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29 novembre 2011 2 29 /11 /novembre /2011 17:16


 

Petite épigraphie des églises et chapelles du Finistère :

           Église Saint-Pierre de Pleyber-Christ :

      Une cueillette épigraphique : N rétrogrades,

              et autres surprises.

1. Les portes du porche latéral.

   Occupé aujourd'hui par l'épigraphie, je passe sous le porche sud sans un regard sur les douze apôtres sculptés pourtant en 1667 par Roland Doré ; même pas une pause, sur ces bancs de pierre que l'on trouve sous les porches de églises bretonnes, et pour cause : en 1914, le recteur les a fait supprimer, estimant sans-doute que trop de ses ouailles en profitaient pour ne pas passer la porte pendant les offices.

   La porte, ou plutôt les deux portes jumelles en plein cintre, revêtues de cette peinture vert-amande qui est aussi réglementaire que le gris pour un bâtiment de la Royale. Mais celles-ci sont ornées chacune d'un médaillon, et la porte de gauche offre au regard curieux une inscription :

1. La porte de gauche :

 Elle porte sur un médaillon carré le christogramme IHS surmonté du tilde. Mais ce tilde initial est transformé, selon un usage courant depuis Ignace de Loyola, en une croix. Au dessous se trouve un coeur transpercé par trois glaives.

  C'est sous ce médaillon que l'inscription qui nous intéresse se place, dans une disposition asymétrique singulière :

IAN : INISAN  GOV  1666.

  Sur le plan épigraphique, les éléments intéressants sont les deux N rétrogrades et la ponctuation initiale  par trois points verticaux. Ceux-ci ne sont pas relevés par René Couffon; Jean Feutren, qui fut recteur de Pleyber-Christ de 1977 à 1987, après avoir été recteur de Roscoff de 1962 à 1977, note par contre parfaitement les "N inversés", et nous ferons à nouveau appel à sa perspicacité. A propos d'une inscription du mot Gouverneur sur leclocher, où le N est inevrsé, il écrit "Le N, comme il est courant dans les inscriptions sur la peirre et le bois à cette époque, est inversé, par un mauvais emploi du pochoir". Ici, il commente sa découverte en écrivant : "l'inscription est libéllée avec des N inversé, comme il est courant aux menuisiers de chez nous".

 L'explication par "un mauvais emploi du pochoir" vaut ce qu'elle vaut, mai elle a le mérite de tenter de réfléchir plutôt que d'ignorer l'inversion insolite de la lettre. 

epigraphie 6211c

 

  Selon l'abbé Feutren, Jean Inizan était marchand de toile à Kervern. Les trois lettres GOV indiquent sa fonction de Gouverneur de paroisse, terme que nous allons retrouver et qu'il faut expliquer. Pour simplifier, on peut assimiler ce terme à celui de fabricien, un laïc chargé de la gestion temporelle de la paroisse.

Qu'est-ce qu'une fabrique, qu'est-ce qu'un gouverneur ?

  Unité à la fois religieuse, administrative et financière, la paroisse (avant la formation des communes après la Révolution), subdivisée si besoin en trèves, est le territoire sur lequel s'exerce l'autorité spirituelle du curé, ou recteur en Bretagne. Celui-ci, secondé de vicaires ("curés" en Bretagne) et du sacristain, prend en charge la célébration des offices, l'administration des sacrements, la catéchèse, et depuis l'édit de Villers-Coterêt (1539), la tenue du registre des baptêmes, mariages et enterrements.

   Le Conseil de Fabrique, constitué depuis le Concile de Trente de laïcs et de membres du clergé, prend en charge la gestion temporelle de la paroisse. De 1802 à 1905, date de la séparation des  Église et de l'État, il prend le nom d'établissement public du culte, et comprend outre le maire et le recteur, membres de droit, cinq à neuf membres annuellement élus qui portent le nom de fabriciens ou marguilliers et comportaient un président, choisi parmi les paroissiens les plus considérés, un trésorier et un secrétaire. Le terme de Fabricien est celui utilisé en Bretagne, et le Dictionnaire Trévoux (XVIIème) explique que des laïcs qu'on nomme marguilliers à Paris, fabriciens dans quelques provinces ou procureurs fabriciens, et à la campagne, gagers.

On trouve encore le terme de Procureur de fabrique, et la description de Procureur des pauvres, chargé de leur prodiguer des subsides, ou de Procureur des trépassés, chargès de l'inhumation des défunts.

 L' élection du Conseil a lieu à l'issue d'une grand-messe au sein de l'assemblée générale de paroisse. Ce Conseil de Fabrique, nommé parfois la Générale, gère les biens de la paroisse : ferme et maisons dont elle tire des revenus, dons en nature apportés par les paroissiens (lin, produits de la ferme, animaux) que l'on revendait au pied du calvaire à l'issue de la messe dominicale, produit des quêtes et des troncs d'offrandes, legs testamentaires, location des places de banc. Ces recettes augmentaient lorsque la paroisse prospérait, comme cela fut le cas dans le Léon au XVI et XVIIème siècle lors de l'apogée du commerce maritime et de la production de toiles de lin et de chanvre; elles furent alors multipliées par quatre ou par sept. Bien-sûr, ce sont les paysans tisserands enrichis par l'industrie et le commerce de la toile qui obtinrent les charges de fabriciens.

Les recettes affluaient aussi après les famines, les guerres et les épidémies lorsque ces dons accompagnaient les prières d'intercession et de protection.

  Avec ces revenus, il doit faire face aux dépenses courantes d'entretien des biens meubles et immeubles, et décider des investissements.

  C'est donc le Fabricien, ou Fabrique, qui est le maître d'oeuvre lors de la construction d'une église, de son agrandissement ou de son embellissement.

  Ces Fabriques n'ont eu une existence bien établie qu'à dater de 1311 : d'abord nommés par l'évêque et le préfet, puis recrutés par élection avec renouvellement par moitié tous les trois ans. Les fabriciens devaient se réunir en conseil et colliger leurs délibérations sur un registre. Je trouve l'information de trois assemblées générales par an, à la Saint Thomas le 3 juillet, à Nël et à Pâques.

  Il faut encore parler des Fabriciens des Confréries, notamment parce que c'est dans leurs statuts et règlements que je rencontre le terme de "gouverneur" : dans une paroisse, les Confréries rassemblent les membres d'une même profession ou les personnes souhaitant vouer un culte particulier à un saint tutélaire : Confrérie de Saint Sébastien (contre la peste, ou regroupant les archers), Confrérie de Saint Yves, du Saint-Rosaire, de Saint-Michel, de la Trinité (tisserands de Morlaix), de Saint Tugdual (tisserands de Tréguier), de Notre-Dame de Pitié, etc..., chacune disposant d'un budget propre à assurer les dépenses telles que la confection d'une bannière de procession, l'édification d'une chapelle de l'église, d'un rétable, d'un vitrail. Ces travaux importants confèrent au gouverneur de la Confrérie un rôle de maître d'oeuvre ou de commanditaire identique à celui du fabricien de la paroisse.

  Là encore, les écrits de l'abbé Feutren me confirment ou m'apportent des informations : il a retrouvé une "introduction au gouvernement des paroisses" de Potier de la Gourmandaye de 1777, dont il extrait que "les recteurs n'ont aucune juridiction temporelle dans leur paroisse" et que les affaires temporelles sont administrées par le Général,constitué par 12 anciens trésoriers et deux fabriciens en exercice, par le recteur et les juges de la juridiction de la paroisse. Les douze anciens délibérants sont remplacés tous les ans ; le Général constitue un Corps Politique qui se réunit, souvent en la sacristie, et convoque lors des décisions importantes les habitants notables possédant biens à une Assemblée Générale.

  A Pleyber-Christ, les fabriciens ont persistés jusqu'e 1945 au moins, et on dispose de l'énumération de la composition de l'équipe, avec la dénomiantion en breton: 

- deux fabriket bras ou Grands fabriques, ce sont les deux fabriciens de l'année qui sont mentionnés partout, et qui inscrivent leurs noms sur les batiments qu'ils font élever.

- Fabrik An Itron Varia a Druez : un fabricien de Notre-Dame de Pitié,

- Fabrik ar Sacramant : un fabricien,

- Fabrik ar Béorien, fabricien des pauvres,

- Fabrik ar Anaon, 2 fabriciens des trépassés,

- Fabrik ar Bara Benniguet, de la distribution du Pain Bénit, et de la quête de Saint-Yves déstinée à sa fabrication, avec 10 à 14 membres.

 

  De tout cela, aucune définition claire du "gouverneur" ne ressort, et je constate que Jean Feutren fut confronté à la même difficulté lorsqu'il écrit : "Nous essayerons de préciser la fonction de ces gouverneurs face aux deux "fabricques". Il s'agit en toute hypothése d'un représentant élu de la population." Je constate que certaines églises (celle-ci, celle de saint-Sauveur, au Faou) portent les inscriptions avec référence au "Gouverneur" là où les autres indiquent "fabricien" comme mention de commanditaire des travaux, l'un des termes excluant l'autre, d'où je conclue à deux termes recouvrant une fonction identique plutôt que deux fonctions différentes.

 

 

 2. La porte de droite 

Séparée de sa voisine par un bénitier :

epigraphie 6212

..., elle ne présente aucune inscription mais le monogramme de Marie MA surmonté d'un tilde et surmontant lui-même un coeur transpercé.

epigraphie 6219

   Chacun aura remarqué aussi la forme de coeur de la ferrure de poignée de porte. Elle n'avait pas échappé non plus ( il est plaisant de le remarquer quand on a été attiré par ce détail et qu'on le trouve décrit par un auteur) à l'oeil de Jean Feutren qui nous réjouit d'utiliser à leur propos les termes techniques de Palastre (boite métallique qui forme la partie extérieure d'une serrure et en contient le mécanisme) et de "loquet poucier" , terme qui, dans les catalogues de quincaillerie, permet d'identifier ce modèle comme étant du XVIIè ou XVIIIème siècle. ( aussi nommé clenche à poucier).

 

 

2. La chaire à prêcher.

Elle est décrite par René Couffon (Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988) comme une "chaire à prêcher avec abat-voix surmonté d'un ange à la trompette. Bas-reliefs des Évangélistes, dont deux volés? Sur le bas coté de la cuve, inscription : F.F.P.MONSIEVR.LABBE.DE.KSVLGVEN/&FRANCOIS.MADEC.&.JEAN.MER.FABRIQVES.LAN.1740."

 

DSCN1571c

epigraphie 6182c

DSCN1569

 

  C'est Jean Feutren qui m'apprends que F.F.P. est d'usage courant sur les meubles pour signifier "Fait fait par ".

Je trouve de légères différences avec le relevé de René Couffon, le mot LABE ne portant qu'un B, soit : F.P.P.MONSIEVR.LABÉ.DE.KSVLGVEN.R/&.FRANCOIS.MADEC.&.JEAN.MER.FABRIQVES LAN 1740

je transcris : "Fait fait par Monsieur l'abbé de Kersulguen et Fançois Madec et Jean Mer. fabriques l'an 1740."

Les éléments notables sont : 

-Une ponctuation par un signe en accent circonflexe.

- l'omission abréviative K(er)sulguen,

- le G de Kersulguen est un g minuscule, que J. Feutren attribut à la "maladresse du graveur", comme le Q minuscule de fabriques, alors que j'y voit un témoignage de sa maîtrise

- le deuxième V (u) du nom Kersulguen est suscrit,et s'associe avec le g minuscule en une élégante forme raccourcie.

- les lettres M et E de MER sont conjointes.

- le Q de Fabriques est formé d'un P inversé.

    Yvon Marie de Kersulguen fut recteur de Pleyber-Christ de 1740 à 1777, date de son déces. Il appartient à une famille de la noblesse bretonne portant d'or au lion de gueules (c'est le blason de Pont-Labbé) au franc quartier écartelé d'or et de gueules, avec comme devise LESSES DIRE.

  Il succéda à Jacques Halleguen, décédé en 1740.

 

3. Les sablières et le quatrième entrait.

En haut de la nef, les sablières et les entraits (pièce de charpente horizontale traversant la nef de gauche à droite) sont du XVIème siècle.

"Du coté de l'Évangile" (à gauche), on peut lire sur la sablière ceci, que j'ai omis de photographier correctement :

 

epigraphie 6209c

 

je lis N ANDRE : DE : K : OVGANT / GOVERNEVR : LAN  1664.

Je transcris : André de Kerougant Gouverneur l'an 1664.

L'abbé Feutren me livre ce que j'ai coupé : YVON ANDRE DE KEROUGANT, un gouverneur qui demeure à Kerougant (forme actuelle : Kerohan) et nous allons retrouver cet Yvon André trois mètres plus bas sur un bénitier.

 

Le quatrième entrait porte la mention Y: INISAN : L : GO dans un cartouche, et 1664 dans un carouche séparé.

  Il faut lire : Yves ou Yvon Inisan Gouverneur en l'an 1664, la lettre L (que René Couffon a omise dans son relevé) restant... lettre morte pour moi pour l'instant; mais les autres gouverneur ont indiqué ainsi par une lettre ou un mot leur lieu d'habitation.

epigraphie 6207c

 


     Un  Bénitier .

Il porte l'inscription YVON ANDRE. G : 1664

Il présente la particularité d'être taillé dans la masse de la pierre de la colonne, qui porte la date.

 Ce bénitier mentionne le même gouverneur qui a inscrit son nom sur la banderolle de la sablière, et qui demeure à Kerougant.

epigraphie 6188

DSCN1572

      Autre bénitier:

Celui-ci porte : Y. MADEC : GO . K. V 1659

  C'est donc un autre gouverneur.Les initiales K.V indiquent son domicile, le patronyme Madec étant répandu.

DSCN1574

 

  Nous avons donc la trace de quatre gouverneurs de Pleyber-Christ :

-Y. INISAN en 1658

-Y. MADEC en 1659

- YVON  ANDRE en 1664

- Ian INISAN en 1666.

 

 Pour finir en beauté malgré l'absence d'inscriptions, les deux beaux bas-reliefs du coffre des autels :

epigraphie 6199c

DSCN1576

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Published by jean-yves cordier
28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 14:05

 

 

 

          Les blochets de l' église Saint-Edern à Plouedern et sa restauration après sa destruction  par la foudre le 24 mai 1974 : 

               Réunion de chantier sous les combles !

 

 

 Voir aussi :

Formidable ! Marie-Suzanne de Ponthaud et Jean-Pierre Breton sous les voûtes : les nouveaux blochets de l'église de Sizun (29).

 

Après avoir traité des dangers que la foudre fait encourir aux clochers et des moyens de s'en prémunir  Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!., après avoir découvert comment une église détruite par le feu peut relever le défi en créant un décor de vitraux contemporains,  Les vitraux contemporains de Saint-Sauveur (Finistère)., j'entrais, par hasard, dans l'église de Plouedern en me rendant à La Roche-Maurice, cherchant une nouvelle inscription lapidaire, un N rétrograde, une statue de Sainte Barbe, et j'allais quitter la nef lorsque je pensais à lever les yeux. 

   Et là, perché à trois mètres de haut, je vis un homme tout nu qui m'observait. Parfaitement, un homme en tenue d'Adam, recroquevillé, tenant en équilibre sur les sablières. J'en poussais un cri : Ah, ça, c'est trop fort !

 

 

Personnage n°1 : peintre ; attribut : pinceau.

 

plouedern 5942

   C'est qu'il n'était pas seul, le bonhomme : à droite, vêtu plus décemment, un quidam m'observait également. Là, encore un autre ! Et là, encore ! J'éclatais de rire, je courais à travers les stalles ou plutôt les bancs alignés en m'exclamant C'est trop ! C'est trop ! Trop fort! Tout le long des sablières du bas-coté droit, huit personnages s'étaient donnés rendez-vous, manifestement convoqués à une réunion de chantier puisque l'un avait encore ses pinceaux, l'autre sa pelle, le troisième des échantillons de couleur, et il y avait même Monsieur le Recteur qui siégeait, accroupi comme les autres.

Identification : Paul Mériguet

 

 

 

personnage n°2 : menuisier (rabot).

 

plouedern 5940

 

 

 

Personnage n°3 : le maître-verrier ?

 

plouedern 5941

 

 

 

personnage n°4 :  le recteur.

 

plouedern 5939

 

 

 

Personnage n° 5 : l'électricien, attribut la lanterne.

 

plouedern 5943

 

 

 

Personnage n° 6 : ? attribut : le mètre-pliant.

Identification : Un métreur .

plouedern 5937

 

 

 

Personnage n° 7 ? attribut : le calepin et le stylo. Inscription NISAT PAIX COMM/UN.

 

plouedern 5938

 

 

 

Personnage n°8 : maçon ? attribut, la truelle ?

plouedern 5944

 

 

 

   Par Saint-Edern, rêvais-je? Je me revois courant vers le bas-coté bâbord de la grande nef, pour retrouver (j'en étais sûr) huit autres collègues en rénovation du bâtiment, employés de maintenance ou autres artisans qui jouaient les hommes de l'air dans les combles.

 

 

Personnage n°9 : ? sculpteur bois, attribut la masse et le ciseau .

 

plouedern 5945

 

 

Personnage n° 10 : tailleur de pierre , attribut la masse et le ciseau .

 

 

plouedern 5946

 

 

Personnage n° 11, le maire, attribut : le village.

 

plouedern 5947

 

 

 

 

Personnage n° 12, architecte :  ses attributs : le compas et le niveau.

 

plouedern 5948

 

 

Personnage n°13 : le couvreur .

plouedern 5949

 

 

Personnage n° 14, le charpentier ? attribut : la scie.

 

plouedern 5950

 

 

Personnage n° 15 : le peintre, attribut pinceaux et couleur.

 

  plouedern 5951

 

 

Personnage n° 15 : ?? attribut ?? ( chauffage, attribut des flammes?).

 

plouedern 5952

 

 

 

   Il était temps de retrouver son calme. Ces statues taillées comme les charpentes sculptées médiévales avaient l'allure de ces personnages, drôlatiques, naïfs ou lubriques qui se poursuivent le long des sablières de nos églises, poussant une charrue ou suivant un convoi, mais leur tenue contemporaine montrait bien que leur facture était récente. J'irai me renseigner, et ces têtes de Guignol allaient s'expliquer sur leur présence insolite.

La première chose que je fis, ce fut de consulter le Nouveau Répertoire des églises et chapelles de René Couffon et Le Bars, Quimper 1988, en ligne :

 "Elle date du XVIIè siècle, ainsi que l'indiquent les dates de 1609 sur la frise du porche, de 1626 sur la petite porte Renaissance du midi et de 1680 sur la sacristie.

Le porche nord, de type classique et monumental, est en granit à gros grains. L'entablement de la porte d'entrée extérieure est soutenu par des colonnes doriques composites et amorti par un fronton. Au-dessus, attique supportant une niche à coquille et fronton cintré brisé, volutes très accusées. Sur le rampant du gable, décoration  en S. Ce porche est voûté sur croisée d'ogives, il n'y a pas de niches pour des Apôtres.

Les grandes arcades en plein cintre de la nef pénètrent directement dans les piliers cylindriques ; les nefs latérales sont aussi lambrissées en berceau.

Au-dessus d'une fenêtre de la sacristie, inscription : "M. H. QVEFFELEAN. RECT / IAC. MORRI. PIER. COEN. FABRIQVE/ 1680."

Mobilier :

En mai 1974, un incendie a détruit la charpente et le mobilier. L'église, restaurée, a été rendue au culte en janvier 1978.

Maître-autel : table reposant sur deux piliers en forme de soc de charrue. - A l'autel du Saint-Sacrement, au nord, sur la porte de bronze du tabernacle les quatre Evangélistes encadrent le calice et l'hostie. - L'autel du Rosaire du XVIIè siècle a été détruit en 1974. Fonts baptismaux placés aujourd'hui dans la chapelle sud : la cuve à godrons porte l'inscription : "A.RIOV. RECTEVR. I. KDELENT. H. APERVE. FABRIQVE. LAN. 1641. R. LE. DORE. FECIT." Le baldaquin en bois polychrome, brûlé en 1974, portait l'inscription : "M. H. MILBEAV. R. Y. KDELANT. F. T. Y. BOVRHIS. FABR. 1661."

Bénitier en forme de cuve hexagonale, décoré de niches ornées de coquilles et d'accolades formées de galons plats, XVIè siècle. - Autre bénitier daté 1679 et surmonté de deux personnages tenant une massue.

Statues - en bois polychrome : Crucifix, saint Laurent, saint Guénolé, sainte non identifiée ; - en pierre : saint Pierre (porche).

 

Vitraux d'H. de Sainte-Marie, parmi eux le Baptême du Christ, l'Assomption et la Pentecôte.  

 

L'église en 184., dessin de Léon Gaucherel (Gallica)

Le baptistère et le retable de Saint Yves sont partis en fumée (image http://www.plouedern.fr/index.php/plouedern/histoire ) :

                                  

 

 

 Donc, aucune description ici de ces blochets. Un contact auprès de la Mairie ne fut guère plus fructueux.

  Alors que des recherches ont lieu dans nos archives pour tenter de retrouver des informations sur les artisans et artistes du Moyen-Âge ou de la Renaissance en Finistère, moins de trente-cinq ans après la réalisation d'un chantier dont nous allons voir qu'il avait rassemblé les noms les plus prestigieux de l'artisanat de restauration d'œuvre d'art en France, aucune trace n'était conservée, aucune information n'était disponible !

Je précédais donc mon article d'un appel aux témoignages, mais celui-ci resta vain.

Petit addendum en avril 2014.

En novembre 2011, j'avais retrouvé la trace de Gérard Jamain, qui avait été chargé  de l'expertise et maîtrise des coûts de ce chantier. J'avais échangé un mail et obtenu cette réponse :

Bonjour

L histoire de la restauration de cette eglise incendiée est toujours en 2011 unique en France Le sculpteur de ces sculptures qui représente les acteurs de la restauration est Vincent Fancelli le sculpteur du château de Versailles. Le peintre qui a mis en valeur ces statues est Paul Meriguet le peintre de toutes les têtes couronnées Tout cela sans que cela coûte un cent à la commune Je vais rechercher des documents dans mon dossier d' expertise

Bien cordialement

Gerard JAMAIN
Ingénieur-Conseil et économiste du patrimoine,

 

Je remercie Monsieur Jamain de ces précieux renseignements. Cela me donne accès aux données suivantes :

 


1. Gérard Jamain a fondé en 1986 "HÉRITAGE", bureau d'études spécialisé dans la restauration de bâtiments anciens.

Voir sa Notice biographique professionnelle, d'où je tire ces portraits.

  plouedern 5937

 

Est-ce le mystérieux "personnage n°6" ?

Le site de ce bureau d'étude consacré au chantier de Plouédern une page (in "liste de références") présentant des photographies de l'église après l'incendie de 1974.

  

 

...Ainsi que des photos du chantier : 

   

         

 

                

 

En regardant ces images en 2014, je réalise que les blochets étaient initialement placés dans la nef : on imagine l'effet qu'ils produisaient sur les paroissiens assistant au divin office sous le regard allumé de ces marionnettes des Guignols ! Surtout que les anges peints sur la voûte...non, je n'en dis rien pour l'instant. Bref, on peut penser que le curé, qui avait déjà sur sa statue des lèvres pincées et un regard consterné par le fait d'appartenir à cette mascarade, ou bien Monseigneur (car la réouverture du sanctuaire au culte a dû s'accompagner d'une cérémonie de dédicace) a dû intervenir en haut lieu pour faire (mais à quelle époque ?) déplacer les proéminences phalliques et peinturlurées dans les bas-cotés. 

