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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 22:02

                                             Église de Guiscriff (Morbihan) :

        un lutrin porté par un paysan en costume breton.

 

   C'était le soir de Noël, lors de ma visite à l'exposition de crèches organisée à l'église St Pierre et St Paul de Guiscriff  : un homme grand et accueillant, sans-doute le recteur, que je voyais s'affairer à donner à chacun des précisions sur les santons, voyant que je photographiais son lutrin à double plateau, me déclara : "Vous savez, il ne reste que deux lutrins anthropomorphes comme celui-là en Bretagne, et l'autre, qui est polychrome, se trouve à Bulat. Vous pouvez le dégager des branches de sapin qui le cache, vous allez voir : il est entouré de deux démons qu'il écrase. L'un tient une bouteille, il représente l'ivrognerie ; et à gauche, l'autre diable tient un biniou, pour faire danser les filles."

  Me voilà qui étreint ce diable de lutrin qui pesait un poids de voleur, en train de le faire riper à droite, riper à gauche, et sans patin, de rattraper l'énorme bouquin qu'il soutient, et de constater que Monsieur le curé disait vrai (ce dont je n'avais jamais douté) :

donc, voici le "lutrin anthropomorphe"  avant ma lutte contre le lutrin. On ne voit, au pied, à droite, qu'un des deux lutins, l'ivrogne, et l'autre, le lutin qui lutine au pied du lutrin, est dans le sapin.

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Il n'en mène pas large, l'enfant de Bacchus sous les fesses d'un Titan ; le faune ébrieux aux oreilles pointues, l'aegypan qui picole, le téteur de fiole : au pied Médor, et bas les cornes !

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  De l'autre coté du lutrin que je n'ai pas dérangé en vain, voilà le lutin turlupin au pif zinzolin, le joueur de tsoin-tsoin tout aussi velu et  cornu que son voisin, l'oreille pointue et le sourire assasin. Mais ce n'est pas un faune, mais un vieux satyre libidineux et retors, un fieffé chafouin, un gredin caprin aux moeurs de carabin,  le fils du Mâlin  à la cornemuse infernale.

 Mais le diablotin est bien incapable de jouer de son vilebrequin à danser, son engin à six trous car dès qu'il y tâte, de son crin-crin, l'atlante armoricain resserre sa prise comme un serre-joint et lui cloue le bec. 

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 Maintenant que ces babouins sont écrasés par le brodequin et peu enclins à chahuter, enfin, intéressons-nous à l'Atlas porte-atlas accroupi sur sa base octogonale : la sculpture en ronde-bosse date du XIXème siècle, on ne peut être plus précis sur la datation et on ne parvient pas, m'explique le chapelain, à dire exactement à quel pays, à quelle guise son costume appartient.

  C'est un paysan, tête nue bien-entendu puisque son chapeau rond n'aurait pas apprécié le pieux fardeau qu'il s'agit de porter, les cheveux longs , vêtu d'une veste courte et  ouverte. Je l'imagine de drap bleu, enrichie de fil de soie jaune, mais qui sait? Ses bords sont garnis d'un galon de raies horizontales, qui suit l'ensemble des contours, se repliant en chicane pour suivre le décroché du pan droit, mais courant vers le haut autour du col, et vers le bas jusqu'au dos de la veste. Les manches sont fendues et dotées d'un bouton.

   Le gilet est fermé, sur la droite, par une enfilade de boutons (j'en compte neuf visibles) en face d'autant de boutons du coté gauche. Aucune passementerie n'est visible.

  Sous ce gilet, une chemise monte très haut en col montant fermé par devant par cinq petits boutons. Je ne trouve pas ce type de chemise dans le livre de Creston, mais elle se rapproche de la chemise de paysan en chanvre ou lin de la figure 137. 

  Plus bas, nous trouvons la large ceinture de cuir ou gouriz, fermée par une boucle, puis le bragou bras, et les guêtres boutonnées à l'extérieur. Tout cela ressemble assez bien au Saint Isidore dont  j'ai décrit la statue dans l'église d'Élliant : Costumes bretons d'Elliant : vitrail et statues.  

 

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        J'en étais là de mon inspection de notre cariatide mâle lorsque je fus tiré par la manche par une curieuse femme qui, auparavant, aidait le curé en tenant un stand où elle proposait des lectures pieuses consacrées à la Nativité, aux crèches et aux arbres de Jessé, et des numéros spéciaux du Pèlerin. J'avais évité de m'en approcher, non vraiment en raison de ses traits  fripés , du bonnet de laine qui l'a coiffait jusqu'au dessus des yeux, et de la tronche de rustre basse-bretonne qu'elle affectait de prendre pour entretenir l'impression que j'étais tombé dans un conte de Noël des temps anciens, mais justement parce que je redoutais de trouver exposée la preuve même d'un retour dans les années 1950-70 : les albums Fleurette, Sylvain et Sylvette, l'hebdomadaire Bayard ou la revue Record, Je veux être prêtre, la Vie du Curé d'Ars, parmi les exemplaires de Notre Temps ou de Prions en Église.

  Elle me montra la paire de godillots du manant à genoux et elle me dit : "regardez les chaussures cloutées : avec des modèles comme ça, la sculpture ne peut pas être très ancienne". Ses yeux pétillaient, elle m'avait bien eu avec sa comédie de bonne du curé!

  Et c'est vrai que la statue ne portait pas de sabots, mais des bonnes grosses chaussures lacées ferrées à clous.

lutrin 7823cc

 

 

Le recteur, nous voyant plongés dans cette contemplation, prit à son tour la parole : Savez-vous ce qu'ils ont découvert lorsqu'ils l'ont restaurée ? Un Saint Sacrement gravé dans le dos de sa veste ! "

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  Je n'en avais jamais vu, mais j'avais lu quelque chose à ce sujet dans Creston, et , revenu chez moi, je retrouvais la page 87 de Le Costume Breton :

  " Il y a à peine cinquante ans, [ 1905, si l'article Cornouaille est paru en 1954] la mode de Rosporden se signalait par un motif  ornemental qu'elle semble bien avoir été la seule à employer, et dont l'origine paraît venir directement des ornements décorant armoires et lits clos : le Saint Sacrement et son dérivé le bouquet de fleur, le premier étant le plus ancien (fig. 48 et 49). Ces motifs, comme sur une chasuble, étaient brodés dans le dos du chupenn."

  Dés-lors, il serait possible de dater ce costume de la fin du XIXème ou du début du XXème siècle ( 1890-1910), et de le localiser comme un costume "du groupe de Rosporden", groupe auquel appartient Guiscriff.  En un mot, ce serait le costume d'un paysan de Guiscriff des années 1900.

 

N.B. Cette histoire de Noël est banale mais authentique, et j'en remercie chaleureusement les acteurs, en espérant qu'ils ne m'en voudront pas de les avoir enrôler dans cet article de mon blog.

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Published by jean-yves cordier
25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 21:45

                  Exposition de crèches de Noël

           à l'église St Pierre et St Paul de Guiscriff.

 

I. La crèche principale :

 

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II. Les personnages quêteurs :

   On les trouvait jadis à coté de toutes les crèches, hochant la tête en remerciement lorsqu'on leur donnait une pièce de monnaie, à la grande joie des enfants. C'était le plus souvent des anges, mais cette exposition à aussi rassemblé un paroissien en costume breton, et un prêtre :

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  III. D'autres crèches : 

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           Toutes les photographies sont la propriété de Lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier
24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 00:30

            Une crèche de Noël de 1853

               en costumes bas-bretons

            à Port-Launay (Finistère).

 

     Songez qu'ici le costume diffère entièrement d'une paroisse à l'autre : coiffes et bonnets de tous modèles, fraises et collerettes plissées, tuyautées, godronnées, jupes lourdes et massives  bombant à la taille sur un coussinet d'étoupe, justins à fleurs rouges, violets, orange, galonnés de fin or aux emmanchures et aux parements, et les gilets, les surgilets, les soubrevestes, les chapeaux à guenilles, les bragoubraz, les saints sacrements brodés dans le dos, les boutons armoriés, les guêtres de drap jaune, les ceintures de cuir blanc, les souliers à boucle, les cheveux en cadenette et les penn baz en coeur de chêne ! Telle de ces fermières d'Audierne ou  de Ploudergat, dont on a pu dire qu'elle portait toute sa fortune sur le dos, a l'air d'une idole orientale sous la chasublerie qui l'écrase. [...]Les femmes des Glazic de Briec et du versant sud       des    Montagnes-Noires, fidèles à la nuance d'où est venu leur surnom, empèsent leur coiffe de bleu de ciel et les constellent d'autant de petits miroirs qu'elles ont de centaines de livres de  rente. A Ploaré, la coiffe recouvre une mitre en carton (bourleden) dont la pointe  s'ébouriffe en panache. A Fouesnant, elle simule un immense papillon.          

                                                Charles le Goffic, L'âme bretonne 1902-1922.

 


  Le premier janvier 1842, le canal de Nantes à Brest ouvre les 360 km de navigation : dès lors, le port situé sur l'estuaire de l'Aulne (premiers quais en 1803) voit son activité exploser, et la tout jeune commune de Port-Launay, crée au détriment de Chateaulin et de Saint-Ségal (dont les finances vont péricliter) devient le deuxième port du Finistère, et enregistre encore en 1874 (où le déclin de la production ardoisière est déjà amorcé) 474 entrées de navires ! En comparaison, Brest en 1856 totalisait 542 navires. Le trafic a vu se succéder les vivres et la pierre (kersantite et microdiorite), l'ardoise, le sable, les amendements calcaires dont le maërl.

 

   Qui dit nouvelle commune dit nouvelle paroisse, la population doublant de 1841 à 1866 où elle atteint 1329 habitants et la paroisse est érigée le 14 août 1847, l'ancienne chapelle Saint-Nicolas faisant place à l'église Saint-Nicolas construite en 1855.

  Qui dit nouvelle paroisse dit installation d'une crèche pour Noël, les paroissiens sont unanimes mais voilà voilà, le Conseil de fabrique est formel,des sous il n'y en a pas, et surtout, pas question d'avoir une crèche moins belle que celle de Chateaulin, moins riche que celle de Saint-Ségal, alors c'est Monsieur le recteur, Olivier Salaun qui a eu la bonne idée : une crèche en costume traditionnel ! 

  Sacré bonhomme, le recteur, forte personnalité, si bien que Monseigneur René-Nicolas Sergent, évêque de Quimper et de Léon (dont on voit le tombeau dans la cathédrale de Quimper) refusa de baptiser son église par suite de "difficultés avec le recteur". En guise de compensation, il offrit à la paroisse sa croix pectorale en 1873...

  Donc, chaque grande famille de Port-Launay est mise à contribution, réunit ses économies (60 francs-or, un mois de salaire d'un ouvrier en province) et fait réaliser " une poupée de mode" au corps de sciure ou de son tassé dans une gaine de toile ou de peau d'agneau et à la tête de carton bouilli  ou de biscuit, poupée qu'elle fait habiller par les meilleurs tailleurs, tant et si bien que voici bientôt rassemblée une collection d'une trentaine (actuellement 24) de personnages, et la Sainte Famille, et l'ange qu'un bagnard aurait taillé dans un morceau de bois.

   Finalement, la crèche est terminée en 1853, alors que l'église est toujours en construction, et c'est d'abord la chapelle Saint-Nicolas qui l'accueille.

   La précieuse crèche est entourée de soins, réparée par chaque générations, elle est classée aux Monuments Historiques en 2000 et restaurée aux ateliers de kerguehennec en 2008.

  Chaque année, elle est installée et proposée à l'admiration des visiteurs et fidèles par l'Association: voici la crèche 2011, comme j'ai pu la découvrir:

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   Les costumes bretons se répartissent en 66 modes, ou "guises". Dans chaque mode, on distingue la tenue de travail de tous les jours, la tenue du dimanche, le tenue de cérémonie pour les fêtes, et la tenue de deuil : bien-sûr, les donateurs ont choisi pour leur poupée les tenues de fête.  

  L'auteur de référence pour l'étude des costumes bretons est René-Yves Creston, notamment par Le Costume Breton publié chez Tchou en 1974. Mais cet ouvrage décrit les costumes du XXème siècle, et les pages consacrées à la région de Chateaulin sont au nombre de huit (130-137). De même, les 136 planches que l'on doit au peintre Victor Lhuer ont été relevées entre 1937 et 1940. Seul Hippolyte Lalaisse a peint les costumes bretons vers l'époque où cette crèche a été exécuté dans Galerie Armoricaine. Costumes et vues pittoresques de la Bretagne, Nantes, Charpentier Père et Fils, 1848.

C'est dire combien ces poupées sont des témoignages précieux, et combien, connaissant la rapidité d'évolution des modes, nous ne pouvons que très approximativement nous baser sur les descriptions du XXème siècle pour les décrire; car rien n'est moins figé que les habits des bretons, s'adaptant avec un dynamisme étonnant aux étoffes et accessoires qui apparaissent, à l'innovation d'un tailleur voisin, aux éxigences du recteur, à la formidable envie de plaire des jeunes filles et des jeunes gens, au désir d'afficher sa condition sociale ou son identité de terroir, et à l'émulation proche de la rivalité entre paroisse. 

  De 1850 à 1920, on assisterait à l'abandon des couleurs criardes pour des couleurs pastels puis à la progression de la couleur noire, à l'adoption du pantalon droit chez les hommes, à la réduction de la taille des coiffes chez les femmes qui peuvent laisser apparaître de plus en plus facilement leurs cheveux.

  N'ayant aucune compétence en la matière, c'est en vrai naïf que je me suis amusé à les décrire comme j'ai pu, en étudiant les photos que j'avais prises, et non les poupées elles-mêmes : rien à voir avec un inventaire qualifié, mais au contraire l'occasion d'accumuler bourdes, balourdises qui seront autant de perles à épingler pour votre plus grand bonheur.

J'ai fait les corrélations que j'ai pu avec l'ouvrage de R.Y. Creston. J'ai consulté aussi J.P. Gonidec, Coiffes et Costumes des Bretons, Coop Breizh, 2005. L'attribution de noms ou surnoms et des communes d'origine est celle que j'ai relevé dans l'exposition qui accompagne cette crèche, travail de l'Association de bénévoles qui mérite bien-sûr toute mon admiration.

   


I. Groupe de Chateaulin ou de la Vallée de l'Aulne: le Pays Rouzig 

  Il est traditionnellement nommé Rouzig en raison de l'étoffe du costume masculin, une berlinge de la couleur de la laine brute brun-roux avant d'être teint en noir ("habit teint" et il se divise en trois modes, celles de Chateaulin, de Pleyben et de Braspart, auxquelles on rajoute la mode de Gouezec Saint-Thois.

1. La mode de Chateaulin est représentée par : 

a) l'artisane de Port-Launay :

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   Elle a été placée ici à coté d'un "marquis "Tap Bon" au costume de velours rouge, gilet blanc brodé or, jabot et manchettes de dentelles, culotte descendant au genoux au dessus de bas ou guêtres blanches, chaussure de cuir. Il est coiffé d'un tricorne. Une chaîne en or s'accroche aux boutons de la veste pour rejoindre ceux du gilet, tandis qu'une fanfreluche de fils noués pendouille vers l'entrejambe.

Selon R.Y. Creston, une coiffe d'artisane est une coiffe plus élégante et évoluée que celle des paysannes, et comportant bride, rubans et bavolets, partie recouvrant la nuque. Cela ne nous dit pas quel artisanat cette ouvrière exerce  dans une commune dédiée au commerce fluvial. Cette coiffe forme un huit dont les deux boucles se répartissent à droite et à gauche de la tête aux cheveux noirs.

C'est son grand châle violet que l'on remarque en premier,garni de franges qui prolongent un motif hexagonal par savant nouage des tresses. La broderie très soignée (quel travail à cette échelle !) forme des pétales et des tiges de fleurs dont l'éclosion ets constituée par des cercles concentriques.

On distingue un corsage ou une pièce de tissu de dentelle blanche, recouvrant un tissu bleu foncé.

Une chaîne sur la poitrine porte une croix, en or ou en argent.

  Il reste à mentionner le tablier noir (tavanjer) auquel est cousu un devantier (tapeled) épinglé sur le châle. Les deux pointes du châle disparaissent derrière ce devantier avant de rentrer dans la ceinture du tablier.

  La robe est presque totalement dissimulée, mais les manches en trahissent la couleur : noire.

b) Marie Mourain de Saint-Ségal :

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     Qui est Marie Mourain ? Je l'ignore, mais à n'en point douter ses affaires se portent bien, et les commères de Saint-Ségal viendraient me chuchoter que la Marie porte la culotte que je n'en serait guère surpris. Quel tablier ! de soie, ma chère, et brodé au fil d'or, avec quatre rang de dentelle, un plissé à la taille, et le devantier a exigé du tailleur et des brodeurs des jours de labeur ! Il se dédouble en une pièce de dentelle décoré d'un motif triangulaire ébauchant un coeur, et en un bustier remontant très haut vers le cou et très largement vers les épaules qu'il carre d'avantage encore que la carrure naturelle de la jeune personne.

  Ici, la robe ne se laisse pas cacher par le tablier, et surtout pas la large pièce de velours noir qui en constitue les manches, d'une part, et la partie inférieure, d'autre part. s'il est vrai que la richesse de la paroissienne se calcule à la largeur de ce velours, quel beau parti !

La coiffe me paraît comparable à celle de  "l'artisane de Port-Launay,", mais c'est que je n'y connais rien, aussi. 

 c) Job ar Rest, paysan de Saint-Ségal :

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      Ce paysan de Saint-Ségal porte le grand chapeau rond en feutre à rubans (an tog), le pantalon de drap noir (an otou hir), mais surtout, bien-sûr, et il doit en être bien fier, une magnifique veste à bouton rouge (est-ce elle qu'on nomme brelenn ?), assez longue, doublée de drap bleu, aux six boutons rouges (plus un sur la poche), et la coquetterie d'une pièce de galon de deux centimètres près de la poche, bleu, rouge et or. 

  En dessous, une autre veste (ou un gilet) aux deux larges pans triangulaires ourlés de velours noir reprend le motif de dix gros boutons rouges complété par des boutonnières de même couleur. Ajoutons à cela une chemise blanche toute simple.

  Rien à dire, Job ar Rest a belle allure !

2. La mode de Pleyben :

a) la paysanne de Pleyben :

creche 7322c

 

Madame de Pleyben ressemble beaucoup à Madame de saint-Ségal, même coiffe, même grande robe noire à large bordure de velours, même tablier blanc à devantier remontant jusqu'au cou, même motif triangulaire doré sur la poitrine, mais ici pas de dentelle mais un tissu blanc brodé d'une répétition de deux motifs : une étoile à cinq branches dans un fleur à cinq lobes, et d'autre part une croix entourée d'un laçage de cordelette ; du centre de cette croix jaillissent des gerbes d'épis.

  Les poignées de la chemise sont de dentelles, pour ne pas en rabattre sur Marie Mourain, qu'on croise à la foire, et la bande de velours de la jupe, un peu moins large, est de taille honorable.

b) le paysan de Pleyben :

creche 7324cc

  Il ne porte pas moins de deux vestes et deux gilets, un pantalon de drap et la large ceinture de flanelle nommée turban, et le large chapeau rond.

   Les deux vestes sont semblables, courtes, très ouvertes, mais celle du dessus est un peu plus courte. Elles sont brodées sur toute la hauteur au fil rose avec un motif en échelle, puis une ligne verticale en or, puis une autre au fil rose relié par des échelons ou boutonnières. Les manches sont surfilées de fil mauve. Entre ces deux vestes, une doublure ou une autre veste est visible, claire comme de la laine blanche.

Le gilet est aussi de drap noir, croisé et fermé par trois boutons ronds et noirs dans des boutonnières verticale (en haut) et horizontales (en bas). l'encolure est brodée en bleu et or.

Un deuxième gilet est (serait) visible en dessous, avant une chemise blanche.

 Le "turban" est noir brodé de rouge et de bleu.

  Le large chapeau entouré de velours noir apparaît décoré par un cercle blanc et bleu, s'il ne s'agit pas d'un artefact lié à la fixation de la poupée.

 

    On peut s'étonner de ne voir aucune étoffe "rouz", rousse ou écrue en ce pays rouzic.  René Yves Creston (ouvrage cité, p. 133) explique, en appliquant à Chateaulin ce qu'il connaît en Guérande, que les paysans portaient deux habits : l'"habit de berlingue ou "habit gar" ou "habit rouge" en droguet filé et tissé à la maison, pour les jours ordinaires. Et "l'habit teint", ou "bel habit" pour le dimanche, réalisé avec la même étoffe mais teinte en noir, puis plus tard réalisé en drap noir grenu de fabrication industrielle. La date habituellement donnée pour l'apparition de cet habit teint, 1870, ne correspond pas à nos modèles de 1853 dont aucun n'est "rouz".

  Ce "droguet" ( se dit d'un tissu de médiocre valeur) était fait de laine, filée ou tissée à la ferme, ou bien de chanvre, ou d'une chaîne en chanvre et d'une trame en laine. Le chanvre était semé au  printemps dans les courtils (liorzh kouac'h), récolté en septembre lorsque les tiges avaient atteint deux mètres de haut. Elles étaient alors coupées, plongées dans un bassin pour y rouir, mâchonnées par les mâchoires de la broie, puis la filasse obtenue était cardée, séchée au soleil avant d'être travaillée à l'automne et l'hiver, filée et transformée en cordages, draps, chemises bien rêches et grises. Le lin, cultivé de la même façon pour les besoins locaux, s'associe au chanvre pour réaliser les étoffes.

  La Bretagne de 1850 n'est pas une terre d'élevage du mouton, si ce n'est à Ouessant, mais chaque exploitation élève un ou deux moutons de lande, non pour la viande, mais pour les besoins en laine de la ferme. La tonte a lieu une fois l'an, en mars ou avril.

3) la Giz Gouezec ou mode de Gouezec:

 

 La paysanne de Gouezec :

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  Difficile de ne pas admirer cette Gouezecoise à la coiffe aux ailes savamment relevées, au camail de dentelle, à la veste de drap noir à revers de satin, richement brodée d'entrelacs rouge, vert et orange, au dessus d'un corsage ou corselet de même drap, brodé des mêmes couleurs . La longue robe blanche s'enrichit de points brodés et d'une ceinture très finement brodée d'une séquence florale.

f) le paysan de Gouezec : 

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   Nous sommes bien dans les années 1850, et il porte chapeau rond et bragou berr :

Le chapeau de feutre est entouré d'un ruban de velours noir ou "guide" fixé à l'arrière par une boucle en argent. dans le groupe de Chateaulin, le chapeau est à larges bords.

Les bragou berr ( braies courtes) sont des culottes courtes, descendant sous le genou, étroites ou légèrement bouffantes à l'opposé des bragou bras ( grandes braies) plissées et très bouffantes portées plus à l'Ouest. Des guêtres ou gamaches de laine noire protègent les jambes. On constate l'absence de l'habituelle large ceinture de flanelle ou de toile (turban).

  La veste ( chupen) est longue, les basques descendant presque à mi-cuisse, cintrée, ouverte mais généreusement équipée de boutons roses (en bois recouvert de tissu ?) alignés à l'extrémité de boutonnières factices ; on retrouve ces boutons décoratifs à la taille.

  Le gilet blanc est ourlé d'un galon noir, l'encolure se rabat en deux grands triangles sur la veste. Deux petites poches ourlées de noir se détachent nettement. Dix boutons blancs sont disposés en deux groupes ; seuls trois boutons sont fonctionnels.

Une belle chemise plissée boutonnée haut se termine par un col cassé.

 

II. Groupe de Quimper.

  Si le groupe de Chateaulin était celui du pays rouzig, brun-roux, le groupe de Quimper était celui du pays glazig (petit bleu), un sobriquet attribué aux hommes, alors que les femmes portaient celui de "borleden".

  Il est représenté dans la crèche de Port-Launay par :

a) Le glazig de Briec:

creche 7309c

  Il porte le chapeau rond à larges bords entouré par un riche ruban blanc, rose-fuschia et noir. Trois vestes sont superposées, la dernière étant faite de ce tissu de drap bleu qui a inspiré le terme glazig. L'origine en est simple : à la fin des guerres napoléoniennes, des stocks de ce drap d'uniforme militaire furent revendus à Brest et détaillés par des commerçants sur les marchés de Quimper et de sa région où il provoqua un vrai engouement.  

