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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 15:53

 

                  VIERGES ALLAITANTES IV 

              Église Saint-Germain à Kerlaz,

                  Des vitraux édifiants :

             Quatrième partie : Les prêtres réfractaires

             Cinquième partie : Henri Le Floch

 

 

 

Malheur deoc'h mar heuliet

Ar veleyen-se milliguet

Mar assistet o officiou

A memes en o offerennou

Chomet quentoch eb offeren

Eb confessi gant touerien

Rac convers gant tud criminel

A vet certen pebet marvel

Malheur à vous si vous suivez

Ces prêtres maudits  si vous

assistez à leurs offices 

ou même à leurs messes

Rester plutôt sans messe

Sans vous confesser avec les jureurs,

Car converser avec cette gent criminelle

Est certainement un péché mortel

(Feuille volante, Douarnenez, 1791 : BDHA 1908 :link)


   Ces derniers vitraux ouvrent une nouvelle page de l'histoire religieuse de la Cornouaille . Après la mission de 1658 du père jésuite Julien Maunoir, cherchant à expurger le catholicisme breton de ses éléments peu conformes au catholicisme romain et aux consignes du Concile de Trente, après la révolte des Bonnets Rouges de 1675 divisant la population entre partisans de la soumission au roi, à la noblesse et au clergé et insurgés cherchent à abolir des droits ancestraux et les abus de ces droits, voici le moment où les mêmes doléances paysannes sont reprises et conduisent à la Révolution. Si la Révolte de 1675 a laissé des traces durables et si, de ce fait, les paroisses les plus engagées dans cette insurrection sont aussi celles qui, en 1791, seront le plus du coté des Bleus révolutionnaires contre les Blancs monarchistes, en même temps cette longue imprégnation jésuite de fidélité au Pape (c'est la base du combat d'Ignace de Loyola et de ses "soldats du Christ"), placera le clergé dans l'impossibilité de jurer fidélité à une nouvelle organisation de l'église qui tournerait le dos à l'Évêque de Rome et deviendrait gallicane. Les paysans, artisans et bourgeois qui avaient soutenu le Tiers-État furent le plus souvent solidaires de leurs curés.  Et la foi tenace des bretons, toujours mâtinée de cultes anciens, était nouée comme un lierre à celle de leurs recteurs, auxquels ils restèrent fidèles dans ce  pathétique épisode de résistance au balancier cruel de l'Histoire.


  VII. Les trois vitraux de l'ancien ossuaire accueillant les fonts baptismaux : Les prêtres réfractaires pendant la Révolution.

1. Rappel historique.

a)  En juillet 1790, l'Assemblée Constituante vote la Constitution Civile du clergé visant à créer un église nationale intégrée dans l'État, église gallicane dégagée de l'autorité et de l'influence du Pape, et décide la sécularisation des biens de l'Église et la suppression des voeux religieux.  Le 27 novembre 1790, les prêtres des paroisses ont été  tenus de prêter serment à cette Constitution, par le texte suivant : "Je jure de remplir mes fonctions avec exactitude, d'être fidéle à ma nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi". La tenue de ce serment fut organisée chaque dimanche de janvier à mars 1791 (ex : à Briec, le maire indique que le serment a été prêté devant l'assemblée électorale tenue à la Cathédrale [de Quimper] le 27 mars 1791). Si seulement 4 évêques sur 143 prêtèrent ce serment, 24 000 des 70 000  curés furent "jureurs", ou "assermentés", tandis que 46 000  refusèrent et furent "Réfractaires" ou "insermentés" (source Wikipédia). Le 13 avril 1791, le pape Pie VI dénonça solennellement ce serment et exhorta les jureurs à se rétracter.

Philippe Sagnac dans son article de la Revue d'histoire moderne et contemporaine de 1889, Étude statistique sur le clergé en 1791 donnait, pour 43 départements, une moyenne de 57,6% de jureurs, mais en Bretagne, cette proportion était de 27% pour les Côtes d-Armor, de 11% pour le Morbihan et de 23% pour le Finistère link.

  Le Finistère était découpé en 9 régions administratives nommées districts. La proportion était, selon ces districts, la suivante :

  • Quimper      : 36%
  • Chateaulin   : 12%
  • Morlaix        : 3%
  • Pont-Croix   : 9%
  • Quimperlé    : 7%
  • Landeneau   : 6%
  • Brest          : 8%
  • Lesneven    : 3%
  • Carhaix       : 6%

   Le district de Chateaulin, qui inclut Kerlaz n'est pas fortement réfractaire, et globalement, le clergé de la Cornouaille (Quimper- Chateaulin-Quimperlé ) où la révolte des Bonnets-Rouges avait été virulente, a été plus assermenté que le reste du département et notamment que le Léon (Morlaix-Lesneven).

   Alors qu'en mai 1791 un décret accorde le droit aux insermentés de célèbrer le culte dans les églises, dés avril 1791, les autorités du Finistère, toujours en avance sur les décisions de l'Assemblée, décident l'éloignement des curés réfractaires des anciens lieux de résidence, puis leur internement en juillet aux couvent des Carmes de Brest jusqu'à leur amnistie en septembre 1791.

b) En novembre 1791 est adopté à l'Assemblée Constituante un décret contre les prêtres réfractaires, leur imposant de s'éloignerer au moins de quatre lieux de leur ancien lieux de culte. Les églises sont réservées au culte constitutionnel. Le 29 novembre 1791, le Conseil Général du Finistère décide l'internement des insermentés amnistiés en septembre, et de ceux des réfractaires qui troublent l'ordre public: ils doivent être conduit au Château de Brest. Le 1er juillet, il leur est proposé de rester emprisonnés ou de partir en exil ; 74 prêtres quittèrent Brest pour l'Espagne (Bilbao) le 12 août et les autres (les moins valides) sont conduits successivement aux Capucins d'Audierne, à la maison de retraite de Quimper, à la Communauté de Kerlot à Quimper. Ils sont 86 lorsqu'ils sont transférés en novembre 1793  aux Capuçins de Landerneau.

Les prêtres qui échappent à ces mesures se cachent et exercent alors le culte (offices, sacrements, tenue des registres) de manière clandestine, dans les maisons privés, les chapelles, et au fur à mesure que la répression deviendra plus sévère, dans des grottes, ou en mer sur des barques de pêche.

c) En mai 1792, les mesures se durcissent : tout prêtre insermenté, dénoncé par 20 citoyens, sera proscrit. 

d) Le décret du 14 août 1792 exige des prêtres un nouveau serment de "liberté-égalité".

e) Un décret  du 26 août 1792 bannit les réfractaires qui pourront choisir leur lieu d'éxil (ïles anglo-normandes, Espagne), ou être déportés. Tout prêtre dénoncé par 10 citoyens actifs peut subir le même sort. Les infirmes et ceux qui ont dépassé 60 ans sont placés en une maison commune sous la surveillance de la police.

f) Les pontons de Rochefort : Les prêtres arrêtés sont jugés et condamnés à être déportés en Guyane ou à Madagascar via les ports de Nantes, Bordeaux et Rochefort. La plupart seront enfermés à bord de navires dématés de 1792 à 1795. A Nantes, entre 1793 et 1794, des milliers de personnes sont noyés sur ordre de Jean-Baptiste Barbier. (Dans le Finistère, en novembre 1793, 83 prêtres étaient détenus dans l'ancien couvent des capucins de Landerneau. Le 9 juillet, 29 prêtres sont envoyés à Rochefort.)

  A Rochefort, 829 prêtres de toute la France (puis plus de 1000) furent conduits à bord de navires négriers, les Pontons de Rochefort  nommés les Deux Associés, Le Bonhomme Richard et le Washington. Entassés dans un espace trés exigu à même le plancher de cale dans des conditions terribles, 547 moururent d'avril 1794 à début 1795, de typhus, dysenterie, scorbut ou autres maladies. les survivants sont transférés en juillet 1794 à bord de L'Indien, puis libérés en avril 1795.

 f') déportation en Allemagne :En août 1792, un arrêté décide que les prêtres ni infirmes ni septuagénaires seront enfermés au château du Taureau à Morlaix. Le 18 février 1793, le district de Morlaix  décide de déporter 28 prêtres au port de Brème en Allemagne, où ils seront chaleureusement accueillis et hebergés à Paderborn, Hildesheim et Munster.


g) En 1794, (Convention Thermidorienne) un adoucissement des lois permet aux prêtres de revenir d'exil, sans prêter serment et en reprenant l'exercice clandestin (ou parfois public avec l'assentiment des populations) du culte. Le 16 août 1794 est décidée la remise en liberté de plusieurs milliers d'aristocrates, de bourgeois, d'opposants et de prêtres réfractaires.

h) Le 21 février 1795, le libre exercice du culte est rétablit.

i) en réaction à la tentative de débarquement des royalistes à Quiberon et de la Terreur Blanche, une nouvelle répression des manifestations du culte est votée par la loi du 29 septembre 1795, et on exige que les prêtres assermentés tiennent un nouveau serment. Le culte des prêtres insermentés sera à nouveau clandestin de 1796 à 1798.

j) le coup d'État du 4 septembre 1797 est suivi d'une nouvelle répression, exposant les prêtres réfractaires à l'exil ou à la déportation.

 

 

 

2. Le Très Révérend Père Le Floch et les prêtres réfractaires.

   Henri le Floch possède deux bonnes raisons de placer, dans l'ancien ossuaire, trois vitraux illustrant le refus de la Constitution Civile par certains prêtres de la paroisse, outre son souci d'enseigner l'histoire par ses images : la première, c'est que sa carrière l'a conduit à Rome, où il a placer ses compétences au service du Vatican : ses convictions anti-gallicanes rejoignent des convictions antirépublicaines. L'autre raison date de son enfance et de ses traditions familiales puisque quatre de ses arrière-grands oncles ont été prêtres réfractaires et persécutés à ce titre : ils sont selon ses termes, "confesseurs de la foi", et leur dévouement contre le jacobinisme antireligieux possède une haute valeur d'exemple. 

  On sait peut-être que parmi les prêtres déportés sur les pontons de Rochefort, et qui y sont décédés, 64 ont été béatifiés par Jean-Paul II le 1er octobre 1995. Mais inutile de dire que pour les familles des "confesseurs de la foi", chacun d'entre eux est, à leurs yeux, équivallent de saints. 

   Le Père le Floch leur devait ce mémorial qui arrose de sa lumière les fonts baptismaux en cette belle alliance de l'ossuaire des ancêtres et de la fontaine d'onction des enfants de l'avenir.







kerlaz-vitraux 8930c

 

L'inscription indique :" Ignace le Garrec prêtre  vicaire à Kerlaz, le père Maximin L'Helgoualc'h, capucin, Le Gac, Alain Le Floch, prêtres réfugiés, refusent de prêter serment à la Constitution Civile du clergé et sont arrêtés (1793)". 

 

 

L'image est suffisament éloquente pour se dispenser de commentaires : les trois prêtres sont en surplis, barrette sur la tête, et brandissent le crucifix alors que le capucin est en robe de bure.

1. Ignace Le Garrec est né à Plonévez-Porzay le 30 novembre 1734. Il était le fils de Guillaume le Garrec (né 30 septembre 1738 à Plonévez-Porzay) et de Catherine Le Quiniou (3 mai 1744, Quéméneven-6 avril 1768). Sa soeur Marie-Anne épousa Jean le Bihan (descendance alliance avec les familles Le Bihan (de Ploaré), Cosmao, Pichavant)  Je n'ai pas pu établir (de même que pour les trois autres prêtres) son lien de parenté exact avec Henri Le Floch, dont le sépare apparemment plus de cinq générations. Ignace Le Garrec, qui porte le prénom du fondateur des Jésuites, était recteur de Kerlaz. Il exerça publiquement le culte jusqu'en août 1792. Arrété en début 1793, il est interné à Kerlot (note 1) puis à Landerneau (note 2), il fait partie des 29 prêtres transférés à Rochefort le 9 juillet 1793 et se trouve sur le Washington. Il a alors 55 ans. Libéré par ordre du 4 avril 1795, il est de retour à Kerlaz le 14 mai et assure un ministère clandestin sur une large partie du Porzay. Il échappe à la vague de répression qui suit le coup d'État du 4 septembre 1797 et il tient des assemblées clandestines importantes à Plogonnec et à Guengat. (Note 3) ; en 1801 il est interpellé à Plogonnec. En 1803 il devint le recteur de Ploéven puis de Saint-Évarzec. Il meurt le 28 mai 1814.

 Au Concordat, Kerlaz demeura sans recteur jusqu'en 1874.

Dans sa monographie, l'abbé Horellou le confond avec Jean-Guillaume Le Garrec, curé de Kerlaz en 1773. Néanmoins il consacre les pages 16 à 27 à son activité clandestine. Il le donne comme natif de Kerolier ou plutôt, selon H. Le Floch, du Caouët. Il décrit comment il reste caché deux heures dans une cheminée obstruée, comment il demeura une nuit dans les roseaux du marais de Guern-Névet, comment il se cachait au Caouët chez sa belle-soeur la veuve Carrec, ou à Lézarscoët où un confessionnal avait été aménagé , ou encore à Kergreiz ou dans la forêt de Névet, échappant aux gardes nationaux par une fenêtre du manoir de Keryar... Il décrit comment la paroisse se détourne du curé jureur de Plonévez-Porzay et recherche les services des prêtres insermentés pour le culte, les baptêmes ou les confessions, et comment , la chapelle de Kerlaz ayant été fermée, c'est à celle de Sainte-Anne-la-Palud qu'il vient officier, avant que celle-ci ne soit controlée en permanence par les gendarmes.


_ note 1 : La Constitution Civile du clergé ne reposait que sur les prétres actifs ; les religieux et les moniales ont été rendus à la vie civile et leurs couvents ont été confisqués pour une utilisation publique :  L'abbaye cistercienne de Kerlot à Quimper abritait avant la Révolution une dizaine de religieuses conduites par l'abbesse N. de Kergu ; en 1792, elles furent expulsées et l'abbaye devint une prison. Elle fut démolie en 1972.

_ note 2 : Landerneau : l'ancien couvent des Capucins servit de centre de détention. Mais les Ursulines furent expulsées également et leur couvent servit aussi de prison.

_ note 3 :"Dans ce secteur, il n'y eut que deux prêtres insermentés à exercer un culte, parfois public, la plupart du temps clandestin, c'était Nicolas Louboutin et Ignace Le Garrec" Maurice Dilasser, Locronan et sa région, 1979. En 1776, la présence de  Le Garrec et Louboutin accompagnée de Bescond, prêtre de Kerfeuteun, est signalée à Briec.

 

2. Corentin  l'Helgoualc'h capucin sous le nom de Père Maximin de Locronan, né à Keradenn (Plonévez) ou à Kerdiouzet (Kerlaz).   Maître des novices du couvent de Morlaix, il se retire à Plogastel où il est vicaire. Arrété  au début de 1793, détenu à Kerlot, transféré à Landerneau, il décède en prison le 19 février 1794.

 Lien avec Henri Le Floch : Corentin L'Helgoualc'h avait une soeur à Keriouzet mariée à Henri le Joncour, bisaïeul d'Henri Le Floch" (G. Horellou). " La grand-mère de H. Le Floch, Marie-Jeanne L'Helgouarc'h (sic) était de Kerdreun" selon la note nécrologique des spiritains.

3. Alain le Floch, né à Plonévez-Porzay le 1er novembre 1765, ordonné prêtre le 21 novembre 1790 à la veille de la Révolution et nommé prêtre habitué à Crozon, qui est desservi par onze autres prêtres, dont la plupart si ce n'est l'ensemble refusèrent de jurer. Le 24 septembre, le maire de Crozon signale que Sizun, Moreau et Le Floc'h, au lieu de se rendre à Brest comme l'ordonnait l'arrété du 1er juillet 1791, sont restés dans le pays et y ont même organisés un quête. Mais la Municipalité suivante protège les ci-devant prêtres, et reçoit une mise en garde des commissaires départementaux rappellant que "l'enlèvement des ecclesiastiques insermentés est très essentiel". Les Commissaires se livrent à des enquêtes, mais "perquisitions, menaces, promesses d'argent, rien n'a réussi" et les prêtres continuent à errer de village en village, "déguisés sous toutes fomes de costume, cachés, protégés par tous". Le curé institutionnel est critiqué, raillé, insulté, et deux prêtres réfractaires se mêlent un jour, déguisés en matelots, à une procession du curé "intrus" pour rire et se moquer et crier "Ar c'hure gant e vas treuz". Alain Le Floch se voit obligé de quitter la presqu'île en juillet 1792 pour aider Ignace le Garrec dans son travail clandestin au Porzay. Arrété au début 1793, à la même époque que les précédents, également détenu à Kerlot puis à Landerneau, il est déporté avec Le Garrec à Rochefort, se trouve sur le Washington avec lui, est libéré après le 4 avril 1793 et s'installe à Camaret. Il se rend à Elliant où il aide Jean Codu, vicaire réfractaire jusqu'à ce qu'ils doivent, le 3 octobre 1797, s'embarquer de Lorient vers l'Espagne. En résidence à Palencia, Alain le Floch décrivait dans une lettre son activité à Elliant : "Au Carème, nous passâmes quatorze nuits à confesser, nous couchant à 5h du matin. Nous avions apssé auparavant et passâmes bien d'autres nuits, mais pas autant de suite. dans les temps qui semblaient annoncer le calme, on était plus hardi, mais sans pour autant se fier; quelquefois alors, on allait de jour aux malades et on confessait les biens-portants, mais avec de telles précautions que les pauvres et autres qui venaient dans les villages ne pouvaient s'en apercevoir : on y venait à la dérobée et on se cachait quand on était arrivé. L'année dernière, (1797) nous fîmes, M. Codu et moi, le tour de la paroisse d'Elliant pendant six semaines, confessant de jour ceux qui voulaient. Tous furent prévenus." lire la suite ici :link, BDHA 1908 p. 219

 A son retour, il poursuivit son activité clandestine puis est nommé desservant à Camaret en 1803, à Saint-Yvi en 1805. Nommé à Plogonnec le 1er novembre 1816, il devint curé-doyen de Briec le 4 janvier 1817 avant de démissionner le 9 février 1827. Il décède à Cast le 23 novembre 1831.

-4. Charles Le Gac né à Plonévez-Porzay le 1er mars 1758, ordonné prêtre le 18 septembre 1784, est professeur de cinquième au collège de Quimper en 1787. Seul à ne pas prêter serment, il est immédiatement destitué. Arrété le 1er décembre 1791, interné au château de Brest le 6, il est libéré le 1er mars 1792. Il se cache avant de s'exiler en Espagne, puis il revient à Plonévez-Porzay où il est arrêté le 7 janvier 1793 (date identique ou voisine de Le Garrec et Le Floch : arrestation commune ?). Il est enfermé au chateau du Taureau à Morlaix le 20 janvier puis déporté à Bréme avant de s'installer à Munich, d'où il ne revint qu'après le 18 juillet 1814. Il est alors chanoine titulaire de Quimper en 1817 et décède le 2 février 1842.

5. La mule du fonctionnaire.

  La scène ne représente pas le refus de prêter serment des prêtres mais pourrait se passer au Tribunal de Quimper à l'instant de leur interrogatoire. C'est en 1791 qu'ils ont été sommés de prêter serment, et peut-être l'un d'entre eux a-t-il répondu (je reprends les réponses authentiques enregistrées à Irvillac par quatre autres réfractaires) :

_Ma conscience ne me permet pas de prononcer le serment dont est cas !

_ l'autre : Ma conscience ne me permet pas de prêter serment, ni aucun chrétien ne peut le faire sans renoncer à la foi catholique et apostolique et romaine et consentir à sa damnation éternelle !

_ le troisième : Je ne peux jurer serment sans approbation du Pape !

_ le dernier : Comme mes confrères. Plutôt être pendu !

  Et le citoyen Maire, s'est tant offusqué  de la fureur, de l'arrogance et de la fermeté de ces propos qu'il a signalé au directoire du Finistère combien son âme patriote avait été offusquée de ces déclarations incendiaires !

   Mais, en janvier ou février 1793, c'est en l'an I de la République une et indivisible, devant le tribunal révolutionnaire de Quimper qu'ils sont interrogés. On a saisi des documents compromettant, des lettres, on dispose de dépositions, de plaintes, de dénonciations, et l'accusateur public questionne Ignace le Garrec sur ses surnoms, noms, age, profession, demeure,:

_Citoyen Garrec, as-tu prêté le serment éxigé par l'article 39 du décret du 24 juillet 1790 ? 

_Répond n'avoir prété aucun serment relatif à la ci-devant Constitution Civile du clergé.

_ Dans quelle paroisse as-tu exercé la fonction de prêtre ?

_Répond dans la paroisse de Plonévez-Porzay, détaché à la trève de Kerlaz.

_ Connais-tu les nommés Louboutin et Le Floch ?

_Répond les connaître depuis longtemps.

_ As-tu dis des messes dans des maisons privés ?

_Répond qu'il en a célébré.

_As-tu pratiqué des baptèmes ? des noces? as-tu tenu des registres?

_Répond avoir donné les sacrements conformément à son sacerdoce.

_ Comment se nomment les citoyens qui te cachaient ?

_Répond qu'il ne donnera aucun nom.

_ Connais-tu Rénier, à Bonnescat ? La veuve Marie-Philippe, à Kerivoal ? La veuve Renée Le Berre, à Kerourédan ? La veuve Renée Le Hénaff à Kerervan ? 

_ Répond qu'il refuse de répondre.

 L'accusateur public déclare qu'Ignace Le Garrec est coupable d'avoir erré pendant trois ans autour de son ancienne paroisse en y vivant caché pour nuire à la chose publique, prêcher dans le secret les anciennes erreurs et des principes contre-révolutionnaires, d'avoir incité à la sédition et, n'ayant pas prêter serment, est dans le cas de la déportation lors de son arrestation.* 

 

      * cet interrogatoire est une fiction

    Il est convaincu de la justesse de la cause qu'il défend, l'Accusateur : il applique à la lettre les décrets que l'Assemblée a voté, et il présente ces textes à l'accusé. Il applique la Loi. C'est un bon citoyen. C'est un bon fonctionnaire. Il méprise profondément ces prêtres qui font obstacle à la Révolution.

  Il a déboutonné sa veste. Il se renverse sur sa chaise et balance négligemment la savate de son pied gauche. Il pense à cette phrase qu'un Commisaire lui a dite : " Quand la nation se trouve sous le canon des ennemis et sous le poignard des traîtres, l'indulgence est parricide".

 Plus que son index vindicatif, c'est cette savate qui dit l'étendue de son ignominie. 

La banalité du mal, sans état d'âme, en faisant très correctement son devoir. Exactement comme le duc de Chaulnes et son acolyte le marquis de Névet, très-aimé-des-siens,  quand ils réprimaient les Bonnets Rouges.

Mais cette fois-ci, le Bonnet Rouge est du coté du Tribunal. Des deux bords, "les Dieux ont soif ".


  kerlaz-vitraux-8930ccc.jpg

 



  

 

VIII. La dernière messe de l'abbé le Garrec.

      Inscription : "Ignace le Garrec prêtre-vicaire à Kerlas pendant la révolution célèbre une dernière messe paroissiale dans une grange au Caouët en janvier 1793".

  Selon Paul Airiau, le manoir du Caouët, dont le nom est attesté en 1426 (La Cage), 1463 (Le Gaouêt), 1750 (Gaouët) est possédé par la famille maternelle d'Henri Le Floch sans-doute depuis le XVIe siècle après l'avoir acheté aux seigneurs de Guengat. (plus exactement selon G. Horellou du comte Jacques Yves Joseph Marie Quemper de Lanascol, seigneur de Guengat et de Lezarscoët, qui émigra en Angleterre à la Révolution et dont les biens furent vendus à cette occasion : l'achat date alors du début du XIXe, ce qui me paraît logique). Cette ancienne maison noble située à une centaine de mètres du bourg de Kerlaz était associée à une ferme ; au XIXe, seule celle-ci subsistait, avant qu'en 1912 Henri Le Floch fasse reconstruire la maison d'habitation, "une élégante gentilhommière adossée à la ferme, avec vue sur la baie de Douarnenez et les hauteurs de Pouldergat (Horellou, Kerlaz, p.233).

  On retrouve sur ce vitrail les mêmes costumes bretons que sur la verrière représentant la mission de 1658 du Père Maunoir et où figuraient les parents du Père Le Floch : tout me semble comme si l'enfant tenu ici par les deux hommes, le grand-père et le père, était le même que l'enfant qui était tenu par sa mère  sur le vitrail de la mission de 1658, comme si cet enfant était la mémoire enfantine du commanditaire, cette mémoire à qui on avait raconté ces scènes légendaires de la famille. Dans les deux images, l'enfant est au premier plan avec ses parents. Ils le tiennent en lui disant _Regarde, regarde ce que nous avons vécu, et témoigne! La scène elle-même  (l'abbé qui célèbre la messe, l'Élévation) est lointaine, distante comme un vieux souvenir.

    

kerlaz-vitraux 8931c


IX . La condamnation.

Inscription : Le Tribunal révolutionnaire de Qumper condamne ces confesseurs de la foi suivie de l'éxil et de la déportation (1793-1795).

        Maintenant, l'accusateur public est en rouge. Le gréffier ne balance plus sa savate, il ne s'ennuie plus, il dresse les comptes de la République une et indivisible.

Des soustractions.

kerlaz-vitraux 8932c

 

 

 

Sources :


1. LA lecture qui s'impose :   Histoire des prêtres réfractaires lors de la Révolution Française http://www.foi-et-contemplation.net/amis/pretres/pretres-deportes/Hist-Pretres-Refrac.php

2.  H. Perennes, Documents  et notes sur l'histoire religieuse du Finistère sous le Directoire : Bull. Dioc Hist. Arch.Bdha  1935-37 :

- BDHA 1935 p. 79 et 121 : http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=56

-BDHA 1936 : p. 17et        :http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=57

-BDHA 1937 p. 11 et 135   :http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=58

 Mais aussi les Notices des différentes paroisses du Porzay où Abgrall et Peyron donnent le contenu des Archives de l'Évêché, dans le même Bulletin Diocésain

3. Germain Horellou, Kerlaz, son histoire, ses légendes, ses familles nobles, Brest 1920.

4. , F. Uzureau, Les prêtres insermentés du Finistère  Annales de Bretagne, 1919, vol.34, 34(3) pp 261-272 :

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391x_1919_num_34_3_1527

 

 

   LES ACTEURS : HENRI LE FLOCH, GABRIEL LEGLISE, ...

 

 

I. Henri le Floc'h 1862-1950.

  

       I. Éléments biographiques .

  On trouvera les meilleurs renseignements dans les articles de Paul Airiau :

1. Henri Le Floch, recteur du Séminaire Français (1904-1927) in 150 ans au coeur de Rome, link .

2. Du catholicisme breton au catholicisme romain : le cas d'Henri Le Floch (1862-1950), Bull. Société Archéologique du Finistère, tome 133, 2004, pp 407-429.

  En tenant initialement compte des renseignements trouvés dans la monographie de G. Horellou, j'ai peut-être introduit quelques imprécisions.


Henri Le Floch est né le 6 juin 1862 à  Kerlaz.  Son père Mathurin exploite la ferme du Caouët, la famille Le Floch est propriétaire de terres agicoles depuis au moins  le XVIe siècle et elle est honorablement connue. Sa mère, Marie Le Joncour (1838-1871) est  la fille d'un des rares paysans léttrés du Porzay : Henri Le Joncour, grand-père mais aussi parrain du jeune Henri. Ce patriarche, très féru en droit, exerça, sans en avoir le titre, les fonctions de juge de paix et fut surnommé "Alvocat Kerlaz", l'avocat de Kerlaz.  Madame le Joncour décéda à 33 ans, déjà mère de 8 enfants dont Henri serait l'un des ainés ou l'ainé des garçons. Des autres frères et soeurs, je ne peux indiquer que sa soeur Marie-Anne, qui deviendra Soeur Saint-François dans la Congrégation de Saint-Esprit, et qui reçut une Médaille d'honneur des épidémies par le Ministre de la Guerre (14-18) et une lettre autographe à cette occasion par S.S Benoît XV.

  Après des études au Likes de Quimper de 1873 à 1875, il entre au petit séminaire de Pont-Croix puis au petit scolasticat spiritain de Langonnet. Sa vocation écclesiastique contrarie son père, qui envisageait que son ainé reprenne l'exploitation agricole, mais il finit par céder.

  Il poursuit des études de théologie et philosophie  au grand scolasticat de Chevilly, et rentre dans la Congrégation du Saint-Esprit dans l'espoir de devenir missionnaire. Mais ses brillantes études, et sa santé fragile  incitent ses supérieurs à l'orienter vers l'enseignement. Il prépare le doctorat de philosophie à Louvain tout en devenant professeur de philosophie à l'Institut St-Joseph d'Épinal de 1889 à 1894.Il obtient son doctorat de théologie à la Grégorienne en juillet 1905. Il est ensuite nommé Supérieur du collège de Beauvais ou Institution du Saint-Esprit jusqu'en septembre 1900. Il est alors également Conseiller général de sa Congrégation . En 1904, il est nommé au poste prestigieux de Supérieur du Séminaire Français de Rome.

Le Séminaire Français de Rome

  Le premier recteur en 1853 en fut un breton, L.M Barazer de Lannurien. Fondé à une époque où l' Église était encore marquée par le gallicanisme et se dégageait avec peine du douloureux épisode des persécutions du Directoire, la création du Séminaire Pontifical de Rome a été voulue par Pie IX pour renforcer les liens avec la papauté. Installé à Santa Chiara, ancien couvent de clarisses, il accueille encore actuellement un cinquantaine de séminaristes adréssés par leur évêque de tous les diocèses. Il est en relation avec l'Ambassade de France au Saint-Siège.

 Pendant 150 ans, ce Pontificum Seminarium Gallicum de Urbe (couramment : le Gallicum) était tenu par les spiritains de la Congrégation du Saint-Esprit. Il formait les séminaristes à la "romanité" (le contraire du gallicanisme) ; le terme apparu dans cette acceptation au début du XXe siècle à la suite de celui d'ultramontanisme est difficile à définir puisqu'il désigne la connaissance et le respect des domes de l'église catholique : à l'apogée de la centralisation romaine (débutée avec le Concile de Trente), lorsqu'au XXe siècle la manière romaine de vivre le catholicisme était devenue la règle, la romanité ne pouvait désigner autre chose que l'excellence, l'absolu, la plénitude de la foi  et de la conformité  avec l'enseignement romain. Aussi les "séminaristes romains "issus du Séminaire de Rome représentent une élite censée donner "un exemple de doctrine profonde et sûre" (SS. Pie XII) dont sont issus de nombreux évêques. Ils reçoivent  une formation dans les universités pontificales, notamment dans l'université grégorienne.

  Les repères principaux de l'ultramontanisme furent, très ou trop schématiquement :

- la remise en cause de la papauté par les protestants et la réaction nommée Contre-Réforme : Concile de Trente, création de l'Ordre des Jésuites en 1540 , des Capucins, des Ursulines. 

- fondation de la Compagnie de saint-Sulpice en 1645 par J.J Ollier, consacrée à la formation du clergé.

- fondation de la Congrégation du Saint-Esprit en 1703 par l'aristocrate breton Poullart des Places, membre de la société secrète des Aa basée sur la défense de l'autorité papale.

- lutte contre le jansénisme et le gallicanisme au XVIIIe siècle.

- réaction contre les décrets du Directoire lors de la Révolution aboutissant à la Constitution Civile du Clergé.

- lien au XIXe siècle avec le courant de la Restauration qui prend le contre-pied de la Révolution avec Joseph de Maistre et de Lammenais.

-  fondation par François Libermann en 1841 de la Société du Saint-Coeur de Marie, qui fusionnera avec la Congrégation du Saint-Esprit pour rassembler ceux que l'on nomme les Spiritains.