 

On trouve aussi dans le site de la société Héritage la mention suivante :

Maître d'ouvrage :La Mairie de Plouédern
Maître d'œuvre Gérard Cailliau - DPLG et ABF ... J'identifie donc :

2. Gérard Cailliau, architecte des Bâtiments de France, est surtout connu pour la réalisation du Pont de Cornouaille à Bénodet en 1972. (Il serait apparenté avec la sœur aînée du général de Gaulle, Marie-Agnès, qui avait épousé en 1910 Alfred Cailliau)

 Je poursuis mon enquête :

3. Paul Mériguet  "le peintre de toutes les têtes couronnées" : voir le site de l'Atelier Mériguet-Carrère  qui donne une haute idée des techniques qui ont été employées sans-doute à Plouedern. Cet atelier créé en 1960 est dirigé par Antoine Courtois, qui prit le relais de Paul Mériguet 

 Notice nécrologique de  Paul Mériguet en 2014 dans La Nouvelle République : "Après son CAP de peintre, passionné d'art et d'histoire ancienne, il réalise des décors de théâtre pour la troupe de son village. A 30 ans, il crée un atelier de décoration à Paris. Il avait de par son savoir-faire une réputation internationale. Spécialiste du trompe-l'œil, des dorures, des cuirs gaufrés, il a travaillé à la restauration de monuments historiques nationaux étrangers.

Il a participé en particulier aux travaux de décoration et de restauration du château de Versailles, des cathédrales d'Amiens et de Beauvais, de l'opéra Garnier, du palais de l'Élysée et l'hôtel Matignon. Son atelier compte encore aujourd'hui 120 compagnons amoureux du travail bien fait.
A Preuilly-sur-Claise (Indre-et-Loire) dont sa femme est originaire, il a été l'instigateur de la résurrection de l'antique foire au safran (qui aura lieu cette année le 15 février). Il est également un des précurseurs de la culture du chêne truffier en Touraine. 
Il était chevalier de la Légion d'honneur, chevalier national du mérite, chevalier des arts et lettres et chevalier du mérite agricole. Il est décédé samedi 18 janvier [2014] dans sa 83e année."

Photographie de Paul Mériguet.

4. Vincent Fancelli "le sculpteur du château de Versailles".

Vincenzo Fancelli, d'Alfortville restaurateur officiel du château de Versailles, est intervenu aussi dans la restauration des 22 stalles de la cathédrale Saint-Pierre de Saint-Claude (Jura) qui avaient été détruites par un incendie en 1983 (près de 200 statues de Jehan de Vitry). (Voir le Dossier de restauration avec la photographie de Vincenzo Fancelli (vers 1991) page 28 et 29 que l'on comparera au personnage n°9)

                     plouedern 5945

Portrait en 1966 par Jacques Haillot © Jacques Haillot/Apis/Sygma/Corbis 

Voir aussi ici un autre portrait de 1966.

Vincent Fancelli appartient à une lignée d'artisan ; Otello Fancelli ouvrit d'abord dans les années 1920 un atelier à Pise sur la célèbre Piazza Miracoli, puis s'installa à Paris après la seconde guerre mondiale avec son fils Vincenzo, en se spécialisant dans la restauration et la reproduction de modèles anciens. Ils intervinrent dans la restauration du Musée Carnavalet, de l'Hôtel de Sully, du Château de Chambord, et, sous la direction de Gérard Van der Kemp, dans celle de la Chambre à coucher de Marie-Antoinette à Versailles. Depuis 1985, l'Atelier Fancelli (Paris-New-York) est dirigé par Jean-Pierre Fancelli.

  http://www.heritage.tm.fr/index2.htm

 

      "Un jour —raconte Hervé Duhot— Fancelli est arrivé avec un appareil photo et nous a tous photographié !". Il en a tiré ces statues.

 

De fil en aiguille dans une botte de foin, j'ai fini (juin 2014) par reconstituer la réunion de chantier. J'ai en effet rencontré Hervé Duhot, le couvreur, qui a retrouvé ce document : 

             DSCN7757c.jpg

Les participants aux réunions de chantier étaient donc :

Gérard CAILLIAU, Architecte des Bâtiments de France, Quimper,

Gérard JAMAIN, Métreur Monuments Historiques 6bis rue Louis Barthou Rennes.

Hervé ROPARS, Maire,

Entreprise de Menuiserie-Charpente A.M.C. Rennes, DAVALIS : JULIOT, chef charpente.

Entreprise de maçonnerie Christophe GAILLARD, Bénodet

Entreprise de peinture RAUB, Brest : peintre Claude JAOUEN.

Entreprise de couverture Hervé DUHOT, Landerneau.

Entreprise d'élecricité CADIOU, directeur technique JOSSET.

Entreprise de Chauffage STEINER, Ploudalmézeau.

Entreprise de vitraux Hubert SAINTE MARIE, Quintin.

Décoration : Paul MÉRIGUET.

Sculpture pierre : MOURAD-HORCH.

Cloches : BODET.

Paratonnerre : CAILLOT.

   Il manque ici :

Le recteur MALLÉJAC,

Le sculpteur bois Vincente FANCELLI.

 

L'énigme étant résolue (hormis l'identification du personnage n°7), je peux m'intéresser à d'autres aspects de la petite histoire  de Plouedern.

 

Une découverte macabre : des rouquins au sous-sol !

Mr. Cailliau ayant fait ôter le pavement de l'église, on découvrit alors des cadavres, dont la particularité était que ce qui restait de leur tignasse était d'une forte couleur rousse. Il s'agirait de victimes d'une épidémie de peste, la coutume étant alors de passer les corps au brou de noix pour éviter la transmission de l'épidémie. (information orale non vérifiée).

Un dégats des eaux trois ans après le chantier !

En 1982, le maire —Hervé Ropars— et le recteur s'alarmaient de constater que l'humidité faisaient des ravages et que la peinture se décollait par larges plaques (les murs avaient été peints de motifs polychromes tels que des arcades rouge-brique encore visibles aujourd'hui par endroit).  Pire, la mérule, le terrible ennemi des charpentes, avait déjà rongé les lambris de la sacristie et s'attaquait au parquet de chêne.  N'aurait-on pas pu prendre des précautions pendant la remise en état, demandaient-ils "sans vouloir,incriminer quiconque" à l'architecte Cailliau ? Le Télégramme de Brest qui relate l'événement se fait le porte-parole de leurs interrogations : "si on avait drainé les murs de pierre épais, si on avait traité les bois, un tel ravage se serait-il produit ?  La municipalité "lève les bras au ciel  à la recherche d'une aide providentielle qui saurait enrayer l'extension du mal dans ce joyau du patrimoine". L'affaire fut portée devant le tribunal administratif (1984) et le Conseil d'Etat (1987) —cf Annexe—, afin de sauver "la voûte où les anges aux figures naïves ont des sourires innocents".

 

 

"Les An-ges de-eu nos  campa-gneu, ont entonné l'hy-imneu des cieux".

La voûte de la nef est effectivement merveilleusement peinte d'un ciel pommelé de cumulus que chevauchent, tels des adolescents sur les voitures tamponneuses, de frais angelots attentifs à éviter les obstacles constitués par les monogrammes de Marie. Mais si on les regarde de près, on remarque que quelques uns ont les traits de jeunes bretonnes de chez nous. Un hasard ? On raconte que les peintres leur ont prêté une ressemblance avec les dames qui leur avaient accordées leurs faveurs. 

 

 

 

ANNEXE

Jugement du Conseil d'Etat du 15 juin 1987. En ligne.

Conseil d`Etat statuant au contentieux

N° 66284

Inédit au recueil Lebon

2 / 6 SSR

Errera, rapporteur

Schrameck, commissaire du gouvernement

lecture du lundi 15 juin 1987

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 février 1985 et 20 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d`Etat, présentés pour la commune de PLOUEDERN, représentée par son maire en exercice et tendant à ce que le Conseil d`Etat :

1° réforme le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 décembre 1984 en tant qu`il limite à 35 749,29 F l`indemnité due par M. X... et l`entreprise A.M.C. en réparation des dommages constatés à l`église paroissiale à la société des travaux qui y ont été effectués,

2° condamne M. X... et l`entreprise A.M.C. à procéder aux travaux de réfection nécessaires pour faire disparaître les désordres ou, à défaut, à lui verser une somme égale à leur coût tels que l`expert commis les a estimés,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code des tribunaux administratifs

Vu l`ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953

Vu la loi du 30 décembre 1977

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Errera, Conseiller d`Etat,

- les observations de la S.C.P. Waquet, avocat de la COMMUNE DE PLOUEDERN et de Me Boulloche, avocat de M. X...,

- les conclusions de M. Schrameck, Commissaire du gouvernement

Sur les responsabilités :

Considérant en premier lieu qu`il ressort de l`instruction, et notamment du rapport de l`expert désigné en référé, que les désordres limités affectant les enduits et peintures intérieures de l`église de PLOUEDERN ne sont pas de nature à rendre l`édifice impropre à sa destination ; que dès lors, en tout état de cause, ils en peuvent engager la garantie décennale des constructeurs qui ont participé aux travaux de remise en état de cet édifice à la suite d`un incendie

Considérant en second lieu qu`il est constant que les désordres importants affectant le parquet, les lambris et l`estrade de la sacristie et qui sont de nature à rendre ce local impropre à sa destination, sont dus à l`action du mérule ; qu`il ressort du même rapport que la prolifération de ce champignon a été rendue possible tant par la modification résultant desdits travaux des conditions générales de la ventilation de l`édifice et de son équilibre hygrométrique que par la réalisation de ces ouvrages en bois sans ventilation de leur face cachée, ce qui constitue un manquement aux règles de l`art ; qu`ainsi ces désordres engagent la garantie décennale tant de M. X... qui a dirigé les travaux, et qui, en sa qualité d`architecte des bâtiments de France, devait connaître les caractéristiques de cet édifice inscrit à l`inventaire des monuments historiques et dont les murs étaient saturés d`humidité et veiller à ce que les précautions indispensables fussent prises que de la société A.M.C. qui a réalisé les ouvrages en bois de la sacristie sans respecter les règles de l`art ; que les premiers juges ont fait une correcte appréciation de leur parts respectives de responsabilité en la fixat à 70 % pour M. X..., architecte, et à 30 % pour la société A.M.C.

Sur la réparation :

Considérant que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont alloué à la COMMUNE DE PLOUEDERN la somme de 35 749,29 F à laquelle se montent, suivant l`expert, les travaux nécessaires pour la remise en état de la sacristie après élimination du "foyer" de mérule ; que si la commune demande la majoration de cette somme, elle se borne, dans le dernier état de ses conclusions, à se référer aux propositions de deux techniciens consultés par elle ; que ces documents, en raison notamment de leur absence de précision, n`établissent pas que l`expert judiciaire aurait fait une appréciation insuffisante des travaux strictement nécessaires à la réparation durable des seuls dommages qui engagent la garantie décennale des constructeurs

Considérant qu`il résulte de ce qui précède que l`appel principal de la COMMUNE DE PLOUEDERN et le recours incident dirigés par M. X... contre la commune doivent être rejetés ; que, par voie de conséquence les conclusions d`appel provoqué dirigées par M. X... contre les entreprises ayant participé aux travaux ne sont pas recevables

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE PLOUEDERN, ensemble les conclusions d`appel incident et d`appel provoqué de M. X..., sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PLOUEDERN, à M. X..., à la société A.M.C., au ministre de l`intérieur, au ministre de la culture et de la communication et au ministre de l`équipement, du logement, de l`aménagement du territoire et des transports.

 

 

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 22:27

 


       Les vitraux de Gérard Lardeur

   à l'église de Saint-Sauveur (Finistère).  

 

      voir :  Les vitraux de Gérard Lardeur à Bannalec (29).

Dans un article précédent, j'ai dit la grande misère des églises et des clochers frappés par la foudre.  Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.

Foudre et clocher : Sainte Barbe invoquée en breton à Pleyber-Christ.

  A Saint-Sauveur (29), au cœur des Enclos paroissiaux, en 1992, un incendie ravagea totalement l' église, ne laissant que le clocher et quelques murs : quand on voit ce qu'il reste de l'église de Pont-Christ (1533) qui a subi le même sort* à la fin du XIXe siècle et qui ne montre aujourd'hui que de sinistres ruines, on évalue la performance réalisée par le maire Jean Billon et par tous ceux qui relevérent le défi de restaurer l'église, et, mieux, d'oser y installer des vitraux contemporains.

      * André Croguennec a montré  que l'église de Pont-Christ n'a pas été victime d'un incendie, mais de l'incurie, la toiture s'étant effondrée en 1890 après avoir été longtemps négligée. Le résultat est le même : des ruines, là où se dressait un sanctuaire abritant des œuvres d'art et un témoignage de foi laissé en héritage par nos prédécesseurs. 

DSCN0457

 

DSCN0454c

 

   Le passé, tenace, reste inscrit sur un linteau :

DSCN0445

 

  Les vitraux sont issus de l'atelier de Gérard Lardeur, maître-verrier (1931-2002) qui réalisa ici l'une de ses dernières œuvres.

st-sauveur 3747c

 

 La maîtrise de la lumière et de ses magies apparaît dans sa totalité lorsqu'on supprime, par une photo au flash, l'effet de la lumière extérieure ; on ne voit alors qu'un mécano qui fait grise mine :

st-sauveur 3744

 

  Au contraire, en plein jour,voilà l'effet produit :

st-sauveur 3745

 

DSCN0449c

 

  Parfois, on s'approche, par le renoncement à la couleur et par la sobriété des lignes, des vitraux cisterciens : et on songe, bien-sûr, au travail de Soulages à Conches.

 

DSCN0447c

 

 

st-sauveur 3749c

  Vu de trop prés, on se demande si quelque artisan n'a pas oublié là son échafaudage et ses échelles.

 

st-sauveur 3743

 

 

      Vu d'un peu plus loin, le charme opère : c'est fort !

 

st-sauveur 3742c

 

   Il reste encore à voir une belle Piéta, et Sainte-Anne :

st-sauveur 3758

  DSCN0440c

 

 

  L'église a été inaugurée le 14 mai 2000. J'imagine la joie des paroissiens, et leur fierté : une bien légitime fierté.

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 12:57

   Petite épigraphie des églises et chapelles du Finistère.

            Foudre et clocher : iconographie de Sainte Barbe ;                  une inscription en breton à Pleyber-Christ.

 

  Cet article prolonge celui consacré aux moyens de protéger les clochers de la foudre... avant Benjamin Franklin : Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.

  J'y avais présenté les pouvoirs de Sainte Barbe, mais pour éviter des développements excessifs, je donne ici quelques exemples des statues consacrées, dans nos chapelles du Finistère, à Santa Barba.

  I. Pleyber-Christ, église Saint-Pierre.

  Tout d'abord, voici celle que j'ai découvert, au dessus de la porte d'entrée (portail latéral) à l'intérieur de l'église : sa facture du XIXème la rendrait peu intéressante, (et elle n'est pas signalée par René Couffon dans son Répertoire),si elle n'était accompagnée de deux inscriptions en breton :

sainte-barbe 6178

sainte-barbe 6179

 

sainte-barbe 6180

 

  Le support en est trés médiocre, peint sur un revétement de fausse pierre, et il est temps d'en faire le relevé avant que ces inscriptions ne deviennent illisibles : on lit :

     Santez Barba, Pedit Evidomp  : "Sainte Barbe, Priez pour nous".

  et : 

     Grit Deomp Caoul O Santez Barba

     Hor sacramanchou Diveza

     Divallit ive pep unan

     Dious ar Gurun  Ha Dious an Tan

  ce qui peut se traduire par :

     " Faites que nous ayons, O Sainte Barbe,

        Nos derniers sacrements

       Sauvez chacun d'entre-nous

       Du Tonnerre et du feu de l'Enfer. "

 Merci à Jean-Jacques Kerdreux de Crozon et à Yvon Le Grand de Pleyber-Christ pour leur traduction.

  Le lien qui est fait entre le feu de la foudre et celui des Enfers est intéressant : protéger les corps ou les clochers et protéger les âmes !

II. Quelques statues de Sainte Barbe :

sainte-barbe 3771c

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 08:46

                               Ils n'ont plus aucun intérêt dans la vie.

                     Bonne idée nourrie en secret par chacun d'eux. Ils se la dissimulent.

                     De temps à autre, ils sourient quand elle leur vient,

                     puis, enfin, ils se la communiquent simultanément :

                                   Copier comme autrefois. [...]

                     Ils s'y mettent. 

            Notes de régie pour la fin de Bouvard et Pécuchet, roman inachevé/inachevable de:                                                               Gustave Flaubert

 

Petite épigraphie des chapelles et églises du Finistère :

           Église Saint-Thurien à Plogonnec II :

                  Une inscription du tonnerre !

   Si nous restons en compagnie des deux greffiers infatigables du Finistère que furent Jean-Marie Abgrall et Henri Pérennès, ils nous conduiront vite devant le porche ouest de l'église Saint Thurien (ils disaient : "Saint Turiau) pour vous faire admirer, au dessus du porche, sous la statue du saint éponyme, une longue inscription :

inscriptions 5538c

 

   Était-elle plus lisible de leur temps ? En tout cas, le chanoine Abgrall n'a aucune difficulté à vous la transcrire :

  TV . TURIAVE . TVAM . TVRRIM . TEMPLVMQVE . TVERE

  NE . NOCEANT . ILLIS . TRISVLCA . TELA . JOVIS .

    Le chanoine Pérennès le reprend sur des broutilles et donne sa version, plus exacte :

               IHS : MR

  TV : TVRIAVE : TVAM : TURRIM :  TEMPLVMQVE TVERE .
   NE NOCEANT : ILLIS TELA TRISVLCA : JOVIS . 

   Aucun des deux ne semble voir que l'invocation se termine par le mot AMEN. Et chacun a complété TEMPLUMQUE, les dernières lettres étant absentes sur la pierre.

 Fort de leurs études au Séminaire et de leur maîtrise du latin, ils vous la traduisent :

  " Saint Turian, protégez votre tour et votre église. Préservez la de la foudre (des traits à trois points de Jupiter)" : L'abbé Abgrall connaît ses humanités ; si le latin sulca signifie "sillon, raie, ligne, bras", le mot trisulca signifie "qui a trois pointes" et est utilisé métaphoriquement pour désigner la foudre, par Ovide par exemple : Jovis infestis telo feriare trisulco, "Que Jupiter ennemi te frappe du carreau à trois pointes" qu'il te frapppe de la foudre. Le terme latin pour désigner la foudre est, autrement, sulfur.

  La traduction de H. Pérennès est : " O Saint Turiau, garde ta tour et ton église. Défends les bien contre les traits à trois pointes de Jupiter". Il ajoute en note que Saint Turiau  était archevêque de Dol au VIIIème siècle.

  C'est une  traduction fidèle voire littérale, je m'en assure  par la consultation du sens de TUERE (de tueor, veiller sur, protéger, défendre, avoir à l'oeil ) et de NOCEANT (de nocere, nuire, causer du tort).

  L'inscription est célèbre, ne serait-ce que par l'étrange rencontre d'un saint de l'église chrétienne avec un dieu de la mythologie grecque. Mais elle est surtout remarquable par l'allitération en T qui imite le tintamarre tonitruant et tapageur du tonnerre, rappelant le vers de Racine dans Iphigénie (Acte V, 6, v.1774) "Les dieux font sur l'autel entendre le tonnerre" ou le Thunder-ten-tronck de Voltaire dans Candide, nom du baron et de son château construit sur le nom anglais Thunder, "tonnerre".

     

   La foudre, les clochers, les saints et les croyances.

   Chaque année, en France, 250 clochers sont frappés par la foudre; si, jadis, les hommes priaient pour échapper aux famines, aux guerres et à la peste, c'était bien de la foudre qu'il fallait protéger les églises, et la liste est longue des clochers du Finistère qui ont été détruits par un orage violent ; citons, en désordre et de façon non exhaustive:

-Berrien, église Saint-Pierre, destruction du clocher Beaumanoir.

- Lampaul-Guimilau : en 1809, le clocher est amputé de 18 mètres.

- Carhaix, église Saint tromeur : le clocher de 210 pieds, l'un des plus hauts, est entièrement détruit par la foudre.

- Lanvellec, chapelle Saint Carré, clocher détruit en 1875.

- Plounevez-Lochrist ; le prieuré est frappé en 1909.

- Plouedern : l'église est dévastée en 1974 par un incendie causé par la foudre.

- Landunvez, le clocher de la chapelle de Kersaint est détruit en 1903.

- Dirinon : clocher de la chapelle Sainte-Nonne détruit en 1951.

- Guengat, église sta Fiacre : le clocher est décapité de sa flèche en 1706 par un orage.

- Scrignac, 1931.

- St Guinal, 1837.

- Guipavas, clocher de l'église Saint-Pierre détruit le 24 décembre 1790.

- Landudec, clocher de l' église Saint-Tudec.

- Kerlouan : clocher de la chapelle Saint-Egarec détruit le 13 janvier 1917.

- Plouegat-Moysan : destruction de la flèche en 1886.

- à Plogonnec même, le clocher de la chapelle de St Denis Seznec "a été découronné par la foudre dans la nuit du 30 novembre 1937" (H. Pérennès)

   A Ploeven, le clocher fut foudroyé en 1735, et la cloche se brisa dans la chute ; le clocher fut reconstruit en 1737; en 1850, il est à nouveau frappé, et sa partie supérieure doit être rebâtit en 1893. On trouve actuellement dans l'église un panneau qui donne le récit suivant : 

   "Le neuf février mille sept cent trente cinq il y eut une si grande tempête que la curie et la pierre triangulaire vinrent à bas vers les trois heures après-midy et les deux images qui sont Saint Pierre et Saint Jean placés du coté gauche sur la croix dans le cymetiere et vers les quatre heures trois quart la grande cloche de la tour pesant environ six cent livres fut levée en l'air  et jetée sur les tombes des Marzin à coté du reliquaire et les deux autres dans le reliquaire dont l'une pesait environ quatre cent cinquante et l'autre trente et la tour sur les cloches depuis la plateforme et environ 1700 le poids de la tour avoit esté encore jetté sur l'église d'un coup de tonner et sur les bannières dans l'église après avoir été tirées de leur armoire mais les cloches n'eurent point de mal. Voilà pourquoy il n'est point à propos de relever la tour d'aussy haute comme auparavant. Il y a encore 60 ans au dire des anciens que la tour fut encore jettée à bas au gros temps et les cloches furent encore toutes brisées comme cette année cy "

  En réalité, une étude soigneuse révélerait sans-doute que chaque clocher du Finistère a de sérieux griefs contre le trident de Jupin.

   Ce n'est pas que , dans ce département, les orages soient plus fréquents qu'ailleurs : c'est même le contraire!

