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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:40

                        Vierges allaitantes I :

        Notre-Dame de Tréguron à Gouezec.

     A : Tout sur la chapelle, à l'exclusion des Vierges allaitantes.

 La chapelle de Tréguron, fondation seigneuriale aux XVI-XVIIème siècles des familles Poulmic, La Bouexière, Coetanezre et Kervern, se trouve à 3 Km au NO de Gouezec (Finistère). Bâtie au XVIéme siècle, reconstruite au XVIIème avec la construction en 1653 d'un chevet Beaumanoir (du nom d'architectes morlaisiens du début du XVIè), elle comprend une nef avec collatérale nord, un transept et une abside, et un clocher gothique. La sacristie octogonale, reliée à l'abside, est datée de 1758. A une centaine de mètres en contrebas, une fontaine du XVIè abrite une statue de Vierge allaitante. 

  Le pardon a lieu le deuxième dimanche de septembre.

 

  Si la reine épanouie et radieuse de cette chapelle est, bien-sûr, Notre-Dame de Tréguron, je ne vais pas aller à dame recta mais je vais m'attarder, muser, scruter les détails, nourrir ma curiosité de tout le miel que je pourrai récolter en cette chapelle, et je présenterai les statues de Vierges dans un second article.

   Toutes les images sont signées du père Lavieb, alias bibi.

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I. Le territoire, les dates  et les hommes : blasons et inscriptions, seigneurs et paysans.

   L'étude des inscriptions lapidaires ou sur bois, et celle des armoiries procure un certain nombre de dates et de patronymes : les dates vont de 1584 (socle de St Éloi) à 1758 (sacristie), soit la période historique correspondant aux règnes de Henri III, Henri IV (1589-1610), Louis XIII, Régence, Louis XIV (1643-1715), et Louis XV (1774-1774). 

  Durant cette période, la paroisse de Gouezec, située en Cornouaille intérieure dans la vallée de l'Aulne lorsque celle-ci traverse les Montagnes Noires, a connu, comme le reste de la Bretagne, une période d'expansion économique et démographique qui cumula vers 1670, lors de ce que Jean Meyer a appellé le grand Siècle breton, de 1550 à 1680. Le nombre annuel des baptèmes passe ainsi de 37,5 à 53,3 entre 1625-1634 et 1665-84, pour diminuer à 47,9 entre 1696 et 1715. Dans la période 1625-1728, le nombre maximal de baptèmes survient entre 1641 et 1664, et le nombre maximal de mariages en 1690. (Jean Tanguy, Ann. Bret. 1975,82) :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1975_num_82_4_2790

  Dans le même temps, les comptes de fabrique (du Léon, ou de Plogonnec, à défaut de ceux de Gouezec) montrent une augmentation des recettes, et donc des offrandes qui culmine également vers 1670.

  Depuis 1664 (Louis XIV), la création de 12 impots royaux nouveaux incite les seigneurs locaux à exiger plus rigoureusement le respect de leurs droits seigneuriaux, ce qui provoque l'exaspération des paysans, et leur révolte en 1675 (Révolte des bonnets rouges). Déjà, pour un tout autre motif,en 1591, un soulévement avait fait 90 morts parmi des nobles au château de Roszannou lors de la "boutade" ou jacquerie des paysans contre les partisans de Henri IV lors des guerres de la Ligue.

  La population de Gouezec était estimée par Ogée en 1780 à 1350 "communiants", puis évaluée à 1154 habitants par le premier recencement de 1793. Elle s'accrue au XIXéme siècle, avec le développement de la production d'ardoises et l'ouverture du Canal de Nates à Brest ; puis elle déclina, et  elle était de 1063 en 2007.

  Croissance économique et démographique jusqu'en 1670, conflit religieux en 1591 puis entre paysans et seigneurs en 1675, tels sont les éléments où situer les dates et noms relevés ici. Il faut y ajouter un conflit vers 1738 entre les paroissiens, qui veulent continuer à enterrer leurs morts à l'intèrieur de l'église du bourg ,et le recteur qui s'y oppose : les patronymes des paroissiens rétifs sont retrouvés directement ou non à Tréguron.

1. Les dates relevées dans la chapelle :

1584 : Socle de la statue de Saint-Éloi.

1654 : Socle de la statue de Notre-Dame de Tréguron: H. Kreprat

1667 : inscription sur une poutre: François Le Ligour

1737 : inscription sur la porte : Jean Leaber , Jun Merien

1748 : inscription sur une poutre : Jean Leap et Yves Le Seach

1749 : calvaire : trois blasons

1758 : sacristie : Cl. le Paige et Jean Richart.

2 : La noblesse : armoiries.

On les observe à l'intérieur de l'église, sur les poutres, les sablières, les vitraux ou dans le choeur, et à l'extérieur sur le calvaire. Ce sont les armes des familles:

- De Poulmic, Sr de Rosvéguen, Trogurun et Kerguélen : échiqueté d'argent et de gueules, le premier échiquier chargé d'un annelet de sable. Devise "De Bien (alias Espoir) en mieux". Il s'agit donc d'un échiquier noir à carrés rouges, avec un petit anneau dans le premier carré.

-  de La Bouexière, Sr de Rosvéguen : de sable au sautoir d'or, devise "Vexillium regis". L'armoirie est donc noire frappée d'une croix de Saint-André (ou "sautoir") jaune.