  Son pantalon, c'est le fameux et ancestral bragou bras très bouffant au dessus de guêtres de laine noirs fendues en bas au dessus des chaussures. On voit le système de nouage de ces guêtres avec les bragou. La large ceinture de flanelle bleue laisse voir le bouton décoré, en verre bleu.

  Il tient le "penn baz en coeur de chêne" dont parle Charles le Goffic.

b) La bourleden de Briec.

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        Une "bourleden" ou "borledenn" est un bel exemple de métonymie, désignant une femme par le nom de la coiffe qu'elle porte. C'est aussi le nom du costume féminin de la région de Quimper, le pays glazig. Deux sortes de coiffes y ont coexisté, la coiffe pitchou caractérisée par un petit fond froncé sur une pièce de bois aux allures de bobine, et cette coiffe borledenn (bord large). Elle se compose d'un bonnet où s'enroule un ruban recouvert d'une pièce de carton conique tronqué (ar vorledenn) recouvert de papier glacé bleu.Par dessus trouve place la petite coiffe, ar c'hoef bihan, double triangle en filet brodé muni de deux brides nouées sous le menton ( et bien visibles sur la poupée), puis la grande coiffe, ar c'hoef bras, un carré de filet brodé ou de mousseline rayée. Enfin, au sommet, un petit rectangle rappelle l'ourlet primitif et libère deux rubans qui flottent dans le dos.

   Cette coiffe m'intéresse moins que les vêtements eux-mêmes, tant ils me paraissent originaux et d'une richesse extraordinaire. Certes, j'en trouve la description par R.Y. Creston p. 98 fig. 54, ou je lis que ce costume est composé de trois corsages à manches ou jiletenn superposés, de couleurs différentes, de taille légèrement décalée pour qu'ils ne se cachent pas mutuellement, les manches comportant autant de revers que de corsages et chaque revers étant garni de broderies propres à chaque pays : je retrouve cela ici avec la superposition de trois couleurs bleue, rouge et noir au niveau de l'échancrure et du col, même si j'y perds mon latin, où mon baragouin de breton, en examinant la tour de Babel des manches. Mais ce qui m'épate, c'est cette forme très particulière qu'adopte le bord intérieur des pans des corsages, descendant verticalement avant de remonter brusquement comme la lettre J avant de filer en diagonale pour se croiser avec le coté opposé : une calligraphie souple et nerveuse, un retroussé qui paraphe avec panache le torse de la jeune femme telle l'épée de Zorro, une corne de bouc insolente,  bref une de ces inventions audacieuses du génie des peuples qui méritait, mieux que les sobriquets dont on affuble les coiffes, un nom propre, un qualificatif lapidaire et expressif qui vienne résumer en voyelles sonores l'élancé du graphisme tracé dans l'espace par la ganse noire. Gilet hameçon, veste Jizy, pointe de diamant, ou quelqu'autre trouvaille fulgurante que je m'attendais à trouver, pépite des textes, en légende des illustrations et photographies plutôt que les "costumes de Quimper", "jiletenn de Ploaré", " femme en tenue du pays de Pont-L'Abbé", etc...

  Ce corsage n'a point reçu de nom. Mais j'en admire la ganse de velours noir froncé pour s'adapter aux acrobaties des formes, et le ruban de canetille dorée qui court en doublure des coutures, serpente autour des manches, épouse les courbes, se dédouble derrière les épaules, chaîne de vie scintillante et haletante...

  Un ruban de velours noir fait le tour du cou, descend devant la poitrine, se termine par un anneau qui retient une croix trop richement ornée de strass et de gemme bleu pour ne pas être un de ces bijoux de pacotille qui venaient de Bohème, tout comme le gros coeur de cuivre, "spilhou pardon" ou épingle de pardon piqué dans le velours, toutes choses auxquelles nulle femme de Briec, de Kerfeunteun ou de Comfort ne pouvait résister. 

  Ce ruban noir me semble être une parure de cou, une vraie qui s'est avérée trop grande pour le cou de la poupée et qu'on aurait disposé ainsi comme une sorte de collier. 

  Quand nous aurons décrit la jupe (ar vroz) mauve au large parement de velours noir souligné de deux lignes réticulées de paillettes ou de clinquant, il nous restera à nous interroger sur la façon dont la ceinture est parée de bandes de velours retombant en boucles latérales, alors qu'une sorte de chaîne dorée fait le tour de la taille avant de venir encadrer deux rectangles noirs cousus sur la jupe. Quelle en est l'origine ?

Enfin, nous quitterons la bourleden de Briec après avoir observé la chemise ou le corsage de tricot blanc brodé au col et aux manches de croisillons de fil rouge : à y regarder de près, on constate que le dessin de la frise n'est pas si simple, surtout lorsqu'il faut broder sur une bande d'un centimètre de largeur. 

III. Groupe de Douarnenez-Crozon.

  Les femmes y portent la coiffe surnommée penn sardin.

 Le paysan de Ploaré :

creche 7306c

   On retrouve le chapeau rond à large bord, les bragou berr (fermès par les mêmes boutons de métal ciselé que la veste) et les guêtres noires (celles-ci sont boutonnées sur le coté externe par de gros boutons ronds en cuivre). Deux courtes vestes de drap noir sont superposées, dont la dernière s'enrichit d'un rabat avec boutons à droite et boutonnières à gauche. Les boutons sont exactement les mêmes qu'on voit sur les photographies anciennes de costume, en laiton frappé d'un motif très standardisé d'étoile (R.Y Creston fig.144, I, et J.P Gonidec p. 122). La tranche de la veste est gansée d'une bande de soie rouge qui fait le tour de l'encolure, et se retrouve sur le rabat. Un galon est cousu en bande verticale le long de la partie basse du pan de veste.

  Le gilet est, contrairement à ceux des costumes précédents, boutonné à gauche, mais  quatre boutons s'alignent à droite pour faire symétrie. Le drap paraît surpiqué. L'encolure et le haut du plastron sont ornés d'une  ganse de soie surpiquée et brodée d'une ligne en zig zag, puis d'un galon allant d'un bouton à l'autre, et enfin d'une ligne de broderie au fil beige. 

  Là encore, je m'étonne de ne pas voir le turban (rouge pour les fêtes, bleu les jours ordinaires, noir pour le deuil ), mais je remarque la chemise qui sort entre le jiletenn et le pantalon : négligence vestimentaire, ou façon de marquer sa puissance ?


IV. Groupe de la Presqu'île de Plougastel.

a) la Plougasteliz.

creche 7344c

 

  Le caractère haut en couleur du costume de Plougastel est signalé partout : cette femme de Plougastel nous en donne une illustration avec son corsage vert souligné de rouge à la taille, aux emmanchures et aux poignets .

La coiffe est, écrit R.Y.Creston, l'une de celle dont le pliage et le montage des différentes pièces est le plus compliqué. Il s'agit de réussir un échafaudage de cinq éléments. Le premier est un turban d'une tresse de coton noir de 2,40 mètres de long ; viennent ensuite une coiffe de cheveux ou première sous-coiffe, lacée sous le menton (on voit ici le cordon rose), et dont le fond est monté grâce à une plaque de zinc ; puis une deuxième sous-coiffe, et enfin la coiffe proprement dite, ou grande coiffe. Les ailes forment ici presque une cornette, et répondent aux injonctions du recteur et de l'Église qui imposent aux femmes de cacher leurs cheveux, symbole de luxure (voir l'iconographie de Sainte Marie-Madeleine, aux longs cheveux  la désignant comme ancienne femme dévoyée). Ici, on ne voit que l'amorce frontale de cheveux noirs. Peu à peu au XIXème et au début du XXème siècle, la grande coiffe va s'amenuiser, laissant apparaître la sous-coiffe souvent richement  brodée, et les rubans.

Le plus particulier est ici cette grande pièce de tissu blanc entourant pudiquement le cou et se divisant en deux pointes descendant bas sur la poitrine et vers la taille : je n'ai pas trouvé l'équivalent dans les documents consultés, mais des fichus ou mouchoirs aux motifs floraux (jeune-fille) ou quadrillés bleu et blanc (femme mariée).

Un pendentif bleu est suspendu sur la poitrine : c'est une médaille de la Vierge.

En dessous, nous avons, parfaitement conforme aux descriptions de R.Y Creston (p. 141-143), une "camisole au corps vert billard et aux manches violettes" , même si ici la camisole est rouge cerise aux manches violettes, et que le pli des manches est simple, alors que l'illustration de Creston montre trois revers de manches superposés. Elle est portée sur un tricot vert que les manches permettent de déceler. Par dessus, c'est le corselet qui est "vert billard", fermé par une cordelette bleue . Sur l'arriere, ce corselet présente habituellement des  godets et une petite queue saillante brodée et raidie par un carton. Sur ma photo, je ne vois qu'une boucle rouge.

Le tablier est faite d'une belle étoffe à rayure, d'un bleu métal. Au dessous vient la robe de gros drap noir : on sait qu'elle se fixe à une agrafe sur l'arrière du corselet. 

 

b) le Plougastel, ou : le Meunier :


" Les mariniers sont coiffés d'un bonnet de laine rouge pareil à celui des forçats, sanglés d'une large ceinture de même teinte et vêtus d'un gilet blanc ou bleu garni de boutons d'os." Albert Clouard, 1892

   Le bonnet chigovi ou bonnet de Ségovie: c'est une sorte de bonnet phrygien de drap qui pend dans le dos, peu différent du bonnet de marin porté sur toutes les mers de la vieille Europe. Au nord, en pays pagan, de Plouescat à L'aberwrac'h, il était de couleur verte, opposant ainsi les "gars aux bonnets verts"  léonards aux "gars aux bonnets rouges" de Plougastel, alors qu'à Roscoff, il était de drap noir. (Abbé Feutren)

Le bonnet rouge sera abandonné par les plougastelois vers 1914, avec l'ancien costume de travail à la veste bleue ou bise, les gilets et la ceinture rouge et blanche. (R.Y Creston).

Le Plougastel de la crèche porte :

  - La veste mi-longue de drap bleu, ornée de broderies rouges aux fausses boutonnières, de galons brodés à l'encolure, et  de gros boutons de métal polis purement décoratifs.

- Le gilet blanc sur le rebord gauche duquel s'aligne une file de boutonnières bordées de fil de couleur rouge, recevant des boutons qui semblent de métal. Le col est bordé d'un galon brodé d'un motif de rayures jaunes et bleues, souligné de fil rouge.

- De la chemise, nous ne voyons que le col, (haut, qui reçoit un ruban rouge noué sous le cou,) et les manchettes.

- Le pantalon de drap bleu sombre, simple, décoré d'un bouton identique à ceux de la veste.

 

creche 7312c

 

c) la fillette de Plougastel :

  Le boned est la pièce maîtresse du costume des enfants : de coton ou de soie, perlé ou brodé, il était porté depuis la naissance (bonnet de baptême) jusqu'à l'age de 14 ans par les enfants, notamment les filles avant d'arborer la coiffe. Richement coloré, il peut s'orner de rubans et de galons. Ici, on note qu'il coiffe un bonnet de dentelle.

Le saë, premier costume des petits enfants, garçon ou fille se porte jusqu'à 4 ans, puis la fille porte  la "drogot", une robe avec un haut de toile blanche en corselet cousu ensemble, recouvert du tavancher, ou tablier.

creche 7317c

 

V. Groupe de Pont-L'Abbé : les Bigoudenn.

a) Le Bigouden et la Bigoudène de Pont-l'Abbé:

  Dans l'ouvrage de R.Y.Creston, le costume de Pont-L'Abbé est décrit aux pages 104 à 115 avec des illustrations précises de son évolution de 1850 à 1939 : nous disposons donc d'une bonne documentation du costume féminin.

  La tenue masculine n'y est par contre pas décrite, mais les figures 77 et 78 sont consacrées aux vestes et au gilets.

  Ici,l'homme porte deux vestes très courtes d'étoffe noire, à manches,dont la tranche est gansée sur tout son pourtour de velour noir, et qui porte en ornement deux boutonnières brodées au fil jaune et deux boutons de verroterie incluse dans un cerclage de cuivre. Il paraissait difficile de savoir si ces boutons sont les mêmes, en miniature, que ceux du costume qui a servi de modèle ou bien si le tailleur a mis là ce dont il disposait et qui se rapprochait le plus de la réalité ; mais j'en découvre une réplique dans J.P. Gonidec, ouvrage cité, p. 126, découvrant les pétales en paillette colorée incluse dans le verre. Ce détail confirme la minutieuse fidélite de ces costumes réduits.

En dessous, un gilet noir très cintré est décoré de huit boutons ; son plastron est brodé de rouge et d'or. Ajoutons  une chemise blanche, un pantalon noir, et le chapeau à larges bords. 

 Comparées aux illustrations données par Creston, on retrouve la coupe générale de la veste, son galon de velours noir, un rang de trois (petits) boutons, mais les boutonnières du pan gauche sont remplacées par un carré de broderie (fleur de coin). Surtout, on découvre que la partie basse de l'arrière de la veste est brodée de lettres, (fig. 77 et fig. 64 avec une séquence MNRMNR et la mention du nom de ce motif : lizerennou bilher) ce qui m'interesse particulierement puisque sur les vitraux du XVIème siècle de Confort-Meilars, de Plogonnec  et de Kerfeunteun les personnages (Rois, anges, saints) portent des lettres inscrites sur les galons de leur vêtement, et que la signification des séquences de lettres est le plus souvent mystèrieuse. J.P. Gonidec écrit p. 128 que le chupenn et le jiletenn peuvent "être décorés dans le dos d'une série de lettres brodées côte à côte. Elles peuvent être utilisées comme simples motifs. Mais peut-être cachent-elles un message."  

Le nom Lizerennou bilher signifie : Lizerennou = Alphabet (litteralement : les lettres) et bilher = ?? (Pilhaouer, chiffonier). On pense bien-sûr aux alphabets brodés, la "marque" que chaque fille de 8 à 10 ans devait réaliser en "enseignement ménager" sur une grosse étamine en différents points, de chainette, de croix de feston, d'épine, d'ornement etc... à l'école communale.

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

creche 7345c

La tenue féminine frappe par son élégance et la fraîcheur des couleurs très toniques.Je repère d'emblée la parenté de coupe du corsage de Pont-L'Abbé avec celui de la borledenn de la mode de Quimper, cette coupe qui me donne à nouveau des démangeaisons de plume tant il lui manque un joli nom ; c'est beau comme un coeur, c'est tourné comme une épine de rosier, c'est semblable à une dame de nage d'un gondolier de Venise (la forcola), c'est la noce d'un trois de chiffre avec un point d'interrogation, c'est...sur le bout de la langue, aidez-moi, j'enrage ! non, ce n'est qu'un corsage de Pont-L'Abbé, semblable à celui de Quimper à cela près que la partie basse de la bordure est en diagonale droite au lieu de revenir en Z vers l'arrière. 

  Trois  corsages sont superposés, de drap noir gansé de jaune, de rouge et de jaune, leurs manches se concurrençant en revers ostentibles sans dissimuler la chemise de dentelle.

  On pourrait compter autant de gilets, et les plastrons de ces trois jiletenn sont largement brodés en reprenant les couleurs rouge et jaune. Pas de palmier (an heol), de plume de paon (plum paon), d'arête de poisson, de fougère (radenn), ou de soleil (steredenn) , ni coeur (Kalon), ni corne de bélier (korn chas), mais deux rangées de rectangles et de deux points.

  Sous le tablier violet décoré d'une large bande de satin rouge où court un entrelacs de cannetille, il me semble que l'on peut compter deux ou trois robes, qui semblent reprendre le duo de couleur du corsage, jaune et rouge, sans parler de la bande de velours noir?

  Mais la coiffe alors ? Je répondrai comme R.Y Creston :"la coiffe du pays de Pont-L'Abbé est une coiffe comme les autres." Singulière manière de parler de la fameuse coiffe bigoudène ! Mais ici, la visagière ne s'est pas envolée en cylindre démesurée, elle est toute simple, et c'est le ruban nouè sur l'oreille gauche qui prend le plus de place.

VI. Groupe du Cap Sizun- Île de Sein : les kapenn.

a) La fileuse du Cap :



creche 7325c

 

b) l'Îlienne :

  Découvrant que cette poupée est appellée l'îlienne, j'en déduis qu'elle représente une habitante de l'île de Sein, mais qui sait ?

  Rappelons que Sein, comme le Finistère, a été victime en 1849 d'une terrible épidémie de choléra qui se reproduisit en 1885-86. Cette année-là, le tout nouveau médecin de l'île le docteur Gouzien, après avoir vu enterrer les quatre premiers morts dans le cimetiére, réussit, non sans peine, à convaincre les habitants d'ensevelir les corps dans un champ éloigné du centre du village et de les recouvrir de chaux vive, évitant ainsi la propagation de la maladie. L'île perdit néanmoins 24 de ses 800 habitants, 18 adultes et 6 enfants. C'est depuis ce drame que les Sénanes adoptèrent l'habit de deuil et que leur coiffe autrefois blanche, est devenue noire : cest la jibilinnen, ou chipillienne, la coiffe de deuil. Si vous vous rendez sur l'île, vous pouvez voir "l'ancien cimetière des cholèriques".

  Les modèles de cette crèche sont antèrieures à cette date de 1886. Si cette poupée représente une Sénane, c'est un témoignage du costume d'avant l'épidémie. Elle est très élégante, avec sa coiffe au voile retombant sur le coté de la tête, le châle beige prolongé par la dentelle noire, la parure de cou en velours noir qui retient une croix, le corsage ou plutôt la grande robe de drap bleu clair et les bandes de velours aux manches et en bordure basse, la chemise blanche et sa dentelle aux poignets, le double tablier avec devancier en triangle : une grande dame que je n'imagine pas marchant sur le quai de l'ile de Sein un jour de coup de suroit.

creche 7338c

VII. Groupe de  Rosporden :

 La Fouesnantaise : la Giz-Foën ou mode de Fouesnant. (en arrière plan)

creche-7316cc.jpg

  Elle est dissimulée par la Plougastel, mais on voit la superbe coiffe et le col en dentelle : cette coiffe est composée d'un important bonnet de lingerie retenu par deux lacets noués sous le menton. Un large ruban noir est posé, puis la coiffe est installé, épousant le bonnet et relevant ses deux importantes ailes épinglèes sur l'arrière du fond presque vertical. Ces ailes sont relièes par un rectangle aux angles arrondis. Il se trouve retenu dans le vide au-dessus de la nuque, tout en s'inclinant vers le bas. Il s'agit de l'ancien couvre-nuque qui se trouve atrophié. La coiffe s'accompagne d'un très grand col très plissé reposant sur les épaules. ( source : J.P. Gonidec, Coiffes et costumes des bretons, Coop Breizh 2005)

  J'admire aussi le corsage lacé et brodé, le tablier qui semble de fine mousseline, et la jupe noire également brodée.

 

Le seul costume qui n'appartient pas à la Cornouaille :

 La Chicoloden ou léonarde : (en rose) : la coiffe dite chicoloden était portée à Saint-Pol-de-Léon.

creche 7325c

        Cette Léonarde porte sur les épaules un châle noir dont les pointes sont cachées sous la piécette du tablier. Le tablier en question est rose avec une bande de velours et de dentelle, alors que  sa piècette quadrangulaire dispose d'une large bande de velours noir sur lequel se détache l'éclat de deux rangs de rondelles dorées et autant de petites pièces argentées. Au dessus se distingue le plastron d'un gilet brodé. Citons la grande jupe noire et passons à la coiffe.

  Elle est propre au groupe de St Pol, groupe qui inclut 20 communes autour de St Pol, Roscoff, Treflez ou Cleder.  La chikolodenn est un bonnet, autrefois de toile fine, puis de mousseline garni de deux larges barbes qui peuvent pendre sur le devant des épaules, ou se rejoindre devant la poitrine (comme ici). Les barbes légèrement empesées s'écartaient du visage à l'endroit où elles rejoignaient le bonnet. Pour travailler, les femmes épinglaient les barbes sur le fond de coiffe ou les rejetaient sur la nuque. Le sommet du bonnet porte deux plis retenus par le lien de serrage du fond, formant deux petites crêtes paralléles caracteristiques en corne ou Kern et méritant le surnom d'oreilles de chat (peu visible ici).

 

 

  Et la Sainte Famille ? Et le Petit Jésus ?

  Alors que je comptais les moutons dans mon lit hier soir, une grosse étoile est apparue, puis une ange, qui tenait un grand rouleau où j'ai pu lire ces mots en lettre d'or : Demain , un petit enfant va venir s'installer dans la crèche de Port-Launay . Et une voix de séraphin m'a dit : prends ta houlette (c'est sans-doute comme cela qu'il nomme ma mobylette) et va demain soir à l'église Saint-Nicolas.

Demain ? Le 24 décembre ? Mais c'est aujourd'hui, j'y vais, j'y cours, j'y roule, voir le petit Jésus à culotte de velours!

Et les Rois Mages ? Eh, ne faites pas comme les boulangers qui proposent la galette des rois dès la Saint Etienne, attendez l'épiphanie pour les voir arriver !

  Conclusion : j'étais rentré dans l'église de Port-Launay pour jeter un coup d'oeil aux statues et au mobilier. Un coup d'oeil ? Aie Aie Aie, c'est un sacré virus que j'ai attrapé, dont j'ai bien peur de ne pas me débarrasser de sitôt, et qui a nom Costume Breton.

Attention, contagieux.

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Published by jean-yves cordier
23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 11:44

                 Les statues et le retable de l'église d'Élliant.

   Puisque j'ai écrit un article sur le vitrail d' Élliant consacré à Notre-dame de Bon Secours, je vais continuer ma visite et faire le tour des statues. Mais d'abord, je me rends dans le choeur pour admirer le retable.

  Précédée d'un premier édifice du XVème siècle et de la construction du clocher et du porche ouest en 1660, l'église date de 1700-1712.

1. Le retable du maître-autel.

 Le retable domine le maître-autel. Il a été décrit par les chanoines Peyron et Abgrall en 1908 dans le Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie (Bdha). 

statues 5725c

 

  On y voit à droite la statue de Saint Gilles, à gauche celle de Saint Maurille, séparés par  les quatre évangélistes dans des niches.Les couleurs principales sont le bleu et le jaune des boiseries, le bleu des guirlandes, le mauve des colonnes imitant le marbre, et le vieux rose des tentures à frise bleue qui drape l'arrière de chaque niche.

Saint Gilles est le patron de l'église. Il est représenté en évêque, ou plus exactement en Abbé, avec la crosse et la mitre auriphrygiate, ou mitre précieuse,c'est-à-dire de drap d'or rehaussée de broderies d'or et d'une pierre précieuse, et doublée de soie rouge.On ne voit pas les fanons (rubans) de cette mitre. Elle est posée cavalièrement par terre, ce qui ne se fait pas : on offrait (parfois) aux évêques des plateaux à mitre pour la recevoir.

   Il porte la robe et la coule de bénédictin. On peut s'étonner si on sait que, traditionnellement, la coule des bénédictins est noire. Mais au Moyen-Âge, le noir est une couleur difficile à obtenir sur la laine et, en réalité, les Cisterciens et les Dominicains sont vêtus de gris, de brun ou de bleu (Michel Pastoureau). On remarque les manches doublées de vert, ce qui permet d'être mieux protégé du froid, un usage  que les austères cisterciens se sont interdit. L'habit, à la différence de l'habit monastique, est dépourvu de ceinture. Une chemise ou une tunique, boutonnée au col et aux manches, n'évoque pas non plus la simple et ascétique gonne ou étamine des moines. La coiffure associe les cheveux presque rasé des moines et la tonsure romaine. Au lieu de sandales, on voit les chaussures noires vernies qui sont celles des clercs, celles qu'on retrouve souvent sur les statues de Saint-Yves. Enfin, saint Gily ne porte pas de gants.

  Selon la légende, Saint Gilles, un athénien du VIIème siècle nommé  Aegidius, est un ermite qui vint vivre en Languedoc et en Provence , puis, après force miracles, créa un abbaye dans la vallée Flavienne près de Nîmes. L' Abbaye Saint-Gilles devint le troisième pèlerinage de la Chrétienté par la voie Régordane du Puy-en-Velay à Saint-Gilles. Les moines se rattacheront ultérieurement à l'ordre de Cluny. C'est dans sa vie d'ermite s'abritant  dans une grotte qu'il fut nourrit du lait d'une biche miraculeuse, biche qui est devenue son attribut pour la statuaire.