  On évalue le risque d'orage par deux indices, la densité de foudroiement, nombre d'impact foudre par an et par km² en unités Ng, et le niveau kéraunique, nombre de jour d'orage par an en unités Nk, sachant que le niveau Ng est le 1/10ème du niveau Nk. Eh bien, c'est dans le Finistère que ces  niveaux sont les plus faibles de toute la  France, atteignant 0,6 Ng alors que la densité de foudroiement est de 0,7 en Morbihan, 0,9 en Ille-et-Vilaine, 1 en Côte d'Armor, 1,5 à Paris, 3,6 en Loire, et 4,4 en Ardèche !   

   Cela permet de découvrir le mot "kéraunique", du grec keraunos, "éclair, coup de foudre" : à utiliser la prochaine fois que vous tomberez amoureux.

   

  Moyens fort efficaces pour protéger son clocher de la foudre :

 Avant que Benjamin Franklin ne découvre le paratonnerre en 1752, les anciens n'étaient pas dépourvus de stratagème pour détourner le feu céleste de leur clocher.

   Je n'ai trouvé qu'un autre exemple semblable à l'inscription protectrice de plogonnec, c'est, sur une cloche cette fois, à Saint-Julien de Tournel en Lozère, l'invocation " A fulgure et tempestate, liberanos domine" qui date de 1928.

a) Les pierres de foudre.

  C'est un moyen radical, puisqu'on sait que la foudre ne tombe jamais au même endroit, de placer dans le clocher, sous le seuil, dans la fondation ou inséré dans les murs, une de ces pierres polies, acérées, singulièrement semblables aux haches polies de la préhistoire et qu'on nomme parfois céraunies (où nous retrouvons le grec keraunos) ou céraunite. C'est le feu de l'éclair qui, lorsqu'il frappe le sol, se transforme en ces pierres de tonnerre, et comme l'écrivait le savant Descartes, " La foudre se peut quelquefois convertir en une pierre fort dure, qui rompt et fracasse tout ce qu'elle rencontre" ( Les Météores, 1635). Tous les peuples en ont constaté les bienfaits, ce sont les Thunderstones anglaises, les Donnerkeile allemandes, les Donderbeitels hollandaises, les Tordensteen danoises, les Tonderkile norvégiennes, les Thorsviggar suédoises. Les bretons les nomment Mengurun. Des esprits sceptiques en contestent la réalité, mais s'ils interrogent les géologues, ceux-là seront parfaitement en mesure de leur présenter des échantillons de fulgurite, des flèches de verre que l'éclair forme lorsqu'il tombe sur des terrains sableux, qu'il fait fondre. Certaines fulgurites atteignent 67 cm ! Et les scientifiques sont-ils fiables en impactologie, eux qui ont pendant des lustres refusé la réalité de l'existence des astroblémes (cratères météoritiques fossiles) et des tectites (de tectos, fondu), roches terrestres fondus lors de ces rencontres fulgurantes de notre planète avec des astèroïdes et des comètes ?

  Parmi la céraunies, Pline distingue la brontée : "elle tombe à ce qu'on pense avec le tonnerre; Et s'il faut en croire ce qu'on en dit, elle éteint les objets frappés par la foudre." (H.N XXXVII, 55)

   Paul Sébillot (Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne, Paris, 1882, I, 53-56) qui rapporte la coutume de placer une pierre de tonnerre dans une construction, signale que "en démolissant l'église de Trévron près Dinan, on trouva une hache en diorite", ainsi qu'une pointe de quartzite dans les murs d'une école de Dinan, une autre dans ceux d'une maison. Z. Le Rouzic (Carnac, Légendes, traditions, p. 156) écrivait en 1909 que presque toutes les vieilles maisons du Morbihan possèdent une hache de pierre polie sous la pierre du foyer, parfois dans la cheminée, pour protéger de la foudre. Ce fait est attesté aussi à l'île d'Ouessant (Bull. Soc. Préhist. Finist. 1932, 29 p. 267-268) mais n'a pu être retrouvé ailleurs dans le Finistère par P. Sebillot.

    Nos bons recteurs connaissaient leur Bible, qui leur parlaient des pierres de grêle et du Miracle de Josué : "Il advint que, comme ils [les Amorrhéens] fuyaient devant Israël et qu'ils étaient à la descente de Beth-Horon, que Yahvé lança de cieux contre eux de grandes pierres jusqu'à Azeqhat et ils en moururent. Ceux qui moururent par les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux que les fils d'Israël tuèrent par l'épée". (Livre de Josué, X, XI)

   Et les paroissiens de Plogonnec n'avaient qu'à se rendre dans l'ancien cimetière, où l'on pouvait voir " deux bétyles en forme de tronc de cônes, dont l'un est surmonté d'une croix" ou, "près du prèsbytère, les fragments d' un autre bétyle" (H. Pérennès, BHAD1940 p. 131). Car que sont les bétyles , Beith-el de la Bible ou "demeure divine", qu'un aérolithe appellé autrement "pierre de foudre" ? (Bétyle, Wikipédia). Si vous allez à Plogonnec, vous les verrez encore, incluse dans le mur de cloture du placître pour le protéger : l'une est à rainure, l'autre a été christianisée par une croix.


   

b) Les Saints protecteurs :

   Bien-sûr, vous pouvez, comme les Plogonnecois, invoquer le saint-patron de la paroisse ; mais ceux-ci ne se sont pas contentés de faire intervenir leur Élu, et ils prirent la précaution (élémentaire) de placer à gauche du portail sud une statue en granit de Sainte Barbe.

  Sainte Barbe, c'est sa spécialité, la foudre, comme le feu, la poudre et les explosifs , depuis que cette jeune chrétienne d'Héliopolis ou de Nicomédie, enfermée par son père Dioscore dans une tour se soit vengée des tortures qu'il lui faisait subir ( en la brûlant, lui arrachant les seins avant de la décapiter) en le foudroyant, ce dont le pauvre père mourût. Et on la représentait avec sa tour, ou avec la palme du martyr, on lui faisait fête le 4 décembre, mais ce culte sentait le soufre et l'Église, en sa clairvoyance, mit un terme à cette dévotion en 1969. Que feront les pompiers, les polytechniciens et les sapeurs, les mineurs et les carriers, les artificiers et les artilleurs ? Ils féteront la Santa Barbara, que l'Église a nommé à sa place.

  Paul Sébillot (Traditions et superstitions en Haute Bretagne, Paris 1882, I, p. 55 ) rapporte ceci; " Sous le nom de pierre à tonnerre on comprend en pays gallot les haches ou les couteaux polis de main d'homme, et aussi certains caillous ronds ou oblongs qu'on trouve dans les champs, et que les paysans croeint être tompbés du ciel au moment des orages. Avec les toutes petites pierres de tonnerre, on fait des colliers qu'on suspend au cou des enfants.[...] Mais la propriété la plus reconnue de ces pierres est, ainsi que leur nom l'indique, de préserver de la foudre. En mettant dans son chapeau ou dans sa poche des pierres de tonnerre, on n'a rien à craindre pendant les orages. Les pierres à tonnerre ne peuvent s'entre-souffrir, et celle qui se trouverait dans le nuage tomberait à coté. jadis, il y avait beaucoup de gens qui mettaient des pierres à tonnerre quand le temps était à l'orage, et s'il tonnait, ils récitaient une oraison en l'honneur de al pierre. En voilà une qui parfois se dit encore : "pierre, pierre, garde-moi du tonnerre". Ailleurs, voilà ce qu'on dit:

          Sainte Barbe, Sainte Fleur,

          A la croix de mon Sauveur,

          Quand le tonnerre grondera

          Sainte Barbe me gardera

          Par la vertu de cette pierre

          Que je sois gardé du tonnerre."

   Cette formulette a été retrouvée, sous des formes proches, dans toute la France et Jean-Loïc Le Quellec en a dressé un inventaire impressionnant dans le Bulletin de la Société de mythologie Française, 1995 :

http://rupestre.on-rev.com/resources/Mythologie/Publications/BSMF_178.pdf

...citant notamment une prière d'un Livre d'heures de 1495:

           Barbe, Barbe, Vierge très renommée,

           A vous me rends, faisant cette requeste,

           C'est, s'il vous plaît, Martyre de Dieu aimée,

           Que me gardiez de foudre et de tempeste,

           De mort subite, vilaine et deshonneste,

           Et en la fin de mes maux connaissance,

           Ainsi que Dieu vous en a donné puissance.



Saint Laurent, qui a subi le supplice du grill, peut être un substitut honorable.

Saint Donnat, évêque d'Arezzo, est très sollicité aussi contre la foudre (est-ce parce-que son nom est proche du nom allemand du tonnerre, donner, ou du dieu du tonnerre, Doner ?

Saint Pierre fait parfaitement l'affaire par cette prière : Pierre, Pierre, protège-moi du tonnerre.


On n'invoque ni Saint Benjamin (diacre et martyr en Perse, il est mort empalé, ce qui est louangeable, mais ne conduit pas à le prescrire dans  l'indication qui nous préoccupe ici)  ni d'ailleurs Saint Franklin.

 

c) Les Agnus Dei :

 Cela fonctionne comme les Mengurun, les pierres de foudre, dont tout-le-monde ne dispose pas: ici, il s'agit d'un médaillon de cire de forme ovale sur lequel est moulé l'image d'un agneau pascal, sur une face, et l'éffigie d'un saint, de l'autre. On place cet Agnus Dei dans une boite à couvercle transparent (par exemple) et on l'insére dans le mur du clocher que l'on veut garantir des dégats de la foudre. L'effet est garanti par une notice qui est remis avec le médaillon et qui stipule que :  " 2. par le signe vivant de la Croix,...les grêles s'éloignent, les vents s'appaisent, la foudre se dissipe".

   Les Agnus Dei sont fabriquée à partir de fragments du cierge pascal béni à Rome par le Pape après la nuit de Paques. Les cierges de la chapelle Sixtine de l'année précédente, ainsi que ceux des églises de Rome, ou ceux que les curés offrent au Souverain Pontive pour la Chandeleur, sont fondus et la cire est coulée dans des moules à l'éffigie de l'Agneau couché sur le livre de l'Apocalypse, la tête entourée d'un nimbe traversé par une croix et portant contre son épaule l'emblème de la ressurection, avec l'inscription Ecce Agnus Dei qui tollit peccata mundi. La cire porte aussi le nom du Pape et la date.

  On trouve en ligne le texte intitulé : Le Grand Feu, tonnerre et foudre du Ciel, advenus sur l'Eglise Cathédrale de Quimper Corentin en Basse Bretainne: Ensemble, la vision publique d'un horrible & tres espouvantable Demon sur ladite Eglise dans ledit feu, le premier iour de Fevrier 1620. Je n'en connais pas l'authenticité, mais on y décrit les chanoines de la cathédrale luttant contre le démon et contre l'incendie provoqué par la foudre en y jetant, en plus de cent cinquante barriques d'eau, moult Agnus Dei de bonne cire blanche pour éteindre le feu. L'incendie provoqué par la foudre en 1620 de la petite flêche à couverture de plomb élevée à la croisée du transept dans les années 1480 en la cathédrale de Quimper est en tout cas vérifié. 

 

d) la joubarbe 

Cette crassulaceae que Linné nomma Sempervivum ressemble à une petit artichaut succulent qui forme des colonies d'où émergent en période de floraison de longs doigts écailleux terminés par des fleurs roses, ou rouges, ou jaunes. Elle s'installe facilement au sommet des toits de chaume.

  Son nom vernaculaire vient du latin médièval jovis barbam, la barbe de Jupiter, par assimilation romaine tardive de dénominations germaniques faisant depuis longtemps réfèrence à la barbe de Thor ou Donar, l'homologue teuton de Jupiter, dont le marteau fait jaillir les éclairs. En 812, Charlemagne ordonne par le Capitulare de villis l'usage de cette plante pour la protection des domaines impériaux, stipulant aussi  et ille hortulanus habeat super domum suam Iovis barbam, "que tout jardinier ait sur sa maison un plant de joubarbe".

  On prête à cette plante des vertus magiques de protection contre la foudre. 

 Au Moyen-Age, on orne de sculptures en forme de feuillage et de fleurs de joubarbe les églises et les cathèdrales.

e) l'aubépine et la grande Chélidoine

  L' aubépine, épine blanche dont aurait été tressée la couronne d'épine du Crist crucifié, ne peut être atteinte par la foudre, forcément diabolique, aprés avoir touché le front du Fils de Dieu.

  La Grande Chélidoine est l'herbe à l'hirondelle ( Khelidôn en grec signifie "hirondelle" ) utilisée pour éclaircir la vue, elle est aussi nommée la Grande Éclaire, et par glissement sémantique elle peut servir de protection cntre l'éclair.

f) le tintamarre et la sonnerie de cloches. 

   Si je termine par cet expédient, c'est que notre inscription du porche de l'église de Plogonnec me semble s'y conformer indirectement par son allitération scandée.

  C'était une opinion trés répandue autrefois qu'en cas d'orage, il était possible de le détourner de la paroisse en faisant sonner les cloches à toute volée ; à  ce "carillon de tonnerre" s'ajoutait parfois le vacarme que les paroissiens créaient en frappant violemment sur des objets métalliques. Les esprits forts d'un XIXème siècle laîc eurent beau jeu d'ironiser sur une pratique qui était chaque année responsable de la mort des sonneurs par foudroyement, et L.F. Jehan écrivait en 1850 dans son dictionnaire astrologique, physique et météorologique que "dans un orage qui ravagea la Bretagne entre Landerneau et Saint-Pol de Léon, les 24 clochers qui furent frappés de la foudre furent, dit-on, ceux-la précisément où l'on sonnait les cloches, tandis que les églises voisines où on ne les sonnaient pas furent épargnèes".

   Cette réponse conjuratoire à une situation de chaos et de déchaînement dse éléments par l'organisation d'un concert de bruits assourdissant me rappelle d'autres charivaris et tapages qui s'organisaient à des périodes de transition de l'année (Saints Innocents le 28 décembre, "douze petits mois" Fête des Fous du 6 janvier) afin d'éloigner les esprits malins qui rodaient à ces occasions et menaçaient de vous envahir ; et ec n'est peut-être pas tant les dégats physiques de la foudre que l'on souhaitait  alors détourner, mais les périls auxquels l'orage exposait les âmes.

   Quoiqu'il en soit, je pense que l'allitération en T de la formule d'invocation à Saint Turiau n'a pas une fonction esthétique et littéraire, mais qu'elle participe à l'éfficacité de protection de la formule lapidaire au même titre que la crécelle que les romains utilisaient pour éloigner les mauvais esprits.






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Published by jean-yves cordier
17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 01:20

                   Petite épigraphie des chapelles et églises du Finistère:

                    Église Saint-Thurien à Plogonnec, I :

                  Un N rétrograde,

                  des mentions de construction,

                  et d'autres gourmandises.

Mise à jour 1er mars 2021.

                                                                 

                                                 Fabrice dans le clocher de Grianta :"Tous les souvenirs de son enfance vinrent en foule assiéger sa pensée ; Et cette journée passée en prison dans un clocher fut peut-être la plus heureuse de sa vie"

                                                                                 Stendhal, La Chartreuse de Parme.

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Voir  sur Plogonnec :

 

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       L'Église Saint Thurien à Plogonnec (entre Quimper, Locronan et Douarnenez) n'est pas avare en inscriptions lapidaires, et de zélés épigraphes, comme le chanoine Jean-Marie Abgrall (1846-1926), fondateur du Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie BDAH  ou le chanoine Henri Pérennès, qui fut vice-président de la Société Archéologique du Finistère SAF, y relevèrent respectivement 9 et 13 inscriptions ( J.M Abgrall, Inscriptions gravées sur les églises et monuments du Finistère, BSAF T.43 :74-75, 1916) ( H. Pérennès, Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et de Léon, BDHA 1940 pp 130-171).

   C'est dire s'ils ont déjà réalisé tout le travail, et qu'il suffit au promeneur de lever les yeux pour découvrir l'inscription, puis de se reporter à leurs publications.

   Mais ce qu'ils n'ont pu faire, c'est  rendre par leurs traductions les particularités de l'épigraphie : la forme des lettres, les abréviations, le caractère archaïque du graphisme, en un mot, tout le "grain" et la chair de ces inscriptions ; et c'est le privilège du photographe amateur de compléter humblement leur oeuvre.

 

   Commençons par un N rétrograde : depuis que je me suis mis à leur recherche après en avoir découvert mes premiers exemples à Camaret, j'en ai trouvé de très nombreux exemples sur les murs des chapelles, sans comprendre la raison de leur présence aléatoire, ou plutôt en comprenant que ce particularisme n'a pas de raison ; qu'il ne correspond pas à un usage délibéré et signifiant ; mais qu'il accompagne sans-doute le début de la diffusion de l'imprimerie et de l'écriture du français en caractères romains, lorsque les lettrés avaient reçu une formation en latin, et que les artisans ne baignaient pas, comme nous, dans un environnement de l'écriture et des lettres, mais se formaient par transmission orale. 

   Parmi les lettres de l'alphabet, certaines lettres (majuscules) ne varient pas  en les écrivant de droite à gauche : les A, H, I, M, O, T, U, V, W, X. 

   D'autres possèdent une forme qui permet à un artisan mal assuré de retrouver dans quel sens il doit les écrire en utilisant son bon sens : en orientant leur partie ronde ou leur partie ouverte dans le sens de l'écriture, vers la droite. C'est le cas du B, C, D, E, F, G, K, P, R. 

   Il reste les lettres J, N, Q, S, Y, Z.  La lettre Q est fréquemment inversée en épigraphie médiévale et du XV-XVIème siècle, notamment le lettre "q" en minuscule comme un "p" rétrograde. Les inversions de S, de N, et de Z sont également fréquentes ; quand au J, il est souvent transcrit par un I.

   Ce raisonnement me conduit à penser que ces lettres rétrogrades ne correspondent qu'à une difficulté d'apprentissage de l'écriture dans les "nouveaux" caractères d'imprimerie dits "humanistes" créés par Garamont et Manuce, les "garaldes" au milieu du XVIème siècle, pendant la période de transition entre anciens caractères gothiques manuscrits ou des incunables et "nouvelle écriture". Une étude plus systématique de la chronologie de cette inversion des lettres serait nécessaire, mais la grande majorité des travaux d'épigraphie corrigent l'inversion sans la signaler, comme ils "corrigent" le V en U.

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   L'inscription se trouve sur un cartouche de la façade du clocher, au dessus du porche ouest et de  la statue de Saint Thurien (ou Thuriau):

 

 

DSCN1071c

 

inscriptions 3598c

 

 

    Jean-Marie Abgrall la cite ainsi : M. YVES : CVZON . F . DE . KEIACOB  .

  Henri Pérennès la donne comme : M . YVES : CVZON . F . DE . KERIACOB.

 On voit que sans données photographiques, on ne peut se fier aveuglément aux épigraphistes chevronnés, en matière de ponctuation ou d'exactitude littérale, puisque le deux points n'est pas correctement placé, que le nom KIACOB est corrigé et complété au lieu d'être transcrit littéralement, puis interprété.

  Je lis : M : YVES : CVZON : P. DE : KIACOB (avec le N de CVZON rétrograde)

  Je traduis :  Messire YVES CUZON P. DE KERJACOB.

  L'inscription est faite de lettres capitales sans empattement, épaisses, régulières, harmonieuses, la ponctuation se fait par des points ronds, le support est une pierre de grain fin (granit ?) taillée en en une croix rectangulaire dont la forme est soulignée par un encadrement épais. L'ensemble est élégant.

   Grâce aux généalogistes (notamment le forum Généalogistes du Finistère), nous pouvons retrouver un Yves Cuzon, né ca 1585, époux de Jeanne Provost (déces 1654) et père de Catherine Cuzon (1617-1672), décédée à Kerjacob, Plogonnec. 

    Kerjacob est une ferme de Plogonnec ; il existe aujourd'hui une route de Kerjacob bihan et une route de Kerjacob bras ( petit et grand); les textes antérieurs mentionnent un Kerjacob uhella et izella (du haut et du bas). Pierre Raoul était seigneur de Kerjacob en 1544.

   Je pourrais proposer pour l'initiale P. qui précède ce nom de lieu : Propriétaire de Kerjacob ? ?

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  En restant sur le clocher, nous trouvons encore :

inscriptions 3307c

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  Version J.M. Abgrall : H. LE . PORHEL : E:R . GVENN . FF . 1657.

 Pour H. Pérennès :      H. LE  PORHEL : E : R : GVENN : F.F. 1657

Je lis :                        H. LE PORHIEL ET R. GVENN FF  1667 ou 1657

Je traduis                    H. Le PORHIEL et R. GUENN Fabriciens 1667

  Si la pierre semble ce granit homogène à grain fin de l'inscription précédente, et si sa taille rectangulaire ornée de deux demi-cercles aux extrémités est soignée, par contre la calligraphie n'a pas de charme, pour être trop fine, trop mécanique peut-être, presque administrative ; est-ce qu'elle est tracée en creux, plutôt qu'en ronde-bosse comme la précédente? J'aime néanmoins la hampe du second "R", et l'ambiguïté du troisième chiffre, un six bien conforme au style générale, ou un 5 anguleux, archaïque, qu'on attendrait plutôt cent ans plus tôt.

  S'il est possible de retrouver un Hervé Le Porhiel, décédé le 6 août 1669 à Keroriou, Plogonnec, époux de Catherine Le Guellec, je n'ai pas retrouvé de sieur H. Guenn, et ce patronyme  n'est pas retrouvé non plus.

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  Sur la tourelle nord, nous trouvons :

inscriptions 3316c

   Cette inscription presque trop lisible ( refaite?) indique:

- pour J.M Abgrall : D. CHARLES . KRIOV. PRESTRE

- Pur H. Pérennès :  D : CHARLES : KRIOV  PBRE

- Je lis :                 D CHARLES KRIOV PB'RE

- Je traduis  :          Discret Charles Kerriou, prêtre

  La pierre semble encore la même, d'un grain sombre et dense, taillée en simple rectangle soulignée d'un encadrement, et les lettres capitales droites, sans empattement pour la plupart, sont suffisamment épaisses pour être bien proportionnées. On admire un A avec traverse chevronnée. Mais la disposition des mots est maladroite, laissant cet espace vide à gauche des lignes inférieures.

  Henri Pérennès donne dans sa publication, parmi les prêtres et curés, Charles Kerriou, 1620-1639 et 1658, et précise qu'il signe plusieurs fois en 1639 "prêtre indigne".

  Dans cette inscription, le dernier mot est énigmatique, puisqu'il ne correspond pas à "prêtre" en raison de la lettre "B". L'apostrophe abréviative au dessus du "R" est nette, mais je ne la comprends pas.

 

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  Sur la façade sud du clocher, au bas de la tourelle:

 

 

   inscriptions 3601c

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 - J.M. Abgrall : JACQ : ET . FRANC . LE . DOARE . DE . BOTEFELEC . FF . 1688

- H. Pérennès : JACQ : ET : FRANC : LE : DOARE : DE : BOTEFELLEC : FF : 1658

-Je lis :

IACQS  ET FRAN:

LE DOARE DE

BOTEFELEC FF.

1638

avec un Q en forme de P rétrograde.

- Je traduis : JACQUES ET FRANCOIS LE DOARE DE BOTEFELEC FABRICIENS 1638.