 - dogme de l'Immaculée Conception en 1854.

- fête du Sacré-Coeur de Jésus instituée en 1856

- renforcement de l'ultramontanisme après les mesures anticléricales de la IIIe République en 1880-1905.

- Concile Vatican I en 1870 qui consacre l'autorité absolue du Pape et affirme le dogme de l'infaillibilité du Pape.

 

   La période des années de formation du Père Le Floch (1870-1900) et son origine familiale d'une part, les liens historiques entre l'ultramontanisme et la méfiance contre la République d'autre part, peuvent permettre de comprendre qu'Henri Le Floch soit présenté, dans l'article Wikipédia qui le concerne link comme "défenseur de positions antimodernistes, antilibérales et antidémocratiques qui se rallia aux idées de Charles Maurras et de l'Action Française".    

 Henri Le Floch dirigea le Séminaire de 1904 à 1927. Pendant ce temps, il occupa des responsabilités importantes qui accentua encore sa "romanisation" : 

  • 1907 : Consulteur de la S. Congrégation de la Propagande.
  • 1908 :  Consulteur de la S.C. Consistoriale.
  • 1912 : Consulteur de la S.Commission cardinaliste
  • 1913 : Consulteur de la Commission pour la révision des Conciles Provinciaux
  • 1913 : Consulteur de la S.C des Séminaires et des Universités des études.
  • 1918 : Consulteur  de la S.C. du Saint-Office.
  • 1927 : Consulteur  de la S.C des églises Orientales

 Il écrivit également plusieurs ouvrages et articles:

  • 1904  : Vie de Claude François Poullart des Places.
  • 1915 : L'acte d'union du vénérable Libermann et de ses disciples, Rome, Séminaire Françàis
  • 1916 : Les Élites sociales et le sacerdoce. ( gallica ici :link )
  • 1916 : Le rétablissement du culte dans les colonies françaises, Paris, P. Lethellieux.
  • 1918 : Le Séminaire français pendant la guerre , 23 p.
  • 1919 : La politique de Benoit XV, Paris.
  • 1922 : Discours prononcé au pélerinage de la-Palud à l'occasion de la translation des reliques de Sainte-Anne le 27 août 1922, Tours, A. Mame et fils.
  •  1937 : Cinquante ans de sacerdoce. Aix-en-Provence, Ed. Fourcine (autobiographie)
  • 1947 : Soixante ans de sacerdoce 
  • 1948 : Le Cardinal Billot, lumière de la Théologie , Paris, Beauchêne et ses fils, 1947 : ouvrage non publié, mais diffusé en petit nombre. désormais en ligne sur catholicapedia.net ici :link, il contient en chapitre VI une critique du catholicisme liberal dénoncé comme une hérésie dérivée de la Révolution. Le cardinal  Billot 

En 1925, Edouard Herriot dénonce à la Tribune de la  Chambre la politique hostile à la laïcité du Séminaire français.  

En 1926, Charles Maurras et son quotidien nationaliste Action Française sont condamnés par le pape Pie XI. Malgré cette condamnation, des témoignages ayant monté que le Père le Floch restait fidéle au maurrassisme, il sera contraint par le Pape de démissionner de son poste de Supérieur du Séminaire de Rome en 1927.

   En septembre 1927, il est affécté à la Procure des Missions Spiritaines à Fribourg, puis il est en résidence au Noviciat d'Orly en 1928, à la Procure de Marseille en 1930.

En 1939, il obtient une audience auprès de Pie XII. Pendant la guerre il séjourne au château de Barbegal près d'Aix-en-Provence,  chez le chanoine du Roure jusqu'à son déces en 1950.

 

II. L'action du T.R.P. Le Floch à Kerlaz et dans le Porhay.

        Henri Le Floch a fait bénéficier sa paroisse à la fois de l'héritage qu'il a reçu au déces de son père en 1916, et à la fois de sa position influente à Rome, à quatre reprises  :

1. En 1917-1918  en offrant avec sa soeur la réfection de l'ensemble des vitraux de l'église de Kerlaz.. 

2. En offrant à Kerlaz un calvaire en 1935. 

  Ce calvaire se situe au Caouët, la propriété familiale. Il est décrit sous le n° Kerlaz 646 Gaouët dans l'Atlas des croix et calvaires du Finistère de Pascal-Yves Castel de la façon suivante : granit, 4 mètres. 1935. Trois degrés. Socle composite, plaque gravée à gauche : HENRICUS LE FLOCH OLIM PER XXIII ANNOS SEM.GALL. DE URBE RECTOR PRECLARISSI MUS ANNO RE. MCMXXXV EREXIT. O CRUX AVE. Fût circulaire, noeud. Croix, branches rondes, fleurons et crucifix. 

   Je traduis l'inscription ainsi : Henri Le Floch autrefois pendant 23 ans supérieur du célèbrissime Seminaire Français [preclarissimus : superlatif de l'adverbe praeclarus qui signifie déjà très illustre, très renommé, très glorieux, fameux]  érigea (cette croix) en l'année 1935. Salut, Ô Croix !

3. En favorisant l'obtention pour le sanctuaire de Sainte-Anne-la-Palud, appartenant à la paroisse de Plonevez-Porzay, du privilège dit du Couronnement célébré le 26 août 1913 lors du pardon devant 30 000 personnes . Cela nécessite un rappel : 

   Au XIXe siécle, le renouveau du culte marial et la survenue d'apparitions à La Salette, Lourdes ou Pontmain ainsi que l'institution du dogme de l'Immaculée Conception conduisirent les autorités écclesiastiques à solliciter l'octroi par le pape Pie IX d' une couronne pour cetaines statues, signe de leur vénérabilité. La première Vierge de Bretagne à être couronnée fut Notre-Dame -de-Bon-Secours à Guingamp en 1857, puis ce fut Notre-Dame-de-Rumengol en 1858. La fête du Couronnement attirait une foule considérable (100 000 personnes à Rumengol) et était suivie par une renommée et un accroissement de la renommée et de la fréquentation du sanctuaire. En 1865, Notre-Dame-d'Espérance à Saint-Brieuc obtient la couronne d'or. En 1868, Notre-Dame-du-Roncier.  En 1888, le couronnement de  la Vierge du Folgoët attira 60 000 pélerins. En 1868, cet honneur que le pape réservait à la vierge est accordé à sa mère, Sainte Anne, pour son pardon à Auray, premier lieu de pélerinage en Bretagne. Dans le jeu de benoîte concurrence (disons plutôt : de sainte émulation) que les pardons, les pélerinages ou les statues se font pour augmenter leur audience et faire profiter d'avantage de fidèles des bénéfices des indulgences, Sainte-Anne-la-Palud ne pouvait être en  reste  vis à vis de sa soeur du Morbihan, mais il fallait être introduit auprès de la Curie romaine et de ses dicastères (eh eh, à vos dictionnaires ! ou, ici :link, mais je suis trop bon), notamment la Congrégation de la Cause des Saints où beaucoup d'autres paroisses faisaient antichambre. C'est alors que la position du T.R.P. Le Floch fut décisive, lui qui appartenait à trois Congrégations Romaines. Une supplique avait été adréssée par le recteur de Plonevez-Porzay en 1911, mais comme l'écrivent les deux abbés historiens de Ste-Anne-la-Palud, Boussous et Thomas, " Dans les bureaux de la Chancellerie romaine, on ne se rendit sans-doute pas bien compte de l'importance du pélerinage de Sainte Anne, et la lettre sollicitant la faveur du couronnement risquait d'être oubliée si la paroisse de Plonévez-Porzay n'avait eu l'heureuse chance d'avoir à Rome, en la personne du T.R.P. Le Floch, Supérieur du Séminaire français, un excellent agent d'affaires". (Bossus H. et Thomas J. Sainte-Anne -la-Palud, Brest, 1935).  

  Lire :Les statues de Notre-dame couronnées dans le diocèse de Quimper et de Léon, Congrès marial breton Le Folgoët 1913, p. 426-454. Textes de M. Y.-M. Le Pape, recteur de Rumengol (couronnement en 1858), du chanoine Corre sur Notre-Dame du Folgoat (1888), du chanoine Michel Péron sur Notre-Dame des Portes, Châteauneuf-du-Faou (1894), et de Louis Le Guennec et Laurent-Marie Goret sur Notre-Dame de Kernitroun en Lanmeur (1909).

 http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=29

 

4. En obtenant en 1922  pour Sainte-Anne-la-Palud les reliques de St-Paul-hors-les-Murs et de l'église d'Apt, tour de force qui supposait beaucoup d'entregent.

 

III. Henri Le Floch, homme de conviction, admiré et contesté.

        _ L'engagement du Père Le Floch pour la propagation de la Foi, pour les missions, pour la formation d'élites dans le clergé, pour le rayonnement du catholicisme en France et dans sa paroisse, pour le maintien des traditions liturgiques est incontestable, et beaucoup de ses anciens élèves de collège ou de séminaires, particulièrement impressionnés par sa pensée, ont exprimés leur admiration. Parmi eux, citons Mgr Marcel Lefebvre,qui fut Supérieur Général de la Congrégation du Saint-Esprit de 1962 à 1968 avant de fonder la Fraternité Saint Pie X, puis d'être excommunié pour avoir sacré quatre évêques traditionnaliste sans l'aval de Rome. On trouve sur le site  de la fraternité St Pie X  : "Mgr lefebvre gardera toujours une grande estime pour le directeur du Séminaire français Henri Le Floch qui lui fit aimer et révérer l'enseignement des papes".

  Dans ce cas, comme dans le cas d'Henri le Floch, la romanisation semble finir par achopper par l'exces même de la fidélité à la tradition romaine , et le Père Le Floch citait le cardinal Billot s'écriant : Etiamsi Magnus Turca diceret, ego non ! (Quand bien même le Grand Turc l'affirmerait, je ne l'accepte pas !).

      _ J'ai dit que les séminaristes du Gallicum bénéficiaient de l'enseignement de la "Grégorienne", cette université fondée et dirigée par les Jésuites. Le cardinal Louis Billot y enseigna la théologie dogmatique à partir de 1885, et Henri Le Floch fut son élève puisqu'il prépara son doctorat de théologie à la grégorienne. Ses convictions contre le liberalisme et  le modernisme, contre l'influence des "pseudophilosophes" du XVIIIe et de la Révolution le conduisirent à s'opposer à la conduite du pape Pie X contre l'Action Française, mais lorsque le pape le convoqua en septembre 1927 , il se contenta, en signe de soumission et de sacrifice, de déposer sa calotte et ses insignes sur le bureau et de sortir. L'intransigeance des idées s'accompagnait ici de l'allégance complète vis à vis du Souverain Pontife.

 

 

La pensée d'Henri Le Floch    est  souvent critiquée, taxée de catholicisme d'extrème droite, de catholicisme intégral, d'intransigeance dogmatique dans un militantisme qualifiée de"croisade antisubversive" On signale son apocalyptisme antirépublicain, sa théologie fixiste et immobiliste, sa politique du pire, on parle de" maurassisme écclesiastique".

 

  Paul Airiau apparaît comme le meilleur connaisseur de la personnalité et de l'oeuvre de Henri Le Floch. J'ai déjà cité deux de ses références, et on trouvera en ligne la revue Histoire et Missions chrétiennes de juin 2009 où, sous le titre du dossier de Action Française, décolonisation, Mgr Lefebvre, les Spiritains et quelques crises du XXe siècle, donne en tant qu'historien une analyse de la complexité des appréciations sur le Supérieur du Séminaire français : ici :link et illustre son document de photographies du recteur de Santa Chiara (p. 49 et 79).   Paul Airiau est agrégé d'histoire (1994) et a réalisé sa thèse d'histoire (IEP Paris 203) sur le Séminaire français de Rome du P. Le Floch) : résumé de sa thèse ici :link

    C'est aussi cet historien qui qualifie la pensée de H. Le Floch d' apocalyptisme catholique, sujet auquel il a consacré un ouvrage, l'Église et l'Apocalypse.(résumé ici : link) Qu'entend-on par "apocalyptisme catholique" ? L'attente d'une Parousie proche, l'idée que l'Histoire est à décrypter comme le Récit de la lutte entre Dieu et Satan, la conviction que Dieu intervient dans l'Histoire et que les miracles sont des manifestations d'un combat spirituel ou que les déboires sont les chatiments qui doivent frapper le monde, une conception polémologique de la religion qui trouve dans les Croisades une manifestation exemplaire et qui applique cette combativité de Croisés aux différents ennemis qui sont succesivement dénoncés selon le goût du jour, ou encore une théorie du complot exigeant une vigilance extrême pour déceler les ennemis cachés. A la détermination combattive ou sacrificielle, à l'idée que la Fin justifie tous les moyens sont opposés la négociation, l'adaptation, l'intégration, l'appaisement des conflits considérés comme trahison de la Cause. Outre les pensées millenaristes, la Contre-Réforme, le militantisme de l'Ordre des Jésuites, des missions, les Congrégations fondées après la révolution pourraient participer de cet apocalyptisme. 

   Chaque verrière de Kerlaz, avec les Croisés, les missions du père Maunoir, les troupes de René de Névet, le Pardon de Sainte-Anne-la-Palud, les sacrifices des Confesseurs de la Foi peuvent dés lors être rassemblès sous cette bannière de l'Apocalyptisme, qui trouverait son summum dans la scène où, in extremis, Saint Corentin arrache Gradlon qui risque de se damner par ses attermoiements et sa tendresse paternelle. 

   Bien-sûr, bien-sûr... mais comme je répugne à diaboliser ma lecture de ces beaux vitraux, je vais aller me balader du coté de la litterature :

 

 

 

IV. Henri le Floch  entre  romanisation et esprit romanesque.

  Après le sérieux des thèmes évoqués, dont les enjeux théologiques ou politiques me dépassent , je voudrais jouer avec les mots :  Dans la Revue d'histoire de l'Église de France,1935, Gabriel Le Bras, en donnant une étude de bibliographie du livre Les Missions bretonnes, histoire de leurs origines mystiques par  l'abbé Kerbiriou, 1933, écrit ceci :

  "  Michel le Nobletz vit tous les maux du siècle avec les yeux d'un saint romanesque . Autant que par le spectacle de l'irreligion, il me paraît évident que sa glorieuse carrière fut suscitée par la lecture des romans de chevalerie. Sa mèthode révèle qu'il fut séduit, comme sainte Thérèse d'Avila et saint Ignace, par les conteurs d'aventure.

  Si j'ignore quel roman de chevalerie a été lu par Henri Le Floch, il nous a tout dit des "conteurs d'aventure" qui ont nourri et exalté son imaginaire : sa mère, lorsqu'elle le menait au pardon de Sainte-Anne-la-Palud, son grand-pére (maternel), et tous les conteurs de veillées, tous les colporteurs de gwerziou, tous les chanteurs de canticou spirituels, les oncles et tantes qui racontaient les ruses et les tours des grand-oncles échappant aux gendarmes pour dire la messe, et toutes les images, les grandes images peintes sur le plafond de la chapelle Saint-Michel de Douarnenez  avec l'ange qui tient Satan enchaîné et celui qui le combat de son glaive, les vitraux et les calvaires. S'il ne lut pas de roman de chevalerie, les châteaux des seigneurs de Quelen et de Nevet parlaient de Croisés donnant leurs vies pour les reliques et des lieux saints, de Marquis servant le roi, alors que l'endroit où il était né avait été acquis des derniers seigneurs de Guengat. Si cela ne suffisait pas à fournir à un jeune esprit des modèles d'identification, la forêt de Névez et le pays de Locronan regorgeaient de monts et de merveilles où jadis les fées, puis les saints avaient vécu, et où Ronan, Corentin, Hervé, Théleau, réalisaient leurs miracles. 

   Tous ces héros pouvaient l'inciter à prendre lui même les armes pour participer à l'épopée des Valeureux contre les Lâches, des Fidèles contre les Infidèles,  et peut-être ressemblait-il au personnage de Cervantes qui "avait à toute heure et à chaque instant l'imagination remplie des combats, des défis, des enchantements, des aventures, des amours, bref, de ces absurdités que l'on trouve dans les romans de chevalerie, et tout ce qu'il disait, pensait ou faisait n'avait d'autre but que de s'y conformer " ( Don Quichotte, ch XVIII, p. 187).

   Oui, peut-être ressemblait-il à Don Quichotte. A Madame Bovary. Ou à Flaubert. Ou à moi, voire même à vous.


 

II. Gabriel Léglise, maître-verrier.

  Le maître-verrier Gabriel Léglise appartient à une famille de verrier installés à Auch, Bd Roquelaure, parmi lesquels on compte Louis et Antonin. Lui-même eut son atelier à Paris. On lui doit, dans le désordre, les verrières de la chapelle Sainte-Thérèse à Fougère, de l'église de Jugon les lacs, de celle de Plévin ou de Verneuil le Grand dans la Meuse,  de l'église Saint-Pierre de Plestan, ou "charles de Blois fait prisonnier par les anglais, église sainte-Catherine à La Roche-Derrien.

  L'interrogation d'un moteur de recherche avec un patronyme Léglise s'avère bien difficile.

Il existe une rue Gabriel Léglise à Bordeaux.

  Je note deux réalisations dont le thème se rapproche des vitraux de kerlaz:

  • église Notre-dame à Plévin (22) : 3 verrières consacrées au Père Maunoir.
  • La Chapelle Saint-Florent (Maine-et-Loire) : Mort de Bonchamp, sur un carton de René-Victor Livache, dans le cadre des vitraux consacrés à la guerre de Vendée

III. Les auteurs des  cartons

 Le blog de Jean-Pierre Le Bihan, qui a restauré la verrière, indique  : "Cartons de Evalche, prix de Rome, d'après croquis de Melle Hersart de la Villemarqué et de Melle Krebs".

  Je ne retrouve pas Evalche, mais René-Victor Livache (1831-1909) et son fils Victor-René (1872-1944) peintres d'Angers à qui on doit des cartons de vitraux. Victor-René Livache fut directeur de l'école régionale des beaux-Arts de Rennes de 1921 à 1935. Ce qui est troublant, c'est de trouver le même récit de nomination à L'école régionale des Beaux-Arts d'Angers, qu'il dirigea jusqu'à sa mort en 1944... Je copie ce commantaire :"  Le 22 octobre, Victor Livache sort vainqueur des différentes épreuves. Né en 1872, fils de peintre, élevé dès son enfance dans les arts, le salon des Artistes avait accueilli en 1910 son tableau le Jeu de la rose, vaste composition de 2 m sur 2,50 m. Son oeuvre était déjà importante, tant en restauration de tableaux anciens, qu'en création, spécialement dans le domaine des maquettes de vitraux : brasserie de la gare Saint-Lazare à Paris, verrière de l'escalier de l'hôtel Bordeaux-Montrieux et vitraux de l'église Notre-Dame à Angers. Son projet pour une salle à manger angevine évoquait le festin de Gargantua, dans des couleurs lie-de-vin. Il sera directeur de l'École des Beaux-Arts jusqu'à sa mort, en 1944, communiquant aux élèves toute son expérience."

 

  Concernant les croquis, je ne peux que constater la filiation suivante :

  • Théodore Hersart de la Villemarqué l'auteur du Barzaz Breiz,
  • Pierre son fils, avocat : 1854-1933 épouse Alix de Kergariou, d'où :
  • Valérie Hersart de la Villemarqué, petite-fille du barde, épouse en 1920 Arthur Krebs, d'où 5 enfants, Alix, etc...

 

   Conclusion.

     J'ai déjà cité les travaux de Marcel Jousse  Le vitrail de la Vie de Jésus à Confort-Meilars basée sur une anthopologie du geste étroitement lièe à la mémoire orale, mémoire dont il avait mesuré l'étendue dans la Sarthe rurale où il était né en 1886. Il insistait sur l'ancrage corporel et rythmique de cette mémoire qui n'est jamais énoncée, mais toujours rythmo-mélodiée lorsqu'elle est transmise, à l'enfant sous forme de comptines, de berceuses, de devinettes ou de proverbes ou de contes aux formulettes répétitives, à l'adulte sous forme de chants et de récits traditionnels en cantilènes, voire de lectures sacrées psalmodièes au lutrin.

   Passant par Kerlaz pour photographier la statue de Vierge allaitante, j'ai découvert progressivement les vitraux de l'église, puis leur commanditaire, puis les personnages qui apparaissaient liés à la conception de ces verrières: chaque rédaction de notice pour commenter mes photos m'ont ouvert des perspectives, alors que ma naïveté et mon ignorance initiales étaient complètes. Ce n'est qu'une fois que ces notices sont terminées que je constate que le point commun de ces vitraux n'est point, comme je l'ai cru, d'exprimer les convictions théologiques ou politiques d'un milieu clérical et conservateur, mais plutôt de témoigner de la force de la mémoire orale acquise durant les années de formation d'un breton de Cornouaille.

   Car quels sont les individus que j'ai rencontré lors de cette exploration ?

  • Julien Maunoir, auteur de canticou spirituels destinés à faire mémoriser aux paroissiens les dogmes, le crédo, le cathéchisme et les prières catholiques.
  • Théodore Hersart de La Villemarqué, collecteur de l'oralité bretonne et dont trois chants du Barzaz Breiz sont repris comme sujets des vitraux : L'Enfer (qui reprend lui-même le canticou du père Maunoir), Élégie de monsieur de Névet, Submersion de la ville d'Is. (sans compter Ar beleg forbannet ou le prêtre éxilé).
  • Germain Horellou (5-02-1864/06-05-1923), élève du petit séminaire st-Vincent de Pont-Croix, vicaire de Plourin en 1888 puis de Ploudalmézeau en 1894, ami d'enfance d'Henri Le Floch, mais dont je découvre que sous le surnom de Bleiz Neved, il était aussi "poète latin, français et breton", "auteur de cantiques, de chansons et de poèsies de circonstance

s qui ont fait la joie des réunions cléricales" (Henri Poisson, Histoire de Bretagne, Breiz, 1981). on trouve, publié dans Feiz ar Breiz, Fino (1908 p. 215), Al leon hag ar c'houibuenn (le lion et le moucheron,1923 p. 88), Ha gwerz an aotrou St Mikel (1923 p. 334), Mouez ar wazenn ( 1939 p. 117), ou dans Kroaz ar Vretoneg Kanaouen an eostig (1916 p. 12), et on peut encore découvrir un Kantikou an Eskopti ou Kamodig er Galoun zakr, "hymnus sapphiccus, 1916. Je découvre aussi par exemple que Denez Prigent a interprété l'une de ses compositions, la berceuse Tio Tio ( nous sommes bien dans l'oralité précoce et rythmée) dans son disque de 1996 Ar gouriz koar.


 

  Mieux, je constate que Germain Horellou était très proche de le famille La Villemarqué et de l'oeuvre de l'écrivain puisqu'il fut l'un des rares, et le dernier avant 1964, à consulter les fameux carnets de transcription du "barde"  en son manoir de Keransquer où il était reçu. C'est Laurent Donatien qui, p. 31 d' Aux sources du Barzaz Breiz, Ar Men 1989, signale qu'Horellou ayant accordé peut-être trop de confiance à l'une des pièces du Barzaz Breiz, il fut pris à partie par Louis Guennec et que, pour se défendre, il utilisa les archives de Keransquer auxquels  Pierre de La Villemarqué lui donna accés. 

   Le menhir christianisé lui-même, qui culmine au tympan de la maîtresse-vitre, est une figure qui vient de La Villemarqué : "Le menhir est toujours debout, mais la croix le domine". (Barzaz Breiz, 1939, Introduction X, lxxij)

           Henri Le Floch se situe donc au coeur d'un réseau ou d'une chaîne de transmission auriculaire à la fois familiale (récits des haut-faits des grand-oncles, des saints bretons et des seigneurs locaux, chants des Pardons de Kerlaz et de Sainte-Anne-la-Palud...) et amicale et culturelle ( Canticou spirituels et feuilles volantes des jésuites / Gwerziou traditionnels / La Villemarqué/ berceuses et cantiques d'Horellou ) d'une mémoire orale. C'est cette oralité qui est mis en image sur les vitraux de Kerlaz, plutôt que la pensée conservatrice et la tradition catholique acquise chez les spiritains au séminaire et dont il fut, pourtant, l'un des farouches gardiens.

   

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 14:15

 

                                   Vierges allaitantes V :

                    

                 Chapelle Saint-Venec  à Briec :

         Première partie : Notre-Dame de Tréguron ; les statues des saints ; le calvaire.


Préambule : quelques considérations géographiques et historiques.

   Balzac n'avait pas tort, lorsqu'il imposait à ses lecteurs ces fameuses entrées en matière fastidieuses avant de présenter les personnages de sa Comédie, tant il est vrai que l'on ne comprend bien une situation que si on en a appréhendé le contexte. Mais si 90% lecteurs des Chouans ou du Pére Goriot sautent allégrement le ruisseau de son préambule, 99% des lecteurs de ce pauvre blog sont déjà partis vers les images qui suivent.

  J'ai fait de même, prenant d'abord les clichés, pour ne regarder que longtemps après la carte IGN de Briec, pour situer cette chapelle Saint-Venec entre Porzay et Poher, sur les pentes qui séparent le Menez Roc'h Meur (231m) des vallées des affluents du Steïr et de leurs moulins, à cinquante mètres de la route nord-sud Chateaulin-Quimper.

   Un simple compas, réglé pour un rayon de 15km, encerclerait dans son empan toutes les Vierges allaitantes de Cornouaille : Trèguron en Gouezec au nord-est, Kerluan en Chateaulin au nord, Quillidoaré en Cast au nord-ouest, Kergoat en Quéménéven, Bonne-Nouvelle en Locronan et Kerlaz à l'ouest, Seznec en Plogonnec au sud-ouest. Lannelec en Pleyben restait à peine plus loin. Et tout-près, Notre-Dame des Trois-Fontaines parlait encore de culte de la fécondité.

  L'histoire m'appris que la paroisse de Briec était jadis divisée en trèves et en frairies dont l'organisation était compliquée par le fait que le territoire de Landrevarzec séparait les paroissiens de leur église-mère : au XVIIIe siècle, ce que l'on nommait l'enclave de Briec encerclait en machoire Landrevarzec, qui ouvrait elle-même sa gueule sur Briec-même: il suffit de regarder la carte du site Tudchentil.org:http://www.tudchentil.org/spip.php?article30

  Saint-Venec, et les lieux-dits Jubic, Ty Venez Jubic, Guinnigou, kermenguy, Kerveguen, Kerrouzic, Ty spern, Stang Yen, etc.. appartenaient à la frairie de Trebozen (Trebozen Huella et Izella). Lorsque Landrevarzec devint commune en 1873, seule la partie orientale de Trebozen resta attribuée à Briec, sous le nom de Trève de Saint-Venec, Trev Sant Veneg.

   Puisque ce sont les vierges allaitantes qui me mènent ici, et que nombreux sont ceux qui voient là une resurgence de cultes païens comme ceux qui, en Égypte, liaient la montée de lait à la crue des eaux ou comme ceux de l'antiquité gréco-romaine ou celte, il n'est pas non plus indifférent d'apprendre qu'à 500 mètres au sud-ouest de la chapelle, à Kertiles, une villa gallo-romaine fut découverte en 1935 (Bull. Société Arch. Finist.), avec une sépulture du IVe siècle d'un adolescent dans un sarcophage de plomb. C'est que nous sommes ici le long de la voie romaine Carhaix-Douarnenez (Vorgium-Leones),  Hent Pesket, bel odonyme de la route des poissons qui menait le garum et les salaisons de Douarnenez vers la capitale des Osismes ( notre Finistère, peu ou prou), noeud routier de huit voies de communication au IIIe siècle de notre ére.

  Le passé gaulois peut d'autant pus être pris en compte que le nom de Briec vient d'un toponyme gallo-romain Brithiacum dont l'origine gauloise Brithiacos est indiquée par le suffixe "-acos".

   Jusqu'où irons-nous dans les spéculations ? Évoquerons-nous un ancien culte d'Isis, auquel on relie parfois aussi la fameuse Venus de Quinipily de Baud ? Oui, pour le plaisir de prononcer ce theonyme (je voulais placer mon sceau, mon gago in, sur ce néologisme, mais ce n'en est pas un : voir Cyril Aslanov, l'onomastique divine et humaine, indice de la confusion entre transcendance et immanence). Irons-nous mentionner les grandes déesses nourriciéres des Panthéons gallois et irlandais ? Pourquoi pas, puisque nous allons pénétrer dans un sanctuaire dédiè à Venec, fils d'un roi d'Irlande.

  La chapelle de Saint-Venec, comme toutes les chapelles et du moins comme toutes celles qui abritent une vierge allaitante, possède sa fontaine de dévotion, particulièrement soignée et contenant une statue du saint : Le culte gaulois des sources n'est pas loin, avec ses divinités de la fertilité.

 


 

 

 

La chapelle Saint-Venec :

   "A quatre lieues de Quimper sur le bord de la route de Chateaulin on découvre au milieu de grands arbres qui la cachent presque entièrement aux regards une petite chapelle dédiée à Saint Venec. tout auprès est un beau calvaire en granit, à soubassement triangulaire, qui porte la date de 1556. Parmi les nombreux personnages, pittoresquement groupés sur les angles, autour des deux croix qui y sont plantées, on remarque les douze apôtres tenant des cartouches à demi-déroulés, sur lesquels sont gravées les paroles du Credo. Un peu plus loin est la fontaine du saint, aussi vieille que le calvaire mais plus richement ornée que ne le sont ces édicules, accessoire obligées de toute chapelle bretonne. L'église construite au XVIe siècle sur le plan d'une croix latine, n'offre, à l'extérieur rien de remarquable, et on est péniblement surpris quand on y entre de l'état de délabrement dans laquelle elle se trouve".

   Ces lignes ont été publiées en 1874 dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère par M. Le Men restent parfaitement actuelles. Sans-doute le délabrement s'est-il seulement accentué, l'incurie a entraîné la disparition d'une niche gothique, mais nous pouvons poursuivre la lecture du texte, depuis près de 150 ans, rien n'a changé :

   Au bas de la nef est une tribune à panneaux vermoulus  grossièrement sculptés ; au milieu pend une lampe en fer [...] ; quelques sièges à moitié brisés et un ou deux confessionnaux sans porte complètent son ameublement. Cependant les débris de verre de couleur* qui restent encore dans les compartiments flamboyants de ses fenêtres, et les sculptures qui décorent les clefs de voûte et les poutres de sa charpente sont des indices certains que la pieuse sollicitude des fidèles qui l'ont fait construire n'avait rien négligé pour rendre le monument digne du saint à qui il est dédié".

*En 1905, on voyait encore des débris de vitraux avec deux anges tenant une banderolle, puis une sainte vierge et un saint sébastien.

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  L'impression que ressent le visiteur, lorsqu'il découvre, à gauche du maître-autel, "du coté de l'évangile", sur un fort cul-de-lampe, la délicate statue de la Vierge allaitante se détachant sur le mur aux moellons déchaussés, au crépi décrépi souillé par des ruissellement pisseux, au salpêtre verdâtre, est celle de rendre visite dans un hospice ou en sa prison  à une ancienne Reine déchue qui met toute sa dignité à relever sa robe et à se préserver des eaux de sanie et des immondes fanges.

1) Notre-Dame de Tréguron :

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   Lorsque l'abbé Abgrall, ou le chanoine Peyron, lui rendirent visite en 1904, elle était abritée par une niche en bois, "de style de la fin de la période gothique", où une statue en bois de Sainte-Anne l'accompagnait. A l'époque, ils pouvaient lire sur le socle l'inscription NOTRE DAME DE TREGVRON, "le même vocable que la vierge de la chapelle de N.D de Tréguron en Gouezec, où elle est priée surtout par les mères et les nourrices qui ont besoin de lait pour leur nourrisson". Les services des Monuments Historiques nous procurent  une photographie (de 1994 ?) de cette niche et des statues sur la base Palissy qui laisse rêveur : mais comme les droits en sont réservés, voici le lien : link On nous indique une restauration par M.Mainponte en 1956 (les ateliers Mainponte de Mondoubleau travaillent pour les Monuments Historiques depuis plus de 50 ans) . Les deux statues, rehaussées par un socle simple pour Ste Anne, un socle double pour la Vierge, retrouvent tout l'équilibre de leurs proportions .