  C'est dire que le costume de Sant Gily (en breton) peut être choisi assez librement par l'artiste qui peut se  permettre, comme ici, d'imaginer un moine-évêque finalement convaincant. 

 

statues 5712c

 

   L' église Saint-Gilles renferme une autre statue du saint : on retrouve la biche,la coule monastique, la tunique (aux manches dorées), le livre sous le bras, la mitre (orfrayée), on devine la crosse d'Abbé ; il est chaussé de sandales.

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  Saint Maurille :

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  Saint Maurille (ou Morril ) est vraiment vêtu en évêque : la mitre auriphrygiate, la chasuble rouge au revers gris et brodée de fleurs au fil d'or, la croix pectorale, la mozette violette, le surplis blanc, la soutane violette, l'étole rouge, la croix épiscopale, les gants violets, tout y est !

  Notons bien les gants, en soie violette : c'est, avec la mitre et la crosse, le troisième insigne du pouvoir de l'évêque. C'est au IXème siècle avec les Carolingiens qu'ils sont devenus un attribut épiscopal. Et si on surnomme le fusain d'Europe Euonymus europaeus "bonnet d'évêque", deux fleurs, la digitale pourpre et l'ancolie, reçoivent le nom de "gants d'évêque" en raison de leur forme et de leur couleur.  Un gant épiscopal (ou chirothèque) n'est jamais en peau, mais en soie, "pour rappeler la tunique du Christ". Il porte sur le dos de la main des symboles religieux brodés dans un cercle, puis à partir du XIIIème siécle, la bordure est brodée et ornée d'un galon d'or. Ils lui sont remis lors de son investiture, une fois les mains ointes et bénites,  en même temps que la bague et les sandales (qui font partie des pontificalia, car elles sont portées, comme les chirothèques, lors de la messe pontificale). L'évêque ne porte les gants que durant la messe : un acolyte lui présente sur un plateau réservé à cet usage, ils les enfile après avoir passé la dalmatique, le diacre lui présentant le doit, et le sous-diacre le gauche; Il les ôte après l'offertoire. Ces gants sont donc le signe du pouvoir de l'évêque sur son diocèse, tout comme, dans la société féodale, le gant symbolise la main-mise hiérarchique, ou royale.

  La coupe de cheveux et la barbe de Saint Maurille montrent qu'il ne se soumet pas aux règles de pénitence et de pauvreté des moines : pensez-donc, c'est l'évêque d'Angers (423-453),  dont la Vita Maurilio a été écrite par Saint Maimboeuf, (ou Magnobode), également évêque d'Angers en 610-660. C'est là qu'on découvre que Maurilio est un italien de Milan qui a si bien suivi l'enseignement de Saint Martin de Tours que celui-ci l'établit évêque d'Angers en récompense de nombreux miracles, comme de guérir les mains desséchées d'un homme en traçant le signe de croix dessus, de chasser les faux dieux et de renverser les idoles à grand renfort de signes de croix.

   

   Au pied de la statue, on voit un petit enfant tout-nu et les mains jointes. Cela fait allusion à l'histoire suivante :

   Saint Maurille disait sa messe lorsqu'une mère  vint le prier de donner à son fils qui se mourait le sacrement de confirmation (que seul un évêque peut donner) afin que l'enfant puisse mourir doté de la grâce que ce sacrement confère. Le saint prélat fut long à dire sa messe, et l'enfant trépassa sans recevoir l'onction du Saint-Chrême. Pris de remords, Maurille ferma la porte de l'église à clef et partit en errance vers la Bretagne où il embarqua vers l'Angleterre, sans-doute pour y faire retraite et pénitence. Mais en pleine traversée, voilà qu'il laisse tomber les clefs de la sacristie, riche de précieuses reliques. Cette deuxième bêtise le décida à ne plus jamais retourner à son évêché tant qu'il n'aurait pas les clefs en main, et comme il savait bien que ce ne serait pas pour demain, il s'établit pauvre jardinier chez un anglais.

   Les angevins, marris de n' avoir ni les clefs du sanctuaire,ni leur évêque, partirent à sa recherche, trouvèrent dans le port breton un message écrit par Maurille sur une pierre et indiquant son embarquement, firent voile vers l'Albion qui n'était pas encore la Perfide qu'on connaît, et pêchèrent en route un gros poisson. Miracle, ils trouvèrent dans son ventre les fameuses clefs, mais au lieu de rentrer illico et de laisser leur pasteur à son potager, ils débarquèrent de l'autre coté de la Manche, trouvèrent leur évêque "cueillant une salade pour son maître" (sic), lui mirent les clefs en main, l'obligeant ainsi à respecter la promesse qu'il s'était faite de revenir à Angers, non sans se faire longuement prier, ce qui est normal pour un saint.

   Revenu à Angers, il alla pleurer sur le tombeau du petit garçon, suppliant Jésus-Christ de le ressusciter comme il avait fait pour Lazare. Jésus n'avait rien à refuser à un si saint homme, et c'est un garçonnet tout vivant qui apparut. Maurille le nomma spirituellement René, car il venait d'Outre-tombe. Il devint Saint René d'Angers, patron des sabotiers.

 

Saint Maurille est fêté le 13 septembre. C'est le second patron de l'église. On en lui en confie pas les clefs.

 

Les Évangélistes.

  C'est l'occasion de réviser leurs attributs du Tétramorphe (les "quatre vivants" qui tirent le char d'Ézéchiel, et les quatre emblèmes des Évangélistes) :

Saint Matthieu représenté avec l'homme , parce que son évangile commence par la généalogie du Christ :

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  Saint Jean, avec l'aigle, car son évangile débute par le mystère céleste.

statues 5717c

 

Saint Marc et le lion des déserts, en référence au troisième verset : "Voix qui crie dans le désert, préparez les chemins du Seigneur". C'est classiquement un lion ailé pour le distinguer de celui de Saint Jérome, mais ici, il n'a pas d'aile, mais une tête de bouledogue, frisée comme un mouton et au grand sourire bêta.

   statues 5716c

 

Saint Luc, le médecin, le peintre qui réalisa le premier portrait de la Vierge. Il porte sur son oeuvre  l'inscription grecque Kata Loykan, "selon Luc", et son emblème est le boeuf, en allusion au verset Luc, 1, 5 qui mentionne Zacharie, le père de Jean-Baptiste.

 _ Et alors ?

_ C'est que Zacharie est prêtre au temple de Jérusalem.

_ Quel est le rapport avec le boeuf ?

_ C'est qu'un prêtre du Temple fait des sacrifices animaux, dont, parfois, peut-être, un boeuf.

_ Ah ...

 

statues 5715c

 

 2. Les autres statues .

Saint Pierre :

Malgré son déguisement en tenue ecclésiastique, chasuble, surplis, soutane, tonsure, Saint Pierre est reconnu malgré ses dénégations itératives car il porte une clef.

  Un théoricien de la macrobiotique comme George Oshawa, alias Yukikazu Sakurazawa, aurait tout-de-suite remarqué ses yeux Sanpaku (en japonais : trois blancs), à la pupille déséquilibrée, signe infaillible qu'il ne pratique pas le régime macrobiotique et qu'il risque de gros ennuis, comme Oshawa l'avait justement prédit à John Kennedy. On peut penser que, s'il ne se convertit pas à la consommation de l'épeautre, l'apôtre risque de mourir de mort subite, par exemple crucifié la tête en bas, comme l'avait aussi pressenti le Caravage dans un fameux tableau prémonitoire de Santa Maria del Popolo.

   Que lui chaut ? C'est lui qui a les clefs du paradis !

statues 5709c

 

  Saint Antoine:


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On le reconnaît aussi malgré l'absence de son cochon et de sa clochette grâce à sa houlette en forme de Tau, et au  costume de son ordre, tunique et manteau sans ceinture avec un capuchon caractéristique. Le livre qu'il tient est la règle de son ordre monastique.

  Le régime macrobiotique, c'est bien, le seigle c'est bon, le problème c'est son ergot :claviceps purpurea, un champignon parasite du seigle qui est responsable du mal des ardents. Une récolte un peu tardive, un temps humide et frais, et voilà des populations entières qui se mettent à se précipiter aux toilettes, puis à se gratter, à se tordre de convulsions, à dire qu'ils ont le feu dans leurs membres, que leurs os se cassent, et enfin à délirer comme des déments. Ou bien ce sont les gangrènes, qui "se manifestait par des apostèmes et des abcès, attaquant peu à peu tous les membres,et, après les avoir consumés, il les détachait petit à petit, du tronc. [...] La masse du sang était toute corrompue par une chaleur interne qui dévorait les corps entiers, poussait au dehors des tumeurs qui dégénéraient en ulcères incurables et faisait périr des milliers d'hommes". (K.J.Huysmans, Sur le retable d'Issenheim). C'est le feu sacré, Ignis sacer, Ignis gehennae, le Mal des ardents, que nous nommons ergotisme, et contre cette aimable plaisanterie qu'est le feu de Saint-Antoine, un seul remède, (similia similibus curantur) : Saint Antoine. Les tortures abominables  que le démon lui a fait endurer lors de sa fameuse Tentation, qui a tant fasciné Flaubert, le rends apte à intercéder et à décrocher pour vous la guérison.

 Il a délégué pour cela  les Antonins, un corps de près de 10000 "chanoines réguliers" qui prirent comme emblème les propres béquilles des patients : la canne en T, le Tau ou croix potencée.  Vivant de l'exploitation de cochons qu'il avait le privilège de faire vaquer dans les rues pour de nourrir des eaux grasses et des détritus, l'ordre hospitalier soignait les patients par une alimentation revigorante à base de porc, bien-sûr, et de vin, par l'application de baumes dont Lavieb-aile vous livre la recette secrète ( verveine, pavot, gentiane, renoncule), par celle du Saint Vinaigre dont nous ne sommes pas autorisés à dévoilé la composition mais qui faisait merveille comme vasodilatateur, et par des cantiques dont la cantillation rythmée participait à la guérison par des voies connues de Dieu seul. A la fin du XVème siècle, il gère 370 hôpitaux. Il périclita lorsque la cause réelle de la maladie fut découverte et que les techniques de fabrication du pain furent maîtrisées, tenta une reconversion en soignant les affections de la peau, puis fut rattaché en 1776 aux Chevaliers de Malte. Entre temps, Antoine de Padoue avait fait une concurrence sévère à son homonyme anachorète (du grec ana-, "à l'écart"  et khoreo, "je vais" ), et le saint des Objets Trouvés était désormais plus souvent invoqué, à qui on s'adressait avec ce dicton: " Antoine de padoue, grand filou, rendez ce qui n'est pas  à vous !"

 Source :http://www.olivierchaudouet.com/notice-historique.pdf

 

 

 Le Saint Curé d'Ars

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  Une fois de plus, nous pouvons étudier le costume ecclésiastique, composé de la soutane, le col romain (ou le collaro), le surplis, la belle étole frangée brodée de fleurs et attachée par une cordelette à fiocchi (noeud bouffant d'étoffe), et le chapelet. Mais ce que nous voyons surtout c'est la belle tête, parfaitement réussie par l'artiste, une vrai tête de saint, à qui on donne le bon dieu sans confession, pleine de ferveur d'humour et d'humanité enflammée mais bonhomme, celle de Jean-Marie Vianney (1786-1869), qui passa sa vie de prêtre dans son confessional, n'en sortant que pour dire sa messe ou obtenir des subsides pour ses oeuvres. Et sous sa soutane, sachez qu'il porte par mortification le cilice, sous-vêtement de crin ou de toile grossière comme si la privation de nourriture et de sommeil ne suffisait pas.

 

  Saint Herbot.

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   Ne cherchez pas Saint Herbot dans le calendrier liturgique, c'est un saint breton vénéré par les paysans de Léon, Cornouaille et Trégor, parce qu'il protége leurs chevaux et leurs bêtes à corne, dont il maîtrise parfaitement la langue. Sa fête a lieu le 17 juin.

 

Saint Adrien.

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  Saint Adrien de Nicomédie était un officier qui subit, comme saint Sébastien avant lui, le martyr pour s'être converti à la religion qu'il devait combattre. Et, comme Saint-Sébastien, il fait partie des saints invoqués contre la peste. C'est le patron des soldats. Il est fêté le 8 septembre.

   Cette statue provient de la chapelle Saint Adrien (ou St Dridan) détruite et déjà en mauvais état en 1782 (Abgrall et Peyron). Sa fontaine était vénérée, pour les maux d'yeux.

J'ignore ce qu'il porte dans la main gauche. Je suis intrigué par sa coiffure.

 Sainte Catherine d'Alexandrie

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   Sainte Catherine est aussi vénérée à Élliant en sa chapelle (du XVIème siècle), ancienne chapelle seigneuriale de Kéredec.

  Ses attributs sont la roue, avec laquelle l'empereur Maximien voulut la supplicier alors que les barreaux rompus vinrent frapper et aveugler les bourreaux ; l'épée, par laquelle elle fut décapitée; et le livre, témoin de ses vastes lectures spirituelles et philosophiques, qui lui permirent d'être confrontée à 50 sages, et de les convertir. Enfin la tête couronnée qu'elle piètine est sans-doute celle de son persécuteur Maximien. La statue de Sainte Catherine à Carhaix-Plouguer (Chapelle Sainte-Anne) montre un personnage couronné semblable.

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Published by jean-yves cordier
23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 09:47

           

 

 

      Le vitrail de l'église Saint-Gilles à Élliant :

             le costume melenig.


 

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elliant 5730

 

 

 

I. Étude du vitrail.


 1. Présentation. 

 

   Comme on le voit, ce vitrail porte les inscriptions suivantes : Chanoine Le Berre invenit 1947, indiquant le commanditaire, et Marc Choisnard, det et pinxit, indiquant le cartonnier et peintre. 

  Je dois les seuls renseignements dont je dispose sur ce vitrail au blog de Jean-Pierre Le Bihan qui signale que ses auteurs sont Marc Choisnard et Charles Lorin.

Marc Choisnard (1879-1966) est un peintre, illustrateur de livres religieux,professeur au collège Stanislas à Paris et  cartonnier qui a travaillé avec les maîtres-verriers Felix puis Jean Gaudin (37 cartons, dont l'église d'Einville) et Charles Champigneulle (vitraux de l'église N.D du Rosaire de Saint-Ouen, 1933). En 1930, il réalisa trente tableaux de mission (Taolennou comme en utilisaient Michel Le Nobletz ou le Père Maunoir), conservés à l'évêché de Quimper et classés MH.

Charles Lorin appartient à la Maison Lorin, fondée à Chartres en 1869 par le peintre-verrier Nicolas Lorin (1815-1882), et reprise par son fils Charles en 1882. Très active, elle a réalisé des vitraux à New-York, Vienne, Saïgon, et sur l'ensemble du territoire français. Elle s'est entourée de peintres tels que Charles Crauk et Lionel Noël Royer. Le Ministère des Beaux-Arts lui a confié la restauration de la cathédrale de Chartres et de l'église Saint-Pierre de Chartres, ainsi que celle de diverses cathédrales et de monuments historiques. Vers 1949, l'atelier a été repris par François Lorin jusqu'en 1972, puis par Gérard Hermet, Jacques et Mireille Jumeau.L'atelier  est toujours en activité 46 rue de la tannerie à Chartres, il a conservé une partie de son équipement du dix-neuvième siècle, et a été classé Monument Historique en 1999.

  Le commanditaire, le chanoine Jean-Marie Le Berre est né à Kerlouan en 1876. Après des études à Lesneven, il aurait été ordonné prêtre en 1902. Vicaire de Guimaëc de 1902 à 1905 puis de Saint-Martin-des-Champs à Morlaix jusqu'en 1926, recteur de Goulien de 1926 à 1933, il est alors nommé curé-doyen d'Élliant. Il est nommé chanoine honoraire du chapître de Quimper en 1944. On souligne aussi, dans la Nécrologie qui lui fut consacrée dans la Semaine Religieuse de Quimper et Léon (1949, p. 598 http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_semaines-religieuses/SRQL_1949.pdf), sa participation aux Missions, où ses talents pour la prédication et la direrction de chant sont appréciés. (Dans un article en ligne sur la chapelle Saint-Guénolé de Beg-Meil on signale que "le chanoine Le Berre, du Chapitre, a bénit la première pierre" en 1936, mais il s'agit d'un homonyme, Eugène Le Berre, également chanoine du chapître de Quimper depuis 1933). Jean-Marie Le Berre est décédé à Plouider le 6 novembre 1949, inhumé dans la tombe familiale au cimetière de Plouider.Il avait reçu la Croix de Guerre 1914-1918.

  Le vitrail porte en titre NOTRE DAME DU BON SECOURS. C'est le nom d'une chapelle d'Élliant, autrefois dédiée à Saint Roch pour implorer sa protection contre la peste, puis à Saint-Cloud, en ruine en 1782, reconstruite  en 1843 avec les pierres d'une chapelle Saint-Guinal , et dont le pardon est toujours célébré le quatrième dimanche après Pâques. A proximité, une fontaine est nommée Feunteun Sant-Cleyen, fontaine Saint-Cloud.

  Notre-Dame de Bon Secours ( Itron Varia Gwir Zicour, à Guingamp) est invoquée par les marins et les mariniers, et sa statue est souvent placée sur les promontoires à l'entrée des ports. Son culte est lié aussi à la survenue d'épidémies (peste, choléra), de guerres, et elle est aussi priée par les malades et les infirmes. A Kergloff (près de Carhaix), un cantique Itron Varia Kergloff était entonnée en son honneur, aux paroles militantes et patriotiques, en voici le dernier couplet (sur le même air que Itron Varia ar Folgoet, pour les connaisseurs) : 


"Deiz ho pardon, o Gwerc'hez, 
Dastumet 'n hoc'h iliz 
Na meump holl nemet ur vouezh 
Mouezh gwir vugale Breizh 
Nemet ur vouezh 'vit laret 
"O Itron Wir Sikour ! 
Kentoc'h mervel ma vez ret 
Evit bezañ treitour !" 


 

"Au jour de votre pardon, ô Vierge, 
Rassemblés dans votre église, 
Nous n'aurons qu'une voix 
La voix des vrais enfants de Bretagne, 
Une seule voix pour dire : 
"O Notre-Dame du Vrai Secours ! 
Plutôt mourir s'il le faut 
Que d'être traîtres !" 

  A Élliant, ce vitrail installé en 1947 a du être commandité pendant ou juste après la fin de la deuxième guerre mondiale, avec une relation possible avec les grands périls auxquels le pays et ses habitants avaient été exposés. J'ignore si la famille représentée est donatrice du vitrail, comme le suggère J.P. le Bihan, ou bien si elle est seulement le thème iconographique fixé par le chanoine Le Berre.

 2.  Le registre inférieur du vitrail.

  La frise inférieure représente une procession, et donc très certainement celle du pardon de Notre-Dame de Bon Secours. L'arrière-plan donne à voir un paysage doucement vallonné, peut-être une étendue d'eau, et des cumulus dans un ciel gris aux teintes pastels. Deux colonnes aux chapiteaux à motif crucifère encadrent la scène à droite comme à gauche. Le clergé est représenté par quatre prêtres : le recteur aux cheveux blancs, nue-tête, est vêtu de la soutane noire, du surplis blanc et du camail noir ; il porte l'étole qui le désigne comme celui qui célèbre l'office. Puis vient un prêtre plus jeune, également vêtu de la soutane, du surplis et du camail, mais qui est coiffé de la barrette, et qui porte une étole bleu-clair. C'est le portrait du Chanoine J.M. Le Berre.  Enfin deux vicaires, en soutane, surplis et barrette, et deux enfants de choeur, deux blondinets en soutane rouge et surplis, mais sans calotte. 

  Devant le clergé, trois hommes en costume traditionnel, dont l'un porte la croix de procession. Cette croix est reconnaissable, c'est celle qui est toujours visible à l'église :

 

 elliant 5729c

   Cette croix processionnelle est semblable à de nombreuses autres, du XVI au XIXème siécle, que l'on voit à Plouigneau, St Thégonnec, Plouenan, Lannedern, Plouguerneau, Plabennec, Plouvien, Pleuven, Pleyben, Guengat, Hanvec, ou Locarn et Ploezal, du type finistérien à deux boules latérales, le christ crucifié étant entouré de Marie et de Jean en une scène de Passion, ou bien, comme ici, par deux anges prosternés, portés par des socles en corne d'abondance. Le christ est surmonté d'un faisceau de rayons solaires comme en un ostensoir. Les boules latérales sont en partie godronnées, en partie ornées en ronde bosse de feuillage, et la boule centrale présente des guirlandes florales et deux têtes d'anges. Deux clochettes servaient à prévenir les personnes que la procession arrivait, afin, comme je l'ai lu, que les animaux soient maintenus à l'écart, mais aussi pour que chacun se prosterne et se recueille.

  Lors des fêtes, elles s'enrichissaient de flots de rubans.

  Une paroisse dispose de plusieurs croix : la croix des fêtes principales ( Nuit pascale, Rogations, Fête-Dieu, Sacré-Coeur, Assomption, Pardon), celle des fêtes secondaires, et celle des jours ordinaires.

   Les pardons sont des fêtes votives dédiées au saint patron de la paroisse ou de la chapelle, ou dédiées à la Vierge, survenant une fois l'an (le plus souvent de mai à septembre) et donnant droit pour les fidèles à des indulgences ou au pardon des fautes commises durant l'année. Un pardon associe une procession entre le lieu consacré et une fontaine ou en circumduction d'un territoire sacré, une dévotion à une fontaine, un office, et une fête profane avec jeux, chants et feu de joie.

  La procession est ritualisée : En avant (ou, comme ici, fermant le cortège des laïcs), la croix processionnelle de la paroisse. Puis, la bannière à l'effigies du saint votif, la Banniel Braz. Derrière, les croix et les bannières des paroisses voisines. Arrive alors la statue du saint ou de la Vierge, portée sur un brancart ; enfin, les enfants de choeur et le clergé, et fermant le cortège, le prêtre célébrant. Les porteurs étaient choisis et désignés par le recteur en fonction de leurs mérites et de leur respectabilité au sein de la paroisse. Lorsque, dans les préparatifs d'arrivée, les croix ou les Banniel braz de deux paroisses se rencontrent, un rituel de pacification (jadis la rivalité pouvait être féroce) impose que les porteurs inclinent chaque croix, ou chaque bannière, jusqu'à ce qu'elles se touchent : c'est le baiser des croix, c'est le baiser des bannières.

  Revenons à notre vitrail : devant les porteurs de croix, quatre femmes portent le brancart de la statue de Notre-Dame, alors que deux fillettes tiennent les rubans bleus stabilisant la statue. En effet, il est attesté que dans de nombreuses paroisses (Locronan, Bulat) c'était aux femmes que revenait l'honneur de porter les éffigies de la Vierge, alors que les statues de saints étaient portées par les hommes. Nous reviendrons sur la statue au grand voile bleu tout à l'heure.

En avant du cortège, trois hommes entourent une bannière de couleur bordeaux ou violette. Une bannière est disposée sur un support en croix, avec une hampe et un montant horizontal qui se termine par deux boules. Deux cordons latéraux y sont fixés, tenus par les deux hommes qui entourent le porteur de la hampe. Leur rôle est de guider la bannière et de la maintenir malgré le vent. 

  J'ai pu photographier deux bannières lors de ma visite à l'église Saint-Gilles : l'une en l'honneur de Notre Dame du Bon Secours, l'autre en l'honneur du saint éponyme de l'église, Saint Gily :

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        Celle-ci semble de facture récente. Ce n'est pas elle qui est sur le vitrail. C'est une Vierge en Royauté, couronnée, tenant le sceptre, son enfant couronné également tient un monde crucifère. Elle ne ressemble pas non plus à la statue portée en procession.

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  Elle semble plus ancienne. (En Bretagne, les plus anciennes bannières datent du XVIIème (ou excepionnelement XVIème) siècle, et la plupart datent du XIX-XXème siècle). Elle représente Saint Gilles l'ermite avec la biche qui, poursuivie par des chasseurs, s'était réfugié dans sa grotte et nourrit l'anachorète de son lait. L'inscription bretonne dit : Saint Gilles priez pour nous.