  Taillé sur une pierre d'angle de la tourelle, le support est de forme rectangulaire simple mais souligné d'un encadrement  qui prend une forme plus complexe pour centrer élégamment la date dans le registre inférieur. Les détails notables de la calligraphie sont le I perlé de IACQ et le 1 de 1638 tracé comme un I perlé ( une lettre perlée est centrée par une perle, un point rond) ; Les deux derniers chiffres de la date  (38, 58 ou 88) sont joliment tracés pour que la partie supérieure vienne épouser la rectitude de la ligne d'écriture sus-jacente. Mais surtout, étonnamment méconnu de nos deux chanoines, il faut remarquer la présence du point-virgule après IACQ , ponctuation que je rencontre pour la première fois en lapidaire dans ma minuscule expérience.

   Je m'étonne aussi des difficultés de transcription des deux passionnés d'archéologie, dont les deux relevés diffèrent, ce qui prouve que Pérennès ne s'est pas contenté de copier Abgrall, et il corrige celui-ci qui avait attribuer deux L à BOTEFELEC ; mais les deux copistes voient un C venir compléter le FRAN, les deux lisent différemment la date, et la ponctuation des deux relevés est parfaitement erronée.

    La généalogie d'André Chatalic, en ligne, indique un François Le Doaré Sosa 7928, né le 22 mars 1605 et décédé le 01 mars 1672 à Botéfelec : il a épousé Jacquette Le Guillou dont il eut un fils, Jacques Le Doaré, né le 05 novembre 1634 à Plogonnec, décédé le 24 mars 1696 à Plogonnec, époux de Marie Seznec.

  Selon ces données, qui semble bien concerner nos fabriciens, la date de 1658 semble la seule plausible, donnant raison à Pérennès.

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  Toujours sur la façade sud du clocher, au dessus de la précédente inscription, on trouve :

inscriptions 3602c

  

- Pour    J.M Abgrall : M . LE . HENAFF . F _ GVILL . LE . HENAF E . Y . GVEZENEC .  F . 1660

- Selon H. Pérennès : M . LE . HENAFF . E. GVILL . LE HENAFF . E . Y . GVEZENNEG . F . 1660

- Je lis : (M) LE HENAFF : GVIL LE : HENAF ET : Y : GVEZENEC : F : F : 1660

- Je traduis : M. LE HENAFF : GUIL(LAUME) LE HENAFF ET Y(VES) : GUEZENEC FABRICIENS 1660.

  L'inscription est tracée en lettres capitales hormis le Y , creusées dans le support rectangulaire à la bordure sculptée.

   Les enquêtes généalogiques indiquent Yves Guezennec (v. 1595-10.07.1651), père de Barbe Guézennec ( 10.05.1620-06.06.1689), laquelle épouse Guillaume Le Hénaff, cultivateur, ( 02.02.1622-11. 12.1670), tous nés et décédés à Plogonnec.

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Restons, comme Fabrice dans la tour Farnèse, dans le clocher pour y donner cours à nos pulsions scopiques : "Dans cette solitude aérienne, on est ici à mille lieues au dessus des petitesses et des méchancetés" (Stendhal, La Chartreuse de Parme). Nous sommes ici sur la galerie :

 

 inscriptions 4459c

 

 - J.M Abgrall : BERNARD. AMER : GVILL . OPIC . 1661

- H. Pérennès : BERNARD : MENGUY : CORNIC : F : 1661

- Je lis : (J) : BERNARD': KAMER'. GVIL CORNIC F : F  1661

- Je traduis : (JEAN) : BERNARD KERAMER GUILLAUME CORNIC FABRICIENS 1661.

L'inscription en deux blocs insérés dans la construction de la galerie, sans encadrement, est faite de lettres capitales en plein, et de chiffres en creux. A noter les lettres conjointes ME.

  Keramer est le nom d'une ferme et/ou un toponyme de Plogonnec, longtemps habité par une famille Bernard. Il est attesté comme Keramer sur la carte Cassini de 1750, ou necore comme  "village de Keramer", et est devenu actuellement le Lotissement de Keramel, englobé dans le bourg.

  Jean Bernard : né le 18 août 1628 à Plogonnec, décédé le 19 septembre 1684 à Keramer.

Époux de Jeanne Douellou (dcd 1690) dont il eut un fils, Guillaume Bernard (1666-1710 à Keramer) qui épouse en 1689...Marie Cornic.

  Guillaume Cornic ( dcd 01-02-1683 à Plogonnec bourg) eut avec Françoise Pezron un fils, Jean Cornic.

Jean Cornic (16 avril 1647-18 octobre 1688) eut de son mariage avec Catherine Le Grand une fille, Marie Cornic : née le 07 février 1669 et décédée le 16 septembre 1744 à Keramer, Plogonnec.

  On en conclut que les deux fabriciens Jean Bernard et Guillaume Cornic étaient de familles alliées, ce qui se conclue par le mariage du fils de l'un  (Guillaume Bernard) avec la petite fille de l'autre,( Marie Cornic).

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Mes remerciement à Guy Kerrien qui m'a transmis les 2 photographies suivantes et orienté vers le couple Jean Nihouarn/Jeanne Le Goff.

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On trouve encore, sur le linteau de la chambre des cloches, l'inscription :

 I : NIHOVARN : DE : KGANABHE

 FABRIQ : ET : I : NIHOVARN : F.

                     1659.

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La transcription donne : "I. Nihouarn de Kerganabhe fabricien et I. Nihouarn Fabricien l'an 1659".

Les généalogistes identifient ici Jean (Iañ) Nihouarn (1621-1676) domicilié à Kerganapé comme cela est précisé sur l'acte de décès. Il avait épousé Jeanne Le Goff (1626-1706), elle aussi décédée à Kerganapé. Son père Jean Nihouarn dit "Le Vieil" (Kerganapé v. 1590-1650) était décédé à la date de cette inscription.

Ce couple eut 6 enfants entre 1649 (date probable de leur mariage) et 1662 : Vincent, Jean, Yves, Pierre, René et Louise. 

Le second fabricien, homonyme du premier,  pourrait être Jean (1651-1666), fils de Jean,  marié le 23 novembre 1665 (à 14 ans !) avec Marie PEZRON.

Son frère Yves (1654-1722) était maréchal ferrand ; il eut comme parrain de naissance et de mariage  son oncle messire Yves Le Nihouarn, prêtre. Il décéda également à Kerganapé.

Le fils d'Yves (le maréchal ferrand) Jean Nihouarn (1676-1744) est né et décédé à Kerganapé : son oncle Jean Nihouarn le plus âgé (1621-1676) est témoin de sa naissance. Il sera maréchale [ferrand], enseigne et greffier de Plogonnec, épousera Marie Seznec puis Marie Le Grand et décèdera à Kerganapé.

https://gw.geneanet.org/ckerjosse?lang=fr&pz=claude&nz=kerjosse&p=jean&n=nihouarn&oc=13

Kerganapé est un lieu-dit à 1 km  au sud-est du bourg. La carte de Cassini le mentionne avec la graphie Kerganappe. À une altitude de  110m, il domine le vallon d'un ruisseau qui ira se jeter dans le Steïr. Les cartes montrent cinq ou six bâtiments.

Le ruisseau porte le nom de Kerganape, et celui-ci alimentait, 2 km en aval,  le moulin de Meil Butel, à turbine horizontale (roue pirouette, à godets), présent à la fin du XVIIIe (Cassini) et reconstruit en 1869 (date inscrite sur la porte).

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Selon Albert Deshayes, Nihouarn  trouve son origine en saint Ehouarne (Euhoiarn, Ehuarn), ermite du XI e siècle et disciple de saint Félix de Rhuys. Voir Lanyhorn en Cornwall et Lanniouarn en Plouarzel. Le nom devient Yhouarn en 1477 à Plouzané, et, par agglutination, Nihouarn et Nivouarn. Il se décompose en eu- et -huarn, "fer".

Le toponyme Kerganapé (ou Kerganabhe selon la graphie de l'inscription) est  étudié par A. Deshayes, cette fois dans son Dictionnaire des noms de lieux bretons, à la page 143 . Après le préfixe ker- "hameau, habitation", on s'attend à trouver un nom de personne, mais c'est un  qualificatif de plante cultivé qui est présent, celui de Kanab "chanvre". On trouve ainsi Kerganaban en Édern, (Kercanaben en 1611), ou Kerganabren en Milizac, (Kercanaben en 1687), et Kercanaben en 1495 en Plourin-Ploudalmézeau.

À Plounéour-Lanvern, un lieu-dit Canapé correspond à un ancien rouissoir de chanvre (poull-kanab).

À Goulien (Cap Sizun), un toponyme Gouar Kanape est commenté ainsi par l'OFIS : "Nom composé de Gouar, forme locale d'un terme qui veut dire "ruisseau" (Voir Ar C'houar Gozh pour le sens détaillé de ce terme). Le déterminant est un nom à part entière, Kanape (qui figure dans le nom d'une pointe côtière et d'une crique), toponyme que l'on trouve ailleurs en Bretagne. On s'accorde généralement à dire que ce nom est une altération de Kanabeg, "chanvrière" (de Kanab, "chanvre" et du suffixe -eg, qui en marque l'abondance en l'endroit). Le chanvre était couramment cultivé autrefois et, en plus de l'habillement, était utilisé à des fins industrielles pour la voilerie et la corderie."

 

Kanab  a formé kanabeg "chenevière" dans Ganabroc en Landéda, et ... dans Kerganapé en Plogonnec, id. en 1657. L' ancien suffixe -eg, qui marque une collection d'une même nature (cf. balaneg, maeneg, kelenneg...).

On trouve aussi dans les actes paroissiaux la graphie Kerganeppé et Kerganappé.

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Donc ce lieu-dit désigne une chenevière. Pour les paysans bretons, le chanvre est  la plante que chaque agriculteur peut semer, récolter et utiliser pour ses besoins propres (vêtements, cordes). Le chanvre y est donc omniprésent mais en petites quantités, souvent à proximité de la maison. On le fait rouir et on le tisse . L'abbé Favé écrivait en 1895 (Bull. SAF. p. 36) que "à proximité de Quimper, on voyait à proximité des maisons beaucoup de chenevières liors ar c'hanab des courtils de chanvre. Comme en Basse-Normandie chaque maison pauvre ou riche avait son clos à chenevière." Le chanvre est la matière de l'habillement en en particulier du berlinge.

Mais si on poursuit la lecture de l'article de l'abbé Favé, ses Notes sur l'aspect extérieur d'une ferme cornouaillaise 1635-1789, on est ému de trouver mention d'un Jean Nihouarn qui, selon des actes de 1737, vivait à Kerganappé et y possédait une forge :

 

"Il y avait généralement dans les fermes de quelqu'importance «  un établi de charpentier » avec les outils les plus usuels de ce métier ; et parfois une forge particulière, comme nous l'avons vu par l'acte de démission de Jean NIHOUARN de Kerganappé, en Plogonnec, qui fait condition de pouvoir travailler à la forge du village, à sa convenance et quand il le voudra ".

 .

Les études des pollens (L. Gaudin) indiquent ceci :

"Durant le Moyen-Age, la culture du chanvre va se faire plus fréquente (les occurrences de Cannabis/Humulus sont identifiées dans 50 à 70% des études de palynologie). [les pollens de chanvre ne sont pas distinguables de ceux du houblon].Elle atteint un maximum à l’époque moderne avec des occurrences dans 80% des études. Contrairement au lin, le chanvre est moins exigeant en qualité des sols. Il est donc repéré sur l’ensemble du Massif armoricain . Le XVIe siècle est l’âge d’or des toiles de chanvre : plus grossières mais plus solides que les toiles de lin, elles servent à fabriquer des sacs pour emballer les marchandises et des voiles de bateaux. Elles sont tissées surtout en Haute-Bretagne (notamment autour de Vitré) et à l’autre extrémité de la péninsule à Locronan (Tanguy et Lagree, 2002). Le chanvre est cultivé dans les zones humides telles que les zones alluviales."

Enfin, il était intéressant d'interroger la microtoponymie telle qu'elle apparaitrait sur le cadastre napoléonien. Les noms font-ils allusion au chanvre et à son travail autour du vallon ? Trouve-t-on des Poull Kanab (= “mare à rouir le chanvre ”) et des Kanab-eg (= “chenevière ) ?

Guy Kerrien y a jeté un coup d'œil : 

"Je me suis penché sur le cadastre de 1830 et le relevé des propriétés : à Kerganapé, Kernévez, Kerjoré, Kergaradec, Kerantous, Kervotret, Kerléan il y a bien des courtils nommés "Liors canap". Je ne suis pas allé au-delà de la section B, mais je pense que cela suffit à montrer l'importance de la culture et du travail du chanvre à Plogonnec, jusqu'à nommer un village en son honneur. La proximité de très nombreux ruisseaux a certainement permis de développer cette activité."

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Cadastre de 1830.

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Voir 

F. Falc’hun, Une enquête toponymique en Bretagne celtique : le cadastre de la Basse-Bretagne Revue internationale d'onomastique  Année 1948  2-3-4  pp. 161-173 https://www.persee.fr/docAsPDF/rio_0995-872x_1948_num_2_3_1053.pdf

Voir les feuilles du cadastre : Section  B4 de Saint-Eloy . Tableau indicatif des propriétés foncières /P/03P/3P170. Voir les parcelles 1199-1200 appartenant à Yves Nihouarn.

https://recherche.archives.finistere.fr/viewer/viewer/medias/collections/P/03P/3P170/FRAD029_3P170_01_08.jpg

https://recherche.archives.finistere.fr/document/FRAD029_00000003P#tt2-186

 

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Photographie Guy Kerrien, février 2021.

Photographie Guy Kerrien, février 2021.

Photographie Guy Kerrien, février 2021.

Photographie Guy Kerrien, février 2021.

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 Descendons du clocher pour entrer par le porche sud : au dessus du porche se trouve un cadran solaire daté de 1807 avec l'inscription IEAN LE GRAND. Nous avons vu que c'était là un patronyme de la paroisse avec  Catherine le Grand, épouse de Jean Cornic. 

 

inscriptions 3604c

 

  Sous ce cadran se trouve cette inscription :

 

  inscriptions 3606c

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-J.M Abgrall : H. KERNALEGVEN . FAB . 1581

-H. Pérennès  : H. KERNALEGUEN . FAB . 1581

-Je lis difficilement : H KNALEG ...A.    : 1581 

- Je traduis H. K(ER)NALEGUEN FABRICIEN : 1581.

 Je regrette l'état dégradé et envahi de lichens de cette inscription d'un bloc de granit rectangulaire à encadrement, car les lettres visibles sont pleines d'élégance, mêlant un A capitale à traverse chevronnée et doté d'un appendice droit avec un E en onciale, un L oncial , un beau K doté également d'un appendice droit et dont le jambage inférieur est prolongé et barré pour signifier l'abréviation de K(ER).

  Le patronyme Kernaleguen est attesté à Plogonnec depuis un  Joanis Kernaleguen (sd) puis Yvon Kernaleguen né le 2 avril 1612 à Plogonnec. Corentin Kernaleguen fut  recteur  de Plogonnec de 1804 à 1805. Le "H" du début de l'inscription est vraisemblablement l'initiale du prénom .

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Post-scriptum 2021 : Daniel Kernalegenn me signale qu'on trouve déjà un Kernaleguen en 1426 à Saint-Pierre : "À l'époque, la ferme s'appelait Langoueledig  mais la ferme la plus proche s'appelait, et s'appelle toujours, Kernaleguen".

Je recherche sur les cartes IGN/Cassini et je découvre, comme indiqué,  le toponyme Kernaléguen /Kervaléguen à 2,5 km à l'ouest du bourg, et au sud de la chapelle Saint-Pierre et du manoir du Névet.

Albert Deshayes indique (Dict. noms de famille bretons p.377) : "Kernaléguen (Kernaleguen 1581) attesté dans le canton de Briec et à proximité, est vraisemblablement issu de lieux-dits en Châteauneuf-du-Faou ou à Crozon ; un troisième lieu, situé à Elliant, était noté Garshalleguen en 1679. Le composant -naléguen est à lire an haleguenn, "le saule".

Une saulaie suppose un milieu humide, et effectivement, la carte d'Etat-Major situe Kernaléguen à peine au dessus d'un ruisseau coloré en bleu, et dont on suit le cours jusqu'à un étang et un moulin à sa confluence avec le Rau du Ris.

Quant au Langoueledig voisin, il renvoie, affublé d'un modeste diminutif,  à -goueled "fond, partie inférieure", issu du moyen-breton goelet "fond"  correspondant au gallois Gwaelod, "partie basse". Vraiment humide donc...

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   Il nous reste à rentre dans l'église où nous attendent deux plaques réalisées sur de belles et grandes pierres en garnit d'un grain moyen jaune-brun et gris. Elles sont trop bien conservées, trop soignées dans l'ouvrage orné de demi-globes de leurs contours et d'une calligraphie trop académique, trop livresque et ostentatoire pour qu'on ne réalise pas immédiatement que ce sont des oeuvres récentes, à la Viollet-le-Duc ; cela n'entame en rien le plaisir que procure du beau travail, et les indications gardent tout leur intérêt

 

inscriptions 5526c

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H. Pérennès a relevé : M. RENE SEZNEC RECTEUR

 Je lis également M RENE SEZNEC RECTEUR

René Seznec ( 2 mai 1641 à Plogonnec-30. 09. 1709) fut recteur à Plogonnec de 1643 à 1697. Il fut aussi recteur de Guengat. Dans l'église, H.Pérennès a pu relever sur  la niche de la statue de St Maudez  la mention M.R.SEZNEC :R: 1656. J.M. Abgrall le nomme "le bon recteur Seznec" 

inscriptions 5527c

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-H. Pérennès a relevé : Y SEZNEC KRADILY . F . LAN 1666

- Je lis :                       Y: SEZNEC : KRADILY : F : L'AN : 1656:

- Je traduis :                Y(ves) SEZNEC K(er)ADILY Fabricien l'AN 1656.

  On remarque la ponctuation par trois-points ; les lettres conjointes NE ; l'étonnant point sur le I de la date I656 ; et le joli chiffre 5, qui a induit Pérennès en erreur.

  Les généalogistes mentionnent:

- Yvon Seznec, v.1624- 20.11.1673, époux de Catherine Guilloux.

- Yves Seznec, 1609-1669, époux de Blanche Tanguy.

Le manoir de Keradily est une propriété de la famille Seznec, et Guillaume Seznec y décéda le 6 mai 1690, son fils Yves Seznec(21.02.1644-3.10.1728) étant témoin du déces. En 1845, un nouveau manoir fut édifié par Guillaume Louboutin et Marie-Jeanne Seznec avec les matériaux de l'ancienne bâtisse.

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SOURCES ET LIENS.

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—ABGRALL (Jean-Marie), 1916, , « Inscriptions gravées sur les églises et monuments du Finistère (suite) », in Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1916, 43 : 65-102.

https://societe-archeologique.du-finistere.org/bulletin_article/saf1916_0122_0159.html

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077197/f135.item.zoom#

 

"Plogonnec. - Eglise paroissiale; patron, saint Turiau.
Au dessus de la porte ouest, deux vers latins, dont le premier est un vrai tour de force, sans être du meilleur goût: .
TV. TVRIAVE . TVAM TVRRIM . TEMPLVMQVE . TVERE
NE NOCEANT ILLIS TELA TRISVLCA ._ JOVIS
« Saint Turiau , protégez votre tour et votre église,Préservez-les de la foudre (des traits à trois pointes de Jupiter. )
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Même façade:
M . YVES : CVZON . F . DE . KEIACOB
M . RENE . SEZNEC RECTEVR . 1657. C'est sans doute l'auteur des deux fameux vers latins :
H . LE PORHEL : E : R . GVENN . FF . 1657
D. CHARLES. KRIOV PRESTRE.
Porche :
H. KERNALEGVEN . FAB. 1581.
Tourelle sud du clocher :
JACQ : ET . F RAN C . LE DOARE DE BOTEFELEC . FF , 1688.
Au haut de la même tourelle :
M . LE HENAF F - GVILL . LE HENAF. E .Y . GVEZENEC . F .
1660.

Galerie, coté sud :

BERNARD. AMER : GVILL . OPIC . 1661.

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Plogonnec, in Répertoire des églises et chapelles du diocèse

https://www.diocese-quimper.fr/wp-content/uploads/2021/01/PLOGONNE.pdf

"Le clocher, de silhouette très originale, comprend une tour rectangulaire accostée de deux tourelles octogonales amorties, comme le beffroi, par un dôme à côtes. Nombreuses inscriptions sur le pignon ouest de la tour. Dans le tympan du portail, sous la statue de saint Thuriau : "I H S. M A / TV. TVRIANE. TVAM / TVRRIM. TEMPLVM. TVERE / NE. NOCEANT. ILLIS. TELA. / TRISVLCA. IOVIS AMEN."

- Dans le porche ouest : "Y:SEZNEC:KRADILY:F:LAN :1656" (côté nord) et "M.RENE SEZNEC.RECTEVR". - Sur la frise du même portail : "M. RENE. SEZNEC / RECTEVR. 1657",

- et sur le contrefort de droite : "... F. F. 1657",

- Sous la galerie : "M. YVES. CVZON. P. DE. KIACOB."

- Sur la tourelle sud : "IACQ. ET. FRAN / LE DOARE DE BOTEFELEC. F. F. 1658."

et "M. LE HENAFF. P. GVIL. LE. HENAF ET Y. GVEZENEC. F. F. 1660."

- Sur la balustrade : "Y. BERNARD. KRAVER. GVIL. CORNIC. F. F. 1661."

- Sur le linteau de la chambre des cloches : "I. NIHOVARN. DE. KGANABHE / FABRIQ. ET. I. NIHOVARN. F. 1659."

- Sur la tourelle nord : "D. CHARLES. / KRIOV / PBRE."

-Le porche sud porte, sous un cadran solaire, l'inscription : "H. KNALEGVEN. F. AN. 1581."

— PÉRENNÈS (Henri), 1940, Notice sur Plogonnec, BDHA

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Published by jean-yves cordier - dans Inscriptions Chapelles bretonnes.
14 novembre 2011 1 14 /11 /novembre /2011 12:30

                  Église de Confort-Meilars :

              la roue à carillon ou Rod ar Fortun.

 

   C'est l'une des sept roues en état de marche qui peuvent encore être admirées, toutes en Bretagne, dernier témoignage de cet instrument de musique d'origine bretonne que l'on trouve jadis très répandu dans les églises de France ou d'Europe. Une soixantaine de roue de ce type seraient répertoriées en France, en Bretagne, Savoie, Rousillons, Pyrénées Orientales, Bourgogne, ou encore en Allemagne, en Espagne ou au Portugal

  Elle mesure 1,75 m de diamètre, ce qui en fait l'une des plus grandes ( 1,10m à Locarn (22), 1m à Laniscat(22), 0,80m à Magoar, 0,60 m à Kerrien ) et porte douze clochettes.

Le visiteur, déjà satisfait d'avoir trouvé l'église ouverte, ce qui devient rare, se réjouit de découvrir, au lieu d'un rébarbatif panonceau "défense de toucher", un écriteau bienveillant qui lui donne les informations qu'il attend sur cet idiophone, mais qui l'incite aussi à l'utiliser ; il doit alors décrocher la chaîne fixée au pilier, se placer au centre d'un cercle gravé dans le dallage, et mettre en mouvement la roue, avec modération.