  J'ose espérer que cette niche a été de nouveau confiée à un restaurateur et que la disposition désordre que je constate n'est que temporaire.

 

 

L'inscription : NOBLE.DAME.MERE.DV.REDEMPTEVR.1592 est sculpté sur le cul-de-lampe en majuscules dont les A, à chevron, et les M sont ornés. 

 

En 1592, Henri IV est roi de France depuis 3 ans, et il cherche à soumettre le duc de Merceur, gouverneur de Bretagne  qui se révolte contre l'ascension au trône d'un ancien protestant, et qui a obtenu le soutien de Philippe II roi d'Espagne. Les paysans soutiennent majoritairement le duc de Merceur, et en 1590, lorsque la ville de Carhaix a été totalement incendiée par le Sr de Liscoët au nom du roi, les paroisses de la région, y compris Briec, se sont mobilisés pour la défendre. Henri IV  ne mettra un terme à la Ligue bretonne (1588-1598) en soumettant le duc de Mercoeur qu'en 1598, puis il signera l'Édit de Nantes.


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   Cette statue de Vierge allaitante est la cinquième que je découvre. Elle possède des points communs avec les précédentes ou les suivantes, comme la longue chevelure lactiflue aux boucles dorées, le manteau bleu dont un pan revient sur le coté gauche, ou le corselet ouvert en V sur le sein allaitant,  mais c'est la seule à ne pas être grandeur nature. Sa facture est plus gracieuse encore que les autres, son visage rayonne de tendresse, sa pose hanchée est sinueuse mais digne. Elle est la seule à donner le sein gauche, sinistre. La seule aussi à ne pas tenir le sein pour le présenter à l'enfant, mais à offrir de la main droite, comme un double du sein tété, un fruit, une figue ou plus certainement une pomme d'or qui englobe dans sa rondeur métaphorique le fruit des Hespérides, celui du serpent de l'Eden, la grenade de Perséphone et celle du Cantique des Cantiques (tu fais jaillir un paradis de grenades avec des fruits exquis, du nard et du henné, IV,13), et enfin le globe terrestre. Une interprétation théologique me paraît être de voir Notre-Dame tendre généreusement à l'humanité la même nourriture dont elle a allaité l' enfant Jésus et répondre par ce geste de maternité sprirituelle à la prière de Saint Bernard Monstra te esse matrem, "Montrez-vous notre Mère".

  Autre particularité, la ceinture dorée qui remonte très haut sous la poitrine.

  C'est la seule qui soit couronnée.( Celle de Kergoat l'est également, mais elle est coiffée d'un accessoire ajouté).

  A la différence de ces Jésus retouchés par la pudibonderie du XIXe siècle des Vierges de Kerlaz, Lannélec ou Quillidoaré, , celui-ci est aussi mignon et naturel que possible, avec ses cheveux frisés et ses douces menottes.

  Aussi cette Notre-Dame de Tréguron-ci est bien à part des autres et ne semble pas issue exactement du même atelier. 

  Une confidence ? Elle est peut-être ma préférée. Mais chut, ne le leur dites pas, je ne veux pas d'histoires.

 

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La poursuite de la visite de la chapelle

a) les statues :

Notre-Dame de Bonne-Nouvelle :

  C'est une statue en pierre, restaurée par l'atelier Mainponte en 1956 est datée du XVe siècle. En 1994, la photographie MH montre que la tête de Jésus était déjà cassée. Elle est coiffée d'une sorte de casquette à la Charles Bovary, d'où s'échappe en ruisselant de longs cheveux qui l'apparenterait à une Vierge de fécondité (son nom de Bonne-Nouvelle s'y prête), surtout si on interprète l'espèce de pomme de pin qu'elle propose à son enfant comme dans la symbolique chrétienne de l'art roman comme symbole d'éternité (son pignon résiste au feu), de fertilité et de reproduction.

  Si on veut, on y verra une grappe de raisin, comme celles qui font une frise sous l'inscription de N.D de Tréburon.

   La longue chevelure est, par ailleurs, un signe iconographique de virginité retrouvé chez les vierges Saintes et Martyres.

 


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Sainte Anne :

  Sainte-Anne apprenant à lire à Marie. Mais le livre lui est tombé des mains.

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Sainte Marguerite :

  Statue en bois du XVe

  C'est à son propos que les cheveux dénoués sont à lire comme le signe de la virginité de la patronne...des sages-femmes. Elle mérite bien cet honneur (qui est, me souffle-t-elle, plutôt une lourde charge surtout les nuits de pleine-lune) puisqu'elle est experte en maïeutique (Socrate et sa mère la vénéraient) pour s'être extraite, armée d'un simple crucifix, du ventre d'un dragon. En vrai, ce dragon, n'était le diable déguisé pour la convaincre de céder aux avances du préfet d'Antioche Olybrius. En vain, an vain, car la vierge garda la tête froide, avant de la perdre, décapitée par l'Olibrius libidineux devenu fou furieux.

  Inscription : Ste Marguerite :P.P.N.

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Saint Yves entre le riche et le pauvre :


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L'inscription est la suivante : DEVS : QVI : BEATVM : YVONEM : CONFESSOREM Y. MOEZ 1592.

 Il s'agit d'un extrait de l'oraison à Saint-Yves : Deus, qui ad animarum salutem et pauperum defensionem beatum Yvonem Confessorem tuum insignem ministrum elegisti : quaesumus, ut ejusdem nos tribuas et caritatem imitari et apud te patrociniis communiri. Per dominum...

 "Dieu, pour sauver les âmes et défendre les pauvres, vous avez choisi un ministre en la personne du Bienheureux Yves, votre confesseur : nous vous en prions, donnez-nous d'imiter sa charité et d'être fortifiés auprès de vous par son patronage."

 

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          On peut penser que Y.MOEZ corresponde à un Yves Moysan.

 Saint-Yves est vêtu d'un surplis blanc sur la soutane noire et d'une aumusse  rouge ; au lieu de la barrette, il est coiffé d'un chaperon. Il est assis, accoudé à la cathèdre. L'iconographie de St Yves le représente soit dans sa fonction de juge du tribunal ecclésiastique ou official,en cotte et camail rouge, housse blanche parsemée d'hermines, chaussons violets, barrette rouge, soit dans celle de recteur des paroisses de Tredrez puis de Louannec. C'est donc comme recteur qu'il apparaît ici. Plus exactement peut-être, l'artiste a peut-être tenté de respecter les descriptions authentiques que les témoins ont donné d'Yves Hilory lors de son procès de canonisation en 1330 : ils signalaient "un long surcot et une cotte qui descendait jusqu'aux talons ainsi qu'un capuchon fait d'une étoffe blanche bon-marché", "un capuchon tiré sur les yeux", "une chemise de filasse grossière", laquelle dissimulait le cilice pénitentiel. En tout-cas, il avait abandonné tout signe extérieur d'attachement aux vanités de ce bas-monde, et notamment les toges douillettement bordées d'hermine.

   Jadis, la niche était très probablement, comme celle des autres saints de cette chapelle dotée de volets.

  Ces  trios du Saint, du riche et du pauvre sont apparus dans l'iconographie principalement au XVIe siécle, suscités par des groupes d'Italie (on retrouve à San Gimignano une fresque du Sodoma figurant saint Yves entre les plaideurs), et leur densité est plus importante en Finistère qu'autour de Tréguier. 13 groupes sont dénombrés dans le Finistère au XVIe siècle, 11 au XVIIe et 1 au XVIIIe. Notre trio de 1592 se place donc au choeur de la période de production. Il est destiné, pour répondre aux orientations du Concile de Trente, à répandre l'image du Bon Clergé, consciencieux, évangélique, irréprochable : l'image du Prêtre Juste. Habillé sans ostentation. Indépendant de la noblesse et des marchands. Pratiquant la charité. Régulier dans l'exercice de ses dévotions. Toutes qualités qui paraissent aujourd'hui aller de soi mais qui, à l'époque, avaient besoin d'un peu de publicité.

(Source :Virginie Montarou, Saint Yves entre le riche et le pauvre,  in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003), P.U.Rennes/CRBC 2004.)

  

  Le pauvre :

Je regrette que ma photographie soit si pâle mais les couleurs de la statue sont également bien délavées : on voit néanmoins le costume rapiécé du pauvre en un étonnant patchwork multicolore ; on note aussi qu'il porte une sorte d'étole.  C'est le détail intéressant, car il s'agit vraisemblablement du sac contenant le placet de sa défense, ici un bissac. C'est ce qui me fait découvrir le rouleau lui-même, que je n'avais point vu sous le bras droit (ou bien est-ce le moignon du bras cassé ?). Le pauvre est surchargé par tous ces dossiers : ces procédures étaient coûteuses et facturées à la ligne manuscrite par les hommes de loi, alors que Saint-Yves plaidait et assistait les plaignants gratuitement.

 

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      Le riche

  Comme il se trouvait abaissé en étant placé sur un pied d'égalité avec le pauvre, il s'est haussé le col en montant sur un piédestal plus élevé que le misérable faquin : pas bête.

  Il s'est mis à droite, du bon coté du Saint. Le plus souvent, l'artiste représente le pauvre à droite, placé sous la protection de saint ; mais dans le groupe que j'ai photographié à Gouezec, pas très loin d'ici, le riche est aussi à droite : 

   L'état lamentable de l'oeuvre d'art ne fait pas honneur à la magnificence de son costume, composé d'un manteau orfrayé comme celui d'un évêque, d'une tunique au copieux boutonnage, serré par une ceinture, d'une petite fraise , de bas de chausses bleus. Sa coiffure est soignée, courte et bouclée par devant, mi-longue à l'arrière.

  Mais c'est bien-sûr son aumônière qui attire mon attention, d'une part parce qu'elle est décorée  à la façon des broderies des costumes bretons et que nous avons là un beau témoignage de passementerie de costume du XVIe siècle, et d'autre part puisque c'est dans cette aumonière (qui porte mal son nom ici) que se trouve sans-doute la somme d'argent avec laquelle il comptait soudoyer l'official de Tréguier.

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Saint Antoine :

      Statue en bois du XVe siècle (M.H )

  Il est représenté en tenue monastique, et il porte un livre et un chapelet. Il est pieds nus, et ces pieds sont fort laids. Les antonins ont le privilège de laisser leurs porcs se nourrir en liberté. Les manants n'ont rien le droit de dire, mais ils sont bien contents, lorsque l'ergot de seigle les a contaminés et qu'ils sont torturés par le feu saint-antoine, de trouver l'un des dix mille moines de l'Ordre capable de les soigner. 

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Saint Sébastien :

 Un Saint-Sébastien, c'est un Saint-Sébastien, même quand il lui manque un bras et qu'il a perdu ses flêches : et le van VW garé sur la dune avec le stickers Break the waves, not the Beaches collé sur la vitre et les oakley ou les ray ban aviator derrière la même vitre, c'est à lui. (les clefs sont sous la roue avant-gauche) ; et puis  il a mis a sêcher son surfshort Toes on the nose sur son longboard. Il se protège le nez avec de la pâte de zinc. Il renforce ses adducteurs avec un leash venant de Californie mais que son coach lui a donné et dont il entoure ses deux jambes : no worries ! 

  Sur le spot voisin, à la chapelle Saint-Sébastien de gavrinis à Briec, on voit une statue presque identique, mais le bras droit est intact et le saint est à l'abri dans une niche (beach hut) aux volets peints où quatre archers le visent . Mais le malheureux n'a pas du tout the surfer's hair à la Brice de Nice. Tandis qu'à Saint-Venec, c'est blond platine façon Kanabeach!

   Seb nous a donné son secret :

_"de l'eau de mer, du vent, des beach-breaks et des reef-breaks, y'a que ça mon gars".

_ et physiquement Seb, comment vas-tu ?

_ Une shape d'enfer!

_ Seb, à quoi te sert la rope-malibu autour de tes jambes ?

_Ah, sur ma shortboard j'étais goofy alors sur une gauche j'étais backside mais les regular ils étaient frontside donc...

_ Ah c'est clair ! Où comptes-tu aller cette saison?

_ Seb (jouant avec une dent de requin taillée en pointe de flèche) :Je crois que je vais regagner Paradise, j'ai bien mérité ça.

_G'day Mate!

 

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Christ ressuscité :

 

Nous l'avons vu, placé à coté de Notre-Dame de Tréguron. C'est une statue de bois du Christ au matin de Pâques sortant de son tombeau, statue grandeur nature dont  on voit bien qu'elle n'est pas à sa place, et qu'elle dévalue la sculpture demi-nature de la Vierge. L'ensemble est mal proportionné et incohérent. Elle était placée en 1994 à coté de la statue de saint Antoine (photo MH, link) mais  cela donnait alors l'impression que le Christ disait à son saint : "accueille moi un instant sur ton piédestal, je n'ai pas une pierre pour poser ma tête". La statue a bénéficiée également d'une restauration par Mainponte en 1956; elle est estimée dater du XVe siècle.


 

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Saint Jacques le Mineur :

Le fils de Cléophas et de Marie (l'une des Saintes Femmes) porte le bâton de foulon qui serait l'instrument de son martyr. En effet, premier évêque de Jérusalem, il fut précipité d'une tour du Temple, puis lapidé, puis achevé avec un foulon dont on lui fracassa le crâne. Il porte un phylactère avec l'article du Credo qu'il a énoncé le premier. ( Voir  Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.)

  J'ai cru (je l'avais lu) qu'il s'agissait de Jacques le Majeur, mais celui-ci, qui a perdu la tête, ets resté à l'exterieur sur le calvaire. On peut être égaré, je le conçois, par le fait que le Majeur tienne en main un bâton, mais il ne faut pas confondre le bourdon du Majeur et le bâton à foulon du Mineur. (d'autant que ce bâton à foulon servit, selon la légende dorée, à un juif qui "d'un grand coup brisa la tête de l'apôtre et fit voler au loin sa cervelle". Et puis J- l'écervelé ne porte pas de chapeau alors que J+ porte celui de pélerin de St jacques avec ses coquilles. Enfin, on peut se rapporter à la mention S. IACOBVS MAJ et S. IACOBVS MIN qui peuvent aider les plus latinistes.

   Puisqu'il est Mineur, il porte son article du Symbole des apôtres qui est le sixième, Ascendit in caelos ; sedet ad dexteram patris Dei Patris Omnipotentis, qui se résume ici à ASCENDIT AD CE.. dont on peut admirer les belles lettres I, T, A et les N aux empatements ornés.


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       Il reste à admirer "le grés arkosique employé dans la vallée de l'Aulne". (merci à Yves-Pascal Castel et à son site Chemins de Bretagne) :

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La chapelle aux sortilèges.

  Quel sortilège dans cette chapelle ? Ai-je dérangé, en plein hiver, par ma visite inattendue, les évolutions joyeuses et enchantées de personnages qui ne feignent de se pétrifier face à un touriste que pour reprendre, une fois que la porte grinçante s'est refermée, une sarabande de chaise musicale où le maître du jeu retire à chaque polka une niche, à chaque ragtime un socle, chaque fox-trot un cul-de-lampe, chaque valse un autel, où le vantail de confessional fait le baryton et la lampe rouillée la mezzo-soprano, le petit cochon de saint-Antoine la basse et le dragon de Marguerite le ténor ? Où, lorsqu'un nouveau touriste survient, Christ sort précipitament de son tombeau, Petit-Jésus cesse de jongler avec la pomme, St-Yves  rend à Marguerite le dragon, les petits  Jacut, Guénolé et Guennoc  arrêtent de jouer à cochon-pendu pour se suspendre chacun au sein qu'il doit têter ? Et tant-pis si, d'une fois sur l'autre, Sainte-Anne s'est trompée de niche, Marguerite est encore en train de faire saute-mouton avec son dragon, Notre-Seigneur est en équilibre instable à coté de Sébastien et si Jacques le Mineur est resté par terre : c'est lui qui s'y collera, au Chat Perché.


  Car si on regarde les photos de 1994, on voit qu'aujourd'hui non seulement la niche de la vierge a disparu, que ce grand Christ a sauté du piédestal de Saint-Antoine à celui de la Vierge, que  Sainte-Anne n'est plus à coté de Notre-Dame, mais qu'elle est désormais accompagnée de Marie à qui elle apprend à lire ; que le livre qu'elle est censée lire est entre les mains de saint Antoine ;  que Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, jadis placée à coté de Sainte-Marguerite, s'est déplacée sous la fenêtre ; que St Guennoc dans sa niche n'a plus les deux saint-évêques qui l'encadraient. 

 

        Le même sortilège a frappé le photographe des Monuments Historiques, ou du moins sa collection de clichés, link, puisque Saint-Yves s' est échappé, suivi de son riche et de son pauvre, dans la chapelle Saint-Sébastien de Garnilis sous le n° 290000083 et que le cliché  de Saint Guénolé sous sa niche est venu illustrer la notice de Sainte Guen (sainte Blanche) et ses trois fils.  Il n'est peut-être pas bon que je m'attarde ici... 

 

 

II. Le calvaire de saint-Venec :

  Difficile de ne pas dire, comme partout, que ce calvaire de base triangulaire, daté par une inscription 1556, montre Notre-Dame de Pitié tenant son fils sur ses genoux,  Saint-Jean Baptiste, ou les douze apôtres tenant chacun leur article du Symbole. Il faut contourner l'édifice pour découvrir une belle Véronique, patronne des photographes, présentant la Vraie Icône.

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  Les supports des statues sont formés par des êtres humains étrangement contorsionnés. Tout-en-haut, la Vierge, et une place vide là où on s'attendrait à trouver Saint Jean, qui est à l'étage médian, tenant la coupe du poison dont il a triomphé. A ses cotés, c'est la très belle statue de Sainte Madeleine, mains jointes, la tête saisie par une convulsion de chagrin qui la projette en arrière. De part et d'autre, deux apôtres, Saint Pierre et Saint Jacques le Majeur.

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  Autour du Christ, trois anges recueillent dans un calice le Précieux Sang.

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  Bon ou mauvais, les larrons se recroquevillent de douleur sous la morsure des lichens.

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        La Vierge de Pitié entourée des saintes femmes et Madeleine ulcérée :

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On remarque son flacon de parfum qu'elle a posé à ses pieds ; on note son élégance, son col et ses poignets gaufrés ou ruchés ( ah, c'est mon grand regret de n'avoir pu, comme Marcel, bénéficier auprès de la Duchesse de Guermantes de cette initiation à la toilette féminine qui est comme l'adoubement indispensable, le vrai viatique de la vie mondaine, mais qui s'avère tout aussi indispensable à l'exploration de l'art religieux,  de n'y avoir pu feuilleter le Petit Echo de la Mode en discutant des volants, des ruchés, des bouillons de dentelle ou des éffilés de jais de la dernière collection avant de pour pouvoir décrire ainsi la robe d'Albertine : "Elle était envahie d'ornementation arabe comme Venise, comme les palais de Venise dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierre, comme les reliures de la bibliothèque Ambrosienne, comme les colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie, se répétaient dans le miroitement de l'étoffe, d'un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon regard y avançait se changeait en or malléable, par ces mêmes transmutations qui, devant la gondole qui s'avance, changent en métal flamboyant l'azur du Grand Canal. Et les manches étaient doublées d'un rose cerise qui est si particulièrement vénitien qu'on l'appelle rose Tiepolo."

  Regardez ces manches que Madeleine tend en un geste poignant et écoutez le bruit de l'étoffe , voyez " l'inflexion du corps qui fait palpiter la soie comme la sirène bat l'ombre et donne à la percaline une expression humaine", humez ce parfum et laissez la bergamote de tête se marier à ses notes de fond de santal et d'opopanax... et je vous jure que vous saurez, avec cette certitude bouleversante, que ces manches et ce col magdalenéen vibrent de ce rose cerise qu'on appelle rose "Tiepolo".


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 Saint Jean :

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Le credo apostolique.

Ils ne sont pas si fréquents, les Credo où les apôtres, déroulant leur phylactère, proclament les uns après les autres les douze articles du Symbole des apôtres, et où ces banderoles sont encore lisibles. J'avais découvert cela sur le vitrail de Kergoat, où il se double d'un Credo prophétique mais qui ne montre que Pierre, André, Philippe et Jacques. En sculpture, le plus beau se trouve sous le porche de l'église Saint-Herbot à Plonevez du Faou et date de 1481. Les versets y sont cités intégralement, en utilisant les tildes abréviatifs. Cette citation intégrale que l'on rencontre à la fin du XVe va laisser la place à une citation bréve au milieu du XVIe, comme sur le calvaire de Saint-Venec.

Liste des credo gravés ou sculptés en Bretagne link:

  • Plonevez du Faou, èglise St Herbot, porche
  • Briec, chapelle Saint-Venec, calvaire,
  • Sizun, ossuaire,
  • Larmor-Plage, porche.
  • ( Porte d'entrée du cimetière moderne de Ploaré à Douarnenez : Pierre et Jean)

  Ici, à Saint-Venec, il ne manque que Saint Barthélémy, et Saint Jacques le Mineur qui est rentré à l'intérieur. Leur texte est raccourci, allusif ; en voici la liste, telle qu'elle a été publiée par Yves-Pascal Castel dans les Cahiers de l'Iroise de janvier 1991, mais que j'ai trouvé sur le site breton.coatmeal.free.fr ici: link Je la complète par St Philippe et St Jacques et je rajoute l'attribut quand je le peux. Pour l'histoire du Credo apostolique et pour les versets dans leur intégralité, je renvoie à mon article de Kergoat : Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux. :

S. PETRUS : CREDO IN DEVM                     : La clef.

S. ANDREAS : ET IN IESVM                        : La croix de St André.

S. IACOBVS MA : QVI CONCEPTVS,             : Le chapeau, la coquille, le bourdon, la gourde

S. IOANNES : PASSUS SB PONCIO              : le vase ; Jean ets imberbe

S. THOMAS : DESCENDIT AD INFEROS        : l'équerre d'architecte

S. IACOBUS MI : ASCENDIT AD CE(LOS)      : le bâton de foulon

S. PHILIPPE : INDE VENTURUS EST              : la croix à double traverse

S. Barthelemy absent                                  :le couteau

S. MATTEVS : SANCTAM ECCL (ESIAM)        : la lance

S. SIMON : REMISSIONEM PECCA (TORVM)  : la scie

S. IUDE : CARNIS                                        : la massue

S. MATHIAS : VITAM AETERNAM AMEN          : la hache ou la hallebarde. Il pourrait aussi avoir la courte-paille, puisque c'est lui qui fut tiré au sort parmi les disciples pour remplacer Judas.

 Et, me direz-vous avec votre perspicacité légendaire, l'apôtre Paul alors ? Et bien, Paul est le treizième des douze apôtres, mais s'il demande parfois à ses collègues du Collège apostolique de se serrer pour qu'il s'abrite aussi sous les porches méridionaux de nos églises*, il ne figure pas dans le Credo Apostolique. Avec tous les épîtres qu'il a écrit, ce n'est pas une banderole qu'il tiendrait, mais une de ces "paperoles"  que Celestine Albaret collait aux manuscrits de Proust pour compléter une phrase longue comme un jour sans pain par une addition interminable de nouvelles propositions, avant d'en coller une nouvelle, et puis...

* A Penhors, c'est Thomas qui a cédé sa place à Paul :http://www.penhars-infos.com/article-saints-en-bretagne-le-porche-de-treffrin-77708656.html

  Je montrerais quelque-uns des bons apôtres de saint-Venec;  on admirera les lettres ornées et fleuronnées. Chaque apôtre tient, en plus de son attribut, un livre : non seulement les évangélistes, mais aussi les autres, comme s'ils portaient les Actes des Apôtres.

 


       Saint Pierre tient son phylactère : ST. PETRUS. CREDO IN DEVM

calvaire 8412c

 

  Philippe :

L'apôtre n'a plus toute sa tête mais il tient son phylactère où est inscrit INDE / VENT, suffisant pour décrypter Inde venturus est iudicare vivos et mortuos, "d'où il reviendra juger les vivants et les morts" : c'est donc Philippe, et l'attribut qu'il porte est la croix de son supplice. On le crucifia, à l'age de quatre-vingt six ans, mais on ne le cloua pas à la croix comme son Maître : on l'y attacha, comme on voit le faire pour les larrons. 

Outre la croix, il tient un livre dans la main gauche, qu'il ne lit plus beaucoup.

  D'après l'abbé Yves-Pascal Castel, c'est durant la dernière guerre que des malotrus visérent les têtes de ces apôtres pour faire des cartons, laissant la trace indélébile de leur confondante Bêtise. L'immonde Bête à sept têtes et à dix cornes, au moins.

calvaire 4311c

 

Saint Thomas : l'apôtre récite cet article : descendit ad inferos et il omet la fin, tertia die ressurrexit a mortuos.

Il descendit aux enfers, il ressuscita le troisième jour.

  L'équerre est bien là, portée sur l'épaule droite, 

calvaire 8414c



calvaire 8415c

 

      Saint Mattias : Vitam aeternam Amen.

Il tient le long manche d'une possible hache.


 calvaire 8419c

Sources :

Notice sur Briec, chanoines Abgrall et Peyron,, Bull. Dioc. Hist. Archeol. Quimper, 1904, 400-404 :

http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf

Le Men, Bull SAF 1884 p. 104 : sainte Guen Teirbron , Alba Trimammis.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207549n/f106.r=teirbron.langFR

 

Bonus


   Les Éditions Lavieb sont heureux d'offrir aux acquéreurs de ce coffret collector "Vierges allaitantes" un bonus qui restait introuvable :


                              Histoire des apôtres déchaussés. 




Les Apôtres aux pieds nus.


  On remarquera que les apôtres représentés à Saint-Venec  sont tous nu-pieds : selon les codes de l'art statuaire religieux, seuls Dieu, Jésus et les apôtres peuvent être figurés pieds-nus, et en aucun cas la Vierge et les saints (Émile Mâle). Cette tradition iconographique se conforme au verset de l'Évangile de Matthieu 13, 10 : " non peram in via neque duas tunicas, neque calceamenta, neque virgam ; dignum enim est operarius cibo suo."


Le plus simple est de citer le chapitre 10 de Matthieu (Trad:R.P de Carriéres 1840)


  1. Alors, Jésus ayant appelé ses douze disciples, leur donna puissance sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guèrir toutes les langueurs et toutes les maladies.
  2. Or voici le nom des douze apôtres : le premier Simon, qui est appelé Pierre, et André son frère;
  3. Jacques, fils de Zébédée, et André son frère, Philippe et Barthelemy, Thomas et Matthieu le publicain, Jacques fils d'Alphée et Thadée;
  4. Simon Cananéen et Judas Iscariote, et qui est celui qui le trahit.
  5. Jésus envoya ces douze, après leur avoir donné les instructions suivantes : n'allez point vers les gentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains,
  6. mais allez plutôt vers les brebis perdus de la maison d'Israël.
  7. Et dans les lieux où vous irez, prêchez, en disant : que le royaume des cieux est proche
  8. Rendez la santé aux malades, guerissez les lépreux, chassez les démons : donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement.
  9. N'ayez ni or, ni argent dans votre bourse,
  10. ne préparez ni un sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni souliers, ni bâton : car celui qui travaille mérite qu'on le nourrisse.

  Dom Calmet signale pourtant que St Marc (6, 9) écrit que Jésus autorise des disciples à porter des sandales dans leurs voyages : Sed calceatos sandaliis (Vulgate et Vulgate Clémentine), Sed ut calcearentur sandaliis (Nova Vulgata Vaticanii II) "Allez chaussés de sandales et ne mettez pas deux tuniques". Les sandales/sandaliis de Marc sont-elles différentes des souliers/calceamenta de Matthieu ? Que disent les textes en grecs ? le mot calceamenta de Matthieu est la traduction de ὑποδήματα,et les mots calceatos sandaliis de Marc sont traduits du grec ὑποδεδεμένους σανδάλια.

Mais est le terme prononcé par Jésus, qui ne parlait pas grec, mais araméen ?

Lexique :

  • calceatos : du verbe calco, marcher
  • calceamen, inis : chaussure, soulier
  • calceamentum, i : chaussure, soulier
  • Calceatus, us : chaussure
  • calceus, i : soulier, brodequin, à larges lanières et lacèes au dessus de la cheville.
  • calceolus, i petit soulier, bottine
  • caliga : espèce de sandale portée par les soldats romains et souvent ferrée.
  • sandalium,ii : sandales (pour les femmes).

 Munis de ces éléments linguistiques, pouvons nous conclure? Non, ce serait oublier saint Luc, dont l'Évangile (22, 35) fait dire au Christ : "lorsque je vous ai envoyé sans bourse, sans sac, sans chaussure, (sine sacculo et pera et calciamentis) avez-vous manqué de quelque chose ?" 


  Jésus lui-même portait des chaussures à courroies, puisque Jean-Baptiste se déclare indigne de les délacer cujus non sum dignus procubens solvere corrigiam calceamentorum ejus, (Marc 1, 7) (Luc, 3,16), ou de les porter, non sum dignus calceamenta portare (Mat, 3,13).


  Devant ce point ardu d'herméneutique, Dom Calmet, qui se refuse à donner tort à Marc, qui permet les sandales contre Matthieu qui interdit les chaussures, soutient qu'il faut lire "ne préparez ni un sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni (deux paires de) souliers" estimant que, quoique ce soit l'usage dans l'antiquité de faire porter par son esclave une paire de souliers de réserve ( et Jean-Baptiste se déclare alors indigne d'être, ne serait-ce que l'esclave du Christ chargé de cette deuxième paire), les apôtres en auront bien assez d'une seule.


    Ne pensons pas que Dom Calmet, s'il ne donne pas raison aux artistes et tailleurs de pierre du Moyen-Âge et de la Renaissance  qui s'obstinèrent à laisser les apôtres pieds nus, traite ce sujet par dessus la jambe parce qu'il méconnaît les arcanes de la cordonnerie antique. Que nenni ! Sachez que le père d'Augustin Calmet, bénédictin de la Congrégation de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe et abbé de Senones était maréchal-ferrand ; et que lui-même, loin de se contenter d'écrire le Traité sur les Vampires tant moqué par Voltaire, consacra douze pages (235-247) de son Commentaire sur la Régle de saint Benoît (1734) à l'étude de ce passage du chapitre LV de la Régle Indumenta pedum, pedules et caligas, "ils auront pour vêtement des pieds, des bas et des souliers" et disserta sur les pedules, ou chaussons de laine pour l'hiver, et les caligas, chaussures à semelle de bois ou de cuir attachée par des courroies à la cheville. La calige était une chaussure militaire (proche de notre sandale) , "d'où vient qu'on donna au jeune Caïus, fils de Germanicus, le surnom de Caligula (bottine de soldat) à cause de cette chaussure qu'il portait dans le Camp." On y apprend que les moines de Saint-Vanne recevaient le Jeudi-Saint deux paires de chaussures ( duo paria calceamentorum) et autant de chaussons attachés par derrière (pedules retrorsum) : de quoi faire des envieux chez Pierre, Paul, Jacques et les autres.


  Il fallu attendre 1542 et Thérèse d'Avila pour que les Carmes déchaussés renoncent aux chaussures et adoptent les sandales en bois.

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 14:13

                        Vierges allaitantes V :

             Chapelle Saint-Venec à Briec.

           Deuxième partie : sainte Gwen Trimammis, Guénolé, Jacut et Venec.