  Le saint est surmonté de trois blasons, l'un est celui du duché de Bretagne,couronné et les deux autres sont des armoiries écclésiastiques, celles de l'évêque du diocèse de Quimper et du Léon Henri-Victor Valleau (1893-1898), avec sa devise In te domini speravi et celles du pape Léon XIII (1878-1903).

  La datation de la bannière se situe donc entre 1893 et 1898, Yves Godec étant recteur (1889-1906), sous le mandat de maire d'Alain le Meur.

  Sa couleur semble correspondre à la bannière reproduite sur le vitrail. 

2. Le registre principal.

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  L'arrière-plan montre à droite la chapelle Notre-Dame de Bon Secours, et à gauche l'église Saint-Gilles, confirmant le dessein du commanditaire d'introduire le culte spécifique de la chapelle dans l'église parroissiale. Au milieu, un bâtiment à arcature surmontée d'une croix, que François Le Berre, petit-neveu du chanoine, est parvenu à identifier comme le fronton du monument aux morts (Aux enfants d'Élliant morts pour la France), lequel  reprend la forme de la Porte Triomphale ou porz ar maro des enclos bretons, par laquelle on n'accédait au placître que pour conduire un défunt à sa dernière demeure. Là encore, le choix est significatif, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

  Au premier plan, c'est à l'évidence une famille chrétienne type de la Bretagne de la première moitié du XXème siècle, avec le père, un peu plus grand que son épouse, la mère et les trois enfants, deux garçons et une fillette. tous, sauf l'homme qui tient un chapelet, ont les mains jointes. Ils sont endimanchés, mieux, ils portent la grande tenue de pardon.

 

4. Le registre supèrieur.

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   Sous l'irradiation d'un soleil divin, la Vierge se tient, droite, comme en assomption, mais couronnée, tenant l'enfant; vêtue d'une robe rouge à ceinture et d'un grand manteau bleu, nous la reconnaissons comme identique à la statue que les porteurs exposaient sur le brancard : c'est Notre-Dame de Bon Secours, conforme à l'iconographie. Puisque je n'ai pas trouvé la statue elle-même (peut-être est-elle dans la chapelle et non dans l'église), voici celle de l'église  N.D. du Bon Secours de Kergrist-Meilou : 

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   Au total, la lecture de ce vitrail est simple : Notre-dame de Bon Secours est invoquée pour protèger cette famille chrètienne, et, à travers elle, l'ensemble de la paroisse d'Élliant qui lui rend un culte annuel lors du pardon en sa chapelle éponyme.

 

  II. Les costumes bretons du vitrail .

  Le peintre et cartonnier Marc Choisnard n'est pas breton, mais il devait avoir ses attaches en Bretagne, notamment à Trèboul, où est né son fils ; on connaît de lui une Vue de Trèboul. Il a du travailler sur documentation, peut-être fournie par le commanditaire, et il s'est sans-doute basé sur les costumes portés entre 1930 et 1945 à Élliant.

  Pour ma part, je me fonde sur Le Costume Breton, René-Yves Creston, Tchou 1974, qui reprend le fascicule II du laboratoire de P.R. Giot au CNRS, La Cornouaille, 1954. R.Y. Ceston, après avoir participé à la Resistance, a éfféctué des missions pour le CNRS en 1945, 1947, 1948, dates qui encadrent celle de notre vitrail. Les pages consacrées à Élliant sont les pages 80-91. J'ai aussi consulté ce site :

http://www.arvromelenig.com/index.php/fr/historique/costumes

  Dans la publication de Creston, Élliant se voit rattaché à un territoire centré sur Rosporden et limité au nord par les Montagnes Noirs, au sud par le littoral allant du Pouldu à Bénodet, à l'est au cours de la Laïta et de l'Éllé, et à l'ouest par l'Odet. Mais la mode d'Élliant se distingue, pour le costume masculin, de son groupe d'appartenance en s'apparentant à la mode du pays glazig de Quimper pour créer un costume propre, surnommé du sobriquet de melenig, "jaunet, petit jaune" pour la couleur jaune citron de ses broderies. Le terme breton meleneg vient de melen, "jaune" et peut désigner un verdier, passereau jaune et vert, ou un homme blond.

C'est le costume masculin que nous découvrirons donc en premier :

1. Le costume masculin de la guise d'Élliant.

   Dans le texte, il se compose de :

-Un chapeau rond de feutre moins large que ceux du groupe de Rosporden, au large (mais moins qu'ailleurs) ruban de velours sans guides. Sur le site du cercle celtique Ar Vro Melenig, j'apprends qu'entre 1850 et 1880 "les guides en velours brodés par la future femme sont ensuite coupés le jour du mariage" : tout un symbole ! Le chapeau est en poil de taupe ou de castor, le ruban est fermé par une boucle d'étain, d'argent ou d'or selon les moyens.

- Une veste courte (chupenn) à manches, au drap criblé de piqures qui le rendent rigide, à la bordure doublée d'une large bande de velours noir qui se prolonge autour du col de la veste, et dont les boutonnières et boutons des modes voisines sont ici remplacées par des galons de soie brodés qui bordent le velours des bruskou ( pièce verticale le long du bord ) des manches et du col.

- un gilet haut, à plastron fermé, à manches, avec alignement de deux rangs verticaux de boutons.

 Regardons le vitrail :

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  On vérifie que le chapeau, la veste et le gilet du père et des garçons sont conformes à la description. Les pantalons sont en drap de laine rayè, bleu clair pour le père, beige clair et gris pour les garçons. Les vestes et gilets sont en drap bleu foncé. Deux des gilets montrent les rangées de plus de dix boutons dorés. Chez le père, le plastron se termine au dessus d'un autre vêtement de drap. Les chemises blanches ont un col assez montant.

   Il est temps de s'interesser aux fameuses broderies : elles justifient parfaitement sur ce vitrail le surnom de melenig puisqu'elles sont rendues par des verres jaune d'or et jaune orangé, et leur motif est le même : des fleurs quadrilobées qui centrent quatre feuilles, ou bien un feuillage, des feuilles enroulées en spirale et des fruits ronds au bout d'une tige. La figure 23 p. 81 de Creston donne les mêmes motifs exactement. Les pièces de broderie correspondent aux bruskou (bord droit de la veste), aux manches en situation brachiale, et à l'union des manches avec le corps de le veste. Sur le gilet, elles sont placées assez bas, sous la poitrine.

  On peut consulter ce lien http://fr.topic-topos.com/chupenn-melenik-elliant

pour s'assurer de la fidélité du vitrail.

 

2. Le costume féminin :

  Il se compose d'une jupe de satin ou de velours noir qui, en 1940, arrive aux mollets. Ici, la jupe est bordée d'une large bande de broderies au fil jaune à motifs géométriques. Un tablier court, sans devantier, en soie ou satin de couleur bleue, blanche ou violet s'orne de fleurs ou de cercles.

Au dessus, on trouve une camisole et un corselet dont on ne voit pas le laçage sous la poitrine. Chez la fillette (elle a déjà fait sa communion et porte la coiffe), le drap de velours noir est seulement orné de lignes d'un galon doré à l'emmanchure, au col et sur le devant. Chez sa maman, ces passementeries ne semblent pas plus compliquées, mais sont dédoublées. Ces décorations étaient réalisées en cannetille (fil d'or), perles ou fil de soie.

   Les éléments les plus caractéristiques sont la coiffe, et la grande collerette. Leur taille s'est accrue progressivement de 1850 à 1940, mais la coiffure s'est aussi modifiée et, en 1940, les cheveux sont relevés en couronne sur le devant de la tête au lieu d'être coiffés avec une raie et la mèche à droite : cette coiffure est bien visible ici.

  La grande collerette est en coton plissé ajouré et orné de dentelles. Son repassage et sa mise en forme après amidonnage fait appel à une technique très originale décrite dans tous ses gestes par Creston p. 333-337 : elle était tuyautée à l'aide de pailles cueillies en septembre, séchées et calibrées, montées sur des tresses, qui donnaient au col l'aspect gaufré souhaité. On retirait les pailles après que l'amidonnage ait fixé les plis.

  La coiffe est composée d'un bonnet, ou koef bihan sur lequel se fixaient un ruban puis des ailes, relevées et épinglées en boucle ;  d'une grande coiffe (koef bras) qui recevait de longs rubans et de grandes ailes, également relevées en boucle. Les deux coiffes étaient montées l'une sur l'autre. La coiffe était aussi amidonnée.

  Le vitrail donne à voir un costume féminin aux décorations et broderies plus sobres que celles des tenues du cercle celtique Ar vro Melenig, mais semble un témoignage fidèle de la réalité.

  http://www.arvromelenig.com/index.php/fr/historique/costumes

 

III. Complèment : le costume breton à Élliant au XIXéme : la statue de Saint Isidore.

   L' église d'Élliant offre un deuxième témoignage sur le costume breton sous la forme d'une statue de Saint Isidore. 

 Si saint Fiacre est le patron des jardiniers, Isidore le Laboureur est le patron des agriculteurs depuis sa canonisation en 1662 (dans la même promotion que Sainte  Thérèse d'Avila et François Xavier). C'est un saint espagnol, patron de Madrid, un valet de ferme qui travaillait tout autant qu'un autre chez le seigneur Vergas tout en se levant très tôt pour assister chaque jour à la messe, qui passait son dimanche en prière, tant et si bien que son employeur voulut savoir s'il ne dormait pas à son insu dans la journée. S'il ne dormait pas ? Que nenni, mais il priait, en extase, les yeux au ciel...tandis que deux anges invisibles guidaient pour lui les boeufs de la charrue.

  Philippe III d'Espagne a été guéri après avoir demandé à Saint Isidore d'intercéder pour lui auprès de Dieu.

Pierre-Yves Castel en a relevé la presence dans 17 paroisses du Finistère (sans noter celle-ci),  33 paroisses du Morbihan, et René-Yves Creston n'a pas manqué de bénéficier de ces statues d'un saint rural en costume local pour compléter ses données ethnographiques.

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Saint Isidore tient son attribut, la faucille, comme une martyre tiendrait sa palme, mais ses bragou bras (braies bouffantes)  de couleur écru, ses guètres boutonnées sur l'extérieur ou ses sabots témoignent de l'authenticité de  son passé de travailleur des champs. Sa large ceinture de cuir (gouriz) va de pair avec le bragou braz. Ici, elle est fermée par une boucle.

  Il porte une veste courte, ouverte, de drap bleu brodée aux manches et sur les cotès, En dessous, un premier gilet, de couleur rouge, ouverte, est décorée du coté droit de plus de 24 boutons de métal blanc alignés en se touchant. Puis vient un gilet fermé sur le coté droit de cinq ou six boutons du même métal, qui possédent leur homologues à gauche. La plastron de ce gilet de drap bleu clair est enrichi d'une bande de six centimètres brodée au fil rouge, jaune, bleu et (?) vert, aux motifs bien élaborés en coeur, fleurs et palmettes.

  Une chemise, de chanvre ou de lin, monte haut sur le cou, et n'est ouverte que par une courte fente frontale.

  Isidore, dans une église, n'a pas de chapeau, mais ses longs cheveux témoignent de la réalité de la mode capillaire du XIXème siècle, qui avait tant ému Flaubert lors de sa visite de Ty Mamm Doue.

 

 

Conclusion 

   Le vitrail sud de l'église Saint-Gilles d'Élliant offre à la fois un témoignage de la foi chrétienne et du culte de Notre-Dame du Bon Secours au lendemain de la Libération, et un document ethnographique sur le costume breton écclésiastique, masculin et féminin et sur les variantes élliantaises de la Guis foën ou mode de Rosporden. Une statue de Saint Isidore donne la version rurale et ancienne du costume.

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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 00:00

     

 

Les vitraux de l'église Saint-Thurien à Plogonnec  IV :

             Le vitrail de la Résurrection et des Saints.

 

  Le 29 juin 1730, le conseil de fabrique décide d'agrandir la chapelle Saint-Herbot pour la mettre en harmonie avec celle de Saint-Claude. Pour cela, on agrandit la baie, qui est alors vitrée de verres incolores. Puis, en 1860, le recteur Dupont décide de transférer les vitraux de la chapelle Saint Théleau à l'église paroissiale.

I. Saint Théleau, et la chapelle Saint-Theleau à Plogonnec.

Saint Théleau :

Saint Théleau, ou Thélo, (Telio, Tilio ou Telo en breton), est un saint gallois du VIème siècle que la peste chasse de son pays en 547. Traversant la Manche, il rejoint alors à Dol Saint Samson, gallois également et disciple de Saint-ildut, et il seconde l'Abbé de Dol "pendant sept ans et sept mois" avant de revenir en pays de Galles. Il y fonde le monastère de Llandeilo et devient évêque de Llandaff ; 25 localités galloises portent son nom. Curieusement, alors que le culte de Saint Samson est très peu implanté en Basse-Bretagne, celui de saint-Théleau y est  présent à Locronan, Landeleau (lann-theleau), Leuhan et Daoulas, alors que ce saint n'a jamais séjourné en Finistère. Certains suggèrent que son implantation y est due au fait que Sant Telo est représenté chevauchant un cerf et qu'il reprend l'attribut du dieu gaulois  Cernunnos (dont le nom signifie Le Cornu) : le cerf, animal mythique des celtes, symbolise par la repousse annuelle de ses bois le retour cyclique des forces vitales. En effet, l'iconographie qui le représente avec cet animal semble propre à la Bretagne et ne pas être connu dans les églises galloisses (Site Catholic.org). Ses reliques ont été conservées en pays de Galles, mais aussi à Plogonnec, Landeleau et Saint-Télo (22).

  La légende transmise à Landeleau est celle-ci : "le Saint quand il  arriva en ce pays se bâtit d'abord un ermitage et construisit ensuite une église à laquelle il désira joindre un térritoire pour former une paroisse. S'étant abouché avec le seigneur de Châteaugall, celui-ci lui dit : "je t'abandonne tout le territoire dont tu pourras faire le tour en une nuit, mais il est bien-entendu qu'au chant du coq, en quelque lieu que tu sois tu feras halte [...] Saint Théleau se tenant sur le seuil de la porte se mit à siffler, aussitôt un cerf sortit du bosquet et vint s'agenouiller aux pieds du Saint ; celui-ci, la nuit tombée, monta sur le cerf et se mit en route, l'animal galopant de toute la vitesse de ses jambes, mais comme il traversait la cour de Caste ar Gall, les gens lâchèrent sur eux les chiens, le saint n'eut que le temps de sauter sur un chêne, tandis que le cerf se réfugiait dans les bois." (Chanoine Peyron)

  On trouve ici le thème de la délimitation du territoire sacré par un saint monté sur un animal ou derrière les boeufs d'une charrue,  comme Raymondin qui, dans le roman de Mélusine, utilise la peau d'un cerf merveilleux pour délimiter le territoire de Lusignan, mais aussi  celui du saint maîtrisant les énergies sauvages et cosmiques en chevauchant un animal soli-lunaire, comme Merlin, Hervé, Karieff, Léonard ou Magloire. Le cerf de Saint Théleau évoque aussi le cerf psychopompe ou celui qui assure le passage du héros, dans les romans de la Table Ronde, vers le monde du merveilleux, l'Autre-Monde. Et il rejoint aussi le cerf portant une croix dans sa ramure et qui apparaît pour le convertir à Saint-Hubert, Saint Eustache ou au Saint Julien des Trois Contes de Flaubert, trois princes qui s'adonnaient à la cruauté bestiale de la chasse : "Pourquoi me persécutes-tu ?" . ( A Cast, à quelques kilomètres de Plogonnec, cette chasse de saint-Hubert est représenté en sculpture monumentale).


La chapelle Saint-Théleau :

   Située à la limite de Plogonnec et de Locronan, cette jolie chapelle a été fondée, comme l'atteste l'inscription en lettres gothiques de la tourelle sud, "Le 22 jour de may 1544 fust fonde cest". D'autres inscriptions datent la sacristie de 1695 (V:MIO:A:LE:GRAND:/F:PERFIOV:F:1695), le bras nord de 1727. Les comptes de fabrique mentionnent l'existence des verrières et leur entretien régulier jusqu'en 1676. En 1778, un aveu de prééminence mentionne les armoiries de Léon, et celles de Coatanezre (armes qui se retrouvent à Ergué-Gaberic au tympan de St-Guinial)  sur les baies axiale et méridionale. Puis les verrières sont prélevées pour créer la vitre que nous étudions, et il ne reste que des débris de vitraux dans les remplages de la fenêtre du chevet (anges portant les instruments de la Passion) et du transept sud (anges).

 En 1976, alors que la toiture venait d'être restaurée entièrement; la foudre détruisit la flèche et en partie la chambre des cloches ; le clocher fut reconstruit les années suivantes.Le grand pardon de saint Théleau a lieu le dimanche après la Saint-Jean.

 

II Le vitrail des Saints et de la Réssurection en Baie 7.

Il est daté par le Corpus Vitrearum de 1525-1530 et 2ème moitiè du XVIème siècle, de 1550 par Roger Barrié dans sa thèse. Mesurant 3,50m de haut et 1,90 m de large, il se compose de trois lancettes de trois panneaux et demi.  Il a été recomposé en 1862 par l'entreprise quimpéroise Manceaux-Gueguen à partir de panneaux de la chapelle Saint-Théleau, en associant une scène de réssurection de trois panneaux venant du registre supérieur de la maîtresse vitre, avec des panneaux représentant des saints, au prix d'un fort travail de recomposition de panneaux brisés, et de remplissage par bordure et maçonnerie pour compenser la différence le largeur des lancettes entre st-Théleau et la baie du bras nord du transept, alors nommé chapelle saint-Mathurin.

  Il a été déposé comme les autres verrières avant la dernière guerre, pour être reposé par J.J. Gruber en 1953

1. Le registre inférieur.



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-Panneau A1 daté du 3ème quart du XVIème s.

 Saint Nicolas bénissant la tempête : tel est le titre accordé à cette scène, bien que Roger Barriè, plus prudent, considérait que cette identification n'était que possible, mais que tout autre saint breton (irlandais ou gallois traversant la Manche, par exemple) pouvait faire l'affaire. La nef et son gréement correspond aux navires du début du XVIème siècle. Cette embarcation  de trois mats, le grand-mat équipé d'une hune pour le guetteur, le mat d'artimon étant gréé d'une voile latine qu'on voit ici ferlée,  est-elle une caraque, très ronde dotée d'un château ou gaillard arrière (ici bien visible) destiné à placer les archers en hauteur, mais aussi d'un château avant (ici discutable), ou bien une caraque atlantique type 1510 intermédiaire avec le galion ? Les caraques, qui peuvent atteindre 250 à 1000 tonneaux, sont grées de deux voiles carrées sur le grand-mat, d'une voile carrée sur le mat de misaine, et d'une civadière sur le beaupré.

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-Panneau B1 datant du 3ème quart du XVIè s., complété.

Saint diacre bénissant, devant une tenture verte damassée et frangée; j'ignore sur quel critère on l'intitule diacre et non évêque alors qu'il tient la crosse : j'ai encore beaucoup à apprendre. Au dessus d'une tunicelle la chasuble rouge vermillon est ornée d'une croix dorée.


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Panneau C1 datant de la fin du XVIème s. complété, avec de nombreux collages et quelques restaurations.

  Il représente le miracle de Saint-Éloi évêque de Noyon, orfèvre, ministre de Dagobert, mais que la légende présente comme un simple maréchal-ferrand qui, pour ferrer plus facilement un cheval rétif, trouva plus simple de profiter de ses pouvoirs de thaumaturge pour couper la patte, la ferrer sur l'enclume avant de la remettre en place. 

  Éloi, barbu, est vêtu d'un habit vert recouvert du tablier de forgeron et non de celui  de maréchalerie, qui se divise en deux pièces sur les cuisses. Il tient en main ce qui ressemble à un brochoir, qui sert à enlever les clous du sabot, à moins que ce soit une reinette, qui sert au parage, ou un outil mixte.

  Le propriétaire qui regarde, ébahi, le travail est vêtu d'une tunique rouge,  bragou braz et de guêtres.

  Roger Barrié mentionne dans sa thèse que la chapelle saint-Théleau est également nommée saint-Éloy.

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2. Registre moyen : 

 

Panneau A2 :

Les fragments d'un évêque bénissant ont été largement complétés d'éléments récents.


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Panneau C2 :

datant du 3ème quart du XVIème siècle.

C'est le panneau représentant Saint Théleau chevauchant son cerf élaphe ; il tient la crosse et porte la mitre de l'évêque, et porte une grande cape rouge frangée et bordée d'orfrois.

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3. Registre supérieur .


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Panneaux A3 et A4 

panneau très restauré du 3ème quart du XVIème siècle représentant Saint Edern chevauchant un cerf : cet ermite gallois de la fin du IXème siècle se distingue de Saint Théleau (en habit d'évêque) par son costume de moine. C'est le patron de la paroisse de Plouedern. Formidable ! Les blochets de l'église Saint-Edern à Plouedern. où se voit sa statue de cavalant sur un cervidé.


 

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Panneau C3 et C4

datant aussi du 3ème quart du XVIème siècle, restauré.

Il montre un saint (auréole) pèlerin ( bourdon, chapeau) qui marche pied-nus mais à bon pas, tenant un objet non identifié dans la main droite. On peut y voir Saint Jacques (la grande barbe correspond à son iconographie) ou Saint Roch (Corpus vitrearum) ou bien (Roger Barrié), Saint Ronan, venant à grande enjambée de la paroisse voisine de Locronan, et tenant à la main sa célèbre cloche.

 

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Panneaux B2, B3, B4 : Christ ressuscité.

Datant de v.1560, ces trois panneaux peu restaurés sont les plus beaux du vitrail, et reprennent l'iconographie des différentes Passions ou Résurrections de la région (par exemple Confort-Meilars : Vitrail de la Résurrection à Confort-Meilars.)

  Le Christ vêtu du manteau rouge de la résurrection montre les cinq plaies de sa Passion et tient la croix hastée devenue emblème et houlette du Bon Berger. Il se dresse debout, enjambant le tombeau vide au grand effarement de deux soldats romains, tandis qu'un troisième, glaive en main, somnole sur sa hallebarde et son bouclier rond à godrons .

 

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Le tympan

Datant de 1525-1530, il a conservé sa place d'origine. Il se compose de cinq ajours représentant Dieu le Père et quatre anges en grisaille rehaussée de jaune d'argent ;dans le soufflet, le Père Eternel, coiffé d'une tiare pontificale, est vêtu d'une aube, d'une étole croisée et d'une chape orfrayée au fermoir quadrilobé.


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  Les anges volent à l'intérieur des mouchettes, présentant qui la colonne et la lanterne des gardes, qui la coupe de boisson amère (ou le calice de l'agonie), qui la colonne de la flagellation et la bourse de trente deniers. celui qui , à gauche, ne porte rien de défini serait placé récemment  puisque R. Barrié ne l'a pas décrit. Je lui imagine l'éponge de vinaigre dans la main gauche.

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   Source :

Les vitraux de Bretagne, F. Gatouillat et M. Hérold, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires d Rennes, 2005 p. 159.

Etude sur le vitrail en Cornouaille au XVIème siècle, Roger Barriè, thése de troisième cycle, Université de Haute-Bretagne, Rennes 1978.

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Published by jean-yves cordier
15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 20:34

                                           Ne pas oubier que ceci est un travail d'amateur: non pas baclé par dessus la jambe, mais éffectué au pied levé, la jambe lègére et l'oeil polisson.

                                 Pierre Dumayet : "Je suis amateur de peinture et de bons vins : je sais distinguer un Chagall d'un Saint-Émilion".

 

 

 

                         L'église Saint-Thurien de Plogonnec :         

                    Les statues et les bannières.

 

 Puisque le vitrail de la Baie 7 va nous amener à découvrir 7 saints, je propose de faire auparavant le tour de l'église pour y découvrir à quels saints la paroisse a consacré ses statues et bannières :

  I. Les statues de l'église Saint-Thurien.

  Si Saint Thurien est le patron de l'église, c'est par contre Saint Conec, ou Connec, parfois assimilé à saint Thégonnec, qui donne son nom à la paroisse (plou) de Plo-gonnec. En outre, les chapelles de l'église ont été vouées, au fil du temps depuis sa fondation au début du XVIème siècle à Saint-Michel, Saint Herbot, Saint Claude, Sainte Barbe et Saint Maudez (XVIIème), puis au XIX-XXème siècle à Saint Maudez, saint Sébastien, Sainte Anne, Sainte Marguerite, Saint Joseph et à N.D du Rosaire. 