   Et il s'exécute, le visiteur ravi, il devient le joyeux carillonneur charmé d'entendre le doux ramage venant de la canopée ... qui ressemble au remue-ménage d'un quincaillier dans sa boutique. Je lis que les clochettes, les douze commères tintinnabulantes rassemblées comme les coups de minuit, les douze mois, les douze signes du Zodiaque ou les douze apôtres échelonnent leur timbre du do au do supérieur, sonnant respectivement le do (à 264 Hz), le do dièse, le ré, le mi bémol, le mi, le fa, le fa dièse, le sol, le sol dièse, le la (le fameux la de diapason à 440 Hz), le si bémol pour atteindre le si de 495 Hz, ce qui fait bien le compte de douze. Mais loin de reconnaître la petite mélodie qui  rappellerait à son oreille peu musicienne la comptine de son enfance "do-ré-mi-fa-sol-la-si-do-grattes-moi-la-puce-que-j'ai-dans-le-do", il ne reçoit du ciel, le touriste, qu'une pluie grinçante et rouillée de sons aigres, quoique non dénuée de ce charme des oeuvres naïves.

  Il lui reste, c'est bien le moindre, à glisser son obole dans le tronc disposé à cet effet, en faisant bien tinter les pièces.

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  Tout autour, les sculptures des sablières alternent leurs pampres sur lesquels naissent des visages, avec des faces lunaires dans lesquelles un commentateur d'autrefois reconnaissait un mandarin chinois, des Incas et un bouffon de cour, des gauchos de Colombie (?), un Mongol, un amanite, témoignant ainsi des douces divagations de l'imagination auxquelles elles nous invitent.

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   La roue de carillon était utilisée lors des offices, "durant le Gloria" selon René Couffon, ou  lors de baptêmes,des fêtes et pardons. On la nommait en breton Rod ar Fortun, la roue de Fortune.

  Elle se prêtait aussi à un usage thérapeutique. La légende dit qu'elle fut offerte en ex-voto par Alain de Rosmadec et Jeanne de Chastel, les deux donateurs du maître-vitrail et les fondateurs de l'église, après la guérison de leur enfant muet. On rapporte aussi qu'on y menait des enfants atteints de troubles de la parole, pour faire tourner les clochettes au dessus de leur tête.

 Per Jakez Helias raconte dans son Cheval d'orgueil (Paris, Plon 1975 p. 124) que chez lui, lorsqu'on obtenait pas d'amélioration de son bégaiement ou de sa difficulté d'élocution en se rendant, comme son oncle, au pardon de la chapelle de Tréminou, où il s'agissait de faire sonner le mieux possible la monnaie que l'on mettait dans le tronc, on se rendait en char à boeuf vers l'église de Confort, où le carillon sonne beaucoup plus fort que vos piécettes. " Et on raconte l'histoire de celui qui n'a jamais soufflé mot de sa vie et qui, entendant le bruit des clochettes, s'écria soudain : "sell ta !" _ "Pegemend a drouz !". "Tiens ! Quel bruit cela fait ! ".

  Suivez bien les conseils de modération pour tourner la roue, car il n'y a pas si longtemps, une mère trop exigeante pour l'élocution de son fils aîné s'était rendue si souvent et avec tant de zèle sous la roue à carillon qu'elle se désespéra de  son fiston qui était devenu un bavard plus fieffé que le tailleur du village ! Il ne lui resta plus qu'à le ramener à Confort...et d'y tourner la roue à l'envers! (d'après Charuty G, le Fil de la parole, Ethnologie Française, vol.15 n°2, 1985 , cité par David Le Breton, du Silence, Métaillé, 1997).

   L'utilisation des cloches pour libérer la parole est ancienne, et si on les sonne lors des baptêmes, c'est sans-doute pour placer l'enfant et ses cordes vocales sous les heureuses auspices de leur joyeux dynamisme.  David Le Breton (ouv. cité) a trouvé en Buffon (Histoire Naturelle, T3 Histoire de l'Homme, 1804, p. 231) le récit de cet homme d'une vingtaine d'année, fils d'un artisan de Chartres qui sourd et muet de naissance, se mit à parler en quelques mois après avoir été surpris d'entendre des cloches qui sonnaient. Jadis, on entourait le cou des enfants d'un collier de grelots dont les sonnailles devaient écarter de lui les mauvais esprits et les miasmes néfastes. Vieilles sornettes... mais que faisons nous aujourd'hui en accrochant sur le berceau et en plaçant à portée de bébé les hochets, les boites à musique et les tapis d'éveil ?


   Cela nous amène à relier cette pratique  à d'autres pratiques thérapeutiques utilisant la cloche comme procédé de guérison de la surdité ou de la mutité, notamment en Bretagne. Cela fera un lien avec la réflexion menée autour des moyens de protéger les clochers de la foudre, par production de bruits :  Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.

  Usage thérapeutique ou rituel des cloches et clochettes.


   Pestem fugo. 

On lit dans l'article Wikipédia "cloche" que son symbolisme est lié à la perception du son et à l'ouïe, par exemple en Inde où elle reflète la vibration primordiale, ou en Chine où elle est associée au bruit du tonnerre... et que le bruit des cloches a universellement un pouvoir d'exorcisme et de purification, éloignant les influences néfastes. Sur les cloches de nos clochers, une inscription a été  extrémement répandue dans tout le pays dés le XVème siècle (par exemple : Montpellier 1456) : 

                     Laudo Deum verum, plebem voco,

                     Congrego clerum, defunctos ploro,

                           Pestem fugo, festa decoro. (et parfois : Fulgura frango)

   

 " Je chante le vrai Dieu, j'appelle le peuple, je rassemble le clergé, je pleure les morts, je chasse la foudre, je célèbre les fêtes." et parfois "j'écarte la foudre".

 

I. les cloches des Saints bretons.

  Cinq clochettes dites cloches à main bretonnes, cloches préromanes ou celtiques sont conservées en Bretagne :

 - a) Celui qui visite l'église de Locronan (29) peut voir en la chapelle du Penity un objet de dinanderie en cuivre martelé, cabossé, aux rivets arrachés, à l'anse et au battant de fer, daté du XI ème siècle : c'est la Cloche de Saint Ronan, portée en procession lors de la Troménie. Comme celles qui vont suivre, elle  servait à guérir les fidèles de la surdité par imposition.

 - b) La cloche de Saint Symphorien à Paule (VIème siècle) se trouve en l'église Saint-Paule (22) mais vient de la chapelle Saint-Symphorien ruinée. Elle nous y est présentée comme renvoyant " au modèle de cloches à main primitives des îles britanniques, particulièrement d'Irlande, qui constituent un élément spécifique de la liturgie celtique du haut Moyen-Âge. Censée guérir des migraines, celle-ci attirait autrefois les malades; la cloche était alors sonnée et imposée sur la tête de chaque pèlerin."

 -  c) La cloche ou bonnet de Saint Mériadec-de-Stival à Pontivy (56) est, elle-aussi, réputée guérir les surdités, et lors du pardon de Saint Stival, elle est appliquée sur la tête des fidèles, selon une tradition du "bonnet de Saint Mériadec" attestée sur des peintures murales du XVème siècle. C'est une cloche de cuivre battu de 21 cm, classée monument historique comme les autres , et portant une inscription PIR TURFIC IS TI et le chiffre 1571. Elle est datée du XI ou XIIème siècle.

  Elle a été volée en mars 2009 dans le presbytère de la basilique Notre-Dame de la Joie, et retrouvée en août 2009.


cloche meriadec

 

d) Cloche de Saint Goulven à Goulien (Cap Sizun, 29): c'est une clochette datée du 9ème siècle (?) qui est sensée être l'une des trois cloches que Saint Goulven fit faire après qu'il eût miraculeusement transformé 3 poignées de terre en or. Mais elle n'est qu'en bronze et fonte, à pans plats, haute de 20 cm.



- e) à l'église Saint-Paul Aurélien de Saint-Pol de Léon est conservé la Cloche de Saint-Pol, si puissante pour guérir les maux de tête ou d'oreille qu'en 1629, Monseigneur Rieux dut exhorter ses chanoines à refuser l'imposition pour ne tolérer que son "auscultation". elle était utilisée initialement comme un gong, puis elle fut munie d'une bélière et suspendue dans une niche. Elle est datée du VIème siècle.

cloche st pol

   Elle serait l'une des sept cloches du roi Marc, que celui-ci utilisait pour chasser les esprits malfaisants ou l'avertir de leur approche, et que le Roi, que Pol Aurélien était venu baptiser, refusa pourtant au saint homme.  Albert le Grand nous dit que, revenu chez lui, " voicy entre les pescheurs du Comte, qui lui apportoient la teste d'un gros poisson qui avoit esté pris au rivage de l'Isle, dans laquelle on trouva la clochette dont il était question, laquelle Guythurus donna à S. Paul ; cette cloche se garde encore au Thresor de la Cathédrale de Leon, au son de laquelle on tient que plusieurs malades ont esté gyeris & un mort ressuscité."

On peut rajouter à cette liste de cloches dûment répertoriées par les Monuments Historiques la cloche de Saint Coledoc, ou Saint Ké, jadis conservée à Douarnenez, celle de Saint Cado, que Saint Gildas devait offrir au pape mais qui ne voulut sonner que dans les mains de Cado, celle de Saint Guiriec signalée par Bernard Tanguy comme venant de Perros-Guirec et conservée aux Archives des Côtes d'Armor,, celle de Saint Guénolé, transportée par les moines de Landevennec à Montreuil-sur-mer pour la protéger des invasions normandes et qui faisait des miracles, jusqu'en 1793 où elle fut détruite. Ou encore en quittant la Bretagne, on peut citer la Saüfang de fer battu de la cathédrale de Cologne, celle de Sainte Godeberthe à Noyon, celle de saint Patrick, ou bien le Casque de  Saint Grat à Vailhourles (12), dont on coiffait les aliénés pour les guérir, tout comme on faisait de la cloche de Saint Fillon dans le comté de Perth.

 

II . Les autres Roues à carillons.

   Selon l'inventaire mené par Charles Fabre (DRAC) et Eric Sutter en fevrier 2011 pour la Société Française de Campanologie, il existe encore en France 77 roues à carillons, dont sept en Bretagne, 31 dans les Pyrénées Orientales , 17 en Savoie et Haute-Savoie, 8 en Bourgogne, 4 en Auvergne. Elles répondent aux noms locaux de Rouet, rouet liturgique, de rouelle ou treizain en Savoie, de rottler ou rodella en Rousillon, mais aussi de roue de Sainte-Catherine ou de roue de Saint-Martin, cette dernière appellation justifiée à Trémouille "car elle aurait servi à couvrir les cris de Saint-Martin de Tours lors de son martyr"!

  Le nombre des clochettes apparaît très variable, car même si beaucoup en comptent 12 ou 13, le chiffre varie de 6 à 24 (à Laniscat, Morbihan).

  1) Voici, par exemple, celle de l'église Saint Hernin à Locarn (Côtes d'Armor) : elle ne compte que onze roues.

roue 6734

  Elle est placée sur le mur nord du transept, beaucoup moins haut qu'à Confort, à deux mètres cinquante peut-être, et sa facture récente vient du fait qu'elle a été confectionnée par un menuisier pour remplacer l'ancienne, trop vétuste. Ici, rien n'incite à en jouer, ...surtout pas la corde aux torons usés. On se signale pas d'usage autre que liturgique.

1') La roue de carillon de Saint-Nicolas en Priziac (56) :

  Elle comporte 7 rayons et 8 clochettes ; elle est située près de la charpente, en hauteur, le moyeu fixé dans la maçonnerie.

carillon 3226c

2) La Roue de Notre-Dame de Comfort en Berhet (Côtes-d'Armor)

  Vous ne la verrez pas, car elle a disparu, supprimée par le recteur Bricquir qui n'appréciait pas de voir son église transformée en stand de loterie, mais elle est connue car elle était associée à une statue de saint, le "Saint de la roue" ou Santic ar rod et qu'elle fonctionnait comme une roue de la chance : le Vicomte Hervé du Halgouët, auteur en 1909 d'un article Carillons d'église et roues de fortune dans la Revue de Bretagne n°41, 44-50 et 70-79 en emprunte la description à Jollivet, 1855. Ce n'était pas une roue fixée aux murs, mais  c'était l'attribut du saint dont la statue était placée à droite de l'autel. Par un mécanisme actionné de la sacristie (par le bedeau ?) Santic ar rod  semblait "faire tourner une roue presque aussi grande que lui et toute entourée de clochettes qui produisent un étourdissant carillon quand la roue est en mouvement, ce qui a lieu d'ordinaire pendant l' élévation."

   Hervé du Harcouët feint de n'y voir qu'une forme "des sonnettes ordinaires de l'autel" ..."appelées par l'harmonie des sons, à marquer la pompe de certaines cérémonies et à remémorer aux fidéles les instants les plus solennels des mystères sacrés".

   En effet, les sonnettes de choeur, ou carillons de sacristie, (à trois ou quatre timbres) intervenaient pendant les offices liturgiques, l'enfant de choeur devant marquer de deux coups distincts le moment où le célébrant étend les mains sur le calice, de trois coups celui de l'èlevation de l'hostie consacrée, de trois coups encore l'élévation du calice, de trois coups le moment où le Sanctus était entonné.

   Mais notre Vicomte sait très bien que les paroissiens de Berhet furent furieux lorsque le recteur remplaça leur Santig ar rod par une clochette, et qu'un artisan s'empressa de réaliser une copie de leur saint carillonneur. Et il sait très bien aussi que ce n'était pas uniquement lors de la messe qu'on lui demandait de sonner, et que les bretons venaient de loin interroger sa Roue ; "on payait à chaque fois deux sous"..." selon l'endroit où s'arrétait la roue, le présage était favorable ou non" ( Geistdoerfer in G. Dotin, Annales de Bretagne, 36, 1 : 136-138). D'ailleurs, Hervé du Halgoüet transmet le témoignage du recteur de La Trinité de Quéven, M. Plunian qui lui a expliqé comment les Morientais venaient en son sanctuaire "consulter la fortune par l'entremise de la roue : s'ils réussissent à la faire tourner sans arrêt, la fortune sera favorable. Si elle s'arrête brusquement la fortune sera contraire. Ils font les mêmes questions et leur donnent les mêmes significations qu'aux tables tournantes".

  A Trémouille (Auvergne) on rapporte  aussi que la Roue de Saint-Martin posséde la faculté de prédire un époux aux jeunes-filles en mal de mari : il suffit de mettre en branle la roue, d'attendre qu'elle s'arrête : si la grosse cloche s'immobilise en position haute, la mariage est assuré dans l'année.

3) du Santig ar rod au Tarabara ?

C'est sur la foi de Françoise Le Roux (Les Druides, C. Guyonvarc'h et F. Le Roux, Ouest-France, 1986, p.148) que je rapporte l'existence en Bretagne d'une sorte de crécelle "variante du carillon dit Santig ar rod" nommée Tarabara, une roue dont les clochettes auraient été remplacées par des dents qui viennent heurter un butoir et qui s'utilisait à l'église lorsque l'usage des cloches était proscrit.

4) Le Tu-pe-tu : version littéraire de Santig ar rod.

Dans son recueil de poème de 1873 Les Amours jaunes, le peu clérical et grinçant Tristan Corbière  publie Saint Tupetu de Tu-Pe-Tu, qui est présenté par le texte en prose suivant (Wikisource):


C’est au pays de Léon. – Est une petite chapelle à saint Tupetu. (En breton : D’un côté ou de l’autre.)

Une fois l’an, les croyants – fatalistes chrétiens – s’y rendent en pèlerinage, afin d’obtenir, par l’entremise du Saint, le dénoûment fatal de toute affaire nouée : la délivrance d’un malade tenace ou d’une vache pleine ; ou, tout au moins, quelque signe de l’avenir : tel que c’est écrit là-haut. – Puisque cela doit être, autant que cela soit de suite... d’un côté ou de l’autre – Tu-pe-tu.

L’oracle fonctionne pendant la grand’messe : l’officiant fait faire, pour chacun, un tour à la Roulette-de-chance, grand cercle en bois fixé à la voûte et manœuvré par une longue corde que Tupetu tient lui-même dans sa main de granit. La roue, garnie de clochettes, tourne en carillonnant ; son point d’arrêt présage l’arrêt du destin : – D’un côté ou de l’autre.

Et chacun s’en va comme il est venu, quitte à revenir l’an prochain... Tu-pe-tu finit fatalement par avoir son effet.

Puis débute la poésie : 


Il est, dans la vieille Armorique,
Un saint – des saints le plus pointu –
Pointu comme un clocher gothique
Et comme son nom : Tupetu.

[...]

 

Il tient sa Roulette-de-chance
Qu’il vous fait aller pour cinq sous ;
Ça dit bien, mieux qu’une balance,
Si l’on est dessus ou dessous.

C’est la roulette sans pareille,
Et les grelots qui sont parmi
Vont, là-haut, chatouiller l’oreille
Du coquin de Sort endormi.

 


Sonnette de la Providence,
Et serinette du Destin ;
Carillon faux, mais argentin ;
Grelottière de l’Espérance...

Tu-pe-tu – D’un bord ou de l’autre !
Tu-pe-tu – Banco – Quitte-ou-tout !
Juge-de-paix sans patenôtre...
Tupetu, saint valet d’atout !

 

 

       Chacun a dénoncé là un saint imaginaire, caricature anticléricale et antireligieuse dénonçant les superstitions, mais l'allitération en T rappelle l'inscription de Plogonnec à saint Thuriau et donc le bruit de crécelle de la roue qui tourne en éloignant les mauvais esprits, alors que ce Saint Tupetu n'est pas si éloigné du Santig ar rod qui lui a, très certainement, servi de modèle.

  La traduction de Tu-pe-tu par "d'un coté ou de l'autre" me semble plus parlante si on la complète par "pile ou face".

  Sur le bâti de la roue de carillon peinte de Saint-Nicolas de Pélerm (22), deux têtes ont été fixées de part et d'autre du moyeu, qui me semblent représenter les deux faces de la Fortune.

5) La dénomination de Roue de Fortune.

  Elle est signalée dans quatre communes des Côtes d'Armor dans l'inventaire de Charles Fabre et Eric Sutter, qui ne mentionne pas le terme breton de Rod ar fortun.

  Cette appelation est différente de celle de Roue de la Fortune, et elle se réfère à un théme iconographique où elle est une allégorie du destin, du sort, du cours de la vie qui mène indifférement les riches ou les pauvres, après la culmination de leur existence, vers la mort.

  Le pavement du Duomo de Sienne en offre une représentation superbe.

 La dizième carte du Tarot de Marseille lui est consacrée.

6) Les roues de carillon : une paramusique ?

   J'ai traité des trois fonctions de ces roues à carillon, variables selon les paroisses :

- usage liturgique

      - Lors de la messe comme une sonnette de choeur.

      - Lors des célébrations festives : baptèmes, mariages, pardons.

      - Lors des périodes où les cloches sont proscrites.

- usage thérapeutique :

       - essentiellement contre les problémes de mutité et troubles du langage.

- usage de prédiction (Roue de Fortune).

   Néanmoins, on peut voir un quatrième usage, comme instrument de "paramusique"  car il faut bien parler du son produit par ces "idiophones", puisque c'est bien l'élément caractéristique de ces instruments de produire des sons peu musicaux, non mélodiques, produits par des clochettes de facture grossière très différentes des clairs carillons des enfants de choeur ou des sonneries des campaniles.   Il n'est pas indifférent de constater que, dans de nombreuses paroisses, elles étaient utilisées à la place des sonnettes de sacristie pendant les trois jours de la Semaine Sainte où les cloches sont proscrites.

  J'emprunte le terme à Claudie Marcel-Dubois ( La Charivari, actes de la table-ronde d'avril 1977) : "par le terme paramusique, on désignera les phénomènes sonores organisés volontairement _notamment en temps rituel_ et se situant à la frontiére du son musical et du signal bruit".

  Sous la plume de Brigitte Alzieu, (Val d'Isère jadis et naguère) je trouve cette description de l'utilisation du "treizain" ou roue à carillon de Val d'Isère : 

   " ...puis arrive la Semaine Sainte, suivie de la grande fête de Paques. Lors des offices précédant le dimanche, les cloches sont muettes. On sonne alors le treizain, cette roue à treize clochettes placée dans le choeur. Pour l'office des Ténèbres, les enfants apportent des crécelles (krezin) et des cornes de bouc. A la fin des psaumes, ils sont autorisés à user de leurs instruments bruyamment. Ce brouhaha rapellerait le tremblement de terre et le tonnerre qui suivirent la mort du Christ et servirait aussi à expulser les démons. Pour une fois que l'on peut faire du bruit à l'église, les enfants ne s'en privent pas."

   Je souligne l'expression "faire du bruit" : se différenciant de la musique, une production sonore particulière est destinée à produire un vacarme, un tintamarre, un tapage, basé sur le martellement de casseroles, le bris de marmites en terre, le son de conques, l'utilisation de racloirs et claquoirs , crécelles, hochets, (de rhombes dans les sociétés primitives), les détonations de pétard, coups de fusils, fusées, canons, dans un beau chahut qui marque à la fois toute situation de transition exposant aux dangers de déstructuration d'un groupe et toute situation d'écart par rapport à la norme : Nouvel-An, Carnaval, mariage, déces, orage, épidémie,charivari, etc...

  Cela rejoint la grande peur médièvale  de l'irruption, lors de ces failles du calendrier ou des conditions atmosphériques, du Diable et de ses démons, de fantômes ou de chassaurs maudits, eux-mêmes accompagnés de vacarme terrifiant, comme dans les récits de la Mesnie Hellequin et autres Chasse Annequin, et on trouve dans le Roman de Fauvel la description de la charette de Hellequin et de ses roues à cliquet (Citation par Claude Lecouteux):

     Et dans le chariot se trouvait

     Un engin de roues de charettes

     Très fortes, raides et très bien faites,

     Et au tournis qu'elles faisaient

     Six barres de fer entre-heurtaient

     Qui au moyeu étaient cloutées

     Et bien attachées : Écoutez !

     Si grand bruit et si variable,

     Si laid et si épouvantable,

     Au choc qu'elles faisaient sonner

     Qu'on n'eût pas ouï Dieu tonner.


   En Allemagne, Autriche et Suisse, durant la Semaine Sainte,les enfants parcourent les rues avec des crécelles nommées Ratsche ou Rätschen ; mais dans le clocher de la cathèdrale de Rottenburger, 

http://www.domglocken.de/raetschen/index.html

deux machines à cliquet servent à émettre une paramusique propre à témoigner du séisme que représente la mort du Christ, et illustrent l'Évangile de Matthieu, 27, 50-54 :

        Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l'esprit.

        Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent,

        Les sépulcres s'ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent.

        Étant sortis des sépulcres, aprés la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville, et apparurent à un grand nombre de personnes.

        Le centenier et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre et ce qui venait d'arriver, furent saisis d'une grande peur.


 

  En conclusion, ces Roues de carillon sont précieuses et fascinantes par leur polysémie inextricable, par leur part de mystère, et par le monde merveilleux ou grinçant qu'elles entrouvrent pour nous.

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Published by jean-yves cordier
13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 20:59

Petite épigraphie des chapelles et églises du Finistère


                      Le vitrail de la Résurrection

     de l' église Notre-Dame de Confort à Confort-Meilars.