 


I. Saint Guéthenoc / Venec:

   Depuis la photo de 1994 de l'inventaire des Monuments Historiques, link la niche, qui tenait déjà avec un bout de ficelle, s'est encore détériorée, a perdu le peu de fonds peint qu'elle conservait tant bien que mal et se réduit maintenant à un grabat de planches vétustes que les ronces ou le lierre viennent envahir. En 1904, Abgrall pouvait décrire "une niche gothique en bois dont le dais a des découpures flamboyantes très fines". Mais plus rien ne flamboie aujourd'hui.

  La statue est en pierre et date du XVe siècle. Elle a été restaurée en 1956 par Mainponte. Elle a perdu les deux saint-évêques qui l'accompagnaient  et qui devaient représenter ses frères , mais qui étaient de taille moitié moins grande et ne devaient pas se trouver à leur place initiale. Que sont-ils devenus ?

saint-venec 8441c

 

inscription: S. GVEZNOCE : 1578... Cette inscription semble de la même main que celle du cul-de-lampe de Notre-Dame de Trèguron ou du groupe de saint-Yves, datant de 1592 et se détache sur le même fond rouge brique. La frise sous-jacente est différente et elle est centrée par une tête.

   Il s'agit donc du saint-patron de la chapelle, et c'est le moment de reprendre la lecture de notre exemplaire du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1884 et de suivre René-François Le Men, Archiviste du Finistère, dans son commentaire : 

   " Quand à Saint Venec, dont le nom moderne est une altération des formes anciennes Guethenoc, Guezenec, Guenoc et Guenec, la tradition bretonne ne nous en apprend que ce que j'ai rapporté d'après le cartulaire de Landevennec. [cf infra] Il est représenté du coté de l'épître, dans le sanctuaire de sa chapelle, presque de grandeur naturelle, en costume de guerrier, tenant d'une main une épée et de l'autre un livre. A ses cotés, dans la même niche, mais avec des proportions bien moindres, sont représentés ses deux frères, Saint Guénolé et Saint Jacut, en costume d'abbé. On n'ignore pas que le premier fut en effet abbé de Landevennec, et que Saint-Jacut donna son nom à un monastère, situé à deux lieues de saint-Malo, dont il avait été le premier abbé. Les habitants du village de Saint-Venec n'ont rien pu m'apprendre de la vie de ce saint. On  l'invoque dans le pays pour la guérison des rhumatismes. Sa fête patronale a lieu le dimanche gras et le lundi de la Pentecôte."

   Saint Venec, Vennec, Guéthenoc, Guézennec, Guithern, en breton Sant Guezheneg ou Gwezhenog est le fils du roi britannique Saint Fragan et de Sainte Gwenn dont nous allons parler, et le frère de Guénolé et de Jacut. Il est contemporain de l'émigration de Bretagne insulaire vers l'armorique au V-VIe siècle et notamment de celle de l'an 513. Son nom, issu du vieux breton guethen, prend donc la signification de "combattant, guerrier". Comme on sait très peu de chose sur lui, c'est en examinant ses statues que l'on (Le Men) déduit, puisqu'il est en armure, qu'il tient une épée mais aussi un livre, qu'il fut d'abord guerrier avant d'être religieux : c'est aussi simple que cela.

Iconographie :

  • Chapelle Notre-Dame de Ponthouar, Trégourez (29) :http://fr.topic-topos.com/saint-guezennec-tregourez Saint Guezennec y est représenté en guerrier, tenant une épée (disparue) et un livre. la statue est datée de 1563.
  • Chapelle Notre-dame de la Clarté, Combrit (29) statue de Saint Vennec, 17e.
  • Roudoualec (56), statue petite nature de Saint Vennec

Ici, il est représenté "en guerrier, casque en tête , revêtu de la cuirasse et du reste de l'armure de fer, et portant sur le tout un manteau qui le drape élegamment. " (Abgrall, Notice de Briec, BDHA 1904 p. 402, http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf

  Dans la main droite, il ne tient plus que le pommeau et la garde de l'épée nue qui était encore visible en 1904.

 


 

II.  Sainte Gwenn Teir Bronn (Kersantite, 1,30m, vers 1578) :

  Après avoir vu les niches principales et les statues de N.D. de Tréguron  et de Saint Venec encadrant l'autel, nous nous rendons à droite, vers le transept sud, pour découvrir la représentation "la plus curieuse et la plus extraordinaire qui soit dans le pays". (Abgrall) :  un groupe de quatre personnages,  assez décoloré, mal éclairé par la lumière d'hiver de ma visite, et dont je ne compris qu'à mon retour chez moi ce qu'il fallait y voir : les trois mamelles !


saint-venec 8434c

 

  Je me mets à nouveau à l'écoute de René-François Le Men : 

  "La femme est représentée assise et le front ceint d'un diadème. Son corsage ouvert laisse voir sur sa poitrine nue trois mamelles, dont l'une, celle du milieu, plus développée que les autres semble destinée à allaiter un petit enfant qu'elle tient sur les genoux et qui laisse échapper de sa main un cartouche sur lequel on lit en caractères gothiques : S. GUENNOC . Les deux autres enfants debout de chaque coté de la femme s'appuient d'une main sur ses genoux et tiennent comme le premier des cartouches sur lesquels on lit S. GUENOLE et S. JACUT. Aucune date n'accompagne ce groupe, mais on peut, d'après les caractères de ses inscriptions, fixer l'époque où il fut sculpté à la seconde moitiè du XVIe siècle."

  J.M. Abgrall remarque un détail : la chevelure abondante qui tombe sur les épaules et est retenue par des rubans ou bandeaux. C'est là à mes yeux un détail fondamental puisqu'il est retrouvé à l'identique sur la quasi totalité (6/7)des Vierges allaitantes de Cornouaille, la seule exception étant ...celle de Saint-Venec. Cela oblige, à moins de retrouver ce bandeau transversal sur d'autres chevelures ailleurs, à insérer cette Sainte Gwen à l'intérieur du groupe des Vierges plutôt que de considérer sa présence conjointe mais non signifiante dans ce sanctuaire.

  Par ailleurs, Abgrall corrige la lecture des inscriptions car l'enfant dans les bras de sa mère tient l'intitulé de son prénom qui est S. GVENOLAE et non GUENNOC, alors que les grands enfants se nomment S. GVESNEC (ou GUEZNEC) à droite de sa mère  et S. JACVT à gauche. Il détaille aussi le costume des enfants : robe (verte) dont le bas est orné d'une frange (et les manches ont un revers doré) pour Guénolé, dont les pieds sont nus, robe verte sur des hauts de chausse pour Jacut avec un col rond rehaussé d'or et de pierres, casaque rouge et col en V  pour Guénolé. Sainte Gwen est recouverte d'un lourd manteau sur une robe rouge et un tablier bleu-roi aux quatre-feuilles d' or. Les jumeaux Gueznec et Jacut sont coiffés comme des seigneurs du début du XVIe, court devant et long derrière, alors que Guenolé est coupé court, presque ras.

  La mère et les deux aînés sont chaussés, et les chaussures presque carrées de Gwen se découpant sur le lourd drapé de la robe confèrent au groupe quelque caractère  pesant et hiératique d'une sorte de divinité primitive.

  Le mamelon du sein tierce est présenté au fils par cette préhension digitale latéro-latérale entre index et majeur qui est aussi celle des Vierges de Quillidoaré, de Kergoat et de Kerluan.

 

saint-venec 8420c

 Il nous reste à découvrir qui sont ces personnages :

"La femme ainsi représentée est célèbre dans les annales bretonnes et galloises qui la nomment Alba Trimammis ( Blanche Trois-Mamelles) ou Gwen Teirbron (idem en breton), mais qui présentent quelques divergences au point de vue de son identité. Voilà ce qu'en rapporte la Vie de St Guénolé, écrite au IXe siècle, et qui fait partie du cartulaire de Landevennec, manuscrit dont la rédaction presqu'entière remonte au XIe siècle :

   Fracan, guerrier renommé et cousin de Cathou, un des rois de la Bretagne insulaire, fuyant les atteintes d'une maladie pestilentielle qui désolait le royaume de ses parents, en punition des crimes de ses habitants,(1) passa en Armorique, emmenant avec lui sa femme nommée Blanche (Alba, en breton Guen) et ses deux fils Guehennoc et Jacob (Jacut). Ils débarquèrent dans un lieu nommé Brahec (2) et s'établit ensuite dans une localité qui de son nom se nomma Ploufragan (Plebs Fracani)(3), et où il lui naquit un troisième fils qui reçut le nom de Guénolé. Dieu, par un miracle, donna à Blanche une troisième mamelle pour allaiter ce troisième fils qui était appelé à de grandes destinées, et c'est de cette faveur spéciale que lui vint ce nom de Trimammis.[...] 

  Sainte Guen Teirbron n'est connue que sous le nom de "la mère de saint Venec" 'Mamm Sant Venec) dans la paroisse de Briec où est située la chapelle que je viens de décrire. Les nourrices lui font des offrandes de quenouilles de lin pour avoir du lait.* Elle était la patronne de la paroisse primitive de Plouguien (Ploe Guen, Plebs Albae) près de St-Brieuc, et on la voit représentée "en robe longue, assise, et allaitant ses trois garçons dans la chapelle de Lezven (altération probable de Lez Guen ) dans la même paroisse.

   Les traditions galloises mentionnent aussi une Sainte Guen, à laquelle elles donnent le même surnom de "teirbron" .

  (1) : Fragan dut passer en Armorique vers l'année 465, et l'invasion saxonne fut très probablement la véritable cause qui l'obligea à quitter son pays.

(2) : M. de La Borderie pense qu'il s'agit du port de Brehec, situé tout près de Lanloup, dans la Baie actuelle de St-Brieuc.

(3) Canton de St-Brieuc, Côtes-du-Nord.

* C'est moi qui souligne. Les quenouilles de chanvre sont liées à la fécondité et au "travail" de la femme : dans le Perche, le cortège nuptial, après la cérémonie, s'arrêtait à un autel de la Vierge où les parents remettaient à la jeune femme une quenouille consacrée qui s'y trouvait.  Elle devait  ramener chez elle la quenouille nuptiale, ornée de rubans, filer le chanvre qui s'y trouvait, et rapporter sur l'autel la quenouille rechargée en chanvre, avec l'écheveau de fil qu'elle avait confectionné. (Antiquités percheronnes, Joseph Fret, 1838)

 

  R.F. Le Men signale que cette Gwen galloise est considérée comme la fille d'un Emyr Llydaw, neveu de Saint Germain l'Auxerrois qui se rendit en 420-430 en Bretagne Insulaire pour combattre l'hérésie pélagique. Gwen épousa un prince armoricain, Lydewig, dont elle eut un fils nommé Cadvan, ce qui signifie "guerrier" comme Venec. Cadvan émigra au VIe siècle au Pays de Galles avec d'autres valeureux compagnons qui devinrent tous saints. Il fonda un monastère sur l'île de Bardsey ; il était considéré comme le patron des guerriers. En Armorique, la paroisse de Cavan (22) et les chapelles de Caduan à Braspart et de Saint-Cava à l'Aberwrac'h lui sont dédiées.

  L'archiviste breton conclue qu' "il ne faut pas un grand effort d'imagination pour reconnaître dans ces représentations de femmes à poitrine découverte qui figurent dans quelques chapelles bretonnes une réminiscence des déesses-mères de l'antiquité païenne qui étaient aussi les divinités tutélaires des nourrices", et il donne la liste des vierges allaitantes de la région. Il ajoute qu'il n'est pas sans savoir que les recteurs de quelques paroisses ont enterré des statues de Sainte Gwen ; nous savons que c'est le cas pour la Vierge, à Kerluan. Enfin, il mentionne comment la vierge allaitante de Seznec à Plogonnec a vu sa poitrine affublée d'un gilet à raies jaunes et rouges, "pour remédier à l'insuffisance de son costume", et il ajoute  : "cet ingénieux vêtement a complètement trahi la bonne volonté de son auteur" : comme c'est gentiment tourné !

 

  Il reste à mentionner le quatrième enfant de Sainte Gwen, Chreirbie ou Klervie, qui ne mérita pas qu'une quatrième mamelle s'ajoute à la poitrine de la Sainte nourrice. Le nom de Clerwi, Chreirbia, dérive du gallois creirwy qui signifie joyau, perle.

 

Sainte Gwen au Musée de Landevennec.

  Le musée de Landevennec se consacrant à la description de l'abbaye créée par saint Guénolé se devait de montrer aux visiteurs une statue de sa mère sainte Gwen, et il le fit par un moulage de la statue de St-Venec sur laquelle furent appliquées les couleurs probables d'origine, en se basant sur les traces de polychromie encore constatables : la statue a fière allure, et on distingue mieux le sein ectopique, dont le mamelon est tenu entre index et majeur ce qui fait jaillir une goutte de lait. (Moulage de Hugues de Bazelaire)

saint-venec 5947c

 

saint-venec 5950c

 

Sainte Gwen, déesse-mère ?

  Quels sont les arguments qui permettraient de vore en sainte Gwen "la réminiscence des déesses-mères de l'antiquité" ?

  1. L'origine gauloise du nom de Briec, Brithiac. Associant toponymie et hagionymie, Guy Souillet a remarqué ( Ann. Bret.1956) que les églises des paroisses en-ac du Finistère, Irvillac, Mellac, Scrignac, Briec et Yuliac (disparue) en Cornouaille ou Milizac (Léon) étaient toutes dédiées à Saint-Pierre, témoignage de l'effort de l'église romaine, en utilisant le patronage du premier pontife, de lutter contre les micro-chrétientés celtiques et les anciens saints bretons.
  2. Le passage sur la commune de voies de communication romaines, Carhaix-Douarnenez ouvrant aux influences maritimes -c'est la route des salaisons de poissons- et St-Pol +Morlaix-Quimper.
  3. La présence d'antiquités gallo-romaines : importante villa gallo-romaine à Kertiles, et deux groupes equestres nommés "cavaliers à l'anguipède", l'un à Guelen en Briec (Musée départemental breton) signalé par J. Trevédy en 1886, l'autre à Buzudic en Landudal découvert par R. Sanquer en 1978. Ces cavaliers étaient associés à des exploitations agricoles dont ils devaient assurer la prospérité.link
  4. la persistance sous couvert de christianisation du culte gaulois des sources autour des fontaines : une déesse-mère celte est la personnification de l'eau bienfaisante et fécondatrice et assure la prospérité de l'exploitation agricole et du foyer. Elle est représentée vêtue d'une longue robe, assise sur un fauteuil d'osier à haut dossier, allaitant un ou deux enfants souvent réduits à un minuscule objet emmailloté et situés symétriquement. Elle est figée dans une frontalité austère et impassible, sa tête est très grosse, ses cheveux formrnt un S. (Hugues Vertet, les statuettes de terre-cuite gallo-romaine, cité avec une riche iconographie ici : link)  Ces statuettes fabriquées par moulage pouvaient provenir d'un seul atelier à Toulon-sur-Allier et se retrouver dans le Finistère. On les plaçaient pour leur action tutélaire dans les sanctuaires des sources avec les ex-voto des organes à fortifier. Leur symbolisme du lait comme liquide nourricier et régénérateur s'associe à celui de l'eau, lequel est pris en compte sous forme des déesses anadyomènes, debout, nues, sortant du bain, une main retenant une mêche de cheveu et l'autre, plus basse, tenant une draperie dont les plis figurent parfois l'écoulement de l'eau. Les deux étaient très associées à l'eau, aux étangs, lacs, et sources. (ibid).


 

saint-venec 8436c

 

André Cornec, dans un article publié par le bulletin municipal de Briec de janvier 2099, s'inspire du concept de fonctions tripartites indo-européennes de Georges Dumezil pour constater que chacun des trois fils peut représenter l'un l'agriculteur (Guénolé, patron de l'avoine à Collorec), l'autre la fonction sacerdotale (Jacut, protecteur des épidémies, des inondations et les sécheresses et, à ce titre, intermédiaire entre la nature et les puissances surnaturelles) et enfin le dernier la fonction guerrière (Venec). Guénolé était pourtant un bon candidat pour le sacerdoce, mais ce qui ne se discute pas, c'est l'attribution du rôle de guerrier à Venec-Cadvan dont le nom même exprime sa fonction. Le même auteur souligne que selon les archéologues, la plupart des dédicaces aux déesses-mères (Matres) étaient des soldats, et que la déesse est ainsi lièe à la fonction militaire. 

 

  Iconographie de Sainte Gwenn :

  • Chapelle Sainte Blanche, Plougastel (29)
  • Église Notre-Dame-de-la-Soumission, Pléguien (22) : groupe de Sainte Gwenn et ses trois fils.
  • Plouguin (29) : fontaine Sainte-Blanche (moderne) 
  •                      : Abgrall mentionne la chapelle du manoir de Lesven où se trouvait un tableau de sainte Gwen (Bdha 1903 p. 338). 
  • Chapelle Sainte-Blanche, Saint-Cast-le-Guildo (22) : pas de statue.

Toponymie:

  • Ar Vourc'h Wenn, Bourg-Blanc, devrait l' origine de Wenn au fait que ce nom "qualifiait souvent les lieux sacrés ou voués aux divinités" (site de la Mairie).

  En nous interressant aux Déesses-mères, nous nous sommes détournés de ce qui fait la spécificité de Sainte Gwen : ses trois seins. Il nous faut donc revenir à ce caractère:

 

      Gwen trimammis: étude succinte de la polymastie.

   Commençons par consulter Wikipédia : c'est le sujet de la trimammophilie, ou attirance sexuelle pour les femmes à trois seins, qui est traité, avec Gwen en exemple princeps, puis la déesse indienne Sri Minakshi, "qui possédait des yeux de poisson et trois seins, mais le troisième disparut quand Shiva l'épousa"., puis de brèves images d'une actrice topless dans le film Total Recall, l'héroïne Valérian des bandes déssinées de Mézière et Christin, ou l'actrice Taylor Chanel qui apparaît souvent avec trois seins sur ses films et photos. 

   Cet article mélange fiction et réalité de manière ambigüe : la prèsence de plus de deux seins existe-elle dans l'espèce humaine ?

   La réponse est claire : si la polymastie, présence de plusieurs seins, est une anomalie bien attestée, elle ne réalise jamais ce que les artistes depuis l'antiquité ou les trucages photographiques peuvent imaginer.

La polymastie, point de vue médical.

   Ces anomalies peuvent se développer le long des "crêtes mammaires primitives ", alignement chez l'embryon de cellules destinées à donner des cellules mammaires chez l'adulte et  qui partent de l'aisselle, passent par le mamelon et descendent vers l'aine. Des seins aberrants peuvent apparaître sur leur trajet, la localisation la plus fréquente étant la région axillaire : ces ectopies régressent souvent chez l'embryon, mais leur persistance ou leur développement, parfois bilatéral, sous forme de masse au niveau de l'aiselle peuvent en abuser, même en échographie, pour des lipomes alors qu'il s'agit d'un tissu glandulaire. La patiente consulte alors pour une sensation de gonflement pendant les règles ou une tuméfaction  lors d'une grossesse. La femme est le plus souvent concernée mais la présence de seins surnuméraires a été aussi décrite chez les hommes. 

  Des seins aberrants peuvent apparaître aussi en dehors de ces crêtes mammaires, sur le visage, sur le pied, sur la cuisse. 

  La polythélie est l'existence de plusieurs mamelons et aréoles, avec ou sans polymastie.

  Ces seins peuvent aller de la simple zone pileuse (polythelia pilosa), munie d'aréole (polythelia areolis), de mamelon (polythélie), de tissu adipeux sous-jacente (pseudomamma), ou avec du tissu glandulaire comme un vrai petit sein capable de sécreter du lait comme un grand : c'est la vrai polymastie, et ce en quoi elle différe de la banale polythélie, souvent prise pour un grain de beauté, et qui existe chez une personne sur dix-huit.

 

  Polymastie dans la religion et l'art.

 

   Mais il existe une espèce parahumaine, homo suprasapiens artificialis, celle qui est le fruit de l'activité artistique d'homo sapiens : celle-ci présente des cas fréquents de polymastie où le sein triple n'est que le stade le plus modeste. Le cas le plus connu est celui d'Artemis d'Éphèse, avec des seins innombrables qui peinent, dans l'exubérance de leur multiplication, à se trouver une place sur la partie antérieure du corps de la déesse, et qui paraissent, sur les statuettes, mous, flasques et ptosés comme ceux de la déesse famina de Baudelaire dont la gorge déjà basse /pend de chaque coté comme une callebasse.  . A la Renaissance, et jusqu'au XVIIe siècle, c'est Isis, déesse importée d'Égypte pour un néoculte européen, qui profite de ces avantages.

Pourtant, hormis Mînakshî et Sainte Gwen, je n'ai pas trouvé d'autre divinité dotée de trois seins.

A défaut, et pour compenser ces exces mammaires qui finiraient par être indigestes par un appel à l'ascèse, je rappelle que les Amazones de Cappadoce brulaient le sein droit de leur fille à l'age de huit ans, afin qu'elles méritent leur nom (a privatif et mazos, mamelle) et qu'elles puissent tirer plus habilement à l'arc. Notre hagiographie catholique est riche d'A-Mazones plus radicales telles que Sainte Barbe et Sainte Agathe qui se virent arracher les seins lors de leur martyr. Et les plus fidèles à ce blog se souviennent peut-être précisément des seins de Sainte Agathe,

Recette Les seins de Sainte Agathe 

(pour six seins, pour la pâte, 3 oeufs, 75 g de sucre, 75 g de farine, 1 citron, 1 pointe de sel ; pour la décoration, 150g de sucre glace, 1 blanc d'oeuf, 2c.à c. de jus de citron...et des cerises confites)

  Mais j'avais gardé par devers moi, pour mes propres délices, les pupazza frascatana

  Ces poupées de Frascati perpétuent la légende d'une déesse à trois seins, mais dont deux produisaient du lait, et celui du milieu du vin. Du vin, du Gwin ru, et les bretons de Briec n'y avaient pas pensé !!!

Fichier: Cookie Frascati.JPG

Source : Carlomorino : http://it.wikipedia.org/wiki/Pupazza_frascatana

Pupazza Frascatana

 

Ingredienti ?  

 

125 g de beurre, 60 g de sucre, 3 cuillerée de lait, vanille, 190 g de farine à levure incorporée, 60g de préparation pour "budino alla vaniglia", du miel, et n'oubliez pas le vin rouge pour le sein du milieu (c'est le meilleur).

 

 



Sources :

Notice sur Briec, chanoines Abgrall et Peyron,, Bull. Dioc. Hist. Archeol. Quimper, 1904, 400-404 :

http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf


Le Men, Bull SAF 1884 p. 104 : sainte Guen Teirbron . (Alba Trimammis).

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207549n/f106.r=teirbron.langFR

 

Moins sérieux mais exhaustif :http://sachatchenko.voila.net/Mutantes.htm

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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:12

                         Vierges allaitantes VI :

 

          Chapelle Notre-Dame de Kerluan

                       à Chateaulin

              I.Inscriptions... et N rétrograde.

 

   Elle tire son nom du lieu-dit Kerluhan, toponyme dont l'étymologie vient du breton ker-, lieu fortifié puis "village, hameau" et de Luhan, patronyme lui-même dérivé de lugern, brillant, avec la forme diminutive -an. Il s'agit donc du hameau de Luhan. La carte IGN indique l'orthographe Kerluhan, et la carte de Cassini de 1750 celle de Kerluan.

La chapelle de Kerluhan date du XVIe siècle;elle est en forme de croix latine, complétée par une sacristie hexagonale au sud, et un clocher renaissance à deux étages amorti par un dome à lanternon. Son chevet a été reconstruit en 1713 comme l'atteste une inscription BEZIEN FABRIQUE 1713 (ou 1725, Peyron), Le pignon ouest date du XVIe mais sa partie haute a été remontée au XVIIIe. La longère sud a été restaurée en 1837. 

chateaulin--kerluan 9690c

La date la plus ancienne relevée à Kerluan est celle qui est portée sur le calvaire qui provient de l'atelier de Roland Doré : 1639. On sait que cette date correspond à une épidémie de peste, et on n'est pas surpris de trouver sur le fut du calvaire les statues de Saint Sébastien et celle de Saint Roch.

  Sur la chapelle elle-même, c'est en haut du clocher que l'on peut lire la date de 1653 sur le linteau de la chambre des cloches. Je lis l'inscription Y. PLOU / SENEC 

  Le patronyme PLOUSENEC est attesté sur Ploeven avec cette orthographe, et à Chateaulin avec l'orthographe Plouzennec

  René Couffon signale dans son Nouveau Répertoire des églises et chapelles que "la date la plus ancienne inscrite sur l'édifice est celle de 1653 qu'on lit sur le linteau de la chambre des cloches avec le nom de M. LAGADEC, desservant de la chapelle à cette époque". 

Les cloches elles-même furent déposées, fondues et transformées à Brest en canons en 1793, avant qu'en 1796  la chapelle et son enclos ne soient vendues " à Charles-François Le Lièvre pour 500 Livres". 

chateaulin--kerluan 4526c

 

  Sur l'angle ouest-sud de la sacristie, on découvre cette inscription bien lisible qui me fait le beau cadeau d'un N rétrograde : j'adore ! :

chateaulin--kerluan 9687c

   Je lis, sur un seul bloc de pierre, en lettres capitales latines

           V : D : MRE : L : EDY : Rr

           H : H: IANGVISIEN FABR :     et plus loin , sur un bloc séparé, la date 1734

  Ce que je comprends comme Vénérable et Discret Messire L. Edy, Recteur

                                                 Honorable Homme Jean Guisien, Fabricien

 

 le titre Vénérable et Discret est réservé aux ecclésiastiques; l'abréviation Rr désigne donc le recteur. Il s'agit du recteur en poste  à Chateaulin de 1737 à 1741, et qui  se nomme Louis EDY (bdha 1905) ; il succédait à Guillaume Bigeaud, docteur en Sorbonne. Dans le même temps, Jean Edy était recteur à Ergué-Gaberic ( inventaire après décès en 1748 : sur le site Grand Terrier).

    Cette inscription a été relevé par les chanoines Abgrall et Peyron dans la Notice consacrée à Chateaulin dans le Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie Bdha de 1905, p. 164. http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=29

  L'inscription est disposée sur deux lignes chacune isolée dans un cartouche, et le mot abrégé FABR, aux lettres plus grandes, est isolé dans un cartouche à part, l'ensemble sur le même bloc de pierre taillé pour s'ajuster à l'angle du mur polygonal de la sacristie.

  Elle comporte deux lettres N dont seule la seconde est rétrograde.

 

  Au dessus de la porte d'entrée, sud, se trouve une autre inscription plus difficile à déchiffrer, surtout sur photographie :

chateaulin--kerluan 9686c

 

 Elle s'inscrit sur un bloc de 68cmx30cm, en lettres de 6cm de hauteur. Son examen permet de lire ceci :

   F :F :P :IEANHET

  ET FABRIQVE LA
             N 1... 

Ce que je lis comme "Fait Fait Par Jean HETET Fabrique l'an 1???" La date pourrait être 1811, mais cela  paraît tardif. René Couffon déchiffre 1819.

   Le patronyme Hetet est courant encore actuellement à Chateaulin. Des généalogistes signalent un Jean Hetet 1729-1788 à Rumengol-le Faou, mais un fabricien est forcément résident sur la paroisse de Chateaulin.

  Enfin, à l'angle nord-est, se trouve cette inscription : .

chateaulin--kerluan 9689c

 

  Je lis FAIT PAR
                    ALLAIN
                    BEZIEN                   

                    FABRIQVE    1725

 

 



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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:09

                       Vierges allaitantes VI :

          Chapelle Notre-Dame de Kerluan

                      à Chateaulin :

               Les vitraux et les statues.

 

I. Les vitraux


      Les vitraux, ou plutôt la maîtresse-vitre posée en 1999 grâce aux fonds collectés par l'Association de sauvegarde de la chapelle et  dont le carton a été réalisé par l'artiste-peintre de Chateaulin Jean-François Chaussepied.

  Cet artiste a aussi réalisé 8 autres cartons de verrières pour la chapelle, apparemment restés...dans ses cartons.

  La maître-verrier est Alain Grall, qui a son atelier à Guengat : site :http://www.grall-arts.fr/.

chateaulin--kerluan 8851c

 

Les Statues :


 Abgrall et Peyron recensaient Saint Luc, Saint Marc, saint Augustin et saint Corentin.

René Couffon donne Luc, Marc, Corentin, Mathurin, et un diacre (Laurent ?), la Vierge et saint Jean sur une poutre de gloire dépourvue du Christ.

L'inventaire général du patrimoine, dréssé en 1997 ( Jean-Pierre Ducouret, Claude Quillivic) cite:

  • Saint Marc, bois, 17e, h : 134 cm, attribut : lion et livre
  • Saint-évêque, bois, 18e, h :155 cm, manque attribut, manque doigt
  • Saint-évêque, bois, 18e, h : 105 cm, manque bras. Bénédiction ?
  • Saint Lucas, bois, 17-18e, h : 118 cm, désigne un livre, Saint Luc ?
  • Diacre ? bois, 17-18e, h :100 cm, repeint.
  • Vierge et Saint Jean, 16-17e, h : 75 cm, Vierge en kersantite, Jean en bois avec liens
  • Vierge à l'enfant, 18e, bois (chataigner) peint, mauvais état, main de l'enfant mutilé.
  • 8 blochets, 18e, bois peint, 45-60 cm, être humain, oiseau.

En 2006, les Vandales sont repartis avec Lucas, la Vierge et Saint Jean.

  Aujourd'hui, même après avoir compris que Lucas et Luc ne faisaient qu'un, j'ai bien du mal à les identifier :

Saint évêque :

chateaulin--kerluan 8826c

 

chateaulin--kerluan 8828c


Saint Jean, celui qui était sur la poutre de gloire : à noter sa ceinture de corde aux allures de liens  

chateaulin--kerluan 8836c


  La Vierge qui accompagnait Saint Jean sur la poutre de gloire et qui serait en kersantite :    

chateaulin--kerluan 8838c

Saint Lucas-Saint Luc présentant son évangile. Noter les pieds nus, confirmant qu'il s'agit d'un apôtre. 

chateaulin--kerluan 8844c

Saint évêque manchot: les gants et les sandales pontificales violettes confirment sa nature épiscopale. La main gauche devait tenir une crosse.

chateaulin--kerluan 8833c

      Saint diacre : saint Mathurin ?  avec une belle chasuble frangée d'or, mais pieds nus.

chateaulin--kerluan 8847c

 


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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:05

                  Vierges allaitantes VI

Chapelle Notre-Dame de Kerluan à Chateaulin:

                 Les Vierges de l'abbé Le Roy et Notre-Dame de Kerluan ressuscitée

 

I. L'ancien culte à Notre-Dame de Kerluan, et la Révolution.

   Dans la Notice du bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie consacrée à Chateaulin,link, Agrall et Peyron présentent la chapelle située "dans une des boucles formées par le cours sinueux de l'Aulne, presque en face du bourg de Saint-Coulitz" et rapporte la légende suivante : jadis, les habitants des hameaux de Kerluan et de Saint-Coulitz se livraient à un lutte féroce, chacun prenant partie pour la rive de l'Aulne où il se situait; mais les saincouliziens écrasaient régulièrement les kerluanais, car les premiers étaient de vrais géants et les seconds chétifs, fluets et souffreteux. Tant va la cruche à l'Aulne qu'à la fin elle se casse, et les kerluanois malingres allaient laisser dans cet Interville le peu de santé dont ils disposaient encore, lorsque la Vierge, qui intervient dans les luttes intestines entre petitboutiens et grandboutiens, Grandgousiens et Picrocholais avec autant de zèle que le faisaient Athéna durant la Guerre de Troie, s'émut du sort de cette minuscule trève, que dis-je, de cette frairie bas-bretonne peuplée d'irréductibles avortons et  leur promis, pour peu qu'ils aient quelques forces pour bâtir une chapelle en son honneur, un miracle : "que vos nourrices, leur dit-elle en breton, aillent boire l'eau de la fontaine et s'en frotter, sauf votre respect, les mamelles et vos enfants seront les plus vigoureux gaillards de la chatellenerie".

