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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:03

 

  La chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben : Deuxième partie : Sainte-Barbe .

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Voir :

Vierges allaitantes VII. Chapelle Notre-Dame de Lannélec à Pleyben. Première partie : Présentation ; La Vierge.

 

 

Cet article appartient à la série consacrée à Pleyben et ses chapelles :

 

L'église

Les chapelles :

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3°) Voir aussi :

Voir sur sainte Barbe :

 

 

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  Sainte-Barbe apparaît à Lannélec comme la patronne en second de la chapelle, bien qu'aucun document ne l'atteste. En effet, c'est pour elle qu'est dressée en face de Notre-Dame de Lannélec (ou de Misericorde) une niche dévotionnelle à droite de l'autel. C'est aussi elle qui figure sur le vitrail de la maîtresse-vitre.

  Alors que je rédigeais cet article, j'ai réussi à avoir accès au  site d'Alain Ménard kergranit.free.fr, et j'y ai découvert le rapport entre cette Sainte, habituellement considérée comme protectrice de la foudre (voir :  Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.) et les Mamm al lez ou Vierges au lait. Je commence par décrire la statue, puis j'en arrive à ce point passionnant :

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1. La niche et la statue de Sainte Barbe.

  La niche gothique est identique à celle que j'ai décrit pour Notre-Dame de Lannelec, mais sa partie supérieure est mieux conservée, et elle possède ses deux volets. Elle porte l'inscription GRANDE . et . PVISSANte . Ste BARBE . 

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 La statue de pierre polychrome du XVIe siècle grandeur nature présente  Sainte Barbe avec ses attributs habituels : la tour à trois fenêtres, dont celle qu'elle a fait percer en l'honneur de la sainte Trinité ; le livre, astucieusement placé à la base de la tour comme s'il était dans une salle de lecture ; et la palme du martyre.

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ste-barbe 9307c 

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   Elle est vêtue d'un manteau rouge doublé de bleu et dont la bordure, bleue également, porte des éléments carrés et dorés qui descendent jusqu'à  l'inscription d'une date, 1578. Je rappelle qu'à cette date, toute la région est embrasée par la guerre de la Ligue entre le catholique et ambitieux duc de Monfort, et l'ex-protestant Henri IV qui cherche à reprendre le contrôle de la Bretagne.

   Cette date m'apparaît très intéressante si on considère que cette statue et sa niche s'établissent en vis-à-vis de la statue de Notre-Dame de Lannélec, qui, elle, n'est pas datée. Les deux niches sont identiques, les deux statues paraissent de la même taille et de la même facture, leurs  costumes sont très semblables, et, détail à mes yeux significatif, on retrouve chez Sainte Barbe la même chevelure retenue par un bandeau occipital que j'ai observé sur 6 des 7 Vierges allaitantes et sur Sainte Gwen. Or, aucune des Vierges allaitantes n'est datée. Si on accepte d'attribuer la même date à N.D. de Lannélec qu'à sa voisine Sainte Barbe, cela donne une indication sur la datation de toute la série des Vierges au Lait : au dernier quart du seizième siècle, avant et pendant la Ligue. 

   Cette date de 1578 est exactement celle de la statue de St Venec, placée en vis-à-vis de le Vierge allaitante à la chapelle St-Venec en Briec. Nous avons donc :(sd = sans date)

 

Vierge allaitante socle vierge saint patron socle saint
Tréguron Gouezec :sd 1654 saint Eloi sd 1584
Kergoat : sd sd    
Quillidoaré : sd sd    
Kerlaz : sd  1566 Saint Germain  
St Venec : sd 1592 Saint Venec :  1578
Kerluan :sd pas de socle ---  
Lannélec : sd socle : sd Sainte Barbe : 1578  

   Si on écarte le socle de Tréguron en l'estimant non contemporain de la statue qu'il accueille, on obtient la fourchette de datation de 1566-1592 pour les vierges au lait de Cornouaille.

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ste-barbe 9213x

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Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

Chapelle de Lannélec à Pleyben. Photographies lavieb-aile.

       

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.Outre ce manteau, le reste du costume retrouve les éléments que l'on trouvait sur les Vierges allaitantes, à l'exception bien-sûr du corselet d'allaitement à ouverture à soufflet frontal.

  La longue chevelure ruisselante est un autre point commun avec les Vierges ; je la considérais comme métaphorique de l'écoulement du lait, et nous verrons qu'ici encore cette interprétation n'est pas à écarter.

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ste-barbe 9220c

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       le culte de Sainte Barbe en Europe.

Sainte Barbe, ou Sainte Barbara, Santez Barba en Breton, est une sainte martyre qui aurait vécu au IIIe siècle à Heliopolis.

Les premières versions du Mystère de sainte Barbe apparaissent au VIIe siècle en Orient, d'où des reliques sont rapportées en de nombreuses villes d'Europe (Burano à Venise, à Plaisance en Italie, Abbaye de Sainte-Barbe-en-Auge en 1050, cathédrale de Liège, aux Feuillants à Paris,  etc...) La fête catholique est instituée le 4 décembre  dès le XIIe siècle à Rome. Vincent de Beauvais mentionne la sainte dans son Speculum Historiale de 1258, Jacques de Voragine donne le récit de sa vie dans la Legenda aurea en 1261-1266 (traduction française en 1476) mais les principaux témoignages iconographiques de son culte datent du XVe siècle en Flandre puis en Italie : peintures de Jan Van Eyck en 1437 ( Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers), de Robert Campin en 1438, Cosimo Rosselli en 1468 (Musée des Offices, Florence), de Hans Memling en 1479 (Metropolitan Museum de New York), de Lorenzo Lotti en 1524.

L' église de Savigny (Manche) possède un cycle de peintures murales du XIVe.

  Le récit de Jacques de Voragine ici page 296 : link

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 2. Culte de Sainte Barbe en Bretagne

ou : les éléments apportés par le site d'Alain Ménard kergranit.free.fr: Dans sa description de la chapelle de Lannélec, remarquable par la qualité des photographies et l'art de faire jouer la lumière, je commence par lire une présentation très bien rédigée des divers éléments que j'ai pu trouver dans la Notice de 1938 d'Henri Pérennés ou dans d'autres sources. Mais j'y trouve surtout  un texte d'Anatole le Braz, auquel je n'avais pas eu accès, Les saints bretons d'après la tradition populaire en Cornouaille, 1893-1894. L'extrait qui y est cité, et que je trouve aussi ici :link m'apporte trois éléments :

  • une description de Lannélec vers 1883, que j'ignorais
  • la mention d'un "mystère de Sainte Barbe de 1557 réédité par Ernault",
  • La mention d'une sainte Barbe protectrice des femmes enceintes dans la citation suivante :

  "Ce qu'on oublie parfois, c'est qu'elle tient aussi sous sa sauvegarde les femmes enceintes. "Elles me sont plus particulièrement chères, dit-elle à Dieu en mourant ; faites-en des mères joyeuses ! Que leurs enfants viennent à bien, pour recevoir la grâce du baptême !" Ainsi s'explique qu'on ait placé sa statue, dans l'église de Lanneléc, en face de celle de Notre-Dame. Les femmes sur le point d'accoucher s'agenouillent devant l'une, et devenues mères, n'ont qu'à passer à l'autre. "

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  Il me reste à explorer ces pistes :

Emile Ernault (1852-19838)

   Ce professeur de langue et littérature classique (latin et grec ancien) à l'Université de Poitiers, né à Saint-Brieuc et membre actif de la Société d'émulation des Côtes du Nord s'est  avant tout consacré à l'étude le la langue bretonne : il a étudié et édité des cartulaires et gloses en vieux-breton et des mystères médiévaux en moyen-breton.

  En 1885, il donne la première édition française du Mystère de Sainte Barbe de 1557 :

Le Mystère de Sainte Barbe, tragédie bretonne, texte de 1557, publié avec traduction française, introduction  et dictionnaire étymologique du breton moyen, Société de Bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, Nantes 1885 404 p, in 4° :link

  C'est en réalité La Villemarqué qui est à l'origine de cette publication, car c'est lui qui a initialement recopié un exemplaire de 1557 appartenant à M. de Saint-Prix  et qui a commencé à le traduire avant de confier la suite du travail à Ernault.

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Le Mystère de Sainte Barbe en breton.

   a) les mystères bretons et le contexte historique .

     J'apprends dans un article de Jean-François Courrouau, L'imprimé religieux en langue bretonne (1526-1660), Ann. Bret. Pays de l'Ouest, 115-3, 2008, 57-79, link que ce Mystère est la première Vie de Saint éditée en breton, précédée par le Catholicon (1499), le Missel breton (1526) et le Mystère de la Passion (1530). Viendront ensuite une Vie de Sainte Catherine ( 1576) et la Vie de Saint-Yves (1623). Mais il faut adjoindre à ces livres imprimés  les manuscrits qui ne seront parfois édités qu'au XIXe siècle, et imaginer la tradition orale, attestée par les mentions de mystères joués dans les églises puis à l'extérieur.Je complète par les éléments que je peux glaner pour donner cette liste (non qualifiée) enrichie de repères historiques (source :Kervarker link )

  • fin XVe : manuscrit de Buhez santez Nonn, la vie de sainte Nonne écrit probablement par un moine de l'abbaye de Daoulas et édité en 1837 par Le Gonidec, puis récemment par l'équipe du CRBC.
  • 1499 : Catholicon  de Jehan Lagadeuc publié à Tréguier (dictionnaire trilingue)
  • 1500 (vers) : vitrail de Sainte Barbe à Lannelec.
  •  1530 : publication en un seul ouvrage de deux poèmes chrétiens,Tremenuan an Ytron Guerches maria et Pemzek Levenez Maria.
  • 1530 : mystère de la Passion publié à Paris : Aman ez dezrou an Passion ha goude an Resurrection [...], e Paris a neuet imprimet...(Ici commence la Passion ...publié à nouveau à Paris) réédité à Morlaix en 1622 puis par La Villemarqué en 1865.
  • 1532 : Réunion de la Bretagne et de la France.
  • 1539 : Edit de Villers-Cotteret imposant le français comme langue officielle (documents administratifs)
  • 1544 :Le mystère breton Dismantr Jerusalem est composé par le léonard Fiekr Mezanstourm. 
  • 1545-1563 : Concile de Trente.
  • 1557 : Mystère vie de sainte Barbe
  • 1575 : publication du Miroer Mort  en breton
  • 1576 : Vie de sainte Catherine : Buhez an Itron sanctes Cathell
  • 1576 : Cathechisme,
  • 1578 : statue de sainte-Barbe à Lannelec,
  • 1609 : Mystère de la Passion, ed. Marciguay à Saint-Malo
  • 1636 : Albert Le Grand de Morlaix publie à Nantes en français Les Vies, gestes, mort et miracles des saints de la Bretagne Armorique.
  • 1650 : Nouelou Ancien ha devot par Tangui Gueguen

Il faudrait y ajouter les cantiques imprimés sur feuille volante ou seulement mémorisés, qui reprenaient la trame des Mystères : ainsi, le canticou Histor eus a vuez Santez Barba, Morlaix, sd, cité par Ernault.

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  b) le Mystère et Vie de Sainte Barbe .

Il y eut deux éditions ; La Villemarqué a travaillé sur une copie incomplète de la première, et  Ernault a complété cette copie à partir de la 2ème édition.

1. Aman ez dezrou buhez sante Barba dre rym euel maz custumer he hoary en goelet breiz, Imprimet E Paris euilt Bernard de Léau pe huy a chom e Mouutroulez var pont bourret en Bloez [15]57, British Library : C.40.b.49

2. Aman ez dezraou buhez santes Barba dre rym, eues maz custumer he hoary en goelet Breiz. Gant euriou an itron sanctes Barba hac he Officou amplamant, E Montroulez, gant Ian Hardouyn, 1647 (BnF : Res Yn-16). Ed. Ernault, 1885

  Ce titre signifie : "Ici commence la vie de Sainte Barbe en vers, comme on a coutume de la jouer en Basse-Bretagne, Avec les heures de Madame Sainte Barbe et les offices, tout au long."

  "comme on a coutume de la jouer" : en effet, les mystères étaient joués par des groupes parfois réunis dans des confréries. A Rennes, la première représentation attestée a lieu le 25 mai 1430 jour de l'Ascension, pour donner devant le duc Jean V le Mystère de la Passion. La confrérie du saint Sacrement se consacre dès le XIVe et jusqu'en 1520 à l'exécution scénique du mystère. Des confréries de Sainte Barbe (attestée à Rouen)  furent constituées, peut-être dans le même but. S'il semble que les premiers mystères produit soient des mystères "sacrés" tirés de la Bible, en premier lieu le mystère de la Passion ( dès le XIe siècle), les mystères "religieux" tirés de la vie des saints sont également donnés, comme le Mystère de saint Martin. En langue français, deux manuscrits de Mystère de sainte Barbe ont été conservés, l'un du XVe siècle, l'autre du XVIe. Le premier, riche de 20 000 vers, met en scène cent personnages parlants. 

  Selon E. Ernault, le Mystère de Sainte Barbe fut, après le Mystère de la Passion, l'oeuvre la plus jouée. Cette sainte était invoquée contre la mort subite, et on relatait les miracles où un homme victime d'un accident mortel priait la sainte : celle-ci intervenait pour maintenir en vie l'agonisant jusqu'à l'arrivée d'un prêtre qui administrait les saints sacrements et évitait au malheureux un séjour éternel en enfer. Le succes de sainte Barbe se comprend à la lumière de la mentalité des hommes du Moyen-Âge terrorisés par la hantise de mourir sans confession.

  •   En juin 1476, on joua à Compiègne un mystère (français) de Sainte Barbe donné en trois jours (Emile Ernault)
  • En 1493, il est signalé que la Vie et histoire de Madame Sainte Barbe fut jouée à Laval.
  • Au XVIe siècle, le Parlement de Bretagne interdit les représentations publiques des mystères à la suite de rixe mortelle durant un Mystère de Sainte Barbe à Domolain près de Guerches de Bretagne ( le Parlement de Paris prononça la même interdiction le 18 novembre 1548) 
  • Le Concile de Trente interdit également la représentation des Mystères.

 

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      c) Culte de sainte Barbe en Bretagne : édifices et  iconographie.

Dans le but de situer la statue de Sainte Barbe de Lannelec sur le plan historique, je recueille encore quelques dates :

  • 1489 : construction de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët
  • 1538 : vitrail du cycle de Sainte Barbe à Montcontour
  • 1578  : Sainte Barbe à Lannélec
  • 1619 : chapelle Sainte-Barbe de Roscoff

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Les volets historiés de la niche.

  Ils illustrent la légende de Saint Barbe, que j'avais déjà évoquée ici :

Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.

Ils se lisent de bas en haut.

  Rappelons que Sainte Barbe, libanaise d'Heliopolis au IIIe siècle, persiste dans sa foi chrétienne et dans sa détermination à refuser tout mariage et résiste aux ordres pressants de son père, le satrape Dioscore, qui l'enferme dans une tour avant de partir en voyage. A son retour, il constate une troisième fenêtre qui n'était pas dans ses plans :  

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1. Sainte Barbe, Dioscore et la tour.

      ste-barbe 9226c

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Ier épisode : Dioscore amène sa fille devant la tour qu'il a fait bâtir pour y mettre à l'abri sa virginité :

          DIOSCORE           

 

199. Barba, ma merch net he derch ha guerch glan,

Denesset lem dirac ma dem breman,

Huy heu noman dreis pep hunan ganet

Ma holl esper singulier ha querhaff

Ham holl buhez noz dez seul maz vezaff

Ac e caraff muyhaff nen nachaff quet.

 

200. Rac se seder emeux sclaer prederet

Ober fournis flam dam guis diuizet

Un tour flour net doz miret hep quet sy

Enn haff affet secret ez vihet plen

Perguen eno na no guelo neb den

Bezet certen bizhuyquen nep heny

 

              SANTE BARBA

201. Ma tat quer, pebez pridirit

Na pe dre dezen eu dihuy

Na pez ouz eux huy studiet

Ma lacat gardis en prison,

Priuet a gracc en pep faczon?

Re diraezon ez sarmonet.

 

                DIOSCORE

 

Barbe, ma fille, pure et chaste vierge,

approchez à l'instant en ma présence;

c'est vous qui êtes en ce monde, plus que personne,

mon espoir le plus cher, ma vraie vie, nuit et jour,

tant que j'existerai . Je vous aime par dessus tout, 

je ne vous le cache pas.

 

 C'est pourquoi j'ai songé sérieusement

à faire une tour épaisse, belle,

disposée à mon gré,

une tour élégante pour vous y  bien garder.

Vous y serez parfaitement au secret et à votre aise, 

et personne ne vous verra plus désormais, soyez-en sûre.

 

                  SAINTE BARBE

  Mon cher père, quel souci prenez-vous,

quelle est votre intention? A quoi songez-vous,

de me mettre dans une dure prison,

privée de tout agrément ? 

Je n'ai nullement méritée d'être emprisonnée, croyez-moi.

 

 

      

 

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    2ème épisode : Le panneau sculpté en bas-relief montre plutôt l'épisode  où Dioscore rentre de son voyage, pressé de découvrir si la tour qu'il a ordonné avant son départ est conforme à ses souhaits et où il découvre tout-de-suite la fenêtre que Sainte-Barbe a fait ajouter aux deux ouvertures prévues sur les plans. Aussi suspicieux et aussi jaloux que Marcel face à Albertine prisonnière, il apprend du contremaître que l'ordre a été donné par la fille ; tandis que l'entrepreneur, traité de Diot, sotin, babouin, mastin quy (imbécile, sot, babouin, fils de chien), s'enfuit sans attendre le réglement de sa facture, Barbe est intérrogée : elle répond que "trois donne plus de clarté que deux", que "c'est maintenant la mode", que  Try frenest en re onestaff Da sclaerhat muyhaff, ne raff sy "trois fenêtres, c'est ce qu'il y a de plus convenable, pour éclairer mieux, je le sais", avant de déclarer enfin :

 Rac tri person tron onest

En un test en un maieste

A un coudet, a un edit

Un ster, un esper, un merit,

Un apetit, un deite :

" Parce qu'il y a trois personnes dans le ciel brillant, qui ont une seule nature,une seule majesté, une seule pensée,  une seule puissance, une seule dignité, un seul désir, une seule vertu, une seule volonté, une seule divinité".

  C'est le moment représenté par l'artiste : Barbe désigne à la fois les trois fenêtres de la tour et le ciel brillant avec les trois personnes qui s'y trouvent, pendant que le malheureux paternel qui est sur des charbons ardents s'arrache les cheveux. Il n'est pas au terme de son supplice puisqu'il va avoir droit à un exposé de théologie avant d'entendre sa Barbie chérie traiter ainsi  les dieux qu'il vénère : "Je leur cracherais bien à la face si j'en trouvais l'occasion ; je les détruirais en tout lieu ces sales démons puants et maudits odieusement fabriqués pour la superstition par des réprouvés !" (strophe 316 : Crachet oar tro en ho face ) . Et il s'arracherait la barbe par surcroit (à défaut d'arracher sa Barbe aux influences néfastes qui l'ont ainsi pervertie) s'il apprenait ce que les spectateurs du Mystère ont découvert tout à l'heure sur les tréteaux dréssés sur le placître de Pleyben : en son absence, sa fille  a adressé un messager à Origène en personne, qui lui a envoyé d'Alexandrie son jeune diacre Valentin. Lorsqu'il est reparti, elle en savait plus qu'un docteur en Théologie sur les trois hypostases du Dieu unique, la consubstantialité, les errements du subordinatianisme. Et elle vous récitait Polycarpe de Smirne comme votre grand-mère récitait ses départements, leur préfecture et leurs sous-préfectures !

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2 . Le miracle de la fontaine : 

  La scène se place entre le moment où Barbe est conduite dans sa prison, et le retour de son père :

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ste-barbe 9225c

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Mystère de sainte Barbe, strophes 255 à 258 : sainte Barbe se rend à la fontaine "car son âme a envie de boire" mais elle la trouve tarie. Elle se met à genoux et implore le Seigneur ; quand elle se relève, elle la trouve remplie. link

  L'image montre Dieu-le-père, coiffé de sa tiare préférée et tenant en main gauche le monde crucifère dont il ne se sépare pas, qui apparaît dans les nuées à Santez Barba pour la bénir.

   Dieu partage avec la Bretagne ce point commun de n'apparaître que dans les nuages ; c'est comme ça, on ne les changera pas.

258. Huy goar en mar dre hoz caret

Emeux ent espres dileset

An bet ; recevet ma pedenn

Ha reit diff dont mat en stat man

Evit enaff anezaff glan

Quent monet breman ahanenn.

 

Vous savez sans-doute que par amour pour vous

j'ai complètement abandonné le monde

recevez ma prière

et donnez-moi à l'instant

de bonne eau pure, pour que j'en boive

avant de m'éloigner de ce lieu.

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3 La grande colère de Dioscorus.

   Le satrape (c'est le titre et la fonction du père de Barbe, qui gouverne une satrapie, une province de l'empire Perse) vient d'entendre la profession de foi de sa fille et a perdu ses longs cheveux. Il avait donné la meilleure éducation à sa fille, l'avait entourée (au sens propre) de son affection, la promettait aux joies ineffables du mariage, et il découvre qu'elle tient des discours antisociaux, qu'elle a un comportement alimentaire déviant (ne buvant l'eau que d'une certaine fontaine à l'exclusion de toute autre, se nourrissant de baies et d'herbes cueillies autour de cette source), qu'elle se détourne ainsi des circuits économiques traditionnels, qu'elle   voue à la numérologie consacrée au chiffre trois une vénération inconsidérée, qu'elle s'isole en suivant les préceptes anorexigènes d'un gourou d'Alexandrie et qu'à l'âge où toutes ses amies jouent avec leur poupée Mademoiselle (ann Nemezell) passe son temps le nez fourré dans les ouvrages d'un certain Justin (de Naplouse),  d'un Ignace (d'Antioche) et d'un Irénée (de Lyon). Il n'est pas content content :

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ste-barbe 9224c

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                  Dioscorus

357. A ! paillardes ! pautres esou

Penauz ez den yen az guenou

Blasfemaff ma doeou louen

Hac y heb goall dre ho gallout

ouz gouvernn an bet heb quet dout

Hac en pep rout oz ma souten.

 

358. Me ray dit cruell meruell yen ; 

En place man breman oar en men

Ez renty dyen da eneff

An despet dan stinn az lignez

Mez lamo pep tu a buhez,

Me toe dam fez, gant ma clezeff.

 

(Santa Barba a pet doe di difenn,

ha neuse un men bras en em digoras

hac he euzas ouz he tat a predere

neuse he lazaff )

 

357 Ah, coquine, fille dévergondée,

comment ta bouche ose-t-elle blasphémer

froidement mes dieux bienheureux

eux qui sans faute, par leur puissance,

gouvernent évidemment le monde,

et me soutiennent de toute façon!