 

  C'est une baie de deux lancettes, où ont été rassemblés des panneaux anciens (XVIème siècle) au sein d'une verrerie colorée contemporaine. Nous l'examinerons selon le sens conventionnel de lecture d'un vitrail de bas en haut et de gauche à droite :

1. Le vitrail dans son ensemble :

ressurection 5168c

ressurection 5136c

 

2. Deux personnages. 

ressurection 4885c

  

Qui sont-ils ? Les Pèlerins d'Emmaüs ? Des disciples assistant à la transfiguration? Ils paraissent assister à une scène admirable. Combien sont-ils? Deux, mais on compte cinq mains, une manche rouge, une bleue, deux vertes et un bras nu ( connaissez-vous lestagasode, ces paravents japonais intitulés "à qui sont ces manches" ?).

Même si tu prends un autre oreiller
Pour reposer ta tête
Garde-toi bien d'oublier
Le souvenir du clair de lune
Qui tombait sur cette manche trempée de nos larmes. (Teika)

  Sur le col des personnages je lis : EVPCM LOB / NDV MP / PNO /N avec les N rétrogrades qui ont le mérite de créer un point commun à tous les vitraux de l'église.

3. La Vierge.

ressurection 3454c


  Ce panneau est la continuité de celui du dessus. On y voit Marie couronnée par deux anges, alors qu'un phylactère se déroule sur lequel on lit CELI : LETARE : A.

   Ces sont les mots  d'une antienne mariale qui est souvent attribuée aux anges sur diverses sculptures, peintures, ou sur des cloches qui sont censées sonner à l'unisson des anges. Le chant est mentionné dans le Mystère de la Résurrection, Angers, 1456.

  Les paroles latines sont REGINA CELI LETARE ALLELUIA, et le cantique est le suivant :

            Regina caeli laetare Alleluia, 

            Quia quem meruisti portare alleluia,

             Resurrexit sicut dixit Alleluia    Et après l'Ascension : Jam ascendit sicut dixit

             Ora pro nobis deum Alleluia.

          V : Gaude et laetare, Virgo Maria Alleluia

          R : Quia surrexit Dominus vere Alleluia

   "Reine du ciel réjouissez-vous alleluia, car celui que vous avez mérité de porter dans votre sein est ressuscité comme il l'avait dit, Priez Dieu pour nous. Soyez dans la joie et l'allégresse Vierge Marie Alleluia, car le seigneur est vraiment ressuscité Alleluia."

      C'est l'un des quatre hymnes à Marie avec le Salve regina, l'Ave Maria et l'Alma Redemptoris Mater, et il témoigne de la joie glorieuse de la mère du Christ après la résurrection de son Fils : il a donc toute sa place dans ce vitrail intitulé LA RESURRECTION DE NO (avec toujours le N rétrogrades), que l'on peut lire comme La Résurrection de Notre Seigneur).  Cette antienne est chantée du matin de Pâques jusqu'au dimanche de la Trinité.

 

4. Le Christ ressuscité.

ressurection 4887c

Le Christ sort du tombeau, vêtu du manteau rouge du supplice, et marqué des cinq stigmates de sa Passion. Sa main droite, qui porte une bague comme un évêque, fait le geste de bénédiction, tandis que de la main gauche, il tient ce qui était l'instrument de sa crucifixion et qui est désormais l'étendard derrière lequel ses disciples marcheront. Chez Pierro della Francesca, ( La Resurrezione, Sansepolcro, 1463), le Christ tient une bannière blanche ornée d'une croix rouge, et les quatre soldats sont endormis. Ici, trois des gardes sommeillent, mais un quatrième a été réveillé et détourne le regard , ébloui et terrorisé.

  Dans le retable de la Passion de Caspar Isenmann (v.1465), le geste de bénédiction et la croix sont identiques à ceux de ce vitrail.

   Dans le Finistère, à La Roche-Maurice, le vitrail attribué à Le Sodec montre un Christ très proche de celui-ci par la date :

 

       La Roche-Maurice, Vitrail de la Passion, 1539

 vitraux-3693.jpg

5. Le soufflet : ange servant des fruits.

Un ange couronné sert sur une table une coupe de fruit et verse à boire.

  

ressurection 3340c

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Published by jean-yves cordier
13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 18:02

Petite épigraphie des églises et chapelles du Finistère :

      Les vitraux latéraux de l'église Notre-Dame de Confort                          à Confort-Meilars :

 

 

  Outre la vitre-maîtresse de l'église consacrée à l'Arbre de Jessé, Notre-Dame de Confort est dotée de deux vitraux du XVIème siècle situés à gauche de la nef. L'un, dit de la Résurrection, est incomplet et n'offre que 3 panneaux parmi des ensembles de verres colorés contemporains, l'autre est plus homogène et se consacre à des scènes de la Sainte Famille.

    I LE VITRAIL DES SCÉNES DE LA SAINTE FAMILLE.

 

 

DSCN1377

  Daté des années 1540 par l'inventaire régional, et de 1554 par une inscription, il se compose de deux registres, le registre inférieur représentant Jésus parmi les docteurs, et le registre supérieur consacré à la Sainte Famille dans l'atelier de Nazareth. L'ensemble est surmonté d'un soufflet de trois panneaux.


1°) Registre inférieur : Jésus parmi les docteurs.

 

vie-de-jesus 4894

 

  C'est la représentation du passage de l' Évangile de Luc, 2 :

  Luc, 2, 41-50 :

   "Ses parents se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Paque. Et lorsqu'il eut douze ans, ils y montèrent, comme c'était la coutume pour la fête. Une fois les jours écoulés, alors qu'ils s'en retournaient, l'enfant Jésus resta à Jérusalem à l'insu de ses parents. Le croyant dans la caravane, ils firent une journée de chemin, puis ils se mirent à le rechercher parmi les parents et connaissances. Ne l'ayant pas trouvé, ils revinrent, toujours à sa recherche, à Jérusalem.

  Et il advint, au bout de trois jours, qu'ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Et tout ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses. A sa vue, ils furent saisis d'émotion, et sa mère lui dit : "Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés." Et il leur dit : Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon père ?" Mais eux ne comprirent pas ce qu'il venait de leur dire."

 

  Cette scène est un thème iconographique fréquent, permettant de traiter du thème de la précocité du Fils de Dieu, d'opposer les valeurs à leur contraire (Vieillesse/jeunesse, érudition ancienne/ nouvelle science), d'illustrer la révolution et la contestation dans l'interprétation des textes qui s'annonce entre les Pharisiens et Jésus, mais aussi de montrer la première manifestation de la vie publique de Jésus et le désarroi de ses parents ou l'angoisse de Marie qui présent les dangers auxquels son fils s'expose, et qui présent le sacrifice final.

  Il a été magnifiquement traité par Albert Dürer en 1506 (Madrid):


   Cdurer-Jesus-et-les-docteurs.jpg

Mais beaucoup d'autres artistes l'on traités, comme Giotto, Simon Bening, G. Pretti, Rembrand, Véronèse... De même, on le retrouve dans les vitraux de la Collégiale Sainte Waudru de Mons (XVIè), de l'église Saint Grevais de Paris (1607), de la cathédrale Saint Etinne de Chalons en Champagne, de l'église Saint Denis de l'Estrée à Saint Denis, de la cathédrale Notre-Dame de Laons, de l'église Saint-Pierre de Dreux ou de l'église adventice de Neuilly-sur-Seine.

 a) les panneaux inférieurs :

vie-de-jesus 4755c

 

  Ces deux  panneaux nous montrent un titulus portant la date 1554, et un autre avec l'inscription IHANFIOC FABRIQUE qui est compris par Barrié et Quillivic comme JEAN FLOCH, FABRIQUE. On note le N rétrograde qui montre une unité avec le vitrail axial de l'Arbre de Jessé., et la forme du H que l'on retrouve également sur celui-ci.

  Je note deux détails :

 -la bourse verte à franges contenant un objet dont le manche a la forme d'une croix ; faut-il y voir une allusion au destin de Jésus qui se prépare ?

 - les trois livres à fermoirs dont deux sont à terre, alors que dans la partie supèrieure aucun livre ne sera visible. L'un des aspects en jeu dans le thème de Jésus parmi les docteurs est d'opposer l'oralité au savoir livresque, d'annoncer le recours évangélique, aux exemples vécus ou aux paraboles opposé à la littéralité de la Loi.

  On connaît les travaux de Marcel Jousse, ce jésuite anthropologue élève de Marcel Mauss qui s'est consacré à l'anthropologie du geste et à l'oralité dans la vie courante, et dans la tradition biblique : il semble, lorsqu'on découvre ses travaux, que Jésus parmi les docteurs est une illustration parfaite de sa pensée. Rappelons que pour Jousse, notre mémoire est d' abord une mémoire corporelle , gestuelle et rythmique issue du mimétisme humain et de la "manducation de la parole", rappelons aussi qu'il a montré que la tradition orale du texte biblique, mémorisé en récitatifs rythmiques parallèles, précède le recueil écrit de cette tradition, et que s'il a pu appliquer ces arguments au texte évangélique énoncé oralement en araméen selon le "formulisme araméen" et mémorisé selon la technique du collier de perle, chaque unité de texte étant considérée comme une perle et mémorisée indépendamment avant d'être enfilé dans le collier du récit [la perle "en vérité en vérité je vous le dis" par exemple est enfilée régulièrement], il l'a appliqué également aux textes bibliques dans son article Les rabbis d'Israël, les récitatifs rythmiques parallèles, genre de la maxime, 1930.

 Quelques titres de Marcel Jousse illustrent sa réflexion:

Les formules targoumiques du Pater dans le milieu ethnique palestinien.

La manducation de la leçon dans le milieu ethnique palestinien.

Le formulisme araméen des récits évangéliques.

Mimétisme humain et style manuel,

et les travaux de Pierre Perrier et de Gabrielle Baron.

   Je serais plus concis sur ce sujet si l'image du vitrail ne devenait pas, à la lumière de ces travaux, singulièrement plus forte, illustrant comment, réveillés, rendus à leur tradition orale originelle par le talent d'orateur de Jésus, les Rabbis délaissent les livres,  se lèvent, s'animent, répondent par mimétisme aux gestes de l'enfant de 12 ans (dont la mémoire rythmique et corporelle est toute fraîche), retrouvent les balancements du corps qui doit traditionnellement accompagner la lecture,  se passionnent d'être ainsi rendus à la sève vive de leurs psaumes, de leurs cantiques, des versets connus "par coeur".

  De même, l'importance si particulière donnée, par tous les artistes qui traitent ce thème, aux mains et plus exactement aux jeux des doigts est d'habitude interprétèe à la lumière de la tradition médièvale de compter ainsi les arguments. C'est le comput digital de la mémorisation d'abord, puis de l'énumération ensuite des parties du discours que Béde le Vénérable  avait prônée dans son De loquela per gestum digitorum. Un Ars memoriae. Mais le discours scholastique des "sorbonnards", des Docteurs [ dont Rabelais se moquera dans son Pantagruel en faisant livrer à Pantagruel une dispute "par signes seulement, sans parler"] traduit mal la belle vivacité échauffée de la discussion à laquelle nous assistons, alors que notre plaisir devient plus vif si nous imaginons ces dignes docteurs de la Loi qui se mettent à parler avec leurs mains par mimétisme impérieux.

  Cette interprétation explique que cette image est dénuée de toute caricature et de tout manichéisme : ce n'est pas l'opposition paulinienne de la Loi et de la grâce, de l'Ancien Testament et du Nouveau, mais les retrouvailles, par les vieux rabbis, de l'ancrage corporel, rythmique et oral de leurs connaissances.

  Seul un des docteurs n'a pas été pris par la danse des gestes, ets resté assis et s'obstine à trouver un verset approprié.

  On peut noter que le verset 2,51 de l'évangile de Luc qui conclut la citation que j'ai donné, "Il redescendit alors avec eux et revint à Nazareth;et il leur était soumis. Et sa mère gardait fidèlement toutes ces choses dans son coeur" (Bible de Jérusalem) est parfois traduit : "et sa mère conservait toutes ces paroles dans son coeur", ce qui correspond exactement à la mémorisation par manducation et inscription rythmo-mélodique corporelle et affective dont parle Marcel Jousse.


b) les panneaux supérieurs :

vie-de-jesus 4756

  On y voit Marie et Joseph à droite, saisis par la stupeur de retrouver leur fils en pleine discussion avec les docteurs. Trois de ceux-ci sont debout, l'un est assis et consulte les textes. Un autre se dissimule derrière la cathèdre pour profiter de l'enseignement. Le jeu des mains symbolise l'animation des discussions et la primauté de Jésus et rappelle, en plus serein, l'entrelacs des mains du tableau de Dürer. Les visages sont dignes, sans aucune caricature.

  Trois inscriptions sont visibles. La plus distincte se trouve sur le galon du manteau rouge et vert, on y lit : MODICUM RE(I). La seconde est inscrite autour du col du Christ, où on lit :NOVI R/IO 

  Les deux personnage se faisant face, il est tentant de lire ces inscriptions comme  les deux termes de leur dialogue ; mais la traduction ne peut être qu' imprécise.

  Le mot latin modicum signifie " médiocre, ordinaire, raisonnable, modique", et on le trouve dans l'Ancien Testament dans Aggée, 2,7 dans l'expression adhuc unum modicum, "encore un peu de temps (et j'ébranlerai le ciel et la terre)", parole de l'Éternel. On le trouve aussi dans le Nouveau Testament en Jean 16, 16 rapportant une parole du Christ à ses disciples :modicum, et jam non videbitis me ; et iterum modicum, et videbitis me : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez", leur annonçant ainsi sa mort et sa résurrection.

  Les lettres REI peuvent , difficilement, être lues comme le pluriel de reus ( celui qui est partie prenante dans un procès ; prévenu, accusé) ou comme le pluriel de res (13 sens différents dont Les affaires, les débats, les exploits ; le pouvoir, etc...) 

  On peut supputer sur Modicum rei en proposant d'y lire le discours intérieur de l'érudit : dans peu de temps, celui-là va prendre le pouvoir... ou bientôt, nous lui ferons un procès, et il sera amené devant le Sanhédrin. Mais je ne détecte aucune trace d'animosité sur les visages, et cela ne correspond pas à ce que je viens d'écrire sur la joie corporelle et juvénile qui s'empare des docteurs.

  Du coté du Christ, Novi est le pluriel de Novum et signifie "choses nouvelles, nouveautés", ce qui se comprend très bien, Jésus étant en train de surprendre les docteurs de la loi en en renouvelant l' exégèse ; Novi peut aussi être compris en relation avec le Nouveau Testament, ou la Nouvelle religion. Mais que faire des lettres qui suivent, que je voudrais bien pouvoir lire Rei (Novi rei,des choses nouvelles) mais qui s'obstinent à se lire R/IO ?

  MODICUM et NOVI se répondent : "Encore un peu de temps" et des "choses nouvelles" vont survenir. Cette scène de Jésus parmi les docteurs est prophétique de ce qui va arriver dans la vie de Jésus et dans le cours de l'humanité. Il y aura un Avant et un Après Jésus-Christ.

  La troisième inscription se trouve sur la kippa  du rabbin que nous voyons de profil : il y est écrit : IPVLORM. Va-t-on découvrir la signature d'un Vincent de Lorme ? J'ai déjà poussé trop loin l'extravagance.


 

2°) registre supérieur : la Sainte-Famille dans l'atelier à Nazareth :

 

vie-de-jesus 4895

  C'est une scène d'intimité à l'intérieur de la maison de Marie et Joseph à Nazareth : Marie est absorbée dans la reprise des chausses de son charpentier de mari pendant que le petit Jésus joue avec la corbeille et les affaires de couture, alors qu'à gauche Joseph, dans son atelier , taille à la hache un madrier. L'outil est plus vraisemblablement une herminette, mais son fer n'apparaît pas clairement perpendiculaire au manche comme il le devrait.Deux anges se disputent les chutes de bois de la corbeille.

a) les panneaux inférieurs : Papa pique et Maman coud:

 

vie-de-jesus 4757c

Parmi les objets, on note du coté de Marie la corbeille de couture et la boite à bijoux ou à boutons, toutes les deux en osier, tandis que du coté de Joseph se trouvent un compas et une règle ou Té.

  On lit sur le galon de la tunique de Joseph son nom, et d'autres lettres : IOSEF / MAR..

Le S est inversé.

   Au coin inférieur gauche, un masque de grotesque et l'inscription du christogramme IHS avec un tilde sur le H pour l'omission des lettres du nom de Jésus en grec IHΣOYΣ .

b) les panneaux supérieurs :

vie-de-jesus 4758c

  On s'amuse de découvrir des petits anges bien curieux qui se sont installés, deux chez le papa et deux chez la maman, tandis que deux autres, en cuirasse d'opérette, jouent du tambour et soufflent dans un fifre .

 

3°) Le soufflet .

 A droite, un ange joue de la lyre dans les nues.

vie-de-jesus 3361

 

A gauche, un autre lui tourne le dos et  forme le duo.

vie-de-jesus 3427

 

  Au sommet, dans un quadrilobe,une très belle composition de Jésus enfant, faisant ses devoirs sur une table de marqueterie ( son beau-père n'est pas charpentier pour rien). Les couleurs sont superbes, notamment le jaune d'argent des cheveux, de l'auréole et du bois des meubles.

vie-de-jesus 3425

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Published by jean-yves cordier
13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 16:21

     

                 Petite épigraphie des églises et chapelles du Finistère:

     Les vitraux de l'église Notre-Dame du Confort à Confort-Meilars :

 


         La maîtresse-vitre : l'Arbre de Jessé,

          et ses inscriptions (N rétrogrades).

 

    I. Présentation.

  La commune de Confort-Meilars se situe en Cap Sizun dans le canton de Pont-Croix. Jusqu'en 2001, elle se nommait Meilars ou Meilars-Confort, mais le bourg de Meilars et son église dédiée à Saint Mélar a une position moins avantageuse entre Confort et Mahalon que Confort, placé sur la départementale qui relie Quimper et Douarnenez à Pont-Croix, et les Confortistes, après avoir obtenu que leur église devienne l'église paroissiale en 1910, ont obtenu que le nom de leur village prenne la première place dans le nom de la commune ; les habitants en sont néanmoins nommés les meilaristes.

  Le nom de Confort m'a intrigué, évoquant un magasin d'électroménager ou d'aménagement, d'autant que l'église était dédiée à Notre-Dame de Confort, une notion peu religieuse jusqu'à ce que je comprenne et que j'apprenne qu'il s'agissait de Notre-Dame du Réconfort, valeur bien mariale, très évangélique et  autrement recommandable à la dévotion.

  J'ai eu un coup de coeur pour cette église construite sous François Ier en 1528 par Alain de Rosmadec et riche d'un Calvaire aux 13 apôtres. Treize ? Cherchez l'erreur ! C'est que, si Saint Matthias a remplacé l'indigne Judas, on a adjoint Saint Paul aux douze disciples.

   J'aime aussi découvrir, au dessus du porche ouest, le témoignage de la participation des armateurs à la rénovation de l'église au XVII et XVIIIème siècle : c'est que le Pont-Croix, sur l'estuaire du Goyen, était une ville importante, aux foires réputèes, important le sel et le vin et exportant les richesses agricoles. Aussi la vocation maritime de la région se révèle par les poissons et les nefs sculptées .

inscription 4944c

 

 On remarque une "caravelle" au mouillage par la proue, et une autre mouillée par la poupe ; des "poissons" qui s'apparentent plutôt à des cachalots (à gauche), ou à des dauphins (à droite) dotès d'un bel aileron ; d'autres poissons reliés à un navire par une ligne de pêche, ou évoluant en bancs ; et enfin deux inscriptions en belles lettres gothiques, mais que je n'ai su décrypter. La plus haute débute par L'an mil.... et cela se poursuivrait par MILVCXXIII, 1528, l'année de construction admise pour l'église.

  On retrouve cette date dans l'inscription EN L'AN MILVCXXVII LE SECOND DIMANCHE D'AUST sur le mur nord du chevet, tenue par un ange : heureux les observateurs qui purent la lire !

inscription 4958

  On trouve encore à la première fenêtre de la facade nord 1651 M.A BRONELOC RECTEUR JEAN DONAR F., et sur le linteau médian de la chambre des cloches M(ess)IRE IOSEPH LE DOVRGVI Rr 1736  :


 inscription 3384c

  On signale encore H. LASTEN/NET 1707, non vu.

 

inscription 3377

 

  Sur le fleuron du gable, SaintMichel terrassant le dragon :

inscription 4727

  Surtout, cette église possède deux trésors : sa roue à carillons, et ses vitraux. En prime, on trouve de superbes sablières.

  La maîtresse-vitre représente un Arbre de Jessé daté de 1550 ; un autre vitrail est consacré à la Vie de Jésus (avec une date :1554), et un troisiéme présente deux panneaux d'une Résurrection incomplète.

 

   II. Le vitrail de l'Arbre de Jessé.

   A. Le thème de l'arbre de Jessé.

  Je redonne ici, pour la commodité du lecteur, ce que j'ai déjà exposé dans mon article sur l'arbre de Jessé de Kerfeunteun à Quimper, avec lequel ce vitrail vient en comparaison : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :

voir aussi : L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec.

             Ce thème iconographique de l'Occident chrétien médiéval se développe au XIe siècle ( il est habituel d'y voir l'influence de Suger) en la cathédrale Saint-Denis où un premier vitrail de 1144 sert de modèle à celui de la cathédrale de Chartres en 1145-1150. Le thème de l'arbre de Jessé devient populaire et se répand au XIIe siècle dans les verrières, les Bibles et Pasutiers ou en sculpture, et ne déclinera qu'au XVIe siècle après la Contre-Réforme.

      Ce qui est l'ancêtre des arbres généalogiques est né de l'application d'une formule de l' Ancien Testament dans la bouche du prophète Esaîe (ou Isaïe) à la généalogie de Jésus dans les Évangiles. La phrase d'Esaïe est celle-ci (en latin puisque c'est ainsi qu'on l'a trouve inscrite sur les vitraux): Esaïe, 11, 1-2 et 11, 10.

      Egredietur virga de radice Jesse et flos de radice ejus ascendet.

     " Un rejeton sortira de la bouche de Jessé, un surgeon sortira  de ses racines.Sur lui reposera l'esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé"

       " Ce jour-là, la racine de Jessé, qui se dresse comme un signal pour les peuples sera recherchée par  les nations et sa demeure sera glorieuse " (Bible de Jérusalem).

le texte latin de la Septante parle d'un Isaï, mais comme on peut confondre cet Isaï, le père de David, un berger ou éleveur ovin de Béthléem, avec le prophète Isaïe, le nom de Jessé, traduction grecque d'Isaï, a été préféré pour le désigner.

 Au IIè siècle Tertullien donna l'interprétation théologique suivante : "la branche qui sort de la racine, c'est Marie, qui descend de David. La fleur qui naît de la tige, c'est le fils de Marie."

  Dans les Évangiles, deux textes  proposent une généalogie de Jésus et détaillent par quelle filiation il est "fils de David, fils d'Abraham" : Matthieu I, 1-17 (soit l'incipit de l'Évangile de Matthieu), d'Abraham à Joseph, l'époux de Marie ; et Luc, III, 23-28, d'Adam à Joachim, père de Marie. Les généalogies sont donc  différentes et divergent à partir de David, Matthieu optant pour la descendance de l'un des fils de David, le roi Salomon alors que Luc choisit la descendance de Nathan, autre fils de David. 