     Ainsi fut fait ; la chapelle de Kerluan à peine édifiée, on fit la queue autour de la fontaine de Stang-vihan, on y mena aussi les vaches, et jamais plus nourrice du pays n'eut besoin de fenugrec (Trigonella foenum-graecum) ou de chardon beni (Cnicus benedictus) pour provoquer la montée de lait. C'était merveille de voir le colostrum, cette gelée royale des humains, s'écouler en flux orangé des mamelons presqu'engorgés, merveille de voir les petits goulus prendre leur tétée avant d'aller administrer une raclée aux coulitzais, merveille que ce fleuve de lait qui battait de son flux impulsif les rythmes de la vie, tandis que, sur Kerluan, les ombres descendaient. Le soleil horizontal, passant entre les branches, éblouissait les yeux ; ça et là, tout autour d'eux, dans les feuilles ou par terre, des taches lumineuses tremblaient, comme si des colibris, en volant, eussent eu éparpillés leurs plumes. Le silence était partout. Les Kerluanais priaient Notre-Dame de Kerluan.

 

   Le culte de Notre-Dame de Kerluan.

   La Vierge de Kerluan fut bientôt réputée dans le canton, puis les mariniers de l'Aulne, qui voyaient du bord de leur gabarres les seins généreux des paysannes de Kerluan, en parlèrent tout le long du fleuve, et toutes les mères de Cornouaille vinrent vénérer Virgo Lactans, vocable sous lequel, selon l'abbé Abgrall, ils l'invoquaient.

   Un jour, un jeune malin  de Saint-Coulitz aussi mécréant qu''incrédule, voulut se moquer de toutes ces futures mamans et de ces nourrices d'appoint qui venaient se frotter la poitrine à la fontaine, et il alla s'y laver. Mal lui en pris, et le nigaud se retrouva vite encombré d'une généreuse paire de seins .

   Le conseil de fabrique réuni dans la sacristie faisait ses comptes : les offrandes affluaient, la vente d'ex-voto en cire marchait très fort, celle des cierges itou, et on décida d'offrir à Notre-Dame une statue à son éffigie. Allain Allanic prétentit peut-être que la Vierge lui était apparue, lui disant "Allan ne craignez rien, dites à votre recteur que ma statue représentera l'Enfant buvant le lait précieux" mais s'il ne fut pas cru, les marguilliers trouvèrent l'idée bonne, d'autant qu'à Trèguron ils en avaient une qui faisait des miracles. 

   Une statue de pierre joliment peinte de Maria Lactans fut commandée et bientôt placée près de l'autel, du coté de l'évangile, et personne ne s'offusquait de voir le petit Jésus tendre sa petite main vers le sein si naturellement offert. 

   D'ailleurs, Notre-Dame avait ses habits de semaine, mais le dimanche on l'habillait de sa robe dominicale, qui dissimulait ses attributs.

  

II . La réforme de l'abbé  le Roy :

  Personne ne trouvait donc à redire, sauf l'abbé Le Roy, ancien aumônier du Carmel de Morlaix, qui, lorsqu'il prit possession le 20 février 1899 de son poste de curé archiprêtre de Châteaulin qui estima, soit qu'il était temps de renouveler l'art religieux et d'accompagner le renouveau du culte marial du XIXe siècle, soit que les progrés des moeurs et de la conscience morale n'autorisaient plus de laisser en nos sanctuaires des vierges dépoitraillées, soit que les deux idées allaient parfaitement ensemble.

 Auparavant, Notre-Dame de Kerluan avait souffert pendant la Révolution, où elle aurait été brisée en onze morceaux et mal restaurée  par la suite. Puis ce fut la vente de la chapelle à un particulier, et, en juin 1805, l'incendie qui ravagea l'édifice et barbouilla de suie la Vierge, laissant la chapelle en ruine jusqu'à son rachat par la fabrique de Chateaulin en 1809. Lorsqu' Alfred Le Roy la découvrit en 1899,  la statue était-elle si calcinée, si détériorée qu'une restauration lui soit apparue moins séduisante que l'acquisition d'une de ces belles statues de Notre-Dame de Lourdes, de Sainte-Thérèse pour lesquelles les soeurs du Carmel brodaient de précieuses bannières?  

   Car l'art saint-sulpicien qui avait pris son essor en 1850, n'avait pas alors la réputation d'art miévre et trop coloré qu'il acquis par la suite, et les statues de platre que produisait, par exemple, la manufacture de Vendeuvre-sur-Barse au rythme de 15 000 par an attiraient une clientèle de plus de 40 évêques et archévêques et les compliments de Mgr Justin Fèvre et de Pie IX. Il fallait être à la page, et participer au grand combat de réaction de l'Église face aux assauts laïcistes des républicains, assauts  qui allaient conduire en 1905 à la séparation de l'Église et de l'État.

  L'abbé le Roy (?- 1938) n'était pas, en matière d'art religieux, un béotien : vicaire à Loperec en 1874, aumonier du Carmel de Morlaix en 1886, curé-archiprêtre de Chateaulin en 1899, chanoine titulaire et directeur diocésain des oeuvres en 1911, il avait su se faire apprécier pour ses compétences théologiques et d'historien, rédigeant deux brochures sur le Tro Breiz puis en 1936 La Vie de Mgr Léséleuc, évêque d'Autun que l'Académie Française trouva bon de couronner. Il était membre de la Société Archéologique du Finistère. Mais il avait été oblat de Saint-Pierre de Solesme et restait très attaché à la vie monastique, admirant si bien les travaux des moines de Solesmes qu'il rédigea en 1923 un article pour la Revue Grégorienne, Etude rythmique à propos du Kirie fons bonitatis. Rien de ce qui concernait la vie liturgie et grégorienne de l'École de Solesmes ne le laissait indifférent. Il aurait collaboré à la revue mensuelle de Dom Besse, La Vie et les arts liturgiques (1913-1926).

  Durant le Second Empire, l'Église avait pu espérer retrouver toute son influence, et avait sucité les grands sanctuaires dédiés à la Vierge et à Sainte-Anne ; le Pape avait encouragé les Couronnement de leur statues, l'organisation de pèlerinages, de pardons et de processions, tandis que les théoriciens de l'art religieux, considérant que cet art n'avait cessé de dégénéré depuis Michel-Ange, plaidaient pour le retour d'une iconographie ressourcée auprès de la pureté médièvale ou antique. Raoul-Roquette, le secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts,  déplorait la décadence de l'art catholique : le protestantisme avait affadit la croyance ; l'étude mal dirigée de l'antiquité occasionnait des méprises ; l'abandon des types primitifs était frappant ; et partout, la passion déréglée des idées nouvelles advenait de compromettre la destinée d'un art dont la marche avait été, jusqu'aux chefs-d'oeuvres de Raphaël et de Michel-Ange, si sage, si droite et si régulière. (Raoul-Roquette, Discours sur l'origine, le développement et le caractère des types imitatifs qui constituent l'art du christianisme, Paris 1834, 71 p)

   La vieille statue de la Vierge que l'abbé Le Roy, arrivant tout droit de l'Atelier d'Art Sacré de Morlaix, découvrait à Kerluan n'était ni sage, ni droite, ni régulière ; mais généreuse jusqu'à l'exubérance, sinueuse de forme, vulgaire avec cette chevelure libère à l'image de ces passions déréglées qu'il fallait combattre, usée et brisée, ancienne, et beaucoup trop lourde pour être portée en procession. Il la trouvait " absolument sans cachet ; la pruderie de notre époque la jugeait indécente, sculptée ainsi avec la poitrine absolument découverte. Ses mamelles paraissaient très protubérantes. Elle comprimait son sein et l'offrait au petit Jésus, mais l'enfant Dieu détournait la tête d'un air boudeur et dégouté". ( Citation détournée des Archives paroissiales, link )


  Comme pour le chant sacré, que les moines de Solesmes et Dom Gueranger, qu'on surnommait Guerroyer, parvenaient à restituer dans sa pureté originelle, il fallait lutter contre la décadence qui menait là où nous en étions (Les Prussiens dans Paris; Gambetta  déclarant "le cléricalisme, voilà l'ennemi !" ; les bénédictins de Solesmes expulsés depuis 1880 de leur abbaye). Le Pape, le Haut Clergé montrait l'exemple.

  Lors du premier Concile du Vatican à Rome, les évêques avaient été conviés par Pie IX à visiter l'Exposition Romaine, vaste présentation de la conception pontificale d'un art catholique régénéré : "les évêques et les prêtres venus de toutes les parties du monde pour livrer à l'erreur, sous la conduite de leur chefs, ces grandes batailles, trouveront à l'Exposition un sujet d'utiles et fécondes études ; des vases sacrés, des ornements saints, des sculptures, des peintures de tous les styles et de tous les prix". L' abbé C.L. de Cléves, ici cité, en avait fait paraître le catalogue link où il présentait l'école romaine, l'école allemande et les grandes maisons françaises comme Klem-frères, Poussiègues-Russand, Tissot à Lyon, Froc-Robert et l'Hermitte à Paris, ou la maison Durenne (plus de 600 ouvriers). Pour la statuaire, il écrit :

           MM Choyer (Paris), Cabuchot (Paris), les frères Zanazio, Froc-Robert (Paris), Champigneulle (Metz), et Raffl (Paris) sont les principaux représentants de l'école française. [...] Les statues de MM Froc-Robert et Raffl en carton-pierre * et bois sont bien travaillés, bien peintes, mais elles n'ont pas le sentiment religieux de l'école de Munich, ni le cachet artistique de l'école romaine. Il y a là de l'industrie plus que de l'art. Cependant nous devons de la reconnaissance à ces artistes et à ces industriels qui fournissent à nos églises de bonnes statues à des prix accessibles.

* le carton-pierre est un matériau fabriqué à partir de colle de peaux d'animaux et de craie, additionnée de pate à papier, utilisé pour réaliser les moulures de plafond. Interessant pour sa solidité et sa légereté, il fut remplacé par le carton romain puis le staff, spécialité de la maison Raffl.

  La Maison Froc-Robert, présente à l'Exposition Universelle de 1867, se situait 38 rue Bonaparte à Paris ; elle produisait des statues religieuses et disposait d'un atelier de décoration intérieure d'églises, employait 99 artistes peintres ou sculpteurs. En 1867, elle était recommandé par le Cours élémentaire d'Archéologie catholique à l'usage du clergé, abbé Gareiso, Nimes 1867.

La Maison Raffl, aussi nommée La Statue Religieuse, était au 64 de la même rue Bonaparte. Elle connut succesivement plusieurs propriétaires, Raffl en 1857, Froc-Robert en 1903, et Cachal-Froc en 1907 : on peut penser que ces trois industriels sont proches et que Raffl les a repris progressivement. De 1871 à décembre 1877, 62547 statues sortirent des ateliers Raffl.

La Maison Cachal-Froc se trouvait au 30 rue Vavin à Paris. J'ignore si elle succéda à Froc-Robert.

Le Bulletin diocesain de Quimper mentionne (Bdha 1909 p. 309) une Sainte-Anne, bas-relief par Cachal-Froc en 1886. Cachal-Froc eut une altercation sérieuse dans les colonnes de la Semaine Religieuse du Diocése du 23 janvier 1891 avec A. de La Borderie, qui avait maladroitement traité toutes les statues de St Yves qui ne répondait pas à sa propre conception de "mascarades".

  Le ministère de la Culture propose, en ligne, la consultation du catalogue de cette maison :

http://www.inventaire.culture.gouv.fr/referentiels/CACHALFROC.html

 

Fig. 24 - Couverture du catalogue de la maison Cachal-Froc, Paris, 1895. Finance, Laurence de © Inventaire général, 2006.

Image agrandie numéro 24


    C'est dans l'un de ces catalogues de Chaval-Froc  que l'abbé Le Roy trouva un modèle de Vierge conforme à ses souhaits et au désir d'unification iconographique émis par le Vatican. Il choisi une vierge à l'enfant, donnant certes le sein pour satisfaire les paroissiens attachés à l'ancienne idole, mais en se couvrant la poitrine afin que ce sein malencontreux ne fut visible de personne. Comme il avait lu le Cours élémentaire d'archéologie catholique ou quelqu'autre ouvrage d'art chrétien et qu'il était soucieux que son acquisition soit non seulement sage, droite et régulière, mais aussi placée dans la filiation avec les oeuvres italiennes précédant l'art décadent, l'agent commercial de Cachal-Froc lui assura que l'artiste s'était inspiré de la Madonna della Neve de Sienne ( mais apparemment ni de l'oeuvre de ce nom de Matteo di Bartolo à la Chiesa di santa Maria, ni du rétable de Sasetta actuellement au Palazzo Pitti de Florence), ou bien "du Halthez de Tours".

  Et comme les prix étaient très attractifs, le curé acheta aussi une petite statue en carton pierre du même modèle (il était disponible en stock dans toutes les tailles de 30cm à 3m), avec le brancard de procession. A en croire le catalogue, sans-doute paya-t-il le tout 250 francs.

  Si bien qu'il pu enfin écrire de sa belle plume les lignes suivantes (archives paroisse de Chateaulin):

                 "le samedi 7 juillet 1900, en présence de Jean l'Haridon, fabricien, de Messieurs jézégou, Mével et Caroff, vicaires de Chateaulin, au milieu d'un grand concours de fidéles, je soussigné curé archiprêtre de Châteaulin, ait béni solennellement, avec l'autorisation de monseigneur l'évêque*,la nouvelle statue de N.D. de Kerluan, représentant la Vierge Marie allaitant son Enfant Divin, qui remplace l'ancienne image brisée en 11 morceaux** pendant la Révolution, restaurée grossièrement ensuite, et elle-même reproduction grossièrement travaillée de l'image de N.D. de Kregoat en Quéméneven.

  L'ancienne statue a été enterrée en morceaux sous le nouveau piédestal en granite, don de M. et Mme Armand Gassis***.

  L'ancienne statue est en terre cuite, et sort des ateliers de M. Cachat Froc (sic) de Paris. Elle reproduit à peu près le tableau vénéré à Sienne soius le nom de Madonna delle neve, et l'image du Halthez**** de Tours.

  En même temps, j'ai béni une petite statue du même modèle, en carton pierre, destinée à être portée en procession."

* Mgr Dubillard.

** " Le 2 février 1901, deux ouvriers allèrent de bon matin à la chapelle. Ils descendirent la vieille statue et l’enfouirent sous le trône de la nouvelle. Ils constatèrent alors que l’antique image avait eu à subir plus que le supplice du feu. Elle était en neuf morceaux collés avec du plâtre. Le tout avait  été recouvert d’une couche de peinture…. Les archives de Châteaulin ne mentionnent pas ce massacre barbare et sacrilège. Mais on peut supposer qu’après l’incendie de la chapelle de Kerluan, un homme exalté et rendu fou par les théories révolutionnaires aurait pris son marteau pour détruire la statue qu’on y vénérait."arch. parois. Châteaulin.

*** Ie piédestal est en pierre de Locronan ; Armand Gassis (1839-1915) originaire de Châteaulin et fils d'entrereneur de travaux publics, était architecte. Entré à l'École des Arts et Métires d'Angers en 1856, il intègre l'année suivante l'entreprise paternelle et devient architecte, tout en menant une carrière politique comme conseiller municipal de Châteaulin à partir de 1884, puis comme maire en 1896 et enfin comme sénateur de 1903 à 1912. Il réalisa, comme architecte et comme entrepreneur, 9 édifices religieux dans le Finistère, 5 néo-gothiques et 4 néo-romans.

**** Je n'ai pas pu retrouver cette oeuvre.

 

   L'abbé Le Roy s'était démené pour rendre à la chapelle son faste d'autrefois, pour y ramener les fidèles et raffermir le culte marial : après avoir fait abattre et fait vendre au profit de la fabrique les arbres du placître qui menaçaient la toiture, après avoir fait maçonner le mur d'enceinte du coté nord, rétabli le lambris de la voûte, 


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      La version en carton pierre sur son brancard de procession : 

  Le jour du pardon inaugural de juillet 1900, ce fut 2000 personnes venues de Châteaulin, de Saint-Coulitz ou de Lothey qui accompagnèrent la procession, musique du patronage de Châteaulin en tête, et comme l'abbé le Roy qui pensait à tout, avait fait imprimer 600 feuilles volantes du cantique que  l'abbé Brignou, le recteur de Lanneufret avait composé spécialement en l'honneur de Kerluan, personne n'entendit les fidéles de Kerluan faire du mauvais esprit, regretter leur ancienne patronne et dire que c'était pas auprès de celle-là que les nourrices allaient obtenir du lait. Et lorsque mamm coz Mari-Jeanne s'emporta à prédire que le jour où on allait mettre la vraie Dame-au-Lait dans son trou sous le piédestal, la foudre allait s'abattre sur les profanateurs pour les réduire en cendre, la fanfare joua plus fort, et la belle affaire !

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 Ce mauvais esprit était hélas partagé en 1895 par Karl Joris Huysmanns, dont le héros Durtal devient, dans le roman L'Oblat, oblat à Solesmes, et qui écrivit :

   "L'hagiographie était une branche maintenant perdue de l'art ; il en était ainsi d'elle que de la sculpture sur bois et des miniatures des vieux missels. Elle n'était plus aujourd'hui traitée que par des marguilliers et des prêtres, par des commissaires de style qui semblent toujours, lorsqu'ils écrivent, charger leur fétu d'idées sur des camions ; et elle était, entre leur mains, devenus un de ces lieux communs de la bondieuserie, une transposition dans le livre des statuettes des Froc-Robert, des images en chromo des Bouasse". En Route, 1895.

  Mais aujourd'hui, un esthétisme du kitsch religieux et du "sublime du laid" amène à classer aux Monuments Historiques ces produits industriels, comme  l'église Sainte-Marie-Madeleine de Rennes-le-Château classée à l'inventaire pour "son mobilier saint-sulpicien". Nous apprenons enfin à apprécier l'art dont l'Église, Pie IX le rappelait aux évêques de Vatican I, fut toujours "l'amie et l'inspiratrice".

 

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III. La réforme touche aussi la fontaine :

  Elle fut déplacée pour permettre  la construction de la voie express Brest-Quimper qui tranche désormais  de ses quatre-voies le sentier qui reliait la chapelle avec sa fontaine.  L'accés est désormais réservé aux initiés, et on trouvera un plan ici : link .

  Elle abrite un doublon du XXe siècle du chef d'oeuvre de Cachal-Froc, mais n'attire plus aucune poitrine. Les saincoulitzaises se frottent les mains.

  Ou se trouve la statue vénérée auparavant ? sous le bitume de la quatre-voie ?

 

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IV. Grace aux vandales, la Vierge retrouvée ressuscite à Kerlouan :

      L'histoire est la suivante : en 2006, la veille de la Toussaint, des voleurs pénètrent dans la chapelle et emportent un vase en céramique et quatre statues : "Notre-Dame de Lourdes (?), Saint jean, Saint Lucas et sainte Marie" (Bulletin Chateaulin 2006). Le Bulletin ajoute : "pour récupérer des pièces (angelots) du baldaquin en bois peint et sculpté par l'artiste quimpérois Autrou, ils n'ont pas hésité à briser la statue de la Vierge allaitante vénérée par tant de générations. [...alors que l'association de bénévole a réalisé] la réstauration de la toiture en 1987, du calvaire en 1991, l'achat de bancs, le changement des portes latérales et l'achat d'un vitrail en 1999".

   Jean Andro, curé de l'ensemble paroissial, fut alors amené à rechercher les documents d'archive et à y découvrir, dans le registre des installations du presbytère, le compte-rendu de la cérémonie de bénédiction rédigé de la main d'Alfred le Roy, tel que je l'ai cité ci-dessus, et où il mentionne que la Vierge allaitante déprèciée avait =été placée sous le nouveau piédestal offert par Armand Gassis. 

  Cette information n'était plus connue depuis longtemps et les bénévoles se demandaient où ils pourraient découvrir l'ancienne Notre-Dame.

  Le huit février 2007, devant Yolande Boyer, maire et sénatrice de Châteaulin, devant les caméras de TF1 et les photographes des quotidiens régionaux, de Guy le Dréau, responsable des bâtiments de la ville et d'Isabelle Garguadennec, conservateur des antiquités et oeuvres d'art du Conseil Général, les ouvriers municipaux déplacèrent le piédestal et creusèrent le sous-sol.

   Et voilà qu'après un sommeil de 107 ans, la Belle au bois dormant apparut :

 


 

 

les deux très émouvantes  images suivantes viennent du site officiel de la ville de Châteaulin : http://www.chateaulin.fr/pages.php?id_ref=4&id_ref1=145&p=1&num_page=1414537

 Chacun put découvrir alors une statue de Kersantite de 1,45m, conservant des traces de polychromie ancienne, et dont la couleur rougeâtre attestait qu'elle avait fortement souffert de l'incendie de 1807. On estima même que ce devait être lors de cet incendie qu'elle avait du tomber et se fracasser en morceaux. Peut-être avait-elle échappé au marteau révolutionnaire, qui aurait plutôt frappé la, tête. Il fallait rendre cette justice à l'abbé Le Roy qu'on avait peut-être accusé trop rapidement comme père-la-morale d'avoir, nouveau Moïse, détruit les anciennes idoles qu'idolatrait un peuple de bas-breton rendu aux erreurs du paganisme : vraiment, la pauvre Notre-Dame de Kerluan était dans un état qui ne permettait pas qu'une restauration lui rende son faste. Mieux, en l'enterrant et en indiquant par écrit son geste, il montrait le respect que l'on doit aux statues vénérées, même lorsqu'elles sont brisées.

 

 

 

 Notre-dame de Kerluan : ma visite en janvier 2012 :

 

J'admirais d'abord la finesse des traits de son visage ; puis je m'assurais qu'elle portait, comme toutes les autres, la longue chevelure seulement retenue par ce bandeau très particullier. Je retrouvais le geste maternel de présentation du mamelon entre index et majeur, et le corsage ouvert en V, la taille très cintrée, la main gauche qui retient par le petit doigt le pli de la robe : tous les détails qui la situait dans le groupe des Vierges allaitantes de Cornouaille.

   Je regrettais le désatre qui  était survenu, l'imaginant intacte, ornée de ses couleurs, l'or et le rouge, le bleu qu'on devinait encore, dignement placée dans une niche ou encore, comme à Kergoat, sous un dais.

  J'entendais au loin un cheval hennir, et des corneilles crier. Et, encore plus loin, des cloches résonnaient.

   Je rêvais à un moulage de cette Madonna del latte, qui vienne en donner une copie restituant la splendeur d'origine.

  Mais aussi, comme face à ces vedutisti qui surent rendre dans leur peinture la beauté des ruines romaines, je me laissais saisir par l'esthétisme  des ruines, cette musique douloureuse qui parle de la fragilité des roses, je révais de chapelles gothiques abandonnées, de l'infortune des reines, des ruines dans les bois, des migrations d'oiseaux dans les nuages, des grèves désertes, des lacs, des océans, des mausolées illustres cachés sous la verdure et des tombes au clair de lune, silencieuses sous les lierres. 

   J'avais voyagé par les champs et par les grèves, j'avais connu la mélancolie des autos, les froids réveils dans l'attente, l'étourdissement des paysages et des villes, l'amertume des poésies interrompues. 

  Le bruit des cloches revint.

  J'eus d'autres pensées encore, et d'autres regards vers la madone. Mais la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. Des minutes passèrent en contemplation pure, où je dégustais le désoeuvrement de mon intelligence et l'inertie de mon coeur.

 

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V. Les autres Vierges de la chapelle :

Notre-Dame de Kerluan

Statue de granite, taille directe, peinte, revers partiellement évidé, h :110cm ; inscription sur socle en bois N.D de Kerluan datation : 17e (?)

  Première question : Je suis  un peu surpris de l'intérêt que porte l'enfant pour le livre qu'il tient ouvert ; je note les longs cheveux dénoués. A-t-on remanié la statue ?

  Deuxième question: Si cette statue est vraiment une N.D. de Kerluan, pourquoi l'abbé Le Roy crut-il nécessaire de faire réaliser une nouvelle Vierge ? Celle-ci, en l'état, était bien assez prude pour qu'il l'agrée.  Et son ancienneté la rendait vénérable. Donc,

Troisième question : le socle et son titre  correspondent-ils à cette Vierge à l'enfant?

  L'abbé Yves-Pascal Castel  mentionne une  "Vierge à la figue" qui figure parmi les oeuvres dérobées lors du vol de 2006, et une Vierge à l'enfant honorée par quarante ex-votos dont l'un indique : "Merci/à N.D. de Kerluan/ dans la nuit/ du 18 sept. 1937". 

  Effectivement, la Vierge tient un fruit ovale qui peut être une poire, ou, si on en aime le symbole féminin déguisé, une figue.

  Bien qu'elle ne soit pas dépourvue de valeur, il suffit de la comparer une seconde à la Virgo Lactans pour constater l'extraordinaire vitalité, la supériorité d'inspiration de cette dernière, et de mesurer l'exception que ce groupe des vierges allaitantes de Cornouaille   constitue  dans l'art statuaire de nos chapelles.

 

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Vierge à l'enfant du 18e.

Notice M.H : statue de chataîgnier (?) taillé, peinte, 18e, h : 132 cm, mauvais état, vermoulure, fente, main de l'enfant mutilée.

  On remarque que la Vierge va pieds nus, ce qu'un artiste médiéval ou Renaissance ne se serait pas permis.

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Merci aux membres de l'Association de sauvegarde de Kerluan, qui m'ont accueilli pour m'ouvrir la porte et me présenter leur chapelle ; leur travail bénévole est admirable.

 

 

Source :  http://www.chateaulin.fr/pages.php?id_ref=4&id_ref1=145&p=1&num_page=1414537 

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:04

                     Vierges allaitantes VII

Chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben.

Chapel Itron Varia Lanneleg

                    Première partie :

               Présentation ; La Vierge.

 

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Je reprends un article de 2012 en le complétant de commentaires et de photos de 2019.

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1°) Cet article appartient dans ce blog  à la série des Vierges allaitantes (avec 4 articles consacrés à Lannélec):

 

 

 

2°) Il appartient aussi à la série consacrée à Pleyben et ses chapelles :

 

L'église

Les chapelles :

3°) Voir aussi :

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   En 1990, Madame Philomène Le Douzen, paroissienne émigrée aux États-Unis, laissa à la commune un legs important qui permit la restauration des six chapelles tréviales de Pleyben. Depuis, les fonds récoltés par  l'Association de sauvegarde lors des pardons, et les soins dont ils entourent leur chapelle permettent de découvrir un sanctuaire qui met remarquablement en valeur les trésors qu'il renferme. Je remercie ces bénévoles de l'accueil qui a rendu possible ma visite en plein mois de janvier 2012.

   Le pardon a lieu le troisième dimanche de septembre.

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                      I. Présentation

 

Voir : Florent Maillart, Chapelle de Lannelec, Pleyben, Inventaire général du patrimoine, 2009 link

        : idem, Calvaire, link

      La chapelle Notre-Dame de Lannelec, la plus grande de la paroisse de Pleyben, est l'ancienne "trève de l'évêque", trefnescop, ce qui correspondrait (sans aucun élément probant) à un ancien prieuré de Landevennec ; elle date du XVe siécle (une date mentionne sur la dernière colonne du coté droit :lan mill CCCCXX et X  ( 1490) fut fondée ceste église) et sa position surélevée indiquerait qu'elle fut bâtie sur une ancienne motte féodale arasée, bien que d'autres (H. Pérennés, Bdha 1938) parlaient d'ancien camp romain. 

   Le toponyme peut faire envisager la présence d'un de ces moines irlandais qui ont émigré pour évangéliser la Bretagne au V et VIe siècle : un certain Eleg aurait fondé ici son ermitage, Lann.

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  Sur cette trève se trouvait, ou régnait, le manoir de Keranclanff, dont le seigneur, Thomas le Roy, fonda en 1473 une chapellenie à Lannelec. (un chapelain, prêtre qui vivait au village, desservait la chapelle et percevait une rémunération). 

  Dans la première partie du XVIe siécle, le fief appartient aux de Kergoët, dont le berceau est à st Hernin. Ils blasonnaient d'argent à 5 fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées en chef de quatre roses de même. Leur devise était : en christen mad me bev  en Doué

  En 1553, la terre passe dans la famille du Bouëtiez de Kerorguen, dont le berceau était près d'Hennebont. Ils blasonnaient d'azur à deux fasces d'argent accompagnées de six besants d'or.

  Jean du Bouëttiez prit une part si active et si violente à la Ligue que le duc de Merceur lui fit couper la tête, pour les nombreux méfaits dont il se rendit coupable sur la paroisse voisine de Guengat.

  Rappellons que la guerre de la Ligue opposait le duc de Merceur, soutenu par les paysans et qui représentait le parti catholique, contre les "royaux" d'Henri IV, récent roi de France et recemment converti au catholicisme, mais soutenu par les Réformés ou protestants. Parmi ces derniers appartenait Jacques de Guengat, homme de guerre. Le jeune Du Bouëttier aidé de vingt-cinq à trente brigandeaux, se saisit du château de Guengat, où il se retrancha. Il pilla, ravagea, faisant des prisonniers, violant et tuant comme s'il eût été en terre de conquête, tant que les ligueurs de Quimper furent contraint de l'assiéger. Il capitula à condition d'avoir la vie sauve. En ce siège mourut grand nombre de paysans ainsi qu'Allain de Marhallat. (Chanoine Moreau, Histoire de Bretagne, chap. V)

 D'après le rôle des contributions de 1751, la seigneurie de Keranclanff s'étendait sur 18 villages de Pleyben.

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       La chapelle comprend sous une forme en tau une nef centrale à quatre travées, deux bas-cotès, deux transepts, une abside droite, une sacristie. Elle renferme cinq autels de pierre. 

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lannelec 9199x

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Le CALVAIRE.

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Voir CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère Pleyben 1474

http://croix.du-finistere.org/commune/pleyben.html

Voir aussi 

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/calvaire/7f8828b9-e51d-48f2-96c9-6cf5fc2eacf6

Ce calvaire du XVIe siècle de 5 m. de haut associe emmmarchement en moellon de grès arkosique et de schiste à un degré, un soubassement  en pierre de taille de grès arkosique, un socle carré en grès arkosique, un fût chanfreiné en granite, et une croix, et des parties sculptées en kersantite.

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Copyright Inventaire Général Florent Maillard.

Copyright Inventaire Général Florent Maillard.

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Sur la croix à fleurons-boules, le Christ est entouré de deux anges hématophores, recueillant dans leur calice le sang s'écoulant des plaies des mains et du flanc. 

 

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Le Christ a la tête incliné et les yeux clos, il est couronné d'épines aux brins parallèles, les cheveux tombent en mèches devant les épaules, les bras en V étirent les côtes à l'horizontale, le nombril est en bouton, le pagne à olis croisés est noué à gauche par un nœud volumineux, tous critères relevant du style de Bastien et Henri Prigent de Landerneau, sans que cela suffise à leur attribuer ce calvaire bien qu'ils aient été fort actif à Pleyben dont ils sculptèrent le calvaire de l'église en 1555.

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Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

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Sur le croisillon à droite du Christ, Dimas ou Dismas (du grec dysme, "crépuscule"), le bon larron, les bras  liés à la traverse d'une crux comissa, lève son regard vers le Crucifié. Cf Luc 23:42-43. Ce fut le premier à entrer au Paradis, il fut canonisé.

Son pagne est lisse, sans plis ni nœud.

Les jambes sont fléchies, selon une tradition générale à la Bretagne et qui rappelle que, dans l'évangile de Jean 19:31-32, les larrons eurent les jambes brisées (afin de s'assurer de leur mort et pour éviter que les corps restent en croix un jour de sabbat particulièrement solennel).