 

358. Je te ferai cruellement sentir 

la froide mort, en ce lieu même

A l'instant, sur cette pierre tu vas rendre l'âme

Malgré ta naissance et ta race

je t'enléverai complétement la vie,

Je le jure par ma foi, avec mon épée.

 

( Sainte Barbe prie Dieu de la défendre,

et alors une grande pierre s'ouvrit et la cacha

à son pére, qui voulait la tuer).

 

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    4. La mammectomie bilatérale,  ou le supplice de Sainte Barbe:

Cette scène ne survient qu'après une cinquantaine de pages du Mystère de Sainte Barbe où sont relatés les faits suivants : Ayant perdu de vue sa fille, le père aveuglé de fureur part à sa recherche pour la tuer ; deux bergers l'ont vu passer, le bon berger Rivallen nie l'avoir vu mais le méchant Gueguen révèle sa cachette et Dioscore s'empare de sa fille. Il la menace puis l'emprisonne avant de se rendre auprès du Grand Prévot pour la faire châtier. 

 

  Le Prévôt fait convoquer Sainte Barbe et l'exorte d'un ton bonhomme à répudier ses convictions coupables, mais devant son refus, il appelle les bourreaux ( ce sont Les sieurs Loupant , Agripant, Claudin et Glouton) pour une surenchère de supplices successifs : strophes 450 à 490

Mettez-la à nue et attachez la

Promenez la en la battant qu'il ne reste machoire ni lèvre qui ne soit vigoureusement frappées.

Procurez-vous de durs bâtons et des nerfs de boeufs solides

Et des fléaux, et de nouveaux fouets aux noeuds durs

Placez-la dans un tonneau pour y danser, plantez-y mille clous, et roulez-la à travers la ville

Sus, sus, faites qu'elle sente le supplice, avancez vite, je la veux transpercée et harassée,

les membres disloqués. Froids vilains, est-ce un jeu que vous avez fait? Fustigez-la !

Vos batons et des fouets bien durs ! Remplissez ses plaies de sel ! Frottez-la promptement, dur et serré !

Habillez-la d'une robe de crin et jetez-la en prison pour qu'elle soit déchirée mutilée chair et peau.

En prison, Sainte Barbe reçoit la visite et la consolation de Jésus et des anges. Ses plaies guérissent miraculeusement. Convoquée à nouveau devant le Prévôt, elle continue à refuser d'adorer "les idoles, stupides épouvantails faits par l'artifice de vils fripons", et son martyre reprend : elle est brûlée par des torches, frappée avec des marteaux, avec des bâtons, et enfin, strophe 593 page 138 : link : on trouve la didascalie :

                         Aman ez troucher e diu bron, "Ici on coupe les mamelles".

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 ste-barbe 9227c

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593. Squegiett diff astriff e diu bronn

Quen disaczun ha da un gonn

Digoar he poull calon gronnet

Mar guelher frost he holl costou

Gant travell hac he bouzellou

Gruet hv ent re dou badouet

 

593. Arrachez-moi violemment ses mamelles,

sans plus de façon qu'à une truie. Tirez-les

de sa poitrine, qu'on voit toutes ses côtes

à nu et ses entrailles, que la douleur

la fasse défaillir.

    .

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  Agripant possède un bon couteau pour tailler dans les mamelles, celui de Loupant n'est pas mauvais non plus, mais Claudin propose son braquemart et voilà Barbe mutilée et bien punie, mais la Sainte pense § 601 à son Dieu, son roi et son créateur, son souverain et son rédempteur, son protecteur si bienveillant, son maître si cher et si puissant, sa joie, sa pensée unique en ce monde, et tout le reste l'indiffère parfaitement. 

    N.B :     Le texte ne parle pas de cette abominable paire de tenaille particulièrement cruelle et pénible à regarder, mais simplement d'honnêtes couteaux aiguisés (contell) et de braquemarts (braquemar) bien tranchants, capables "de les couper parfaitement, tranquillement et en un clin d'oeil", "tout net et séparés" : de la belle ouvrage, pas ce travail de cochon qu'on nous donne ici à voir et qui déprécie le métier.

Remarque : j'ignore quelle est la raison d'être du pot de fleur noir qui est placé en équilibre sur l'auréole bien méritée de Barbe.

  Barbe  est ensuite condamnée à être promenée nue et à exposer son triste état d'amastozoaire à la foule. Mais Jésus en son infinie compassion envoie ses anges qui couvrent (§ 628) la vierge martyre d'un voile blanc. Elle épuise ses bourreaux qui sont éreintés et déshonorés de voir les plaies qu'ils infligent guérir comme des bobos. Le Grand Prévôt a administré la question ordinaire, la question extraordinaire et les tortures additionnellles mais n'a pas encore la science des Dominicains de l'Inquisition avec le "bouc des sorcières", l'écartèlement, l'estrapade, les grésillons ou la poire d'angoisse : il rend son tablier, il renvoie la fille (aussi fraiche et intacte, aussi vierge de toute blessure qu'à son arrivée) à son père.

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      5. Barbe traînée par les cheveux par le cheval de son père.

ste-barbe 9218c

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   J'éviterai de plaisanter sur ce satrape barbu sur son cheval barbe attrapant sa Barbe par la queue de cheval, car nous avons affaire ici à ce drame pathétique qui se répète de générations en générations, celui où l'amour insensé d'un père pour sa fille se transforme en une haine insensée.

       Dans le texte (page 93), cette scène n'apparaît en réalité que comme une menace verbale, avant que Dioscore ne sollicite la justice et ses bourreaux.

.

394. En amguin me haz trahino

E ry an blev hac az blevo

Me promeno ne vezo sy

me rayguiridic da quic noaz

Maz yeno gant poan hac anoaz

Quent evit henvoaz da goazy

Je te trainerai par les cheveux

et te briserai le corps

je te promènerai ainsi

je ferai souffrir ta chair nue

Si bien qu'avant cette nuit

tes veines se glaceront de peine

et d'angoisse.

.

.

  6. Barbe décapitée et sa vengeance posthume.

 

      ste-barbe 9219c

.

.

        Résumer les trente pages de la fin du Mystère de Sainte Barbe (p. 158-187) par une image ou quelques phrases semble aussi dérisoire que, pour un mélomane, de "raconter" le troisième acte de la Traviata en citant sans les costumes, l'orchestre et la Diva, l'aria Ah, gran Dio, morir de Violetta.

  De la strophe 684 à la strophe finale 812, le spectateur a assisté au long débat de Dioscore et de sa fille, les amers reproches d'un père effondré  alternant avec les amers reproches d'une fille exaltée, aux atermoiements de Dioscore conscient de l'absurdité de son geste mais acculé par l'intensité de sa hainamour à le commettre. Comme cela a été annoncé au lecteur par la didascalie " Ici les diables excitent Dioscore à se hater de tuer sa fille",  il a assisté à l'intervention de Satan et de Bezlebut (sic) pressés d'en finir, puis aux débats interminables entre Conscience et Bezlebut, et au malheur du père. Nous sommes très loin de la Légende simplifiée où un roi foncièrement cruel tue sa fille sans regret, et aucun mouvement, aucun battement, aucun trésaillement de cette âme paternelle n'est omis :

.

738. Ma coudet so quen tristidic

ma em guelet quen reusidic

Quen louidic quen milliguet

Ha bezaff suget affet pur

Da muntraff ma goat ham natur

A maleur ezouff furmet.

738. Mon coeur est si triste

qu'on me voit misérable,

infâme et maudit, exposé

à être le meurtrier de mon sang 

et de ma race.

Ah, je suis bien malheureux !

  .

Après ce long débat de conscience, la mort dans l'âme, Dioscore excité presque en vain par les deux démons finit par s'exécuter et décapite sa fille (§781). Jésus intervient et s'adresse au démon : 

     790. "Écoute, Satan, chef criminel des démons, ouvre à l'instant l'abîme plein d'amertume et de glace horrible ; dévore de ton feu ardent Dioscore ce voleur glouton, ce tyran cruel et odieux, ce chien envieux, ce perfide sans excuse."

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             Sathan

793. Ordrenaff tizmat en stat man

Foult ha curun dre fortun glan

Quemesquet a tan breman scaff

Hac et presant gant tourmant bras

De dirumpaff an quentaff pas

Dann iffern diblas az gassaff.

                  Satan

793. Je veux qu'à l'instant même

la foudre et le tonnerre mélés de feux

le précipitent avec grande violence

dans l'enfer horrible et odieux.

.

   C'est le bouquet final pour le spectateur impressionné par tout un appareil dramaturgique de Daemon ex machina, tout un vacarme et une pétarade exécutée en coulisse, des éclairs, un spectacle de pyrotechnie  et  de la fumée à travers laquelle Dioscore foudroyé disparaît  tel Dom Juan dans l'acte V du Festin de pierre.

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Épilogue :

Le prêtre Valentin vient enterrer la Sainte et lui promet de construire une chapelle sur sa tombe ; tout son désir est de finir ses jours à y prier, et on comprend qu'il en était secrètement amoureux lorsqu'il donne la dernière réplique de la pièce, strophe 813 :

Hac an place man da vianhaf Pan duy an dez finuezaff Ez desiraff nen nachaff quet Bout neterret en hoz metou Mar plig gant doe guir roen ploeou reiff diff e gracou golouet.

   "C'est ici encore que je désire, quand viendra mon dernier jour, être enterré auprès de vous si Dieu, le vrai roi des hommes, veut bien m'éclairer de sa grâce".

Le rideau tombe sur Valentin pleurant sur la tombe, il pleut sans-cesse sur Pleyben comme sur Brest, et les gens disent que venant de la scène on entendit crier ton nom :

                                      Barbara !

 

.

.

 

 

Sainte Barbe et le culte de la fécondité.

  Comme Anatole le Braz le rappelait, la présence de Sainte Barbe face à la Vierge allaitante de Lannélec se justifiait par le fait que cette sainte n'était pas seulement la patronne des mineurs, des artificiers, des pompiers, de l'US.Navy ou de la R.AF, mais qu'elle était aussi invoquée par les femmes souhaitant des enfants ou demandant du lait pour nourrir ces enfants. En Géorgie, c'est l'attribution principale de Santa Barbaroba que de guérir les enfants ou de donner un coup de main à la conception.

   Dans le texte du Mystère et Vie de Sainte Barbe, c'est lors de la belle prière que la sainte adresse à Dieu au moment de mourir qu'elle se déclare protectrice des mères: § 661 :

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661. Han groaguez espres brasesou

An re so nez ma caresou

Gruel y gant gnou mammou louen

Maz duy leal ho bugalez

Da quempret an stat a badez

Dre trugarez ma ne uez quen.

 

661.Et surtout les femmes enceintes

qui sont particulièrement mes amies,

faites-en devant tout le monde

des mères joyeuses ;

que leurs enfants viennent à bien

pour recevoir la grâce du baptème.  

Par pitié, du moins, accordez-le moi.

    .

C'est surtout les fontaines dédièes à la Sainte qui reçoivent les dévotions de jeunes filles en mal de mari et qui viennent jeter dans le bassin des épingles ou des pièces de monnaie, au Faouët bien-sûr où cette pratique est célèbre, à Quistinic (56),à Trémorel (22), Plestin-les-Grèves, Noroy-le Baud, Pont-Point (Oise), Le Relecq-Kerhuon (29), Berrien (29), et Moustoir-Ac où la fontaine jumelle les statues de Sainte Barbe et de la Vierge.

   Enfin un auteur ancien signale qu'on trouvait dans plusieurs couvents surtout en Italie des fioles de "lait de Sainte Barbe".

 

.

 Analyse de la versification :

  La grande partie de la littérature bretonne du XVIe siècle qui nous est parvenue découle de la tradition orale et est écrite en vers (à l'exception de la Vie de sainte Catherine et du Cathéchisme de 1576), et elle obéit à une technique de versification qui n'est pas attestée en français, et qui disparaîtra en 1650 : celle des rimes internes qui fait rimer la dernière syllabe du vers avec celle se trouvant généralement avant la césure. Il s'agirait très probablement d'une technique d'origine galloise introduite en Armorique avec l'émigration des Bretons au plus tard au VIe siècle,pour perdurer pendant 1000 ans ce qui ne peut s'expliquer sans écoles locales d'art poètique, hélas non retrouvées.

  Source : Gwennolé Le Menn, Bilinguisme et trilinguisme en Bretagne, Bull. Assoc. étude humanisme 1982, 15-1, pp. 30-37. link

 

  Émile Ernault avait déjà parfaitement analysé la versification du Mystère de Sainte Barbe, en la comparant à celle du Mystère de la Passion et de la Vie de Sainte Nonne ; il y a relevé des octosyllabes et des décasyllabes ainsi que des vers de 5 pieds, réunis en strophes de six vers. Il note le reprise de la rime du dernier vers d'une strophe au début de la strophe suivante. Il précise la régle des rimes internes en signalant que la finale des deux premiers vers d'une strophe (ou d'une demi-strophe) doit rimer avec l'avant-dernière syllabe du troisième : j'ai surligné cela en rouge.

J'ai donc tenté de retrouver ces rimes internes dans le texte que j'ai cité en premier :   

   .

199. Barba, ma merch net he derch ha guerch glan,

Denesset lem dirac ma dem breman,

Huy heu noman dreis pep hunan ganet

Ma holl esper singulier ha querhaff

Ham holl buhez noz dez seul maz vezaff

Ac e caraff muyhaff nen nachaff quet.

 

200. Rac se seder emeux sclaer prederet

Ober fournis flam dam guis diuizet

Un tour flour net doz miret hep quet sy

Enn haff affet secret ez vihet plen

Perguen eno na no guelo neb den

Bezet certen bizhuyquen nep heny

 

              SANTE BARBA

201. Ma tat quer, pebez pridiry

Na pe dre dezen eu dihuy

Na pez ouz eux huy studiet

Ma lacat gardis en prison,

Privet a gracc en pep faczon?

Re diraezon ez sarmonet.

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.

 Bilinguisme en Bretagne au XV et XVIe siècle: il est singulier de constater qu' à la même époque où les habitants de Cornouaille et du Léon assistent à des Mystères en breton, lisent des missels et des catéchismes dans cette langue, dans laquelle ils écoutent les sermons et prédications, c'est en français qu'ils font graver les inscriptions votives et de construction sur les murs et sur les socles des statues de leurs sanctuaires.

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Rubrique culinaire : la Sliqua.

   Sainte Agathe avait ses Minni di vergine ou Seni di vergine, et ses Olivette di sant'Agata...

Sainte Gwen avait ses pupazza frascatana... Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec : sainte Gwen Trois-mamelles et ses fils

Sainte Lucie ses biscotti di Santa Lucia,

et Sainte Barbe a la Sliqua

  La Sainte-Barbe tombe le 4 décembre, tous les pompiers et artilleurs le savent. Pour les chrétiens orthodoxes, c'est le 17 décembre, et ce jour-là, en Géorgie, on sert la Lobiani, une pâtisserie à base de haricots. En Macédoine, on  nomme Sainte Barbe Varsava, et on désigne aussi de ce nom le plat de fête à base de céréales proche du koliva rituel qui est un symbole de résurrection.

Mais au Liban, la Sainte Barbe, Eid-il-Burbara est une fête particulièrement célébrée (fériée au Liban, en Palestine, en Syrie et en Jordanie)  ; c'est surtout la veille du 4 décembre que les enfants miment la fuite de Barbe hors de sa tour, en se déguisant et en allant quémander de quoi subsister, en l'occurrence plein de friandises. C'est aussi une fête des céréales ( argument supplémentaire pour relier ce culte à une fête de la fécondité, comme la fête romaine de Bona Dea les 3 et 4 décembre, réservée aux femmes, et consacrée à la fertilité féminine), et pour "faire barbara", les libanaises préparent une bouillie de blé, sucrée, parfumée à l'anis et garnie de graines de fruits secs, ou de graines de grenade (grand symbole de fécondité à nouveau) : voilà le plat que l'on nomme la Sliqua (photo infra).

  Le culte lié aux céréales, et qui veut aussi qu l'on plante alors toutes sortes de graines de lentille, de haricot ou de pois pour les voir germer pour Noël où elles décoreront la crèche, est lié à une version de la légende où c'est un champ de blé qui a dissimulé la jeune fugitive à son père en poussant magiquement, et non un simple menhir comme dans la version bretonne.

voir : http://www.traiteur-a-domicile.net/4-categorie-10158473.html

L'image de la Sliqua est empruntée à :http://www.christelleisflabbergasting.com/2010_12_01_archive.html

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Published by jean-yves cordier - dans Pleyben Chapelles bretonnes.
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 06:01

          Vierges allaitantes VII

Chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben.

           Chapel Itron Varia Lanneleg

                      Les vitraux

 

 

 

 

I. Les vitraux du XVIe siècle restaurés en 1992.

1. Sources : 

- Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, F. Gatouillat, Michel Herold, Presses Universitaires de Rennes 2005 pp 154-155.

 -  La maîtresse-vitre de la chapelle Notre-Dame de Lannelec en Pleyben, Guy Leclerc, Bull. Société Archeol. Finistère 2006 pp 281-290.

- Pleyben, une commune riche en vitraux, Jean-Pierre Le Bihan, overblog 2008, ici :link

- Pleyben in Églises et chapelles du Finistère, Chanoine Peyron, Bull. Société Archeol. Finistère, 1910 T 37 pp. 183-184,(2 lignes sur les vitraux...), ici :link

- la chapelle de Lannelec, Notice de Pleyben, Henri Pérennés,  Bull. Dioc. hist.  Archéol. Bdha 1938, pp. 246-247, ici : link

 

  L'article de Guy Leclerc, le plus récent, semble le document de référence aujourd'hui.

 

 

 

 

http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=59 : 1938

http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=60

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-16919163.html

http://famille-vittecoq.net/Kerguelen.htm

 

   Les vitraux de Lannelec ont été posés dès l'origine de l'édification de la chapelle, laquelle est  datée par une inscription de 1499. Ils sont donc datés de 1500. Plus tard, le réseau de la maîtresse-vitre fut modifié, ce qui entraîna une modification des panneaux. Ils étaient altèrés déjà au début du XXe siècle, et on lira la description qu'en donne Henri Pérennés en 1938 dans la Notice du Bulletin Diocésain ici :link . Ils furent déposés en 1963 pour être restaurés, les verrières étaient conservées par les Monuments Historiques, et le projet confié initialement (Selon Gatouillat et Herold) à Hubert de Sainte Marie sera réalisé par l'atelier de Jean-Pierre le Bihan, ce maître-verrier de Quimper au blog passionnant dont je ne cesse de rencontrer les réalisations depuis que je parcours le Finistère.

  Restaurés et posés en 1992, les panneaux anciens de la maîtresse-vitre sont associés à des créations de novo. Dans les autres baies, il ne subsiste en Baie 2 et 4 que quelques éléments anciens fragmentaires, et on admire les créations récentes de Le Bihan.

 

  1. Les armoiries et les données historiques.

   L'historien restera sur sa faim car les éléments conservés sont partiels et font l'objet de supputations. Le Corpus Vitrearum  décrit des fragments "où reviennent plusieurs fois les couleurs de la famille le Boutteville ou de Montafilant (?) d'argent à cinq fuseaux de gueules", mais signale que Abgrall, puis Couffon et Le Bars avaient reconnuent les armes de Kergoët parti du Dresnay, et enfin que l'on trouve aussi celle des Berrien.

  Les éléments à étudier sont :

  • Un fragment d'inscription en gothique en baie 0 sous la Vierge : Lan mil   guergelé ou guergele dont le e serait doté d'un tilde. On recherche donc un patronyme Guergelé ou Guergelen : Guy Leclerc a retrouvé un Jehan de Guerguelen dans les Archives du diocèse de Quimper, en 1536 lors d'un procès entre les paroissiens de Pleyben et le seigneur de La Boixière. Je trouve Dom Jehan Guerleguen cité parmi la liste des Vassaux ayant rendu l'hommage à l'évêque de Cornouaille du 11 mai 1562. Archives départementales du Finistère, 1 G 366/4. 1 pièce, papier, 12 folios, transcrit par Norbert Bernard, 2003, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 7 mars 2012,
    www.tudchentil.org/spip.php?article51.

vitraux-9245cc.jpg

  • le réseau de la maîtresse-vitre : il est composé outre deux écoinçons, de cinq soufflets.

DSCN2500ccc.jpg

  En supériorité se trouve à gauche un blason factice composé de bouche-trous et à droite les armes couronnées de Bretagne. En dessous, nous trouvons le blason couronné mi-parti de France et de Bretagne. 

  Ce sont les deux blasons de droite et de gauche qui peuvent donner une indication Ils sont tous les deux à parti.

1. A droite ce sont les armes des Kergoët en alliance avec celles du Dresnay :

a) famille de Kergoët : armoiries d'argent à cinq fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées de quatre roses de même.

b) famille du Dresnay : d'argent à la croix ancrée de sable accompagnée de trois coquilles de gueules

2. à gauche, un blason non identifié, parti d'argent aux fusées de gueules et au chef d'or, et

d'autre part d'argent fascé à deux jumelles de gueules. On suppose des modifications altérant le sens lors de restauration antérieures.

 

  • Baie 2 : ajour : blason présenté par deux anges ; ce sont les armoiries de la famille Berrien, d'argent à trois jumelles de gueules au franc-canton d'or chargé d'un loin de sable. Le Corpus signale l'emploi de verre gravé pour ce blason. L'ange de droite porte un phylactère avec l'inscription O DE BERYEN (Corpus, qui donne une date de 1500), alors que je lis bRIEN RL O DE.

 

vitraux 9272c

 

 

  Deux données iconographiques peuvent désormais être commentées, le blason Kergoët/Dresnay et le blason Berrien

La famille de Kergoët.

   Elle est originaire de Saint-Hernin et s'est divisée en une branche aînée, fondue dans Quellennec, Tronjoly en Gourin, et la branche du Guilly, village de Lothey. Ses armoiries déjà citées sont aussi, à Clohars-Fouesnant ou à Cleder, "emmanché d'argent et d'azur". La devise est En christen mad, me bev en Doue, "en bon chrétien, je vis en Dieu".

  Sauf erreur, la famille qui nous concerne serait issu de la branche du Guilly, Lothey étant une paroisse proche de Pleyben.

