Lisieux, et Paul Loisnel, médecin à Lisieux et chirurgien adjoint à l'hôpital. C'est ce dernier qui, dans sa déposition, précise qu'il a noté que toutes les vertèbres étaient intactes à l'exhumation, qu'il n'existait que onze vertèbres dorsales, mais "seule la troisième cervicale présente un trait de fracture au niveau de son apophyse transverse gauche." Et on constate sur la sainte relique un defect osseux entre les tubercules antérieur et postérieur du processus transverse.

 

  Ce détail n'en est pas forcément un puisqu'il atteste la relique, mais nous serons d'accord pour penser qu'il est bien secondaire pour le coeur du croyant.

 

   Au dessous de l'anneau d'or figure un médaillon à l'effigie de Sainte Thérèse, où elle figure tenant une croix et un bouquet, la tête auréolée de rayons ardents

ste-therese 9863c

 

 

 

  II. Les autres reliquaires.

 

  Le reliquaire gothique est celui qui est destiné à circuler en France parmi les diocèses. Il ne doit pas être confondu avec le Reliquaire du Centenaire, offert par les diocèses du Brésil.

J'emprunte cette image à http://marcdan.canalblog.com/archives/2011/06/07/21345160.html : au premier plan le "premier reliquaire", puis le reliquaire gothique, puis le reliquaire du Centenaire.

 reliquairesdestetherese

 

 1°) Le Reliquaire du Centenaire.

dit aussi "grand reliquaire" et reliquaire du Brésil"

 Il voyage depuis 1994 à travers le monde à la demande des évêques, allant ainsi en 2011 à Dakar, puis en Terre-Sainte de mars à juin, puis à Avignon, puis en Espagne, puis au Pérou.

 image : http://www.therese-de-lisieux.catholique.fr

Il est bien reconnaissable du reliquaire gothique car sa vitrine est ronde et qu'il a la forme d'un long dôme aux 9  arcades de plein cintre entourées de colonnades. Il pèserait 100 kg et mesurerait 1,20m.

 Il contient un fémur et une partie du pied droit.

 Il a été réalisé à la suite d'une souscription  collectée par le père Henri Rubillon s.j dans les diocèses du Brésil de 1920 à 1922 qui récolta la somme considérable de 55 000 contos de reis. http://marcdan.canalblog.com/archives/2011/06/07/21340350.html

   Grâce à cette collecte, un premier reliquaire fut réalisé par H. Brunet, orfèvre de Paris sur un projet de Charles Tardy, de Caen. Il est en argent, or, onyx et lapis-lazuli  et a fait le tour de France après la dernière Guerre, puis a circulé à nouveau à partir d'octobre 1994. Puis un second reliquaire a été réalisé  sur le même modèle, mais en bois de rose et argent doré, destiné à contenir les reliques sous le gisant de Thérèse dans la chapelle du Carmel. Les reliques elles-mêmes ont été placées dans ce reliquaire dans un coffret en argent massif doré. Ce deuxiéme reliquaire a été exposé dans la basilique de Lisieux pour la vénération des fidèles lors des manifestations du centenaire de la naissance de Thérèse en 1997, et c'est lui qui est nommé Reliquaire du Centenaire, et qui a circulé en 1998 dans tous les diocèses du Brésil.

 

2°) Le premier Reliquaire . 

 Aussi nommé "petit reliquaire"

  C'est le premier qui a été réalisé pour les processions du pèlerinage de Lisieux, celui qui fut vénéré par les légats du pape, tel le cardinal Pacelli, futur Pie XII. Il se déplace aussi, puisqu'il a honoré en 2011 l'aumônerie militaire de Paris puis N.D. des Victoires à Paris. http://www.therese-de-lisieux.catholique.fr/Calendrier-du-petit-reliquaire-Statue.html

 

 

3°) Le Reliquaire des Bienheureux Zélie et Louis Martin.

   Il contient les reliques des parents de sainte Thérèse. Il est placé dans la crypte de la Basilique de Lisieux. Il dispose comme les précédents d'un calendrier qui gère ses déplacements en France, ou parfois en Italie.

   Les Reliquaires de la Basilique de Lisieux.

 La Basilique possède une crypte, avec le reliquaire de Zélie et Louis Martin, et une basilique supérieure avec "un reliquaire dédié à Ste Thérèse", "offert par Pie XI" (Wikipédia) dont je trouve la photographie ici :http://www.flickr.com/photos/marc_dan/4499893896/in/photostream/

4°) Le Gisant de la Chapelle du Carmel de Lisieux :

  Dans la chapelle que connut sainte Thérèse, à laquelle on a ajouté la chapelle de la châsse et la nef latérale, se trouve le "gisant", statue de Thérèse sur son lit de mort réalisée en 1920 par Louis Richomme, le moine Marie-Bernard de la Trappe de Soligny : c'est celui où le légat du pape plaça la rose d'or. Il contient quelques ossements, mais la presque totalité des reliques est contenue dans un coffret placé sous la châsse. Ce coffret est promené en ostension le troisième dimanche de septembre dans les rues de Lisieux. Si j'ai bien compris, ce coffret est le premier Reliquaire, réalisé par Brunet à Paris grâce à la souscription brésilienne, mais je trouve des données contradictoires signalant que ce reliquaire serait en bois de rose;

 

Les reliquaires mentionnés par le Procès de canonisation.

    Celui-ci mentionne huit reliquaires présentés au tribunal , réalisés sauf erreur avant l'exhumation, et contenant :

  • La chevelure complète de Thérèse avant qu'elle soit coupèe pour la Vêture.
  • une petite dent conservée depuis 1884
  • des fleurs en cheveux,
  • 5 reliquaires de cheveux.

Face à l'afflux de pèlerins enthousiasmés par la lecture de l'Histoire d'une âme, ou attirés par les récits de conversion ou de miracles ( la guérison de la cécité de reine Fouquet, 4 ans, attira sur la tombe la future Edith Piaf, qui souffrait de kératite : elle fut guérie), des pèlerinages s'organisèrent à Lisieux.

Puis une première exhumation eut lieu le 6 septembre 1910 pour transférer la dépouille de la sainte dans un autre caveau.

  Le 10 août 1917, une deuxième exhumation en présence de deux médecins experts permit de placer les restes de la dépouille dans un coffret de chêne sculpté, lui-même placé dans un cercueil de palissandre doublé de plomb. C'est à cette occasion que les docteurs Alexandre Damasse de Cornière et Paul Loisnel firent les investigations anatomiques indispensables.

 La tombe de la sainte se trouvait donc toujours inhumé au cimetière de Lisieux. Le 26 mars 1923, il fut procédé au transfert des ossements, désormais considérés comme reliques, vers la chapelle du Carmel de Lisieux, accompagnés de 50 000 pèlerins, 200 prêtres guidés par Mgr Lemonnier. Le lendemain, le Tribunal ecclésiastique présidé par l'évêque de Bayeux procéda à la reconnaissance des reliques : après leur identification, elles furent placées dans le coffret d'argent et le coffret de bois de rose et conservés dans le soubassement en marbre du Gisant.

 

   J'ai cherché à réunir le mieux possible les informations nécessaires à ma compréhension de ce culte des reliques de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jèsus : je ne suis pas certain d'y être parvenu sans erreur : n'hésitez pas à m'aider par vos commentaires. Merci au site marcdan.canalblog.com.

 

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Published by jean-yves cordier
12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 13:44

                               Église Saint-Louis à Brest

                       Aigle-lutrin du XVIIIe

              Ange jouant du Serpent (instrument de musique).

 

   Après les lutrins de Guiscriff et de Bulat-Pestivien, Guiscriff : un lutrin anthropomorphe en costume breton.     Bulat-Pestivien : lutrin anthropomorphe en costume breton. voici un Aigle-lutrin de bronze doré, jadis offert par Louis XV à la ville de Brest pour l'ancienne église Saint-Louis, édifice de style jésuite de 1685 dont le nom honorait le roi. Ce lutrin porte (parait-il) la signature d'un fondeur ornemaniste parisien, Lecler, rue de la Ferronnerie, 1759. Ce cadeau était accompagné de six chandeliers et de deux candélabres et complétait un premier don de colonnes corinthiennes de marbre, provenant du temple gréco-romain de Lébida, près de l'actuelle Tripoli, colonnes dont Frézier avait composé un baldaquin pour le maître autel de marbre rouge. Le lutrin, les chandeliers et les candélabres de Louis XV ont été mis à l'abri pendant les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, et furent les rares pièces à venir témoigner des richesses de l'ancienne église.

  Ce lutrin est décrit comme une oeuvre de style rocaille, "dont le soubassement aux courbes élégantes s'épanouit par trois pieds en volutes où sont assis des angelots musiciens. Dans chaque panneau était enchâssé un médaillon (deux ont disparu). tout autour se déroulent rinceaux et guirlandes fleuries. Au dessus, le corps aminci du lutrin s'évase en un chapiteau ionique, couronné d'un aigle posé sur un globe". Je n'ai rien à ajouter, sauf la description du médaillon : il représente le roi Saint Louis portant la couronne d'épine (Hervé Calvez, Une visite de l'église Saint-Louis, 1918 ,http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/brest-calvez.pdf)

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         Mais je ne me rendais pas à Saint-Louis pour admirer l'aigle royal, fut-il bibliophore ou librofère, mais pour enrichir ma collection d'images de serpent. Et là encore, non pas pour satisfaire à une curiosité d'herpétologue, qui pourrait me démanger à mes heures, ou pour compléter la description de l'Ophiologie du Finistère, ambition ô combien louable, mais pour poursuivre ma découverte de cet instrument de musique cocasse voire aussi drolatique que les Contes du même nom, mais qui était aussi courant jadis dans le choeur de nos églises que le fut par la suite l'harmonium de nos mères, le synthétiseur de nos contemporains, soutenant de ses notes basses les voix séraphines des membres de la chorale. 

   Je rappelle ici que, dans la liturgie, le lutrin (lectorinum) est dédié aux livres de chant comme le Graduel, où sont les chants grégoriens, alors que l'on posera le missel (missale romanum) sur le pupitre placé sur l'autel, et les livres saints sur le légile. L'ambon est l'estrade, fixe, que le lecteur ou le chantre gravit pour s'adresser à l'assemblée. Mais combien d'évangéliaires, combien de lectionnaires se retrouvent placés sur le lutrin au lieu d'attendre sur la crédence, cette petite table  de service? 

    Le serpent, je le sais depuis ma découverte des Anges Musiciens de Bulat-Pestivien  Les vitraux de Bulat-Pestivien : les Anges Musiciens. est un instrument à vent de la famille des cuivres, figurant parmi les ancêtres de la famille avec ses contemporains la corne à bouquin, la sacqueboute ou la buisine, et dont la hauteur le classe pami les basses. Un cuivre n'est, au fond, qu'un tuyau, dont on n'obtient un son grave qu'en augmentant la longueur. Mais si le tuyau est long, les bras de l'instrumentiste, qui doit fermer de ses doigts les orifices des notes, ne le sont pas : on eut donc l'idée, vers 1590, de replier le dit-tube à la manière d'une couleuvre.

   On méconnaît trop la diversité des instruments de musique, et si Bobby Lapointe ne l'avait pas chanté, j'ignorerais tout de l'hélicon, que je confondrais avec le soubassophone. Si de son débit Bobby le beau a rendu gloire à l'hélicon, je souhaiterais pour ma part faire le blason du bigophone, que trop de gens confondent avec le téléphone sans savoir le tort qu'ils font au sieur Bigot qui l'inventa. Rien n'est pourtant plus simple que de fabriquer soi-même ce digne fils du mirliton en prolongeant d'un cornet de papier (ou de carton) un simple Kazoo avant de pouvoir jouer les différentes oeuvres que les auteurs ont inscrit à son répertoire. Mais attention, son usage est interdit dans les tramways pour risque de confusion avec l'avertisseur (ou klaxon) comme  la corne à bouquin ou le serpent. Au volant, le bigophone est proscrit, n'en déplaise à Romain Bigot. Mais si je fais ici état de son invention (1881), c'est par crainte que l'on ne le  confondisse (que vous ne le confondissiez) avec le Serpent, tant il est vrai que Pierre Larousse , dans son grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de 1890 précise que "on donne à volonté au bigophone la forme d'un serpent, d'une cheminée de locomotive, d'une trompe d'éléphant, d'un escargot gigantesque".