 

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Le mauvais larron Gesmas baisse la tête et tire la langue au Christ.

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g. k. s. 5 m. XVIè s. Soubassement élevé. Fût à pans, griffes. Croisillon, consoles, gibets des larrons (deux statues manquent). Croix, fleurons-boules, crucifix, anges aux calices, Vierge à l’Enfant, écu muet. [YPC 1980]

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Sur l'autre face, tournée vers l'est, est représenté un Christ au lien, comme à Saint-Sébastien de Saint-Ségal, au calvaire de Saint-Ségal, ou à la chapelle Saint-Laurent de Pleyben.

Curieusement, Yves-Pascal Castel décrit ici en 1980 une Vierge à l'Enfant.

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Le nœud du calvaire (entre les croisillons) a dû être mal orienté au remontage, car sur cette face orientale se trouvent les deux anges recueillant le sang des pieds du Christ crucifié de la face occidentale. Inversement, le nœud qui devait se trouver sous le Christ aux liens est un blason, muet.

 

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Calvaire de la chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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LES INSCRIPTIONS DE DATATION (par ordre chronologique).

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1°) Inscription de fondation : 1490.

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Une inscription en français en caractères gothiques, placée sur le premier pilier sud-est, nous apprend l'époque où fut construire la chapelle :  LAN . MILL .  CCCC . IIIIXX . ET. X FUT . FONDE . CESTE . EGLISE.

"lan mill CCCCIIIIXX et X fust fondé ceste esglise ».

Cette date est proche de la mention en 1473   d'une chapellenie (cf. supra) . 

On peut regretter qu'un peintre zélé l'ai badigeonné au blanc, quand on connaît la beauté du grain de kersanton, sa faculté à prendre la lumière et avec un estampage, à augmenter sa lisibilité.

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5320092900303nuca/e4a782c7-97f0-4612-85de-6ec38946b794

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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Il faut attendre 50 ans pour les datations suivantes.

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  •  1546, MATER : DEI : ORA : PRO:  ME (Mère de Dieu priez pour moi) : panneaux sculptés de l'ancienne porte nord. Un donateur est agenouillé devant le prie-dieu face à la Vierge à l'Enfant et adresse à elle sa prière..

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  • une inscription disparue sur cette porte (dont deux panneaux sculptés ont été conservés et sertis dans un encadrement moderne) est citée par Guy Leclerc : 1546 FUST/ FAICT P G FAVENNEC. Or, on lit actuellement sur une pierre placée dans le mur intérieur d'un transept : V. C  PAVENE.I ( un Jacques Favennec né en 1610, est attesté à Pleyben) .

    On pense à Germain FAVENNEC, maçon et architecte avec son frère François, mais ceux-ci intervinrent à Pleyben en 1718. 

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  • la  statue de sainte Barbe est datée par inscription de  1578 . Celle de Notre-Dame de Lannélec relève approximativement de la même date.

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Puis s'écoulent près de cent ans avant la pose de deux statues d'apôtres en 1667, celles de (St André) et de St Matthieu..

 

La chapelle de Lannélec reçut au cours des âges des restaurations et des embellissements : les sablières et  les blochets  les statues, les autels portent diverses dates : 1578, 1619, 1664, 1667, 1742.

  • 1742 sur la porte de sacristie 

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lannelec 9278c

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Puis :

  • F. FAIRE PAR F. LE ROUX Fabriqve LAN MDCCLXIV (1764) au dessus de la porte nord.
  • F (fait) fair par M. Léon, recteur : de : Pleiben : M. : Guillaume : Le : Born. Gan : Palant : Mathias : Direson : fabric : fait lan 1772. Yves Rioual fabric. sur les lambris de l'un des transepts. Le recteur  Guillaume Léon a aussi mis son nom au confessionnal de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal.

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La sacristie de 1741.

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  La sacristie porte l'inscription de sa construction : IAQ : PLASSART : FABRIQVE : 1741

La généalogie de Louis Le Brun indique Jacques PLASSARD, né le 19 février 1717 à Menez Guenn à Pleyben, fils de Jan Plassard et de Françoise LE PAIGE (1687-1733).

https://gw.geneanet.org/zardoz?lang=en&iz=1542&p=jacques&n=plassard

Sauf homonymie, Menez- Guen se trouve à l'est de Lannélec, sur le Cloître-Pleyben

On sait qu'à la suite du Concile de Trente, et surtout d'un édit royal, les églises et chapelles firent construire une sacristie afin de protéger les revenus de la fabrique ou les objets de valeur ; c'est donc une pièce protégée des effractions par des fenêtre à barreaux et une forte serrure. Le conseil de fabrique est tenu de s'y réunir. Elle ne doit pas être trop humide, et doit donc se trouver au sud ou à l'est. Elle doit disposer d'un lavabo et d'un oratoire pour le desservant.

L'église de Pleyben fit construire sa sacristie en 1680-1690 ; elle fut reconstruite en 1719. Celle de Gars-Maria date de 1729. A Lanridec, la chapelle dispose d'une armoire de sacristie datée de 1664.

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lannelec 9193c

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On signale aussi : 

  • le 19 février 1764 fut bénite une cloche baptisée Marie
  • La flèche du clocher date de 1883

 

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 L'élément décoratif majeur est le maître autel surmonté de la maîtresse-vitre et encadré par les deux niches gothiques : celle de la Vierge à l'enfant du coté de l'évangile, celle de Sainte Barbe du coté de l'épître.

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Pour conclure cette présentation, je reprendrai la notice de l'Inventaire Général :

"La chapelle a été construite dans une enceinte aujourd´hui arasée qui pourrait se rapporter au Moyen Age. Les parties les plus anciennes de l´édifice datent de 1490 (inscription en lettres gothiques sur le pilier sud-est). Mais, dans son ensemble, la chapelle date du 16e et du 17e siècle ainsi que les sablières, les autels et les verrières (restaurées au 19e siècle). Vestiges de vitraux anciens dans la maîtresse-vitre dont cinq blasons pouvant correspondre à ceux des seigneurs de Ker-an-Claff ou Kerc'hlany, prééminenciers supposés de la chapelle. Elle a été restaurée en 1764 par le fabricien F. Le Roux (date et inscriptions portées au dessus de la porte nord, date également portée sur la cloche). La flèche date de 1883. Sacristie construite en 1741 à l'initiative de Jacques Plassart, fabricien (date et inscription sur le linteau d´une des fenêtres), avec un vantail de porte daté 1742."

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"Édifice de plan en T à chevet plat. Nef à quatre travées séparée des bas-côtés par des piliers octogonaux en arc brisé, moulurés à pénétration directe. Bas-côtés éclairée au nord et au sud par une porte en plein cintre et une fenêtre en arc brisé à réseau. Bras de transept éclairés au nord et au sud, mais aussi à l´ouest par deux fenêtres en arc brisé. Cinq autels sont conservés : le maître-autel, deux dans les chapelles latérales, et deux dans les bas-côtés. Sol couvert de grandes dalles de schiste. Sablières et blochets sculptés (dans le transept et le choeur). Lambris de couvrement. Massif occidental avec chambre de cloches surmontée d´une flèche. Sacristie hors-oeuvre de forme hexagonale."

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II. Notre-Dame de Lannélec

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C'est la Vierge allaitante dont la présence motive ma visite. 

Elle est présentée dans une niche à gauche de l'autel en vis-à-vis d'une autre niche dédiée à Sainte Barbe : c'est ce que l'on retrouve encore à Kerlaz (face à Saint-Germain), à St-Venec en Briec (face à Saint Venec), et c'était peut-être aussi le cas à Quillidoaré, voire dans les autres chapelles abritant des Virgo Lactans. Dés lors, je suis amené à penser que Sainte Barbe a été la patronne ou la co-patronne de la chapelle, mais je n'ai pas rencontré cette mention chez les auteurs de monographie.

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  La niche et son volet historié.

  La niche historiée est l'une des mieux conservées qu'il m'a été donné de voir ; mais  seul le volet droit est présent. Elle porte l'inscription NOSTRE. DAME. DE. LANNELEC en un mélange de lettres capitales et minuscules ; les deux N sont conjoints, le C final est sus-inscrit, sans qu'on devine la raison de cette abréviation puisque le calligraphe ne manquait pas de la place nécessaire.

  Des pampres de vigne et des grappes de raisin dorées  grimpent en bas relief sur les cotés pour atteindre le linteau, décoré de nouvelles grappes peintes et d'entrelacs de feuillage. Au centre, où se trouve souvent un emblème (armoiries, symbole) est peint un personnage en prière, mains jointes.

Au sommet vient se placer un haut élément à trois pans encadrés par des pilastres, des panneaux ajourés comme des moucharabiehs d'or _ des grilles de confessionnal, des claustra_ par des ornements gothiques aux reflets vermeils. Et cet échafaudage culmine en un dernier placard, tout aussi doré, mais dont l'artiste a pris la peine de travailler les ajours pour dessiner des croix enchevêtrées.

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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 Le volet aux trois panneaux :

 

 1. l'Annonciation

   La représentation est classique : l'ange Gabriel trace de la main droite une bénédiction (Tu es bénie, Marie) et prononce les paroles  Ave Maria gratia plena Dominus tecum, qui viennent s'enrouler autour d'un sceptre fleurdelisé lui même placé au dessus d'un bouquet de lis martagon placé dans un vase : cet axe médian entre l'espace divin à gauche et l'espace profane de droite est aussi l'axe vertical qui relie Dieu-le-père avec la terre, signifiant sa décision d'incarnation.

   Cet alignement surabondant de symboles semble réciter les Litanies :

  • le vase : vas spirituale, ora pro nobis, vas honorabole, o.p.n, vas insigne devotionis, o.p.n (litanies de Lorette)
  • le lis, emblème de virginité : sicut lillium interspinas, comme le lis au milieu des épines (O Sanctissima, ou Cantique des Cantiques)
  • la colonne : Colonne immaculée de notre foi (Litanies de l'Immaculée Conception)

  La Vierge, traditionnellement vêtue de bleu, les cheveux sagement couverts d'un voile, recule par stupeur dans un geste et une posture qui parvient à associer l'acceptation et la surprise.

 Dieu coiffé de la tiare tient le globe terrestre, et bénit de la main droite tandis que son souffle de lumière  divine envoie la colombe de l' Esprit Saint féconder l'Immaculée avec le même entrain qu'un convive de la Saint-Sylvestre soufflant dans une langue de belle-mère.

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 2. La Visitation. 

 La sculpture en bas-relief obéit encore à l'iconographie traditionnelle; l'espace est soigneusement construit par les deux arcades, la ligne horizontale du mur, et l'angle du bâtiment ; la perspective est approximative. Sainte Élisabeth, habillée de sa robe verte traditionnelle, pose sa main sur le ventre de Marie et se réjouit de la naissance à venir sous les yeux de Zacharie, coiffé d'un turban.

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 3. la Nativité.

  L'image est si conventionnelle qu'il est inutile de la commenter, sauf à considérer les chausses de Joseph, témoin du costume du XVIe siècle, et le pot à feu, symbole de Vie ou de Charité.

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NOTRE-DAME DE LANNÉLEC

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La statue et la niche  ont été restaurées en 1977.

Cette statue en pierre polychrome (kersanton, selon Amamiya) mesure 1,86 m.

C'est une Vierge Allaitante tout à fait semblable à celles que j'ai déjà présenté, mais les vêtements de celle-ci sont particulièrement riches et colorés. Les couleurs sont les mêmes qu'à Kerlaz (manteau) ou qu'à Kergoat (robe) :  large manteau drapant bleu frappé de motifs dorés, au revers rouge, et dont le pan gauche est retenu par l'annulaire ; corselet doré dont l'ouverture s'entrebaille sur un soufflet de même étoffe : robe largement élargie sous la taille par une sorte de vertugadin, et qui se compose d'une première robe-tablier plus épaisse qui se soulève et fait retour vers la ceinture pour dévoiler un revers soyeux de couleur verte (qu'on retrouve aux manches), et de la robe elle-même qui tombe sur le sol, ne laissant apparaître qu'un bout de chaussure rouge.

  Cette vierge est couronnée par un attribut peint sur un ciel bleu constellé et ondoyant.

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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  L'inscription :

Le long du bord de la robe court une inscription  qui a été déchiffrée

  • par H. Pérennés comme : Nostre Dame de M.R.I.C.S (miséricorde ?) PE pour nous, 
  • et par René Couffon comme :Nre : dAME MRCIS PE : POVR, 
  • par Guy Leclerc comme : N(o)TRE DAME DE M(e)RCIS P(ri)E POUR
  • alors que je lis N˜RE : dAME : dE : M˜RICO˜/PE : POVR

  Les tildes abréviatifs transforment N˜RE en NOTRE et M˜RIC.. en MISERICOR/PE

Sachant que les D sont ici, comme c'est souvent le cas, écrit en onciale et non en notre D majuscule (voir : dAME), je pense que ce que nous lisons PE est en réalité dE, la lettre d étant verticalisée pour prendre moins de place : donc nous pouvons  lire MISERICORdE.

Je lis donc NOTRE DAME DE MISERICORDE POUR (NOUS ?).

  Cette inscription est semblable à celle de N.D. de Bonne Nouvelle à Quillidoaré, mais la dédicace à N.D de Miséricorde est étonnante car cette Vierge n'a aucun rapport avec l'allaitement ou la naissance, que son culte est très rare dans le Finistère ( Monastère de N.D de Miséricorde à Pont-L'Abbé) et en Bretagne.

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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L'enfant Jésus, une pomme à la main,  tient en l'air par l'opération du Saint-Esprit, car il ne repose pas sur la main de sa mère. L'enfant ne tête pas, comme il le fait à Gouézec ou Saint-Briec, mais sa main droite est posée sur la poitrine recouverte du coté gauche. 

 Marie présente le mamelon entre le majeur et l'annulaire, dans un geste plein d'élégance et de grâce. Son visage n'a pas la grâce de celui des Vierges de Kerluan, de St-Venec ou de Kergoat, le front est épilé de manière radicale, mais on retrouve la chevelure maintenue par le bandeau occipital  de tissu froncé avant de libérer sur les épaules son flux onduleux. La métaphore du Fleuve de lait se poursuit à travers les boucles et les volutes du décor peint en arrière-plan.

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Il faut noter deux détails :

 

1.. Le corselet ouvert en V selon le modèle désormais habituel présente la particularité d'un laçage entre des oeilletons, très précisément représenté.

 

2. le pan gauche du manteau est relevé et tendu par les deux derniers doigts de la main. 

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Nous avons la chance de disposer de la description donnée par Christiane Prigent dans sa thèse (non diffusée) par l'intermédiaire d'H. Amamiya :

"L'échancrure du corsage laisse passer le sein droit que la Vierge presse entre le medius et l'annulaire de sa main droite. [...] Production d'un atelier probablement installé à Pleyben, utilisant une quinzaine d'années après les modèles de l'atelier de Locronan. La Vierge, datée des années  1578 par comparaison avec la statue de sainte Barbe de même édifice offre de nombreuses analogies avec la chapelle de Quillidoaré, et l'église de Kerlaz . Nous voyons ici la pénétration vers le sud des ateliers morlaisiens et leur rencontre avec un atelier local de sculpture sur pierre."

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

 

 

vierge 9209 x

 

 

 

 

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Mais ce qui caractérise cette Virgo Lactans parmi toute les autres, c'est qu'elle maîtrise de ses pieds un démon aux allures féminines  qui tient la pomme fatale dans la main gauche. Sous le pied de l'Archange, de Saint-Georges ou de la Vierge, les dragons, monstres, démons et autres avatars du Malin ne sont jamais morts, tout-au-plus dominés, mais ils bougent encore, battent de la queue, crient au scandale, et ils relèvent la tête, les impudents ! Les plus optimistes pensent que la vouivre hurle ou grimace de douleur.

  Je retrouve dans cette créature habillée d'écaille celle qui apparaissait en dessous de Jessé dans l'Arbre de St Thégonnec : L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec.

Nous avons donc une statue qui appartient à la série des Vierges allaitantes, mais aussi à celle des Vierges à la Démone, dont le catalogue a été dressé en Bretagne par Louis Le Thomas puis par Iroko Amamiya.

Les plus proches exemples se trouvent à la chapelle de Gars-Maria en Pleyben (accès interdit par le propriétaire) et de Saint-Sébastien de Saint-Ségal (jadis appartenant à la paroisse de Pleyben):

http://www.lavieb-aile.com/2019/06/la-chapelle-saint-sebastien-en-saint-segal-la-vierge-a-la-demone-et-le-retable-nord.html


Voir d'autres Vierges à la démone de Bretagne dans les articles suivants :

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/illustration/ivr5319822200139va/6a84908d-7360-40ec-b2e7-0350abc13e37

 

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H. Amamiya en donne 35 exemples, et décrit celle de Lannélec page 98 de son ouvrage. Elle décrit la Démone ainsi :

Couchée sur le coté sous le pied droit de la Vierge, tête à droite, buste légèrement redressée. Chauve. Visage très expressif avec un rictus marqué sur la bouche grande ouverte. Son buste nu est plat [retouche d'une poitrine trop provocante par bûchage ]. Une pomme jaune rougeâtre dans la main gauche, la droite posée sur le sol. La partie inférieure du corps a la forme d'une queue de serpent squameuse qui s'enroule une fois sur elle-même  avant de pointer vers le haut. Le bout manque."

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Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

Chapelle de Lannélec en Pleyben. Photographie lavieb-aile 17 juillet 2019.

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La bannière de procession (Le Minor, 2008) de Notre-Dame de Lannélec :

  Récemment, le comité de sauvegarde de la chapelle a fait réaliser par les établissements Le Minor de Pont-L'Abbé une superbe bannière. Le qualificatif n'est pas complaisant, et les paroissiens peuvent être fiers d'une telle réalisation dont le carton me semble  rivaliser en qualité avec celle, très réputée, des brodeurs. On trouve au verso le nom du cartonnier : J. Derouet, celui ou celle qui a fait preuve ici d'un joli talent.

  La Vierge est fièrement campée et affiche crânement sa maternité. L'artiste a été fidèle au modèle, mais il a affiné le visage, et transformé l'enfant Jésus en un petit hercule malicieux et sympathique. La magnificence du costume et de la coiffure est parfaitement rendue. La démone n'en mène pas large.

Un feuillet épinglé dans la chapelle reproduit le Certificat d'authenticité :

  "Cette bannière a été brodée en 2008 aux ateliers Le Minor à Pont-L'Abbé par J.M. Perennec d'après un carton de Jackez Derouet à la demande du Comité "La Chapelle de Lannelec", Monsieur l'abbé Guillaume Gonidou étant curé de Pleyben. Le 28 juin 2008."

Jean-Michel Perennec, brodeur chez Le Minor depuis 20 ans, a passé trois mois a réaliser ce  travail, utilisant 155 écheveaux pour 22 couleurs.

  Je trouve Jakez Derouet cité sur la toile :

  • comme représentant de la Ligue Celtique...en 1964,
  • comme artiste ayant participé à la conception du blason de Pluguffan,
  • comme artiste qui a réalisé le logo de l'association de défense de la langue bretonne Mervent,
  • comme concepteur du logo bigouden,
  • comme créateur du dragon rouge qui figure sur le drapeau breton du Trégor, sur fond jaune à croix noire,
  • étant "de Plomelin", etc...

En juillet 2010, Jean-Michel Perennec a réalisé une autre bannière sur un carton de Jakez Derouet : celle de la chapelle de la Madeleine à Penmarc'h. La première bannière réalisée chez Le Minor avait été dessinée par Pierre Toulhoat  pour la Tromènie de Locronan, en 1953. Celle de Lannelec était la 31ème, celle de la Madeleine la 34ème.

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Voir la liste et la description des 45 bannières Le Minor sur mon blog :

Les bannières Le Minor.

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vierge 9415c

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  Le verso de la bannière : L'arbre de Vie et l'Apocalypse.

  C'est la partie originale, avec un thème qui doit être un hapax en matière de bannière.

  Pour une raison que j'ignore, l'artiste ou les commanditaires ont choisi d'illustrer le verso de la bannière par un Arbre de Vie, au pied duquel un couple, à priori le couple originel, émerge des eaux et prend appui sur des formes rouges. Une colombe s'apprête à se poser sur une branche ; le soleil apparaît derrière une porte, qui pourrait être celle de l'arche de Noé.

   L'arbre de Vie est celui que mentionne la Genèse 2, 9 :

           L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

 

   et puis, après la Chute, dans Genèse 3,24 :

              C'est ainsi qu'il chassa Adam ;et il mit à l'Orient du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante pour garder le chemin de l'arbre de vie. ( Trad. Louis Ségond)

  Il confère l'immortalité, mais il est aussi symbole de vie bien-sûr, donc de croissance, de vitalité voire de fécondité ou de prospérité : placé au revers de la Vierge allaitante, il apparaît alors comme le qualificatif spirituel le plus adapté pour qualifier Maria Lactans, comme dans ces Méditations sur les litanies de la Vierge de 1701 link : Quelles louanges ne devons-nous pas aux excellentes dispositions de votre âme, Ô arbre de vie, qui nous avez donné le véritable fruit vivifiant !

   L' olivier est souvent l'arbre choisi pour le représenter, quand ce n'est pas le figuier sycomore.

La conjonction de l' olivier, de la colombe et de l'arche évoque un autre premier jour de l'humanité,  Genèse 8, 11 :

  La colombe revint à lui sur le soir ; et voici, une feuille d'olivier était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur terre (Trad. Louis Ségond)

 

  Alors que l' arbre de Jessé  relie Marie à l'arbre de la connaissance, celui du péché originel (c'est le symbole de Notre-Dame de Miséricorde foulant le démon et sa pomme sur la statue de Lannelec) à travers l'arbre de la Croix, le choix de l'arbre de vie tourne le dos à cette problématique du Péché et ouvre l'esprit du fidèle à un monde neuf, primesautier, un premier matin du monde inondé de soleil. Marie Arbre de Vie redonne accès à l'arbre du milieu du jardin de l'Eden.

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vierge 9417c

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 L'arbre de vie est celui de la Genèse, mais aussi celui de l'Apocalypse. Or, c'est ce texte de Saint Jean qui est cité en broderie autour et en dessous de la bannière : Apocalypse, 7, 14 :

       Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville !

  Ce verset est précédé dans le texte par celui-ci, qui en explicite le sens :

   Je lui dis : Mon seigneur tu le sais. Et il me dit : ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau. (Trad. Louis Ségond)

  Il sera suivi de celui-ci :

  Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. (Apocalypse 22, 2 : id)

 

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III. La fontaine près de Lannelec, et le culte pour la guérison des enfants.

  - En 1910, l'abbé Peyron signale que le pardon se déroule "le dimanche le plus rapproché de la fête de saint-Matthieu" (21 septembre) et qu'à cette occasion " l'on y demande plus spécialement la santé des enfants, et à la procession du pardon, plusieurs mères, le cierge à la main, y conduisent leurs petits enfants. Non loin de la chapelle est une fontaine dite de Saint Vendal où les parents plongent leurs enfants atteints de rhumatismes."

  Le chanoine Pérennés donne à cette fontaine le nom de Saint-Venec et signale qu'elle est dépourvue d'édicule.

  Les cartes IGN, Cassini ou d'Etat-Major ne signalent pas de fontaine. L'office du tourisme de Pleyben signale cette fontaine Saint-Venec dans son site.

 

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SOURCES ET LIENS.

.— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.

— AMEMIYA (Hiroko), 1996,  Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 . 

— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PLEYBEN.pdf

 

 

Mobilier :

Deux niches à volets historiés avec leurs statues en pierre polychrome du XVIe siècle : Vierge Mère allaitant, portant sur le rebord du manteau l'inscription : "Nre. dAME MRCIS PE. POVR...", sur la plinthe de la niche : "NOSTRE DAME de LANNELEC" ; sur l'unique volet, en bas-relief, l'Annonciation, la Visitation, la Nativité.

 

— INVENTAIRE GENERAL

 

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-notre-dame-de-lannelec/5e9eca66-2134-4fd9-8d43-bb9416344296

 

 

 

— LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.

 

— PRIGENT, Christiane. 1981, Etude de quelques sculptures bretonnes influencées par les modes venues des pays nordiques. Dans : Bulletin de la société archéologique du Finistère, t. CVIII, 1981.

 — PRIGENT, Christiane, 1982, . Les statues des vierges à l'enfant de tradition médiévale: XVe- XVe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille  Prigent, Christiane. - [Université de Rennes] (1982)

 

— LECLERC (Guy), 2009, La statuaire de la Vierge au sein, Pleyben, chapelle de Lannelec, Bulletin Société Archéologique du Finistère Tome CXXXVII, 2008-2009 p. 411-412.

 

PERENNES (Henri ) , 1938, , Notice sur Pleyben , Bulletin Diocésain d'histoire et d'Archéologie 1938:

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf

Bretagne sacrée :

http://archive.wikiwix.com/cache/?

http://kergranit.free.fr/Textes/Lannelec.htm

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Published by jean-yves cordier - dans Pleyben Vierges allaitantes Bannières.
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:03

 

  La chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben : Deuxième partie : Sainte-Barbe .

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Voir :

Vierges allaitantes VII. Chapelle Notre-Dame de Lannélec à Pleyben. Première partie : Présentation ; La Vierge.

 

 

Cet article appartient à la série consacrée à Pleyben et ses chapelles :

 

L'église

Les chapelles :

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3°) Voir aussi :

Voir sur sainte Barbe :

 

 

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  Sainte-Barbe apparaît à Lannélec comme la patronne en second de la chapelle, bien qu'aucun document ne l'atteste. En effet, c'est pour elle qu'est dressée en face de Notre-Dame de Lannélec (ou de Misericorde) une niche dévotionnelle à droite de l'autel. C'est aussi elle qui figure sur le vitrail de la maîtresse-vitre.

  Alors que je rédigeais cet article, j'ai réussi à avoir accès au  site d'Alain Ménard kergranit.free.fr, et j'y ai découvert le rapport entre cette Sainte, habituellement considérée comme protectrice de la foudre (voir :  Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.) et les Mamm al lez ou Vierges au lait. Je commence par décrire la statue, puis j'en arrive à ce point passionnant :

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1. La niche et la statue de Sainte Barbe.

  La niche gothique est identique à celle que j'ai décrit pour Notre-Dame de Lannelec, mais sa partie supérieure est mieux conservée, et elle possède ses deux volets. Elle porte l'inscription GRANDE . et . PVISSANte . Ste BARBE . 

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 La statue de pierre polychrome du XVIe siècle grandeur nature présente  Sainte Barbe avec ses attributs habituels : la tour à trois fenêtres, dont celle qu'elle a fait percer en l'honneur de la sainte Trinité ; le livre, astucieusement placé à la base de la tour comme s'il était dans une salle de lecture ; et la palme du martyre.

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ste-barbe 9307c 

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   Elle est vêtue d'un manteau rouge doublé de bleu et dont la bordure, bleue également, porte des éléments carrés et dorés qui descendent jusqu'à  l'inscription d'une date, 1578. Je rappelle qu'à cette date, toute la région est embrasée par la guerre de la Ligue entre le catholique et ambitieux duc de Monfort, et l'ex-protestant Henri IV qui cherche à reprendre le contrôle de la Bretagne.

   Cette date m'apparaît très intéressante si on considère que cette statue et sa niche s'établissent en vis-à-vis de la statue de Notre-Dame de Lannélec, qui, elle, n'est pas datée. Les deux niches sont identiques, les deux statues paraissent de la même taille et de la même facture, leurs  costumes sont très semblables, et, détail à mes yeux significatif, on retrouve chez Sainte Barbe la même chevelure retenue par un bandeau occipital que j'ai observé sur 6 des 7 Vierges allaitantes et sur Sainte Gwen. Or, aucune des Vierges allaitantes n'est datée. Si on accepte d'attribuer la même date à N.D. de Lannélec qu'à sa voisine Sainte Barbe, cela donne une indication sur la datation de toute la série des Vierges au Lait : au dernier quart du seizième siècle, avant et pendant la Ligue. 

   Cette date de 1578 est exactement celle de la statue de St Venec, placée en vis-à-vis de le Vierge allaitante à la chapelle St-Venec en Briec. Nous avons donc :(sd = sans date)

 

Vierge allaitante socle vierge saint patron socle saint
Tréguron Gouezec :sd 1654 saint Eloi sd 1584
Kergoat : sd sd    
Quillidoaré : sd sd    
Kerlaz : sd  1566 Saint Germain  
St Venec : sd 1592 Saint Venec :  1578
Kerluan :sd pas de socle ---  
Lannélec : sd socle : sd Sainte Barbe : 1578  

   Si on écarte le socle de Tréguron en l'estimant non contemporain de la statue qu'il accueille, on obtient la fourchette de datation de 1566-1592 pour les vierges au lait de Cornouaille.

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ste-barbe 9213x

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Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

       

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.Outre ce manteau, le reste du costume retrouve les éléments que l'on trouvait sur les Vierges allaitantes, à l'exception bien-sûr du corselet d'allaitement à ouverture à soufflet frontal.

  La longue chevelure ruisselante est un autre point commun avec les Vierges ; je la considérais comme métaphorique de l'écoulement du lait, et nous verrons qu'ici encore cette interprétation n'est pas à écarter.

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ste-barbe 9220c

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       le culte de Sainte Barbe en Europe.

Sainte Barbe, ou Sainte Barbara, Santez Barba en Breton, est une sainte martyre qui aurait vécu au IIIe siècle à Heliopolis.

Les premières versions du Mystère de sainte Barbe apparaissent au VIIe siècle en Orient, d'où des reliques sont rapportées en de nombreuses villes d'Europe (Burano à Venise, à Plaisance en Italie, Abbaye de Sainte-Barbe-en-Auge en 1050, cathédrale de Liège, aux Feuillants à Paris,  etc...) La fête catholique est instituée le 4 décembre  dès le XIIe siècle à Rome. Vincent de Beauvais mentionne la sainte dans son Speculum Historiale de 1258, Jacques de Voragine donne le récit de sa vie dans la Legenda aurea en 1261-1266 (traduction française en 1476) mais les principaux témoignages iconographiques de son culte datent du XVe siècle en Flandre puis en Italie : peintures de Jan Van Eyck en 1437 ( Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers), de Robert Campin en 1438, Cosimo Rosselli en 1468 (Musée des Offices, Florence), de Hans Memling en 1479 (Metropolitan Museum de New York), de Lorenzo Lotti en 1524.

L' église de Savigny (Manche) possède un cycle de peintures murales du XIVe.

  Le récit de Jacques de Voragine ici page 296 : link

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 2. Culte de Sainte Barbe en Bretagne

ou : les éléments apportés par le site d'Alain Ménard kergranit.free.fr: Dans sa description de la chapelle de Lannélec, remarquable par la qualité des photographies et l'art de faire jouer la lumière, je commence par lire une présentation très bien rédigée des divers éléments que j'ai pu trouver dans la Notice de 1938 d'Henri Pérennés ou dans d'autres sources. Mais j'y trouve surtout  un texte d'Anatole le Braz, auquel je n'avais pas eu accès, Les saints bretons d'après la tradition populaire en Cornouaille, 1893-1894. L'extrait qui y est cité, et que je trouve aussi ici :link m'apporte trois éléments :

  • une description de Lannélec vers 1883, que j'ignorais
  • la mention d'un "mystère de Sainte Barbe de 1557 réédité par Ernault",
  • La mention d'une sainte Barbe protectrice des femmes enceintes dans la citation suivante :

  "Ce qu'on oublie parfois, c'est qu'elle tient aussi sous sa sauvegarde les femmes enceintes. "Elles me sont plus particulièrement chères, dit-elle à Dieu en mourant ; faites-en des mères joyeuses ! Que leurs enfants viennent à bien, pour recevoir la grâce du baptême !" Ainsi s'explique qu'on ait placé sa statue, dans l'église de Lanneléc, en face de celle de Notre-Dame. Les femmes sur le point d'accoucher s'agenouillent devant l'une, et devenues mères, n'ont qu'à passer à l'autre. "

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  Il me reste à explorer ces pistes :

Emile Ernault (1852-19838)

   Ce professeur de langue et littérature classique (latin et grec ancien) à l'Université de Poitiers, né à Saint-Brieuc et membre actif de la Société d'émulation des Côtes du Nord s'est  avant tout consacré à l'étude le la langue bretonne : il a étudié et édité des cartulaires et gloses en vieux-breton et des mystères médiévaux en moyen-breton.