   Ils possédaient sur Pleyben la seigneurie de Keranclanff, attestée en 1426 lors de la Réformation de 1426  en même temps que six autres domaines nobles.. Il y est fait mention de Jean de Kergoët et son fils". La terre est nommée Keranclauff lors d'un aveu de 1666, puis on la trouve sous le nom de Kerlann, et c'est sous ce nom qu'apparaît sur la carte IGN(Kerlann) ou la carte de Cassini (Kerlan) le hameau situé à 800mètres à l'est de la chapelle de Lannelec. En 1751, d'après le rôle de contributions la seigneurie s'étendait sur 18 villages de Pleyben (les autres seigneuries de la paroisse sont majoritairement placées en son sud, vers la vallée de l'Aulne aux riches terres agricoles). On trouve aussi la graphie Keranch'lan, prononcée Ker an Klaon qui signifie "le village des malades" car il y aurait eu une léproserie fondée par les templiers (Maurice Cornec 2005)

  Entre 1513 et 1520, Jean de Kergoët intervient à plusieurs reprises dans un conflit qui oppose les paroissiens de Pleyben à leur recteur Hervé de Lezongar en raison de sa prétention à bénéficier des dons et offrandes reçus par la dite-paroisse. Nous verrons qu'il ne faisait que reprendre les exigences déjà condamnées par le pape en 1498, de son prédécesseur Rolland de Berrien. Hervé de Lezongar fut définitivement débouté par une bulle du 1519 de Léon X qui confirmait celle d'Alexandre VI.

   En 1530, Yves ou Yvon de Kergoët eut des démêles avec Derrien, seigneur de la Boissière en Pleyben : c'est l'Affaire de l'Escabeau de Pleyben*.

 Yves de Kergoët épousa Catherine du Dresnay, ce qui explique le blason en alliance de ces deux familles.

On remarque que les deux familles, et donc les deux armoiries, sont associèes aussi en la chapelle de Saint-Sébastien en Saint-Ségal, à quelques 15 km à l'ouest de Lannelec (Renè-François de Kergoët marié le 26-10-1688 à Marie du Dresnay)

La fille et héritière d'Yves de Kergoët épousa le 10 octobre 1553 Jean du Bouëtiez de Kerorguen, famille dont le berceau était près d'Hénnebont et qui portaient d'azur à deux fasces d'argent accompagnées de six besants d'or. C'est ce Jean du Bouëtiez qui se conduisit pendant les guerres de la Ligue comme un second La Fontenelle en pillant et occupant le château de Guengat tant et si bien que le Duc de Merceur lui trancha la tête.

* L'affaire de l'Escabeau : Dans le choeur de l'église de Pleyben se trouvaient deux tombes ; Derrien, seigneur de Boissière prétendit qu'elles lui appartenait et décida d'y construire un escabeau et un accoudoir pour lui et sa femme afin d'ouïr l'office divin. Les paroissiens et les seigneurs de Tréviguidy et de Kergoët estimaient cette prétention contraire au droit et aux us et coutumes, et intentèrent une action en justice auprès de l'Officialité de Quimper; Derrien en appelle au roi qui le maintient dans ses prétendus droits en attendant la décision de Quimper. Mais les esprits échauffés n'attendirent pas le jugement pour échanger fortes paroles et même se livrer à des voies de fait, tel ce dimanche de 1530 où, lors de la grand-messe, (Derrien voulant sans-doute ouïr l'office en son escabeau), les gens du sieur de la Boissière et ceux du sieur de Kergoët en vinrent aux mains, sortir leurs armes si bien que Yvon de Kergöet "subit une mutilation en ses membres au cours de la mélée qui de l'église passa au cimetière contigu. Le sang coula dans l'église et le cimetière qui se trouvérent du coup profanés et exécrés. Il fallut procéder le 6 juin 1531 à la réconciliation de l'église et du cimetière et à  la reconcécration des six autels, en présence de Mgr Jehan du Largiez, évêque d'Avernes en Thrace et coadjudicateur de l'évêque de Cornouaille. Derrien fut sommé d'ôter son escabeau en vertu de la régle qui n'autorise pas la présence d'un femme dans le choeur. On lui accorde la propriété des tombes sous condition qu'il n'y place ni marque ni armoirie, mais ses gens se rendent nuitamment placer ses armoiries. Dès le lendemain elles sont martelées, détruites à la masse et jetées au cimetière. Le procès reprit, et dura jusqu'en 1579 ! Un arrété du Parlement de Bretagne condamne Derrien à démonter son escabeau, et à le placer si cela lui chante en un bout de la chapelle Saint-Sébastien.

 

La famille de Berrien.

blasonC'est armoiries sont actuellement celles de la commune de Berrien (29).

Rolland de Berrien était vicaire perpétuel de Pleyben de 1492 à 1498. Il est le commanditaire d'un vitrail de l'église de Brennilis qui dépendait alors de la paroisse de Loqueffret; la constuction de cette chapelle a débuté en 1485 .

  Cette inscription reculerait de quelques années la datation des vitraux qui pourraient être du XVe siècle et dater de 1498.

  Rolland de Berryen ou de Beryen entra en conflit avec les fabriciens de Pleyben car il estimait que les offrandes, dons et legs faits à l'église rentraient dans ses revenus. Un accord fut trouvé avec les paroissiens, accord confirmé pour 25 ans par une bulle papale d'Alexandre VI le 15 août 1519. C'est sous son rectorat que la chapelle de Lannelec fut construite.

 

  On trouve aussi le blason des Berrien sur les sablières de l'église de Plonévez-du-Faou, et sur le vitrail de la Passion de 1556 dans la chapelle de Saint-Herbot.

  Selon Yves Pascal Castel cité par J.P. Le Bihan, l'inscription RE O DE est la devise en breton "ils en ont  trop eu (donnez leur).

 

 

  2. La Baie 0 ou maîtresse-vitre.

   Elle est formée de quatre lancettes A à D en ogive de cinq panneaux, dont les vitres anciennes (XV-XVIe) seront décrits de gauche à droite.

 

DSCN2500c

 


La lancette A : 

   La Vierge en compassion se recueille devant la Croix : inscrite dans une niche gothique, se détachant sur un fond rouge, elle est vêtue d'un manteau blanc bordé d'un galon d'or à motifs ronds, d'une robe bleu qui laisse apparaître les chaussures rouges. Le manteau sert de voile qui dissimule les cheveux.

  Le sol, jaunâtre, est encombré de cailloux : Marie se trouve sur le Golgotha.

 

vitraux 9246c

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  Nous retrouvons l'inscription L an mil..guergele(n), sans-doute Jehan de Guergelen, probable chanoine et peut-être chapelain attitré des seigneurs de Kergoët : le commanditaire du vitrail.

  Une vierge à l'enfant moderne reprend l'encadrement et le fond. La Vierge, couronnée, est habillée de son manteau bleu traditionnel.

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 Lancette B : Crucifixion et Pieta :

 Sous la même architecture gothique, le Christ crucifié est bouleversant : tout détail, toute mise en scène ont disparu au profit d'une vision mystique du Corps Eucharistique , de l'illustration du texte évangélique (Matthieu 26, 26-28) : "Prenez, mangez, Ceci est mon corps". Corps supplicié par la couronne d'épine, corps écartelé par la Croix, corps affligé, épuisé, donné, livré. Corps dans la brutalité livide de la mort, sans l'éxagération du rétable d'Issenheim.

  La tradition des Passions des vitraux du Finistère au XV-XVIe siècle rompt avec tout réalisme en utilisant des ciels rouges : la croix se détache sur un pur symbole, celui de la souffrance, du sacrifice et du sang versé

 

 


vitraux 9241c

 

  Le vitrail mérite un examen rapproché : Le sang versé, voilà le sujet véritable, et ce Précieux sang jaillit des plaies en ruisseau généreux, donné à pleine main et recueilli par trois anges dans de grands calices : "Il prit ensuite une coupe, et après avoir rendit grâce, il leur donna en disant :

                    Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui est répandu pour beaucoup pour le pardon des péchés".

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 Guy Leclerc signale que le thème des anges et du Précieux Sang trouve son origine dans une estampe que j'avais admirée et photographiée au Musée Unterlinden de Colmar, réalisée entre 1475 et 1480 par Martin Schongauer, la Crucifixion aux quatre anges, et dans l'oeuvre de Van der Weyden.

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On le retrouve ensuite dans toute l'Europe et notamment sur les calvaires de Bretagne, notamment sur celui de Lannelec :

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  Néanmoins, le vitrail apporte une vigueur supplémentaire par l'emploi de la sanguine qui accentue la métaphore entre la couleur rougeâtre et le sang, d'autant plus que ce pigment est utilisé aussi pour les teintes de la chair, des plaies sanguinolentes, de la rousseur des cheveux ou de la barbe : tout le corps du Christ, rosé par la sanguine, s'écoule dans les calices pour être donné.

Un troisième ange recueille le sang qui s'écoule des pieds du Christ :

 

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  Dans d'autres représentations, le sang s'écoule le long de la Croix et pénètre dans le sol où est enfoncée la poutre pour atteindre Adam, le Golgotha ou champ du crâne étant alors considéré comme l'endroit où Adam a été enterré: c'est alors le rachat de la faute originelle qui est illustrée, et l'avènement du Nouvel Adam (Paul 1, Co 45)

 

  La Pietà 

  Le thème de la Mater dolorosa est développé entre 1350 et 1500, très lié avec les épidémies de peste, les famines et les guerres qui dévastent l'Europe. Il accompagne le développement des Stabat Mater de Josquin des Prés, Palestrina, Roland de Lassus, qui dépeignent les souffrances de marie au pied de la Croix..

  L'économie de la mise en plomb, résultat du travail de restauration, souligne particulièrement par ses courbes le dessin.

  Jean-Pierre Le Bihan a remarqué que le même carton a servi pour la Pietà du vitrail de Clohars-Fouesnant ; mais ce dernier, qui a été estimé dater de 1525 par Roger Barrié qui se fonde sur les armoiries, se place sous un dais Renaissance plus tardif que la niche gothique de Lannelec : cela confirme que le vitrail de Lannelec date du tout début du XVIe siècle. A cette date, Hervé de Lezongar est à la fois recteur de Pleyben et de Clohars-Fouesnant, ce qui rend logique la circulation des cartons ou des artistes entre les deux chantiers.

 

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Lancette D : sainte Barbe.

 

  Elle est vêtue d'un manteau blanc galonné d'or semblable à celui de la Vierge, mais qui ne dissimule pas la longue chevelure blonde non retenue dans laquelle je vois un symbole de fécondité lactogène. Un simple rang de perle lui sert de bandeau. Comme ces hommes de plume ou ces femmes d'État qui posent assis  à leur table de travail devant le photographe elle feint de consulter un ouvrage savant, oeuvres complètes de Tatien le Syrien ou florilège de Méliton de Sardes pour disputer d'un point de patristique, ou de patrologie. Derrière elle, la tour martelle de ses triples ouvertures le slogan trinitaire. Rien ici ne contrarie les dogmes, et on s'étonne qu'elle s'autorise un leger déhanché qui risquerait d'être lascif. La tour prend garde à sa rectitude.

  La robe pêche par élégance, par outrance de manches qui abusent de leur béance bleue. Col droit, certes, mais aussitôt contredit par  la ceinture bleue trop peu serrèe.

  Secrètement, elle regarde sur un calendrier combien de jour la sépare du 14 février.

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     La palme du martyr, la tour plus trigéminée qu'une névralgie, le Codex rendraient une inscription superflue mais l'artiste  a néanmoins écrit dans le marbre l'invocation que nos lèvres déjà murmuraient, sancta barbara ora pro nobis. Nous savons depuis le dernier article  Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe. qu'elle est surtout là pour aider les mères à avoir des enfants, à les allaiter, à les soigner et à les supporter. Elle est très invoquée.

 

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II. Les vitraux créés par J.P. Le Bihan.

Les vitraux, créés ou restaurés en 1992 par J P Le Bihan de Quimper :les nouveaux vitraux représentent : au nord saint Guénolé fondateur de l’abbaye de Landévennec et saint Corentin premier évêque de Cornouaille dont relevèrent les terres de Lannélec, l’adoration des bergers et des mages ; au sud, la dormition (mort) de la Vierge et son couronnement puis saint André et saint Matthieu.

 

I. Maîtresse-vitre : Saint-Christophe

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  Baie au nord : saint Corentin et saint Guénolé.

   L'un est le premier évêque de Cornouaille et l'autre premier abbé de l'abbaye de Landevennec, dont Lannelec aurait été une propriété. St Corentin est représenté bien-sûr tenant le poisson que Dieu lui procurait chaque matin dans le bassin que le saint avait creusé près de son ermitage, et qui est représenté ici.

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L'Adoration des Mages et des bergers.

  Dans le soufflet, les deux anges tiennent le blason de la Bretagne avec un phylactère mentionnant RESTAURATION L'AN MCMXCII.  (1992).

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Au sud : Dormition et Couronnement de la Vierge : 

  C'est un rappel du retable du Maître-autel. A droite, la Sainte Trinité est réunie autour des deux lettres α et Ω, qui annoncent la citation de l'Apocalypse je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin.

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  Les deux apôtres Matthieu et André :

 

 Les statues respectives de Matthieu et André se trouvent dans la chapelle et chacune est datée de la même date de 1661 : Matthieu est représenté avec la balance qui rappelle qu'il était collecteur d'impôt et qu'il devait peser l'or.

  André est représenté dans sa barque en train de remonter son filet. Mc 1, 16-18 raconte que Jésus longeait la mer de Galilée (qui n'est autre que le lac de Tibériade)  lorsqu'il vit deux pêcheurs en train de jeter leur filet dans le lac "car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : Suivez-moi, je vous ferez pêcheurs d'hommes" (s'il les avait vu en train de chasser, il aurait dit  "chasseurs de tête"): c'était Simon (le futur Saint Pierre) et son frère André (le futur Saint André). La scène se passait donc au nord du lac, car les deux fils de Jonas sont natifs de Bethsaïde, et Pierre habite avec sa femme à Capharnaüm.  

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      Le soufflet représente Sainte Véronique présentant la Vera Icona à laquelle elle doit son nom et où s'est imprimé le visage du Christ après qu'elle l'ait essuyé lorsqu'il gravissait les pentes du Golgotha. C'est la patronne des photographes, et l'utilisation de la sanguine sur le vitrail évoque les vieux clichés sepia. C'est un des fragments conservés du XVIe siècle.

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Marie de Miséricorde : 

  On se souvient que c'est le nom qui figure sur le galon de la robe de la statue de Notre-Dame de Lannelec, la Vierge qui donne le sein à son petit enfant gauche de l'autel : Notre-Dame de Miséricorde. Le terme issu du latin misereri, "avoir pitié" et cor, "coeur", peut faire penser à ,la bonté divine qui accorde généreusement son pardon : la Clémence d'Auguste, en quelque sorte, un grand coeur qui ne retient pas à charge la faute commise. 

   Mais ce vitrail illustre ce sentiment marial de Miséricorde d'une tout autre façon en le plaçant hors de toute référence à la faute et à la culpabilité : et la bonhomie légèrement naïve du trait de Jean-Pierre Le Bihan fait ici merveille pour rendre l'atmosphère de gentillesse familiale que suscite le regard maternel de la Vierge :

 

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        Vêtir ceux qui sont nus. Visiter les malades. Abreuver ceux qui ont soif. Nourrir les affamés. Rencontrer les prisonniers. Loger les sans-abris.

  Il s'agit là d'une illustration du texte évangélique de Matthieu 25, 33-46 :

  Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car, j'avais faim, et vous m'avez donné à manger, j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !"

   Alors les justes lui répondront : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? Tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t'avons habillé ? Tu étais malade ou en prison... quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?"

   Et le Roi leur répondra : Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait".

  Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : "Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé ; j'étais en prison, et vous ne m'avez pas visité."

  Alors ils répondront, eux aussi : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?

  Il leur répondra : Amen, je vous le dit : chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait."

 

 

 

L' Arbre de Vie :

  Sous un Christ en croix qui affirme Je suis l'alpha et l'oméga, l'arbre de Vie dresse ses douze rameaux. C'est l'arbre de Vie de Genèse 2, 9, celui d'Ezechiel 47, 6-12, mais surtout ici celui de l'Apocalypse

 Puis nous lisons : De part et d'autre du fleuve de Vie il y a des arbres de vie.

                                    Heureux ceux qui lavent leur robes

                                     ils pourront disposer de l'arbre de vie

                                      et pénétrer dans la Cité par les portes. 

  Sept portes sont représentées.

  La référence d'Ezechiel qui n'est pas mentionnée dans le vitrail,  est la suivante : 

Ezé 47, 12 Sur le torrent, sur ses bords de chaque côté, croîtront touts sortes d'arbres fruitiers. Leur feuillage ne se flétrira point, et leurs fruits n'auront point de fin, ils mûriront tous les mois, parce que les eaux sortiront du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture, et leurs feuilles de remède.

 

 Par contre, la référence de l'Apocalypse est indiquée devant les deux personnages "Apocalypse 22-29 et 12-16" (sic) 

  Je trouve plutôt les références suivante pour l'Apocalypse 7, 14 ;  22,2 et 22, 12-16 :

 

Apocalypse 7, 14 : Et je lui dis : Mon seigneur, tu le sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ; et ils ont lavés leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau.

Apocalypse, 22,1- 2 , description de la nouvelle Jérusalem : Et il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'Agneau. 2 Au milieu de la place de la ville et  sur les bords du fleuve sont des arbres de vie, qui produisent douze récoltes, rendant leur fruit chaque mois, et les feuilles des arbres sont pour la guérison des nations.

 

Apocalypse, 22, 12-16 : derniers versets de l'apocalypse : Voici, je viens bientôt, mon salaire est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre. 13 Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. 14 Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin qu'ils aient droit à l'arbre de vie ; et qu'ils entrent par les portes de la cité ! 15 Dehors les chiens, et les enchanteurs, et les fornicateurs, et les meurtiers, et les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge ! 16 Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange vous attester ces choses pour les Églises. Je suis la racine et la race de David, l'Étoile brillante du matin.

 

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 Dans le coin inférieur gauche se trouve la très discrète et humble signature du maître-verrier de Quimper, Jean-Pierre Le Bihan.

  C'est ce vitrail qui est repris sur la bannière de pardon de la chapelle, décrite ici : Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.

 

  Conclusion : Essai sur le Don.

     Je termine ma visite de Lannelec que j'avais débuter en admirant la Vierge allaitante. Sans-doute influencé par les derniers vitraux, je vois soudain de dégager une grande cohérence iconographique centrée sur le Don : don de la vie et don du lait à l'enfant, don du sang par le Christ, don de soi évoqué par le vitrail de Marie de Miséricorde, don du fleuve de vie et de l'arbre de vie, grande gratuité du flux de vie qui pulse, croît, s'écoule, qui prospère et nourrit, grande chaîne de générosité passant par tous les symboles du sein qui allaite, de la plaie du sacrifié  dont le sang emplit les calices, de l'arbre sur la bannière, de l'arbre au coeur de la Nouvelle Jérusalem du vitrail, du fleuve nourricier où les robes sont lavées, don du pain, du sourire, du soin ou de la présence sur le vitrail de miséricorde...

Image très forte du sein maternel.

Image sensuelle et généreuse des chevelures-fleuves de Marie et de Barbe.

Image bouleversante du fleuve de sang jaillissant des mains du Christ.

 

  Toutes ces statues, ces bas-reliefs, ces étoffes, ces verrières outrepassent soudain leur valeur d'oeuvres d'art et retrouvent la haute valeur spirituelle qui les animent : témoigner de l'extraordinaire beauté du don de la Vie et du don de soi ; de la tendre et profuse largesse de la générosité.

  Je n'ai plus qu'à confier mes photographies et mon texte à mon blog.

Totalement gratuit.

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 05:59

VIERGES ALLAITANTES VIII.

 Dans l'ossuaire de Pleyben, une statue jadis enterrée.

 

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    Je découvre l'information  dans l'article Wikipédia consacré à l'enclos paroissial de Pleyben : cette statue de  vierge allaitante du troisième quart du XVIe siècle a été trouvée lors de travaux à proximité de l'église: cette vierge couronnée, sein nu, aurait pu avoir été enterrée " à cause d'un aspect jugé trop réaliste à l'époque". 

  Cette statue présente deux détails qui me retiennent :

1) l'enfant tient dans la main un objet rond, ressemblant à un jeton. L'artiste a-t-il voulu représenter une goutte de lait ?

2). Les cheveux sont retenus par le fameux bandeau postèrieur qui est propre aux autres Vierges allaitantes de Cornouaille, qui sont plutôt du dernier quart du XVIe siècle. Ce détail intègre cette statue au groupe constitué par toutes ces Virgo Lactans. Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes. Mais c'est, avec celle de Saint-Venec, la seule à être couronnée.

  J'ajoute un commentaire : elle m'évoque par sa facture et ses traits plus grossiers que les autres, la Mamm al Leiz de la fontaine de Tréguron à Gouezec : Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges. Proviendrait-elle d'une fontaine ?

 

2. Source complémentaire.

   Ma recherche bibliographique me conduit à l'article suivant :

Christiane Prigent, Découverte d'une Vierge à l'Enfant, Bulletin Société Archéologique du Finistère 1989 pp. 209-212.

  J'y apprends que la statue a été retrouvée sous le mur de soutènement de la grille ouest située derrière l'église. Elle mesure H : 1,08m, L : 0,45m, E : 0,24m.

L'auteure envisage ensuite le thème de la statue enterrée en donnant les exemples de deux statues découvertes au pied de la chapelle Saint-Albin à Plogonnec, de trois statues en bois du XVIe siècle retrouvées au cimetière de Quéménéven, de statues de l'ossuaire de Landivisiau retrouvées dans un coin de l'ancien cimetière, ou de celles qu'un fossoyeur a découvert à Plonévez-Lochrist. Elle rappelle que les évêques de Quimper avaient relayé les consignes du Concile de Trente et elle cite Mgr François-Hyacinthe de Ploeuc stipulant dans ses statuts synodaux " Nous voulons que les images et peintures qui ont quelque chose de mutilé, de profane et d'indécent ; qui représentent des histoires contraires à la vérité de l'Écriture, ou des traditions écclésaistiques, en soient ôtées prudemment et sans scandale, et cachées sous terre en quelconque endroit du cimetiere".

   Elle rappelle également les mesures qui tentent de dissimuler aux fidèles les seins des vierges qui auraient échappées au diktat d'enterrement, ou aux mutilations comme à La Martyre (tympan du porche). J'en avais donné quelques exemples, j'en découvre d'autres :

  - La Vierge à l'Enfant du XIVe siècle link de l'église N.D de Lorette à Lanriec, près de Concarneau, présentait ainsi à l'origine son sein nu à l'enfant qui y posait la main. Mais au XVIIIe, on cru bon de recouvrir la glande mammaire "d'un corsage dait de feuillets froissés provenant d'un office à Notre-Dame" (topic-topos). Christiane Prigent constate pour sa part que "l'enfant glisse la main droite sous la pièce de bois rajoutée pour dissimuler la nudité du buste".

  - "A Sainte-Marine en Combrit, un plastron amovible en bois couvre actuellement l'échancrure de la robe, qui laissait les seins nus de la Vierge". (C.Prigent, op.cité)

 

  L'oeuvre d'un atelier de sculpture de Pleyben ? Deux pôles succesifs de production des Vierges allaitantes ?