 Bigotphone 2.jpg 

(pour les mordus du bigophone c'est ici : :http://fr.wikipedia.org/wiki/Bigophone#cite_ref-GAITEF_13-3 )

    Quoique cuivre, le serpent est en bois mais recouvert de cuir. Il a la forme d'un S. Dans sa  Note sur le Serpent et l'Ophicléide [instrument qui lui succéda vers 1817 en dotant le serpent (ophis) de clefs (kleidos) ], Paul Garnault écrit " Le serpent était un tuyau de bois  formé de deux fragments évidés, collés ensemble et recouvert de cuir. Il était muni d'une embouchure en forme de bassin dans le genre des embouchures de trompette, mais naturellement plus forte. La note la plus forte était le La -1, au dessous de l'Ut 1 grave du violoncelle, sonnant à l'égal du trombone basse, mais le serpent était en général en si bémol avec une étendue de trois octaves, et il fut le plus grave des instruments à vent en bois jusqu'à l'invention du contrebasson (XVIIe siècle). [..., où P.Garnault mentionne une invention attribuée à Edme Guillaume en 1590 pour accompagner le chant grégorien, bien que le serpentone paraisse très connu en l'Italie dès le milieu du XVIe siècle, ] Si, d'un coté, le serpent du XVIIIe siècle accompagna les chantres au lutrin, aux processions et aux convois funèbres, d'un autre coté il doubla longtemps les trombones des musiques militaires; ces dernières et graves fonctions lui valurent l'estime et même la protection du Directoire."

Encyclopédie de la musique, A. Lavignac, Paris 1827

 

Berlioz utilisa le serpent dans le Dies Irae de la Symphonie fantastique. Mais succomba-t-il à ses charmes ? Je l'invite à cette tribune : 

 " Le timbre essentiellement barbare du serpent eût convenu beaucoup mieux aux cérémonies du culte sanglant des druides qu'à la religion catholique, où il figure toujours, monument monstrueux de l'inintelligence et de la grossièreté de sentiment et du goût qui dirigent dans nos temples l'application de l'art musical au service divin. Il faut excepter seulement le cas où on emploie le serpent dans les messes des morts, à doubler le terrible plain-chant : son froid et abominable hurlement convient sans-doute alors ; il semble même revêtir une sorte de poésie lugubre en accompagnant ces paroles où respirent tous les épouvantements de la mort et des vengeances d'un Dieu jaloux." ( Traité d'instrumentation, I : 230.).

Je  sens  mon auditoire impatient de découvrir le Monstre de l'inintelligence : le voici, aux mains d'un ange :

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      Les lettres de noblesse du serpent :

Marin Mersenne, Harmonie Universelle, contenant la théorie et la pratique de la musique, Volume 2, Livre 5, pages 278-282 Ed S. Cramoisy, Paris, 1636-1637 :

   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54710466/f485.image.r=serpent+serpens.langFR

 

... "Mais la vraie basse du Cornet se fait avec le serpent, de sorte que l'on peut dire que l'un sans l'autre est un corps sans âme.|...] Les musiciens ont inventé plusieurs instruments pour les méler avec les voix, et pour suppléer le défaut de celles qui font la Basse et le Dessus, car les chantres qui ont des basses assez creuses sont fort rares, c'est pourquoi on use du Basson, de la Sacquebute et du Serpent, comme on se sert du Cornet pour suppléer celles du Dessus, qui ne sont pas bonnes pour l'ordinaire. Or cet instrument se nomme le Serpent en raison de sa figure qui a des replis, comme l'animal qui porte ce nom, afin que la longueur qu'il aurait, s'il était tout droit, n'incommode point, car il a du moins six pieds de long, et celui sur qui cette figure a été prise a six pieds treize lignes, sans y comprendre la longueur du bocal, qui a demi-pied de long. Or on peut le faire de laiton, et de toute autre sorte de métaux, quoiqu'on le fasse ordinairement de bois de noyer, qui n'a que l'épaisseur d'une demie ligne, ou de quelque autre bois propre à cela ; et puis on le couvre de cuir, comme le cornet, pour le renforcer. Et parce qu'on a coutume de le prendre, et de le porter par le premier pli, on le nerve par dessous le cuir avec des nerfs de boeuf, de peur qu'il ne rompe. On le fait de deux pièces, que l'on colle après ensemble.


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  A montre le trou du Serpent, dans lequel on emboîte le bocal, qui est composé de deux parties, à savoir du bocal et de son col, ou de sa queue ; z-n représente l'embouchure, dont le trou est moindre que le trou de la tête du Serpent A, afin de contraindre l'air.

  Or le Serpent a six trous, par lesquels on lui donne l'étendue d'une Dix-septième, comme on voit aux notes qui sont à coté. Mais il faut remarquer qu'elle est divisée en trois parties, dont celle du milieu contient son étendue naturelle, et conséquemment la meilleure te la plus agréable. Or cette étendue se fait en bouchant premièrement tous les trous, afin de prendre l'ut de G ré sol, et puis en les débouchant l'un après l'autre jusqu' à ce qu'on soit arrivé à l'octave, qui se fait quand tous les trous sont ouverts.[...]

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 Or cet instrument est capable de soutenir vingt voix des plus fortes, dont il est si aisé de jouer qu'un enfant de quinze ans en peut sonner aussi fort comme un homme de trente ans. Et on peut tellement en adoucir le son qu'il sera propre pour joindre à la musique douce des chambres, dont il imite les mignardises et les diminutions, qu'il peut faire de trente-deux notes à la mesure, encore qu'il les faille éviter dans la Musique à plusieurs parties, parce qu'il faut simplement sonner ce qui est dans la partie qu'on entreprend de chanter, ni ayant que la seule descente de l'octave qui soit permise."

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       Si un joueur de bigophone s'appelle un bigophoneux, le joueur de serpent se nomme serpentiste. La pratique instrumentale, d'abord réservée à la liturgie, s'étudie dans les écoles de musique rattachée à un chapitre collégial ou cathédral, les psallettes ou maîtrises où les "enfants de choeur" apprennent en une douzaine d'années (jusqu'à l'age de la mue) toutes les techniques musicales nécessaires à la liturgie, y apprenant le grégorien, le chant polyphonique, la pratique d'un instrument : orgue, clavecin, serpent, basson, basse de viole . A sa sortie de la maîtrise, le jeune, s'il ne devient pas ecclésiastique, ou chantre professionnel, organiste ou maître de choeur deviendra souvent le serpentiste attitré de sa paroisse.

   C'est donc un peu rapidement que j'ai décrit ces trois joueurs assis au pied du lutrin comme des angelots : après-tout, il est possible de les considérer comme des enfants de choeur, mignons, charmants, certes légèrement vêtus mais aussi dépourvus d'ailes que vous et moi.

  Le Serpent double donc, comme l'a écrit Mersenne,  le chant de basse, souvent défaillant  dans les offices ou les chorales : sa puissance permet de rééquilibrer la masse sonore avec les aigus et sert aussi de basse continue. Mais le plus souvent, le serpent est le seul instrument dans les paroisses et sert soit à accompagner le chant grégorien (plain-chant) à l'unisson quand il n'y a qu'un seul chanteur, soit s'il y a deux voix,  pour faire des combinaisons pour le chant, recherchant des harmonies, parfois le contrepoint, ou des ornementations de petites variations et même de légères improvisations.

  

  La première méthode de serpent est celle d'Imbert de Sens, en 1780.

  Après la Révolution, l'organisation des Conservatoires imposa la rédaction de méthodes agrées pour chaque instrument, et ce sera celle de Gossec, en l'an VIII  et de l'abbé Nicolas Roze ( 1745-1819). Citons aussi la Méthode de serpent et de serpent à clef à l'usage des églises proposée en 1816 par Hermenge, ancien serpentiste de la Chapelle Royale de St Germain-L'Auxerrois.



 

III. L'ange joueur de basson.

   Parmi les trois anges du trépied, le troisième a perdu son instrument. Le second joue du basson, et puisque ce lutrin date de 1759, il s'agit d'un instrument rudimentaire.

   C'est sous Louis XIV que le jeu du serpent, qui servait à gonfler les basses, sera associé au basson pour un timbre plus équilibré. Le jeu sera parfois assez contrapunctique 

  Le basson, aussi appelé tarot, et surtout fagot ou fagotto, est un  long tuyau de bois précieux (palissandre ou érable) plié en deux (comme un fagot), et apparu en Italie vers 1546. Marin Mersenne, qui vient de nous présenter le Serpent, consacre ses pages 298 à 303 aux " bassons, fagots, courtauds, et cervelas de musique" (Harmonie Universelle, Paris 1636)http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54710466/f501.image.r=basson.langFR  avec la figure ci-dessous :

basson-marin-mersenne.png

        Le 18e siècle, date de ce lutrin, est une époque où l'instrument évolue beaucoup, et où il joue un rôle important; Vivaldi compose près  de 40 concertos pour basson. C'est l'époque où, comme le montre notre putto, l'instrument se joue main droite en bas et main gauche en haut. Les instruments présentés par Mersenne disposent de différentes clefs, le premier à gauche ayant une clef pour fermer le septième trou.

  Ici, je ne vois pas l'anche ou le bocal (perdus en raison de leur finesse ?) ; je pense voir six trous, et une clef inférieure, mais je ne suis pas connaisseur. Enfin, l'extrémité de la branche ascendante, ou bonnet, n'est pas évasée, et paraît étroite.


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        A la fin du XVIIIe siècle, les orchestres d'harmonie s'étofferont et on ressentira le besoin de renforcer le registre grave : le serpent et le basson sonnant assez faiblement face aux clarinettes, cors, trombones, on cherchera à faire évoluer le serpent vers la basso profundo et en faire un instrument contrebasse, donnant naissance au basson russe, au serpent-basson, au serpent  militaire, au basson Forveille et à l'ophicléide, voire l'ophimonocléide puis enfin aux basses d'harmonie. 

 

Mais quel est le troisième instrument, manquant ? Une basse de cromone ? un cornet à bouquin ? Une flûte ? inventez le ici :

  3. Le troisième ange :

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  Il a désormais le plus beau rôle : jouer, dans les oeuvres de Mozart, "le silence qui suit l'achèvement du morceau et  qui est encore du Mozart".

Sources :

Pour le serpent, le site incontournable :

 

http://serpent.instrument.free.fr/main/activite/recherches/historique.htm

En complément : compte-rendu du colloque du CNRS Le Serpent sans sornettes de septembre 2011 : 

http://rp-archivesmusiquefacteurs.blogspot.com/2011/11/compte-rendu-du-colloque-le-serpent.html

  Sur les méthodes de serpent au XIXe :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k123724v/f286.image.r=serpentiste.langFR


 


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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:45

 

 

 

           Les Vierges allaitantes du Finistère :

       Notre-Dame de Tréburon et ses dauphines.