 

1) De part et d'autre du choeur : Saint Thurien et Saint Étienne :

Il s'agirait selon les diverses sources de statues en pierre polychrome du XVIIIème siècle, datation sans-doute attribuée d'après leur socle, bien que, sur le plan de l'église au XVIIème siècle donné par Roger Barriè dans son article Mobilier de Bretagne, les statues de saint Thurien et de Saint Étienne (sous le nom de Saint Stephan) sont indiquées à cet emplacement du XVII au XXème siècle.

Saint Thurien ou Saint Thuriau ou Thurial, Sant Turio.

Fiche site Grand Terrier :http://arkaevraz.net/wiki/index.php?title=Sant_Turio

Ancien archevêque de Dol au VIIIème siècle, invoqué pour combattre les fièvres, il est représenté en évêque avec mitre précieuse ou orfrayée, crosse et gants épiscopaux, bague sur le majeur des deux mains (et non, comme l'anneau épiscopal, qui est portée à l'annulaire après avoir été placé depuis le IVème siècle à l'index droit, et qui sert pour les bénédictions alors qu'il est ôté pendant la messe) et porté par dessus les gants comme cela se doit, soutane lie-de-vin, aube blanche, croix formée de cinq cabochons rouges dont le gemme central est quadrilobé, dalmatique frangée, chape de cérémonie rouge au revers vert et à la large bordure dorée.

   Les gants se terminent, vers la manche, par un ourlet d'or qui s'achève par un gland bilobé.

   La crosse  est tenue par la hampe, laquelle est surmontée par un noeud octogonal limité par deux viroles lisses, l'une ronde et l'autre polygonale : le crosseron enroule sa volute 

 

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  Si cette inscription indique la date de la statue et le nom du commanditaire, le statue est bien du XVIIIème. Kernaleguen est un patronyme de Plogonnec. Corentin Kernaguelen, né le 6 janvier 1739 à Keranou en Plonevez-Porzay, ordonné prêtre à Pâques 1767, devint recteur/vicaire à Berrien de 1787 à 1803 :pendant la Révolution il fut détenu au château de Brest du 11 décembre 1791 au 11 août 1792, puis déporté en Espagne à Mondonedo. Il est nommé recteur de Plogonnec le premier janvier 1804, succédant à Nicolas Louboutin, et remplissant cette charge jusqu'en 1805. (Source :archives du  de diocèse de Quimper, Bdha 1903, Berrien, et 1940, Plogonnec)

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Saint Étienne.

  Ou Saint Stephan, Sant Stephan en breton. Fêté le 26 décembre.

Hagiographie sur Grand Terrier :http://arkaevraz.net/wiki/index.php?title=Sant_Stefan

 C'est le premier diacre consacré par les apôtres : il est représenté en tenue ecclésiastique avec une aube blanche ourlée d'or et une tunique dorée à larges manches. Je n'identifie pas ce qu'il porte de la main droite.

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  La plaque ne porte pas de date mais semble contemporaine de celle de la statue de Saint-Thurien. On note l'orthographe Saint Etiene. Décidément, entre le N omis remplacé par le tilde, le N rétrograde et le N oublié, la quatorzième lettre de l'alphabet est la mal-aimée des épigraphistes.

   Le fabricien, Louis Cosmao, est né le 6 février 1750 à Locronan, a épousé le 19 juillet 1774 à Plogonnec  Perrine Bernard (2-07-1758 Plogonnec/8-05-1797 Plogonnec) , a donné naissance à Perrine Cosmao le 21 septembre 1782 et est décédé à Plogonnec à 56 ans le 2 février 1807.

 

statues 4443c

 

Saint Maudez , Sant Maodez

  Hagiographie : http://arkaevraz.net/wiki/index.php?title=Sant_Maodez

  Ce saint venu d'Irlande au VIème siècle pour évangéliser la Bretagne se retira sur l'île qui porte son nom dans l'archipel de Bréhat, l'île Modez où il vécu en ermite. Rien ne justifierait sa tenue d'évêque, si ce n'est qu'on lui attribue la fondation d'un prieuré dont il serait l'Abbé.

Statue de granit du XVIème siècle qui me semble assez proche de celle de saint Thurien. Même mitre (mais les fanons sont ici larges et bien visibles), mêmes gants (mais la bague laisse la place à un bijou en or sur le dos du gant, là où les chirothèques portent une plaque circulaire crucifère), même croix pectorale, même succession de l'aube, de la soutane, de la dalmatique largement brodée et de la chape rouge, et jusqu'à l'ornementation de l'orfroi qui borde la chape qui associe pareillement deux points, et un ovale.

  Les gants, comme cela est devenu courant à la fin du Moyen-Âge, s'évasent en un brassard qui pend sous le poids d'un gland ou d'une cloche d'or (à moins qu'il s'agisse d'un noeud de passementerie avec sa houppe).

La crosse ressemble aussi à celle de Saint Thurien, mais le crosseron est ici  hérissé de crochets figurant des bourgeons, et il ferme sa volute autour d'une feuille découpée : feuillage et bourgeons symbolisent la vigueur et la fécondité de l'action épiscopale ou, ici, de celle de l'abbé.

  Enfin la soutane donne à apercevoir les"sandales pontificales", que j'imaginais comme les sandales des moines mais qui sont des chaussures fermées à talon plat, parfois enrichies de galons, de bandes gemmées ou de broderies, ce qui n'est pas le cas ici.

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 Saint Herbot???

 

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Saint Claudius : Saint Claude le thaumaturge

Évêque de Besançon et Abbé de Saint-Oyand au VIIème siècle sous Clovis, fêté le 6 juin.

  Statue de pierre polychrome du XVIème siècle. 

Nouvel exemple de tenue épiscopale avec mitre à longs fanons, gants évasés à l'emmanchure, et (je me lance) autour du cou l'amict, "bande d'étoffe servant de col pour protéger la chasuble", et puis la soutane rougeâtre, un surplis, la dalmatique verte et, si l'étoffe en forme de croix est indépendante de la chasuble, je pourrais la nommer comme étant le pallium,que portent les archevêques et le pape.

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???

Statue en bois, XIXème ? permettant de compléter l'étude des costumes avec un bel exemple de chasuble noire et blanche et de manipule, linge long et étroit frangé et orné d'un galon et d'une croix porté au poignet gauche lors de la célébration eucharistique.

 

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                    statues 3597c

                                     Sablière, Plogonnec

 

II. Les bannières de l'église Saint-Thurien.

 Le Nouveau Répertoire des églises et chapelles du Diocèse de Quimper et de Léon de René Couffon (édition 1988) n'en mentionne aucune, et la thèse de C. Hermelin Guillou non plus, ce qui ne va pas m'aider. (Plus précisément, R.Couffon signale une bannière de SaintAubin du XVIIème dans la chapelle éponyme, et C. Guillou signale les comptes de fabrique de la paroisse avec 296 livres versés en 1625 à Julien Julle ou Jule de Quimper pour une bannière de velours vert et rouge, puis de petites dépenses d'entretien) Voyez cela comme une ébauche, un canevas, et aidez-moi de vos commentaires.

  Une bannière bretonne se caractèrise par son matériau de prédilection, le velours, par la partie supérieure qui forme gousset pour une traverse dotée à chaque extrémité de pommes métalliques ou de bois doré ou passementé et d'où s'attachent les cordelières qui servent de haubans, par la partie inférieure ou lambrequin découpée en trois à sept festons bordés d'une frange de cannetille, ou plus rarement de tresses, par l'opposition enfin entre un panneau central ou un personnage en soie ou lin brodé, parfois en toile peinte, et une bordure où les motifs floraux ont libre cours. Et si on s'amuse à prendre l'une de ces parties, par exemple les festons, sur chacune des sept bannières présentées ici, on constatera qu'aucune ne ressemble à l'autre. Dans les creux des festons sont parfois dissimulés des grelots ou clochettes cachés par la passementerie.

Elles mesurent entre 120 et 140 cm de large et 170 et 190 cm de hauteur. La couleur du velours est soit le vert (ici, ste Anne), soit le rouge (4 sur 7) ou le brun, et pour Marie, le bleu. Elles ont deux faces, et sont donc l'accolement de deux éléments dont les représentations sont différentes, même si, dans les églises, une seule face est examinable.

  Il est difficile de savoir qui les a réalisées : maître-brodeur, couvent de Carmélites ou d'Ursulines ? Pour le Léon et la Cornouailles, René Couffon cite quelques noms seulement de maître-brodeurs: Floc'h à Quimper, Landais à Lannion, Le Gall et Tuberville à Morlaix. Depuis 1953, la maison Le Minor de Pont-L'Abbé en a réalisé 35 pour les paroisses bretonnes, notamment Locronan. Je les trouvent superbes. Treize sont de Pierre Toulhoat, d'autres de Patrice Cudennec.

  Lorsqu'elles n'étaient pas utilisées, elles étaient conservées dans des armoires à bannières en forme de T caractèristique (avec l'élément droit central pour les hampes), dont on observe parfois des exemplaires anciens.


  Saint Thurien :

  C'est la bannière de la paroisse, ou Banniel bras. Elle est de facture récente, (Le Minor ?) avec les broderies de fils orange-fort, vert, jaune et bleu qui dessinent des lignes ondulées, des planètes et des soleils ou des palmettes, mais la pièce principale, au centre, paraît plus ancienne. Saint Thurien est en évêque comme sur la statue avec chasuble et pallium frangé.

 

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 Saint Thégonnec :

  Sant Thegonnec pedit evidomp, "Saint Thégonnec priez pour nous" : Saint Connec est donc ici évoqué pour tenir compte du nom de la commune, ou c'est Saint Thégonnec lui-même en raison de la présence de la chapelle Saint-Thégonnec à Plogonnec.

 Ce saint serait né à Kerfeunteun en Plonevez-Porzay, commune voisine, et aurait établi son ermitage à Plogonnec après avoir promis aux gens de Kerfeunteun qu'ils seraient persécutés par les chiens érrants pour les punir de leur méchanceté. Plus tard, il partit dans le Léon vers la paroisse qui porte actuellement son nom, apprivoisant un loup qu'il attela à sa carriole. On voit à ses pieds un animal qui ressemble d'avantage à un chien (l'eau de sa fontaine guérit de leurs morsures) qu'un loup.

 

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Saint Étienne :

Sant Stephan pedit evidomp, "Saint Étienne priez pour nous", bannière au beau travail de broderie avec les anges de fil rose, les armes du duché de Bretagne entre deux deux lévriers, un arc de triomphe avec deux niches où veillent deux apôtres (sans-doute) encadrant le diacre portant la palme du martyr,et deux colonnes ornées à leur base de séraphins. Les rinceaux alliant la pampre et les épis de blé, l'alternance d'étoiles et d'épis sur les sept festons, le christogramme IHS sont encore autant d'éléments à admirer, comme la banderole "paroisse de Plogonnec" et surtout les deux blasons qui nous permettent une datation.

  Le blason de droite est celui de Monseigneur Dubillard, évêque de Quimper du 14 décembre 1899 à sa nomination comme archevêque de Chambery en 1907. Il porte "d'azur à trois épis d'or, tigés et à la feuille ployée d'argent" et sa devise est Deus adjuvat me. (il me semble lire une autre devise).

  Le blason de gauche est celui du pape Léon XIII, "d'azurro, al cipresso piantato su una pianura, il tutto di verde, alla fascia d'argento attraversante, accompagnata nel cantone destro del capo da una stella cometa d'oro disposta in banda e in punta da due gigli del medecimo". "d'azur au cyprés de sinople planté sur une plaine de même accompagné au franc quartier d'une comête et en pointe de deux fleurs de lys, à la fasce d'argent", dont la devise est Lumen in coelo. Il fut pape de 1878 à 1903.

  Cette bannière date donc de la période 1899-1903.


 

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Jeanne d'Arc :

  La bannière est frappée de la croix à deux traverses égales qui est la croix de Lorraine ou croix des ducs d'Anjou puis de Lorraine. Elle porte aussi les prétendues armoiries de Jeanne d'Arc, qui était roturière, s'est toujours défendue, notamment lors de son proces, d'en porter. Voir :http://www.blason-armoiries.org/heraldique/j/jeanne-d-arc.htm

  

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 Sainte Thérèse : 

La bannière porte le blason épiscopal de Mgr Duparc, évêque de Quimper de 1908 à 1946 : on le décrit comme "parti : -1) d'azur à l'agneau d'argent -2) d'or au lion de sable, tenant une crosse  -Sit) un chef d'hermines". Sa devise en breton est Meulet ra vezo jezuz krist "que soit loué Jésus-Christ".

  Le blason papal est celui de Pie XI, pape de 1922 à 1939. Il est "troncato : nel primo d'oro, all'aquila col volo abbassato di nero, membrata e imbeccata del campo ; nel secondo d'argento, a tre palle di rosso disposte due e una", soit "coupé en 1 d'or à l'aigle de sable et en 2 d'argent à trois besants de gueules". Sa devise raptim transit est tirée de Job 6,13 et peut signifier "il passe rapidement" (dans Job, la phrase frates mei praeteriunt me sicut torrens qui raptim transit in convalibus signifie "mes frères ont passé devant moi comme le torrent qui traverse rapidement les vallées." )


La bannière est donc datable de 1922 à 1939. 

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Santez Anna sainte Anne :


 

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La bannière de la Vierge.

Elle représente la Vierge de l'Apocalypse (sur le croissant de lune) avec la couronne de sept étoiles, adaptation de la citation d'Apocalypse 12,1 "Un signe grandiose apparut au ciel : une femme ! le soleil l'enveloppe, le lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête. Cela tient sans-doute compte de l'apparition de la Vierge de Guadaloupe au Méxique, mais cet emblème marial couronné de sept étoiles sur fond d'azur est bien plus ancien et le chiffre sept renvoit aux sept sacrements de l'église ou à Notre-Dame des sept douleurs.


bannieres 4433c

 

 

   Conclusion : 

On pourrait étudier comment une paroisse adapte son architecture et son ornementation en fonction de l'évolution des données théologiques ou des mouvements de la foi populaire, et très shématiquement à Plogonnec les saints guérisseurs ou protecteur de la peste, des fièvres, des zooties, de l'orage ou autres malheurs ( Sébastien, Thurien, Hernot, Barbe, Catherine, saints martyrs, archange Saint-Michel) laissent la place après le Concile de Trente au culte marial, à Notre-dame du Rosaire, à Sainte Anne puis au XIXème au culte de Saint-Joseph, du Sacrè-Coeur, de Notre-dame de Lourdes, puis à celui de Saint Thérèse de Lisieux et Jeanne d'Arc.  Le travail publié par Roger Barrié Mobilier cultuel et décor intérieur en Basse-Bretagne 1983 permet de suivre cette évolution, et l'examen des statues et des bannières y contribue modestement.

 

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Published by jean-yves cordier
15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 09:13

 

                                   Les vitraux de l'église St Thurien

                           à Plogonnec,  

                  III : La Transfiguration.


 

 

 

 

      Dans l'église de Plogonnec, ce vitrail du XVIème siècle trouve placé dans une baie (Baie 1) située à droite du choeur, au nord, au dessus de l'autel d'une chapelle dédiée au XVIIème siècle à Notre-Dame, puis au XVIIIème siècle à Saint-Sébastien, et alors entouré des statues de St Sébastien et de St Roch, puis au XIX et XXème, toujours à saint-Sébastien mais avec des statues de Ste Catherine et de Ste Monique. (R. Barrié, 1983).

   Il est daté de 1520 par le Corpus Vitrearum, et il est certain qu'il provient, comme les autre verriéres de Plogonnec, de l'atelier principal de Quimper, donc quasi-certainement de l'atelier des Le Sodec, qui réalisait à la même époque les  vitraux de la nef de la cathédrale de Quimper, l'arbre de Jessé de Kerfeuteun et dont on reconnait les cartons et ornements employés à Ergué-Gaberic, à Penmarc'h, ou à Saint-Conogan de Lanvenegen (56), dans le vitrail de la Transfiguration de Sainte-Barbe au Faouët. Récemment, le maître-verrier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan a dressé une synthèse des oeuvres attribuables à cet atelier et des arguments de cette attribution :http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/400-categorie-796391.html Personne sans-doute n'a plus de compètence pour le faire.

  Il est composé de trois lancettes de cinq panneaux fixés par quatre barlotières, alors que le remplage du tympan délimite un oculus central de deux mouchettes.

  Je le décrirai de bas en haut et de gauche à droite, intitulant les lancettes respectivement A, B, C, et numérotant les étages verticaux de 1 à 5.

  Sa couleur dominante est le rouge, qui est aussi la couleur du ciel, alternant avec le blanc des architectures.

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      A première vue, il semble superposer deux thèmes iconographiques différents : en bas, deux statues de saintes, en pied, entourant une Vierge à l'enfant, sans rapport apparent avec la partie supérieure qui représente la Transfiguration, et le Christ au sommet d'une montagne. Mais la cohérence se trouve dans une lecture théologique inspirée des Carmes où la Vierge et deux figures mariales, deux épouses mystiques du Christ, Marie-Madeleine et Catherine d'Alexandrie, guident le fidèle dans son ascension vers la métamorphose de la conversion.

 

 

 

 

I. Registre inférieur :

  Il semble indépendant des registres sus-jacents en présentant deux saintes, debout, encadrant une Vierge à l'enfant.

1) Panneaux A1 et A2 : Sainte Marie-Madeleine :

   Marie-Madeleine est, dans l'église catholique, La grande figure de la Pénitente, la courtisane repentie qui a abandonné le luxe et la débauche pour l'ascése : sa place dans ce vitrail peut se situer dans le grand courant pénitentiel qui suit les épidémies.

  On considère que c'est elle dont parle l'évangile de Luc, 7, 37-38 :

       Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfum, et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait ; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum.


C'est la raison pour laquelle on la représente avec un flacon de parfum, et de très longs cheveux déliés.

  Plus loin Luc,(8, 2) mentionne une autre femme : 

Les douze étaient avec lui et quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits malins et de maladies : Marie, dite de Magdala, de laquelle étaient sortis sept démons,

  Et on considère qu'il s'agit de la même pécheresse. Et c'est encore elle, Marie magdalennéenne ou Madeleine, qui est au pied de la Croix avec Marie et Jean : Matthieu, 27, 55-56 . Cela en fait une disciple privilégièe, qui serait "la préférée de Jésus" pour reprendre le qualificatif qu'on attribue à Jean.

         Il y avait là plusieurs femmes qui regardaient de loin ; qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée,              pour le servir.Parmi elles étaient Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.

   C'est aussi elle, forcément, elle qui est experte en parfum, qui se prépare à aller embaumer le corps de Jésus lors de la mise au tombeau : Luc, 23, 55-56 et 24, 1-2.

         Les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus accompagnèrent Joseph, virent le sépulcre et la manière dont le corps de Jésus y fut déposé. et, s’en étant retournées, elles préparèrent des aromates et des parfums. Puis elles se reposèrent le jour du sabbat, selon la loi.

         Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre de grand matin, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent que la pierre avait été roulée de devant le sépulcre.

Matthieu 28,1-4  :

     Après le sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent voir le sépulcre.Et voici, il y eut un grand tremblement de terre ; car un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre, et s’assit dessus.Son aspect était comme l’éclair, et son vêtement blanc comme la neige.Les gardes tremblèrent de peur, et devinrent comme morts.

 

Enfin, c'est elle qui découvre le tombeau vide, et qui annonce la ressurection à Pierre, et c'est surtout elle qui rencontre le Christ habillé en jardinier, c'est elle qui l'appelle du doux diminutif tendre de Rabbouni, elle à qui s' adresse la phrase fameuse : Noli me tangere.

 

 

 

        Cependant Marie se tenait dehors près du sépulcre, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le sépulcre ; et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds.Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répondit : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.

     Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit en hébreu : Rabbouni ! c’est-à-dire, Maître ! Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.

 

   Non contente de tenir de tenir tous ces rôles de Prima donna, elle s'est fait attribuer aussi par la tradition celui de Marie de Bethanie, la soeur de Lazare et de Marthe, celle qui reste assise aux pieds de Jésus pour l'écouter alors que sa soeur s'agite pour recevoir son hôte, s'irritant que rien ne soit prêt, qu'il manque un verre à pied, que la nappe n'est pas propre et que Marie aurait au moins pu s'occuper de mettre le bouquet de fleur apporté par son "rabbouni" dans un vase.

  En tout cas, la pécheresse de Luc 7, 37  et Marie de Bethanie partagent le goût des parfums  : Jean 12, 1-3

  Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare que Jésus avait ressuscité d'entre les morts. On lui fit là un repas. Marthe servait. Lazare était l'un des convives. Alors Marie, prenant une livre d'un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jèsus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s'emplit de la senteur du parfum.

On entend Marthe qui maugrée. Un flacon qui valait trois cents deniers !

 

  C'est Grégoire le Grand, le pape, qui fit jouer son infaillibilité pour décréter que ces trois femmes n'en faisait qu'une. Mais comme c'était encore un peu court, au XIIème siècle, Jacques de Voragine lui écrivit dans sa Légende dorée un petit script final : après la Passion, elle est persécutée comme chrétienne et s'embarque avec Marthe, Lazare, Marie  Salomé, Marie Jacobé et Joseph d'Arimatie qui emporte le Saint Graal sur une nef qui finit par s'échouer à Marseille. Pendant que les autres mènent leur carrière, elle grimpe en haut du massif de la Sainte Baume dans un ermitage où elle vit pendant trente ans (tranquille sans sa soeur Marie) dans un ermitage, comme une sauvage, ses cheveux lui faisant comme une peau de bête, méditant sur les vanités de ce bas monde, contemplant à l'aide d'une bougie un vieux crâne pour servir de speculum poenitentiae, d'exemple de pénitence à tous les prédicateurs qui, le 22 juillet, chercheront à convaincre leurs contemporains du Moyen-Âge des illusions de la luxure. Les voutes romanes, les ogives gothiques retentissent encore du latin de leur prêche :

"Nos ergo, nos illa mullier expressit, si toto corde ad Dominum post peccata redeamus, si ejus poenitentia luctus imitemur" , "Qui est cette femme si ce n'est nous mêmes, nous si après que nous ayons pêché nous nous précipitons de tout notre coeur vers Dieu et que nous imitons l'affliction de ses pénitences". (Grégoire le Grand, Homélie XXXIII citée par Élisabeth Pinto-Mathieu, Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen-Âge).

 

  Sainte Marie-Madeleine devint ainsi une des saintes les plus invoquées et la dévotion à cette seconde Marie  se rapprocha de celle à la Vierge, en devenant par sa nature peccamineuse rachetée par la pénitence une figure intermédiaire et d'intercession entre le fidèle et l' Immaculée.

  Sainte patronne des filles perdues (on crée dans les villes des Madeleines pour le relèvement des filles perdues), des apothicaires (à cause des aromates), elle fut surtout, en raison de son lien avec Lazare ressuscité des morts, et de sa présence lors de la Mise au tombeau, la patronne des hôpitaux et des Hôtel-Dieu, des maladreries et des lazarets, de tous les villages où les lépreux étaient consignés et mis au ban de la société.

  Ce long préambule me permet d'étudier la Madeleine représentée à Plogonnec, pour voir tout-de-suite que ce n'est pas l'ermite sauvageonne qui y est montrée, ni la courtisane suggestive au luxe ostentatoire, ni l'allégorie de la pécheresse repentie, mais une Sainte Femme, sagement vêtue, que seul le flacon de parfum qu'elle tend, ouvert, vers sa gauche permet d'identifier. Elle se rapproche en cela de la Sainte Marie-Madeleine qui intercédait au profit de Marie de Tromelin dans le vitrail de Saint-Sébastien. Elle est aussi conforme à l'iconographie régionale de Marie-Madeleine, car Roger Barrié assure qu'en Bretagne où son culte s'étend du XIIème au XVIIème siècle, on ne trouve que des représentations de la dévote parfumeuse du Christ, la femme sobrement élégante, dévouée, affligée, celle du matin de Pâques : l'amoureuse qui détourne la douleur du deuil en une douce sollicitude envers le corps défait de son Maître. C'est en effet cette figure que je retrouve, par exemple, dans le rétable de la descente de croix de Pencran, ou dans la Mise au tombeau du Penity de Locronan, de la cathédrale Saint Corentin de Qumper ou de l'église de Lampaul Guimiliau:

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locronan

 

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  En comparaison, l'iconographie de Sainte Madeleine à la pinacothèque de Sienne : femme sauvage et cheveux longs :

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Description du vitrail.