  En 1989, Christiane Prigent décrit la statue ainsi : "On notera la turbulence de l'Enfant, inspiré des modèles nordiques. Il se rejette en arrière, bras écartés ; de sa main droite, il tient une boule, symbole de sa royauté sur le monde. Le vêtement de la Vierge composé d'une robe relevée en un volant sur un jupon, le style particulier de sa coiffure _sorte de nattes enserrées par une bande de tissu_, autorisent des comparaisons avec la statue de Notre-Dame de Gars-Varia, en Pleyben. De même que les statues de sainte Barbe, datée de 1578, et de la Vierge à l'Enfant à la chapelle de Lannelec, cette sculpture serait une production d'un atelier de sculpture sur granite, oeuvrant à Pleyben dans le dernier quart du XVIe siècle".

   En note de bas de page, l'auteure se réfère à sa thèse de 3e cycle Les statues des Vierges à l'enfant des XVe et XVIe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille, Rennes, 1982 pour proposer l'hypothèse d'un premier atelier de production statuaire à Locronan responsable des Vierges de Bonne-Nouvelle à Locronan, Cast [quillidoaré], Kerlaz, qui sont les Vierges allaitantes de ma série, puis l'installation à Pleyben une quinzaine d'années plus tard d'un second atelier qui utilise alors les modèles sortis du premier centre.

  L'article se termine de manière moins convaincante pour moi : "La Vierge, d'une raideur archaïsante, paraît lourde : les mouvements du corps sont dissimulés sous les épaisses draperies, traitées en un système de gros plis simplifiés. La tête massive, d'un modelé rude, montre un visage aplati. Cette sculpture médiocre, manifestement bâtarde d'un art conventionnel, commandée probablement par les couches sociales les moins favorisées à un artisan dépourvu de culture artistique comme d'habileté manuelle, n'offre aucun interêt stylistique ; mais elle permet de saisir les niveaux forts différents de l'artisanat en Cornouaille, et au sein d'un même atelier."

  Enfin C. Prigent conclue en rejoignant un peu mon hypothèse d'une statue de fontaine : " Reste à déterminer la situation initiale de la statue dans l'édifice. Le revers plat, l'usure du granite permettent de supposer qu'elle venait se loger dans une niche extérieure, sous un baldaquin. Amoins qu'elle ne provienne d'un autre édifice ou d'un calvaire détruit ?" 



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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 05:55

             VIERGES ALLAITANTES IX :

   Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Locronan.

               Itron-Varia-Kelou-Mad

Pardon le premier dimanche de septembre.

 

I. Présentation.

    Je me contenterais de recopier ici le texte des deux feuilles qui sont encadrées dans la chapelle ; j'en ignore l'auteur, mais il est tout à fait remarquable, et comme on souhaiterait trouver partout des explications aussi complètes ! On ne peut qu'en féliciter l'Association de sauvegarde :

"Au XVe siècle la piété populaire adjoignit au patron du pays (Saint Ronan)  un saint étranger qu'elle vénérait au second plan, mais avec un attachement sincère, Saint Eutrope le Saintongeais, patron des hopitaux. En haut de la rue Moal, à droite en descendant, s'élevait une chapelle placée sous son vocable et dont il ne reste que des vestiges informes. 

   En bas de cette rue se trouve la chapelle Notre-Dame de Bonne-Nouvelle (Kelou Mad) dédiée à la Vierge Marie, dénommée Madame Marie (Itron Varia). Cette chapelle était nommée "an iliz nevez" du temps où la chapelle Saint-Eutrope, sa voisine, existait.

   La fondation de la chapelle date du XVe siècle. De cette époque ne subsiste que deux portes, l'édifice ayant été remanié à plusieurs reprises au XVIe et XVIIe siècles, pour finir par son clocheton vers 1698.

   L'édifice est composé de deux parties. A l'extérieur, la séparation est marqué par le petit clocheton. A l'intérieur, une arche souligne cette division. Entre ses deux montants, une poutre de gloire a été insérée représentant le Christ en croix, entourée de sa mère et de Saint-Jean. Cette poutre marque la limite entre la partie des fidèles et celle réservée aux religieux.

   De chaque coté on remarque un autel d'offrandes. Sur celui de droite est placé une déploration, presque identique à celle de l'église paroissiale. Elle a perdu sa polychromie, mais M. Alfred Manessier a fait en sorte qu'à certaines heures de la journée l'ensemble s'anime par un jeu de lumière.

   Le retable de l'autel porte en relief en son centre l'Assomption de la Vierge Marie, et de chaque coté l'Annonciation, l'archange Gabriel à gauche annonce à la Vierge (à droite) qu'elle va donner naissance à Jésus.

   La statue de Notre-Dame trône dans une niche, à gauche du maître-autel. Cette oeuvre du XVIe siècle montre une vierge nourricière, qui ouvre son corsage pour donner le sein à l'enfant. A droite de l'autel, une statue représentant la Sainte Trinité : Dieu le Père, ceint d'une chape et d'une tiare, assis sur un trône, porte son Fils en croix. Il est surmonté de l'Esprit-Saint (la colombe).

   Les vitraux datés de 1985 sont l'oeuvre du maître-verrier Alfred Manessier. Pour lui la ligne directrice de sa création a été dans les mots "bonne nouvelle". Il a représenté la Vierge, ouvrant son manteau pour accueillir les fidèles par un bleu intense, avec un mouvement du bas vers le haut du vitrail.Mais ce vitrail peut représenter aussi la Baie de Douarnenez et la couleur bleue la mer, source de toute vie.

   Le calvaire a un socle circulaire. La croix est encadrée par deux nuages soutenant deux angelots qui recueillent le sang du Christ. Au dos se trouve une Vierge couronnée, une des rares oeuvres du Finistère taillée dans du calcaire.

   La fontaine : un fronton imposant surmonte la fontaine, sur lequel on peut lire l'inscription suivante :

CONAN. MARCHAND DE TOILE. LAN. 1698

VEN. ET DISC. MATHURIN. SENE. V.P.P.L.

Jusque dans les années 1960, la niche abritait une statue de Saint Eutrope qui a disparu.

Les années de grande Troménie, les habitants plongeaient dans cette fontaine les reliques de saint Eutrope, puis distribuaient l'eau qui avait le pouvoir de tout guérir.

   La fontaine est prolongée par un lavoir à trois bassins".

  J'ai  trouvé aussi  les informations complémentaires suivantes :

  • Un testament, celui de Jean Le Moine datant de 1439 cite cette chapelle comme nouvellement construite. La chapelle Saint-Eutrope était contiguë à un hôpital dédié au saint. 
  • Lors de la grande Tromènie de Locronan qui a lieu tous les six ans, Saint Eutrope est la première station, alors que Notre-Dame de Bonne Nouvelle en est la cinquième, sur un total de douze sur un parcours de 12 à 13 km.
  • La chapelle est classé depuis 1915, la fontaine et le calvaire depuis 1926.
  • l'édifice rectangulaire mesure 17 mètres de long. Il est couronné par un clocheton en dôme du XVIIe siècle. 
  • Lors de la révolution, la chapelle a été achetée par Guy Bernard et Sébastienne Gueguenaou, sans-doute les instituteurs de Locronan, le 23 août 1796. Ils purent ainsi la rendre à sa destination primitive en 1817, où elle se trouvait en ruine et estimée à deux cent francs avec ses dépendances, mais ils demandèrent en retour qu'on veuille bien réciter à leur intention un Pater, un Ave, un De Profundis, qu'ils disposent d'un banc à quatre place devant la statue de Notre-Dame, et qu'on fasse placer l'inscription "A la famille Bernard, conservatrice de la chapelle". Je n'ai pas observé cette inscription, et j'avoue avoir omis de réciter les oraisons. 
  • Depuis cette période, un pardon avait lieu le dimanche de la Trinité, en hommage au groupe de la Sainte Trinité représenté du coté de l'épître. A la même époque, le curé signalait à l'évêque que les offrandes faites à Bonne-Nouvelle s'élevaient à 40 à 50 écus, somme suffisamment considérable pour permettre l'entretien de l'église principale : cela témoigne de l' importance de la dévotion populaire.
  • Jean Conan (1672-1745), ce marchand de toile qui aurait fait construire la fontaine et le lavoir, avait indiqué lors de son mariage avec Suzanne Pezron en 1693 la profession de fabrique et marguiller. Il était l'un des huit enfants de Jean Conan, boucher, et d' Anne Boscher. Il eut lui-même six enfants.
  • Alfred Manessier (1911-1993) a été l'un des premiers à introduire l'art non figuratif dans les églises par sa verrière de Sainte-Agathe des Brézeux en 1948. Parmi les seize verrières qu'il réalisa, deux se situent dans le Finistère : celle de Locronan, et celle de Notre-Dame de la Paix au Pouldu. Les vitraux de Manessier ont remplacé, bien-entendu, les vitraux d'origine, dont il ne restait que quelques traces au début du XXe siècle. Il n'est pas possible de ne pas mentionner l'abbè Maurice Dilasser, frère du peintre François Dilasser et commanditaire de ces vitraux, puisque c'est lui qui a proposé à Manessier "le thème de Marie qui présente au monde d'hier, d'aujourd'hui et de demain la Bonne Nouvelle. Celui qui est venu après une longue attente... Marie dans le mystère de l'Annonciation, de la Visitation et de la  Nativité. Celui qui vient aujourd'hui apporter la lumière et la paix au milieu de nos incertitudes, de nos angoisses et de nos dissensions. Marie dans les jours cachés de Nazareth : "Heureuse celle qui a cru"... Celui qui viendra pour le salut des nations et qui nous réunira pour toujours dans la vie et la resurrection. Marie dans la gloire de l'Assomption". Ce à quoi Manessier répondra en déclarant le jour de la bénédiction lors de la petite Troménie en juillet 1985 :"Ces vitraux non figuratifs évoquent un mouvement qui part du choeur et continue avec les autres vitraux : c'est comme un manteau qui s'ouvre, un mouvement d'accueil qui vous tend les bras. Au fond le petit vitrail du pignon c'est l'echo du grand vitrail du choeur : c'est en quelque sorte la "bonne nouvelle". Dans le mouvement dessiné, le rythme est donné par les lignes de plomb" (in Hélène Claveyrolas,Les vitraux de Manessier dans les édifices historiqueslink


 

 

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Vue de la nef en aval de la poutre de gloire : à droite, la Déposition.

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La poutre de gloire :

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La Déploration :

   La pierre (kersantite)  qui a perdu sa polychromie au profit de lichens verdâtres devient assez ingrate à photographier, et l'image rend mal compte de sa réelle beauté. Voir ici le groupe similaire, en l'église de Locronan, avec toutes ses couleurs : L'église de Locronan : ma visite. On croirait assisté à l'irruption, sur la convocation d'Ulysse, sortant de cavernes obscures, des fantômes couverts de cendres de Joseph d'Arimathie, de Nicodème, de Saint Jean et de la Vierge éplorée, et de l'élégante Marie-Madeleine qui ne se dessaisit pas pour autant de son précieux flacon de parfum : l'ensemble n'en est pas moins tragique, et autour du Corps du Christ cambré par l'opisthotonos  cadavérique,  les murs couverts de salpêtre et de mousse, et les statues grisâtres semblent faire résonner les chants graves de De profundis ou de Stabat Mater pathétiques.

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      Parfois, comme le signalait le texte de présentation, quelques feux follets facétieux voltigent autour des spectres

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  Puis le feu Saint-Elme, comme effarouché par les saintes âmes, s'enfuit, et le silence des ombres retombe sur les cinq personnages figés par leur douleur.

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La partie Est de la chapelle : au premier plan, deux statues d'apôtres :

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  A gauche, un apôtre ( car il est pied nu et il tient un livre) tenant un bâton (sans-doute pas un bourdon, comme saint Jacques, ni un foulon, comme Jacques le mineur, mais plutôt le reste d'une croix  comme Philippe ?) 

  On pense, dans cette chapelle de Bonne-Nouvelle, devant ces apôtres aux pieds nus, à la phrase de Saint Paul dans son épître aux Romains (Rom X 15) citant Isaïe LII,7 : "Qu'ils sont beaux les pieds des messagers qui annoncent la bonne nouvelle! "

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 Un autre apôtre, plus facile à identifier : c'est André, avec la croix en X sur laquelle il fut supplicié.

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Le choeur : la maîtresse-vitre de Manessier, l'autel et son retable,  les deux niches de la Trinité et de Notre-Dame.

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La Trinité :

A droite, du coté de l'épître, la seconde place , une niche abrite une Sainte Trinité:


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La Bonne Nouvelle : le retable et la Vierge allaitante.


 Le retable a été réalisé en 1723 par Jean Mozin, sculpteur quimpérois qui reçu 200 livres de rétribution. Le maître-autel avec son retable consacré à des scènes de la Vie de la Vierge, et la statue de Notre-Dame, vont de pair. En effet le retable montre Marie apprenant de l'ange Gabriel la bonne nouvelle de la naissance de Jésus. Marie, à genoux devant un prie-dieu où un livre est ouvert, montre par son geste à la fois son étonnement, son acceptation, et le bouleversement de son âme. Elle est ici placée à gauche, et l'ange à droite, ce qui n'est pas habituel dans les Annonciations.

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      Au centre, l'Assomption : Marie, portée par des chérubins sur les nuées, sort du tombeau et monte au ciel. Il ne devrait pas être très difficile de retrouver quelles sont les gravures qui ont servi de modèles.

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L'ange Gabriel bénit la Vierge en lui disant "réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi". De la main gauche, il tient le lys, symbole de pureté et de virginité .

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Notre-Dame de Bonne Nouvelle :

  Elle vient ajouter à la signification religieuse de la Bonne Nouvelle telle qu'elle s'inscrit dans l'Histoire du Salut une signification bien plus humaine, la bonne nouvelle de la naissance d'un enfant, de sa croissance, de la façon stupéfiante qu'il a de s'éveiller, de téter comme un goulu , de profiter du lait, et de nous émerveiller, de tirer des larmes d'émotion à grand-père et de rendre  grand-mère gâteuse avant l'âge, de faire à dada avec papa et risette avec tonton, tant et si bien que l'arrivée du bout-chou semble l'évènement le plus important qui soit arrivé depuis que la terre tourne...

  Et la dévotion que reçoit Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, Kelou Mad, vient de ce que beaucoup viennent lui demander cette grâce d'un heureux évènement, ou la remercier de l'avoir accordé.



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        Voilà donc la neuvième vierge allaitante, dont je constate tout-de-suite que ce n'est pas elle qui sera élue Miss Néné ! Certes, elle fait le geste, comme les autres, de présenter à l'enfant le mamelon entre l'index et le majeur, mais elle a oublié de retirer sa chemisette ; et puis, à la différence des vierges précédentes, sa tête est couverte d'un voile blanc qui descend vers le dos en laissant les cheveux longs et bouclés tomber devant les épaules.

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  Par contre, elle partage avec les Vierges allaitantes de Cornouaille le corselet très cintré, ouvert en V sur une doublure intérieure fine, et qui se poursuit vers le bas en un curieux retroussé : ce qui semblait descendre comme une robe s'arrête sur une bordure en diagonale, très godronnée, pour faire apparaître les plis verticaux d'une sous-jupe dont le galon rouge et or porte une inscription difficile à lire : je devine NOTRE DAME DE BONNE NOUVELLE, bien-sûr. Ces lourds  et épais plis qui se chevauchent en accordéon recouvrent un autre dédoublement d'une dizaine de centimètres, qui semble fait d'un tissu  à grosse maille, comme un tricot beige. L'ensemble ferait penser à trois jupons superposés qu'une élégante aurait relevés jusqu'à la taille pour mieux les faire admirer, par coquetterie, mais précisément Marie est née indemne d'un tel défaut, péché originel des descendantes d'Éve.

   Ce trois rideaux recouvrent eux-même la robe proprement dite, qui est d'or mordorée, qui tombe jusqu'aux pieds ; un pied droit, justement, apparaît pour nous montrer le chaussage, simple socque renforcée d'une sangle, sur lequel vient mourir le ressac des vagues d'étoffe.

  Un manteau bleu, le manteau de la Vierge, ce  manteau bleu qui a la vastitude de l'océan et l'empan du ciel, celui-là même que Manessier a mis en lumière dans sa verrière, qui est ourlé d'or aux deux rangs de perles, tombe en un pan vertical alors qu'un doigt de la main gauche le retient avec une aisance de reine. Et c'est ce détail, non pas le petit pan de robe bleu, mais cet annulaire gauche qui fait office de patère, qui fait entrer sans probation ni parrainage Notre-Dame de Bonne-Nouvelle dans le club très fermé des V.A.C, Vierges Allaitantes de Cornouaille. 

  Le revers de ce manteau est rouge.

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  Elle est si majestueuse qu'on en oublie le Petit-Jésus, bambinet rose qui joue à la balle avec le triste monde. Il s'est saisi de notre planète comme d'une pomme ou d'un hochet et il la tend à sa maman en riant et en disant encore ! comme tous les bébés. Et maman va prendre la boule et la cacher dans son corsage, bébé va dire OHHH, avant de la faire surgir en disant coucou là voilà, comme toutes les mamans, qui n'ont pourtant jamais lu Jenseits des Lustprinzips (Au delà du principe de Plaisir, 1920) de Sigmund Freud, ni du Fort-Da, ni du jeu de la bobine, ni du petit Ernst, encore moins, Dieu merci, de la forclusion du Nom du Père. 

  Et comme ils ne se lassent pas ce ce petit jeu là, nous nous retrouvons dans l'obscurité la moitié du temps ( et nous dormirions mieux si nous réalisions que nous sommes alors contre le sein de Marie) et en plein sous la lampe l'autre moitié (et nous jouirions d'avantage de nos jours si nous avions conscience que la petite menotte de Jésus nous tient serré entre pôle et équateur).

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  La nuit mise à part, je n'ai peut-être jamais été aussi proche de la Vierge-Marie ; j'en profite (je suis monté sur un escabeau, sur la pointe des pieds car la statue est placée très en hauteur, je tiens entre les dents un projecteur de 500 Watts, et je cherche la réglage des iso et de l'ouverture sur mon reflex :  la situation est extrêmement précaire et mon quart d'heure de célébrité ne va sans-doute durer que quinze secondes). J'ai le temps de voir que les yeux ne sont pas de la couleur de ceux de Catherine Deneuve, mais bleu ciel, bien-sûr... que les manches sont en plat à Kouglof comme sur les autres statues... et c'est lorsque je commence à me demander comment l'enfant peut bien tenir sur l'avant-bras de sa mère sans être tenu que ... je reviens sur terre.

 

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 Dans l'église de Locronan est conservée la bannière de Notre-Dame de Bonne Nouvelle : curieusement, ce n'est pas une Vierge à l'Enfant, mais, sur son nuage, les bras ouverts, elle dispense généreusement ses grâces.

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 05:34

Vierges allaitantes du Finistère X.

La chapelle St-Denis à Seznec, Plogonnec.

 Je remercie les membres de l'Association de sauvegarde de la chapelle de leur chaleureux accueil.

 

I. Présentation.

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  Plogonnec était jadis divisée en huit quartiers ou cordelées (tréo en breton), dont, au sud-est près de la route menant à Quimper, celui de Seznec.

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      La porte avec la date de 1673 ; deux membres de l'Association de sauvegarde assurant l'accueil les mercredi après-midi durant l'été.

  La chapelle actuelle a été construite en 1673 (date gravée sur le linteau de la porte sud) vraisemblablement sur un édifice plus ancien. De plan rectangulaire, cet édifice de taille modeste ne reçoit sa lumière que d'une fenêtre sud et d'une baie gothique trilobée percée au dépens du pignon est. Le pardon annuel a lieu le premier dimanche de mai, alors qu'en 1940, la chapelle ayant une double attribution tutélaire,  on célébrait deux pardons, l'un pour N.D de Tréguron le premier dimanche de mai et l'autre le deuxième dimanche de juillet en l'honneur de saint Denis, et qu'au XVIIe siècle, on y ajoutait les fêtes de N.D. de la Pitié, N.D. de la Chandeleur, et, quinze jours avant le premier dimanche de Carême, le dimanche de la Sexagésime. 

  Notre-Dame de Tréguron, évoque en premier lieu pour moi le toponyme Tréguron à Gouezec où j'ai découvert la première Vierge allaitante en la chapelle de Tréguron ; et puis cela évoque les autres vierges allaitantes qui étaient aussi souvent intitulées Vierge de Tréguron comme à St Venec. Ici, on traduit ce toponyme par "trois couronnes", et les armes de Plogonnec (d'azur à la fasce d'or, chargée d'un léopard morné de gueules, accompagné en chef de trois couronnes et en pointe de trois mouchetures d'hermine, le tout aussi d'or et posé en fasce), le rappellent. Surtout, on dénomme plutôt ainsi, avec l'orthographe Trégeuren, une Vierge à l'Enfant différente de la statue principale. Mais cette ambiguïté dans la dénomination des statues est quasi constante dans nos sanctuaires bretons, où l'on ne sait jamais (voir  Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la Vierge.) à quelle Vierge la chapelle est consacrée ou laquelle reçoit la dévotion des fidèles, laquelle porte la dénomination éponyme de la chapelle, entre celle qui trône dans le choeur, celle qu'on porte en procession, celle qui est entourée de plaques de marbres la remerciant des bienfaits de ses grâces, celle qui attend le pèlerin à la fontaine, ou celle qu'entourent les ifs aux chandelles allumées. Et il me semble que cette ambiguïté, loin d'être troublante pour les paroissiens (je ne vois jamais aucun auteur de monographie en souligner l'évidence), relève de ces cryptes de la pensée, ce ces non-dits, non-vus et non-ouïes qui permettent de couvrir d'un voile de silence et de brume la polysémie du monothéisme, la diversité des croyances sous un même Credo, ou l'évolution à travers les siècles des dévotions locales.      Ce qui est sûr, c'est que le toponyme Treguron figure sur la carte de Cassini pour désigner la chapelle de Gouezec, et non ailleurs ; et si on le retrouve comme "hagionyme" dans tous les lieux qui possèdent une vierge allaitante, c'est peut-être que la Vierge allaitante de Tréguron à Gouezec a fait, sous la pression des nourrices, des émules : ici, on aurait dissimulé cet emprunt en le dérivant sur une statue de substitution, et en modifiant la graphie. 

  Ces "trois couronnes" que portent désormais les armoiries de la commune n'ont pas reçu, me semble-t-il, d'explications validées.

   L'intérieur de la chapelle est simple, aux couleurs de Marie avec ses sobres murs blancs et sa voûte lambrissée bleue aux motifs blancs. Mais derrière la clôture de choeur, les deux niches de bois doré encadrant l'humble autel de granit introduisent un luxe digne des deux statues de pierre qu'elles abritent, celle de la Vierge à l'Enfant et celle de saint Denis. On y trouve aussi une pietà de granit, et une photographie encadrée d'une petite statue de Notre-Dame de Trégeuren, en dépot à l'abri des vols : c'est elle qui a l'honneur de figurer, lors de la Troménie de Locronan, dans la station relevant de la chapelle St Denis . Selon M. Dilasser, ce serait une réplique de la petite vierge du retable du rosaire de Locronan.