 

   Si lavieb-aile se permet de titrer cet article Virgo lactans ou Miss Néné, ce n'est certes pas (ah ça non !) par goût malsain de provocation ou par un effet de cet esprit espiègle légué par le Pr lavieb, ni pour se livrer à des propos inconvenants ou pour profaner ce qui doit être respecté, mais parce que les sculptures de Vierges allaitantes ont toujours jouées  d'une ambiguïté de leur thème iconographique, de l'oppositorum coinsidentia censé provoquer un élan mystique en  confrontant la divinité hiératique de la Vierge avec la trivialité de sa maternité. Ambiguïté pleine d'attraits pour les fidèles qui retrouvaient ici une figure de déesse de la fécondité, de Magna Mater, de Venus Gemetrix, d'Isis lactans nourrissant Horus, d' Artémis d'Éphèse allaitant l'humanité par ses multiples seins. Mais ambiguïté irritante pour l'église, pour ses prêtres, ou pour des chrétiens pudiques qui tentèrent d'écarter, de voiler, de re-vêtir, voire de détruire ou d'enterrer (comme nous le verrons à Kerluan) ces attributs déplacés en reprenant l' injonction de Tartuffe à Dorine: "Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées" (Molière,Tartuffe, acte III, scène II, 860-862). Ambiguïté enfin pour un observateur contemporain, naviguant entre l'écueil de déceler abusivement les origines pré-chrétiennes des icônes chrétiennes, celui de projeter un jugement esthétique sur ce qui fut avant tout une manifestation de foi, et celui de dénoncer le tartuffisme et la pudibonderie de clercs dévoués et convaincus de leur rôle.

   La fabrication de ces images peintes ou sculptées s'étend principalement du XIIème et surtout du XIVème au XVIème siècle, s'arrêtant en théorie après qu'en décembre 1563 le Concile de Trente ait décrété : "Le Saint Concile défend que l'on place en une église aucune image qui rappelle un dogme erroné et qui puisse égarer les simples. Il veut qu'on évite toute impureté, qu'on ne donne pas aux images des attraits provocants". Mais si les images ne furent progressivement plus fabriquées, celles qui existaient et qui ont échappé à la grande destruction qui a fait passer à la trappe tant de jubés, tant de vitraux, tant de sculptures ont continué à être l'objet de la dévotion populaire.

  Le développement de ces Maria lactans s'accompagna aussi  de représentations de Vierges gravides ou Vierges de l'Espérance, se plaçant également à la limite des dogmes théologiques. Et il s'accompagna aussi d'autres manifestations du culte du Lait de Marie : Grotte du Lait à Béthléem dont la poudre calcaire devient "relique du Saint-Lait"; légende de Saint-Bernard recevant trois gouttes de lait  de la Vierge alors qu'il compose le Salve Regina ; légende de Saint Fulbert, évêque de Chartres, guéri du mal des ardents après que Marie ait déposé sur ses lèvres une goutte de son lait ; fioles du lait de la Vierge conservées en relique dans de multiples sanctuaires d'Europe, comme à Rome, Gênes,Venise, Naples, ou comme à Paris, à Amiens, à Reims, à Chartres où le lait aurait été recueilli sur les lèvres de Fulbert, fioles vénérées pour leur capacité à guérir les épidémies, à soigner les affections du sein ou de donner du lait aux nourrices mais qui furent si nombreuses que Calvin en dénonça le commerce dans son traité des reliques , écrivant : "Tant y a que si la Sainte Vierge eût été une vache, ou qu'elle eût été nourrice toute sa vie, à grand-peine en eût-elle pu rendre une si grande quantité".

  Fondement théologique du culte rendu à la Vierge allaitante.

   Ce culte trouve peut-être son fondement  dans la citation de l'Évangile de Saint Luc, "Or il advint, comme il parlait ainsi, qu'une femme éleva la voix au milieu de la foule et lui dit : Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins que tu as sucés !" (Bible de Jérusalem, Luc XI, 27), bien que Jésus rétorque à cette femme "Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent" (Luc, XI, 28), ce qui condamne indirectement l'idolâtrie des organes maternels féconds et justifie le recentrage vers l'étude des textes et vers la pratique évangélique.

  Aucun évangile canonique n'évoque que la Vierge donne le sein à son enfant; et la virginité de Marie semble en contradiction avec la possibilité de l'allaitement.

Au IIIème siècle, Clément d'Alexandrie en est convaincu, lorsqu'il écrit :" Cependant, si les femmes qui accouchent, en devenant mères, deviennent sources de lait, le Seigneur-Christ, fruit de la Vierge, n'a pas déclaré bienheureuses leurs mamelles; il ne les a pas jugées nourricières : lorsque le Père plein d'amour et de bonté pour l'homme a répandu la rosée de son Logos, alors il est devenu lui-même la nourriture spirituelle des hommes vertueux.  Quel étonnant mystère !Il y a un seul Père de l'univers, un seul Logos de l'univers, et aussi un seul Esprit-Saint, partout   identique. Il y a aussi une seule vierge devenue mère, et j'aime l'appeler l'Église. Cette mère, seule, n'eut pas de lait parce que, seule, elle ne devint pas femme ; elle est en même temps vierge et mère, intacte en tant que vierge , pleine d'amour en tant que mère ; elle attire à elle ses petits enfants et les allaite d'un lait sacré, le Logos des nourrissons. elle n'a pas eu de lait parce que le lait, c'était ce beau petit enfant, bien approprié, le corps du Christ : ainsi nourrissait-elle du Logos ce jeune peuple que lui-même le Seigneur mit au monde dans les douleurs de la chair et qu'il a lui-même emmailloté de sang Précieux" (Le Pédagogue, Livre I, chap. VI, cité par www.mariedenazareth.com)

  En 649, la maternité virginale est érigée en dogme après le Concile de Latran. Puis il est admis que si, vierge, Marie a enfanté, alors vierge elle a allaité, et Marie nourricière de Jésus devient Marie Mère  et nourricière de l'humanité : sous les noms de Panagia galaktotrophousa ou  Mlekopitatelnitsa des icônes orthodoxes, Madonna del latte des primitifs italiens, Vierge Nourrice ou Vierge au lait, les Vierges allaitantes sont représentées et vénérées.

   La théologie de l'incarnation, (qui affirme que Dieu est devenu homme en la personne du Christ et que par conséquent si celui-ci est pleinement Dieu, il est aussi pleinement homme) a inspiré aux artistes les thèmes de la Nativité et de l'Annonciation tout autant que le naturalisme de la Renaissance qui donne à voir les personnes divines dans leur aspect humain. Ainsi Albrecht Dürer lorsqu'il peint cette Vierge à l'Enfant endormi (Triptyque de Dresde, v.1496, Dresde Gemäldegalerie) fait paraître la Vierge dans une attitude maternelle très prosaïque. (je note aussi les longs cheveux défaits, qui participent à cette humanité presque triviale de Marie, et que nous retrouvons dans les sculptures bretonnes de Vierges allaitantes.)

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Les Nourrices bretonnes et le culte de la Vierge allaitante.

   Autour des différentes statues de Vierge allaitante, on retrouve très fréquemment la mention de leur vénération par des mères nourrices demandant par leurs prières d'obtenir plus de lait pour nourrir leurs enfants.

1. allaiter son enfant.

En avoir ou pas ? La question était cruciale à l'époque où seul l'allaitement au sein était envisageable, et où une poitrine trop sèche condamne l'enfant à la mort, à moins de trouver une nourrice. Ce n'est qu'en 1892 que Budin et Chavane, à l'Hopital de la Charité de Paris, firent l'essai sur 102 enfants d'un allaitement au lait de vache stérilisé, initiant un grand et rapide mouvement irréversible d'institution du recours au biberon de lait stérilisé. Mais auparavant, pour nourrir au sein un enfant jusqu'au sevrage (deux ans en moyenne dans la première moitié du XIXème siècle en France, jusqu'à 4 ans ou plus  selon Van Gennep ), à une époque où la mortalité des femmes en couche était élevée (1 à 2% en France au XVIIIème) il fallait faire appel dans les villages à la solidarité paysanne créant un réseau de "frères et soeurs de lait".

  Précisons qu'une mère allaite son enfant pendant trois heures par jour.

   En 1900, 95% des enfants du Finistère étaient allaités au sein, (contre 62% en Morbihan, 41 % en Côtes-du-Nord et 2% en Ille-et-Vilaine), et ils étaient encore 60% en Finistère en 1911-1913. Sur le plan national, 63% des enfants étaient nourris au biberon à la fin du XIXème, et 94% en 1925-1926, ce qui n'exclue pas le recours à "des nourrices sèches" se louant "au biberon" et élevant alors plusieurs enfants.

  Les biberons existait bien-sûr, comme ces biberons en bois tourné ou ces cornets à allaiter confectionnés dans une corne de vache, visibles ici :link, et que l'on remplissait de lait de chêvre, de brebis ou, pour les enfants de noble, d'anesse, ou d'une bouillie. Le lait de vache n'était donné qu'à l'enfant plus agé. Mais, comme l'écrit avec esprit le Dr Alexandre-Bidon ici :link, cet allaitement artificiel n'était jamais "qu'un pis-aller" !

 

     2. Devenir nourrice.

  Jean-Jacques Rousseau confiant ses enfants à une nourrice, Madame Bovary plaçant sa fille Berthe chez Madame Rolet, il était courant au XVIII et XIXème siècle de confier son enfant à une nourrice, (12% des enfants en France à la fin du XIXè) et c'était même, dans les familles aisées, un signe de supériorité sociale d'afficher sa nounou, sa nurse, au large bonnet enrubanné. On distinguait la "nourrice sur lieu", qui vivait dans la famille de l'enfant , et la "nourrice à emporter", qui accueillait l'enfant chez elle. En décembre 1874, la loi Roussel légifère sur la protection des enfants en nourrice, imposant par exemple par son article 8 qu'une mère attende sept mois avant de cesser d'allaiter son propre bébé pour devenir nourrice, article largement transgressé (dans près de 90% des cas entre 1876 et 1886) lorsque les jeunes mères délaissaient leur propre enfant pour nourrir contre finance celui d'autrui. 

  Ce furent d'abord les picardes, les morvandelles et les bourguignonnes qui furent nombreuses à rejoindre la capitale (Bécassine porte un costume plutôt picard) avant d'être rejointes par les bretonnes, et en 1901, elles étaient 5760 à Paris. 

   3. avoir du lait.

  Voilà la grande affaire : avoir du lait, et que ça dure ! Lorsque la source se tarit, que faire?  En France, s'adresser à Sainte Agathe (au nom proche du grec galaktos ( en grec "lait") ou de Galathée), la sainte aux seins coupés ou à Sainte Alaithe en se rendant à Lys (Nièvres) où elle est fêtée le 5 février ; ou à Sainte Brigitte ; où à Sainte Barbe qui eut les seins arrachés à la tenaille; ou à Sainte Balsamie, la nourrice de Saint-Rémi nommée Sainte Norrice puis Sainte Nourrice; ou à Nantes, où on priait Notre-Dame de Crée-Lait.

  En Bretagne, il faut se rendre le premier mai au "pardon des nourrices" à Gestel (56) prier Notre-Dame de Kergornet, qui a aussi une chapelle à Pont-Aven. 

Mais en Finistère, pour être une bonne laitière c'est une autre affaire et si on ne veut pas rester à sec on se rend à Gouezec ou à Briec.

 

   Notre-Dame de Tréguron et ses dauphines :

 

En Finistère, dans l'arrondissement de Chateaulin, neuf statues  de Vierges allaitantes en pierre polychrome sont réparties dans un rayon de 15 km autour de Cast, datant du XVI et XVIIème siècle et répondant toutes si fidèlement à un modèle commun que l'on évoque le travail d'un atelier unique.