  En 1885, il donne la première édition française du Mystère de Sainte Barbe de 1557 :

Le Mystère de Sainte Barbe, tragédie bretonne, texte de 1557, publié avec traduction française, introduction  et dictionnaire étymologique du breton moyen, Société de Bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, Nantes 1885 404 p, in 4° :link

  C'est en réalité La Villemarqué qui est à l'origine de cette publication, car c'est lui qui a initialement recopié un exemplaire de 1557 appartenant à M. de Saint-Prix  et qui a commencé à le traduire avant de confier la suite du travail à Ernault.

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Le Mystère de Sainte Barbe en breton.

   a) les mystères bretons et le contexte historique .

     J'apprends dans un article de Jean-François Courrouau, L'imprimé religieux en langue bretonne (1526-1660), Ann. Bret. Pays de l'Ouest, 115-3, 2008, 57-79, link que ce Mystère est la première Vie de Saint éditée en breton, précédée par le Catholicon (1499), le Missel breton (1526) et le Mystère de la Passion (1530). Viendront ensuite une Vie de Sainte Catherine ( 1576) et la Vie de Saint-Yves (1623). Mais il faut adjoindre à ces livres imprimés  les manuscrits qui ne seront parfois édités qu'au XIXe siècle, et imaginer la tradition orale, attestée par les mentions de mystères joués dans les églises puis à l'extérieur.Je complète par les éléments que je peux glaner pour donner cette liste (non qualifiée) enrichie de repères historiques (source :Kervarker link )

  • fin XVe : manuscrit de Buhez santez Nonn, la vie de sainte Nonne écrit probablement par un moine de l'abbaye de Daoulas et édité en 1837 par Le Gonidec, puis récemment par l'équipe du CRBC.
  • 1499 : Catholicon  de Jehan Lagadeuc publié à Tréguier (dictionnaire trilingue)
  • 1500 (vers) : vitrail de Sainte Barbe à Lannelec.
  •  1530 : publication en un seul ouvrage de deux poèmes chrétiens,Tremenuan an Ytron Guerches maria et Pemzek Levenez Maria.
  • 1530 : mystère de la Passion publié à Paris : Aman ez dezrou an Passion ha goude an Resurrection [...], e Paris a neuet imprimet...(Ici commence la Passion ...publié à nouveau à Paris) réédité à Morlaix en 1622 puis par La Villemarqué en 1865.
  • 1532 : Réunion de la Bretagne et de la France.
  • 1539 : Edit de Villers-Cotteret imposant le français comme langue officielle (documents administratifs)
  • 1544 :Le mystère breton Dismantr Jerusalem est composé par le léonard Fiekr Mezanstourm. 
  • 1545-1563 : Concile de Trente.
  • 1557 : Mystère vie de sainte Barbe
  • 1575 : publication du Miroer Mort  en breton
  • 1576 : Vie de sainte Catherine : Buhez an Itron sanctes Cathell
  • 1576 : Cathechisme,
  • 1578 : statue de sainte-Barbe à Lannelec,
  • 1609 : Mystère de la Passion, ed. Marciguay à Saint-Malo
  • 1636 : Albert Le Grand de Morlaix publie à Nantes en français Les Vies, gestes, mort et miracles des saints de la Bretagne Armorique.
  • 1650 : Nouelou Ancien ha devot par Tangui Gueguen

Il faudrait y ajouter les cantiques imprimés sur feuille volante ou seulement mémorisés, qui reprenaient la trame des Mystères : ainsi, le canticou Histor eus a vuez Santez Barba, Morlaix, sd, cité par Ernault.

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  b) le Mystère et Vie de Sainte Barbe .

Il y eut deux éditions ; La Villemarqué a travaillé sur une copie incomplète de la première, et  Ernault a complété cette copie à partir de la 2ème édition.

1. Aman ez dezrou buhez sante Barba dre rym euel maz custumer he hoary en goelet breiz, Imprimet E Paris euilt Bernard de Léau pe huy a chom e Mouutroulez var pont bourret en Bloez [15]57, British Library : C.40.b.49

2. Aman ez dezraou buhez santes Barba dre rym, eues maz custumer he hoary en goelet Breiz. Gant euriou an itron sanctes Barba hac he Officou amplamant, E Montroulez, gant Ian Hardouyn, 1647 (BnF : Res Yn-16). Ed. Ernault, 1885

  Ce titre signifie : "Ici commence la vie de Sainte Barbe en vers, comme on a coutume de la jouer en Basse-Bretagne, Avec les heures de Madame Sainte Barbe et les offices, tout au long."

  "comme on a coutume de la jouer" : en effet, les mystères étaient joués par des groupes parfois réunis dans des confréries. A Rennes, la première représentation attestée a lieu le 25 mai 1430 jour de l'Ascension, pour donner devant le duc Jean V le Mystère de la Passion. La confrérie du saint Sacrement se consacre dès le XIVe et jusqu'en 1520 à l'exécution scénique du mystère. Des confréries de Sainte Barbe (attestée à Rouen)  furent constituées, peut-être dans le même but. S'il semble que les premiers mystères produit soient des mystères "sacrés" tirés de la Bible, en premier lieu le mystère de la Passion ( dès le XIe siècle), les mystères "religieux" tirés de la vie des saints sont également donnés, comme le Mystère de saint Martin. En langue français, deux manuscrits de Mystère de sainte Barbe ont été conservés, l'un du XVe siècle, l'autre du XVIe. Le premier, riche de 20 000 vers, met en scène cent personnages parlants. 

  Selon E. Ernault, le Mystère de Sainte Barbe fut, après le Mystère de la Passion, l'oeuvre la plus jouée. Cette sainte était invoquée contre la mort subite, et on relatait les miracles où un homme victime d'un accident mortel priait la sainte : celle-ci intervenait pour maintenir en vie l'agonisant jusqu'à l'arrivée d'un prêtre qui administrait les saints sacrements et évitait au malheureux un séjour éternel en enfer. Le succes de sainte Barbe se comprend à la lumière de la mentalité des hommes du Moyen-Âge terrorisés par la hantise de mourir sans confession.

  •   En juin 1476, on joua à Compiègne un mystère (français) de Sainte Barbe donné en trois jours (Emile Ernault)
  • En 1493, il est signalé que la Vie et histoire de Madame Sainte Barbe fut jouée à Laval.
  • Au XVIe siècle, le Parlement de Bretagne interdit les représentations publiques des mystères à la suite de rixe mortelle durant un Mystère de Sainte Barbe à Domolain près de Guerches de Bretagne ( le Parlement de Paris prononça la même interdiction le 18 novembre 1548) 
  • Le Concile de Trente interdit également la représentation des Mystères.

 

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      c) Culte de sainte Barbe en Bretagne : édifices et  iconographie.

Dans le but de situer la statue de Sainte Barbe de Lannelec sur le plan historique, je recueille encore quelques dates :

  • 1489 : construction de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët
  • 1538 : vitrail du cycle de Sainte Barbe à Montcontour
  • 1578  : Sainte Barbe à Lannélec
  • 1619 : chapelle Sainte-Barbe de Roscoff

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Les volets historiés de la niche.

  Ils illustrent la légende de Saint Barbe, que j'avais déjà évoquée ici :

Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.

Ils se lisent de bas en haut.

  Rappelons que Sainte Barbe, libanaise d'Heliopolis au IIIe siècle, persiste dans sa foi chrétienne et dans sa détermination à refuser tout mariage et résiste aux ordres pressants de son père, le satrape Dioscore, qui l'enferme dans une tour avant de partir en voyage. A son retour, il constate une troisième fenêtre qui n'était pas dans ses plans :  

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1. Sainte Barbe, Dioscore et la tour.

      ste-barbe 9226c

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Ier épisode : Dioscore amène sa fille devant la tour qu'il a fait bâtir pour y mettre à l'abri sa virginité :

          DIOSCORE           

 

199. Barba, ma merch net he derch ha guerch glan,

Denesset lem dirac ma dem breman,

Huy heu noman dreis pep hunan ganet

Ma holl esper singulier ha querhaff

Ham holl buhez noz dez seul maz vezaff

Ac e caraff muyhaff nen nachaff quet.

 

200. Rac se seder emeux sclaer prederet

Ober fournis flam dam guis diuizet

Un tour flour net doz miret hep quet sy

Enn haff affet secret ez vihet plen

Perguen eno na no guelo neb den

Bezet certen bizhuyquen nep heny

 

              SANTE BARBA

201. Ma tat quer, pebez pridirit

Na pe dre dezen eu dihuy

Na pez ouz eux huy studiet

Ma lacat gardis en prison,

Priuet a gracc en pep faczon?

Re diraezon ez sarmonet.

 

                DIOSCORE

 

Barbe, ma fille, pure et chaste vierge,

approchez à l'instant en ma présence;

c'est vous qui êtes en ce monde, plus que personne,

mon espoir le plus cher, ma vraie vie, nuit et jour,

tant que j'existerai . Je vous aime par dessus tout, 

je ne vous le cache pas.

 

 C'est pourquoi j'ai songé sérieusement

à faire une tour épaisse, belle,

disposée à mon gré,

une tour élégante pour vous y  bien garder.

Vous y serez parfaitement au secret et à votre aise, 

et personne ne vous verra plus désormais, soyez-en sûre.

 

                  SAINTE BARBE

  Mon cher père, quel souci prenez-vous,

quelle est votre intention? A quoi songez-vous,

de me mettre dans une dure prison,

privée de tout agrément ? 

Je n'ai nullement méritée d'être emprisonnée, croyez-moi.

 

 

      

 

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    2ème épisode : Le panneau sculpté en bas-relief montre plutôt l'épisode  où Dioscore rentre de son voyage, pressé de découvrir si la tour qu'il a ordonné avant son départ est conforme à ses souhaits et où il découvre tout-de-suite la fenêtre que Sainte-Barbe a fait ajouter aux deux ouvertures prévues sur les plans. Aussi suspicieux et aussi jaloux que Marcel face à Albertine prisonnière, il apprend du contremaître que l'ordre a été donné par la fille ; tandis que l'entrepreneur, traité de Diot, sotin, babouin, mastin quy (imbécile, sot, babouin, fils de chien), s'enfuit sans attendre le réglement de sa facture, Barbe est intérrogée : elle répond que "trois donne plus de clarté que deux", que "c'est maintenant la mode", que  Try frenest en re onestaff Da sclaerhat muyhaff, ne raff sy "trois fenêtres, c'est ce qu'il y a de plus convenable, pour éclairer mieux, je le sais", avant de déclarer enfin :

 Rac tri person tron onest

En un test en un maieste

A un coudet, a un edit

Un ster, un esper, un merit,

Un apetit, un deite :

" Parce qu'il y a trois personnes dans le ciel brillant, qui ont une seule nature,une seule majesté, une seule pensée,  une seule puissance, une seule dignité, un seul désir, une seule vertu, une seule volonté, une seule divinité".

  C'est le moment représenté par l'artiste : Barbe désigne à la fois les trois fenêtres de la tour et le ciel brillant avec les trois personnes qui s'y trouvent, pendant que le malheureux paternel qui est sur des charbons ardents s'arrache les cheveux. Il n'est pas au terme de son supplice puisqu'il va avoir droit à un exposé de théologie avant d'entendre sa Barbie chérie traiter ainsi  les dieux qu'il vénère : "Je leur cracherais bien à la face si j'en trouvais l'occasion ; je les détruirais en tout lieu ces sales démons puants et maudits odieusement fabriqués pour la superstition par des réprouvés !" (strophe 316 : Crachet oar tro en ho face ) . Et il s'arracherait la barbe par surcroit (à défaut d'arracher sa Barbe aux influences néfastes qui l'ont ainsi pervertie) s'il apprenait ce que les spectateurs du Mystère ont découvert tout à l'heure sur les tréteaux dréssés sur le placître de Pleyben : en son absence, sa fille  a adressé un messager à Origène en personne, qui lui a envoyé d'Alexandrie son jeune diacre Valentin. Lorsqu'il est reparti, elle en savait plus qu'un docteur en Théologie sur les trois hypostases du Dieu unique, la consubstantialité, les errements du subordinatianisme. Et elle vous récitait Polycarpe de Smirne comme votre grand-mère récitait ses départements, leur préfecture et leurs sous-préfectures !

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2 . Le miracle de la fontaine : 

  La scène se place entre le moment où Barbe est conduite dans sa prison, et le retour de son père :

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ste-barbe 9225c

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Mystère de sainte Barbe, strophes 255 à 258 : sainte Barbe se rend à la fontaine "car son âme a envie de boire" mais elle la trouve tarie. Elle se met à genoux et implore le Seigneur ; quand elle se relève, elle la trouve remplie. link

  L'image montre Dieu-le-père, coiffé de sa tiare préférée et tenant en main gauche le monde crucifère dont il ne se sépare pas, qui apparaît dans les nuées à Santez Barba pour la bénir.

   Dieu partage avec la Bretagne ce point commun de n'apparaître que dans les nuages ; c'est comme ça, on ne les changera pas.

258. Huy goar en mar dre hoz caret

Emeux ent espres dileset

An bet ; recevet ma pedenn

Ha reit diff dont mat en stat man

Evit enaff anezaff glan

Quent monet breman ahanenn.

 

Vous savez sans-doute que par amour pour vous

j'ai complètement abandonné le monde

recevez ma prière

et donnez-moi à l'instant

de bonne eau pure, pour que j'en boive

avant de m'éloigner de ce lieu.

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3 La grande colère de Dioscorus.

   Le satrape (c'est le titre et la fonction du père de Barbe, qui gouverne une satrapie, une province de l'empire Perse) vient d'entendre la profession de foi de sa fille et a perdu ses longs cheveux. Il avait donné la meilleure éducation à sa fille, l'avait entourée (au sens propre) de son affection, la promettait aux joies ineffables du mariage, et il découvre qu'elle tient des discours antisociaux, qu'elle a un comportement alimentaire déviant (ne buvant l'eau que d'une certaine fontaine à l'exclusion de toute autre, se nourrissant de baies et d'herbes cueillies autour de cette source), qu'elle se détourne ainsi des circuits économiques traditionnels, qu'elle   voue à la numérologie consacrée au chiffre trois une vénération inconsidérée, qu'elle s'isole en suivant les préceptes anorexigènes d'un gourou d'Alexandrie et qu'à l'âge où toutes ses amies jouent avec leur poupée Mademoiselle (ann Nemezell) passe son temps le nez fourré dans les ouvrages d'un certain Justin (de Naplouse),  d'un Ignace (d'Antioche) et d'un Irénée (de Lyon). Il n'est pas content content :

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ste-barbe 9224c

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                  Dioscorus

357. A ! paillardes ! pautres esou

Penauz ez den yen az guenou

Blasfemaff ma doeou louen

Hac y heb goall dre ho gallout

ouz gouvernn an bet heb quet dout

Hac en pep rout oz ma souten.

 

358. Me ray dit cruell meruell yen ; 

En place man breman oar en men

Ez renty dyen da eneff

An despet dan stinn az lignez

Mez lamo pep tu a buhez,

Me toe dam fez, gant ma clezeff.

 

(Santa Barba a pet doe di difenn,

ha neuse un men bras en em digoras

hac he euzas ouz he tat a predere

neuse he lazaff )

 

357 Ah, coquine, fille dévergondée,

comment ta bouche ose-t-elle blasphémer

froidement mes dieux bienheureux

eux qui sans faute, par leur puissance,

gouvernent évidemment le monde,

et me soutiennent de toute façon!

 

358. Je te ferai cruellement sentir 

la froide mort, en ce lieu même

A l'instant, sur cette pierre tu vas rendre l'âme

Malgré ta naissance et ta race

je t'enléverai complétement la vie,

Je le jure par ma foi, avec mon épée.

 

( Sainte Barbe prie Dieu de la défendre,

et alors une grande pierre s'ouvrit et la cacha

à son pére, qui voulait la tuer).

 

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    4. La mammectomie bilatérale,  ou le supplice de Sainte Barbe:

Cette scène ne survient qu'après une cinquantaine de pages du Mystère de Sainte Barbe où sont relatés les faits suivants : Ayant perdu de vue sa fille, le père aveuglé de fureur part à sa recherche pour la tuer ; deux bergers l'ont vu passer, le bon berger Rivallen nie l'avoir vu mais le méchant Gueguen révèle sa cachette et Dioscore s'empare de sa fille. Il la menace puis l'emprisonne avant de se rendre auprès du Grand Prévot pour la faire châtier. 

 

  Le Prévôt fait convoquer Sainte Barbe et l'exorte d'un ton bonhomme à répudier ses convictions coupables, mais devant son refus, il appelle les bourreaux ( ce sont Les sieurs Loupant , Agripant, Claudin et Glouton) pour une surenchère de supplices successifs : strophes 450 à 490

Mettez-la à nue et attachez la

Promenez la en la battant qu'il ne reste machoire ni lèvre qui ne soit vigoureusement frappées.

Procurez-vous de durs bâtons et des nerfs de boeufs solides

Et des fléaux, et de nouveaux fouets aux noeuds durs

Placez-la dans un tonneau pour y danser, plantez-y mille clous, et roulez-la à travers la ville

Sus, sus, faites qu'elle sente le supplice, avancez vite, je la veux transpercée et harassée,

les membres disloqués. Froids vilains, est-ce un jeu que vous avez fait? Fustigez-la !

Vos batons et des fouets bien durs ! Remplissez ses plaies de sel ! Frottez-la promptement, dur et serré !

Habillez-la d'une robe de crin et jetez-la en prison pour qu'elle soit déchirée mutilée chair et peau.

En prison, Sainte Barbe reçoit la visite et la consolation de Jésus et des anges. Ses plaies guérissent miraculeusement. Convoquée à nouveau devant le Prévôt, elle continue à refuser d'adorer "les idoles, stupides épouvantails faits par l'artifice de vils fripons", et son martyre reprend : elle est brûlée par des torches, frappée avec des marteaux, avec des bâtons, et enfin, strophe 593 page 138 : link : on trouve la didascalie :

                         Aman ez troucher e diu bron, "Ici on coupe les mamelles".

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 ste-barbe 9227c

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593. Squegiett diff astriff e diu bronn

Quen disaczun ha da un gonn

Digoar he poull calon gronnet

Mar guelher frost he holl costou

Gant travell hac he bouzellou

Gruet hv ent re dou badouet

 

593. Arrachez-moi violemment ses mamelles,

sans plus de façon qu'à une truie. Tirez-les

de sa poitrine, qu'on voit toutes ses côtes

à nu et ses entrailles, que la douleur

la fasse défaillir.

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  Agripant possède un bon couteau pour tailler dans les mamelles, celui de Loupant n'est pas mauvais non plus, mais Claudin propose son braquemart et voilà Barbe mutilée et bien punie, mais la Sainte pense § 601 à son Dieu, son roi et son créateur, son souverain et son rédempteur, son protecteur si bienveillant, son maître si cher et si puissant, sa joie, sa pensée unique en ce monde, et tout le reste l'indiffère parfaitement. 

    N.B :     Le texte ne parle pas de cette abominable paire de tenaille particulièrement cruelle et pénible à regarder, mais simplement d'honnêtes couteaux aiguisés (contell) et de braquemarts (braquemar) bien tranchants, capables "de les couper parfaitement, tranquillement et en un clin d'oeil", "tout net et séparés" : de la belle ouvrage, pas ce travail de cochon qu'on nous donne ici à voir et qui déprécie le métier.

Remarque : j'ignore quelle est la raison d'être du pot de fleur noir qui est placé en équilibre sur l'auréole bien méritée de Barbe.

  Barbe  est ensuite condamnée à être promenée nue et à exposer son triste état d'amastozoaire à la foule. Mais Jésus en son infinie compassion envoie ses anges qui couvrent (§ 628) la vierge martyre d'un voile blanc. Elle épuise ses bourreaux qui sont éreintés et déshonorés de voir les plaies qu'ils infligent guérir comme des bobos. Le Grand Prévôt a administré la question ordinaire, la question extraordinaire et les tortures additionnellles mais n'a pas encore la science des Dominicains de l'Inquisition avec le "bouc des sorcières", l'écartèlement, l'estrapade, les grésillons ou la poire d'angoisse : il rend son tablier, il renvoie la fille (aussi fraiche et intacte, aussi vierge de toute blessure qu'à son arrivée) à son père.

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      5. Barbe traînée par les cheveux par le cheval de son père.

ste-barbe 9218c

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   J'éviterai de plaisanter sur ce satrape barbu sur son cheval barbe attrapant sa Barbe par la queue de cheval, car nous avons affaire ici à ce drame pathétique qui se répète de générations en générations, celui où l'amour insensé d'un père pour sa fille se transforme en une haine insensée.

       Dans le texte (page 93), cette scène n'apparaît en réalité que comme une menace verbale, avant que Dioscore ne sollicite la justice et ses bourreaux.

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394. En amguin me haz trahino

E ry an blev hac az blevo

Me promeno ne vezo sy

me rayguiridic da quic noaz

Maz yeno gant poan hac anoaz

Quent evit henvoaz da goazy

Je te trainerai par les cheveux

et te briserai le corps

je te promènerai ainsi

je ferai souffrir ta chair nue

Si bien qu'avant cette nuit

tes veines se glaceront de peine

et d'angoisse.

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  6. Barbe décapitée et sa vengeance posthume.

 

      ste-barbe 9219c

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        Résumer les trente pages de la fin du Mystère de Sainte Barbe (p. 158-187) par une image ou quelques phrases semble aussi dérisoire que, pour un mélomane, de "raconter" le troisième acte de la Traviata en citant sans les costumes, l'orchestre et la Diva, l'aria Ah, gran Dio, morir de Violetta.

  De la strophe 684 à la strophe finale 812, le spectateur a assisté au long débat de Dioscore et de sa fille, les amers reproches d'un père effondré  alternant avec les amers reproches d'une fille exaltée, aux atermoiements de Dioscore conscient de l'absurdité de son geste mais acculé par l'intensité de sa hainamour à le commettre. Comme cela a été annoncé au lecteur par la didascalie " Ici les diables excitent Dioscore à se hater de tuer sa fille",  il a assisté à l'intervention de Satan et de Bezlebut (sic) pressés d'en finir, puis aux débats interminables entre Conscience et Bezlebut, et au malheur du père. Nous sommes très loin de la Légende simplifiée où un roi foncièrement cruel tue sa fille sans regret, et aucun mouvement, aucun battement, aucun trésaillement de cette âme paternelle n'est omis :

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738. Ma coudet so quen tristidic

ma em guelet quen reusidic

Quen louidic quen milliguet

Ha bezaff suget affet pur

Da muntraff ma goat ham natur

A maleur ezouff furmet.

738. Mon coeur est si triste

qu'on me voit misérable,

infâme et maudit, exposé

à être le meurtrier de mon sang 

et de ma race.

Ah, je suis bien malheureux !

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Après ce long débat de conscience, la mort dans l'âme, Dioscore excité presque en vain par les deux démons finit par s'exécuter et décapite sa fille (§781). Jésus intervient et s'adresse au démon : 

     790. "Écoute, Satan, chef criminel des démons, ouvre à l'instant l'abîme plein d'amertume et de glace horrible ; dévore de ton feu ardent Dioscore ce voleur glouton, ce tyran cruel et odieux, ce chien envieux, ce perfide sans excuse."

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             Sathan

793. Ordrenaff tizmat en stat man

Foult ha curun dre fortun glan

Quemesquet a tan breman scaff

Hac et presant gant tourmant bras

De dirumpaff an quentaff pas

Dann iffern diblas az gassaff.

                  Satan

793. Je veux qu'à l'instant même

la foudre et le tonnerre mélés de feux

le précipitent avec grande violence

dans l'enfer horrible et odieux.

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   C'est le bouquet final pour le spectateur impressionné par tout un appareil dramaturgique de Daemon ex machina, tout un vacarme et une pétarade exécutée en coulisse, des éclairs, un spectacle de pyrotechnie  et  de la fumée à travers laquelle Dioscore foudroyé disparaît  tel Dom Juan dans l'acte V du Festin de pierre.

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Épilogue :

Le prêtre Valentin vient enterrer la Sainte et lui promet de construire une chapelle sur sa tombe ; tout son désir est de finir ses jours à y prier, et on comprend qu'il en était secrètement amoureux lorsqu'il donne la dernière réplique de la pièce, strophe 813 :

Hac an place man da vianhaf Pan duy an dez finuezaff Ez desiraff nen nachaff quet Bout neterret en hoz metou Mar plig gant doe guir roen ploeou reiff diff e gracou golouet.

   "C'est ici encore que je désire, quand viendra mon dernier jour, être enterré auprès de vous si Dieu, le vrai roi des hommes, veut bien m'éclairer de sa grâce".

Le rideau tombe sur Valentin pleurant sur la tombe, il pleut sans-cesse sur Pleyben comme sur Brest, et les gens disent que venant de la scène on entendit crier ton nom :

                                      Barbara !

 

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Sainte Barbe et le culte de la fécondité.

  Comme Anatole le Braz le rappelait, la présence de Sainte Barbe face à la Vierge allaitante de Lannélec se justifiait par le fait que cette sainte n'était pas seulement la patronne des mineurs, des artificiers, des pompiers, de l'US.Navy ou de la R.AF, mais qu'elle était aussi invoquée par les femmes souhaitant des enfants ou demandant du lait pour nourrir ces enfants. En Géorgie, c'est l'attribution principale de Santa Barbaroba que de guérir les enfants ou de donner un coup de main à la conception.

   Dans le texte du Mystère et Vie de Sainte Barbe, c'est lors de la belle prière que la sainte adresse à Dieu au moment de mourir qu'elle se déclare protectrice des mères: § 661 :

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661. Han groaguez espres brasesou

An re so nez ma caresou

Gruel y gant gnou mammou louen

Maz duy leal ho bugalez

Da quempret an stat a badez

Dre trugarez ma ne uez quen.

 

661.Et surtout les femmes enceintes

qui sont particulièrement mes amies,

faites-en devant tout le monde

des mères joyeuses ;

que leurs enfants viennent à bien

pour recevoir la grâce du baptème.  

Par pitié, du moins, accordez-le moi.

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C'est surtout les fontaines dédièes à la Sainte qui reçoivent les dévotions de jeunes filles en mal de mari et qui viennent jeter dans le bassin des épingles ou des pièces de monnaie, au Faouët bien-sûr où cette pratique est célèbre, à Quistinic (56),à Trémorel (22), Plestin-les-Grèves, Noroy-le Baud, Pont-Point (Oise), Le Relecq-Kerhuon (29), Berrien (29), et Moustoir-Ac où la fontaine jumelle les statues de Sainte Barbe et de la Vierge.

   Enfin un auteur ancien signale qu'on trouvait dans plusieurs couvents surtout en Italie des fioles de "lait de Sainte Barbe".

 

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 Analyse de la versification :

  La grande partie de la littérature bretonne du XVIe siècle qui nous est parvenue découle de la tradition orale et est écrite en vers (à l'exception de la Vie de sainte Catherine et du Cathéchisme de 1576), et elle obéit à une technique de versification qui n'est pas attestée en français, et qui disparaîtra en 1650 : celle des rimes internes qui fait rimer la dernière syllabe du vers avec celle se trouvant généralement avant la césure. Il s'agirait très probablement d'une technique d'origine galloise introduite en Armorique avec l'émigration des Bretons au plus tard au VIe siècle,pour perdurer pendant 1000 ans ce qui ne peut s'expliquer sans écoles locales d'art poètique, hélas non retrouvées.

  Source : Gwennolé Le Menn, Bilinguisme et trilinguisme en Bretagne, Bull. Assoc. étude humanisme 1982, 15-1, pp. 30-37. link

 

  Émile Ernault avait déjà parfaitement analysé la versification du Mystère de Sainte Barbe, en la comparant à celle du Mystère de la Passion et de la Vie de Sainte Nonne ; il y a relevé des octosyllabes et des décasyllabes ainsi que des vers de 5 pieds, réunis en strophes de six vers. Il note le reprise de la rime du dernier vers d'une strophe au début de la strophe suivante. Il précise la régle des rimes internes en signalant que la finale des deux premiers vers d'une strophe (ou d'une demi-strophe) doit rimer avec l'avant-dernière syllabe du troisième : j'ai surligné cela en rouge.

J'ai donc tenté de retrouver ces rimes internes dans le texte que j'ai cité en premier :   

   .

199. Barba, ma merch net he derch ha guerch glan,

Denesset lem dirac ma dem breman,

Huy heu noman dreis pep hunan ganet

Ma holl esper singulier ha querhaff

Ham holl buhez noz dez seul maz vezaff

Ac e caraff muyhaff nen nachaff quet.

 

200. Rac se seder emeux sclaer prederet

Ober fournis flam dam guis diuizet

Un tour flour net doz miret hep quet sy

Enn haff affet secret ez vihet plen

Perguen eno na no guelo neb den

Bezet certen bizhuyquen nep heny

 

              SANTE BARBA

201. Ma tat quer, pebez pridiry

Na pe dre dezen eu dihuy

Na pez ouz eux huy studiet

Ma lacat gardis en prison,

Privet a gracc en pep faczon?

Re diraezon ez sarmonet.

.

.

 Bilinguisme en Bretagne au XV et XVIe siècle: il est singulier de constater qu' à la même époque où les habitants de Cornouaille et du Léon assistent à des Mystères en breton, lisent des missels et des catéchismes dans cette langue, dans laquelle ils écoutent les sermons et prédications, c'est en français qu'ils font graver les inscriptions votives et de construction sur les murs et sur les socles des statues de leurs sanctuaires.

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Rubrique culinaire : la Sliqua.

   Sainte Agathe avait ses Minni di vergine ou Seni di vergine, et ses Olivette di sant'Agata...

Sainte Gwen avait ses pupazza frascatana... Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec : sainte Gwen Trois-mamelles et ses fils

Sainte Lucie ses biscotti di Santa Lucia,

et Sainte Barbe a la Sliqua

  La Sainte-Barbe tombe le 4 décembre, tous les pompiers et artilleurs le savent. Pour les chrétiens orthodoxes, c'est le 17 décembre, et ce jour-là, en Géorgie, on sert la Lobiani, une pâtisserie à base de haricots. En Macédoine, on  nomme Sainte Barbe Varsava, et on désigne aussi de ce nom le plat de fête à base de céréales proche du koliva rituel qui est un symbole de résurrection.

Mais au Liban, la Sainte Barbe, Eid-il-Burbara est une fête particulièrement célébrée (fériée au Liban, en Palestine, en Syrie et en Jordanie)  ; c'est surtout la veille du 4 décembre que les enfants miment la fuite de Barbe hors de sa tour, en se déguisant et en allant quémander de quoi subsister, en l'occurrence plein de friandises. C'est aussi une fête des céréales ( argument supplémentaire pour relier ce culte à une fête de la fécondité, comme la fête romaine de Bona Dea les 3 et 4 décembre, réservée aux femmes, et consacrée à la fertilité féminine), et pour "faire barbara", les libanaises préparent une bouillie de blé, sucrée, parfumée à l'anis et garnie de graines de fruits secs, ou de graines de grenade (grand symbole de fécondité à nouveau) : voilà le plat que l'on nomme la Sliqua (photo infra).