  

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II. La Vierge allaitante.

   Elle est placée dans une  niche aux quatre colonnes torses coiffées de chapiteaux corinthiens et où grimpe une vigne métaphorique (de l'Eucharistie) avec des grappes généreuses, que picorent des oiseaux et où s'encadre un petit personnage en tenue d' Adam. Elle repose sur un socle mouluré orné d'angelots, et elle est surmontée d'un entablement à denticules sommé de pots à feu et de vases. Cette niche a été restaurée en 2003 par les Ateliers de la Chapelle à Longeron (49).

  C'est une statue de pierre qui présente plusieurs caractéristiques parfaitement typiques du groupe des Vierges allaitantes de Cornouaille : une taille proche de la grandeur nature ; le manteau bleu dont un pan croise mais est rabattu ; la robe rouge, robe de nourrice s'ouvrant en V pour dégager la poitrine ; la coiffure si constante que j'y ai consacré     cet article  Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu., consistant en un bandeau qui retient les longs cheveux derrière la nuque tout en dégageant le dessus de la tête, qui n'est pas couverte; front et sourcils épilés ; enfant tenu du coté gauche. Ici, un restaurateur a méconnu le fameux bandeau, à l'origine peint pour figurer un tissu blanc rayé de bandes colorées, et l'a recouvert de la même couleur que la chevelure, ce qui donne l'impression d'un nattage en zig-zag tout-à-fait anachronique.

  Un élément remarquable est qu'elle est assise sur un fauteuil à accoudoir. Ses chaussures  sont bleu-gris. 

 

    Maurice Dilasser, dans Un pays de Cornouaille, Locronan et sa région, Nouvelle Librairie de France, 1979, signale que "pour remédier à la nudité de la Vierge donnant le sein à l'Enfant-Jésus, on a peint sur sa poitrine un gilet jaune et rouge". Mais actuellement (et déjà en 2003 sur les photographies de la restauration de la niche), on ne devine plus que la trace de ce gilet de pudeur, et c'est de très bon coeur et ostenciblement que l'Enfant tête le sein gauche , témoignant ainsi des dimensions prosaïques de son Incarnation, tandis que la Mère presse le sein droit et en présente le mamelon. 

  je n'ai lu aucun témoignage sur le culte que les mères soucieuses d'obtenir du lait pour leur enfant ont du lui rendre, comme ailleurs.

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  Inscription : R : SEZNEC . F : 1682 . 

  On remarque le N rétrograde conjoint avec le E. 

Je lis R SEZNEC Fabricien 1682. 

  Dans l'église paroissiale St Thurien , j'avais lu (Eglise Saint-Thurien à Plogonnec: N rétrograde et mentions de construction.)  l'inscription lapidaire Y. Seznec K(er)adily F(abricien) 1656, j'avais remarqué les mêmes lettres conjointes NE, et j'avais signalé que le manoir de Keradily était la propriété de la famille Seznec. On peut penser qu'un membre de la même honorable famille a été désigné fabricien de St-Denis en 1658. Le manoir est situé à 1,2 km de la chapelle et du lieu-dit Seznec. La carte de Cassini mentionne les deux lieux, avec l'orthographe actuelle. Le manoir, qui a été reconstruit en 1849, est classé sous la rubrique "ferme" sous la référence Mérimée IA00005916.

  On mentionne dans les travaux généalogiques :

  • Guillaume Seznec (Plogonnec 1621- Keradily 1690), Jean et Yves Seznec étant témoin lors du décès.
  • Son fils Yves Seznec ( Plogonnec 1644 -Garlan 1728), témoin du décès Hervé, Yves et René Seznec, et René le Joncour.
  • Son autre fils Jean Seznec (1637-1709)
  • René Seznec, "ménager", fils de Jean (supra), (1671-1757)

 

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Inscription MIRE : R SEZNEC . R

On admire la graphie ornée du premier R ; le N rétrograde et conjoint avec le E.

  Je lis "Messire R Seznec Recteur". En 1682, René Seznec était recteur de Plogonnec (de 1643 à 1697), ayant succédé à Yves Toulguengat que nous allons voir mentionné sur le calvaire. Voir dans l'église St Thurien de Plogonnec l'inscription mentionnant René Seznec ici :  Eglise Saint-Thurien à Plogonnec: N rétrograde et mentions de construction. On retrouve aussi sa mention indirecte en la chapelle de St Pierre sur un bénitier ( "recteur 1644").


 

 

 

 

 

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III. La statue de saint Denis.

    On ignore pourquoi saint Denis, premier évêque légendaire de Paris et patron du monastère chargé par Dagobert de conserver les tombes des rois de France, reçoit ici un culte. On sait que la légende fait de ce Dionysius (qui explique l'orthographe Denys) l'apôtre évangélisateur des Gaules au IIe siècle qui fut décapité lors de son martyr. Cet hiver, en Normandie, à Saint-Denis-le-Vêtu, j'avais admiré sa statue céphalophore dans l'église dédiée à ce saint depuis le XIie siècle. Elle y était accompagnée de celle de saint Éleuthère et de saint Rustique, fidèles compagnons de Denys. J'avais lu la monographie de l'abbé Quenette sur cette église, mais sans y trouver d'explication sur l'origine de ce culte.

   Mais ici, à Seznec, point de saint céphalophore, point de Rustique ou d'Éleuthère,  et le personnage qui nous attend dans sa niche a encore toute sa tête : c'est celle d'un saint-évêque, assez proche du saint Germain de Kerlaz ( Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions.), bénissant, coiffé de la mitre, et portant sa crosse (très restaurée) par l'intermédiaire du panisellus (ou sudarium, si vous préférez), ce qui est parfaitement inutile puisqu'il porte des gants. 

  Sa chape ou pluvial aux riches orfrois est maintenue par un large fermail portant quatre médaillons d'or formant une croix.


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   La niche de bois est en tout point semblable à celle de la Virgo lactans, avec les quatre colonnes torses dont une seule, celle de coté, n'est pas ornée de pampre, motif qui s'impose bien-sûr pour notre saint Dionysos. On retrouve les mêmes feuilles d'eau à leur base, les mêmes chapiteaux corinthiens, et les mêmes têtes d'angelots.

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      La première inscription porte les mots MIRE : H : QVEINEC:C:

  On notera que le N est normal, et non rétrograde comme pour l'inscription voisine, ce qui fait tomber un certain nombre d'hypothèses sur la présence de ces N rétrogrades, puisqu'ils sont manifestement executés de la même main.

Le chanoine Pérennes y a lu MIRE : H : QEINEC (Bull Dioc Hist Arch 1940). Je lis "Messire H. Queinec Curé". On sait qu'un prêtre desservait la chapelle jusqu'à la révolution. 

  La famille Le Queinnec est bien établie à Plogonnec, si proche de celle des Seznec qu'en 1713 se célébra le mariage de Guillaume Seznec avec Anne Le Queinnec : parmi les trois fils, Hervé hérita du manoir de Keradily et les deux autres furent prêtres. http://zeustl.free.fr/geneal/catco/pag140.html

  Ou bien, en 1696, Marie Le Queinnec (1674-Plogonnec Trégouré 1703) épousa à Plogonnec Yves Seznec, ménager (1678-1703). http://genea.chapuy.com/fiches/fiche396.htm#f1981

 Je retrouve aussi un Hervé Le Queinnec, né à Plogonnec en 1745, mais qui eut deux enfants. Or l'inscription Messire H. QUEINEC ne peut concerner à mon avis qu'un prêtre, auquel le titre messire est je pense réservé .

 

 

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La seconde inscription porte H :BRA.S : FAb : 1683 :

Je lis "H (Le) Bras Fabricien 1683." 

 

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  Sous l'inscription S . DENYS, on peut lire dans la partie verte qui encadre la tête de l'ange l'inscription JAQ PERENNES. 

  Un Jacques Perennes est né le 22 octobre 1645 à Plogonnec et y est décédé le 2 juin 1710 (http://froux.pagesperso-orange.fr/Roux1HTML/fiches/fiche128.htm) . Il épousa Jeanne Le Poupon en 1665.


IV. La Pietà.

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V. Le calvaire.

  C'est une oeuvre en kersanton de Roland Doré. Au centre, sous la colombe de l'Esprit-Saint, Le Christ en croix sous le titulus INRI voit son sang recueilli par trois anges aptères : l'un reçoit dans son calice le sang de la plaie du coté droit, l'autre celui de la main gauche, le troisième celui des pieds. Les bras de la croix se terminent en fleurons-boules godronnées.

  Il est encadré par deux statues géminées : face à l'ouest, la Vierge figée dans sa douleur par les lourds plis de son manteau, et saint Jean, imberbe comme il se doit, les mains croisées sur la poitrine pour exprimer sa peine ineffable. 

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  Les croisillons à culots portent les inscriptions MISSIRE : G / TOVLGVEN(G)AT RECTEVR POVR : LORS , et du coté est M F SEZNEC 1641.

  Je lis "Messire Guillaume Toulguengat Recteur pour lors  SEZNEC  1641". Guillaume Toulguengat fut recteur de Plogonnec de 1624 à 1642 , suivi de René Seznec.

 Le chanoine Perennes y a lu "Yves (sic) Toulguengat recteur pour lors" et "Seznec 1648 (?)"

       (Bull. Dioc. Hist. Arch. 1940). Le site Topic Topos lit la date de 1641. 

  

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  LE Verso deu calvaire :

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Du coté est, on voit le Christ au liens, au centre, encadré de deux "évêques" dont l'un pourrait être, en toute logique, saint Denis. Celui qui est à la gauche du Christ porte une croix et nion une crosse d'évêque ce qui est singulier. Je note aussi que les "mitres" sont presque des barrettes de clerc.

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L'Atlas des croix et calvaires du Finistère d'Y.P. Castel lit au verso "M F. SEZNEC CHAPALAIN 1641". Mais je lis pour ma part M : R : SENEEC 1641 CHAPALAIN . Il s'agit très vraisemblablement du patronyme R(ené) Seznec, où l'artiste a oublié le Z, et, troublé par le NE conjoint, a redoublé le E. Seznec et Chapalain sont sans-doute les fabriciens, car il est peu probable que le recteur René Seznec est fait graver son nom sur les deux faces des croisillons.

 

Le socle à pans  du calvaire porte une inscription difficilement lisible en lumière rasante, mais voici ce qui a été déchiffré : MORS FIT VITA ITERUM VICTRIX ... CORNIC; Je n'ai pas trouvé la traduction (littéralement "La mort - est- vie - encore - victorieux ").

 

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V. Le clocher et la cloche.

  A l'église paroissiale de Plogonnec Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!. , j'avais étudié l'inscription conjuratoire du porche, invoquant saint Thurien dans ses pouvoirs de protection de la foudre. Mais à Seznec, on ne prit même pas la protection de faire pousser de la jubarbe ou de prier sainte Barbe, et ce qui devait arriver arriva : dans la nuit du 30 novembre 1937, le clocher fut découronné par la foudre. Il ne fut pas réédifié, et resta réduit à sa base et à la chambre des cloches, mais, récemment, on remplaça le vieux "maout" après qu'une paroissienne, un jour de pardon, ait été frolée par une pièce tombée du reste de clocher, et avant que la cloche ne se retrouve, comme à Ploeven, sur le plancher des vaches. Car lors de ma visite, j'ai appris qu'on désignait par le terme breton de "maout" (le bélier) ce fort madrier qui maintient la cloche.

  J'apprends aussi lors de cette visite qu'au XXe siècle, pour protéger les sanctuaires de la foudre, on plaçait au sommet une pastille de radium, et que la plupart y sont encore... Est-ce possible ?

  Je découvre alors qu'il s'agit du "paratonnerre radioactif de la société Helita à pastille d'americium 241 ou de radium 226", parafoudres spécial clocher" installés dans les années 1940 ( de 1914 à ...1987, j'hallucine) notamment au dessus (en calotte) et sur les extrémités du coq-girouette, son jabot et sa queue. Tous les renseignements ici : http://www.paratonnerres-radioactifs.fr/?page_id=1454/

 

  La cloche porte l'inscription que je déchiffre partiellement ainsi :

MARIE-YVONNE, DEDIEE A ST-DENIS  EN (PLOG)ONNEC/

  Mr J.F. LE BRAS RECTEUR. PARRAIN YVES LOUBOUTIN ...KER(A)DILY-VRAZ /

MARRAINE MARIE-RENEE ST ...DE SEZNEC. /

C. LORIT FONDEUR A QUIMPER. 1891.

  On se souvient que Guillaume Louboutin et Marie-Jeanne Seznec ont rétabli le manoir de Keradily en 1845. Ce couple eut deux enfants, Marie-Jeanne Louboutin (1850-1891) et Yves Louboutin (1861-.) Le parrain de cette cloche est donc vraisemblablement  ce dernier, demeurant à Keradily et qui aurait 30 ans lors du baptème de cette cloche..  Voir les généalogies suivantes : http://gw3.geneanet.org/nhenaff?lang=fr;p=yves;n=louboutin;oc=4

et la généalogie SEZNEC icihttp://gw3.geneanet.org/nlegrand?lang=fr&m=N&v=SEZNEC

 


 Jean-François Le Bras fut recteur  de 1886 à 1896. 

Charles Lorit était fondeur rue de Brest à Quimper.

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VI. Les vitraux.

  L'association souhaitait initialement des vitraux figuratifs représentant par exemple le saint patron, mais cela n'était pas du goût de la Commission d'Art Sacré et de Maurice Dilasser qui souhaitait faire évoluer les mentalités dans la mouvance qu'il avait initié en confiant des travaux aux artistes  de haut renom ( cf  Les vitraux de Manessier à Locronan, chapelle de Bonne-Nouvelle. et  Les vitraux de l'église Saint-Louis de Brest : 2) commentaires.

       Ce qui est en place actuellement a été réalisé par Alain Grall, de Guengat, en 1981.

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Une fontaine de dévotion est signalée en 1940 par le chanoine Pérennès "à 300 mètres Sud-Ouest de la chapelle.

  Source : BDHA 1940 p. 151 http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=61


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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 04:58

     VIERGES ALLAITANTES DE CORNOUAILLE

                            Le bandeau de cheveu

 

    J'ai cru discerner différents traits communs aux neuf à onze Vierges allaitantes que j'intègre dans le groupe des Vierges de Cornouaille, et l'un de ces traits est la présence d'un bandeau de tissu souvent rayé ou doré, large d'une petite dizaine de centimètres, placé à la hauteur de la nuque à son arrière  afin de rassembler la chevelure, toujours longue et ondulée, avant de la libérer sur les épaules et le dos. 

 Ce "bandeau" (qui porterait actuellement le nom de "chouchou") est présent sur sept des neuf statues examinées (je n'ai pas eu accès malgré ma demande aux chapelles de Seznec à Plogonnec et de Bonne-Nouvelle à Locronan).

  Je n'ai pas trouver de représentation de cette coiffure dans les ouvrages consacrés à la mode au XVI et XVIIe siècle, notament pendant la période des règnes  de Charles IX, Henri III et Henri IV, puisqu'il me semble que la datation moyenne de ces Vierges correspond approximativement à la période de 1566 à 1592 .

  Je n'ai pas trouvé non plus (mais une exploration exhaustive est impossible) cet accessoire de mode porté par d'autres vierges de l'art religieux flamand, italien ou français.

Par contre, je le retrouve (pour l'instant) sur deux vierges du nord de la Cornouaille : 

1. La Vierge de l'Annonciation du porche de l'église saint-Germain de Pleyben.

Le premier intérêt est que ce groupe (Gabriel et Marie) encadre une date, 1588, contemporaine de mon groupe de Vierges au bandeau. Le second est qu'il se situe à Pleyben où se trouve deux vierges allaitantes, celle de Lannelec et celle de l'ossuaire, toutes les deux portant le bandeau.

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  On peut observer que le costume possède des points communs avec les vierges allaitantes, par exemple les poignets "gaufrés". Et aussi que la chevelure est dénouée et serpentine, ce qui est inhabituelle pour une vierge de l'Annonciation d'habitude plus retenue.

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2. La vierge à l'enfant Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou.

 Je ne connais pas sa date ; Ce bandeau est particulier puiqu'il semble prolonger le voile qui entoure la tête, mais on reconnaît pourtant dans les plis godronnés du tissu qui maintient les cheveux derrière la tête ceux que nous trouvons chez les Vierges allaitantes.

   Plonevez-du Faou  est une paroisse voisine de Pleyben.

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3. La Vierge à l'Enfant de l'église Saint-Julien de Châteauneuf du Faou (16e siècle) : 

   Il reprend et confirme ce qu'indiquait la statue précédente : le voile qui ceint le dessus de la tête vient croiser le devant de la chevelure lorsque celle-ci passe derrière la nuque. Ici, les cheveux divisés en deux nattes reviennent devant les épaules.

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 04:43

   La chapelle Sainte-Marine à Combrit.

     Vierge allaitante, Bannière Le Minor

                et décors marins.

 

Cette chapelle du XVIe siècle située en bordure de l'Odet face à Bénodet a été dédié à un ermite irlandais nommé Moran ; Ce saint Moran s'est transformé au XVIIe en une Sainte Maraine, puis en Sainte Marine, ce qui est parfaitement adapté à son environnement marin et à son ornementation où s'associent les ex-voto et les sablières de poissons et de navires.

  Je m'y rendais pour découvrir la Vierge allaitante, et compléter la série des Vierges allaitantes de Cornouaille  Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.

  Mais cette vierge, belle en soi, ne rentre pas dans ce comput puisqu'au lieu d'être grandeur nature, elle ne mesure que 64 cm ; qu'elle n'est pas vêtue du corselet d'allaitement, que ses cheveux sont sagement attachés pour dégager la nuque. Elle date pourtant aussi du XVIe siècle ; elle donne le sein gauche à un petit-Jésus tout nu, en présentant le mamelon par la prise en ciseau entre index et majeur. Pas de dorure ni de galon perlé, pas d'effets de manche, pas de vertugadin, tout dans sa tenue est simplicité.

   Par rapport à d'autres vierges au lait, celle-ci est toute attentive à sa tache, au lieu de regarder le vaste monde, et pareillement l'enfant ne joue pas à la balle avec un globe terrestre ou avec une pomme, ne fait pas coucou de la main aux fidèles, ne se préoccupe pas de s'entrainer à bénir : non, simplement, il tête.

   On aurait pu la nommer Notre-Dame de la sollicitude : définition, "attention soutenue et affectueuse", et elle serait la patronne du "care", ce récent concept des sciences sociales, la patronne de tous les aidants naturels et professionnels. 

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   Pour naturel qu'il soit, le don maternel du lait est toujours ambigu, car l'être humain est ainsi fait que le sein est pour notre espèce un ojet de séduction érotique tout autant qu'une glande lactogène, un objet d'amour pour l'amant autant que pour l'enfant, et que cela fait des lustres que les deux se le disputent. Il est donc inutile de taxer les paroissiens de Combrit de pudibonderie lorsque, jusqu'en 1980, ils voilaient le charmant agrément d'une prudente étoffe. Comme disait la dame en allant chercher dans la sacristie ce voile de pudeur, ce peripectorium (si j'ose introduire ce terme fautif mais manquant à notre vocabulaire de la paramentique), "comme on connaît ses saints/seins on les adore".

  Sur le site Ar Bannour consacré au patrimoine de Combrit, je lis que cette statue avait été cachée pendant la révolution, et qu'elle est restée oubliée sous l'escalier en pierre de la maison jouxtant  l'Abri du Marin. "Exhumée après de nombreuses années elle a retrouvée toute sa fraîcheur"...mais c'est sans-doute ce souterrain séjour qui a assombri et halé son teint.

 

   La Maria lactans est placée dans la chapelle au dessus d'un tronc d'offrande, face à un if à cierge, mais surtout à coté d'une table d'offrande surmontée, pour mon grand bonheur, d'une bannière Le Minor. Je ne saurais trop féliciter l'Association en charge de Sainte-Marine de l'heureuse idée de présenter la bannière ainsi, en en dédoublant le verso du recto, plutôt que de condamner l'une des faces à rester le dos devant le mur ou le pilier jusqu'au prochain pardon, et d'obliger le visiteur à un discret coup d'oeil indiscret et frustrant.

  Le pardon de Sainte-Marine a lieu le 2e dimanche de juillet.

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  Cette bannière est datée de 1987 et elle est signée Toulhoat. Sa face principale est dédiée à Sainte Marine, qui tient joliment la chapelle dans le bras gauche alors qu'elle nous bénit de la main droite. 



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 Dans la chapelle, on trouve la statue de Sainte Marine : elle est effectivement couronnée, la couleur du manteau et celle de la robe ont été inversée sur la bannière, et le livre, pauvre de signification, a été remplacé astucieusement par la chapelle. La sainte tenait sans-doute dans la main droite la palme du martyr.

  Le manteau bleu est particulier : il associe une partie postérieure en pèlerine, habituelle, et une partie antérieure en tunique courte serrée par une ceinture à double cordon.

  Il s'agirait du semicinctium, celui qui sert de titre à l'épigramme de Martial en jouant sur le sens de cingere, et que je n'ose traduire ici :

Epigrammata, Livre 14, CLIII, Semicinctium :

Det tunicam locuples : ego te praecingere possum.

Essem si locuples, munus utrumque darem.

  Donnons plutôt comme référence Saint Paul à Éphèse dans Acte des apôtres, 19,12, mais avec un sens différent : traduit du grec  il s'agit là d'un mouchoir, une sorte de sudaria ou de manipule, mais "le sudarium était destiné à envelopper la tête pour en absorber la sueur, alors que le semicinctium se tenait à la main pour être employé aux mêmes usages que nos mouchoirs." (J.A. Martigny, Dictionnaire des Antiquités Chrétiennes, 1865). Une sorte de pallium, en sorte. L'église Saint-Exupère de Saint-Thois : les statues; le manipule. Mais cette interprétation est contraire aus sens habituel de semicinctium qui est "tablier". On lira une passionnante discussion de cela ici :link.

  


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     Il est difficile de savoir quelle est cette Marine, dont on a vu qu'elle résulte surtout d'une dérive sémantique à partir de saint Moran ou Meryn ; Est-ce Marguerite d'Antioche, nommée Marine en Orient ? Ou cette vierge martyr à laquelle Paris a voué une chapelle ? Ou Marine de Bythinie, qui rentra au couvent déguisée en garçon sous le nom de Marin ? J'y verrai plutôt une Notre-Dame de la mer, une Virgo Marina, divinité de la mer et patronne de cette communauté de pécheurs (vingt familles au XVe siècle) et de patrons de barques spécialisées dans le commerce du vin de Saintonge et de Bordeaux vers la Manche et la Mer du Nord. (12 barques au XVIe siècle fréquentant La Rochelle, et six barques à Nantes) Sources : site officiel de Combrit.