  Outre leur datation approximative (aucune date inscrite, une date de 1654 sur le socle à Tréguron) du fin XVI-début XVIIème corrigé à mon sens pour le dernier quart du XVIe, leur matériau (granit, kersanton), et leur théme ( Vierge allaitante), elles ont en commun leur taille (grandeur nature, 1m62 à 1m68), leur longue chevelure retenue par un large bandeau caractéristique (sauf à Saint-Venec, où la Vierge porte un voile, et à Locronan), leur vêtement (un corselet dégrafé), mais elles différent par la posture de l'enfant (seuls ceux  de Tréguron-Gouezec et de Saint-Venec sont en train de téter), la posture  maternelle (assise à Tréguron, debout ailleurs), les seins dévoilés (les deux à Tréguron, le sein gauche à Saint-Venec, le sein droit ailleurs), et par la présence éventuelle de lait ( visible à Tréguron et à Kerlaz, absent ailleurs), laquelle s'associe à une tenue du sein entre la paume de la main et le pouce, alors que les autres Vierges présentent le mamelon entre l'index et le majeur.

  Ce sont :

-Notre-Dame de Tréguron, chapelle de Tréguron, Gouézec.

-Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Venec, Queméneven.

-Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Quillidoaré, Cast.

-Notre-Dame de Kergoat, chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéménéven.

-Notre-Dame de Tréguron, église Saint-Germain, Kerlaz.

-Notre-Dame de Kerluan, chapelle Notre-Dame de Kerluan, Chateaulin.

-Notre-Dame de Lannelec, chapelle de Lannelec, Pleyben.

-Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Bonne-Nouvelle, Locronan.

-Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Denis, Seznec, Plogonnec.

auxquelles j'ajoute deux vierges allaitantes plus petites, celle de la fontaine de Tréguron à Gouezec et celle conservée dans l'ossuaire de Pleyben,  ce qui ferait un total de 11 statues.





 carte

 

Notre-Dame de Tréguron, chapelle de Tréguron, Gouézec:

Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges. 

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Vierge allaitante Mamm al leiz de la fontaine de Tréguron :

treguron 9181cc

 

Notre-Dame de Tréguron, Chapelle Saint-Venec, Briec.

Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec. Notre-Dame de Tréguron et les autres statues.



DSCN2306cc

 

Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Quillidoaré, Cast :

Vierges allaitantes III : Chapelle de Quillidoaré à Cast, la Vierge.. 


 cast-quillivoare 8727c

 

Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéménéven:

Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la Vierge.

 

vierge-allaitante 8783cc

 

 

 

Notre-Dame de Tréguron, église Saint-Germain, Kerlaz :

Vierges allaitantes IV : Kerlaz, la Vierge.

 

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Chapelle de Kerluan, Chateaulin :

Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin : la Vierge ressuscitée

 

 

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Notre-Dame de Lannelec, chapelle de Lannelec, Pleyben

Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

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Vierge enterrée de l'ossuaire de Pleyben :

353px-Pleyben Vierge allaitante XVIe sièclePhoto Henri Moreau sur Wikipédia

Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, chapelle de Bonne-Nouvelle, Locronan. Sans date.

Vierges allaitantes IX : Chapelle de Bonne-Nouvelle à Locronan.

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Notre-Dame de Tréguron (?), chapelle Saint-Denis à Seznec, Plogonnec. sans date, niche de 1682.

seznec 5420c

On peut y ajouter, dans le même périmètre, la sculpture en ronde-bosse de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal ; mais nous sortons alors de notre sujet.

st-sebastien-st-segal-9091c.jpg

  De même on trouve dans le Léon à Plougoulm, et n'appartenant pas au groupe précédent, cette statue:

plougoulm-9497c.jpg

Ou bien encore, je peux citer aussi la Vierge ouvrante de N.D du Mur en l'église Saint-Matthieu à Morlaix, ou la Vierge allaitante de la chapelle Sainte-Marine à Combrit : Chapelle Sainte-Marine à Combrit : la Vierge allaitante et la bannière Le Minor.:


 vierge-allaitante 2597c

  Les photographies précédentes sont la propriété exclusive de lavieb-aile.

 

   Bien-sûr, ces images rappellent immédiatement d'autres, celles de la favorite du roi Charles VII, Agnes Sorel peinte par Jean Fouquet (1420-1480) :

Fichier:AgnesSorel3.jpg

D'après Jean Fouquet, portrait d'Agnes Sorel, château de Loches.

Fichier:Agnes-sorel1.jpg

Jean Fouquet, Madone entourée de séraphins et de chérubins, 1452, Musée Royal des Beaux-Arts, Anvers.

 

   Si on cherche à retrouver la forme du corselet lacé s'ouvrant en large V par un soufflet sur le sein ainsi dénudé, on le retrouve, vers 1507 dans les différentes versions de la Sainte Famille de Joos Van Cleve, qui présentent un autre point commun avec nos sculptures, la longue chevelure dénouée : Ce peintre actif à Anvers entre 1511 et 1525 séjourna vers 1530 à la cour de François Ier dont il fit le portrait. Les échanges entre le Finistère, au commerce maritime très actif, et Anvers, sont parfaitement établis.

 

Joos Van Cleve, Sainte Famille, Metropolitan Museum of Art :

The Holy Family


Joos van Cleve, Vierge à l'enfant, v.1528, Fitzwilliam Museum :

Featured work


 

 Quant à l'association de la longue chevelure, du thème de l'allaitement et de la posture de la main présentant le mamelon entre l'index et le majeur, on le retrouve dans la Vierge à l'écran d'osier de Robert Campin, National Gallery de Londres, 1430.

 

 

Le même peintre a aussi représenté une vierge allaitante en position debout dans ce tableau : Vierge  debout, (v. 1410), Städelsches Kuntinstitut, Francfort.

 robert-campin-vierge-debout.png

 

En comparaison, un tableau photographié à Sienne à la Pinacothèque ,par Bernardino Fungai (1460-1516) :

 DSCN6202c

 

Les avatars des allaitantes.

  Dans l'imagerie chrétienne, la nudité est assimilée au péché, en lien avec le récit du péché originel en Genèse 3, "les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils en firent des ceintures" (Bible Louis Segond) (Cette feuille de figuier est l'origine de la "feuille de vigne"). Ainsi, dans cette imagerie, l'enfant Jésus ne fut figuré nu qu'à partir de 1400 ; de même, dans la peinture et la statuaire, seul Saint-Sébastien, l'exception qui confirme la règle, était représenté torse nu. Quand au Christ en croix, il est toujours porteur d'un perizonium ou pagne de pureté. Chez la femme, c'est Marie-Madeleine qui autorise la nudité, pour évoquer autant sa nature de pécheresse (repentie) que son statut de "femme des bois" vivant en ascète à Sainte-Baume. Mais dans ce cas, la longue chevelure permet un voilage partiel de la chair:

 

Gregor Ehrart, Marie-Madeleine, Musée du Louvre, début XVIè : Wikimedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Erhart-madalena.jpg

Fichier:Erhart-madalena.jpg

 

Sainte Madeleine, Sienne, pinacothèque :

Photographie lavieb-aile :

DSCN6234c

Sienne, pinacothèque : deux autres exemples (on excusera mes mauvaises images)


DSCN6189c    DSCN6191c


  De 1400 à 1530, la nudité fut représentée plus librement, et en 1424, Masaccio n'hesita pas à peindre Adam et Éve expulsés de l' Eden dans leur nudité naturelle. (En 1680, Cosme de Médicis en fut offusqué et fit recouvrir les parties honteuses par des foglia di fico.) Le David de Michel-Ange est représenté nu, et le même artiste orne le plafond de la chapelle Sixtine de personnages nus.

  En 1530, la décision du Concile de Trente de supprimer des églises les représentations choquantes entraina une reprise des oeuvres d'arts jugées licencieuses : on connaît le fameux "braghettone", surnom de Daniele da Voltera qui fut chargé de dissimuler les parties génitales peintes par son maître Michel-Ange par des "repeints de pudeur".


 

  Témoin de cette ambiguïté qui leur est propre, ces statues de Virgo lactans ont été confrontées à divers traitements visant à atténuer l'effet de leurs charmes, tant en Finistère qu'ailleurs en France. Ainsi, à Combrit, la vierge allaitante de la chapelle Sainte-Marine se trouva pourvue d'un petit voile de pudeur, placé jusqu'en 1980 au pied de la statue pour masquer le sein virginal pendant la messe. De même, à Nancy, Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, une vierge allaitante du XVéme siècle, brisée en 1792, fut restaurée au Concordat en meulant le sein coupable et en sculptant par dessus une tunique, tandis que la tête de Jésus était recollée en la désaxant pour que la bouche ne soit plus dirigée vers le téton...(source :wwww.introibo.fr).

   A Fougères, la statue de Notre-Dame des marais fait l'objet d'une vénération intense après avoir été perdue au XIème siècle et retrouvée dans un marais au XIVème siècle. 

 JPEG - 7.8 ko      Notre-Dame des Marais, à Fougères, lors du Pardon annuel, avec son manteau d'hermine...

http://www.soeurs-christredempteur.catholique.fr/Pardon-de-N-D-des-Marais-a

Cette vierge au sein , lorsqu'elle est portée en procession, est habillée d'un grand manteau bleu et blanc très enveloppant.

A Trèguron, selon Annick Le Douget, la statue de la Vierge était drapée jusqu'aux années 1950 afin de cacher "son impudique poitrine".

 http://www.cc-paysfouesnantais.fr/var/cc_paysfouesnantais/storage/original/application/phpkPxYwd.pdf

 

  Le même auteur nous révèle que la statue de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle de Quillidoaré à Cast était habillée, ainsi que son enfant, d'un costume breton. Mais comme le bras droit qui présente le sein sur la statue ne s'intégrait pas à la nouvelle posture de sage paysanne endimanchée, un bras postiche avait été ajouté. A la page 7 de Chapelle Notre-Dame de Clohars-Fouesnant : la tradition de l'habillement de la Vierge du Drennec, Annick Le Douget, sd., on en voit la photographie prise en 1939 par Octave-Louis Aubert; et j'ai même l'impression que ce sont les deux bras qui sont factices, afin de les croiser pieusement sur le ventre.

  Guy Leclerc, dans Les enclos de Dieu, ed. Gasserot, 1996, p. 26 signale qu'en Bretagne les statuts diocésains prescrivaient que ces statues allaitantes soient enfouies dans les cimetières.

On peut penser que la plupart des neuf statues de vierges allaitantes présentées ici étaient soient voilées, soit habillées, soit cachées dans des niches. Je remarque que le sein de celle de Quillidoaré est peint d'un voile de pudeur (peu visible car de couleur rose, mais qui prend l'allure d'une chemise au niveau du col) semblable à celui, plus visible car de couleur bleue, de la Vierge de Kerlaz : le non-sens de cette couche de peinture bleue constellée d'étoiles d'or  alors qu'il recouvre un sein anatomiquement et manifestement nu et dont le mamelon laisse s'écouler trois gouttes de lait, ne choque pas le premier regard tant la consigne de pudeur est intériorisée par le spectateur ! 

  A Seznec, un gilet à rayures jaunes et rouges est peint sur l'organe illicite.

  Enfin, on lira l'histoire de la statue de vierge allaitante de Kerluan, qui fut enterrée par le recteur dans l'église sous le lourd socle d'une nouvelle statue tout-à-fait "religieusement-correcte".

 

 

      Autres vierges allaitantes en Bretagne: 

-Chapelle Notre-Dame du Traon, Plouguerneau

-Quimper, vitrail Cathédrale Saint-Corentin http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6985812.html

Combrit, sainte-Marine : http://fr.topic-topos.com/vierge-allaitante-combrit

Dinan : http://ns6899.ovh.net/vierge-allaitante-dinan

Plougoulm (?) http://fr.topic-topos.com/vierge-allaitante-plougoulm

Plouha (22) Chapelle Kermaria an'Iskit : statue de bois peint du XVIè, classée MH 1960, curieusement intitulée "piéta" dans l'article Wikipédia :http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Kermaria_2_Pi%C3%A9t%C3%A0.JPG

Pont-de-Buis les Quimerc'h, sur une croix monumentale :http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=MERIMEEIA29000040

Quimperlé :http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Quimperl%C3%A9_02_Eglise_Notre-dame_de_l'Assomption_Viege_%C3%A0_l'enfant_allaitante.JPG

 

Tonquedec : virgo lactens signalée par Pierre-Yves Castel : chapelle.