  Le culte lié aux céréales, et qui veut aussi qu l'on plante alors toutes sortes de graines de lentille, de haricot ou de pois pour les voir germer pour Noël où elles décoreront la crèche, est lié à une version de la légende où c'est un champ de blé qui a dissimulé la jeune fugitive à son père en poussant magiquement, et non un simple menhir comme dans la version bretonne.

voir : http://www.traiteur-a-domicile.net/4-categorie-10158473.html

L'image de la Sliqua est empruntée à :http://www.christelleisflabbergasting.com/2010_12_01_archive.html

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Published by jean-yves cordier - dans Pleyben Chapelles bretonnes.
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:01

          Vierges allaitantes VII

Chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben.

           Chapel Itron Varia Lanneleg

                      Les vitraux

 

 

 

 

I. Les vitraux du XVIe siècle restaurés en 1992.

1. Sources : 

- Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, F. Gatouillat, Michel Herold, Presses Universitaires de Rennes 2005 pp 154-155.

 -  La maîtresse-vitre de la chapelle Notre-Dame de Lannelec en Pleyben, Guy Leclerc, Bull. Société Archeol. Finistère 2006 pp 281-290.

- Pleyben, une commune riche en vitraux, Jean-Pierre Le Bihan, overblog 2008, ici :link

- Pleyben in Églises et chapelles du Finistère, Chanoine Peyron, Bull. Société Archeol. Finistère, 1910 T 37 pp. 183-184,(2 lignes sur les vitraux...), ici :link

- la chapelle de Lannelec, Notice de Pleyben, Henri Pérennés,  Bull. Dioc. hist.  Archéol. Bdha 1938, pp. 246-247, ici : link

 

  L'article de Guy Leclerc, le plus récent, semble le document de référence aujourd'hui.

 

 

 

 

http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=59 : 1938

http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=60

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-16919163.html

http://famille-vittecoq.net/Kerguelen.htm

 

   Les vitraux de Lannelec ont été posés dès l'origine de l'édification de la chapelle, laquelle est  datée par une inscription de 1499. Ils sont donc datés de 1500. Plus tard, le réseau de la maîtresse-vitre fut modifié, ce qui entraîna une modification des panneaux. Ils étaient altèrés déjà au début du XXe siècle, et on lira la description qu'en donne Henri Pérennés en 1938 dans la Notice du Bulletin Diocésain ici :link . Ils furent déposés en 1963 pour être restaurés, les verrières étaient conservées par les Monuments Historiques, et le projet confié initialement (Selon Gatouillat et Herold) à Hubert de Sainte Marie sera réalisé par l'atelier de Jean-Pierre le Bihan, ce maître-verrier de Quimper au blog passionnant dont je ne cesse de rencontrer les réalisations depuis que je parcours le Finistère.

  Restaurés et posés en 1992, les panneaux anciens de la maîtresse-vitre sont associés à des créations de novo. Dans les autres baies, il ne subsiste en Baie 2 et 4 que quelques éléments anciens fragmentaires, et on admire les créations récentes de Le Bihan.

 

  1. Les armoiries et les données historiques.

   L'historien restera sur sa faim car les éléments conservés sont partiels et font l'objet de supputations. Le Corpus Vitrearum  décrit des fragments "où reviennent plusieurs fois les couleurs de la famille le Boutteville ou de Montafilant (?) d'argent à cinq fuseaux de gueules", mais signale que Abgrall, puis Couffon et Le Bars avaient reconnuent les armes de Kergoët parti du Dresnay, et enfin que l'on trouve aussi celle des Berrien.

  Les éléments à étudier sont :

  • Un fragment d'inscription en gothique en baie 0 sous la Vierge : Lan mil   guergelé ou guergele dont le e serait doté d'un tilde. On recherche donc un patronyme Guergelé ou Guergelen : Guy Leclerc a retrouvé un Jehan de Guerguelen dans les Archives du diocèse de Quimper, en 1536 lors d'un procès entre les paroissiens de Pleyben et le seigneur de La Boixière. Je trouve Dom Jehan Guerleguen cité parmi la liste des Vassaux ayant rendu l'hommage à l'évêque de Cornouaille du 11 mai 1562. Archives départementales du Finistère, 1 G 366/4. 1 pièce, papier, 12 folios, transcrit par Norbert Bernard, 2003, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 7 mars 2012,
    www.tudchentil.org/spip.php?article51.

vitraux-9245cc.jpg

  • le réseau de la maîtresse-vitre : il est composé outre deux écoinçons, de cinq soufflets.

DSCN2500ccc.jpg

  En supériorité se trouve à gauche un blason factice composé de bouche-trous et à droite les armes couronnées de Bretagne. En dessous, nous trouvons le blason couronné mi-parti de France et de Bretagne. 

  Ce sont les deux blasons de droite et de gauche qui peuvent donner une indication Ils sont tous les deux à parti.

1. A droite ce sont les armes des Kergoët en alliance avec celles du Dresnay :

a) famille de Kergoët : armoiries d'argent à cinq fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées de quatre roses de même.

b) famille du Dresnay : d'argent à la croix ancrée de sable accompagnée de trois coquilles de gueules

2. à gauche, un blason non identifié, parti d'argent aux fusées de gueules et au chef d'or, et

d'autre part d'argent fascé à deux jumelles de gueules. On suppose des modifications altérant le sens lors de restauration antérieures.

 

  • Baie 2 : ajour : blason présenté par deux anges ; ce sont les armoiries de la famille Berrien, d'argent à trois jumelles de gueules au franc-canton d'or chargé d'un loin de sable. Le Corpus signale l'emploi de verre gravé pour ce blason. L'ange de droite porte un phylactère avec l'inscription O DE BERYEN (Corpus, qui donne une date de 1500), alors que je lis bRIEN RL O DE.

 

vitraux 9272c

 

 

  Deux données iconographiques peuvent désormais être commentées, le blason Kergoët/Dresnay et le blason Berrien

La famille de Kergoët.

   Elle est originaire de Saint-Hernin et s'est divisée en une branche aînée, fondue dans Quellennec, Tronjoly en Gourin, et la branche du Guilly, village de Lothey. Ses armoiries déjà citées sont aussi, à Clohars-Fouesnant ou à Cleder, "emmanché d'argent et d'azur". La devise est En christen mad, me bev en Doue, "en bon chrétien, je vis en Dieu".

  Sauf erreur, la famille qui nous concerne serait issu de la branche du Guilly, Lothey étant une paroisse proche de Pleyben.

   Ils possédaient sur Pleyben la seigneurie de Keranclanff, attestée en 1426 lors de la Réformation de 1426  en même temps que six autres domaines nobles.. Il y est fait mention de Jean de Kergoët et son fils". La terre est nommée Keranclauff lors d'un aveu de 1666, puis on la trouve sous le nom de Kerlann, et c'est sous ce nom qu'apparaît sur la carte IGN(Kerlann) ou la carte de Cassini (Kerlan) le hameau situé à 800mètres à l'est de la chapelle de Lannelec. En 1751, d'après le rôle de contributions la seigneurie s'étendait sur 18 villages de Pleyben (les autres seigneuries de la paroisse sont majoritairement placées en son sud, vers la vallée de l'Aulne aux riches terres agricoles). On trouve aussi la graphie Keranch'lan, prononcée Ker an Klaon qui signifie "le village des malades" car il y aurait eu une léproserie fondée par les templiers (Maurice Cornec 2005)

  Entre 1513 et 1520, Jean de Kergoët intervient à plusieurs reprises dans un conflit qui oppose les paroissiens de Pleyben à leur recteur Hervé de Lezongar en raison de sa prétention à bénéficier des dons et offrandes reçus par la dite-paroisse. Nous verrons qu'il ne faisait que reprendre les exigences déjà condamnées par le pape en 1498, de son prédécesseur Rolland de Berrien. Hervé de Lezongar fut définitivement débouté par une bulle du 1519 de Léon X qui confirmait celle d'Alexandre VI.

   En 1530, Yves ou Yvon de Kergoët eut des démêles avec Derrien, seigneur de la Boissière en Pleyben : c'est l'Affaire de l'Escabeau de Pleyben*.

 Yves de Kergoët épousa Catherine du Dresnay, ce qui explique le blason en alliance de ces deux familles.

On remarque que les deux familles, et donc les deux armoiries, sont associèes aussi en la chapelle de Saint-Sébastien en Saint-Ségal, à quelques 15 km à l'ouest de Lannelec (Renè-François de Kergoët marié le 26-10-1688 à Marie du Dresnay)

La fille et héritière d'Yves de Kergoët épousa le 10 octobre 1553 Jean du Bouëtiez de Kerorguen, famille dont le berceau était près d'Hénnebont et qui portaient d'azur à deux fasces d'argent accompagnées de six besants d'or. C'est ce Jean du Bouëtiez qui se conduisit pendant les guerres de la Ligue comme un second La Fontenelle en pillant et occupant le château de Guengat tant et si bien que le Duc de Merceur lui trancha la tête.

* L'affaire de l'Escabeau : Dans le choeur de l'église de Pleyben se trouvaient deux tombes ; Derrien, seigneur de Boissière prétendit qu'elles lui appartenait et décida d'y construire un escabeau et un accoudoir pour lui et sa femme afin d'ouïr l'office divin. Les paroissiens et les seigneurs de Tréviguidy et de Kergoët estimaient cette prétention contraire au droit et aux us et coutumes, et intentèrent une action en justice auprès de l'Officialité de Quimper; Derrien en appelle au roi qui le maintient dans ses prétendus droits en attendant la décision de Quimper. Mais les esprits échauffés n'attendirent pas le jugement pour échanger fortes paroles et même se livrer à des voies de fait, tel ce dimanche de 1530 où, lors de la grand-messe, (Derrien voulant sans-doute ouïr l'office en son escabeau), les gens du sieur de la Boissière et ceux du sieur de Kergoët en vinrent aux mains, sortir leurs armes si bien que Yvon de Kergöet "subit une mutilation en ses membres au cours de la mélée qui de l'église passa au cimetière contigu. Le sang coula dans l'église et le cimetière qui se trouvérent du coup profanés et exécrés. Il fallut procéder le 6 juin 1531 à la réconciliation de l'église et du cimetière et à  la reconcécration des six autels, en présence de Mgr Jehan du Largiez, évêque d'Avernes en Thrace et coadjudicateur de l'évêque de Cornouaille. Derrien fut sommé d'ôter son escabeau en vertu de la régle qui n'autorise pas la présence d'un femme dans le choeur. On lui accorde la propriété des tombes sous condition qu'il n'y place ni marque ni armoirie, mais ses gens se rendent nuitamment placer ses armoiries. Dès le lendemain elles sont martelées, détruites à la masse et jetées au cimetière. Le procès reprit, et dura jusqu'en 1579 ! Un arrété du Parlement de Bretagne condamne Derrien à démonter son escabeau, et à le placer si cela lui chante en un bout de la chapelle Saint-Sébastien.

 

La famille de Berrien.

blasonC'est armoiries sont actuellement celles de la commune de Berrien (29).

Rolland de Berrien était vicaire perpétuel de Pleyben de 1492 à 1498. Il est le commanditaire d'un vitrail de l'église de Brennilis qui dépendait alors de la paroisse de Loqueffret; la constuction de cette chapelle a débuté en 1485 .

  Cette inscription reculerait de quelques années la datation des vitraux qui pourraient être du XVe siècle et dater de 1498.

  Rolland de Berryen ou de Beryen entra en conflit avec les fabriciens de Pleyben car il estimait que les offrandes, dons et legs faits à l'église rentraient dans ses revenus. Un accord fut trouvé avec les paroissiens, accord confirmé pour 25 ans par une bulle papale d'Alexandre VI le 15 août 1519. C'est sous son rectorat que la chapelle de Lannelec fut construite.

 

  On trouve aussi le blason des Berrien sur les sablières de l'église de Plonévez-du-Faou, et sur le vitrail de la Passion de 1556 dans la chapelle de Saint-Herbot.

  Selon Yves Pascal Castel cité par J.P. Le Bihan, l'inscription RE O DE est la devise en breton "ils en ont  trop eu (donnez leur).

 

 

  2. La Baie 0 ou maîtresse-vitre.

   Elle est formée de quatre lancettes A à D en ogive de cinq panneaux, dont les vitres anciennes (XV-XVIe) seront décrits de gauche à droite.

 

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La lancette A : 

   La Vierge en compassion se recueille devant la Croix : inscrite dans une niche gothique, se détachant sur un fond rouge, elle est vêtue d'un manteau blanc bordé d'un galon d'or à motifs ronds, d'une robe bleu qui laisse apparaître les chaussures rouges. Le manteau sert de voile qui dissimule les cheveux.

  Le sol, jaunâtre, est encombré de cailloux : Marie se trouve sur le Golgotha.

 

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  Nous retrouvons l'inscription L an mil..guergele(n), sans-doute Jehan de Guergelen, probable chanoine et peut-être chapelain attitré des seigneurs de Kergoët : le commanditaire du vitrail.

  Une vierge à l'enfant moderne reprend l'encadrement et le fond. La Vierge, couronnée, est habillée de son manteau bleu traditionnel.

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 Lancette B : Crucifixion et Pieta :

 Sous la même architecture gothique, le Christ crucifié est bouleversant : tout détail, toute mise en scène ont disparu au profit d'une vision mystique du Corps Eucharistique , de l'illustration du texte évangélique (Matthieu 26, 26-28) : "Prenez, mangez, Ceci est mon corps". Corps supplicié par la couronne d'épine, corps écartelé par la Croix, corps affligé, épuisé, donné, livré. Corps dans la brutalité livide de la mort, sans l'éxagération du rétable d'Issenheim.

  La tradition des Passions des vitraux du Finistère au XV-XVIe siècle rompt avec tout réalisme en utilisant des ciels rouges : la croix se détache sur un pur symbole, celui de la souffrance, du sacrifice et du sang versé

 

 


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  Le vitrail mérite un examen rapproché : Le sang versé, voilà le sujet véritable, et ce Précieux sang jaillit des plaies en ruisseau généreux, donné à pleine main et recueilli par trois anges dans de grands calices : "Il prit ensuite une coupe, et après avoir rendit grâce, il leur donna en disant :

                    Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui est répandu pour beaucoup pour le pardon des péchés".

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 Guy Leclerc signale que le thème des anges et du Précieux Sang trouve son origine dans une estampe que j'avais admirée et photographiée au Musée Unterlinden de Colmar, réalisée entre 1475 et 1480 par Martin Schongauer, la Crucifixion aux quatre anges, et dans l'oeuvre de Van der Weyden.

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On le retrouve ensuite dans toute l'Europe et notamment sur les calvaires de Bretagne, notamment sur celui de Lannelec :

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  Néanmoins, le vitrail apporte une vigueur supplémentaire par l'emploi de la sanguine qui accentue la métaphore entre la couleur rougeâtre et le sang, d'autant plus que ce pigment est utilisé aussi pour les teintes de la chair, des plaies sanguinolentes, de la rousseur des cheveux ou de la barbe : tout le corps du Christ, rosé par la sanguine, s'écoule dans les calices pour être donné.

Un troisième ange recueille le sang qui s'écoule des pieds du Christ :

 

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  Dans d'autres représentations, le sang s'écoule le long de la Croix et pénètre dans le sol où est enfoncée la poutre pour atteindre Adam, le Golgotha ou champ du crâne étant alors considéré comme l'endroit où Adam a été enterré: c'est alors le rachat de la faute originelle qui est illustrée, et l'avènement du Nouvel Adam (Paul 1, Co 45)

 

  La Pietà 

  Le thème de la Mater dolorosa est développé entre 1350 et 1500, très lié avec les épidémies de peste, les famines et les guerres qui dévastent l'Europe. Il accompagne le développement des Stabat Mater de Josquin des Prés, Palestrina, Roland de Lassus, qui dépeignent les souffrances de marie au pied de la Croix..

  L'économie de la mise en plomb, résultat du travail de restauration, souligne particulièrement par ses courbes le dessin.

  Jean-Pierre Le Bihan a remarqué que le même carton a servi pour la Pietà du vitrail de Clohars-Fouesnant ; mais ce dernier, qui a été estimé dater de 1525 par Roger Barrié qui se fonde sur les armoiries, se place sous un dais Renaissance plus tardif que la niche gothique de Lannelec : cela confirme que le vitrail de Lannelec date du tout début du XVIe siècle. A cette date, Hervé de Lezongar est à la fois recteur de Pleyben et de Clohars-Fouesnant, ce qui rend logique la circulation des cartons ou des artistes entre les deux chantiers.

 

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Lancette D : sainte Barbe.

 

  Elle est vêtue d'un manteau blanc galonné d'or semblable à celui de la Vierge, mais qui ne dissimule pas la longue chevelure blonde non retenue dans laquelle je vois un symbole de fécondité lactogène. Un simple rang de perle lui sert de bandeau. Comme ces hommes de plume ou ces femmes d'État qui posent assis  à leur table de travail devant le photographe elle feint de consulter un ouvrage savant, oeuvres complètes de Tatien le Syrien ou florilège de Méliton de Sardes pour disputer d'un point de patristique, ou de patrologie. Derrière elle, la tour martelle de ses triples ouvertures le slogan trinitaire. Rien ici ne contrarie les dogmes, et on s'étonne qu'elle s'autorise un leger déhanché qui risquerait d'être lascif. La tour prend garde à sa rectitude.

  La robe pêche par élégance, par outrance de manches qui abusent de leur béance bleue. Col droit, certes, mais aussitôt contredit par  la ceinture bleue trop peu serrèe.

  Secrètement, elle regarde sur un calendrier combien de jour la sépare du 14 février.

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     La palme du martyr, la tour plus trigéminée qu'une névralgie, le Codex rendraient une inscription superflue mais l'artiste  a néanmoins écrit dans le marbre l'invocation que nos lèvres déjà murmuraient, sancta barbara ora pro nobis. Nous savons depuis le dernier article  Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe. qu'elle est surtout là pour aider les mères à avoir des enfants, à les allaiter, à les soigner et à les supporter. Elle est très invoquée.

 

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II. Les vitraux créés par J.P. Le Bihan.

Les vitraux, créés ou restaurés en 1992 par J P Le Bihan de Quimper :les nouveaux vitraux représentent : au nord saint Guénolé fondateur de l’abbaye de Landévennec et saint Corentin premier évêque de Cornouaille dont relevèrent les terres de Lannélec, l’adoration des bergers et des mages ; au sud, la dormition (mort) de la Vierge et son couronnement puis saint André et saint Matthieu.

 

I. Maîtresse-vitre : Saint-Christophe

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  Baie au nord : saint Corentin et saint Guénolé.

   L'un est le premier évêque de Cornouaille et l'autre premier abbé de l'abbaye de Landevennec, dont Lannelec aurait été une propriété. St Corentin est représenté bien-sûr tenant le poisson que Dieu lui procurait chaque matin dans le bassin que le saint avait creusé près de son ermitage, et qui est représenté ici.

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L'Adoration des Mages et des bergers.

  Dans le soufflet, les deux anges tiennent le blason de la Bretagne avec un phylactère mentionnant RESTAURATION L'AN MCMXCII.  (1992).

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Au sud : Dormition et Couronnement de la Vierge : 

  C'est un rappel du retable du Maître-autel. A droite, la Sainte Trinité est réunie autour des deux lettres α et Ω, qui annoncent la citation de l'Apocalypse je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin.

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  Les deux apôtres Matthieu et André :

 

 Les statues respectives de Matthieu et André se trouvent dans la chapelle et chacune est datée de la même date de 1661 : Matthieu est représenté avec la balance qui rappelle qu'il était collecteur d'impôt et qu'il devait peser l'or.

  André est représenté dans sa barque en train de remonter son filet. Mc 1, 16-18 raconte que Jésus longeait la mer de Galilée (qui n'est autre que le lac de Tibériade)  lorsqu'il vit deux pêcheurs en train de jeter leur filet dans le lac "car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : Suivez-moi, je vous ferez pêcheurs d'hommes" (s'il les avait vu en train de chasser, il aurait dit  "chasseurs de tête"): c'était Simon (le futur Saint Pierre) et son frère André (le futur Saint André). La scène se passait donc au nord du lac, car les deux fils de Jonas sont natifs de Bethsaïde, et Pierre habite avec sa femme à Capharnaüm.  

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      Le soufflet représente Sainte Véronique présentant la Vera Icona à laquelle elle doit son nom et où s'est imprimé le visage du Christ après qu'elle l'ait essuyé lorsqu'il gravissait les pentes du Golgotha. C'est la patronne des photographes, et l'utilisation de la sanguine sur le vitrail évoque les vieux clichés sepia. C'est un des fragments conservés du XVIe siècle.

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Marie de Miséricorde : 

  On se souvient que c'est le nom qui figure sur le galon de la robe de la statue de Notre-Dame de Lannelec, la Vierge qui donne le sein à son petit enfant gauche de l'autel : Notre-Dame de Miséricorde. Le terme issu du latin misereri, "avoir pitié" et cor, "coeur", peut faire penser à ,la bonté divine qui accorde généreusement son pardon : la Clémence d'Auguste, en quelque sorte, un grand coeur qui ne retient pas à charge la faute commise. 

   Mais ce vitrail illustre ce sentiment marial de Miséricorde d'une tout autre façon en le plaçant hors de toute référence à la faute et à la culpabilité : et la bonhomie légèrement naïve du trait de Jean-Pierre Le Bihan fait ici merveille pour rendre l'atmosphère de gentillesse familiale que suscite le regard maternel de la Vierge :

 

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        Vêtir ceux qui sont nus. Visiter les malades. Abreuver ceux qui ont soif. Nourrir les affamés. Rencontrer les prisonniers. Loger les sans-abris.

  Il s'agit là d'une illustration du texte évangélique de Matthieu 25, 33-46 :

  Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car, j'avais faim, et vous m'avez donné à manger, j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !"

   Alors les justes lui répondront : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? Tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t'avons habillé ? Tu étais malade ou en prison... quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?"

   Et le Roi leur répondra : Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait".

  Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : "Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé ; j'étais en prison, et vous ne m'avez pas visité."

  Alors ils répondront, eux aussi : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?

  Il leur répondra : Amen, je vous le dit : chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait."

 

 

 

L' Arbre de Vie :

  Sous un Christ en croix qui affirme Je suis l'alpha et l'oméga, l'arbre de Vie dresse ses douze rameaux. C'est l'arbre de Vie de Genèse 2, 9, celui d'Ezechiel 47, 6-12, mais surtout ici celui de l'Apocalypse

 Puis nous lisons : De part et d'autre du fleuve de Vie il y a des arbres de vie.

                                    Heureux ceux qui lavent leur robes

                                     ils pourront disposer de l'arbre de vie

                                      et pénétrer dans la Cité par les portes. 

  Sept portes sont représentées.

  La référence d'Ezechiel qui n'est pas mentionnée dans le vitrail,  est la suivante : 

Ezé 47, 12 Sur le torrent, sur ses bords de chaque côté, croîtront touts sortes d'arbres fruitiers. Leur feuillage ne se flétrira point, et leurs fruits n'auront point de fin, ils mûriront tous les mois, parce que les eaux sortiront du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture, et leurs feuilles de remède.

 

 Par contre, la référence de l'Apocalypse est indiquée devant les deux personnages "Apocalypse 22-29 et 12-16" (sic) 

  Je trouve plutôt les références suivante pour l'Apocalypse 7, 14 ;  22,2 et 22, 12-16 :

 

Apocalypse 7, 14 : Et je lui dis : Mon seigneur, tu le sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ; et ils ont lavés leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau.

Apocalypse, 22,1- 2 , description de la nouvelle Jérusalem : Et il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'Agneau. 2 Au milieu de la place de la ville et  sur les bords du fleuve sont des arbres de vie, qui produisent douze récoltes, rendant leur fruit chaque mois, et les feuilles des arbres sont pour la guérison des nations.

 

Apocalypse, 22, 12-16 : derniers versets de l'apocalypse : Voici, je viens bientôt, mon salaire est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre. 13 Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. 14 Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin qu'ils aient droit à l'arbre de vie ; et qu'ils entrent par les portes de la cité ! 15 Dehors les chiens, et les enchanteurs, et les fornicateurs, et les meurtiers, et les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge ! 16 Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange vous attester ces choses pour les Églises. Je suis la racine et la race de David, l'Étoile brillante du matin.

 

vitraux 9269c

 Dans le coin inférieur gauche se trouve la très discrète et humble signature du maître-verrier de Quimper, Jean-Pierre Le Bihan.

  C'est ce vitrail qui est repris sur la bannière de pardon de la chapelle, décrite ici : Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

 

  Conclusion : Essai sur le Don.

     Je termine ma visite de Lannelec que j'avais débuter en admirant la Vierge allaitante. Sans-doute influencé par les derniers vitraux, je vois soudain de dégager une grande cohérence iconographique centrée sur le Don : don de la vie et don du lait à l'enfant, don du sang par le Christ, don de soi évoqué par le vitrail de Marie de Miséricorde, don du fleuve de vie et de l'arbre de vie, grande gratuité du flux de vie qui pulse, croît, s'écoule, qui prospère et nourrit, grande chaîne de générosité passant par tous les symboles du sein qui allaite, de la plaie du sacrifié  dont le sang emplit les calices, de l'arbre sur la bannière, de l'arbre au coeur de la Nouvelle Jérusalem du vitrail, du fleuve nourricier où les robes sont lavées, don du pain, du sourire, du soin ou de la présence sur le vitrail de miséricorde...

Image très forte du sein maternel.

Image sensuelle et généreuse des chevelures-fleuves de Marie et de Barbe.

Image bouleversante du fleuve de sang jaillissant des mains du Christ.

 

  Toutes ces statues, ces bas-reliefs, ces étoffes, ces verrières outrepassent soudain leur valeur d'oeuvres d'art et retrouvent la haute valeur spirituelle qui les animent : témoigner de l'extraordinaire beauté du don de la Vie et du don de soi ; de la tendre et profuse largesse de la générosité.

  Je n'ai plus qu'à confier mes photographies et mon texte à mon blog.

Totalement gratuit.

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 05:59

VIERGES ALLAITANTES VIII.

 Dans l'ossuaire de Pleyben, une statue jadis enterrée.

 

              ossuaire-vierge-allaitante 5989c

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    Je découvre l'information  dans l'article Wikipédia consacré à l'enclos paroissial de Pleyben : cette statue de  vierge allaitante du troisième quart du XVIe siècle a été trouvée lors de travaux à proximité de l'église: cette vierge couronnée, sein nu, aurait pu avoir été enterrée " à cause d'un aspect jugé trop réaliste à l'époque". 

  Cette statue présente deux détails qui me retiennent :

1) l'enfant tient dans la main un objet rond, ressemblant à un jeton. L'artiste a-t-il voulu représenter une goutte de lait ?

2). Les cheveux sont retenus par le fameux bandeau postèrieur qui est propre aux autres Vierges allaitantes de Cornouaille, qui sont plutôt du dernier quart du XVIe siècle. Ce détail intègre cette statue au groupe constitué par toutes ces Virgo Lactans. Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes. Mais c'est, avec celle de Saint-Venec, la seule à être couronnée.

  J'ajoute un commentaire : elle m'évoque par sa facture et ses traits plus grossiers que les autres, la Mamm al Leiz de la fontaine de Tréguron à Gouezec : Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges. Proviendrait-elle d'une fontaine ?

 

2. Source complémentaire.

   Ma recherche bibliographique me conduit à l'article suivant :

Christiane Prigent, Découverte d'une Vierge à l'Enfant, Bulletin Société Archéologique du Finistère 1989 pp. 209-212.

  J'y apprends que la statue a été retrouvée sous le mur de soutènement de la grille ouest située derrière l'église. Elle mesure H : 1,08m, L : 0,45m, E : 0,24m.

L'auteure envisage ensuite le thème de la statue enterrée en donnant les exemples de deux statues découvertes au pied de la chapelle Saint-Albin à Plogonnec, de trois statues en bois du XVIe siècle retrouvées au cimetière de Quéménéven, de statues de l'ossuaire de Landivisiau retrouvées dans un coin de l'ancien cimetière, ou de celles qu'un fossoyeur a découvert à Plonévez-Lochrist. Elle rappelle que les évêques de Quimper avaient relayé les consignes du Concile de Trente et elle cite Mgr François-Hyacinthe de Ploeuc stipulant dans ses statuts synodaux " Nous voulons que les images et peintures qui ont quelque chose de mutilé, de profane et d'indécent ; qui représentent des histoires contraires à la vérité de l'Écriture, ou des traditions écclésaistiques, en soient ôtées prudemment et sans scandale, et cachées sous terre en quelconque endroit du cimetiere".

   Elle rappelle également les mesures qui tentent de dissimuler aux fidèles les seins des vierges qui auraient échappées au diktat d'enterrement, ou aux mutilations comme à La Martyre (tympan du porche). J'en avais donné quelques exemples, j'en découvre d'autres :

  - La Vierge à l'Enfant du XIVe siècle link de l'église N.D de Lorette à Lanriec, près de Concarneau, présentait ainsi à l'origine son sein nu à l'enfant qui y posait la main. Mais au XVIIIe, on cru bon de recouvrir la glande mammaire "d'un corsage dait de feuillets froissés provenant d'un office à Notre-Dame" (topic-topos). Christiane Prigent constate pour sa part que "l'enfant glisse la main droite sous la pièce de bois rajoutée pour dissimuler la nudité du buste".

  - "A Sainte-Marine en Combrit, un plastron amovible en bois couvre actuellement l'échancrure de la robe, qui laissait les seins nus de la Vierge". (C.Prigent, op.cité)

 

  L'oeuvre d'un atelier de sculpture de Pleyben ? Deux pôles succesifs de production des Vierges allaitantes ?

  En 1989, Christiane Prigent décrit la statue ainsi : "On notera la turbulence de l'Enfant, inspiré des modèles nordiques. Il se rejette en arrière, bras écartés ; de sa main droite, il tient une boule, symbole de sa royauté sur le monde. Le vêtement de la Vierge composé d'une robe relevée en un volant sur un jupon, le style particulier de sa coiffure _sorte de nattes enserrées par une bande de tissu_, autorisent des comparaisons avec la statue de Notre-Dame de Gars-Varia, en Pleyben. De même que les statues de sainte Barbe, datée de 1578, et de la Vierge à l'Enfant à la chapelle de Lannelec, cette sculpture serait une production d'un atelier de sculpture sur granite, oeuvrant à Pleyben dans le dernier quart du XVIe siècle".

   En note de bas de page, l'auteure se réfère à sa thèse de 3e cycle Les statues des Vierges à l'enfant des XVe et XVIe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille, Rennes, 1982 pour proposer l'hypothèse d'un premier atelier de production statuaire à Locronan responsable des Vierges de Bonne-Nouvelle à Locronan, Cast [quillidoaré], Kerlaz, qui sont les Vierges allaitantes de ma série, puis l'installation à Pleyben une quinzaine d'années plus tard d'un second atelier qui utilise alors les modèles sortis du premier centre.

  L'article se termine de manière moins convaincante pour moi : "La Vierge, d'une raideur archaïsante, paraît lourde : les mouvements du corps sont dissimulés sous les épaisses draperies, traitées en un système de gros plis simplifiés. La tête massive, d'un modelé rude, montre un visage aplati. Cette sculpture médiocre, manifestement bâtarde d'un art conventionnel, commandée probablement par les couches sociales les moins favorisées à un artisan dépourvu de culture artistique comme d'habileté manuelle, n'offre aucun interêt stylistique ; mais elle permet de saisir les niveaux forts différents de l'artisanat en Cornouaille, et au sein d'un même atelier."

  Enfin C. Prigent conclue en rejoignant un peu mon hypothèse d'une statue de fontaine : " Reste à déterminer la situation initiale de la statue dans l'édifice. Le revers plat, l'usure du granite permettent de supposer qu'elle venait se loger dans une niche extérieure, sous un baldaquin. Amoins qu'elle ne provienne d'un autre édifice ou d'un calvaire détruit ?" 



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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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