  Revenons à notre bannière : elle porte aussi l'éffigie de Saint Yves et celle de Sant Voran : 

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  Le culte rendu à Saint Yves est attesté par une statue en bois dans la chapelle, voisinant avec un ex-voto Notre-Dame de la Clarté, trois-mats carrés à brigantine de la deuxième moitié du 19e siècle. 

L'inscription St Yves est accompagnée du nom de la prestigieuse entreprise de broderie Le Minor, de Pont-L'Abbé.

 Le culte de Sant Voran est la forme bretonne de Saint Moran, mais c'est aussi le nom d'un misainier, vieux gréement restauré sur la commune et qui, sous le nom de FUIL DERO ( hanneton), a été construit en 1929 par un ligneur de Sainte Marine, Mr Le Roux: on voit que les références maritimes sont omniprésentes.

  Sous son nom, on lit celui de Toulhoat, créateur de vitraux, de faïence, de bijoux, et de bannières Le Minor depuis la première réalisée en 1953 pour Locronan.

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  On y voit aussi une canot armé à la petite pêche immatriculé GV 98 90, le port de Bénodet et Sainte-Marine dépendant du Quartier Maritime du Guilvinec (il s'agit d'une immatriculation fictive, les navires actuels portent six chiffres), qui a établi son tape-cul. Le navire n'est pas "en pêche" (absence des cônes inversés), et si on en croit le goéland perché sur la bome, il serait plutôt route terre après avoir relevé les casiers, le patron et son matelot bien content d'avoir fini.

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  Le verso de la bannière honore le patron de l'église paroissiale, Saint Tugdual avec l'inscription Sant Tugdual Pedit evidomp, Saint Tugdual Priez pour nous.

  Saint Tugdual, l'un des sept saints fondateurs de la Bretagne, évêque de Tréguier, est l'un des soixante-dix religieux venus au Ve siècle du Pays de Galles pour évangéliser la Bretagne : assimilé à Saint Tudy, il est vénéré au sud de la Cornouaille à Saint-Tudy, Loctudy, Cleden-Cap-Sizun, Douarnenez, Quimper, etc... Selon certains écrits, il se serait rendu à Rome en 548 à la mort du pape, et il fut désigné comme successeur par une colombe blanche : ceci explique la présence ici  d'une colombe sur l'épaule droite de Tugdual, et cela explique aussi qu'on le surnomme pabu (pape).

  Il est représenté en tenue d'évêque, foulant un dragon crachant le feu : c'est le monstre, symbolisant les païens, qui désolait le Trègor avant son arrivée. 


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      On voit aussi sur les parties latérales la date de réalisation, 1987, la mention Le Minor, et celle de Parrez Kombrid, paroisse de Combrit.

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La statue de Saint Pierre :    

  La chapelle continue à décliner le thème du monde marin et de ses liens avec la religion, et c'est ici la pêche qui est illustrée avec Saint Pierre, patron des pêcheurs. On le reconnaît à la clef, ici démesurée, mais aussi à son crâne où seul un "toupet" échappe à la calvitie. 

 

 

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Sainte Barbe :

        Après la pêche, c'est la marine marchande et de guerre  qui présente ici la sainte qui est leur patronne depuis l'avènement des machines à vapeur et de tout ce qui fait "boum".

  Cette statue de 103 cm date du XVII-XIXe siècle :

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   Fixée à ses cotés, la maquette qui a été offerte en 1900 porte le nom de Sainte Marine ; elle est gréée d'une brigantine , et sa muraille montre 14  sabords. Je ne suis pas qualifié pour savoir s'il ne s'agit pas de faux sabords que les navires marchands peignaient pour faire croire qu'ils étaient armés.    

 

 

 

Les sablières du XVIe siècle :

  Sur la première deux anges présentent un "cuir" portant deux poissons, alors que la seconde fait alterner les coques de navire avec des sardines. Les navires sont très creux, avec une étrave arrondie,et  un  gouvernail d'étambot sur étambot à forte quête.

 L'église paroissiale Saint-Tugdual offre des exemples de sablières comparables.


 


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Un ange présente l'inscription a (ou n)  Morvan lors fabriq attestant du rôle joué dans la réalisation de ces sablières par un fabrique ou fabricien du nom de Morvan.

 Le nom de Morvan est parfaitement attesté au XVIe siècle à Combrit, avec par exemple Daniel Morvan 1585-1635 (Geneat-net)

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 Les ex-voto suspendus :

La Victoire

datée de la fin du XVIII-début du XIXe ; ce trois-mats carré est, si j'en crois les quatorze sabords qui percent la muraille, et à la fois  le nom  martial et féminin, une frégate du XIIIe dont les pièces tirent le boulet réglementaire de 18 livres, et dont plus de la moitié ont été dessinés par l'architecte naval Jacques Noël Sané. Si on examine avec quelle précision le gréement dormant et le gréement courant est réalisé, on réalise vite qu'on a affaire à une maquette exacte, l'oeuvre d'un marin.

Les frégates qui ont portée ce nom sont (parmi celles que j'ai retrouvées) : 

Victoire, frégate de "8" de 26 canons, Levasseur, Dunkerke 1704-1743, 268 Tx 

Victoire, frégate à une batterie et demie de 28 canons, 1757-naufrage en 1759 sous le nom d'HMS Tar-Tar-Prize.

Une frégate La Victoire est aussi attestée en 1830 à Toulon, capitaine Legoarant de Tromelin.



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Cette maquette ne porte pas de nom. 

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Les cinq vitraux :

Cartons du père André Bouler, 1962. Réalisés en dalle de verre et plomb par l'atelier Juteau d'Ermont ( Mireille et Jacques Juteau, cf atelier Hermet-Juteau de Chartres, reprise de l'atelier Lorin).

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Dimensions Hauteur : 103 cm
Datation XVIIIe siècle - XIXe siècle

Si Sainte-Marine est un port de pêche où saint Pierre est vénéré, c'est aussi un port d'armement au cabotage ; or, depuis l'avènement des machines à vapeur, la patronne des marins du commerce et de guerre est sainte Barbe. À côté, trois maquettes de navires de la fin du XIXeet du début du XXesiècle sont suspendues au mur en guise d'ex-voto.


 


Sainte Marine, 16ème siècle

Edifice de plan rectangulaire comportant une nef de trois travées avec un bas côté et une chapelle en aile au nord. Agrandi par les architectes H. Péron et A. Weisbein qui ont utilisés des pierres de la chapelle de Saint Riou, en ruine de Lanriec.

La chapelle de Sainte Marine fut élevée au XVI ème siècle en l’honneur d’un ermite irlandais, Saint Moran. Elle est dédiée aujourd’hui à Sainte Marine. On y voit des frises sculptées ou des barques, entourées de poissons, qui font une pêche miraculeuse. Le pardon de Sainte Marine a lieu le 2ème dimanche dDédiée au XVIe siècle à saint Moran puis, par altération, à sainte Maraine, et enfin à sainte Marine, la chapelle actuelle est due à la juxtaposition de deux édifices emboîtés. En 1962, les architectes H. Péron et A. Wesbein réutilisent des pierres provenant des ruines d'une autre chapelle pour agrandir celle-ci. La porte en arc brisé de la première chapelle s'ouvre sur une nef à trois travées avec un bas-côté. Les colonnettes sont du XVIe siècle. La seconde chapelle forme une aile sur le flanc nord de la première. Les arcs du transept ainsi formé sont en plein cintre, et la porte du pignon en anse de panier porte la date de 1863. La sacristie vient, elle aussi, se greffer à l'ensemble sur l'un des murs de la seconde chapelle. Elle a un épannelage d'angle, et ses ouvertures sont du XVIIIe siècle. Deux poissons sont gravés au-dessus de l'arc de la porte sud, qui est obturée.e juillet.

 

Cette chapelle en bordure de l’Odet, face à Bénodet et dont on ignore encore l’origine du nom (Ste Marine – St Meryn – St Morand ou encore bien d’autres appellations) recèle quatre maquettes ainsi qu’une magnifique bannnière.

Toutes les maquettes sont des trois-mâts carré.

La première maquette, « La Victoire », est datée entre la fin du 18 ème et le début du 19 ème siècle.

La deuxième maquette ne porte pas d’indication particulière.

La troisième maquette est de réalisation plus récente car une brigantine figure à l’arrière ; les indications à la proue nous apprennent qu’elle est dédié à Sainte-Marine et qu’elle a été créée ou offerte en 1900.

Enfin la quatrième de ces maquettes, avec brigantine également, le « Notre Dame de la Clarté », date vraisemblablement de la deuxième moitié du 19 ème siècle et est très certainement dédiée à Notre Dame de la Clarté, autre chapelle de Combrit portant ce nom.

Quant à la bannière de Sainte-Marine, elle représente la Sainte et est ornée d'un bateau de pêche du Guilvinec. Saint-Yves et Sant-Voran figurent également sur cette bannière datant de 1998.

Une statue de Sainte-Barbe, patronne des artificiers et des canonniers de Marine, trône également à l'intérieur de la chapelle.

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Published by jean-yves cordier
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 04:04

         L'église Notre-Dame d'Izel-Vor à La Forest-Fouesnant : Vierge de la Marée Basse et Vierge allaitante.

 

Notre-Dame de Kergornec ( fin XVIIe)

 

  

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Itron Varia Izel-Vor (fin XVIIe)

  Selon le panneau placé devant l'église à l'attention du touriste, Izel-Vor signifie Bras de mer, mais la traduction habituelle donne "basse mer". C'est celle que donne le dictionnaire breton-français de Le Gonidec : Basse mer, quand la mer s'est retirée, Izel-vôr, opposé à la pleine mer, ar môr vraz.

  Il est assez inattendu de voir une Vierge consacrée à la marée basse, et malgré les évocations poètiques de cette étale, de cette pause de la mer qui soudain n'a plus d'erre et s'immobilise, fragment d'éternité enchassé dans la course des flots dont on peut comprendre qu'on l'élève à la dignité d'une divinité, on pense à une erreur, ou à une de ces anecdotes que recèle la toponymie. Mais je semble le seul à m'interroger sur ce qualificatif marial qui s'ajoute à la litanie des métaphores naturelles, astre du matin, étoile de la mer, céleste jardin, clair parvis du ciel, source d'allégresse, refuge des pécheurs, celui, à la Forest-Fouesnant, de Notre-Dame de la Basse-Mer.

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Les bannières :

Bannière Itroun Varia Izel-Vor

avec la mention Souvenir de la Grande Guerre 1914-1918.

 

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 Bannière Itron Varia ar Penity

se réfère à la Vierge de la chapelle de Saint-Maudez ou du Penity.

 

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Bannière de sainte Anne

avec une représentation de l'Éducation de la Vierge.

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Bannière de Sainte Thérèse

Santez Thérèza ar mabik Jesus = Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

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      Pieta (sculpteur Anthoine, 18e siècle):

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Statue du Santik Du, le Petit Saint Noir :

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Saint Egarec 

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Saint Jean-Baptiste

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Saint Amand

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Sainte Catherine

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Saint Nicolas

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      Saint Diboan :

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Saint Alain 

 

 

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Le tableau de l'institution du Rosaire (1684)

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   Lors de la création en 1680 de la Confrérie du Rosaire dans la paroisse, il fut offert par l'évêque de Quimper Monseigneur de Coëtlogon dont il porte les armes. On y voit la Vierge remettant le rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne, alors que le pape Pie V, le roi saint Louis assistent à la scène, en compagnie de Louis XIII qui consacra la France à la Vierge, d'Anne d'Autriche et du futur Louis XIV. En arrière plan la bataille de Lépante (1571).

  Quinze médaillons sont consacrés au mystère du rosaire.

Comme me l'indique Alain Ménard, Géraldine Lavieille (Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes, Institut des Sciences de l’Homme de l'Université Jean Moulin Lyon 3) a consacré une étude approfondie à ce tableau. En voici le résumé :

Même dans le contexte des politiques de la gloire orchestrées par Louis XIV, le portrait du roi n’est pas toujours sous contrôle de l’État. L’exemple d’une peinture de confrérie du Rosaire bas-bretonne, figurant Louis XIV précédé de son ancêtre et patron saint Louis, permet d’analyser l’iconographie religieuse du roi comme une création collective. L’étude des archives paroissiales confrontées à la représentation dévoile un procédé de commande complexe auquel prirent part les Dominicains du couvent le plus proche, la fabrique encadrée par son recteur ainsi que l’évêque de Quimper. Ces deux autorités locales se firent d’ailleurs figurer sur la toile au sein de la hiérarchie ecclésiale et face au groupe royal. La peinture n’est pourtant pas une image de la chrétienté en dévotion, et les fidèles, écartés de la représentation mais assemblés devant l’autel, se voient intégrés à un ordre social, politique et religieux qui construit une société chrétienne idéale en harmonie avec le monde céleste ; le culte local, le respect des autorités ecclésiastiques et le loyalisme monarchique sont étroitement associés dans une même quête du salut. Ainsi, dans une province éloignée du pouvoir central, récemment révoltée puis réprimée, des cadres locaux et une partie des paroissiens ont mobilisé et adapté un langage symbolique qui soulignait leur fidélité et restaurait l’ordre général. Synthèse d’influences diverses, la peinture dévoile alors l’alliance entre un catholicisme réformé triomphant et le renforcement de l’autorité royale, tout en rappelant que toute manifestation de loyalisme monarchique n’est pas nécessairement le fruit de la propagande.

— LAVIEILLE (Géraldine) 2014, "Le Rosaire de La Forêt-Fouesnant (Basse-Bretagne) : jeux de pouvoir et création collective de l’image religieuse royale sous Louis XIV"  in Revue d’histoire moderne et contemporaine 2014/2 (n° 61-2) Pages 89-119.  ISBN : 9782701190136 Éditeur : Belin

https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2014-2-page-89.htm

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vierge allaitante
28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 08:50

             LES ANGES MUSICIENS

 

              Église Notre-Dame de Bulat

               à Bulat-Pestivien (22):

              La rose de la maîtresse-vitre.

                                                                                  On n'apprécie rien si on ne le contemple pas ;

                                                                                   Ce qui manque au monde c'est la contemplation

                                                          (Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique, traduction Maël Renouard, Rivages Poche)

           

      I. PRESENTATION DE L'EGLISE 

    L'église Notre-Dame de Bulat date de 1463, mais elle succède à un premier sanctuaire fondé par les seigneurs de Pestivien ou Pennstyffyen (de penn, la pointe, et stiv, la source) à la suite d'un voeu réalisé, la naissance d'un enfant (il s'agissait bien-sûr d'un fils). Notre-Dame de Bulat, toponyme dans lequel certains reconnaissent la syncope de buguelat, qui veut dire don d'enfant" (S. Ropartz 1851) ou du verbe breton bugelat, "enfanter", devient ainsi la Vierge protectrice de la Maternité, et on compte parait-il 38 représentations d'enfants dans son église. C'est un important lieu de pèlerinage marial depuis le Moyen-Âge, et son pardon les 14, 15 et 16 septembre de chaque année voyait affluer les pèlerins, mais aussi des dons si généreux que, en 1747, la fabrique fait réaliser une statue de dévotion et de procession en argent par le plus réputé des douze meilleurs orfèvres de Rennes, Jean-Baptiste I. Buchet. Cette Vierge à l'enfant de 55 cm de haut est une pièce d'orfèvrerie exceptionnelle, non seulement par le prix de 561 livres qui fut versé par les fabriciens, mais surtout par sa dimension, et par la finesse des traits altiers de cette figure de maternité peut-être copiée de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle de Rennes (Bonne-Nouvelle étant à entendre comme annonce d'une enfant). Cette statue est toujours vénérée lors du pardon,  qui réunit, le dimanche qui suit la fête de la Nativité le 8 septembre, plus de 2000 pélerins. Le soir, c'est le tantad, le grand feu de joie, c'est la bombarde et le biniou,et le lundi suivant, c'est la grande foire aux chevaux de trait  instituée depuis 1747 et son concours de poulains qui attire... 8000 visiteurs.

   Après avoir découvert les Vierges allaitantes ou Vierges au Lait du Finistère, Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes. je ne m'étonne pas d'apprendre qu'on trouve, dans l'enclos paroissial, une Fontaine des nourrices ou Fontaine au lait, que vénère lors du pardon les futures mères et les mères allaitantes pour obtenir du lait si bon et si nourrissant qu'il fasse rougir de confusion les donneuses de biberon. La petite statue de Vierge qu'on y trouve , en contrebas du cimetière, est peut-être une vierge donnant le sein.


   Sous le porche c'est cette statue de pierre blanche que l'on peut admirer : L'Enfant-Jésus est en train de jouer avec sa maman à "Je te tiens-tu me tiens-par la barbichette" mais la Mère reste de marbre.

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  A l'intérieur de l'église, dans le choeur, on découvre une autre Vierge :

 

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   La bannière de procession 

  Cette bannière est déjà originale par la représentation de l'église qu'elle présente à son verso. Mais elle est surtout marquante par son histoire, puisqu'elle a été offerte à la paroisse par un officier de la guerre de 1870 qui en avait fait le voeu s'il revenait vivant du combat contre les prussiens. Elle a été restaurée en 2011 par Patricia Hood et son atelier L'art et la Bannière d'Audierne pour la somme de 4449 Euros, récoltée par l'association Kleid Bulat. 

  L'inscription signifie-t-elle Remerciement d'un soldat ?

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II. LA MAÎTRESSE-VITRE :

 


    La lecture du Corpus Vitrearum -Vitraux de Bretagne Ed. P.U.Rennes 2005 donne une piètre idée, certainement justifiée pour des spécialistes de la Direction de l'Architecture et du Patrimoine dans une publication du CNRS, des vitraux de Bulat-Pestivien : ceux-ci se trouvent placés dans la rubrique " vitraux réduits à l'état de fragments" (p.105) et l'accent y est mis sur les éléments disparus et les travaux de restauration. Les anges musiciens n'y sont décrits que par la mention "(restaurations)". On apprend que le tympan de la maîtresse-vitre ou Baie 0 (celle qui m'intéresse ici) "appartient bien au vitrage initial" contemporain de la construction du choeur en 1463, et datée des années 1470-1480, mais les lancettes de la baie ont été modifiées en 1852 par l'atelier Le Coq de Guingamp sur des cartons de Peter Hawke (Île de Wight 1801-Tunis 1887) consacrés à la Vierge autour d'un élément central représentant l'Annonciation. La verrière a été restaurée en 1933 par l'atelier Tournel et en 1997-1998 par l'atelier de Jean-Pierre Le Bihan de Quimper.

   Pourtant, s'il est doté de jumelles, le visiteur trouve ici matière à régaler ses pupilles, et à s'instruire en histoire (héraldique) et dans sa connaissance des instruments de musique du Moyen-Âge.

 

   Je jette un coup d'oeil aux lancettes avant de me plonger dans la lecture du tympan.


 

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  Le tympan est formé de trois coeurs ou pétales : un coeur central en haut, avec seize ajours , et deux coeurs inversés en dessous, avec quatorze ajours. (Un "ajour" est une ouverture obtenue par la forme du réseau de maçonnerie : on le nomme "mouchette" si sa forme asymétrique est celle d'une flamme, "soufflet" si sa forme est symétrique, "écoinçon", souvent dans les coins, si sa forme est triangulaire à trois cotés curvilignes). A ces 44 ajours des coeurs viennent s'ajouter 10 ajours complémentaires, soit 54 verres. 

  Les seules descriptions récentes  disponibles sur Internet sont celles du blog du maître-verrier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan, http://jeanpierrelebihan2.over-blog.com/categorie-10530858.html.

  Il y a compté 35 anges musiciens, jouant de dix instruments différents. J'y ajoute 7 armoiries, 2 anges à phylactère, 2 fleurs trilobées, 8 bouche-trous violets, et j'obtiens bien 54 verres. Ils sont numérotés de bas en haut et de gauche à droite pour les désigner, mais je me perds dans ce décompte et je les localiserai dans les trois coeurs, supérieur, inférieur droit et inférieur gauche.

 

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I. LES ARMOIRIES.

                                                                  Fou l'homme qui embrasse un nuage !

                                                                  Fou, toi qui te fais joie de vaine gloire !

                                                       Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique, op.cité.



 1°) Les prééminences d'églises, les droits de prééminence et de supériorité.


 Le coeur supérieur  est dominé par les armoiries de la famille de Bouteville, qui se trouvent ainsi en prééminence.

  Les seigneurs possédaient des droits seigneuriaux, et pour signifier leur possession sur leurs terres, leurs biens (château ou manoirs, colombier, four, moulin ) ou les édifices de leur fief (calvaire, église, chapelles) ils y apposaient leurs armoiries. En effet cela leur donnait des droits à recevoir des honneurs ou à bénéficier de privilèges. L'église a été un lieu où l'émulation ou la rivalité entre seigneurs pour affirmer leur domination s'est exercée de manière cruciale, et ce que l'on nomme les Prééminences d'église  ont du être définis avec minutie. Ceux-ci étaient souvent accordés à la suite d'une donation effectuée au profit du sanctuaire, notamment par donation d'un vitrail. Ces droits se répartissaient en :

-majores honores ou droits majeurs : 

  • armoiries en façade ou dans les vitraux.
  • droit de banc : posséder son banc-coffre ou son banc à queue dans la nef au premier rang, ou mieux dans le choeur, et surtout du coté de l'évangile (coté gauche en faisant face à l'autel). [ à distinguer du banc d'oeuvre, pour les membres de la fabrique, du banc de choeur pour les enfants de choeur ou les ministres inférieurs du culte quand ils ne se contentent pas de tabouret de chantre , ou du banc, de la banquette ou des stalles de confrérie, privilège des membres des confréries religieuses donatrices]. Le droit de banc peut être, à défaut, un doit d'escabeau avec accoudoir.
  • droit de sépulture ou droit d'enfeu (niches creusées dans la muraille avec tombe plate et parfois gisant), près du choeur.
  • droit d'oratoire : conférant l'usage d'une chapelle privée et parfois close.
  • droit de litre lors des funérailles, donnant droit lors du décès au tracé à l'extérieur et l'intérieur de l'église d'une frise peinte, la litre ou lisière.
  • Droit de patronage permettant de nommer les desservants des églises.

Minores honores ou droits mineurs :

  • droits de  procession pour venir accueillir le seigneur, droit d'être premier servi en  pain bénit  ou de recevoir l'eau bénite de la main du prêtre, droit d'être encensé, droit de prière publique pour être nommé dans les intentions de prière, 

  En matière de vitrail, une série de blasons indiquaient les différents degrés de parenté ou d'alliances de la famille fondatrice ou donatrice dont les armoiries étaint placées au sommet de la vitre, "en supériorité".

   Le respect de ces droits, et notamment du maintien du vitrail et de ses armoiries est surveillé jalousement par les ayant-droits et des Procés-verbaux  en fixent la description : l'étude de ceux-ci permet de donner un descriptif d'une verrière à une date donnée.

2°) les conflits de prééminence à Bulat-Pestivien.