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:40

                        Vierges allaitantes I :

        Notre-Dame de Tréguron à Gouezec.

     A : Tout sur la chapelle, à l'exclusion des Vierges allaitantes.

 La chapelle de Tréguron, fondation seigneuriale aux XVI-XVIIème siècles des familles Poulmic, La Bouexière, Coetanezre et Kervern, se trouve à 3 Km au NO de Gouezec (Finistère). Bâtie au XVIéme siècle, reconstruite au XVIIème avec la construction en 1653 d'un chevet Beaumanoir (du nom d'architectes morlaisiens du début du XVIè), elle comprend une nef avec collatérale nord, un transept et une abside, et un clocher gothique. La sacristie octogonale, reliée à l'abside, est datée de 1758. A une centaine de mètres en contrebas, une fontaine du XVIè abrite une statue de Vierge allaitante. 

  Le pardon a lieu le deuxième dimanche de septembre.

 

  Si la reine épanouie et radieuse de cette chapelle est, bien-sûr, Notre-Dame de Tréguron, je ne vais pas aller à dame recta mais je vais m'attarder, muser, scruter les détails, nourrir ma curiosité de tout le miel que je pourrai récolter en cette chapelle, et je présenterai les statues de Vierges dans un second article.

   Toutes les images sont signées du père Lavieb, alias bibi.

treguron 7263c

 

I. Le territoire, les dates  et les hommes : blasons et inscriptions, seigneurs et paysans.

   L'étude des inscriptions lapidaires ou sur bois, et celle des armoiries procure un certain nombre de dates et de patronymes : les dates vont de 1584 (socle de St Éloi) à 1758 (sacristie), soit la période historique correspondant aux règnes de Henri III, Henri IV (1589-1610), Louis XIII, Régence, Louis XIV (1643-1715), et Louis XV (1774-1774). 

  Durant cette période, la paroisse de Gouezec, située en Cornouaille intérieure dans la vallée de l'Aulne lorsque celle-ci traverse les Montagnes Noires, a connu, comme le reste de la Bretagne, une période d'expansion économique et démographique qui cumula vers 1670, lors de ce que Jean Meyer a appellé le grand Siècle breton, de 1550 à 1680. Le nombre annuel des baptèmes passe ainsi de 37,5 à 53,3 entre 1625-1634 et 1665-84, pour diminuer à 47,9 entre 1696 et 1715. Dans la période 1625-1728, le nombre maximal de baptèmes survient entre 1641 et 1664, et le nombre maximal de mariages en 1690. (Jean Tanguy, Ann. Bret. 1975,82) :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1975_num_82_4_2790

  Dans le même temps, les comptes de fabrique (du Léon, ou de Plogonnec, à défaut de ceux de Gouezec) montrent une augmentation des recettes, et donc des offrandes qui culmine également vers 1670.

  Depuis 1664 (Louis XIV), la création de 12 impots royaux nouveaux incite les seigneurs locaux à exiger plus rigoureusement le respect de leurs droits seigneuriaux, ce qui provoque l'exaspération des paysans, et leur révolte en 1675 (Révolte des bonnets rouges). Déjà, pour un tout autre motif,en 1591, un soulévement avait fait 90 morts parmi des nobles au château de Roszannou lors de la "boutade" ou jacquerie des paysans contre les partisans de Henri IV lors des guerres de la Ligue.

  La population de Gouezec était estimée par Ogée en 1780 à 1350 "communiants", puis évaluée à 1154 habitants par le premier recencement de 1793. Elle s'accrue au XIXéme siècle, avec le développement de la production d'ardoises et l'ouverture du Canal de Nates à Brest ; puis elle déclina, et  elle était de 1063 en 2007.

  Croissance économique et démographique jusqu'en 1670, conflit religieux en 1591 puis entre paysans et seigneurs en 1675, tels sont les éléments où situer les dates et noms relevés ici. Il faut y ajouter un conflit vers 1738 entre les paroissiens, qui veulent continuer à enterrer leurs morts à l'intèrieur de l'église du bourg ,et le recteur qui s'y oppose : les patronymes des paroissiens rétifs sont retrouvés directement ou non à Tréguron.

1. Les dates relevées dans la chapelle :

1584 : Socle de la statue de Saint-Éloi.

1654 : Socle de la statue de Notre-Dame de Tréguron: H. Kreprat

1667 : inscription sur une poutre: François Le Ligour

1737 : inscription sur la porte : Jean Leaber , Jun Merien

1748 : inscription sur une poutre : Jean Leap et Yves Le Seach

1749 : calvaire : trois blasons

1758 : sacristie : Cl. le Paige et Jean Richart.

2 : La noblesse : armoiries.

On les observe à l'intérieur de l'église, sur les poutres, les sablières, les vitraux ou dans le choeur, et à l'extérieur sur le calvaire. Ce sont les armes des familles:

- De Poulmic, Sr de Rosvéguen, Trogurun et Kerguélen : échiqueté d'argent et de gueules, le premier échiquier chargé d'un annelet de sable. Devise "De Bien (alias Espoir) en mieux". Il s'agit donc d'un échiquier noir à carrés rouges, avec un petit anneau dans le premier carré.

-  de La Bouexière, Sr de Rosvéguen : de sable au sautoir d'or, devise "Vexillium regis". L'armoirie est donc noire frappée d'une croix de Saint-André (ou "sautoir") jaune.

 - De Coetanezre, de gueules à trois épées pointes en bas rangées en bande, donc rouge avec trois épées

A la réformation de 1536 sont mentionnés :http://www.tudchentil.org/spip.php?article103 : je mets en gras ce qui m'intéresse :

 Gouézec : Nobles et maisons

  • Hervé Poulmic, noble, Sr de Rosguegue et de Tréguzon, de Kerguelan
  • Le Sr du Fouet, le métayer de Kerriou et de Laurigeau
  • Allain de Kerguern, Sr du dit lieu
  •  Le manoir de Coetnahenec appartenant au Sr du Fou
  •  Jean de Lesmays noble sr de Roscannou
  •  Olivier Kbescal noble Sr de lesmaez
  •  Gilles Pierys noble Sr de Kyzegeguel
  •  La maison noble de Taquiririou qui fut à Jean le saux charpentier qui faisoit des anvires, issu d'extraction noble.
  •  François Le Doeul, Seigneur de Coetioural et de Kaulan
  • Pierre de Kdrehennec sr dud lieu

 

 

A la montre de 1562 sont mentionnés pour Gouezec :http://www.tudchentil.org/spip.php?article491

 Les nobles de Beuzec ou Gouezec

  • Jehan de Lesmaes, Sr de Roscanvo, presant, dict qu'il faict arquebusier à cheval.
  • Hervé de Poulmic, default
  • M.tre François de la Boëssiére, Sr de Rosveguen et du Troïleur, dict qu'il est exempt pour raison de son office de seneschal du Châteauneuf, et a cependant baillé sa déclaration pour acquebusier à cheval
  • Olivier Kerguern, Sr dudict lieu, default.
  •  raoul de Piré, Sr de Kerjézequel, presant, dict être sous l'esdict.
  • GuilMe Peulchon, presant pour son fils aîné dict faire pique sèche 

a) Le calvaire :

   Sous la date de 1759, les branches du calvaire portent selon J.M. Abgrall de face et au revers  les écussons en alliance des familles des Poulmic et des Bouexiere.

   Je m'interroge sur cette lecture; une armoirie "en alliance" est définie ainsi : "Tout gentilhomme a le droit de porter, en les écartelant avec les siennes, quelques-unes ou toutes les armoiries des quartiers d'alliances directes contractées par sa famille" (http://www.blason-armoiries.org/heraldique/a/armoiries-d-alliance.htm.

-Un échiqueté d'argent et de gueules est un échiquier de carrés rouges et blanc : c'est bien ce qui compose la partie droite des deux blasons. 

- Mais les deux parties gauches des blasons montrent l'un trois bandes, l'autre trois barres obliques à deux traverses, mais pas de croix de Saint-André, armes des Bouexière.

- Enfin, un troisiéme blason, au milieu, non mentionné par Abgrall et Peyron, me semble être celui des Poulmic.


treguron-7264.JPG

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La famille de Poulmic tire son nom du lieu-dit le Poulmic, paroisse de Crozon. Sa devise est : De bien (alias :Espoir) en mieux.

On distingue :

-Poulmic de Kernévenez, paroisse de Crozon.

-Poulmic de Langallic, paroisse de Telgruc

-Poulmic de Rosveguen, de Trogurun et de Kerguélen, paroisse de Gouezec.

- Poulmic de Toulquélennec, paroisse de Lopérec -Poulmic de Kerdilez, - de Kerlaouënan, -de Grande-Isle, - de Trohuel, -de Louméral, -de Kérénot.

Cette famille donna  Hervé, Abbé de Daoulas en 1351 ; Yves, abbé de Landevennec , mort en 1426; Jean, capitaine de Quimper, conseiller du duc, tué au siège de Saint-James de Beuvron le 6 mars 1426 et enterré aux Cordeliers de Guingamp ;  Jean, lieutenant en 1451 de l'amiral de Bretagne Jean du Quellenec , époux de Charlotte de Beaumanoir .

La branche ainée est fondue aux Chastel en 1459 par le mariage de Marie de Poulmic, héritière du fief, avec Olivier du Chastel.(armoiries écartelées du Chastel/Poulmic , vitrail cathédrale de Quimper, Baie 119). En 1492, Tanneguy du Chastel, sire du Poulmic, et Louise de Pont-L'Abbé son épouse, fille d'Hélène de Rohan.

Puis le fief passe succesivement à Vincent de Pleuc, sr de Tymeur, puis à Jean de Goulaine, baron de Faouet,  à Jehan du Ham, à René de la Porte, président au Parlement de Bretagne, à N. Rousselet de Château-Renaud, maréchal de France en 1723. Emmanuel Rousselet, Marquis de Château-Renaud, comte de Crozon, lieutenant-général de Bretagne a comme héritière Marie-Sophie qui transmet les seigneuries de Poulmic et de Crozon par son mariage en 1746 à Jean-Baptiste Charles comte d'Estaing, vice-amiral de Bretagne. Ce dernier est décapité en 1793.

   La Branche des Poulmic de Rosvéguen qui nous interesse ici, est issue d' Hervé de Poulmic; son fils Jean épouse Catherine Salliou ; son arrière petit-fils Jean est signalé en 1666 comme sieur de Kerguern. La montre de 1536 mentionne pour Gouezec Hervé de Poulmic, noble, Sr de Rosgueguen (sic)  et de Tréguzon, de Kerguelan. (Hervé de Poulmic rend aveu pour Kerguelan en 1540). source :Tudchentil.net :

http://www.tudchentil.org/IMG/pdf/Reformation_de_1536_en_Cornouaille.pdf

 

Famille de Coetanezrehttp://www.laperenne-zine.com/articles.php?lng=fr&pg=487

"Anne de Coetanezre épouse en premières noces Louis de la Bouexière sieur de Rosnéguen (fils de Louis et Anne Marigo) puis en 2èmes noces en 1583 Maurice de la Bouexière son frère" 

b) armoiries de l'intérieur de la chapelle :

- dans le choeur : on trouve deux anges porteurs de blasons au dessus des statues qui encadrent l'autel, et deux autres à la croisée du transept :

A droite au-dessus de Saint-Corentin, les armoiries des Bouexières sont écartelées avec celles de ?

 

treguron 9398c

A gauche au dessus de Saint-Joseph, les armoiries des Bouexières sont écartelées avec celles des ? (macles et hermines ? )


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  A la croisée du transept, présentées par un ange, les armoiries écartelées des Bouexiéres et des Poulmic.