   Ses cheveux blonds sont coiffés d'un voile blanc qui descend sur ses épaules avant d'être noué sous le cou. Quelque mèches s'échappent dans le dos. Marie-Madeleine est vêtue d'une robe de coupe simple, au tissu bleu décoré de carrés centrés par des ronds en motif répétitif. Néanmoins, cette robe n'est pas si simple puisqu'elle s'arrête au dessus du coude, pour se prolonger par des manchettes du même tissu qui libèrent de grandes manches pendantes blanches. La chemise blanche apparaît au coude. La robe descend jusqu'aux pieds, qu'elle dissimule. Un grand manteau blanc brodé de quatre-feuilles d'or est fermé, au col, par une broche ronde centré par un cabochon bleu, et est cintrée par une ceinture lie-de-vin fermée par un noeud de passementerie. Le manteau, au lieu d'être fixé par une fibule pour ne pas embarrasser la jambe lors du passage du pas, se relève en un large pli qui retombe sur l'avant-bras droit.

  Le galon du manteau est couvert d'inscriptions :

VITADVRCEDOEXPESITOOSTRASALE...

VI...DEPS...ES...RENOSTERVNS, (avec le dernier N rétrograde) SALVE. REGINA. MISERICORD/EVIT.

SVOVOLISISAMEN NOVELVOESATERASOS...VO

SVOTRAVELCAVLIAO


NOEVOSEROMOSVO

OEV...SERO...

SVOVOROBINSOVO...VOBISNISORO

ORA PRONOBIS.AMEN

SALVEREGIN : MISERICORDIAVITADVRCED
 

  J'ai souligné les seuls éléments déchiffrables qui sont l'Ora pro nobis. Amen (priez pour nous) et les deux occurrences du  Salve Regina : Salve, Regina, mater misericordiae. Vita, dulcedo et spes nostra, salve, avec la forme durced fautive pour dulced(o), que l'on retrouve sous une forme dégradée dans le fragment initial Vitadurcedoexpesitoostrasale .

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  Derrière l'auréole, en bandeau supérieur de la lourde tenture rouge à frange d'or de l'arrière-plan, une bande jaune doublement ourlée porte une inscription en lettres latines :

  - du coté droit : SALVE REGI avec les lettres LV conjointes et minuscules et la lettre G en onciale. C'est bien-sûr, le début de l'antienne du Salve Regina.

  - du coté gauche : LONREANS qui serait selon Roger Barrié la signature du maître-verrier Laurent Le Sodec.

 

Marie-Madeleine illuminatrice :

 - On comprend mieux que le concepteur de ce vitrail ait placé, sous la représentation d'une Transfiguration montrant le corps du Christ irradié de lumière, cette Marie-Madeleine si on connaît les commentaires du dominicain Raban Maur dans son Bréviaire de Provence :

"Marie signifie mer amère, ou illuminatrice, ou illuminée. Ces trois significations font comprendre les trois excellentes parts qu’elle a choisies, savoir : la part de la pénitence, de la contemplation intérieure et de la gloire céleste. C’est de ces trois parts que le Seigneur a dit : «Marie  a choisi une excellente part qui ne lui sera pas enlevée. » La première part ne lui sera pas enlevée à cause de la fin qu’elle se proposait d’acquérir, la béatitude ; ni la seconde à cause de la continuité, parce que la contemplation de la vie est continuée par la contemplation de la patrie : ni la troisième en raison de son éternité. En tant donc qu’elle a choisi l’excellente part de pénitence, elle est appelée mer amère, parce qu’elle y eut beaucoup d'amertumes : ce qui est clair par l’abondance des larmes qu’elle répandit et avec lesquelles elle lava les pieds du Seigneur. En tant qu’elle a choisi l’excellente part de la gloire céleste, elle reçoit le nom d’illuminatrice, parce qu’elle y a reçu avec avidité ce qu’elle a dans la suite rendu avec abondance : elle y a reçu la lumière avec laquelle elle a plus tard éclairé les autres. En tant qu’elle a choisi l’excellente part de la gloire céleste, elle est nommée illuminée, parce qu’elle est maintenant illuminée dans son esprit par la lumière de la parfaite connaissance, et que, dans son corps, elle sera illuminée de clarté. Madeleine veut dire restant coupable (manens rea) ou bien encore munie, invaincue, magnifique, qualités qui indiquent ce qu’elle fut avant, pendant, et après sa conversion.Avant sa conversion en. effet, elle restait coupable et engagée a la damnation éternelle ; pendant sa conversion, elle était munie et invaincue, parce qu’elle était armée de pénitence ; elle se munit donc excellemment de toutes les armes de la pénitence ; car autant elle a eu de délectation, autant elle en a fait l’objet de ses holocaustes. Après sa conversion elle fut magnifique par la surabondance de grâces, car où avait abondé le péché, là a surabondé la grâce."

  -  Il existe une autre raison pour associer Marie-Madeleine à une Transfiguration, car c'est elle, au matin de Pâques, qui a vu le corps ressuscité de Jésus, corps métamorphosé dont la transfiguration était la manifestation anticipée.


2) Panneaux B1 et B2 : Vierge à l'enfant :

  La Vierge est couronnée d'or, elle porte autour de la tête un voile noué se divisant en deux pointes sur la poitrine, une robe mauve, et un grand manteau bleu ciel au beau drapé. Elle présente à l'enfant un fruit épluché peu identifiable, à la peau couleur d'agrume et à la pulpe recouverte d'une pellicule blanche  comme une orange. L'Enfant Jésus qui tient le même fruit non épluché de la main gauche, tend la main droite en un geste charmant. Il est vêtu d'une robe verte fermée par un bouton de col, et d'une chemise bleu-clair.

  La robe possède des détails intéressants, en particulier la forme du revers et de l'évasement de la manche, mais aussi une fente dotée d'une tirette (au dessus du fruit), et un rectangle surpiqué comme une sorte de poche, sous la main droite.

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3) Panneaux C1 et C2 : Sainte Catherine :

 

a) le thème :

Que vient faire Sainte Catherine dans un vitrail sur la Transfiguration ?

  Rappelons d'abord qui est Sainte Catherine d'Alexandrie : Née vers 290 à Alexandrie en Egypte, elle est la fille d'un noble seigneur, Constus. La jeune et belle aristocrate était une chrétienne lettrée qui rentra en conflit avec l'empereur romain Maxence, ou Maximien qui s'était rendu à Alexandrie pour une fête païenne. Ses arguments contre le culte des idoles étaient si solidement construits que Maxence fit rassembler 50 philosophes pour lui répondre, mais ce fut Catherine qui les convertit à ses idées. L'empereur les condamna au bûcher, et condamna la jolie jeune fille...à l'épouser. Elle expliqua que cela lui était totalement impossible car, une nuit de prière, elle avait vu le Christ lui remettre un anneau d'or : c'est le fameux Mariage Mystique. Face à ce refus, Maxence la fit emprisonner et décida qu'elle serait suppliciée par quatre roues armées de pointes et de lances acérées. A son grand dam, les roues se brisèrent sur le corps de la vierge bouquineuse, projetant violemment leurs fragments sur les romains, et tuant 4000 soldats.

Dépité, il la fit décapiter, mais son corps fut transporté par des anges sur le Mont Sainte Catherine, proche du Mont Sinaï. Cinq cent ans plus tard, des moines, découvrant le corps d'une très belle femme, identifient la sainte et emmènent les reliques en un sarcophage d'or dans leur monastère du Mont Sinaï, au pied du Mont-Moïse. On y voit encore sa tête et sa main gauche. Le culte de sainte Catherine se répandit au Moyen-Âge après les croisades dans toute la France, et on trouve sa statue dans presque chaque église ou chapelle bretonne.

Or, il faut savoir que ce monastère Sainte-Catherine, haut-lieu de la chrétienté, classé Patrimoine Mondial par l'UNESCO, riche d'une bibliothèque qui est la seconde après le Vatican pour la richesse des 3000 manuscrits et 5000 livres, est aussi connu sous le nom de Monastère de la Transfiguration.


b) étude du vitrail

  La figure de Sainte Catherine répond à celle de Marie-Madeleine, et elle est placée comme elle dans une niche architecturée  au fond tendu d'une étoffe damassée rouge frangée dont le bandeau d'or porte une inscription en lettres capitales. Roger Barrié y lit "SALVEGRA" et "AVEGRA", "mélange des invocations initiales du Salve Regina et de l'Ave Maria"; je lis S..AVE GRA [TIA PLENA] AVE GRA. Au dessus de ce bandeau rayonnent les portions de cercles semi-concentriques de l'auréole, des motifs à godrons et de l'arc bilobé centré par une clef de voûte à feuille d'acanthe.

  La tête a été restaurée.

   La Sainte est figurée avec ses trois attributs, l'épée de son sacrifice, le livre symbolisant l'étendue de sa science, et la roue brisée de son supplice. Celle-ci est ornée de pièces blanches, comme des dents, ou des olifants, dont j'ignore le sens. Catherine porte une couronne qui retient de longs cheveux blonds. La phalange du pouce gauche est barré d'un trait sombre, probable artefact  où je me plais à voir la bague mystique. Elle est vêtue d'une robe verte recouverte d'un surcot blanc brodé d'or, fermé par un cabochon au motif quadrilobe, et doublé d'hermine à son revers. Cette étoffe se retrouve dans une pièce qui  part du col, comme un collaro, recouvre la poitrine et se divise en languettes latèrales dont on devine qu'elle se rejoignent dans le dos.

  Ces vêtements blancs et or décorés de motifs quadrillés et de fleurettes peintes au pochoir servent, sur leur bordure,  de support à des fragments d'inscriptions ou de successions de lettres de déchiffrement difficile, où je ne reconnais que le mot REGIN et le mot AVE parmi des NRASOR, des OENOR et autres NABAH.

  Le pan inférieur de la robe porte en lettres capitales AVEGRACIAPLENDO/ NSTE/OMBENES où se reconnaissent les fragments de l'Ave Maria : Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus. ou, selon une formule francisée Ave Maria, gracia plena, Dom(i)n(u)s tecom bene(dicta...). Voir le panneau A4 pour la transformation du U en O.

   Enfin Sainte Catherine est chaussée de rouge, ce qui me fait aussitôt surgir le souvenir de la réplique du Duc de Guermantes : "Oriane, qu’est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs! Avec une toilette rouge! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges." ( Marcel Proust, A la Recherche du temps perdu, Du coté de Guermantes) Cela n'a rien à voir avec ce vitrail, mais on a les effets (Marie) Madeleine qu'on peut.

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II Registre médian: les apôtres.

 

Le thème de la Transfiguration :


 

Or il advint, huit jours après ces discours, que Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta à la montagne pour prier ; et pendant qu’il priait, l’aspect de son visage changea et son vêtement et son vêtement prit une couleur étincelante ; et voici, deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie : ils étaient apparus dans la gloire et parlait de son exode, qui devait avoir lieu à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil, mais, restant éveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes se tenant avec lui.

Or il advint, comme ils se séparaient de lui, que Pierre dit à Jésus : " Maître, c’est bien pour nous d’être ici : faisons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. " Il ne savait plus ce qu’il disait. Comme il parlait ainsi, survint une nuée qui les enveloppa dans son ombre : or ils furent saisi de crainte quand ils pénétrèrent sous la nuée. Et une voix vint de la nuée, disant : " Celui-ci est mon Fils, mon Élu, écoutez-le ! " Et au moment où la voix retentit, Jésus se trouvait seul. Et ils gardèrent le silence : ils ne racontèrent à personne en ces jours-là de ce qu’ils avaient vu. (Luc 9, 28-36)

 

 Le théme iconographique de la Transfiguration est l'illustration de ce passage des évangiles synoptiques. Matthieu 17, 1-9 ou Marc 9, 2-9 ou Luc 9, 28-36, et cette illustration est difficile car elle doit paradoxalement faire voir un effet de lumière aveuglant à travers la métamorphose (le grec metamorphosis est le terme des évangiles que nous traduisons par "transfiguration"), le changement d'apparence corporelle de Jésus qui révèle ainsi aux happy few de ses disciples sa nature divine. L'épisode a lieu après la multiplication des pains, pendant le fête des Tentes, sur le Mont Thabor, prés du lac de Tibériade, et de Nazareth.

  La fête de la Transfiguration, le 6 août, a été inscrite au calendrier liturgique par Calixte III, pour célébrer la victoire à Belgrade de sa croisade contre les Turcs., comme si cette apparition au sommet, illuminée de gloire, témoignait de l'avénement annoncé de la Chrétienté sur les Gentils, préfiguration de la Parousie, ou second retour glorieux du Christ.

Une influence des Carmélites à Plogonnec ?

 Roger Barrié montre dans sa thèse que ce sont les Carmes qui se chargèrent de promouvoir cette fête, qui faisait apparaître le fondateur mythique de leur Ordre.Et il pense que ce sont les Carmes de Pont-L'Abbé qui ont été les inspirateurs des vitraux de Plogonnec : au centre, la Passion, encadrée par le Jugement dernier et par la Transfiguration comme signe de la Parousie.

  Puisque  ce vitrail associe deux thèmes, celui de l'illumination et celui de l'élevation et de la montagne, puisque nous avons vu Marie-Madeleine associée à l'éremitisme au sommet de la montagne Sainte Baume en Provence, et Sainte Catherine associée à la translation miraculeuse de son corps sur le Mont Sinaï, renouant avec l'image de Moïse et du Buisson Ardent, autre vignette biblique liée à la montagne, ou de Moïse recevant les Tables de la Loi au Sinaï, puisque mous avons mentionné le Mont Thabor, lieu de la Transfiguration, il nous faut parler du Mont Carmel : car c'est dans les grottes de cette montagne que l'ordre du Carmel est né, avec la règle donnée par Albert Avogadro Patriarche de Jérusalem en 1209, et surtout parce que c'est là que le prophète Elie a vécu, selon la tradition, et qu'il y a fait des miracles. Après l'extension de l'empire Ottoman, les moines sont venus en Occident, ont abandonné leur statut d'anachorètes pour devenir des prédicateurs, des confesseurs, des théologiens au sein des Universités, dont le point commun est le rôle central donné à l'oraison. 

  En Bretagne, Françoise d'Amboise, Duchesse de Bretagne de 1450 à 1457 jusqu'au déces de son mari Pierre II, fonde en 1463 avec Jean Soreth, frère du couvent de Caen et prieur général des Carmes, le premier monastère de Carmélites en France au Bondon à Vannes ; puis la communauté s'installe à Nantes au Monastère des Couëts. Elle fonde aussi le couvent de Nazareth à Vannes, la fondation du saint Sépulcre à Rennes et de Béthléem à Ploermel. Si les Carmes (hommes) ont une vocation apostolique, les Carmélites (femmes) se vouent à une vie contemplative, silencieuse et en cloture, travaillant, en Bretagne par exemple, à la confection des hosties (Carmel de Morlaix) ou à la réalisation des prècieuses bannières paroissiales.

  La rèforme de sainte-Thérèse d'Avila et de Jean de la Croix, qui aboutira à la fondation des Carmes déchaussés, survient après la réalisation du vitrail de Plogonnec, au milieu du XVIème siècle, et ne nous concerne pas.

En 1383 est fondée l'église Notre-dame des Carmes de Pont-L'Abbé, qui était alors la chapelle du couvent des Carmes créé le 4 mai de la même année par Hervé du Pont, seigneur de Pont-L'Abbé  et Peronnelle, Vicomtesse de Rochefort. Les autres couvents se trouvaient, pour le Finistère, à St-Pol-de-Léon, et dans le reste de la  Bretagne, à Hennebont, Josselin, Ploermél, Quintin, Vannes, Rennes, et Nantes, premier couvent datant de 1318.

  L' habit des carmes se compose d'une tunique de laine grise tombant aux talons et tenu par une ceinture, de sandales, d'une cape blanche pourr l'extérieur, mais surtout, depuis que Simon Stock en avait reçu la vision de la Vierge en 1251, du scapulaire d'étoffe plus fine que la tunique, grise, arrivant à mi-jambes et que le carme doit porté jour et nuit. Depuis 1281 ou 1324, ce scapulaire est devenu le signe de reconnaissance propre à l'Ordre. Le port de ce scapulaire assure le frère ou la soeur carme de la réalisation de la promesse de le Vierge, la délivrance du purgatoire de leur âme dès le premier samedi suivant le jour de leur mort.

   Tout ceci est important pour la compréhension de ce vitrail en raison

a) du lien étroit entre l'Ordre des carmes et le thème de la Transfiguration où apparaît Elie, fondateur mythique de l'Ordre.

b) de l'importance fondamentale du culte marial chez les carmes, depuis Simon Stock (?-1265), puisque la figure de la Vierge est centrale dans le vitrail. Ce culte repose notamment sur un tableau de Tommaso de Vigilia, peintre palermitain du XVème siècle que reproduit le site de l'Ordre ici :http://www.carmel.asso.fr/Le-culte-marial.html On y voit que Marie y est représentée dans une mandorle comme dans une Transfiguration, mais surtout, pour nous, couronnée et tenant un fruit dans la main droite, comme sur le vitrail, alors que l'Enfant Jésus tient un globe crucifère.

 

c) de la figure d'Élie, représenté ici en habit de carme avec le scapulaire.

  

 

 

1) panneau A3 :

  Alors que le registre supérieur est consacré à la partie éthèrée, radieuse du thème de la Transfiguration, le registre moyen illustre, lui, l'idée que cette lumière divine est aveuglante, et que le fidéle ne peut la recevoir directement. C'est tout le jeu verse et inverse de la lumière, et du voile; de l'évidence de la vision, et de celui qui n'en croit pas ses yeux ; de la fulgurance, et de l'éclipse qu'elle engendre; de l'apothéose, et de l'indicible; de l'Incarnation, et du caractère indescriptible de Dieu ; de la nature humaine du Christ, et la dimension inaccessible, apophatique de sa divinité.

  Ou bien, l'interprétation des images vacille entre les deux polarités de considérer que les trois apôtres restent en dehors du phénomène de métamorphose, parce qu'ils sont trop rustres, qu'ils restent à terre, et qu'ils n'ont pas accés à l'onction lumineuse, prèfigurant leur sommeil lors de la nuit du Mont des Oliviers. Ou, a contrario, de considérer que les apôtres participent pleinement à l'irradiation bouleversante et enthousiaste, rejoignant alors la mystique rhénane et les thèses de Maître Eckhart : l'âme "anéantie", évidée de tout, aveuglée de toute reprèsentation imagée de Dieu s'ouvre par sa vacuité même à la réception du divin, à sa "divinisation" par la fulgurance de la grâce, "l'homme devenat par Grâce ce que Dieu est en Nature" (Maxime leConfesseur).

   Saint Pierre n'est pas reconnu par les clefs (il ne les a pas encore reçues), mais à sa tonsure rappellant qu'il est le premier "prêtre", ou qu'il a eu le crâne rasé à Antioche. Il porte la barbe. Il a mis un genou à terre, et se protège de la lumière de la main gauche. Il porte une robe bleue serrée par une ceinture jaune et frappée de motifs géomètriques inclus dans des cercles, et un grand manteau violet. Derrière lui est reprèsenté un paysage vallonnè avec une fabrique, des arbres, des montagnes, et de la verdure.

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2) Panneau B3 :

   Saint Jean s'identifie par le visage juvénile, l'absence de barbe et de tonsure. Sa robe est d'un bleu soutenu, mauve, décoré de quatrefeuilles centrant des losanges surpiqués. La ceinture est nouée comme s'il s'agissait d'une bande d'étoffe, créant un motif esthétique et original. Le manteau rouge (c'est sa couleur habituelle, lorsqu'il est représenté au pied de la Croix) est fermé par un bouton en or.

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3) Panneau C3 : Saint Jacques.

  Il s'agit de Jacques le Majeur, fils de Zébédée et frère de Jean, qui, comme lui est surnommé par Jésus (Marc 3,17) Boanerges", "fils du tonnerre". Ils sont donc prédestinés à assister aux éclats de l'illumination divine, et plus tard (Marc 10,35) ils demanderont à Jésus d'être assis l'un à droite et l'autre à gauche, quand il sera dans sa gloire.

  Jacques se reconnaît  à son chapeau de pélerin de Compostelle et à son bourdon, auquel est attaché une gourde en callebasse. (Wiktionnaire : bourdon, "long bâton de pélerin surmonté d'une gourde, ou d'un ornement en forme de pomme".) Il porte une longue barbe, et ses cheveux une raie médiane. La robe est violette surpiquée de losanges, la ceinture jaune, le manteau-bleu clair. En arrière-plan, des rochers, des arbres, un pré et une colline.

 


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III Registre supérieur :

1) Panneau A4: Moïse.

  Si son identification n'était pas immédiate par les Tables de la Loi, les deux cornes permettrait de le reconnaitre comme Moïse. On sait que Michel-Ange, comme les autres artistes, en fait un attribut du prophète pour sa statue de Saint-Pierre-aux-Liens de Rome.


Moïse de Michelangelo à l’église de Saint-Pierre-aux-Liens à Rome

C'est la conséquence d'une traduction ambigue dans le texte biblique Exode 34, 29 du mot hébreu qaran qui signifie certes "cornu" mais aussi "rayonnant" . Le peintre-verrier a représenté sur le vitrail à la fois les cornes, et les rayons (gravés dans le verre rouge). Puisque ce point d'iconographie est directement en rapport avec le motif de la présence de Moïse lors de la Transfiguration, sa propre métamorphose après avoir gravi les pentes du Sinaï et s'être entretenu avec Yahvé pendant quarante jours et quarante nuits de jeûne, j'en donne la citation, d'abord dans le latin de la Vulgate de Saint Jérome, puis dans la traduction française de la Bible de Jérusalem :

" Ex 34:29 Cumque descenderet Moses de monte Sinai tenebat duas tabulas testimonii et ignorabat quod cornuta esset facies sua ex consortio sermonis Dei

Ex 34:30 videntes autem Aaron et filii Israhel cornutam faciem timuerunt prope accedere."

" Lorsque Moïse redescendit de la montagne du Sinaï, les deux tables du Témoignage étaient dans la main de Moïse quand il descendit de la montagne, et Moïse ne savait pas que la peau de son visage rayonnait parcequ'il avait parlé avec lui.

  Aaron et tous les Israelites virent Moïse, et voici que la peau de son visage rayonnait, et ils avaient peur de l'approcher."

  Les Tables portent l'inscription EGO SOM QUI OM et CREDO IN UNUM . La première formule altère par une substitution du O au U lan formule nominale que Yahvé se donne face à Moïse au buisson ardent en Exode 3,14 : "dixit Deus ad Mosen ego sum qui sum ait sic dices filiis Israhel qui est misit me ad vos"  Alors Dieu dit à Moïse: JE SUIS CELUI QUI SUIS. Puis il dit: Tu diras ainsi aux enfants d'Israël: Celui qui s'appelle JE SUIS, m'a envoyé vers vous.

   La seconde inscription est l'incipit du Credo, Credo in unum Deum, Je crois en un seul Dieu.

 Outre les cornes et les Tables, le troisiéme attribut de Moïse est le bâton, la verge témoin des pouvoirs de thaumaturge conférés à Moïse par Yahvé en Exode 4,1-5 :

  "Et Moïse répondit, et dit : Mais voici, ils ne me croiront point, et ils n'obéiront point à ma voix ; car ils diront : lÉternel ne t'est point apparu. Et l'Éternel lui dit : qu'as-tu à la main? Il répondit : une verge. Et il dit : Jette-la par terre; et il la jeta par terre, et elle devint un serpent; et Moïse s'enfuit devant lui. Alors l'Éternel dit à Moïse : Étends ta main et saisis-le par la queue. Il étendit la main, et le saisit, et il redevint une verge dans sa main. C'est afin, dit l'Éternel, qu'ils croient que l'Éternel, le Dieu de leurs pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob t'es apparu."