  Matthieu faisant passer sa filiation par Joseph, cela posait un problème ardu aux théologiens, non pas parce que Joseph "ne connût point Marie", car le lien agnatique attribue la filiation à un enfant adoptè, mais parce que cela donnait un rôle éffacé à Marie, censée être "la fleur qui naît de la tige". Au Moyen-Age, le culte de Joseph est quasi inexistant, on ne rencontre ni toponyme, ni chapelle qui lui soient dédiès, pas d'avantage de représentations artistiques en dehors des Nativités qui n'apparaîssent qu'au XIIIe siècle, il n'a pas de culte officiel avant le XVe siècle, est absent des prédications, et survit dans l'ombre de Marie jusqu'à ce que Gerson puis les franciscains lui donnent une place à part entière. Rien à voir avec le Saint Joseph chef de la Sainte Famille qui a été si honoré au XIXe et au XXe siècle, où tant de garçons ont été prénommés de son nom, et tant de filles baptisées Marie-Joseph ou  Joséphine, et sa fête le 19 janvier n'a été instituée qu'en 1480, pour ne devenir fête de précepte qu'en 1621. Absent ou transparent au Moyen-Age, il acquiert une place ambigüe à la fin de cette période, celle d'un vieillard saturnien, d'un travailleur manuel rustre, un béjaune qu'on affuble de la couleur jaune ou de rayures (Michel Pastoureau) pour monter en dérision sa place de dindon de la fable, voire de mari trompé.(Paul Paysan, l'image ambigüe de Saint Joseph à la fin du Moyen-Age, Médiévales, 2000, volume 19 n° 39: 96-111)

                     Feste n'a en ce monde-cy

                     Mais de lui

                     va le cri :

                     c'est Joseph le rassoté. (Eustache Deschamps (1346-1406) Oeuvres complètes) 

   

   Pourtant, c'est  la généalogie de Matthieu que les artistes médiévaux préférèrent, et chacun accepta de ne pas voir Joseph, mais Marie se placer au sommet d'une généalogie issue de Jessé par Salomon. C'est donc celle que je vais développer . Elle s'étend sur quatorze générations d'Abraham à David, puis quatorze générations de David à la déportation à Babylone, jusqu'à Jéchonias, et sur quatorze autres générations encore de Jéchonias et ses frères jusqu'à Jacob, puis Joseph. Bien-sûr, les miniaturistes et les verriers ne représentèrent pas les quarante-deux aieuls du Christ, et choisirent parmi les rois de Juda en un florilège variable selon chacun.

Matthieu I, 1 : Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham :

  I, 2 : Abraham engendra Isaac ;Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères.

  I, 6 : ...Isaï engendra David ; David engendra Salomon de la femme d'Urie.

  I, 7 : Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abia ; Abia engendra Asa.

  I, 8 : Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Jozias.

  I, 9 : Ozias engendra Joatham ; Joatham engendra Achaz : Achaz engendra Ezèchias.

  I, 10 : Ezéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Amon ; Amon engendra Josias

  I, 11 : Josias engendra Jéchonias et ses frères, au temps de la déportation à Babylone.

  I, 12 : Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel. Salathiel engendra Zorobabel.

[...]

  I, 15 : Eliud engendra Eléazar ; Eléazar engendra Matthan ; Matthan engendra Jacob.

  I, 16 : Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ.

  I, 16 : Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu'à David, quatorze générations depuis david jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations de la déportation à Babylone jusqu'au Christ.

  L'idée forte est d'associer les deux textes pour créer une métaphore, celle de l'arbre qui croît verticalement et dont chaque rameau donne, comme un fruit, un ancêtre, mélant une représentation originale du temps orienté vers le haut et animé d'une croissance et d'un projet à celle de la transmission générationnelle. Cet arbre généalogique qui nous est si familier et cette conception linéaire et orientée du temps n'a rien d'évident en soi mais construit un de ces paradigmes sur lesquels sont bâtis notre pensée occidentale. En même temps, elle rassemble en une seule image une synthése de la théologie chrétienne, du projet de Dieu dans la continuité/rupture entre Ancien et Nouveau Testament, et de la réalisation des prophéties bibliques dans la personne du Christ rédempteur par sa mort sur la Croix.

  La même idée est développée sous une forme iconographique proche dans la Légende de la Vraie Croix, telle qu'elle est représentée par exemple par Pierro della Francesca à Arezzo vers 1450.  Dans le Paradis poussait l'Arbre de Vie ; lorsque Adam et Éve en furent chassés, et lorsqu' Adam mourût, l'archange Michel apporta une graine de cet Arbre  que Seth fils d'Adam plaça dans la bouche de son père, pour le racheter du péché originel. De la graine poussa un arbre, sur la tombe situé à Jérusalem. Salomon fait abattre l'arbre pour en faire une poutre pour le Temple, puis cette poutre est réutilisée pour bâtir un pont à Siloé, avant d'être enfouie en terre. C'est cette poutre qui est utilisée pour dresser la Croix du Christ, plantée sur le Golgotha (araméen gulgulta, le crâne) : sur  la tombe et le crâne d'Adam. Ainsi la mort de Jésus sur cette croix-arbre vient-elle racheter Adam et sa race du péché.

 

 

 

 B.Histoire de la maîtresse-vitre de Confort-Meilars :

  Ce vitrail a été commandé par les deux donateurs que l'on voit au registre inférieur, Alain de Rosmadec et Jeanne de Chastel qui sont aussi ceux qui ont fait bâtir l'église en 1528.

  Malgré sa proximité avec celui de Kerfeunteun à Quimper, cet Arbre de Jessé est bien différent par une composition en dix-huits panneaux clairement structurés, chacun présentant un personnage pour former un ensemble de cases bien lisibles. On découvre de bas en haut et de gauche à droite les  donateurs et Jessé, puis les douze Rois de Juda, pour culminer avec la Vierge, le Christ et Saint Jean. Les douze Rois sont : Ezechias, David, Joram, Salomon, Acham, Joatan, Roboam, Ozias, Assa, Josaphat, Abia et  Manassé.

   Ce vitrail est composé de trois lancettes  de six panneaux, que je désigne de gauche à droite par A, B, C, et de bas en haut de 1 à 4, et d'un tympan de trois éléments (et deux écoinçons). Les lancettes sont séparées par des meneaux en pierre.

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  Il a subi une restauration, jugée "absurde" par J.J. Grüber, en 1840 par le vitrier-peintre quimpérois  Cassaigne, qui en a détruit le bel ordonnancement, et c'est Jean-Pierre Le Bihan, restaurateur de vitraux à Quimper, qui a du lui rendre une cohèrence en 1995 : tous les détails peuvent se trouver ici : 

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-16659536.html

  J'en retiens que les panneaux A2 et A6 (Ezechias et la Vierge) sont l'oeuvre de l'atelier Le Bihan.

  Pendant la dernière guerre, comme beaucoup de vitraux des églises de France (mais, selon Jean Lafond, trop peu d'églises en Normandie), ces verrières ont été démontées et mises à l'abri en 1939 et replacées en 1951.

  Elles ont été examinées par Roger Barrié dans le cadre de sa thèse parue en 1978; le même auteur a procédé avec Claude Quillific à son évaluation pour l'inventaire général 1981. Dans le cadre de cet inventaire, une datation a été proposée : 1540 pour les verrières latérales, 1550 pour l'Arbre de Jessé. 

 Protection juridique : La verriére est classée au titre d'objet à la date du 10 11 1906

 Les verri

  

C . Une particularité technique: l'utilisation de verres gravés.

 N.B : je n'ai aucune compètence dans les domaines que j'aborde en amateur et en esprit curieux : comme pour l'ensemble de mes articles, prenez tout avec circonspection.

  a) le verre rouge plaqué ; le vitrail gravé.

Un vitrail est fabriqué par l'ajustement de verres blancs ou colorés, épais de 1,5 à 5 mm qui sont ensuite peints à l'aide de "grisaille" avant d'être associés entre eux au moyen de baguettes de plomb. Les verres colorés sont, ici, de 8 teintes : bleu-clair, bleu foncé, violet, vert pâle, jaune, rose et rouge.

  Le verre, un mélange de sable et de potasse auquel on ajoute depuis le Xème siècle de la chaux, est coloré par l'adjonction à la pâte de verre d'oxydes métalliques : sels de cobalt du "bleu de Chartres"; oxyde de cuivre pour le vert, le jaune ; oxyde de manganèse pour le pourpre, avec des teintes différentes selon la concentration et la température de cuisson. On obtient ainsi des verres teintés dans la masse. Le verre rouge est obtenu avec le protoxyde cuivrique, mais avec une teinte si foncée qu'il faut utiliser des verres très fins pour que la couleur soit suffisament claire ; dés lors, ce verre est trop fragile, et on le plaque sur un verre transparent. En outre, ce verre rouge n'est pas coloré dans la masse. 

   Si l'artiste veut faire figurer des détails de couleur qu'il ne peut peindre en grisaille, il doit découper un verre coloré et le sertir de plombs, ce qui représente un gros travail ; impossible d'écrire des lettres, ou de décorer un vêtement avec des motifs réguliers de cette façon.

  Pour palier à cette difficulté, les verriers eurent l'idée de décaper par abrasion la couleur rouge des verres plaquées pour créer des motifs transparents ; le verre est gravé au tour (dit encore  "à l'archet"),comme on le faisait pour graver le cristal de Bohème avec une roue dentée et un mélange huile-eau-abrasif pour réaliser des motifs : lignes droites, pois, formes géomètriques.

  Si on en trouve les premiers exemples au début du XIVème, le verre rouge gravé ne devint répandu qu'à la fin du XVème siècle.

  b) la teinture au "jaune d'argent".

  Au XIVè siècle, avant la "découverte" du verre rouge gravé, est apparu une nouvelle façon de colorer un verre blanc sans devoir découper et sertir de plomb une nouvelle pièce : l'application sur la face externe de la vitre  d'un "cément" de sulfure (ou de chlorure ou de nitrate) d'argent, en quantité si minime qu'on le mélange à de l'ocre pour faciliter l'application au pinceau, ocre qu'on retire après cuisson. Les sels d'argent réagissent chimiquement avec les composants du verre et donnent des teintes jaunes, orangé ou ambre si facilement qu'à partir de là, tous les personnages eurent tendance à être blonds ! Engrand le Prince est connu comme l'un des plus talentueux utilisateurs de ce jaune d'argent.

  Cette teinture, appliqué sur le verre gravé, étend le registre de couleur des motifs gravés.

 c) L'article de Roger Barrié.

  En 1976, Roger Barrié (que nous retrouverons case C3) fait paraître Les verres gravés et l'art du vitrail au XVIè siècle en Bretagne Occidentale, in Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, Tome 83, n°1, 35-44. Il y dresse la liste des verrières à verre gravé du Finistère, retrouvé en onze sites, dont l'église Notre-Dame de Confort à "Meilars". Étudiant les motifs gravés, il recense des liserés simples ou doubles, des pois, des fuseaux, des mouchetures, des carrés et des bonnets, et note à Confort l'emploi des mouchetures et les lignes. Il constate que le recours à la gravure survient lorsque le verrier veut souligner la "somptuosité" d'une scène : le thème des rois de Juda est l'occasion d'y recourir pour rendre compte du faste des costumes royaux.

  En conclusion, Roger Barrié écrit :" A partir de 1530-1540, les ateliers bretons ont usé avec succes de la gravure des verres doublés, surtout pour enrichir les effets colorés de leur production, bien qu'il faille reconnaître un certain épuisement à la fin du siècle" ..." la verrière de l'Arbre de Jessé à Confort fait sentir la limite du procédé[...] avec le risque de dètruire la signification même de l'objet ou du personnage dans un éclaboussement de vibrations colorées", et cela d'autant plus que les verres gravés ont mieux vieillis que les verres peints et gardent une netteté gênante.

d) ma visite à la recherche de ce rouge gravé :

   Il n'est pas nécessaire de rechercher longtemps ces verres rouges aux découpes rondes jaunes et blanches dont la régularité des bords signe le travail de gravure : je les retrouve sur 10 des 18 panneaux de la vitre maîtresse de Confort, sous le forme de mouchetures comme l'a vu R. Barié ( 5 panneaux) et  de liserés bordant les vêtements ( 7 exemples), mais aussi de pois (Joram, Manassé) et de fuseaux stylisant les "crevés" des costumes renaissance ( 4 exemples, David, Abia, Manassé et Josaphat), déployant donc toute la "grammaire" décrite par R. Barrié sur le Finistère. Ce sont tout-de-même les mouchetures qui prèdominent, utilisées pour le grand dais qui réunit les trois panneaux du registre inférieur, pour la robe de Jessé, les manches de la donatrice, le camail de Joram, ou le manteau d'Acham.

  L'utilisation de la gravure pour dessiner des croisillons d'ornementation de manche et surtout pour tracer des inscriptions (NOBI sur Josaphat, NOMINID sur Assa) est plus originale.

  Enfin de nombreuses zones gravées ont été laissées blanches ( ou bien, comme l'indique R. Barié, la teinture n'a pas prise), mais certaines (manche et coiffure d'Abia) sont traitées au sulfure d'argent.

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D. La peinture du verre : grisaille et sanguine.

a) la technique :

Lorsque le verre n'est pas gravé ou coloré au jaune d'argent il est peint sur la face interne avec la "grisaille", peinture vitrifiable faite d'un mélange d'oxyde de fer ou de cuivre comme pigment, et de poudre de verre comme fondant qui sera provisoirement associé à un liquide (vin, vinaigre, urine) et un liant (gomme arabique) pour faciliter l'application au pinceau. Après cuisson à 650°, on obtient un résultat résistant et durable.

  Les techniques médièvales du vitrail ont été remarquablement décrites par un moine du XIIème siècle, Théophile, dans son Schedula diversum artum. Il explique dans ses chapitres 19  et 20 que chaque trait doit être éxécuté en trois traits d'épaisseur et de valeurs différentes : prenons en exemple le sourcil, ou la lèvre, on effectuera un trait opaque principal avec la grisaille noire, le contour ; et deux traits avec un lavis plus ou moins foncé mais moins sombre que le trait de contour, pour les ombres et les demi-teintes, les modelés. C'est la technique des "trois couleurs pour les lumières du verre", complétée par des jeux de traits paralléles plus fins ou des hachures qui rendent le volume. Les contours sont tracés au pinceau aux poils longs et fins. Les modelés en lavis sont passés aux pinceaux aux poils courts et fournis nommés "putois" , voire en utilisant les poils de martre ou d'écureuil. 

    Au XV et XVIème siècle le travail des modelés évolue, et on passe un lavis uniforme qui, une fois égalisé en grandes plages au blaireau, va faire l'objet d'enlevage sur la grisaille juste sèche à l'aide de brosses dures en soies de porc, de pointes de métal, de bois ou de plume.

  Au XIVème siècle, on dispose de trois sortes de grisailles, noir, brun et sépia ; au XVème, en plus de grisailles rousses, rouges ou noires, des grisailles colorées sont disponibles, nommées "sanguines " et "couleur bois".

  Entre "grisaille" et "émail", les céments à base d'hématite (sanguine, du brun chaud au rouge vif) ou de peroxyde ou sulfate de fer ( jeancousin, du rosé au brun chaud) sont utilisés sous le nom de "carnation" pour réaliser les chairs des visages, le modelé d'une chevelure ou d'une barbe rousse, le volume des parties dénudées du corps, les mains.

b) l'application au vitrail de Confort-Meilars :

  Le seul but de ces notes de mes lectures est d'étudier à leur lumière les visages des rois de Juda (et des prophètes) de l'Arbre de Jessé : d'y apprécier le travail de grisaille, la technique des trois traits de Théophile, les contours et les modelés, l'enlevage et l'utilisation des carnations:

L'un des plus beaux visages, et l'une des barbes les plus rousses : celui de Salomon :

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  Superbe aussi : Assa :

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Isaïe, la goutte au nez :

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Jérémie :

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Joram :

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Manessé :

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Joatan:

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Josaphat :

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Acham :

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David :

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  Al'origine de tous : Jessé :

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E. Les lettres rétrogrades ou inversées.

a) Sur les phylactères:

Douze noms de rois, et deux citations de la Bible sont visibles sur des rouleaux. L'un d'entre eux, Ezechias, est contemporain et sort de mon étude. Parmi les autres, toutes les lettres N et une partie des lettres S sont écrites "à l'envers" ou, plus justement, de façon rétrograde : soit trois N (Manassés, Joatan, Salomon) et 7 S ( Manassés, Assa, et Jessé dans la citation d'Isaïe).

   Le titulus de la croix du Christ porte INRI sans inversion du N, mais l'inscription semble récente.

b) sur les vêtements :

Parmi les lettres inscrites sur les vêtements, tous les N (au nombre de 28) sont rétrogrades. Des V sont inscrits pointe vers le haut. 


F. Étude panneau par panneau :

Registre inférieur : cinq personnages sont placés sur une même scène, sous une grande tente ou un dais dont les deux prophètes Jérémie et Isaïe tiennent les coins, découvrant ainsi Jessé endormi. Ce dais rouge aux mouchetures blanches et doublé de satin bleu réunit les trois panneaux.

 1°) Case A1: Alain de Rosmadec présenté par Jérémie.


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   Le donateur, qu'on imagine agenouillé puisqu' on ne voit que la partie supérieure (existait-il un panneau inférieur ?), les mains jointes, est Alain II de Rosmadec (18 août 1508-30 janvier 1560), d'une famille originaire de Telgruc, en presqu'île de Crozon avant d'obtenir la prééminence sur Pont-Croix, et que les guerziou (chansons populaires bretonnes) ont fait rentrer dans la mythologie bretonne en les présentant comme descendant des anciens rois de Bretagne; une des familles les plus illustres de la région par les fonctions occupèes par ses membres et par leurs constructions à Quimper, Pont-Croix, Landudec et Confort, ou par ses alliances avec les grandes familles:

  "Alain, sire de Rosmadec, II du nom, de Tyvarlan, de Pont-Coix, baron de Molac, de La Chapelle, et de Sérent, vicomte de Bignan, maréchal de camp aux armées du roi en Bretagne, capitaine d'une compagnie de gens d'armes, de la noblesse et de la côtes de Basse-Bretagne. 

    Étant demeuré mineur à la mort de son père, sa mère lui servit de tutrice.

    L'an 1528, il épousa Jeanne du Chastel, fille aînée de feu Tanguy, sire du Chastel, de Poulmic, de Leslein, de Kersalio, et de Marie dame du Juch, du Mur, de Coëtivy, et de Kersimon, laquelle dame eut pour partage la terre et châtellenie de Kerlourenan, maison qui à eu ses seigneurs particuliers et chevaliers anciens. 

    L'an 1532, il assista parmi les barons aux États tenu en la ville de Vannes, où le duché de Bretagne fut uni à la couronne de France à la requête des États de ladite province, et ensuite il se trouva à Rennes, à l'entrée de François dauphin, et y porta le second bâton de poile, ainsi qu'il lui appartenait le droit héréditaire, comme seigneur de Molac. 

    L'an 1539, en la réformation de la coutume de Bretagne, il fut le premier député en l'ordre de la noblesse de la part des États, pour l'assemblée avec des commissaires du roi. 

    Il rendit son aveu au roi, qui se trouve en la chambre de comtes en date du 4 avril 1541. Il exerça l'Office de Maréchal de Camp en l'armée du roi en Bretagne, commandée par Monsieur le duc d'Étampes, gouverneur dudit pays l'an 1543. 

    Dame Jeanne de La Chapelle était décédée l'an 1544, Henry fils aîné du roi dauphin de Viennois, et duc de Bretagne, lui fit don de rachat en considération de ses services, par lettres données au Camp de Viennes le 10 octobre audit an.     

    Il mourut le 30 janvier l'an 1560 et fut déposé dans le tombeau des seigneur de Molac, en la chapelle de Notre-Dame de Lermain en la paroisse de Molac."

    Il eut 6 enfants :

-Tanguy de Rosmadec, dont le fils Sébastien II de Rosmadec ( 1566-1613) reçut le titre de marquis, et fit bâtir le fameux marquisat de Pont-Croix, l'actuel musée du patrimoine

- Marc,

- Claude,

-Marie,

- Louise,

- Jeanne.

  Signalons deux évèques, Bertrand de Rosmadec (1417-1455)  évêque de Quimper et batisseur de la cathédrale (c'est un demi-fère de Jean Ier, ancêtre de notre Alain II ) et Sébastien de Rosmadec, évêque de Vannes de 1624 à 1646, issu d'un Jean de Rosmadec seigneur de Plessis-Josso.

 

   Les armoiries portées par Alain de Rosmadec :

Le donateur est vêtu comme un gentilhomme de la Renaissance : en 1528 (le mariage avec Jeanne du Chastel a lieu le 8 mai 1528, et la chapelle dédicacée en août 1528), sous François Ier, 3 ans après le désastre de Pavie et la captivité du roi en Espagne, la mode est au port de la barbe, aux cols qui commencent à présenter à la place du décolleté de François Ier en 1525 une fraise dont les godrons restent encore discrets, un pourpoint court, et les crevés viennent fendre les belles étoffes, les brocarts, les velours et les soies pour faire apparaître la lingerie sous-jacente. Ce sont les Rois qui, comme des Rois de carte à jouer, vont nous présenter la mode renaissance.

  Alain porte un corselet de cuirasse et des pieces d'armure protégeant les avant-bras, mais cette tenue militaire est recouverte d'une tunique légère (en soie ?) dont les couleurs ne sont autres que celles de son blason : étudions-les.

  Les Rosmadec "portent palé d'argent et d'azur de six pièces", c'est à dire que leur blason est fait de trois bandes verticales blanches (argent) alternant avec trois bandes bleues (azur). Leur devise est : "BON ESPOIR".

  Alain porte ces armoiries, mais elles sont associèes à un lion blanc  dressé sur ses pattes sur fond bleu : traduit en terme d'heraldique, il porte "d'azur au lion d'argent rampant". La langue est de la même couleur que le corps, il n'est donc pas "lampassé". 

  Le sire de Juch porte d'azur au lion d'argent, lampassé et armé de gueules (aux griffes rouges), ce ne sont donc pas ses armes, bien que Jeanne du Chastel soit de cette Maison.

  En 1406,ces armes avaient été partagées après un accord entre le sire du Juch et Jean de Rosmadec qui dut se contenter en signe de juveigneurie du Juch de porter "d'azur au lion d'argent morné", c'est-à-dire dépourvu de griffes, de langue et parfois de queue. Le juveigneur est, dans la noblesse bretonne, un cadet sans distinction d'ordre de naissance ; les armes plaines sont réservées au chef de famille, et les armes brisées (incomplètes), au cadet.

  Ce sont ces armes, devenues celles de Pont-Croix qui apparaissent dans le blason de Sébastien de Rosmadec :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Blason_S%C3%A9bastien_de_Rosmadec.svg

  Mais ici, Alain de Rosmadec porte un lion qui n'est pas "morné" du tout, mais doté d'une belle langue et d'une belle queue.

  Comme il est sire de Pont-Croix, je penche pourtant pour y voir les armoiries correspondantes à son titre, au prix d'une erreur du dessinateur du carton du vitrail.