 

treguron 9338c

 

 Présentées par un boeuf doté d'un fer à cheval, à nouveau les armoiries écartelées des de Bouexières et de Poulmic.

  Il serait plus amusant d'y voir une tête de vache laitière, pour rappeller que certaines saintes que les nourrices venaient prier pour obtenir du lait étaient aussi protectrices des vaches et favorisaient leur lactation. C'est le cas de sainte Brigitte, christianisation de la déesse irlandaise Brigit, déesse-mère dont la forme bretonne est Berhet.

treguron 9342c

 

 Frappant le pied du grand crucifix de la nef, le blason des Bouexière :

treguron 9355c

 

  A la voute de la croisée du transept, le blason écartelé des Bouexière et des Coetanezre 

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2) les autres paroissiens : fabriciens et prêtres

 

-Le socle de la statue de Notre-Dame de Tréguron porte l'inscription L : 1654 H:KPRAT :F

que je lis comme L'an 1654 H : Kerprat : Fabricien.

  Il apparaît qu'au XVIème siècle les patronymes Prat, Le Prat, Kerbrat et Kerprat soient proches, et qu'on ait affaire ici à Hervé Kerbrat, né vers 1612 à Gouezec, marié vers 1635 à Anne Bauquion. Il est né de Jean Le Prat (ca 1580-1670) , et il a eu une fille, Anne Kerbrat (1638-1696) qui épousa en 1660  Denis Merrien (ca 1635-1690).

  Hervé Kerbrat eut six petit-enfants : Marie, Jean, Pierre, François, Michel et Catherine Merrien.

La belle-mère de Pierre Merrien se nomme Jeanne Le Gadal, et celle de Jean Merrien Marie Le Gadal ; Jean Le Gadal est parrain de Jean Merrien, Alain Le Gadal le parrain de Marie: nous allons retrouver bientôt ce patronyme. De même, nous retrouverons le patronyme le Seach: Charles Le Seach est témoin au mariage de Pierre, et Yves Le Seach témoin de son decès.

   Les familles Kerbrat/Merrien, Le Gadal et Le Seach sont donc très proches.


DSCN2510

 

   La porte d'entrée, au sud, porte l'inscription 1737 IANLEAbER f    IUNMERIEN fab  donnant le nom d'un fabricien : Jean (Ian) ou Julien (Jun) Merien ? Un Denis Merien est signalé par les généalogistes : né le 25/02/1671 et décédé le 03/04/1742 à Gouezec, il eut cinq fils prénommés Pierre, François, Michael, Guillaume et Denis. 

Pour IANLEAbER, faut-il lire Jean Le Leap (voir infra) ?



treguron 9167c

treguron 7268

 

Première poutre de la nef :

 

  IEANLEAP  1748  IVESESEACH  

que je propose de lire comme Jean Le Leap 1748 Yves Le Seach.


  On retrouve  un Yves Le Seach, né le 30/10/1721 à Gouezec, décédé le 18/05/1762 à Kergoal, Gouezec, fils d'un  Yves le Seach numéro deux (10/11/1697 à Kerabri, 06/01/1770 à Kerhervé, Gouezec) et de Anne le Bozec. Cet Yves le Seach est lui-même le fils d'un premier  Yves le Seach né à Lothey en 1642 et décédé en 1719. En 1719 ? :

   Le chanoines Abgrall et  Peyron mentionnent (Bull Dioc. Hist. Arch. 1910) qu'en 1719, un certain Yves le Seach s'oppose au recteur qui veut inhumer un défunt de sa famille, non pas dans le sol de l'église, mais à l'extèrieur. Pour cela, le prêtre fait creuser une fosse, mais Yves Le Seach y place par dérision une grosse pierre et rebouche la fosse. Le recteur fit donner lecture des arrétés interdisant les inhumations à l'intérieur des églises, mais les paroissiens en colère tirent alors des coups de fusil et brisent une fenêtre du recteur. 

  On signale aussi un Jean Le Leap, 30/10/1700, Gouezec_20/07/1769, Kervern, Gouezec, époux de Françoise le Gadal qu'il a épousé le 01/06/1713. Or cette Françoise Le Gadal est la soeur de Laurent le Gadal, "héros" de la seconde partie de l'histoire mouvementée des inhumations de Gouezec : en effet, celui-ci, voulant faire enterrer sa femme Jeanne le Kergoat (1696-1738) dans l'église, charge ses valets d'y creuser une fosse : ceux-ci retirent alors un occupant réemment inhumé, et en violentent le cadavre.

  On voit  que Jean le Leap, beau-frère de Laurent le Gadal, et Yves le Seach ont en1748, dix ou trente ans après ces affaires, des souvenirs familiaux en commun.



treguron 9354c

 

Poutre du bras du transept : F:F:P:FSOIS LE : LIGOVR F: LORS 1667

je traduis Fait fait par François Le Ligour Fabricien lors 1667

  C'est le nom d'un fabricien, peut-être François Le Lijour, né le 26 février 1635-36 à Gouezec, époux d'Isabelle le Seach (décédée le 27 octobre 1724).


treguron 9363c

 



 

L'inscription fondatrice de la sacristie se dispose en deux pierres jumelles séparées par un moellon, à proximité de la date 1758 placée au dessus de la fenêtre:

F:F.P:M.R./ ET P:IAN

C L:PAIGE :R / RICHART.F:

ou, selon J.M.Abgrall en 1910: F:F:P:M:R ET :P:JEAN:CL:PAIGE:R:ET:P:JEAN:RICHART:F . Le chanoine a lu les deux pierres en continu, alors que je pense qu'il faut lire: F.F.P.M.R C. L PAIGE.R, et d'autre part ET P. IAN RICHART . F:

ce que je peux traduire par Fait fait par Messires C Le Paige (Recteur ?) et par Jean Richart fabricien(s). Le patronyme LE PAIGE, variante de Le Page (Le Paige, Plougasnou 1427) est parfaitement attesté à Gouezec du XVI au XVIIIè siècle, comme à Pleyben et Lennon. J.M.Abgrall fournit la liste des recteurs de Gouezec, mais avec des lacunes, et ne donne pas le nom du recteur en poste en 1758.

 

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  Avant de présenter les vitraux et les statues, prenons d'abord du recul pour découvrir la chapelle , vue du portail ouest:

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II les vitraux :

   La datation estimée par le Corpus Vitrearum est de 1570, postérieure aux Passions de Plogonnec, d' Ergué Gaberic ou de Guengat, de la Roche-Maurice, la Martyre, Tourch ou saint-Mathieu de Quimper. L'idée d'un carton copié de Jost de Necker, suggérée par René Couffon, a été définitivement abandonnée. Le chevet de la chapelle ayant été reconstruit en 1653, la maîtresse-vitre a du être adaptée au nouveau choeur. A la fin du XIXéme, les meneaux ont été supprimés pour créer une seule vitre soutenue par deux barlotières verticales et trois barlotières horizontales ; seuls les trois panneaux centraux ont été conservés au sein d'une vitrerie d'ornement avec dais supérieur frappé d' armoiries pontificales et verre blanc aux médaillons en grisaille et jaune d'argent. Cette vitre a été déposée en 1983 et restaurée en 1988 par l'atelier de Jean-Pierre Le Bihan de Quimper.

  Au nord, les baies 3 et 5 à deux lancettes ont conservé quelques panneaux du XVIème siècle.

   

 

Baie 0, Maîtresse-vitre : Crucifixion.

Une lancette de 3,20m de hauteur. 

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   Le Christ en croix est représenté au moment où Longin perce le flanc droit de Jésus, conformément non aux évangiles canoniques, mais à l'évangile dit de Nicodéme, ou Actes de Pilate, oeuvre qu'on attribue à un écrivain de langue juive du Vème siècle. On y trouve, chapitre X, 15 : "Or les soldats se moquaient de lui et, prenant du vinaigre et du fiel, ils lui présentaient à boire et lui disaient ; si vous êtes le roi des Juifs, délivrez-vous vous-même. Mais le soldat Longin, prenant une lance, ouvrit son coté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l'eau."

  Le corps de Jésus porte les marques de la flagellation. Il est ceint du perizonium. Au dessus de sa tête, une auréole est réalisée en verre rouge gravé. 

  En s'approchant, on peut admirer le travail du verre blanc où se conjugue la grisaille et  la sanguine et différentes valeurs de jaune d'argent. La tête du cheval avec le détail de son harnachement est parfaite, pleine d'expression, mais c'est en examinant le visage de Marie-Madeleine qu'on trouve réunies toutes les subtilités du travail du pinceau, trait principal, ombres dégradées des orbites, carmin des lèvres, jaune paille et jaune d'or de la fameuse chevelure de la Sainte. Sans oublier la courbe de sa posture, saisie dans ce mouvement de stupeur douloureuse qui la tord en un spasme plus éloquent qu'un cri.

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Baie 5 : Nativité et Annonciation.

datés vers 1570 :



 

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Baie 3:

3e quart du XVIe ?  On y trouve deux écus entourés chacun d'un phylactère qui semble porter la même inscription : NIHIL : TIMEO (avec le M et le E conjoint) : DEO   DUC. : cela ressemble à une devise qui serait NIHIL TIMEO DEO DUCE correspondant à JE NE CRAINS RIEN DIEU ME MÉNE. Mais je ne retrouve aucune devise bretonne semblable.

  Selon Peyron et Abgrall repris par Corpus Vitrearum, l'écu qui est divisé en deux est un écu parti de La Bouexière, "d'argent à l'arbre de sinople". Je trouve comme armoiries pour les Bouexière de Kermorvan "d'argent à un buis arraché de sinople", avec la devise NEC PERTIMESCIT HYEMEM. (Euraldic.com)

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II Les Statues de la chapelle de Tréguron:

- Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant (XVIè) : 

Sainte Anne est fêtée le 26 juillet.

     Cette représentation serait, selon le site Topic topos, inspirée par des gravures d'origine mosane ou flamande du XVIe et XVIIe siècles en Bretagne par des marchands d'image. 

 La présence de Sainte Anne n'est pas surprenante, mais son sens se renforce lorsqu'on rappelle qu'elle fait partie des saintes qui sont invoquées par les nourrices, puisqu'elle a nourri de son lait la Vierge Marie. 

  Parce que c'est la Mamm Goz, la Grand-mère, elle fait aussi figure de déesse mère, même sans aller reprendre les théories qui y voient une reprise du mot indo-européen Ana (grand-mère) ou de la déesse celte Ana.

  L'existence de Sainte Anne et de son mari Joachim ne repose sur aucun texte canonique, mais sur la tradition des premiers siècles et sur la Légende dorée de Jacques de Voragine au XIIIe siécle. Son apparition en 1623 à un paysan breton nommé Nicolazic, puis la découverte de sa statue par le même Nicolazic en 1625 sont à l'origine de sa dévotion à Saint-Anne d'Auray.

   Sainte Anne est souvent vêtue d'un manteau vert, couleur d'espèrance, alors que, bien-sûr, la Vierge porte une robe bleue. Le Jésus paraît ici un peu benet, sa mère louche, et la pauvre Anne va avoir du travail pour apprendre à lire à son petit-fils. Mais personne n'a jamais soutenu que le fils du charpentier savait lire, sauf lorsqu'il était avec les Docteurs de la Loi. Son truc à lui, c'est l'enseignement oral, les formules targoumiques, les bonnes histoires des paraboles. Ou bien, il écrit dans le sable, lorsqu'il préfère ne rien dire. (Jean 8,8 : "et, se baissant de nouveau, il écrivait sur le sol"). On ne voit jamais Sainte-Anne apprendre à Jésus à écrire, c'est peut-être Grand-père Joachim qui lui a appris à écrire par terre.