  Il est habillé d'une robe mauve recouverte d'une dalmatique bleue à quatrefeuilles ourlée d'un galon d'or, et d'une ceinture jaune au noeud identique à celui de Jean. Il émerge à mi-corps des nuées.

 

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2) Panneau B4 et B5 :

Le Christ apparait dans une mandorle d'or, les pieds posés sur le mont Thabor, le visage aux cheveux longs, les mains et les pieds de couleur jaune d'or pour témoigner de la métamorphose lumineuse, comme en témoigne aussi les rayons blancs gravés autour de la tête, ou les rameaux dorés d'une sorte d'auréole cruciforme.

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3) Panneau C4 : Élie.

   Le prophète Élie est vêtu de la tunique, du scapulaire et de la cape de l'habit des carmes, mais les étoffes reprennent par leur couleur et leurs motifs celles des saintes et des apôtres précédents. La tête a été en partie restaurée.

  Le prophète Élie réunit en sa personne, comme Moïse, les deux thèmes entremélés ici, celui de la montagne (de nombreux monts portent son nom) et celui de la métamorphose glorieuse : La scène est décrite en une seule phrase de 2,Rois, 2:11 : Élie, accompagné d'Élisée, est parti de Jéricho et vient de traverser le Jourdain; et "Comme ils continuaient à marcher en parlant,voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre, et Élie monta au ciel en un tourbillon". 

  Un char de feu et des chevaux de feu.

  Un tourbillon.

Le quart d'heure de célébrité, en toute simplicité.

Mais sur le mont Thabor, tout cela est du passé, Élie est un vieil habitué des cieux, et il discute avec Moïse et Jésus en utilisant le comput digital des sorbonnards, comptant peut-être les lumen(Lm) et les Lux (Lx), les candela(Cd), les footcandles(Fc) et les watt/m² (W/m²) auxquels le nouvel arrivant vient d'être exposé pour évaluer en connaisseur la performance, à moins qu'il n'évalue la température de couleur de l'incandescence du corps christique en Degrès Kelvin (°K):


  20 trent'neuf de fievre 20 trent'neuf de fievre


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4) Panneaux A5 à C5 :

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IV Tympan :

 

  Ses éléments datent des restaurations du siècle dernier : Une lune anthropomorphe moderne au sommet, deux blasons par Félix Gaudin en 1904. Le blason de droite se lit, en langage héraldique, "fascé d'argent et de gueules", mais n'est pas identifié (je trouve : Le Baudoyer/le Bodoyer, fascé d'argent et de gueules de six pièces).

Celui de gauche est "de sable au chevron d'argent accompagné de trois besants d'or". Roger Barrié indique qu'il s'agit des armoiries Le Tarcol (erroné pour Le Torcol), Seigneur de Queffros, sur la paroisse de Plogonnec. Le Nobiliaire de Pol Poitier de Courcy (1862) mentionne effectivement Le Torcol Sr de Queffros, par. de Plogonnec, Sr de Kerdour, par. de Plomelin, Ext. réf 1669, six gen. Réf 1536, par de Plogonnec, évêché de Cornouailles. Yvon, vivant en 1500, père de Jean, vivant en 1536, marié à Jeanne l'Honoré.

  Le culturezine d'Hervé Torchet rapporte  des comptes de fouages de 1440 où ce manoir de Queffros apparaît parmi les Manoirs des Rohan, avec la mention "Appt à Ph'lot Fèvre Lagat ouquel y a un estage & en ycelui demeure la dégrepie Rioallen Lescuff".

 

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Published by jean-yves cordier
13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 13:20

                                                                               Femme, je suis povrette et ancienne,

                                                           Qui rien ne sçay ;oncques lettres ne lus,

                                                           Au moustier voy dont suis paroisienne

                                                           Paradis paint, où sont harpes et lus,

                                                           Et ung enfer où dampnez sont boullus..

                        François Villon, Ballade pour prier Notre-Dame

 

 

    Les vitraux de l'église Saint Thurien à           Plogonnec II : le Jugement dernier.

 

  Cette vitre se situe actuellement au coté sud du  chevet, au dessus de l'autel du Rosaire. Il est composé de 3 lancettes de 5 panneaux fixés par six barlotières par lancette. Il aurait été transféré vers 1550 de la chapelle Saint Théleau. Depuis, il n'a pas changé d'emplacement, mais alors qu'au XVIIème siècle il ornait une chapelle dédiée à Saint Michel, en 1723 cette chapelle sud-est est attribuée à Notre-Dame du Rosaire et le vitrail se trouve encadré par des tableaux du rosaire et d'un Ange Gardien, qui feront place, dans un état antérieur à 1950, aux statues de Notre-Dame de Lourdes et du Sacré-Coeur. (Roger Barrié, mobilier cultuel et décor en Basse Bretagne, Ann. Bret. 90, 2 1983).

  

  Le même auteur R.Barrié datait alors l'ensemble des verrières de Plogonnec entre 1520 et 1540, mais dans sa thèse de 3ème cycle parue en 1978, il donne pour les donateurs de ce vitrail les toutes premières années du XVIème siècle, mais postérieures à 1501:

   Roger Barriè, Étude sur le vitrail en Cornouaille au XVIème siècle, Université de Haut-Bretagne, Rennes, 1978.

 Je le décrirais de bas en haut et de gauche à droite en numérotant les lancettes A, B, C et les panneaux de 1 à 5. 

Il est consacré à une scène de Jugement dernier, qui surmonte un registre inférieur montrant les donateurs et qui culmine en un Christ ressuscité.


 

 

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I. Le registre inférieur.

  Il est composé lors d'une restauration en 1878 à partir d'éléments composites : les deux donateurs proviendraient d'un vitrail d'une baie différente, l'Annonciation d'une autre baie de l'église. 

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1 Panneau A1 : le donateur.

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  J'en trouve l'identification dans un Guide Joanne (Itinéraire général de la France, Adolphe Joanne, 1867, p. 603) qui décrit "Le jugement dernier, avec les portraits d'un sieur de Kergadalan et d'une dame de Kerharo sa compagne", complétée par le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1900 qui y voit "Saint Michel présentant un chevalier (Sr de Kergadalan dit M. de Courcy) et Sainte Barbe présentant une dame de Kerharo". Pol Potier de Courcy (1815-1891) est le spécialiste d'héraldique auteur de Nobiliaire et Armorial de Bretagne.

  Les armoiries de Kergadalan sont "d'argent à un greslier de sable", c'est-à-dire blanc avec un "grêlier" noir, le grêlier étant un cor de chasse plus puissant que le cor ordinaire. Le grêlier, comme le cor, serait représenté l'embouchure à gauche (à senestre) et avec le lien qui permet de le porter autour du cou. Si l'embouchure, les anneaux de fixation du lien ou le lien lui-même sont d'une couleur (d'un émail) différent de la figure, on le dit respectivement "enguiché", "virolé" ou "attaché", ce qui n'est pas le cas ici.

  Pol de Courcy donne les indications sur cette famille :

 Kergadalan (de), Sr du dit-lieu, _ du Dreverz. Maintenu à l'intendance en 1699. Ext. 6 générations. R.1536 M 1562. Paroisse de St Ségal et Pleyben, évêché de Cornouailles.

   Kergadalan ou Kergadalen ?

Roger Barrié constate que la famille de Kergadalen n'entra en possession d'un manoir sur la paroisse de Plogonnec, celui de Trébuzoret, qu'en 1544, après la réalisation de ce vitrail. Il s'appuie sur le fait qu' Yves de Kergadalen épousa (le 23 juin 1533) Isabelle de Trémarec, dernière du nom et héritière du manoir. Mais il parle des Kergadalen et non des Kergadalan. Il s'agit d'une famille originaire de Pleyben ; Yvon de Kergadalen était Seigneur de Drevers. Son fils Pierre épousa Marie Omnes.

    Saint Michel est représenté en chevalier avec une armure courte en or et un grand manteau rouge fermé par une agrafe bleue, de longs cheveux tenus au front par un serre-tête et couverts par une sorte de turban doré. Il tient la croix hastée de la main droite et présente son "filleul" de la main gauche, main dessinée avec talent. Les ailes sont bleues cernées de blanc.

  Le Sieur de Kergadalan se prénomme-t-il Michel ? Ou bien cet intercesseur est-il là parce que ce vitrail est destiné à la chapelle Saint-Michel ?

  Le donateur est en tenue de chevalier lui aussi, en cuirasse, à genoux devant le prie-Dieu, mains jointes sur le missel où deux lettrines figurent en rubrique, il est coiffé comme au tout début du XVIème siècle avec des cheveux longs et une frange courte. Il porte au dessus de la cuirasse un surcot mauve recouvert par un tabard blanc  engalloné de broderies dorées. L'entrelacs noir représente l'attache de son grand cor de chasse dont on ne voit que l'embouchure, bizarrement "à dextre", et il faut se reporter à un exemple héraldique de "grêlier" complet pour imaginer la partie dissimulée dans le pli derrière les manches.

2. Panneau B1 : Annonciation.

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  Dans cette Annonciation, l'accent est mis sur l'attitude d'acceptation ouverte et disponible de la Vierge, dont les traits du visage, finement encadrés par les lacis du voile, évoquent une gravure sur cuivre.

  On remarque en fond des bâtiments, une tour crénelée, des arbres, un clocher.

  L'étoile a du être réalisée en assombrissant de grisaille le verre et en procédant à des "enlevés" par le manche du pinceau ou d'autres instruments fins.

3. Panneau C1 : la donatrice.


          jugement-dernier 3544c

  Sainte Barbe est reconnaissable par la palme de son martyr et la tour où elle fit percer une troisième fenêtre pour figurer la sainte Trinité, provoquant la colère de son père. Sur sa belle robe bleue cintrée, le grand manteau blanc et or fermé par une agrafe rouge répond à celui de Saint Michel qui lui fait face. Ses cheveux sont longs et déliés.

  Là encore, le choix de la médiatrice est sans-doute liè à la chapelle où se trouvait le vitrail, puisque le plan reconstitué par Roger Barrié montre que la chapelle Saint-Michel disposait de deux autels, l'un à l'est, surplombé par le vitrail que nous étudions, et l'autre au sud dédié à sainte Barbe.

La donatrice est, nous l'avons vu, une dame de Kerharo : il s'agit d'une famille de la noblesse de Beuzec-Cap Sizun, et le blason actuel de Cleden-Cap Sizun en a repris les armoiries. Un ancêtre d'Alain de Guengat (le donateur du vitrail de Saint-Sébastrien), Guiomarch de Guengat, épousa en 1470 une dame Jeanne de Kerharo. Plus tard exista un marquisat de Kerharo. Ils portent "de gueules à la teste de cerf d'or" (Trésor héraldique ou Mercure Armoirial, 1657). De Courcy donne ceci :

 Kerharo (de), jadis Sr dudit lieu, _de Trévennan, paroisse de Cléden-Cap Sizun, évêché de Cornouailles, De gueules au massacre de cerf d'or (G.le B.), Fondu dans Tivarlin,puis de Ploeuc, 1598. 

  Effectivement, Madeleine de Kerharo, fille de Charles Ier de Guer et de Françoise de Kerharo épousa Guillaume de Tivarlen, Sr de Quilliquifin. (et un Guillaume de Tyovarlen Sr d'Ayguern est cité à Plogonnec à la Réformation de 1536)

  J'ignore son prénom. Elle est vêtue d'une grande robe rouge recouvert par un vêtement court doublé d'hermine. Elle porte en coiffure un chaperon de velours noir dont la partie supérieure avance en coin carré au dessus du front.

  Ses bijoux sont un collier fait de lourds maillons d'or, et trois bagues à la main gauche, la seule visible; Comme sur le vitrail de Saint Sébastien, à propos de Marie de Tromelin, je découvre ces trois bagues portées sur les phalangines  de l'index, de l'annulaire et de l'auriculaire. ( La seule différence avec Marie de Tromelin est que celle-ci portait la bague de l'annulaire sur la première phalange). Ce sont là encore des alliances, mais celle de l'annulaire s'élargit comme une "bague de foi" ou "bague fede" où l'anneau réunit deux mains entrecroisées : les fiancés en portaient chacun une partie, et lors du mariage le mari unissait sa demi-alliance à celle de l'épouse, qui conservait à son annulaire ce gage de fidélité.

II. Registre médian : le Jugement Dernier.

  Annoncé par deux anges soufflant dans leur trompette, le Jugement dernier nous est présenté, les démons s'emparant des damnés pour les tourmenter tandis que les anges viennent sauver les élus.

  La représentation s'inspire de l'Apocalypse de Jean, 9, 1-6 et de la description des sept trompettes :

  1. Le cinquième ange sonna de la trompette. Et je vis une étoile qui était tombée du ciel sur la terre. La clef du puits de l’abîme lui fut donnée,
  2. et elle ouvrit le puits de l’abîme. Et il monta du puits une fumée, comme la fumée d’une grande fournaise ; et le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits.
  3. De la fumée sortirent des sauterelles, qui se répandirent sur la terre ; et il leur fut donné un pouvoir comme le pouvoir qu’ont les scorpions de la terre.
  4. Il leur fut dit de ne point faire de mal à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n’avaient pas le sceau de Dieu sur le front.
  5. Il leur fut donné, non de les tuer, mais de les tourmenter pendant cinq mois ; et le tourment qu’elles causaient était comme le tourment que cause le scorpion, quand il pique un homme.
  6. En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront pas ; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d’eux.

  A la partie inférieure, on voit un alignement de flammes rouges au dessus d'une étendue liquide verte, où flotte un crâne tonsuré : c'est l'étang de feu ; à droite, ce liquide vert s'affirme comme une mer qui s'étend jusqu'à l'horizon, vers de probables îles bienheureuses. Là encore, les images évoquent l'Apocalypse, 20 11-15 :

  1. Puis je vis un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus. La terre et le ciel s’enfuirent devant sa face, et il ne fut plus trouvé de place pour eux.
  2. Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le trône. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs œuvres, d’après ce qui était écrit dans ces livres.
  3. La mer rendit les morts qui étaient en elle, la mort et le séjour des morts rendirent les morts qui étaient en eux ; et chacun fut jugé selon ses œuvres.
  4. Et la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu.
  5. Quiconque ne fut pas trouvé écrit dans le livre de vie fut jeté dans l’étang de feu.

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1 Panneau A2.

    Nous sommes du coté des damnés qui subissent les sévices infligés par d'horribles bêtes démoniaques vertes, rouges ou bleues : le démon bleu foncé qui lève une masse d'arme possède des ailes qui rappellent sa nature d'ange déchu. En outre, des lames métalliques bleus les transpercent, et des sortes de poissons volants ou lézards ailés à queue de serpent les dévorent, lorsque ce ne sont pas des crapauds. C'est terrible.

   Comme dans toutes ces représentations, l'artiste n'oublie pas de montrer que la justice de Dieu n'est pas celle des hommes, et qu'elle condamne aussi bien les laïcs que les clercs au crâne tonsuré, selon leur conduite et non selon leur titre.

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2. Panneau B2.

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3. Panneau C2.

  Dans l'océan où émergent les têtes des corps ressuscités, un ange puissant saisit ceux dont la conduite en ce bas-monde a été plaisante à Dieu. Ils portent encore les fins linceuls du tombeau.

   L'ange ou archange porte une dalmatique violette à bordure frangée de lames d'or.

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4.Panneau A3.

      Une très belle figure d'ange à la trompette, vêtu d'une longue robe verte aux plis sinueux.

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5. Panneau B3.

  La vaine tentative d'un damné pour échapper à son sort, ô combien cruel !

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6. Panneau C3.

Un trait de gravure digne de Dürer, une harmonie de couleurs, un drapé dont le dessin ferme et déterminé évite toute mièvrerie, c'est pour moi la plus belle figure du vitrail. Peut-être doit-elle à une restauration récente d'être si belle?

 

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III Registre supérieur .

  Nous avons atteint le séjour céleste où la Vierge et l'assemblée des saints contemplent et louent le Christ ressuscité.

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1 Panneau A4.

  Dans ce groupe de saints, je distingue Saint Pierre, qui porte les clefs du Royaume des Cieux ; un pape, assis sur la cathèdre et coiffé d'une tiare ; un martyr, portant la palme ; un évêque coiffé de la mitre ; un abbé d'un ordre monastique, qui tient en main un objet que je n'ai su identifier ; et un très beau visage en adoration, témoin là encore des talents graphiques du maître-verrier. On cite le nom de Saint Laurent pour le martyr (ce que je croyais être la cathèdre serait-elle sa grille ?) et Saint Denis  (en évêque ?).

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2. Panneau B4.

  La Vierge en prière s'élève parmi une foule d'élus auréolés. Elle porte un manteau à quatrefeuilles brodés.

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3. Panneau C4.

  Ces saints élèvent leurs regards vers le Christ : on reconnaît Saint Sébastien à ses 5 flèches, saint François à ses stigmates.

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4. Panneau A5.

  Ce que j'admire de cet élément architectural, c'est surtout la superbe description qu'en a faite Roger Barrié dans sa thèse : il décrit " une arcade en accolade surmontée d'un court entablement convexe percé de baies et encadré de pilastres ; les profils sont garnis d'une corniche composée d'une succession de motifs d'acanthe liées. Au dessus s'élève une niche à plein cintre, en avancée devant ses piedroits, 2 colonnes à la française, dont les portions de fût sont cannelées et de couleur différente, supportent des pinacles d'acanthe ; une arcade en anse de panier délimitant deux panneaux latéraux avec figuration de candélabres ;  le cul-de-four est totalement évidé. L'arcature est chargée d'une guirlande végétale d'où un pendentif alourdi d'éléments d'orfèvrerie pend jusqu'au milieu de l'arcade inférieur. L'ensemble est couronné par un épais entablement devant la corniche d'acanthes liées de l'arcade se relève en un fleuron de feuilles brisées, encore gothique."

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5. Panneau B5.

  C'est le Christ Juge, ou le Christ en gloire barbu, vêtu du manteau rouge de la résurrection et doté d'une auréole aux quatre lobes rouges radieux. Il s'est assis tout simplement sur un arc en ciel, les pieds nus posés sans façon sur notre planète. Les bras ouverts et le torse exposé  pour montrer les cinq plaies de sa Passion, il plane parmi les nuages.

  Les rayons blancs de l'auréole sont gravés sur le verre rouge. Le manteau rouge devient blanchâtre dans sa partie inférieure, témoignant de la faible épaisseur de ces verres qui deviennent translucide. 

  Vu de prés, on voit que les yeux sont frappés d'un leger strabisme, certainement involontaire. Mais qui s'approcherait si près de son Dieu ?

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6. Panneau C6.

  Il est identique au panneau A6

IV le tympan :

En dessus d'un écoinçon frappé d'un soleil, les deux soufflets portent des armoiries dans des couronnes de gloire : les armes de Nevet, "d'or au léopard morné de gueules" se distinguent de celles de Pont-L'Abbé, d'or au lion de gueules, car l'animal rouge présente son visage de face : c'est un "léopard".  A gauche, on reconnaît les armes des Kerharo déjà vues en C1.

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Published by jean-yves cordier
10 décembre 2011 6 10 /12 /décembre /2011 08:36


   Petite épigraphie des églises et chapelles du Finistère:

            L' église Saint-Thurien à Plogonnec : les vitraux


                I. La baie sud : vitrail de Saint Sébastien.


  L'église de Plogonnec est riche de cinq verrières du XVIème siècle, celles de la Passion (maîtresse-vitre) au centre, de la Transfiguration au nord, du Jugement dernier à droite de l'autel, de la Ressurection et de Saint Sébastien au sud.

 

1. Le culte de Saint Sébastien.

La première question que je me pose est celle de l'origine du théme iconographique : pourquoi un vitrail voué à Saint-Sébastien ? La réponse la plus évidente est d'y voir un lien avec les épidémies de peste qu'a connu la Bretagne du XIV au XVIIIéme siècle (1348 à 1758), Saint Sébastien étant invoqué contre cette maladie ce qui explique la constance de son culte et de la présence de sa statue dans les églises et chapelles. Mais l'existence de Confréries de Saint-Sébastien en France me pousse à m'interroger : ce vitrail est-il liè à une telle confrérie ? Et qu'entend-on sous ce nom?

  Le nom Sébastien est issu du grec sebastos, "honoré, glorieux" issu de sebas, "respect, adoration due aux dieux". C'est, en ce sens, un qualificatif des empereurs romains, Sebastos devenant la traduction d'Auguste. Sebastokrator "celui qui a le pouvoir d'Auguste" est un titre impérial byzantin. Cette étymologie souligne l' image de puissance et de gloire attachée à l'Athleta Christi qu'est Saint Sébastien.

  Sébastien était un officier romain originaire de Narbonne à la fin du IIIéme siècle. Remarqué par l'empereur Dioclétien qui le nomma capitaine de cette unité d'élite qu'était la garde prétorienne, il fut chargé de diriger la persécution des chrétiens à Rome, jusqu'à ce que Dioclétien découvre que Sébastien était lui-même de foi chrétienne et qu'il ordonne qu'on l'exécute par saggitation, en le transperçant de fléches. Il échappa miraculeusement à ce premier supplice, mais Dioclétien le fit rouer de coup et fit jeter son corps dans les égouts de Rome.


  a) Les Sociétés d'Archers.

   Dans le Nord et en Picardie, les Confréries de Saint-Sébastien sont des sociètés d'archers, ou des sociétés de tir, à mi-chemin entre une confrérie professionnelle, une compagnie de milice et une association sportive. Elles connaissent trois temps-forts : le Bouquet qui rassemble plusieurs (dizaines de) sociétes et se termine par un Bal, le Tir du Roi ou abat-oiseau, et la Saint-Sébastien le 20 janvier, où un archer est élu  Saint-Sébastien de l'année. 

   En 825, Hilduin, évêque de Soissons, fit venir les reliques de Saint Sébastien en l'abbaye royale de cette ville et créa un corps de milice pour en assurer la garde, l'Ordre de saint-Sébastien, dont l'Abbé de saint-Médard lés Soissons était le Grand Maître.

       Dans l'incipit de Sylvie, Gérard de Nerval décrit le narrateur lisant cette annonce dans le journal : "Fête du Bouquet provincial. Demain, les archers de Senlis doivent rendre le Bouquet à ceux de Loisy." Et cela déclenche l'irruption des souvenirs de fêtes, de défilés de chevaliers d'arc, et des jeunes filles...mais pas du tout de souvenirs de pélerinage ou de dévotion.

 

b) Les Confréries de paroisse.

  C'est surtout à Paris, dans le Nord et en Normandie qu'elles se sont développées, dans le Calvados, l'Eure... sous divers noms dont celui, récent,de Confréries de charité.Leurs membres se nommaient alors "charitons". Malgré leur nom, elles se consacraient moins aux oeuvres de charité, assistance aux malades, distribution de nourritures et de biens aux pauvres, qu'à assurer à leurs membres , ou aux necessiteux une sépulture chrétienne, et il est difficile de discerner sous leur nom de Confrérie celles qui se vouent à la priére ou au culte d'un saint (nommons-les confréries de dévotion), celles qui se consacrent à la charité (disons : confréries d'assistance), celles qui se vouent aux trépassés (les confréries funéraires), et aussi, intriquées ou dissimulées derriére elles, les confréries professionelles d'assistance et de secours mutuel : ce sont elles que la loi du 18 août 1776 voulut supprimer pour leur proximité avec les corporations. 

   Les confréries funéraires.

  Elles se préoccupent d'assurer à chaque chrétien ou chaque être une sépulture décente et conforme aux rites. Ce souci d'assurer l'inhumation se comprend si on se rappelle l'importance attribué dans l'Église à l'intégrité du corps avant et après le déces :  l'Ancien Testament soulignait déjà que l'inhumation était la manière convenable d'honorer le défunt, et qu'en priver un être est une infamie. ( Cela est retrouvé aussi dans le monde grec et la lecture d'Antigone de Sophocle suffirait à l'illustrer) Voir I Sam 17, 44-46 ; I Rois 14, 11 et 16,4 ; II Rois 9,10. La pratique de la crémation par les habitants du pays de Canaan est dénoncée par les prophètes comme un acte impie. Dans la religion chrétienne, la théologie de l'Incarnation et la foi en la ressurrection de la chair renforce l'importance donnée au respect de l'intégrité du corps, mais transforme aussi  la mort en une célébration d'un passage, d'une Pâques vers le monde céleste. 