  Les Bodilio ("bouquet de lierre"), vous connaissez? Les Bulatois les connaissent bien, parce ce furent les principaux seigneurs de Pestivien à partir de la Renaissance, et parce que nombre d'anecdotes courent à leur propos et à celui d'ar Combouten, les Combout, les douze fils de la châtelaine de Bodilio qui, après son veuvage, eut toutes les peines à maîtriser ces mauvais garçons. Lorsqu'ils échappaient à sa surveillance, elle faisait sonner les cloches du manoir pour avertir les fermières du voisinage à qui elle signifiait ainsi: Ma zud vad, diwallet ho pellizi, ma c'higi'zo e-mez !   "bonnes femmes, gardez-bien vos poulettes car mes coqs se sont échappés".

Sur l'histoire des Pestrivien et des Bodilio, Sigismond Ropartz 1851 : :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1107255/f196.image.r=annuaire%20cote%20du%20nord%20p%C3%A9lerinage%20bulat.langFR


 On dispose du Procès-verbal des prééminences de Notre-Dame de Bulat (16 et 17 septembre 1620)  par une copie d'un manuscrit des archives du Marquis de Kerouatz : il est établi pour départager les demandes d'une Dame du Cleuzon, de la famille de Kergorlay, d'une part, et de Messire Allain de Combout, sieur du dict lieu, d'autre part. Les armoiries des Pestivien figurent à Bulat "de temps immémorial", et cette famille se plaint de ce que le Sr de Combout a récemment fait apposer deux écussons. "Et nous a montré et  avons veut au hault de la principale vitre de ladicte chapelle au pignon du grand autel un escusson escartellé le premier et troizièsme quartier d'or à un lion de gueule rampant armé, couronné et lampassé d'azur qu'il a dict estre les armes de Pont-L'Abé le second quartier d'argent à ermines sans nombre et trois barres de gueules qu'il a dict estre les armes de Pont-l'Abé et Rostrenan dont estoit  autrefoys ladicte seigeneurie de Pestivien ce qui démontre que les dicts seigneurs de Pestivien sont fondateurs et supérieurs de ladicte chapelle comme ladicte maison de Pestivien ayant sorti desdictes maisons." Sont ensuite décrits deux blasons placés en dessous : à gauche "du costé de l'évangille" celui de Pont-l'Abbé, et à droite "du costé de l'espitre" celui de Rostrenen, comme décrit au dessus. Encore en dessous, à gauche, les armoiries litigieuses d'argent à six feuilles de lierre de sinople et à droite de gueule à un lion rampant d'argent posées récemment par Dame du Combout et qui sont les armoiries des Bodilleau (Bodilio) et Combout. Mais celles-ci, à la différence des trois premières, ne sont pas présentées par un ange, et on voit encore la chaux d'un scellement récent !

  Enfin vennaient en dessous, à gauche les armes des Pestivien, d'argent vairé de sable, et à droite celles des Seigneurs du Faouët d'argent à cinq fusées de gueules.

  Les armes des Pestivien et des seigneurs du Faouët, frappées sur des boiseries  ou retrouvées sur une pierre tombale  témoignaient de ce que les seigneurs de Pestivien étaient bien fondateurs de l'église.

  La famille de Bodilio-Combout n'avaient été seigneur du fief de Pestivien que de 1610 à 1616, et on comprend que les nouveaux acquéreurs, les Kergorlay Sr de Cleuzdon, ait été choqué de voir qu'ils avaient en si peu de temps  remplacés les armoiries des seigneurs prééminenciers par les leurs ! 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56002160/f33.image.r=bulat-pestivien.langFR

3°) Le fief de Pestivien

Le château de Pestivien était construit dans un étang où on a retrouvé les soubassements de sa double enceinte. Il joua un rôle important lors des guerres de succession de Bretagne, fut pris en 1363, par le capitaine anglais Roger David, repris et rasé par Bertrand du Guesclin la même année. 

 

Le fief de Pestivien fut tenu chronologiquement par les :
- Pestivien
- Rostrenen
- Pestivien
- Molac par mariage de Jeanne de Pestivien, (fille de Bizien de Pestivien, seule héritière) et de Guy V de Molac fin XIVe
- La Chapelle par mariage, en 1412, d'Aliette de Molac et d'Olivier III de La Chapelle
- Rohan par mariage de Pierre de Rohan et d'Isabeau de La Chapelle
- Kervéno en Plumiliau à partir du XVI°
- Combout par acquisition, le 04/09/1610, par Alain de Combout
- Kerc'hoënt de Kergournadec'h par un retrait lignager, de François de Kerc'hoënt de Kergournadec'h
- Kergorlay de la branche cadette de Cleuzdon ou Cludon (Charles de Kergorlay, aussi parent des Kermeno, l'échangea, le 14/01/1616, entre celle de Kerandraoul qu'il venait d'acquérir)
- Cleuz du Gage à partir de 1725, par mariage, de Claude de Kergorlay et de Julien du Cleuz
- Kerouartz, famille dans laquelle s'est fondue la famille précédente en 1785.

La possession de la baronnie de Pestivien fut troublée par Renée le Rousseau, femme très procédurière d'Alain de Combout, mais les Kergorlay eurent gain de cause. L'épisode des armoiries du vitrail nous en donne une illustration.

http://ns203268.ovh.net/yeurch/histoirebretonne/terre/teneur/P/Pestivien.htm

 

4°) Les armoiries actuelles :

 

Actuellement, on constate 1. les armes en supériorité des Bouteville (décrites dans le texte précédent comme les Seigneurs du Faouët), puis celles 2. de Rostrenen et 3. de Pont-L'Abbé, puis celles 4. des Kergorlay et 5. des Pestivien, et enfin celles 6. des Pestivien et 7. des Guengat en alliance avec  celles de Rostrenen. Les armes contestées, celles des Bodillo et des Combout, ont disparu, remplacées par celles des Kergorlay et des Pestivien.  Cette description est identique à celle donnée par P. Chardin (Recueil de sculptures et peintures héraldiques, Bulletin monumental de la Société d'Archéologie, Paris, 1891), ainsi que celle donnée par l'abbé E. Daniel en 1864 (Notre-Dame de Bulat-Pestivien, Annuaire des Côtes du Nord 1864 p. 3-8) ce qui assure que les restaurations du XXe siècle ne les ont pas modifiées.

   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k310731.image.langFR.r=bulat%20%20chardin

  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110795k/f13.image.r=annuaire%20cote%20du%20nord%20p%C3%A9lerinage%20bulat.langFR

  

 

   1. Armoiries de Bouteville d'argent à cinq fusée de gueule en fasces. Présentées par un ange, et entourée du collier de l'Ordre de Saint-Michel.

  (Je fais remarquer l'orthographe Bouteville et non Boutteville)

  Cette famille a une branche établie près de Peronne en Picardie, et une branche normande puis bretonne. Leurs armoiries sont différentes. Selon Amédée de Ternas ( Notice généalogique sur la famille de Bouteville, 1884, :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5532739x/f14.image,) Jean de Bouteville vint de Normandie en 1330 soutenir Charles de Blois dans la guerre de Succesion de Bretagne (ce qui explique que, dans l'église de Bulat, on trouve une statue XIXe de celui-ci, en cotte d'armes). Un autre Jean de Bouteville fut chambellan du duc de Bretagne François II en 1484 ( ce Sr du Faouët servait en 1464 avec sept hommes d'armes et trente cinq archers). Selon le site Infobretagne, la lignée bretonne débuta par Hervé de Bouteville, sénéchal de Ploërmel en 1270; un chevalier Jean de Bouteville participa en 1420 à la retenue de Jean de Penhoët avant d'être fait prisonnier par les anglais au Mont-Saint-Michel. En 1526, Yves, Sr du Faouët était capitaine des gentilhommes et francs-archers de l'évêché de Cornouailles.

  Un Yves de Bouteville fut abbé de Langonnet en 1518-1536.

  Les seigneurs du Faouët:  Les Bouteville étaient seigneurs du Faouët, de Kerjou, Kerjent, vicomtes de Coëtquenan et de Berragan. Leurs armes figurent sur les vitraux des chapelles Sainte-Barbe et Saint-Fiacre du Faouët. Outre ces deux chapelles, ils firent construire également les halles du Faouët. La seigneurie du Faouët fut érigée en baronnie en 1495 par la duchesse Anne de Bretagne. Louis de Bouteville, qui épousa en 1498 Jeanne du Chastel, fut Chambellan de François Ier avant de décéder en 1539. les Bouteville seigneurs du Faouët sont les descendants de Jean de Bouteville dc apr 1340//de Lezivy: ce furent :

  • Jean, né vers 1314 // Andrée de la Rivière
  • Bizien, -dc avant 1404 // Jeanne de Quelen
  • Jean, né vers 1385-dc 1463 // Isabeau de Penhoët,
  • Jean, né vers 1405 // Alix de Coëtquénan,
  • Jean // 1463 Marie de Kérimerc'h
  • Louis, -dc 1539 //1498 Jeanne du Chastel
  • Yves après1500-dc 1554 // Renée de Carné
  • René né en 1540, sans alliance ni postérité.


 

 

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2. Armoiries de Rostrenen : d'hermine à trois fasces de gueule. (à droite) présentées par un ange. Devise : Oultres et Si je puis.

  Cette famille bâtit un château sur la paroisse de Moëlou à 15 km au sud de Bulat. Celui-ci devint le siège d'une puissante baronnie s'étendant sur les communes actuelles de Glomel, Kergrist-Moëlou, Maël-Carhaix, Paulé, et en partie sur Plévin, Plouguernével, Plounévez-Quintin, Rostrenen et Maël-Pestivien.

   En 1440, Marguerite de Rostrenen, héritière, épousa Jean II de Pont-L'Abbé.

 Roland de Rostrenen Sr de Brélidy (dc vers 1502) épousa Marguerite de Bouteville, fille de Jean Sr du Faouët et de Marie de Kerimerc'h. Sans postérité.


4. Armoiries de Pont-L'Abbé  : d'or au lion de gueules armé et lampassé d'azur (à gauche) présentées par un ange. Devise : Heb chang ("sans rémission")

  Jean II (1422-1478) devint en épousant Marguerite de Rostrenen Seigneur de Pont-L'Abbé et de Rostrenen, titres qu'il transmet à Pierre IX (1443-1488) puis à Jean III (dc 1508) et enfin à Louise, dernière héritière de Pont-L'Abbé et de Rostrenen.


 4. Armoiries de Kergorlay : vairé d'or et de gueules (à droite) entourées du collier de l'Ordre de Saint-Michel. Devise : Ayde-toi Kergorlay et le ciel t'aidera 

       Cette famille tire son nom du lieu-dit de Guergorlay en Motreff (au sud de Carhaix). Ce n'est pas la branche ainée, mais la branche cadette, dite du Cleuzdon ou Cludon, qui ajouta Pestivien à ses fiefs. 

  • Charles de Kergorlay, 1580-1620, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel // Charlotte de la Voue ca 1585
  • René de Kergorlay (1607-1653), Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, //mariage le 9-01-1633  Louise de Guengat ca 1615, fille de Jacques de Guengat
  • Jacques Claude de Kergorlay (1636-1694),Marquis de Cludon, Comte de Guengat, Baron de Pestivien // Jeanne Pélagie d'Espinay
  • René François de Kergorlay (1677-1725), Marquis de Cludon, Mousquetaire du roi de 1694 à 1696, Capitaine général des gardes-côtes de la Capitainerie.


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5. Armoiries des Pestivien : vairé d'argent et de sable (à gauche)

      signification de "vairé" : en héraldique, hermines et vair sont des "fourrures"; le vair est une succession de motifs en cloche, et de motifs inversés en "pots", les cloches étant d'azur (bleues) et les pots d'argent (blancs). Lorsque ces motifs utilisent des couleurs différentes, on parle de "vairé", comme sur les armoiries précédentes où les cloches d'or alternent avec les pots de gueules.

  Dans les armoiries des Pestivien, le vairé est réalisé par des cloches qui ne ressemblent plus à des cloches, mais à un rectangle crénelé. Cela porte néanmoins toujours le nom de "vairé", éventuellement qualifié de billeté ( ? Ou de cannelé ?)

  Puisque c'est plus rare, profitons de l'occasion d'en découvrir ainsi un exemple.

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      6 et 7 : Portées par des anges : Armoiries des Pestivien (à droite) ceintes du collier de l'Ordre de Saint-Michel, et à gauche armoiries  des Guenguat d'azur à trois mains dextres appaumèes d'argent en alliance avec  celles de Rostrenen, elles-aussi entourées du collier de l'Ordre de Saint-Michel.

  Jacques de Guengat, le père de Louise de Guengat, était chevalier de l'Ordre de Saint-Michel.

      On remarque que les cloches et les pots du "vairé" de cette version des armoiries des Pestivien ne sont plus, comme en 5,  de forme crénelée.


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  En conclusion cet ensemble d'armoiries a été réalisé vraisemblablement au XVe siécle pour les armes 2, 3 et 6, modifié par les Kergorlay vers 1620 après le procés-verbal contre les Bodilio-Combout pour les armes 4 (Kergorlay), 5 (Pestivien), puis vers 1633 pour 7 ( Guengat) après le mariage de Kergorlay avec Louise de Guengat. Les armes des Bouteville, initialement placées en 7, se sont retrouvées en 1, en supériorité, entre 1620 et 1864, peut-être en 1633 lors de la mise en place en 7 des armes des Guengat.

  Tout cela est à prendre comme issu de ma jugeotte, curieuse mais absolument non qualifiée, et avide de remarques. 

 

II. LES ANGES MUSICIENS.

                                                                               L'âme a deux yeux : l'un regarde le temps

                                                        Et l'autre se tourne vers l'éternité.

                                                   Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique.

                                                              

Le théme iconographique apparaît au XIIIe avec l'essor du culte marial, et alors qu'auparavant les seuls anges instrumentistes étaient ceux des Jugements Derniers et des Ressurections avec leurs cors ou olifants puis leurs trompettes,  le Concert des anges accompagne alors des Annonciations et des scènes dédiées à la Vierge. Puis il devient vers 1350-1550 un symbole édenique des joies infinies du Paradis, avant de tomber sous le coup des condamnations du Concile de Trente (1545-1563) et de disparaître au XVIIe. Le vitrail de Bulat, daté de 1470-1480, est bien représentatif de cette chronologie.

    Dans tous les cas, ce concert sacré illustre l'élévation de la spiritualité, l'harmonie, la grâce, la légèreté, l'innocence  propre au monde du divin apparenté à la perfection régulière du Cosmos, ou encore le caractère immaculé de Marie   qui s'opposent aux lourdeurs, aux laideurs et aux imperfections du monde terrestre, humain et pécamineux. Je rappelle néanmoins qu'au Moyen-Âge, la musique est condamnée par l'église qui y voit motif à débordements, danses et lutinerie. (cf Catalogue de l'exposition « Instruments du diable - Musique des Anges, Images et symboles de la    cornemuse et du hautbois en Bretagne : XIVème-XXème siècle », Dastum, Rennes, 1999.)http://musiques-bretagne.com/Htm/Fete/Exposition/Fete_Exposition_E01S02.htm

  Si ce théme accompagne les fluctuations des croyances religieuses et de la pensée théologique, il suit aussi le développement de la musique  et la diffusion des oeuvres de Josquin des Prés (1440-1520), Clément Jannequin, Roland de Lassus (1532-1594), Gesualdo ou Monteverdi, ou l'apparition d'instruments. Dés 1420 et jusqu'en 1600, la musique polyphonique se développe au service des maîtrises des cathèdrales dans le nord de la France au sein de l'école franco-flamande

  Un exemple illustre mais étrange en est le Concert des anges du rétable d'Issenheim par Mathias Grûnewald (1475-1528). Il réunit un nombre varié de musiciens, 8 à Dives, 24 à Reims, 47 au Mans, parfois en paires (32 à Sens). Les instruments se répartissent en hauts instruments, au son puissant destiné à la musique festive ou à danser jouée à l'extérieur ( trompettes, cornets, cornemuses et hautbois, chalumeaux), et de bas instruments destinés à une musique savante, écoutée dans le silence et l'attention à l'intérieur ( flûtes, rebec et violes, guitares ou harpes). Ce sont ces derniers qui sont représentés à Bulat-Pestivien.

  Le théme se décline dans la peinture, la sculpture ou dans les vitraux:

 -Peinture et sculptures : je renvois à l'excellent site de Christian Brassy :http://www.instrumentsmedievaux.org/articles/anges.pdf et je ne cite que :

  • Memling, anges musiciens 1480, Koninklijk Museum Anvers,
  • Memling, Vierge à l'enfant et anges musiciens, Munich
  • Fra Angelico, rétable de Fiesole 1430
  • En Bretagne, les blochets de l'église de Bréles

-Vitraux:

  • Rouen, baie 7, Flûtet, citale, orgue portatif, cymbales, naquaire, guiterne, psalterion, tymbre, harpe.
  • Vernon, Collégiale Notre-Dame, fin XVe tympan, 11 anges musiciens
  • Cluny, église de la Varenne-Jarcy
  • Dives-sur-mer, XIVe, chalumeau-double, cornemuse, viole à archet, flûte de pan, guiterne à 3 cordes, orgue portatif, claquebois, hautbois. Superbe exemple, visible ici : http://www.dives-sur-mer.fr/v2/pdf/egliseexpo.pdf
  • Reims, Notre-Dame, grande rose de la facade occidentale, XIIIe, au dessus d'une Assomption : 24 musiciens.
  • Bourges, cathédrale St-Étienne, chapelle Ste Anne et chapelle Jacques Coeur, par Jean Lescuyer, tympan : luth, harpe, trompette, chalumeau, viole, flûtet et tambourin, , et encore orgue portatif sur un verre daté de 1451.
  • Tours, cathédrale St Gatien, rose de la findu XVe, 12 musiciens
  • Moulins,  Cathédrale  XVe, 
  • Sens,  Cathédrale,  rose nord, vers 1520 : 32 couples d'anges jouant d'instruments tous différents.
  • Mézières en Brenne,  Collégiale XIVe
  • en Bretagne l'infatigable Pierre-Yves Castel signale les vitraux de Dirinon et ceux de Pouldavid à Douarnenez.

 

A. Le coeur central

 Ses seize verres montrent quatre instruments différents

  • deux "chanteurs" à phylactère, 
  • un tympanon, 
  • deux flûtes ou chalumeaux
  • deux serpents ou tournebouts (qui ne sont pas semblables)
  • deux harpes.

Pour les étudier, j'ai fait appel au remarquable site  http://www.instrumentsmedievaux.org/pages/depart.html 

 et à http://ww2.collegeahuntsic.qc.ca/pagesdept/hist_geo/Atelier/Parcours/Muse/instruments.html

1. Les porteurs de phylactère.

                                         Je ne crois en nulle mort ; je meurs à toute heure

                                          Et chaque fois je n'ai trouvé qu'une vie meilleure.

                                                 Angélus Silesius, le Pélerin chérubinique, op cité

 

  Des phylactères ! Hélas, je ne suis pas parvenu à les déchiffrer : c'est agaçant !

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2. Au centre : le psalterion, ou le tympanon.

                                                                            Homme, si tu es encore quelque chose,

si tu sais quelque chose,

                  si tu aimes et détestes quelque chose,
                             Crois-moi, tu n’en as pas fini avec ton fardeau.

  Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique

 

   Le psaltérion : son nom vient du grec psallo, "pincer une corde" puis "chanter avec un instrument à cordes", ce qui a donné aussi "psaume". Apparaissant dans l'iconographie au XIIe siècle initialement en forme de trapèze, ils adoptent ensuite au XIIIe et XIVe celle du "groin de porc". On le joue des deux mains en le posant sur ses genoux, comme ici, ou contre sa poitrine. Il paraît proche d'un instrument vu ici :http://www.vlamarlere.com/article-23325046.html

 

   Sur un psalterion, les cordes sont généralement doubles, et métalliques. Elles sont pincées par une pièce de bois, d'os , de plume ou d'écaille nommé plectre, tenue classiquement entre l'index et le majeur.

  C'est précisément ce "plectre " qui me trouble, car j'ai bien l'impression que la tenue de l'objet incurvé que l'ange tient entre la face latérale de la deuxième phalange du pouce et la première phalange de l'index correspond à une technique de frappe,  qu'il s'agit alors de mailloches ou baguettes  et non de plectres, et que l'instrument est alors plutôt un tympanon qu'un psaltérion.

    Le tympanon est/serait apparu plus tard que le psaltérion, au milieu du XVe siècle. Son son très doux la fait nommer dulce melos, doulcemelle puis dulcimer

  Sa forme en T est ici particulièrement soulignée.

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3. les joueurs de harpe.

                                            

La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit,
N’a pour elle-même aucun soin, - ne demande pas : Suis-je regardée ?

        Angelus Silesius, Le Pélerin chérubinique ou Cherubinischer Wandersmann

 

     La harpe est trés ancienne, elle se compose d'une caisse de résonance, droite, d'une colonne et d'une console souvent en col de cygne. Bien qu'on on ignore beaucoup sur la harpe médiévale, on la décrit comme une harpe triangulaire de 90 cm de haut (ce qui semble la taille de notre exemple), diatonique dont le nombre de cordes varie de 7 à 25 -ou de 21 à 28-,probablement métalliques ;  seules 10 sont représentées ici.

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4. les joueurs de chalumeau :

                                                              "Est-ce une conque? Êtes-vous un Triton?" (Cyrano, tirade du nez)

   Est-ce une flûte? Avez-vous un sifflet? Ou une anche, ce serait une muse ! Et si la anche est double, vous jouez du chalumeau. Ou, au féminin, de la chalémie.

   Je compte les trous : jusqu'à dix-sept, bigre, qu'est-ce?

   J'évalue la taille : presqu'aussi longue que le bras d'un ange, lequel a le bras long : plus de trente centimètres, ce n'est pas l'exilant qui fait tout-juste 17 centimètres, ni même une une musette qui en fait moins de trente.

   J'observe que le tuyau s'évase vers son extrémité. Pourvu que tout cela puisse dire quelque chose à un musicologue  versé dans l'instrumentarium médièval. 

Moi, tant que je peux aligner les mots nouveaux et les ajouter à mon petit répertoire, je suis aux anges. Et, à propos, ceux-ci ne jouent  ni de la bombarde, ni du cornet à bouquin, ni du sacqueboute, qui est si drôle à dire mais qui n'a rien à voir, ni du lugubre cromorne, ni du sordone, ni du cocasse cervelas, ni de la douçaine.

                                                     "Est-ce une conque? Êtes-vous un Triton?" (Cyrano, tirade du nez)

   

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5. Les joueurs de serpent.

             

 

Le ciel est en toi et aussi les tortures de l’enfer :
Ce que tu choisis et ce que tu veux, tu l’as partout.

Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique

 

Rien n'est plus contraire à l'esprit chérubinique, à la mentalité séraphinique, à l'inspiration archangélique, à la pensée gabriélique, uriélique, raphaëlique et michélique, rien n'est plus étranger au régne des Trônes et des Vertus, des Dominations, des Principautés ou des Puissances, des Intelligences ou des Idées, rien n'est plus éloigné des Messagers blancs comme neige et vêtus comme l'éclair, de la coloratura des chanteurs célestes et de la glossolalie des voix parénétiques ou théophaniques que la forme de cet instrument qui semble échapper des griffes de Samaël et que la bassesse de son timbre; et rien ne trahit plus la droiture de ces âmes pures que l'apparence tortueuse et retorse de ce membre de la famille des cuivres qui trompe son monde en prenant l'apparence d'un bois.

  Et pourtant, à moins d'accuser le zéle intempestif d'un vitrier restaurateur, il faut se rendre à l'évidence et constater que ce n'est pas un, ce sont deux joueurs de serpent qui participent au concert spirituel.

    Selon l'article Wikipédia, le serpent est un instrument dont l'invention remonterait à 1590  (le vitrail date de 1570-80) et qui était utilisé dans les églises,"pour accompagner les choeurs dont il renforçait les basses durant les offices religieux. Il remplaçait notamment l'orgue dans les lieux où il n'y en avait pas. Il était donc, dans un premier temps, essentiellement vouè à la musique religieuse dans des formations vocales jusqu'au milieu du XIXe siècle où il fut remplacé petit à petit par d'autres instruments pour accompagner le choeur. En Bretagne et en Normandie il est utilisé dans les églises jusqu'à la  Première Guerre Mondiale"

 En note, l'article donne un extrait de La Maison Tellier de Guy de Maupassant :« Devant le lutrin, trois hommes debout chantaient d'une voix pleine. Ils prolongeaient indéfiniment les syllabes du latin sonore, éternisant les Amen avec des a-a indéfinis que le serpent soutenait de sa note monotone poussée sans fin, mugie par l'instrument de cuivre à large gueule. »

  Sur son site, le musicien breton Roland Becker écrit que les instruments de Basse-Bretagne du XVIIIe siècle "existent toujours. Il y avait bien-sûr le biniou et la bombarde ainsi que le tambour, et puis il y avait des instruments moins [?] pittoresques comme le serpent, sorte de gros pipeau avec une embouchure comme celle du trombone, avec six trous. On jouait de cet instrument dans les églises... la Bretagne étant une province très écclésiastique, on a retrouvé des joueurs de serpent qui étaient là pour accompagner les cantiques dans les églises"

http://www.rythmes-croises.org/ethnotempos/articles.item.98/roland-becker.html

 

  Je ne peux manquer de signaler qu'il évolua vers un instrument doté de clefs, l'ophicléide. L'Ophicléide ! Comme quoi il était inutile d'aller chercher parmi les papillons, les libellules ou les oiseaux les jolis noms que je pouvais trouver sans battre la campagne, dans un orchestre militaire, milieu autrement sympathique.

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(Source Wikipédia "serpent", libre de droit)

 

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   Et si c'était un Tournebout ?

Plus je regarde l'image, plus je doute... c'était trop beau, le serpent avec les anges, l'occasion de citer Maupassant, pourquoi pas Flaubert ou Proust, non, cela ressemble à un chalumeau en trois parties, où les trous sont percés dans les deux premières qui sont droites et non dans les sinuosités... Tout faux, mais j'aurais appris quelque-chose, et je laisse le soin aux gens compétents de faire leur travail.

  Je vais quand-même regarder l'autre musicien, celui de droite : je découvre qu'il est différent, avec plein de trous dans les parties courbes, et un appendice rétrograde prés de l'embouchure heureusement souligné au jaune d'argent. Je Joue mon Joker et je fais appel au public. 

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B. Les deux coeurs latéraux.

 

Chaque coeur latéral est composé d' armoiries, d'un motif de feuilles de houx, et de 10 anges. Leurs instruments sont de haut en bas:

  • deux cornemuses entourant
  • deux clavicordes,
  • deux flûtes de tambourin entourant 
  • deux violes
  • et encore deux clavicordes.

1. Les cornemuses :

 

 

Le soleil n’a pas mal quand tu te détournes de lui
Et Dieu non plus quand tu cours à l’abîme

    Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique

 

Elles sont décrites par Jean-Luc Matte comme "sans bourdon, hautbois conique, court porte-vent."

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2. Le clavicorde ?, ou clavicytherum :

 

 

Le plus court chemin vers Dieu passe par la porte de l’amour ;
Le chemin de la science t’y mène très lentement. 

Angelus Silesius, Pélerin chérubinique

 

Je découvre un instrument à cordes frappées par l'intermédiaire d'une touche : je compte neuf touches, et autant de cordes ; celle-ci sont tendues au-dessus de la table d'harmonie qui est percée d'une ou de deux rosaces.

  Il y a donc deux instruments différents :

2a : le clavicorde à deux rosaces.

 Ce que l'on voit, ce sont les touches, les cordes, la table d'harmonie trapézoïdale (triangulaire à l"extrémité tronquée), mais ce qu'on ne voit pas, c'est si les cordes sont frappées ou pincées :

  • Frappées, c'est alors une sorte de tympanon doté d'un clavier, une forme précoce ou simple de clavicorde, qui est l'ancêtre du piano-forte.
  • Pincées, c'est une sorte de psalterion à clavier, une forme de clavicymbalum, l'ancêtre du clavecin.
  • Pincées toujours, mais à la table verticale, une sorte de harpe à clavier, c'est le clavicytherium.



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2b : le clavicorde bis : une seule rosace

  La forme de la table d'harmonie  est triangulaire et non trapézoïdale. Le nombre de corde est le même. Le premier modéle montre un clavier au sommet d'un boitier vertical assez haut.




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  3. Le rebec à trois cordes,  ou la vielle à archet qui lui a succédé, aussi appelée viole.

 

Tu dis : Quitte le temps et rejoins l’éternité ;
Mais y a-t-il une différence entre le temps et l’éternité ?

     Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique

 


  Comment vais-je faire, moi qui n'y connait rien, pour différencier le rebec, dont il est dit que l'utilisation est beaucoup plus tardive qu'on ne le pensait, jusqu'au XVIIe siècle, de la vièle ovale ?

  •   par le nombre de cordes ? Le rebec en compte trois, et la vièle de trois à cinq jusqu'au XIIIe siècle, date où le chiffre cinq a été fixé, dixit Wikipédia. Or le vitrail est du XVe.
  •  par la forme piriforme du rebec, alors que la vièle est ovale mais a tendance à se cintrer  au XVe comme le montrent les représentations de Memling (instrumentsmédiévaux.org) ? Mais il existe des vièles piriformes !
  • Parce que le corps du rebec est taillé dans la masse ? Mais le corps de la vièle est chantourné dans une planche épaisse !
  • parce que le rebec est monoxyle, taillé dans un seul morceau de bois, alors que le manche de la vièle est un élément rapporté. Ici, il est manifeste que le manche est en continuité avec le corps.
  • parce que la table du rebec est plate, et celle de la vièle voutée.
  • Mais pas : par le nombre d'orifices : le rebec n'en a qu'un, en rosace, alors que la vièle en a deux,  en forme de demi-lune ! mais l'illustration d'instrumentsmédievaux.org donne l'exemple inverse !

   Je me décide pour dire  qu'il s'agit d'anges joueurs de rebec, cet instrument apparu au XIVe, mais surtout utilisé du XVe au XVIIe, peut-être introduit par l'Espagne musulmane. Il était joué par les menestriers dans les fêtes populaires, et dans les bals et concerts de cour

  L'instrument est appuyé contre la poitrine, l'archet est rudimentaire et se résume à un arc tendu de crins, sans manche. Les deux instruments différent par leur chevillier, le premier en crosse vers l'avant se divisant en deux pointes en hameçon, l'autre en crosse arrière terminé en pomme.

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4. Le flûtet, ou Flûte à tambourin, proche du galoubet provençal.

                                                                                                                                     Pur comme le plus fin des ors,

                                                                                                                                           ferme comme un roc,

                                                                                                                                   De part en part limpide comme un cristal;

                                                                                                                        ainsi doit être ton coeur.

                                                                                                      Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique.


C'est une flûte à trois trous qui se joue d'une main (ici, indifféremment droite ou gauche) alors que l'autre main se charge de la partie rythmique sur un petit tambourin. Celui-ci apparaît sur ces images fixé par un cordon autour du poignet, ou par une lanière qui s'enroule autour de la commissure de la main.

Je l'ai déjà rencontré à Confort-Meilars sur le vitrail (début XVIe) dédié aux scènes de la Vie de Jésus ; mais la flûte y est beaucoup plus longue, à sept trous, et le tambourin est fixé à la taille:

Confort-Meilars :

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Bulat-Pestivien :

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  Les deux anges suivants sont issus du même carton. La flûte semble constituée de deux parties : un tuyau rond, surmonté d'une partie plate, élargie et percée d'un orifice rectangulaire ; en outre, celle-ci  se termine par une dilatation ressemblant à un ballonnet , après le cinquième doigt.

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C. Les mouchettes complémentaires :

  1. Joueur de harpe : 


                                                         Je ne sais pas ce que je suis,

         je ne suis pas ce que je sais :

Une chose, et pourtant aucune chose,

et petit point et un cercle


                                                     Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique 

 

   Je remarque que la console est double, ou creusée d'une gorge, à la différence des harpes éxaminées plus haut. Le nombre de chevilles, ou le nombre de cordes, reste de dix

 

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 Figure jumelle :Joueur de harpe, vêtu d'un manteau brodé et le front ceint d'un globe crucifère

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2. Joueur d'orgue portatif :

                                                               Je n'aime qu'une chose et ne sais ce qu'elle est,

Et parce que je l'ignore je l'ai choisie

                                                                                                           Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique

 

Orgue portatif à sept tuyaux

  Au XIe siècle, le moine Théophile, bien connu des amateurs de vitraux pour son traité sur les technique du verrier médiéval, a rédigé aussi un Diversarium artium schedula où il décrit toutes les étapes de construction d'un orgue d'église. C'est dire que les orgues, dont la technique se développe du XIIIe au XIVe, sont courant dans les paroisses au XVe siècle.          L'orgue portatif, lui, se joue de la main droite tandis que le bras et la main gauche maintiennent l'appareil et actionnent le soufflet. Il peut être joué debout, et accompagner ainsi une procession, en le maintenant par un baudrier, ou bien assis, posé sur les genoux, ou encore, comme dans la tapisserie de la Licorne, posé sur une table.


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Le même carton, inversé :

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3. Instrument à corde pectoral:

 


En bas de l'axe de symétrie, un couple d'anges jouent d'une boite où ils semblent pincer des cordes :

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  Essaie, ma petite colombe, on apprend beaucoup par l'exercice;

Celui qui ne reste pas assis finit par arriver au but.

Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique, trad. Maël Renouart, Rivages poches ed.

 

 


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Published by jean-yves cordier
27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 00:00

 

          Un lutrin anthropomorphe

            en costume de Mouton Blanc

            à Bulat-Pestivien (22)

 

   C' était une après-midi d'hiver : je poussais la porte de l'église Notre-Dame de Bulat, soulagé de la trouver ouverte après les kilomètres que j'avais parcouru pour découvrir, après celui de Guiscriff, le deuxième lutrin anthropomorphe de Bretagne  Guiscriff : un lutrin anthropomorphe en costume breton.

  Je n'eus pas à le chercher longtemps, car il m'attendait près d'un confessionnal, derrière une rangée de chaise, dans le collatéral sud, très loin du choeur où je m'attendais à le voir remplir sa fonction et porter les Évangiles. Hum hum, je pressentis un malaise, car on ne mets pas ainsi au coin, fut-ce loin de sa paroisse, un jeune paysan vannetais dignement habillé du costume de son pays Pourleth sans raison majeur. Pourquoi le poussait-on ainsi vers le placard à balai et la poubelle ?

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   En attendant une explication de cette disgrâce ( un lutrin qui avait été exposé au Grand- Palais!), je le pris en photo, bien décidé à découvrir ce fameux costume dit "Mouton Blanc" ou "Mille Boutons", porté par les hommes de Pontivy et, plus largement, du pays Pouhlet, du Vannetais ou Gwenedour. Mille Boutons ou Bouton Blanc, je m'y perds, certains décrivent ce lutrin sous ce titre de Mouton Blanc, qui est Pontivy, alors que d'autres en font un Mille Boutons, qui est Guéméné, et je peine à démêler l'écheveau des démêlés entre pays bretons, surtout si c'est bonnet blanc et dubonnet, et de boire le bouillon.  Je ferai de mon mieux.


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   Alors que son collègue de Guiscriff a adopté la posture de l'Atlante, un genou à terre, le Vannetais se tient debout, tête haute, souriant, portant sa charge avec tant d'aise qu'il se contente de poser deux doigts sur le plateau de bois. C'est qu'il en a porté, des sacs de blé et des ballots de paille ! Et peut-être aussi tire-t-il, tel Samson, sa force de la longueur de ses cheveux.

  Au dessus d'un gilet noir où s'alignent tels des moutons à la queue-leu-leu quelques-uns des 144 légendaires  boutons argentés, il porte la veste blanche qui explique le nom de sa tenue. Elle aussi voit s'aligner des théories de boutons purement décoratifs. J'en ai compté 26 du coté gauche avant de m'endormir. Elle porte le nom de justenn ; elle est ici légèrement plus courte que le gilet, alors que l'inverse est signalé par Jean-Pierre Le Gonidec ( Coiffes et Costumes des Bretons, Coop Breizh  2005).  Les manches sont ornées d'un rectangle de velours noir en T portant trois autres boutons.

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   Des boutons, j'en découvre encore quatre le long du haut col droit, purement décoratifs, au dessus d'une boucle-agrafe qui ferme l'encolure. On devine par les plis rayonnants le caractère bouffant de cette chemise. On voit aussi que le gilet n'est fermé qu'au deux-tiers, peut-être par un laçage entre les fentes qui sont visibles. Le plastron du gilet est décoré de bandes horizontales, sans-doute de velours, dont les deux supérieures peuvent se prolonger autour du col et sur l'arrière. Je compare les trois bandes de cette image avec cette photo que je copie-colle du blog http://guemenesurscorff.blogspot.com/2011/07/blog-post_23.html

 

 

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  L'arrière de la veste fait apparaître, sous une sur-épaisseur en double arcade, douze godrons qui descendent jusqu'au bord inférieur. On signale qu'en pays pourlhet, elles s'évasaient vers le bas et qu'elle dataient de la Renaissance.

  

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  Le pantalon n'est pas le bragou bras bouffant, mais le pantalon long ou bragou berr. Il dispose de deux poches latérales identiques, découpées en fente en mandorle.

   La photographie montre les sabots, recouverts par des guêtres boutonnées (encore!) de sept boutons extérieurs. Elles se fixent au pantalon par ... un bouton. Finalement, je ne sais pas si ce pantalon descend sous le mollet .

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      Le chapeau du pays pourleth (capitale : Guéméné sur Scorff) est un chapeau rond feutré aux larges guides arrières sans boucle, alors que la boucle qui libère les deux  guides est ici bien visible. Les bords du chapeau sont larges.

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        Cette image montre la large ceinture de cuir et la boucle latérale en laiton. On découvre une poche droite supplémentaire, à rabat, horizontale et fermée par cinq boutons. N'oubliez-pas le bouton qui ferme le pantalon.

   Mes comptes :

  -chemise : 4 boutons

  -gilet : 26 boutons

   -veste : 50 boutons + 6 boutons de manches font 56 boutons

   -Pantalon : 5 boutons sur la poche et 2 boutons fixe-guêtres font 7, je n'oublie pas celui de la ceinture soit 8 boutons

   -Guêtres : 14 boutons 

_____________________________________________

Total : 4 plus 26 plus 56 plus 8 font 94, je rajoute 14 qui font 108. Mais je n'ai pas osé aller chercher les n boutons de braguettes, et les éventuels boutons de manche de chemise ou de gilet. 

Je proclame donc le résultat de CENT HUIT BOUTONS dont QUATRE-VINGT TROIS larges boutons plats argentés et SEPT larges boutons plats de guêtres, QUATRE petits  boutons ronds, et SEPT petits boutons plats, et AUCUN MOUTON.

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   Le coin arrière droit du socle cache derrière un missel (sûrement) une inscription : 

    KISELET GANT ANOTROU CHAMAILLARD chom an ROSTREN, signifiant comme chacun sait Sculpté par Monsieur Chamaillard de Rostrenen.

 

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   Bien-sûr, je me demande de quel "Chamaillard" il peut s'agir, pour découvrir rapidement qu'un Paul Chamaillard, sculpteur à Rostrenen, est l'auteur, en 1890 de le série des apôtres en bois polychrome alignés dans le porche de l'église Notre-Dame du Roncier à Rostrenen. C'est aussi l'auteur dans la même collégiale, de la cathèdre destinée à Mgr Bouche, qui fut évêque de Saint-Brieuc de 1882 à 1888, ce qui permet de dater ce fauteuil. En 1886, Mgr Bouche rend hommage à sa statue de St Jacut placée à l'entrée du monastère de Saint-Jacut. 

   De quand date ce lutrin? Un fiche des Monuments Historiques, qui l'a classé au titre d'objet en 1978, a été rédigée en 1994 et mise à jour en 2002 (ref PM 22000065). Elle donne la datation de "3e quart du XIXe ", et "vers 1860". Très bien, Paul Chamaillard aurait pu l'avoir réalisé étant jeune.

  Le frère de ce sculpteur était entrepreneur en travaux publics et privés, et a été chargé de restaurer l' église de St Michel-en-Grève (jusqu'en 1850), celle de Trémargat ou de la voûte de l'église de Kergrist-Moëlou, qui fut peinte en 1871 par Gilbert. 

  Il apparaît que c'est le fils de cet entrepreneur de Rostrenen, Émile Chamaillard, né en 1875 à Rostrenen, neveu de Paul Chamaillard dont il dut fréquenter l'atelier, qui est l'auteur de ce lutrin (source :http://marikavel.org/bretagne/bulat-pestivien/eglise-interieur.htm). Il devint chirurgien-dentiste à Paris (v.1901), et il publia en 1910 un ouvrage historique qui continue à faire référence, Rostrenen révolutionnaire

  Il ne peut donc dater, au plus tôt, que de 1895, dans la fourchette de vraisemblance de 1895-1901. Cette date approximative est très proche de celle à laquelle j'ai abouti pour le lutrin de Guiscriff.

   Le costume dit "des moutons blancs" est apparut vers 1870. Il s'agit d'un chupenn et d'un gilet de draperie blanche avec des bandes de velours noir rehaussées de broderies bleues et rouges en forme de motifs ornementaux primitifs (soleil, croix, étoiles, fleurs de lys), qui disparaîtront peu à peu. En pays pourleth, le costume initialement très proche du "mouton blanc" change  après 1870 pour devenir noir : c'est le costume "mille boutons".


 

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  A me voir tourner autour de ce lutrin pour vérifier qu'il ne lui manquait pas un bouton de guêtres, une de ces dames qu'on trouve dans ces églises désertes en train de fleurir la statue de Sainte Catherine, de redresser tendrement la crosse d'une saint-évêque qui fléchit, d'effacer un pli sur  la nappe d'autel, de tirer machinalement le rideau du confessionnal, celui de droite étant légèrement plus ouvert que le gauche, de surveiller  si les cierges de dévotion piqués sur l'if (mais oui, le support où les fidèles plantent leur bougie porte le même nom que le support de bouteilles de vin qui s'égouttent ) s'éteignaient bien, comme le commercial de la ciergerie l'avait assuré, automatiquement à 6 centimètres du bord, de prévoir mentalement la prochaine commande de veilleuse votive ( reprendre les rouges, forme tulipe, un carton de 48, l'essai de ces cylindriques couleur ambre n'a pas été heureux), bref une de ces saintes dévotes dont la relève n'est plus assurée et qui portent sur leurs humbles épaules la logistique d'une paroisse s'est approchée de moi sous prétexte qu'elle ne trouvait plus ses deux pieds de micro qui étaient pourtant toujours là, à la même place. "Ils n'ont pas pu s'envoler, tout-de-même". Non, mais je les découvris sous la statue de Notre-Dame, où elle se rappela les avoir placé. Elle avait tant de chose à faire...il y allait avoir une messe d'enterrement... le manuterge était-il plié sur la paire de burettes, ou bien ec linge liturgique, avec lequel le prêtre essuie ses doigts après le lavabo avait-il été confondu avec le corporal ? (le premier a une croix brodée dans le coin, et le second au centre...l'antépendium était-il masqué par la nappe d'autel ?... tout-à-l'heure, le célébrant trouvera-t-il tout ce qu'il faut pour superposer successivement sur le corporal le calice, puis le purificatoire, puis la patène, puis le pale, puis le voile de calice ?

  _ Eh puis maintenant, on ne peut rien laisser. Vous avez vu ce qu'ils ont fait ? Et puis ne me dites pas que ce sont des enfants qui ont fait ça

  Je suivais du regard l'index tremblant d'indignation, et il me désignait, un peu plus bas que la ceinture de notre paysan en tenue du dimanche, un dessin noir qui transformait notre paroissien bas-breton en pâtre grec ithyphallique!

  J'en fus rouge de confusion pour cette dame qui voyait ainsi toute sa peine, son dévouement, l'abnégation de ses humbles balayages, l'oraison de ses travaux ennuyeux et faciles, sa patience à exercer en son église la tradition rustique et millénaire de l'hospitalité, bafouée par le pencil ridicule d'un imbécile.

 - Et regardez le visage, qu'ils ont barbouillé comme des sauvages !

  C'est vrai que le gwenedour (vannetais) prenait des allures de petit ramoneur :

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   _Une personne a voulu le nettoyer, mais les Monuments Historiques ont dit : "Laissez le comme ça" ! Ah ben ça alors !

  Juste en face, du coté gauche de la nef, j'entendis un ricanement, comme un grincement : je traversais-genuflexion-la nef et je vis une chaire à prêcher dont la cuve  n'avait pas vu un chat depuis des lustres.

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  Et, en dessous, me fixant d'un regard glaçant, il y avait Ceci :

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  Il avait ouvert toutes grandes ses oreilles de chirioptère et n'avait perdait goutte de notre discussion. Il jubilait. Il frétillait de la queue et claquait ses griffes nerveusement.

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        Ah le Malin ! Comme il savait tramer ses coups infects jusque dans la Maison Divine ! L'Odieux !

    Scandalisé, je revenais vers le lutrin :

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   Je comprenais maintenant qu'il soit placé dans son coin, et il pouvait s'estimer heureux de ne pas être dos au mur, pour cacher ça ; imaginez-le sur l'estrade derrière la clôture du choeur, portant les Saints Évangiles ! 

   A Dieu ne plaise! Cui-ci peut pus servir à ren  avec c'truc à l'air comme s'il avait l'grand pont ouvert et la têt lessivée avec une morgat ! I vaut puz un'bolée d'cid!

 


   

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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