 

Post-scriptum : Une fidéle lectrice, Delphine, de Vannes, nous fait remarquer notre profonde méconnaissance des textes saints en citant Luc, 4, 16 : Jésus vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit.

 

La preuve est faite que nos statues de campagne disent toujours la vérité, et que Sainte-Anne a pris en charge l'éducation de son petit-fils, sans-doute pour soulager la maman surbookée et le beau-père : Ah, ces familles recomposées ! que feraient-elles sans les grands-parents !

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Sainte Marguerite :

      Il s'agit de Sainte Marguerite d'Antioche, reconnaissable à son dragon. Elle est fêtée le 20 juillet. Si sa présence n'est guère originale dans une chapelle bretonne ( le recensement de René Couffon dans Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper la place en cinquiéme position , juste avant St Éloi et après Ste Barbe parmi les 53 différents saints, avec une centaine de statue en Cornouaille et Léon), son voisinage avec Notre-dame de Tréguron est pleine de sens lorqu'on sait que cette cette martyre du IVe siècle est invoquée par les femmes enceintes pour une bonne délivrance, mais aussi par les méres et les nourrices désirant beaucoup de lait. Si son intercession est ainsi sollicitée, c'est qu'elle-même, ayant été avalée par un dragon, est parvenue à sortir miraculeusement du ventre du monstre : cela la prédispose à aider les enfants à sortir du ventre maternel, ou à aider le lait à sortir des poitrines.

 

   Elle a une drôle de tête, avec ses yeux bleus levès vers le ciel et ses pommettes rosies par l'émoi extatique. Elle est vêtue d'un manteau rouge bordé or et noir et doublé d'hermine, d'une robe au décolleté rectangulaire à l'encollure et aux manches rehaussées d'or avec un liseré noir. Ses cheveux ramenés en arrière sous un voile sage dégage un large front épilé selon la mode du Moyen-Âge . Elle est chaussée de sandales. Assise sur le dragon dont elle est sortie, elle n'a pas peur du tout du terrible monstre vert à la gueule rouge et à la queue en tire-bouchon, et elle doit se dire in petto "nihil timeo deo duce", si elle baragouine en latin.

  Lavieb-aile vous conseille : pour réussir une belle épilation du front comme Marguerite, appliquez un mélange d'orpiment et de chaux vive ou de chaux bouillie dans l'huile. Puis, si vous souhaitez empêcher la repousse du cheveu, faites préparer un mélange de sang de chauve souris (rhinilophe, par exemple) ou de grenouille bien verte (passer au chinois), de suc de ciguë et de cendre de chou diluée dans du vinaigre.

   Marguerite a aussi épilé les sourcils pour tracer une jolie ligne convexe vers le haut qui la fait apparaître encore plus spirituelle. Essayez !



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Sainte Catherine :

  Sainte Catherine d'Alexandrie est aussi (entre autre) patronne des nourrices car du lait jaillit de son corps lorsqu'on la décapita. Elle est représentée avec la roue de son premier supplice, celui qui échoua à la fois à la faire renoncer à sa foi chrétienne, et à la mettre à mort. 

 

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Sainte Barbe :

  C'est, elle-aussi, une sainte à qui les nourrices venaient demander un peu de lait pour remplir leurs mamellles, pour la raison évidente que, lors de son martyr, les bourreaux lui avaient arraché les seins avec des tenailles. Elle était peut-être plutôt consultée à dessein en cas de mammite, de gercures, de crevasses, de lymphangite, d'engorgement ou de mastite, ou pour les douleurs qui tenaillent. L'allaitement maternel, c'est bien, mais les problèmes, c'est la barbe.

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Saint Corentin :

       Il semble surpris en pleine période oratoire d'un prêche, et les franges de sa cape vibrent et s'agitent en voulant suivre les méandres et les caprices de cette déclamation. Un sermon, cela ne s'improvise pas, et c'est même parfaitement codifié : Il faut débuter par un exorde qui cite l'Écriture, puis énonce la proposition du sujet, et la division, en trois points. L'exorde se termine par l'invocation à l'Esprit-Saint, invocation non superflue puisqu'il va falloir attaquer le corps du sermon, et développer les trois points annoncés dans la division. Enfin, la péroraison se livre à une brève récapitulation avant d'entamer l'affection, morceau lyrique d'action de grâces pour les vérités énoncées. Le tout, en latin, au moins pour l'exorde. Ah, Bossuet, comme tu nous manques!

  Pris par son sermon, Corentin en a oublié son poisson.

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Saint Joseph :

Pour une fois, il est à son avantage, avec une vrai carrure de charpentier : je ne l'aurais pas reconnu si je ne l'avais pas lu sur la notice.

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Saint François d'Assise

en tenue de franciscain, avec le froc de laine de couleur sombre, le capuchon court et arrondi, la ceinture de corde aux trois noeuds rappellant les trois voeux de pauvreté, chasteté et obéissance,  et les sandales de cuir. La coupe est faite "au rasoir d'Occam", coupant tout ce qui dépasse 

 

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 Saint François présente ses stigmates :

 

 

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- Christ en croix (XVIè) :

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- Saint Éloi (XVIè) :

 


La statue polychrome en pierre est placée dans une niche d'ornementation gothique très comparable à celle qui abrite la statue de Notre-Dame de Trèguron, sans néanmoins être similaire. Comme elle également, cette niche en bois est posée sur un solide socle en pierre qui porte la date de 1584 ; et comme elle enfin, elle est peinte en rouge, bleu et or à l'extérieur, et en bleu étoilé de blanc dans le fond. 

  Saint Éloi est en tenue de maréchal-ferrant, ou plutôt il en tient les instruments, car s'il faut comparer au vitrail des Saints de Plogonnec  Les vitraux de Plogonnec IV : Vitrail de la Résurrection. on constate qu'ici, le saint ne porte pas le tablier propre à la profession, mais celui du forgeron (qui n'est pas fendu sur les cuisses) et que la tunique dorée paraît bien élégante pour un artisan au travail.

Un tablier de maréchal-ferrant marque Excelsior,  ceinture et sanglons de cuisses sont en cuir de buffle pleine fleur :

Matériel de maréchalerie

Il tient un marteau, il a passé les tenailles dans sa ceinture, et il est en train de ferrer le morceau de patte qu'il a miraculeusement prélevé sur le cheval qui attend gentiment dehors. De faux ex-voto sont sculptès sur son billot, et un vrai fer à cheval est accroché sur le devant de la niche. 

  Plusieurs détails vont m'intriguer :

-sa coiffure capillaire et sa coiffure-chapeau, une sorte de chapka dont les éléments latéraux se rabattent sur les oreilles.

-sa moustache dite Royale à la Louis XIII, mais où la touffe de poils du menton est taillée non pointe vers le bas, mais en écusson pointe vers le haut, et où la moustache elle-même est courte, et interrompue au milieu.

- l'outil en zig-zag sculpté sur l'établi. Il s'agit du boutoir, utilisé pour couper la corne et égaliser le dessous du sabot.  La grosse tenaille à déferrer porte le nom de tricoise, alors que le marteau utilisé pour enfoncer les clous de ferrage se nomme le brochoir

 

 Le nom de maréchal-ferrant ou maréchal ferrant vient du bas-latin marescalcus, "valet d'écurie" issu lui-ême de l'ancien allemand marahskalk, composé de marh, "cheval", (proche du marc'h breton) et de skalk, "valet" ou "celui qui soigne". Il apparait en français en 1086 sous la forme marescal avec le sens d'artisan charger de ferre les chevaux et les anilmaux de trait. Ce n'est que secondairement qu'il prend le sens d'officier chargé du soin des chevaux, puis en 1213 celui de grand officier chargé de commander une armée. Il fallut alors, en 1611, introduire le terme de maréchal-ferrant pour désigner le métier de "maréchal".




 

 

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        En 2001, un charcutier à la retraite, Charles Rannou, né en 1913, racontait ceci à un journaliste qui l'interrogeait :

    "A l' heure actuelle ,de plus en plus de gens prennent part aux pardons .Mais ils ne s'y rendent pas pour les mêmes raisons que leurs aieux.Autrefois c'était le moment de célébrer un saint, pour le prier d'intercéder dans toutes sortes de domaines ;chacun avait sa spécialité ,ses pathologies à soigner.Pour beaucoup ils étaient les saints patrons veillant sur les bêtes :Saint Herbot pour les bêtes à cornes , Saint Eloi pour les chevaux. Et dans chaque chapelle où l'on pouvait s'adresser à Saint Eloi on organisait chaque année le Pardon des chevaux .Dans la paroisse de Gouezec ,c'est à la chapelle Notre Dame de Treguron que l'on se rendait."


   Le pardon des chevaux :

  Un cheval ou une vache constitue pour une ferme un bien prècieux, qu'il s'agit de placer sous la protection des "saints vérérinaires", lors du pardon.Il se déroule à peu-près de la même façon partout : le  cheval est endimanché, sa queue et sa crinière sont tréssées, les sabots sont cirés, et le cavalier et sa monture se présentent tôt à la chapelle pour entendre la messe matinale. La première chose à faire est de faire trois fois le tour de la chapelle dans le sens de la rotation du soleil, le chapelet dans une main, le chapeau dans l'autre, en récitant des prières. Cette circumduction rituelle est chargée de puissance magique, qui se renforce à chaque tour, avec un arret en passant devant la porte de la chapelle et en faisant faire à son cheval un salut au saint patron. En même temps, le ferlier récite la prière à Saint Éloi : Sant Alar viniget, A zo mestr ar c'hezeg, Ro dezhe bouet ha yec'hed, Ma vo kresk al loened ( "St Éloi béni, Toi qui es maître des chevaux, Donne leur pâture et santé, et tâche d'augmenter le prix des bêtes "!) 

  Le maître s'acquitte alors d'une offrande, souvent constituée de dons de crins, mais aussi de blé ou d'autres offrandes en nature en remerciement pour  une guérison, un accident évité, un beau poulain. On offre aussi des ex-voto, et notament un fer à cheval où est inscrit le nom du cheval , du fermier ou de la ferme. Après l'office a lieu la bénédiction des chevaux par le recteur, puis on descend à la fontaine et le cheval est arrosé à grand renfort de seaux d'eau ou bien baigné dans un bassin ou un étang.

  Le travail de référence est celui de Bernard Giraudon :http://danielgiraudon.weebly.com/uploads/3/1/6/3/3163761/pardons_des_chevaux_kernault.pdf

Ici, le vitrail de l'église de la commune de Saint-Éloy :

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  Les volets de la niche.

  A la différence de celle de la Dame de Tréguron, celle de St Éloi a conservé ses volets peints de huit personnages identifiés par Abgrall et Peyron en 1901. Celui de droite représente en bas "une sainte abbesse, portant crosse, peut-être Sainte Scholastique ou Sainte Candide", à coté de Saint-Jean Baptiste portant l'agneau, et en haut "Saint Guillaume d'Aquitaine, en robe brune, le corps couvert de chaînes de fer, tenant un bourdon de pélerin, aux cotés de Saint Laurent tenant le grill de son martyr, et que les deux chanoines omettent de décrire. Le volet de gauche présente en bas Saint Herbot en tenue de franciscain (identifié par eux comme un Saint François d'Assise) et "Michel le Nobletz, vêtu du même surplis qu'il a au Conquet dans sa statue tumulaire" puis en haut "Saint Yves ayant robe rouge, camail et barrette de même couleur, avec surplis moucheté d'hermines" et " Saint Dominique ", que des experts ont identifié lors d'une restauration ultérieure comme Saint Vincent.

  Il serait interressant de dégager la logique qui réunit ces personnages, avec une majorité de membres du clergé : cela ressemble à une conception issue d'un théologien de la Réforme. Il serait aussi curieux de connaître la datation attribuée à la statue indépendamment de son socle. Michel le Nobletz est né en 1577 et mort en 1652.