   Il importe à tout chrétien du Moyen-Age de parvenir au terme de sa vie sans avoir commis de péchés trop lourds, de s'assurer du bénefice des derniers sacrements, d'être enterrer en terre chrétienne et 'ad sanctos", ( près du saint éponyme de la paroisse ou de ses reliques) dans l'église puis, en Bretagne dans le périmètre de l'enclos paroissial et selon les rites en vigueur, de bénéficier de prières et de messes dites à l'intention de son âme, enfin et surtout de ne pas être damné, et de séjourner aussi peu que possible en purgatoire.

  Les confréries vont  1) d'une part assurer le rôle de nos pompes funèbres (préparation du cadavre et acheminement du défunt vers le cimetière), avec les risques de contagiosité  que cela présente en période d'épidémie, 2) jouer le rôle d'une caisse de prévoyance-déces, mais aussi 3) remplir celui  d'officier du culte en dehors de l'administration des sacrements : ces différents rôles les rendent indispensables dans une paroisse, mais engendrent aussi des conflits avec le recteur ou la Fabrique paroissial...surtout lorsque les "frères" se livrent (on assure que c'est fréquent) à des exces de boisson, ou qu'ils empiettent sur les prérogatives du clergé.

  -1er rôle : En période d'épidémie et notamment lors de foyers de peste, l'angoisse est majeure, si on succombe à l'infection, de voir son cadavre délaissé tant les morts sont nombreux et tant les rescapés se protègent et évitent les risques de contagion : appartenir à une confrérie de Saint-Sébastien est  une assurance contre cela.

  -2éme rôle : les frères et soeurs de la confrérie se doivent assistance, et bénéficient pour leurs obsèques  de la présence des autres membres et du matériel funéraire.

 - 3ème rôle : Des indulgences, grâces et privilèges sont accordées à certaines confréries, et à certaines pratiques (récitation de prière, présence aux pardons et pélerinages, etc...). Le défunt va bénéficier de l'ensemble des rites, dont aucun n'est superflu :

- le cortège qui le mène de son domicile à l'église n'est pas un simple transport de corps, mais une procession préfigurant le parcours vers les cieux. C'est aussi une "garde du corps", une protection de l'âme contre les mauvais esprits qui peuvent la ravir. Il suffit de songer au vitrail de la Passion à La Roche-Maurice, où on voit le démon ravir l'âme du mauvais larron au moment où, précisément, celui-ci "rend l'âme" pour imaginer ce que peuvent redouter les agonisants et pour penser que, dans l'esprit médiéval, la fin de vie est le moment de tous les dangers, le "quitte-ou double" où tout se joue pour la vie éternelle, et le dernier grand combat contre les forces du mal .Les cantiques, le psaume Miserere; l'antienne aperite mihi portas iustitiae, l'antienne in paradisio à l'entrée dans l'église le cantique Nunc dimittis sont autant de garanties déployées contre les dangers. La croix, les bannières, l'encens, l'eau bénite, la lumière des cierges, ou les cloches du glas , mais aussi le "drap" mortuaire participent à ces mesures de protection de l'âme pendant la période de transition et de passage entre le monde des vivants et celui des trépassés, la tombe étant une Terre Promise. 

  On comprend alors que chaque confrérie funéraire dispose de son propre arsenal : banniére de confrérie, croix de procession, drap mortuaire.

Les confréries funéraires s'engagent aussi à faire dire une messe pour le défunt (dont le nom est mentionné aussi dans le memento des morts de la messe dominicale), et une messe votive annuelle.

 

   Tout cela me renseigne, mais je lis aussi que les confréries de charitons ne sont pas attestées en Bretagne : l'existence des confréries y est pourtant parfaitement établie, mais pour  quels rôles ?

 

c) la Confrérie de Saint-Sébastien à Plogonnec.

  J'emprunte les éléments qui vont suivre à un article de Roger Barrié intitulé Mobilier cultuel et décor interieur dans l'église de Basse-Bretagne au XVIIème et XVIIIème siècle, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 1983, vol. 90 n°90-2 pp. 377-386.

- L'ensemble des verrières (dont le vitrail dédié à Saint-Sébastien) ont été construites entre 1520 et 1540.

- Une Confrérie de Saint-Sébastien disposait d'un autel contre un mur aveugle au nord du transept. La dévotion à Saint-Sébastien s'accentue après "l'épidémie de 1633", épidémie sur laquelle je dois me renseigner. En effet, l'offrande annuelle à Saint-Sébastien qui était auparavant de 20 à 25 sols sous forme de chanvre à tisser, passe brusquement à 90 livres, soit sauf erreur 1800 sols (La livre tournois valant 20 sous).

-En 1638 est institué le grand pardon de Saint-Sébastien.

- En 1723, c'est la chapelle Nord-Est qui est dédiée au saint guérisseur de la peste, avec sa statue sur l'autel, un tableau le représentant, et on lui adjoint une représentation (statue ? tableau ? ) de Saint Roch, également grand guerisseur de la peste. "Ainsi le chevet du collatéral nord constituait un lieu de recours contre les épidémies, par le moyen de la dévotion  envers les saints guerisseurs".

Voilà donc établi sur des preuves historiques qu'à Plogonnec, comme sans-doute ailleurs en Bretagne, la confrérie de Saint-Sébastien est en relation avec l'épidémie de peste. Il resterait à savoir si c'est une confrérie d'intercession et de dévotion, se donnant comme obligation le culte du Saint par les prières, les offices,les cierges, les offrandes, les images de représentation ou les processions, ou bien s'il s'agit d'une confrérie funéraire réagissant à la pénurie de moyens d'inhumation lors des épidémies.

  Une confrérie peut disposer ou commanditer la construction d'une chapelle ou d'un autel, d'une statue, d'un tableau, d'un vitrail, d'une bannière, d'une croix, d'un drap mortuaire ou d'autres biens. Les premiers éléments sont authentifiés à Plogonnec, même si le vitrail n'a pas été commandité par la confrérie, mais par des donateurs membres de la noblesse. Mais parmi les bannières conservées dans l'église, et parmi les 80 bannières que j'ai pu inventorier en Finistère, aucune n'est consacrée à Saint-Sébastien, dont le culte s'est sans-doute éteint avec l'épidémie de peste au profit de nouveaux cultes du XIXème siècle et de nouvelles confréries : Sacré-Coeur, Sainte Thérèse de Lisieux omniprésente, Sainte-Famille, Notre-dame de Pitié, etc...






 

  

 

 

 II.  le vitrail de saint-Sébastien : vue d'ensemble .

 Il se compose de trois lancettes et d'un soufflet de trois mouchettes.

Je dénombre treize panneaux ; la couleur rouge du fond crée une unité d'ensemble, structurée par trois bandes architecturales traitées en grisaille. Dans le registre inférieur, une tenture rouge à bordure jaune réunit les trois groupes de personnages, qui se logent sous les trois arcades. Au registre supérieur, on retrouve les trois arcades isolant trois scénes de Nativités.

  Cette belle unité est le fruit du talent de restaurateur de l'atelier Jean-Pierre Le Bihan, et cache la disparité de fragments incomplets provenant soit des autres verrières de l'église, soit de la chapelle saint-Théleau, la dépose des vitres durant la guerre et les restaurations précédentes ayant brouillé les pistes : tout cela étant expliqué dans le blog du restaurateur :

http://lebihanvitraux.over-blog.fr/article-10509681.html

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-17041825.html

  En 1867, Adolphe Joanne dans son Itinéraire de la France décrivait le panneau du donateur comme appartenant au vitrail de la Passion, et celui de la donatrice au dessus d'un autel de st Maudez dans une niche décrivant sa vie. Je ne me hâte donc pas d'y voir les donateurs d'un vitrail de St Sébastien : un don par une confrérie reste peut-être possible.

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III. Le registre inférieur :

  On identifie Saint-Sébastien dans sa posture typique d'éphèbe martyrisé à la belle indifférence, et un couple de donateurs présentés au Saint par leurs intercesseurs. Je décris le vitrail du bas vers le haut et de gauche à droite en nommant les lancettes A, B, C et les panneaux de 1 à 4 ou 5.

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Panneau A1, A2 et A3 : Saint Allan présentant Alain de Guengat :

   Le panneau inférieur A1 est moderne ; les deux panneaux A2 et A3 mesureraient 49 x 50 cm et 46 x 50 cm.

  Sous une arcade en grisaille rehaussée de jaune d'argent, et un dome de couleur bleue, Saint Allan (version bretonne de Saint Alain) est vêtu en évêque avec mitre orfrayée auréolée, chasuble verte doublée de violet et ourlée d'un large galon d'or, grande piéce de broderie en Y devant la poitrine,  gants gris, crosse épiscopale, et au bras gauche la manipule de soie dorée. L'anneau épiscopal n'est pas visible

  Derriére lui, une tenture rouge dalmassée porte l'inscription  :  S : allan, en lettres gothiques minuscules dont le n est ornée d'une hampe lui conférant l'allure d'un y.

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  Saint Allan "présente" par un geste de la main sur l'épaule le donateur du vitrail. Il porte un surcot bleu sur lequel des mains blanches présentent leur paume. On s'interroge, on croit à une erreur, si on ne pense pas à les traduire en termes d'héraldique. Un fond bleu et trois paumes blanches, le chevalier porte " d'azur aux trois mains dextres appaumées d'argent en pal" , "en pal" signifiant "placées verticalement". 

  Ce sont les armoiries de la famille des de Guengat, dont la devise est" Trésor" et "Leal à ma foy". Le château de Guengat, mentionné depuis 1203 mais dont il subsiste des éléments au sein d'une ferme moderne, est situé au Nord de la commune de  Guengat, à la limite de  Plogonnec, sur une butte située à 143 mètres d'altitude. Il fut assiégé et pris par les Quimpérois en 1591, pendant la Ligue, après que Jacques II ait pris parti pour Henri IV. Il fut récompensé de son choix en étant nommé chevalier de l'ordre de Saint Michel en 1602. 

  Ils possédaient une chapelle à la cathédrale de Quimper, et leurs armes sur deux portails de la cathédrale. Au XVème siècle, Jehan de Guengat fut chambellan et conseiller du duc Jean V.

   Le personnage qui figure ici est (comme nous le souffle son intercesseur), Alain de Guengat, Vice-amiral de Bretagne. ( Il existe différentes Amirautés en Bretagne, dont l'Amirauté de Quimper ou de Cornouaille, dirigées par un Amiral de Bretagne secondé par des Vice-Amiraux). A ce titre, disposant en 1527 de lettres de marque du roi, il fit la guerre aux Portuguais qui avaient pillé les côtes de France en l'absence du roi, et mena sa mission "avce un tel succés que le roi du Portugal versa une rançon". ( Prosper Levot, 1864) . Auparavant, il avait, comme maître d'hotel du roi, accompagné François Ier en Italie :il y fut prisonnier avec son souverain à Pavie (24 février 1525) et partagea sa captivité de deux années à Madrid. En reconnaissance, François Ier le nommé capitaine de Brest.

 

  En 1521, pour cacher une cicatrice de brulure qu'il avait reçu en jouant à attaquer l'hotel du Comte de Saint-Paul  à Romorantin, François Ier s'était laissé couper les cheveux et pousser la barbe, inaugurant ainsi une mode qui dura jusqu'à Louis XIII. Mais ici, Alain de Guengat est imberbe, et il est coiffé à la mode du XVème siécle, cheveux taillés en avant et longs en arriére avec une raie médiane. sa tenue vestimentaire ne semble pas non plus à la mode, elle est loin du costume de François Ier par Clouet , point ici de belles étoffes, de crevés, certes le col est court , et peut-être orné d'un ruché mais l'armure complète lisse, nos travaillée et le surcot simple n'évoquent pas les fastes de la Renaissance. Du vitrail originel, nous n'avons que les cubitiéres avec leurs oreillons arrondis qui pourraient aider à la datation,  et les brassards d'avant-bras. La cubitière n'est pas pointue, comme au XVème siècle.

 

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   Le panneau A1 serait, si j'ai tout compris, de Jean-Pierre Le Bihan qui aurait reconstitué la position agenouillée devant un prie-Dieu, les autres pièces de l'armure, le sol en le traitant en mosaîque monochrome comme celui du panneau voisin,  et la frise .

 

 Panneaux B1 et B2 : Saint Sébastien.


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  Il se tient adossé à la colonne qui symbolise le Christ, les mains liées derrière cette colonne de la couleur verte qui est au Moyen-Âge,celle de la croix, et du Christ après la crucifixion. Il se tient sous le dais bleu à godrons reposant sur les deux culées et surmonté d'une niche semi-circulaire a clef de voute sculpté en bouquet floral, que nous avons observé dans la lancette A, et nous retrouvons aussi la tenture rouge. Il est coiffé comme l'est Alain de Guengat, cheveux longs,mais le front dégagé par une franche ou une raie médiane.

On sait que Saint-Sébastien est le seul saint, et avec le Christ la seule figure religieuse représentée nue, ou dénudée. Les artistes renouent alors avec les bustes antiques et avec les statues d'Apollon, décrivent avec complaisance un bel Ephébe, voire parfois un bellâtre éfféminé, mettent en valeur la musculature, soignent la pose et retrouvent le contraposto, cette attitude de la statuaire grecque où l'athlète s'appuie sur une jambe fermement tendue alors que l'autre, fléchie, libre, amorce un mouvement de rotation qui entraîne déjà avec lui le bassin et le tronc. Et ce contraposto confére au héros un charme trouble fait de nonchalance maniérée.

On compte ici sept flèches, profondément et outrageusement enfoncées, avec la détermination d'un sorcier pratiquant un envoutement. Souvent, seules cinq flèches sont représentées, correspondant aux cinq plaies du Christ, mais le chiffre sept est riche de signification également. L'invraisemblance des deux flèches qui transpercent les deux jambes en même temps n'est pas génante, tant il est évident que nous sommes placés ici très loin de la réalité, dans un plan métaphorique que nous comprenons parfaitement.

  C'est le drapé transparent et déchiré qui me fascine, avec cet effet de deshabillé ou de "tee shirt mouillé" étonnamment audacieux . S'il est, pour un peintre, une belle prouesse technique, cela doit être aussi un bel exploit pour un maître-verrier. Cacher en laissant voir, évoquer la violence faite au corps par la meurtrissure de l'étoffe, jouer de l'ambiguité des plis, des fentes, ou des brêches , choisir une mousseline pour sa fragilité et pour sa manière de couvrir las chairs comme une caresse , qu'en penserait Gaétan Gatian de Clérambault?

  Le lien qui attache les deux pieds semble moins une entrave qu'un élément de "bonding" et accentue l'ambiguité.

  Le socle en verre blanc traité en grisaille et jaune d'argent prolonge celui des panneaux A1 et C1 en alternant des colonnes cannelées au chapiteau centré par une rosette, avec des médaillons représentant de gras Amours au carquois bien remplis et aux cheveux paille hérissés commme des flammes, qui bandent leur arc. Seul sans-doute le hasard des reconstitutions de fragments vient placer ces petits archers sous l'éffigie de leur saint patron.

 

Panneaux C1 et C2 : Sainte Marie-Madeleine présentant Marie Tromelin de Guengat :

   S'il fallait désigner une homologue féminine à saint Sébastien, Sainte Marie-Madeleine serait une candidate à ne pas écarter, tant l'ancienne pécheresse est souvent figurée en Vénus repentie, tant les artistes se sont plus à la vétir de peaux de bêtes ou de sa seule chevelure pour dévoiler ses formes, et tant Marie de Magdala devient, par son passé de courtisane et  sa proximité tendre avec le Christ à qui elle s'adressait en le nommant affectueusement Rabbi, une figure de la féminité et de la séduction : le renoncement à l'érotisme dans la pénitence et l'ascèse posséde ses charmes secrets. 

   Mais ici, point de mélancolie évanescente (ce n'est pas encore l'age baroque), point de longs cheveux blonds ou roux à l'animalité sauvage, point de pose extatique au pied d'une croix ou d'une déposition, mais une sainte anonyme dont seul le vase de parfums nous révèle l'identité. Sans celui-ci, nous ne l'aurions pas reconnue derrière son déguisement de mère-la-pudeur tirée à quatre épingles, pas un cheveu qui ne soit soumis à la stricte discipline d'une guimpe austère, le regard triste, la mine rhébarbative,  pâle frileuse abritée dans une grande cape verte.

  Elle porte un surcot  de couleur or, damassé, à manches courtes au dessus  d'une robe bleu-sombre à motifs losangiques et à manches blanches à gigot. on voit le noeud d'une ceinture couleur  fuschia. De la main gauche, elle place, sans vraiment le tenir, dans le dos de la donatrice un livre à fermoir curieusement entiérement bleu.

  Son grand manteau fait un pli curieux pour se placer dans le dos de la donatrice.

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La donatrice est agenouillée à son prie-Dieu, les mains jointes sur un missel. On remarque trois bagues, l'une sur la première phalange de l'annulaire, les deux autres sur la deuxième phalange de l'index et de l'auriculaire de la main gauche, la main droite échappant à notre curiosité. Au Moyen-Âge, lorsqu'un fiancé offrait une bague et que celle-ci restait bloquée à la deuxième phalange, ces dames y voyaient un signe que, en son ménage, la fiancée porterait la culotte. Mais il faut chercher ailleurs l'explication de ce détail. A l'époque gallo-romaine, les bagues se portaient à la phalangine ou P2. L'examen du célébre tableau La Fornarina de Raphaël montre que la "fille du boulanger" porte un anneau d'or sur la deuxiéme phalange de l'annulaire, et un commentaire dans le Nouvel Observateur indique que c'était alors la mode de porter ainsi les alliances, et rappelle aussi cette croyance de la période Renaissance en l'existence d'une veine qui partait de l'annulaire pour se rendre au coeur. Les veuves portaient parfois une alliance de veuvage, et sur un portrait de Bernard Van Orley (1493-1542) Marguerite d'Autriche se trouve représentée avec un anneau émaillé de noir au second doigt de la main gauche. Je ne remarque aucun chaton, ce sont des anneaux simples dits à tige ou à simple jonc, à demi-roont c'est à dire plat dans sa partie interne et rond dans sa partie externe, lisse sans ornementation de filets ou de feuillage, sans niellure ni émail, sans monogramme ni inscription ; ils peuvent être en cuivre, en bronze, mais je gage qu'ils sont en or. Je vais m'en tenir à l'hypothèse suivante : les deux bagues  de phalangines sont des alliances de veuvage, la bague de la phalange de l'annulaire est l'alliance en rapport avec le mariage valide à la date du portrait.

  

Elle est coiffée d'un chaperon de velours noir à la bordure brodée d'or et ornée de perles. Ce chaperon semble fixé à une coiffe, un petit béguin de soie qui recouvre les cheveux tirés en arrière pour dégager le front. Un voilage recouvre le visage.

  Elle porte une chemise fine qu'on entrevoit à l'encollure, laquelle est arrondie, prés du cou, sans ornement, et aux poignets où elle s'orne de dentelle. Puis nous voyons un vêtement blanc au décolleté à peine marqué, arrondi et non carré selon la mode italienne récente, vêtement qui descend assez bas  et dont je ne sais dire s'il s'agit de la cotte (ou corset) ou de la robe. Des rangées de boutons dorés s'alignent sur le devant, sans paraître en assurer la fermeture. Au dessus, une très belle robe lie-de-vin très ouverte se pare de revers mauves et fait apparaître sa doublure de soie d'or par les grandes manches retroussées et pendantes. Les avant-bras sont couverts par une belle étoffe rouge représentant peut-être des manches attachées au coude. L'ensemble est luxueux mais reste, pour un néophyte, en dehors de la mode italienne du début du XVIème siècle.

  Outre les bagues, le seul bijou est une chaîne (d'argent) en collier.

  Répondant au chien qui bondit sur l'armoirie, deux lévriers sont couchés au pied de leur maîtresse, dans des poses bien naturelles. 



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      Il s'agit de Marie de Tromelin, dame de Livinot et de Botbodern en Elliant, épouse en troisième noce d'Alain de Guengat qu'elle épousa en 1521 après un mariage avec N.du Perrier, sieur de Coatauton puis avec Fiacre de Trogoff. Elle est la fille de Jean de Tromelin (décédé en 1500) et d'Isabelle de Kervastard . Elle eut trois enfants d'Alain de Guengat : Jacques, René (décédé en 1587) et Claudine. Elle est décédée le 18 décembre 1547. Il ne faut pas la confondre avec Marie de Tromelin, dame du Bourouguel, veuve de Claude de Penmarc'h et épouse en 1588 d'Anne de Sansay, sans descendance.

  Elle porte, sans que l'on puisse affirmer que c'est une partie de son costume ou un élément surajouté, les armoiries des Guengat et des Tromelin en écartelé :  Guengat porte, nous l'avons vu, "d'azur aux trois mains dextres appaumées d'argent en pal", et Tromelin porte " d'azur au levrier passant d'argent". Ce blason est surmonté d'un autre, "d'argent à trois chevrons de sable", qui est Kervastar, seigneur de Kerengar en Elliant. Ces deux dernières armoiries se trouvent sur le tympan de la maîtresse-vitre de la chapelle de Kerdévot (Ergué-Gaberic), et les deux premieres (Guengat-Tromelin) dans l'oculus de la même verrière.

  il ne faut pas confondre ces Tromelin issus de Mahalon (près de Pont-Croix en Cornouaille) avec les Tromelin du Léon, qui portent "d"argent à 2 fasces de sable".




 

Le registre supérieur : 

      Il est consacré à une scène de Nativité que Jean-Pierre le Bihan intitule "fragments d'adoration des mages et d'un prophète.

  Tel qu'il se présente au visiteur contemporain, abstraction faite du travail de restauration à partir de "fragments", il forme une belle unité tant architecturale avec les trois loges en arcade surmontées de pots à feu que par la couleur rouge du ciel.

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Panneau A4 : La Vierge à l'enfant :

  La Vierge, la tête couverte d'un voile,vêtue comme il se doit d'un grand manteau bleu, au dessus d'une robe violette, tient l'Enfant-Jésus qui puise de la main droite dans une boite en or au couvercle évasé. J'y voyais une bonbonnière, mais vous seriez plus avisés peut-être d'y voir le précieux cadeau que le premier Roi Mage, qui s'est éclipsé, lui a offert  : de l'or, si c'est Melchior, ou de la myrrhe, si c'est Balthasar.

  Le galon du manteau porte une inscription, qui appartient au panneau A1 : l'aviez-vous remarquez ? En vous y reportant, vous déchiffrerez : VEORE.AV/SAMERORO  J'attends vos interprétations.

  Je remarque aussi la belle étoile des bergers, qui incite à ne pas voir une simple Vierge à l'Enfant, mais à l'inclure dans une Nativité.


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Panneau B3 : fragment de Nativité, Roi mage.

  Il met en scène un des trois Rois mages portant un récipient en or et argent doté d'un couvercle. Classiquement, le roi mage à barbe blanche, c'est Sénior, euh, je veux dire Melchior, qui offre l'or. Il est bien beau, avec sa barbe bien taillée, son collier d'or, sa robe rouge au camail bleu et son manteau vert. Mais les deux gamins qui se sont hissés sur le mur de la crèche lui volent la vedette, tant ils sont mignons. Ce sont des bergers, puisque l'un tient sa houlette.

   L'ange de nativité semblerait appartenir à ces pastoureaux stupéfaits si ses ailes vertes et le nuage bleu qui lui sert de tapis volant ne nous informaient qu'il appartient aux légions de séraphins méssagers et autres chérubins. L'étole qui se croise sur son aube est décorée de croix et de losanges.

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  Panneau C3 : Fragment de Nativité : Roi Mage :

  C'est pour moi une scène analogue au panneau B3, avec un roi à grise mine (la sanguine a du s'effacer) et à la drôle de couronne de guingois. Il porte le même collier que le mage précédent, une robe rouge, un camail vert sur un vêtement richement ornè de broderies d'or. Sur le bord de ce dernier se lisent les lettres ORAPRON à droite (ora pro nobis, "priez pour nous") et VER à gauche.

  Un autre berger blond encapuchonné est le "ravi" de nos crèches de santon, avec ses bras levés en signe d'émerveillement et son sourire d'extase.

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Tympan :

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