  C'est, avec son épouse, le commanditaire de ce vitrail, ce qui veut dire que c'est eux qui ont choisi ce thème ; l'arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun a été réalisé en 1525-1530, et Alain de Rosmadec et Jeanne de Chastel, mariés en 1528, ont fait construire l'église de Confort en la même année de 1528 : le théme choisi pour Kerfeunteun les a obligatoirement influencé.

  Le prophète Jérémie.

  C'est lui qui présente le donateur. Je ne sais sur quel critère on a trouvé son identité. Il lève la main vers le sommet du vitrail pour montrer que c'est le Christ qui réalise la prophètie.

  Inscriptions. 

  a) L'inscription principale est le phylactère où est écrit CREAVIT DEUS CELOM TERA

  Cela correspond à l'Incipit de la Vulgate, les premiers mots latins de la Bible qui débute par Genèse, 1, 1 : In principio creavit Deus caelum et terram, au commencement Dieu créa le ciel et la terre.

Pourquoi cette citation ? Sans-doute pour souligner que le Christ du registre supérieur vient accomplir non seulement la prophétie d'Isaïe présentée sur le phylactère de gauche, mais la totalité de l'Ancien Testament depuis le début des Temps.

  J'admire la calligraphie aux lettres capitales très variables de forme, de taille ou d'inclinaison mais qui réalisent un ensemble très équilibré et élegant.

b) On trouve aussi sur l'épaule et les manches de Jérémie les lettres suivantes : 

-MNOE avec N rétrograde

- VdICREN, avec d en onciale, N rétrograde. On voudrait y trouver un sens...Judiciem... cela ne donne rien.

- NoRI, avec un O en forme de 9, un N rétrograde. 

- M MNIB . NORI. N avec N rétrogrades. J'essaye Numinibus, pluriel datif de nomen, inis, la puissance agissante d'un dieu.


2°) Case B1 : Jessé.

 

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  Il s'est assoupi alors qu'il lisait une lecture pieuse à la rubrique D enluminée ; ou bien médite-t-il un passage de la Bible, du moins le Pentateuque. Il est déjà vieux, la barbe chenue, les mains ridées, mais ses traits sont sereins.

  Il me semble que ce qu'il porte autour du cou, avec des rayures noires et blanches  est un talith, un châle de prière muni de franges (tsitsits), vêtement rituel pour la prière juive du matin. Il vient peut-être de lire Nombres, 15, 37-41 : "Et l'Eternel dit à Moïse : parles aux enfant d'Israël et dis-leur qu'ils se fassent, de générations en générations, des tsitsits aux bords de leurs vêtements". Il pense à la transmission du culte générations après générations, et il se sent comme un vieux tronc d'olivier noueux et tors mais à la sève puissante, il sent ces générations futures monter de sa propre colonne et fructifier. Il est agé mais sa foi est forte, elle lui survivra.

  Derrière lui, effectivement, le tronc de l'Arbre de Jessé s'élève. Il peut sentir ses enfants, petist-enfants et arrière-petits enfants jouer dans les branches à chat-perché sur des générations et des générations. Il les voit ; ils ont des tsitsits aux quatre coins du vétement dont ils se couvrent. Pas de souci, il peut s'endormir.

Inscriptions :

-sur la manche : NOPV

- sur le drap vert du fond : AMN...HEd...IAR...ONC...MA...NO


3°) Case C1 : Jeanne de Chastel et Isaïe.

 

arbre-de-jesse- 3414

 

Jeanne du Chastel est présentée par Isaïe. Le prophète tient le dais d'une main, tandis que l'autre désigne le ciel en un geste jumeau de celui de Jérémie. Mais quelque chose ne va pas, et une observation attentive constate que la main à l'index dressé est en supination excessive pour une main gauche dont le bras est croisé devant la poitrine ; et puis l'avant-bras est trop long. On pense à une inversion des morceaux d'un puzzle. Revenant à la case A1, je vois bien que la main gauche de Jérémie est en réalité une main droite (voir infra, case A3 la main gauche correcte de Salomon). Les auraient-on interverties ?

  Jeanne de Chastel  est issue de la branche ainée de la Maison du Chastel, famille appartenant à la haute noblesse bretonne et occupant le deuxième rang de la hiérarchie nobiliaire après les Rohan. Établie autour du chateau de Trémazan en Landunvez, elle voit se succéder Tanneguy du Chastel I , Tanguy ou Tanneguy III (1370-1458), Tanguy IV, Tanguy V (+ 29/05/1477), mais aussi Tanguy du Chastel (+1521) le père de Jeanne :

  -son père :Tanguy du Chastel Seigneur du Chastel et du Ploumic, Leslein et Kersalio  épousa en troisième noce le 23 juin 1501  Marie du Juch. Les armes de la Maison du Chastel sont "fascié d'or et de gueules de six pièces", soit un blason alternant trois bandes verticales jaunes et trois rouges. La devise est Marc car Doué ( s'il plaît à Dieu), ou Da vad teui (tu verras bien), ou Vaillance du Chastel.

- sa mère : Marie, dame et baronne du Juch (1533), dame du Coëtivy, du Forestic, du Mur, du Menault, du Leslein, de Kersimon. Les armes de la Maison du Juch sont, nous l'avons vu, "d'azur au lion d'argent et lampassé de gueules"; leur devise est: La Non-pareille.

- sa fratrie : de cette union nacquit Guillaume du Chastel, Jeanne, Olivier qui fut recteur d'Argol (+1550), Prégent, René et Jacques seigneur du Juch.

  Ce qui me surprend, c'est de ne trouver aucune trace des armoiries de la donatrice. Là encore, je me demande s'il ne manque pas un panneau inférieur, mais les six panneaux de la verrières admettent difficilement un septième étage.

  J'admire sa robe damassée, sa chemise blanche à col montant, ses bijoux (collier, broche, bagues à tous les doigts), ses manches réalisées avec ce verre rouge gravé de la robe de Jessé.


Inscriptions:

-sur le phylactère (la partie supérieure en case C2): EGREDIET VIRGAd ER (DICE) : IESSE / ISAIA : c'est la citation d'Isaïe, 11, 1 dans la traduction latine de la Bible ou Vulgate :

                             Et egredietur virga de radice

                             Et flos de radice ejus ascendet,

  Un rameau sortira de la bouche de Jessé, et un surgeon sortira de ses racines.

  On note le mélange de lettres capitales et d'onciales (e initial,d, g), l'inversion de deux S alors que celui d'ISAIA est conforme, l'équilibre de la calligraphie, et on observe que le phylactère est écrit à son endroit, et à son envers pour IESSE.

- sur les étoffes : néant


4°) Case A2 : Ezechias.


  arbre-de-jesse- 3413

    J'apprécie beaucoup le travail de rénovation de l'atelier Le Bihan, mais ce panneau ne suscite pas l'émotion que je ressens devant l'oeuvre originale et ses mystères. Pas d'inscription, j'en profite pour écouter la belle histoire de la guérison miraculeuse du roi Ézechias. (Isaïe, 38 : 2-22)

   Car Ézechias, treizième roi de Juda fut un bon souverain, qui fit plaisir à son Eternel en chassant les idolâtres. Mais un jour, il tomba gravement malade, et il se tourna vers le mur, il appela Yahvé pour lui rappeller combien il avait été un bon et pieux serviteur. Et il pleura, tant et si bien que Yahvé lui fit dire : "j'ai vu tes larmes. Je vais te guérir ; dans trois jours tu monteras au Temple de Yahvé. J'ajouterai quinze années de ta vie. Voilà que je vais faire reculer l'ombre des degrés que le soleil a descendu sur les degrés de la cvhambre haute d'Achaz dix degrés en arrière."  

  Vous ne me croirez pas si je vous dis ce qui est pourtant l'exacte vérité : c'est que le soleil recula de dix degrés, sur les degrés qu'il avait descendu.

  Yahvé qui ne leva pas le petit doigt pour son serviteur Job et qui le laissa sur son fumier à gémir de douleur, voilà ce qu'il donna à Ézechias : quinze années gratuites!

  Je ne le regrette pas, car cela nous a valu ce cantique d'Ézechias, qui est admirable de poèsie :

  Je disais : au midi de mes jours, je m'en vais

                  Aux portes du Shéol je serai gardé pour le reste de mes ans. 

Je disais : Je ne verrai pas Yahvé sur la terre des vivants

               Je n'aurai plus un regard pour personne parmi les habitants du monde.

Ma demeure est arrachée, jetée loin de moi, comme une tente de berger.

Comme un tisserand j'ai enroulé ma vie, il m'a séparé de ma chaîne.

Du point du jour jusqu'à la nuit tu m'as achevé.

J'ai crié jusqu'au matin ; comme un lion, c'est ainsi qu'il broie tous mes os,

du point du jour jusqu'à la nuit tu m'as achevé.

Comme l'hirondelle, je pépie, je gémis comme la colombe,

mes yeux faiblissent à regarder en haut. Seigneur, je suis accablé, viens à mon aide.

Comment parlerai-je et que lui dirai-je ? Car c'est lui qui agit. 

Je m'avancerai toutes mes années durant dans l'amertume de mon âme.

Le Seigneur est sur eux, ils vivent et tout ce qui est en eux est vie de son esprit.

Tu me guériras, fais-moi vivre.

Voilà que mon amertume se change en bien-être. C'est toi qui as préservé mon âme de la fosse du néant, tu as jeté derrière toi tous mes péchés.

Ce n'est pas le  shéol qui te loue, ni la mort qui te célèbre. Ils n'espèrent plus en ta fidélité, ceux qui descendent dans la fosse.

Le vivant, le vivant lui seul te loue, comme moi aujourd'hui. Le père à ses fils fait connaître ta fidélité.

Yahvé, viens à mon aide et nous ferons résonner nos harpes tous les jours de notre vie dans le Temple de Yahvé." 

   C'est beau, non ? avec l' hirondelle et la colombe qui gémissent,  avec la vie qui s'arrache comme une tente de berger, et le lion qui broie les os, c'est mieux qu'un psaume de David, nom d'un Yahvé, non?

   Et Yahvé fut de mon avis : il envoya Isaïe pour lui faire dire :"qu'on apporte un pain de figues, qu'on l'applique sur l'ulcère, et il vivra".

   Un pain de figues ! Sur l'ulcère ! Et il vivra !

 Alleluia !



5°) Case B2 : le roi David.

arbre-de-jesse- 3424

 

 On reconnaît le psalmiste à sa harpe.

Inscriptions :

DAVID : je note l'utilisation systématique de l'onciale pour la lettre D.

6°) Case C2 : Le roi Joram.

 

arbre-de-jesse- 3415

 

  Il porte tous les attributs royaux : barbe, sceptre, collier, couronne, et un camail de verre gravé à mouchetures et à pois.

Inscriptions : Outre JORAM, on lit :

MOPUS RDILONBESNPVM(O).

Cette inscription a fait couler plus d'encre que les précédentes, après que René Couffon se soit avisé qu'il s'agissait de la signature du maître-verrier quimpérois R. de Loubes, un artisan que l'on trouve mentionné dans tous les bons ouvrages, notamment le Dictionnaire des artistes et artisans de Bretagne de Yves Pierre Castel, le Patrimoine Religieux de Bretagne, histoire et inventaire de Maurice Dilasser et Claude Berger (2006)  mais qui ne s'y trouve peut-être que parce que son nom a été découvert ici même. C'est ce nom qui est donné comme auteur du vitrail par R. Barrié dans l'Inventaire Régional de 1981 réf 29002964 après avoir relevé l'inscription "OPUS R. DE LOUBES". Dans un Bulletin de la Société d'archéologie de Bretagne de 1951, on signale l'existence au XVIIè d'un chanoine de Saint Corentin, la cathédrale de Quimper, portant le nom de J. de Loubes, présenté comme un possible descendant du maître-verrier. 

  La mention se trouve publiée dans : René Couffon et Alfred Le Bars, Répertoire des églises du diocése de Quimper et de Léon, 1959, réédité après mise à jour en 1988 sous le titre Diocése de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles (p. 204 de cette édition).

  Or il se trouve que Jean Pierre Le Bihan, qui a restauré le vitrail, a écrit en 2006 dans l'article de son blog intitulé "une famille de peintre vitriers cornouaillais du XVIème siècle" la note suivante :

  "inclure des initiales est chose fréquente chez les verriers. A Rouen, les frères Le Prince signant ILP pour Jean, ELP pour Engrand ou encore plus prés de chez nous, en plus des Le Sodec [voir : l'arbre de Jessé de Kerfeunteun] VI DI pour Vincent Desportes. Mais personne n'est à l'abri d'une erreur. Pour Notre-Dame de Confort en Meilars, Monsieur René Couffon donnait de Loubes comme auteur de l'arbre de Jessé. Une restauration postérieure révéla Raimondi Lombes".

  Tout me porte à croire que c'est Jean-Pierre Le Bihan lui-même qui a relevé ce nom et qui propose de lire Raimondi Lombes.

  Tout ceci me surprend, puisque je lis MOPUS et non OPUS (ouvrage, oeuvre), RdILONBESNPVM sans ponctuation permettant de lire la lettre R comme initiale d'un prénom, que la lettre qui suit le dILO est distinctement un N, et un N rétrograde comme tous les N de ce vitrail et non un U (comme dans Loubes) ni un M (comme dans Lombes). En outre, les lettres présentent de nombreuses anomalies, comme les lettres P en onciale, le D en onciale (ou minuscule) certes comme pour toutes les lettres D de ce vitrail, mais aussi le E proche d'un F, le second S inversé et qui s'apparente plutôt à un deux points de ponctuation qu'à un S rétrograde, le V pointe en haut, comme si le diable carnavalesque de la dérision s'était déchaîné sur cette inscription.

   Est-ce raisonnable de déterminer une signature sur ces éléments ?

  Si je reprends l'article que Jean-Pierre Le Bihan consacre à l'atelier Le Sodec, je lis qu'il peut attribuer à cet atelier quimpérois des oeuvres reconnaisables par des particularités de style comme "une façon d'appréhender certains muscles comme celui au dessus du sourcil" , muscle très protubérant et marqué qu'il surnomme "à la banane" et qu'il a reconnu à Confort-Meilars, et par le traitement des veines des mains et des pieds en "graphisme losangé", graphisme qui m'a surpris en examinant en la case A2 les mains de Jessé.

  Plutôt que de considérer que l'auteur du vitrail est connu, le fait de renoncer à une attribution...contestable peut relancer les hypothèses et les rapprochements.

  Enfin, d'autres affirmations de René Couffon ne se sont pas trouvées confirmées, comme l'attribution de la Passion de La Martyre à Jost de Necker (voir : J.P.le Bihan, Jost de Necker, un mythe qui a la vie dure, 14 janvier 2009). Cela confirme la citation donnée en page de titre du Nouveau Répertoire des Eglises : "La science est faite d'erreurs patiemment corrigées" R. Couffon.


7°) Case A3 : le roi Salomon.

 

arbre-de-jesse- 3412

  On remarque q

ue l'inscription de son nom donne SALAMON (avec le N rétrograde).

Il porte le turban qui est habituel dans son iconographie,  un camail gris-métal évoquant une cuirasse, une robe jaune damassée de motifs de feuillages, et ses manches roses à crevés portent les inscriptions PVSR à droite et MdVI à gauche.

  Sur son épaule, le pied botté  du roi Roboam conduit à l'inscription de la robe, MOPVR.

8°) Case B3 : le roi Acham.

Acham est une forme ancienne pour Achab, roi d'Isrël entre 874 et 863, c'est un roi impie que son épouse Jézabel détourne de Yavhé au profit du dieu cananéen Baal. Ce n'est donc pas un roi de Juda ( qui est alors Josaphat, qui part en guerre avec Achab contre Aram) et il n'a pas sa place dans la généalogie du Christ. Que lui vaut cette place centrale dans l'arbre ?

  Si on compare les rois du vitrail de Confort-Meilars et ceux de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Chartres, on constate que ceux sont les mêmes, hormis que c'est Achaz qui figure à Chartres : il est alors évident qu'il faut lire ici Achaz et non Acham ; la lettre M d'Acham est clairement inscrite, ce n'est pas une erreur de lecture, mais une faute de transcription à l'origine ou lors d'une restauration entre ce M et un Z. 

Il porte la barbe, un turban, un sceptre, et un collier à chaînon rectangulaire. Sa manche droite porte les lettres NOPI et PVRI, le V étant inversé pointe en bas.

9°) Case C3 : le roi Joatan.

arbre-de-jesse- 3410

Inscriptions:

  -JOATAN et son N rétrograde.

 - manche droite : PNRVO

 - manche gauche : NDMEO (ou en trahissant la réalité,NOMEO)


10°) Case A4 : le roi Roboam.

arbre-de-jesse- 3407

Inscriptions :

- épaule : N...ONDN

- écharpe : MOP

- Manche droite : PVRN et MITRIT

              gauche : NOBIV

11°) Case B4 : le roi Ozias.


arbre-de-jesse- 3408

 Installé en position de "chevalier servant" sur un rameau de l'arbre, sous les pieds d'Abbia, il dispose des mêmes attributs que les autres, barbe, couronne, collier de chaîne, épée, sceptre, vêtements à crevés, mais il ne désigne pas le ciel du doigt, se contentant de lever les yeux d'un air pensif. On ne lit aucune lettre sur ses vêtements.

  Ozias, ou Osias, ou Azarias, fut le dixiéme roi de Juda de -783 à -740. Son règne fut aussi prospère que celui de Salomon et sa conduite, sous les admonestations du prophète Zacharie, fut pieuse et fidèle à Yahvé. Mais "lorsqu'il fut puissant, son coeur s'éleva pour le perdre. Il pécha contre l'Eternel, son Dieu, il entra dans le temple de l'Eternel pour bruler des parfums"(Second Livre des Chroniques, 26,16), ce qui était le privilège des prêtres : pour s'être emporté contre les sacrificateurs consacrés, il fut frappé au front de la lépre;" il fut lépreux jusqu'au jour de sa mort, et il demeura dans une maison écartée comme lépreux." C'est son fils Jotham qui prit sa place à la tête de la maison du Roi.

  En regardant bien, on peut voir un anneau tuméfié rond à la racine du nez du visage d' Ozias ; c'est le remords qui le mord. On comprend son regard triste.

12°) Case C4 : le roi Assa.

 

arbre-de-jesse- 3409

    Son étiquette le nomme en inversant les S. Ses vêtements sont prodigues en inscriptions, dont il garde le secret :

 - sur le camail rouge aux motifs blancs gravés, on lit : NE   et  NOMINID. On peut faire dériver ce nominid, attesté en latin au IIIème siècle, de nomenis, ou bien le rapprocher du MNIB trouvé en A1 ; qu'en faire? Les N sont rétrogrades, bien-sûr.

- sur la manche droite, MNEO, et sur la manche gauche ONBRVSO , qu'on peut rapprocher du latin umbrosa, la pénombre. Le N de MNEO est conforme, celui de ONBRVSO est rétrograde.

- sur le galon de la tunique, PATERNOS(T) ...NIBID, avec N rétrogrades et lettre d en onciale. Le premier élan est de lire le début du Pater Noster (qui es in caeli, sanctificetur nomen tuum), mais le NIBID ne s'y intègre pas.

  Assa ou Asa est le fils d'Abia, le petit fils de Roboam, et le père de Josaphat ; il a régné 41 ans, quarante-et-une année de bons et loyaux services auprès de l'Eternel son Dieu, sans un faux pli, sans un mouvement de colère ou de prétention pour l'entacher de la lèpre, rien que de louables persécution contre les hiérodules (un mot toujours plaisant à placer), de destruction des autels et stèles en l'honneur d' Ashera, de Baal, du soleil et de la lune et de toutes les figures de l'horoscope.

13°) Case A5 : le roi Josaphat.

 

arbre-de-jesse- 4841cc

 

Inscription:

- JOSAPHAT, à noter le h en onciale.

- NOBI

- sur l'écharpe violette : PTER(M)18LDI

14°) Case B5 : le roi Abia.

 

arbre-de-jesse- 4841ccc

 La broche qui orne son chapeau me paraît gravée, ce serait alors un travail original avec les quatre pois qui l'encadrent.

Inscriptions :

-ABIA et le deux point.

-sur le galon de la tunique : (O)IRANT BE (I)MODPES

15°) Case C5 : le roi Manassé.

arbre-de-jesse- 3406

 

Inscriptions :

-MANASSES et non Manassé.

- collier : NRM(IO)

- galon de tunique : C (inversé) ILONSO MD ANTOIH:IBIVOT, si j'interprète le S inversé et couché comme une ponctuation. Qui trouvera un verrier du nom d' Ilonso Antoine Ibiuot ?


16°) Case A6 : la Vierge.

arbre-de-jesse- 4839cc

17°)Case B6 : le Christ.

arbre-de-jesse- 3404

   Le titulus semble récent; le bras droit a du être restauré. Les anges de quatre couleurs sont les mêmes que ceux du vitrail de Kerfeunteun.

  On peut admirer le traitement en grisaille du visage, et l'emploi de la sanguine dans son indication idéale:

gros-plans 3345c

  Lors d'une visite, j'entendais une touriste (les autres visiteurs des sites sont toujours des touristes) demander à son mari si cette plaie signifiait que le coeur du Christ était placé à droite. " Sans-doute" répondit prudemment le conjoint.

  Précisons donc que cette plaie est conforme au texte de l'évangile de Jean 19, 31-34:

     Comme c'était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix durant le sabbat - car ce sabbat était un grand jour-, demandèrent à Pilate qu'on leur brisât les jambes et qu'on les enlevât.

    Les soldats vinrent donc et brisèrent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec lui.

    Venus à Jésus, quand ils virent qu'il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes.

   Mais l'un des soldats, de sa lance, lui perça le coté et il sortit aussitôt du sang et de l'eau.

   La tradition veut que ce coup de lance ait porté sur le flanc droit, elle dit aussi que le soldat se nommait Longin, que c'était un centurion, et qu'il se convertit.

  On peut remarquer aussi que la croix semble issue du tronc de Jessé, naissant comme sa branche maîtresse à la division de deux branches latèrales.


18°) Case C6 : Saint Jean.

arbre-de-jesse- 3405

  Il s'agit de Saint Jean l'Évangéliste, le disciple préféré de Jésus. On remarque qu'il est assis sur un rameau de l'arbre de Jessé.

Inscriptions:

- sur l'encolure du manteau : M...IPOI

- sur le galon du manteau :à droite : N..IIP.O...PIORHT: IRI.VOP..

                                       à gauche : NOV:RI ou NOVSRI

-sur le galon de la robe bleue : OSPRdEN.

Tout cela reste incomprehensible ; je remarque la similitude de la séquence ORTH : IRIVO avec celle de Manesses en case C5 : ANTOIH : IBIVO, avec le même H au graphique particulier.

19°) soufflet, ange à la lyre.

arbre-de-jesse- 3400

  On constate que toute la teinture au jaune d'argent est partie.

20°) Tympan, ange avec luth.

arbre-de-jesse- 3399

  Là encore, le jaune d'argent n'a pas tenu, sauf pour la belle boucle d'or, peut-être gravée.

21°) Soufflet, élément central : coeur enflammé.

arbre-de-jesse- 3398

 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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