 


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      Le Mobilier :


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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:35

  Vierges allaitantes I :

        Notre-Dame de Tréguron à Gouezec.

        Itron Varia Treguron et Mamm al laez.

 La chapelle de Trèguron, fondation seigneuriale aux XVI-XVIIème siècles des familles Poulmic, La Bouexière, Coetanezre et Kervern, se trouve à 3 Km au NO de Gouezec (Finistère). Bâtie au XVIéme siècle, reconstruite au XVIIème avec la construction en 1653 d'un chevet Beaumanoir (du nom d'architectes morlaisiens du début du XVIè), elle comprend une nef avec collatérale nord, un transept et une abside, et un clocher gothique. La sacristie octogonale, reliée à l'abside, est datée de 1758. La chapelle renferme la statue de Notre-Dame de Tréguron, mais, à une centaine de mètres en contrebas, une fontaine du XVIè abrite une statue de Vierge allaitante. 

  Cette chapelle était, encore au début du XXème siècle, "le centre d'une grande dévotion surtout de la part des mères de famille et des nourrices qui y demandent à la Sainte Vierge abondance de lait pour nourrir leurs enfants" ( Chanoines Peyron &  Abgrall, 1901). Je pouvais penser qu'elles se rendaient à la fontaine pour baigner leur poitrine, comme cela se pratiquait aussi dans le culte des nourrices envers Sainte Agathe ou Sainte Brigitte, et j'en trouvais vite la confirmation dans la thèse de médecine soutenue en 1903 par H.Liégard sur Les saints guérisseurs de Bretagne. Il mentionne qu'à Gouezec, les femmes qui veulent avoir du lait se rendent à Tréguron et, après avoir déboutonné leur corsage, font trois fois le tour du sanctuaire, s'arrêtant à chaque tour à la fontaine pour y asperger leurs seins, avant de rentrer dans la chapelle y réciter cinq Pater et autant d'Ave et de verser leur obole à Notre-Dame dans le tronc.  Cela paraît curieux, mais n'en faites pas des gorges chaudes.

 

 

I. La fontaine, et sa statue : vénérée par les "Marie-pisse-trois-gouttes" et autres nourrices mauvaises laitières.

 

  La plupart des fontaines se sont établies sur d'anciens lieux de culte païens, et celle de Tréguron n'échapperait pas à cette règle : pour Pierre Audin, les traces des influences gauloises se détectent devant "une série d'hydronymes en -onna souvent utilisés comme qualificatif donné à la Vierge, surtout en Bretagne, tels que Crénénan (Guéméné), Béléan (Pléren), Ruellan (Plancoët), et dans le Finistère Roscudon (Pont-Croix), Nitron (Lanmeur), Nizon (Pont-Aven) et...Tréguron à Gouezec".(Pierre Audin, un exemple de survivance païenne, le culte des fontaines) Annales de Bretagne 1979, 86-1 : 94) :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1979_num_86_1_2969

  Le même auteur pense que les toponymes en -mer, -mair vient du culte des matrae, du culte des mères et donc de la fécondité, dont il trouve des exemples à Gouezec avec la fontaine de la mère au lait à Gouezec, et la mystérieuse Sainte-Mammère qui protège cette source.

  Culte païen des sources, culte mégalithique de la fécondité plaçant des pierres dressées près des sources, croyance celte en des fées des eaux, des Dames ou Bonnes Dames résidant près des sources, cultes gallo-romains rendus à Vénus invoquée pour la fertilité des femmes ou leur allaitement, rites de circumduction sacrée, le sujet est vaste, mais la réalité est là : en Bretagne, on ne compte plus les fontaines guérisseuses, et parmi celles-ci, nombreuses sont celles dont les eaux favorisent la fécondité, la maternité et l'allaitement des femmes. Ainsi sur le beau site http://martheknockaert.unblog.fr/2010/07/22/809/, je relève pour le Finistère les fontaines de Boissière (Plonéis), de Ste Brigitte à Guengat, de N.D.de Kernevot à Ergué-Gabéric, de Kerluan à Chateaulin, de Sainte-Brigitte à Brest, de Sainte-Marguerite à Logonna-Daoulas, de Sainte-Brigitte à Spezet, de la Roche à Saint-Thois. Dans chaque cas, les méres qui souhaitent obtenir du lait pour nourrir leurs enfants s'aspergent les seins, ou jettent des épingles dans la fontaine.

   Jacques E. Merceron, professeur de civilisation française à Indiana University ( USA) a consacré une étude approfondie aux différentes formes que prend en Bretagne la dévotion aux Vierges allaitantes sous le nom de "Notre-Dame du Bon-Lait" dans l'Ouest, Notre-Dame de Crée-Lait en Loire-Atlantique, Notre-Dame du lait dans l'Est et le Sud, Notre-Dame du Sein à Gestel pour désigner Notre-Dame de Kergornet :http://www.culture.gouv.fr/mpe/recherche/pdf/R_478.pdf

  Il y décrit longuement un ensemble de pratiques dévotionnelles qu'il qualifie de "mélange inextricable d'éléments strictement chrétiens" (cierges, prières, messes, processions et pardons,) " et de pratiques non orthodoxes à peine christianisées" ( circumambulations en nombre impair, ingestion de "reliques du lait de Marie", calcaire de la grotte de l'allaitement à Béthléem ou concrétions calcaires de différentes fontaines, délayées et vénérées s'i elles sont conservées en fiole sacrée, ou avalées, ou mêlées aux biberons).

 

        A Tréguron, la fontaine est tapie dans le creux d'une prairie, sous quelques arbres chenues, et l'eau qui s'en écoule se rassemble dans un bassin de dévotion avant d'alimenter un lavoir. 

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   Ce sanctuaire sans prétention, caché, mal indiqué, préfère la verdure des mousses, le gargouillement humide d'un filet d'eau à travers les feuilles mortes et l'arc simple d'une voûte de granit aux ornementations gothiques et aux dorures. S'il est religieux, c'est d'une foi toute franciscaine, humble, silencieuse, à l'écoute de l'âme des choses et de l'âme du monde. C'est le sanctuaire des randonneurs et des poètes, et sa source qui vient des profondeurs ne s'élève guère, mais elle serpente en chuchotant, ne forçant rien, faisant son chemin selon une humeur déclive, dolente, douce et docile. Elle est l'amie des gens simples, des fredonneurs, des cueilleurs de mures ou de champignons, ou des batifoleurs. Les pieds dans l'eau, elle apprécie ceux qui ont les pieds sur terre.

   Mais la niche au toit vert cache une étrange pensionnaire.

   

 

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Cette fontaine  réunit par ses formes le cercle, avec un C comme Cosmos, le chiffre trois de son fronton triangulaire, et le chiffre quatre, lié à la Terre, de ses blocs de pierre.

  Elle est basse, et il faut se pencher pour voir, au fond la statue pâle aux reflets verts de Mamm al Laez, la Mére au lait. 

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   Elle a beau être couronnée et voilée, ses yeux en amande, son visage rude et rond, ses traits et ses lèvres fermées n'en font pas une Vierge Marie douce et aimante, une de ces Vierges à l'Enfant de nos églises, maternellement penchée vers le Fils ou tendrement disponible aux prières des fidèles, mais une déesse primitive ou paysanne, née ou façonnée par le terroir breton, aussi énigmatique que l'enfant bourru qui actionne les mamelles (quel autre nom ?) comme deux robinets magiques sur lesquels il règne.

 Trois gouttes, comme trois cerises, viennent ainsi fleurir chaque téton d'une moucheture d'hermine. 

 

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   Un rejointoiement récent masque mal les ruissellements d'eau verte, le suintement du salpêtre et le développement de mousses dans laquelle la divinité soigne son teint de céruse et de cire et sa peau défraîchie que seule colore une lumière feinte. La coupole damasquinée de moisissures et de lichens est son seul firmament, et c'est par cette flore  insalubre, sordide et froide qu'elle repose son regard d'insomniaque.

   Insomniaque ? Car la nuit, imbibée des percolations lithiques , de molles tisanes émeraudes et d'exhalaisons méphitiques, du suc puissant des racines du lierre ou des venaisons faisandés des salamandres et des tritons qui succombent à ses pieds, Mamm al Laez concocte les  épicés breuvages qui montent comme une lymphe et dégorgent en cette galactorrhée visqueuse que distribue le dieu lactogène aux nounous qui le prient.

 

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II. La statue de Notre-Dame de Tréguron.

 

 

 

 Notre-Dame de Tréguron :

  Il s'agit d'une statue en pierre grandeur nature placée dans une niche en bois à volets (absents) d'ornementation gothique. Elle est datée du XVIIème siècle et placée sur un socle portant l'inscription : L.1654 : H : KPRAT , nom du fabricien commanditaire. 

  C'est le double solaire, radieuse, rubiconde et florissante de la divinité lunaire, anémique et confinée que nous venons de quitter. Elle est présentée par l'inscription AVE MARIA PLENNE DE GRACE.

  Elle est l'archétype des Vierges allaitantes de Cornouaille, dont plusieurs portent son nom de Notre-dame de Tréguron, mais elle est la seule à montrer ses deux seins.

 Dans le gloire de sa maternité, couronnée par deux anges, elle soutient le lourd sein droit de sa paume alors que du mamelon sourd trois gouttes de ce lait qui est la nourriture de l'enfant-dieu. et celui-ci, indifférent au destin qui l'attend, tête goulûment le sein gauche tout en le maintenant en un geste charmant de la main. Et on constate que ce Jèsus est coiffé d'une auréole-bonnet en or. Il est nu, zizi à l'air afin que chacun puisse discuter pour savoir si l'artiste n'a pas oublié que, selon les Évangiles, il a été circoncis.(si). Il tient debout comme un grand et on lui donne un an ou plus, ce qui n'a rien d'étonnant puisque chez les peuples latins de ce temps de l'année 0001 ou 0002, les mères allaitent les enfants jusqu'à trois ou quatre ans.

    A la différence des autres Vierges, mais comme toutes les Vierges allaitantes, sa chevelure est apparente, et elle ruisselle comme une rivière de lait blond sur ses épaules, juste rassemblé par un bandeau blanc aux rayures vertes et or. 

   Royalement assise sur un siége aux allures de cathèdre, elle trône dans son vaste manteau d'or doublé de satin bleu dont le pan gauche recouvre ses genoux. Sa robe rouge trés cintrée (c'est, sans-doute, le bénéfice du post-partum d'un enfant divinement conçu de ne pas prendre de ventre du-tout) s'ouvre par un large décolleté en V sur une chemise qui a été descendue sous la poitrine. Ce costume ne me semble pas correspondre au costume féminin de 1654 ( régne de Louis XIV) mais semble reprendre celui des peintures de Jean Fouquet (1452) ou de Joos van Cleve (début XVe siècle) que j'ai présenté ici : Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.

  On peut encore s'attarder sur les manches pendantes. Ou s'interroger sur le blason qui surmonte la sculpture, de gueule aux trois fasces d'or accompagné d'une fleur d'or, que je n'ai pu déterminer.

Mais ces descriptions s'écartent de l'essentiel: la beauté de cette mère au clair et fier regard bleu, qui fait de cette statue une grande réussite artistique. 

 

 

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  La niche se fermait par deux volets qui ont disparu. Était-elle fermée lors du Carème ? Ou bien en permanence sauf lors des fêtes et pardons?   La statue était-elle habillée ? Cela permettrait de comprendre cette tradition rapportée par certains auteurs qui signalent que les femmes en difficulté d'allaitement venait planter des épingles dans le bas de la robe. 

 

  Ce qui est sûr, c'est qu'elle était pudiquement drapée jusqu'aux années 1950 (Annick Le Douget, La chapelle de Clohars-Fouesnant, la tradition de l'habillement de la Vierge, en ligne)

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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