 - De Coetanezre, de gueules à trois épées pointes en bas rangées en bande, donc rouge avec trois épées

A la réformation de 1536 sont mentionnés :http://www.tudchentil.org/spip.php?article103 : je mets en gras ce qui m'intéresse :

 Gouézec : Nobles et maisons

  • Hervé Poulmic, noble, Sr de Rosguegue et de Tréguzon, de Kerguelan
  • Le Sr du Fouet, le métayer de Kerriou et de Laurigeau
  • Allain de Kerguern, Sr du dit lieu
  •  Le manoir de Coetnahenec appartenant au Sr du Fou
  •  Jean de Lesmays noble sr de Roscannou
  •  Olivier Kbescal noble Sr de lesmaez
  •  Gilles Pierys noble Sr de Kyzegeguel
  •  La maison noble de Taquiririou qui fut à Jean le saux charpentier qui faisoit des anvires, issu d'extraction noble.
  •  François Le Doeul, Seigneur de Coetioural et de Kaulan
  • Pierre de Kdrehennec sr dud lieu

 

 

A la montre de 1562 sont mentionnés pour Gouezec :http://www.tudchentil.org/spip.php?article491

 Les nobles de Beuzec ou Gouezec

  • Jehan de Lesmaes, Sr de Roscanvo, presant, dict qu'il faict arquebusier à cheval.
  • Hervé de Poulmic, default
  • M.tre François de la Boëssiére, Sr de Rosveguen et du Troïleur, dict qu'il est exempt pour raison de son office de seneschal du Châteauneuf, et a cependant baillé sa déclaration pour acquebusier à cheval
  • Olivier Kerguern, Sr dudict lieu, default.
  •  raoul de Piré, Sr de Kerjézequel, presant, dict être sous l'esdict.
  • GuilMe Peulchon, presant pour son fils aîné dict faire pique sèche 

a) Le calvaire :

   Sous la date de 1759, les branches du calvaire portent selon J.M. Abgrall de face et au revers  les écussons en alliance des familles des Poulmic et des Bouexiere.

   Je m'interroge sur cette lecture; une armoirie "en alliance" est définie ainsi : "Tout gentilhomme a le droit de porter, en les écartelant avec les siennes, quelques-unes ou toutes les armoiries des quartiers d'alliances directes contractées par sa famille" (http://www.blason-armoiries.org/heraldique/a/armoiries-d-alliance.htm.

-Un échiqueté d'argent et de gueules est un échiquier de carrés rouges et blanc : c'est bien ce qui compose la partie droite des deux blasons. 

- Mais les deux parties gauches des blasons montrent l'un trois bandes, l'autre trois barres obliques à deux traverses, mais pas de croix de Saint-André, armes des Bouexière.

- Enfin, un troisiéme blason, au milieu, non mentionné par Abgrall et Peyron, me semble être celui des Poulmic.


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La famille de Poulmic tire son nom du lieu-dit le Poulmic, paroisse de Crozon. Sa devise est : De bien (alias :Espoir) en mieux.

On distingue :

-Poulmic de Kernévenez, paroisse de Crozon.

-Poulmic de Langallic, paroisse de Telgruc

-Poulmic de Rosveguen, de Trogurun et de Kerguélen, paroisse de Gouezec.

- Poulmic de Toulquélennec, paroisse de Lopérec -Poulmic de Kerdilez, - de Kerlaouënan, -de Grande-Isle, - de Trohuel, -de Louméral, -de Kérénot.

Cette famille donna  Hervé, Abbé de Daoulas en 1351 ; Yves, abbé de Landevennec , mort en 1426; Jean, capitaine de Quimper, conseiller du duc, tué au siège de Saint-James de Beuvron le 6 mars 1426 et enterré aux Cordeliers de Guingamp ;  Jean, lieutenant en 1451 de l'amiral de Bretagne Jean du Quellenec , époux de Charlotte de Beaumanoir .

La branche ainée est fondue aux Chastel en 1459 par le mariage de Marie de Poulmic, héritière du fief, avec Olivier du Chastel.(armoiries écartelées du Chastel/Poulmic , vitrail cathédrale de Quimper, Baie 119). En 1492, Tanneguy du Chastel, sire du Poulmic, et Louise de Pont-L'Abbé son épouse, fille d'Hélène de Rohan.

Puis le fief passe succesivement à Vincent de Pleuc, sr de Tymeur, puis à Jean de Goulaine, baron de Faouet,  à Jehan du Ham, à René de la Porte, président au Parlement de Bretagne, à N. Rousselet de Château-Renaud, maréchal de France en 1723. Emmanuel Rousselet, Marquis de Château-Renaud, comte de Crozon, lieutenant-général de Bretagne a comme héritière Marie-Sophie qui transmet les seigneuries de Poulmic et de Crozon par son mariage en 1746 à Jean-Baptiste Charles comte d'Estaing, vice-amiral de Bretagne. Ce dernier est décapité en 1793.

   La Branche des Poulmic de Rosvéguen qui nous interesse ici, est issue d' Hervé de Poulmic; son fils Jean épouse Catherine Salliou ; son arrière petit-fils Jean est signalé en 1666 comme sieur de Kerguern. La montre de 1536 mentionne pour Gouezec Hervé de Poulmic, noble, Sr de Rosgueguen (sic)  et de Tréguzon, de Kerguelan. (Hervé de Poulmic rend aveu pour Kerguelan en 1540). source :Tudchentil.net :

http://www.tudchentil.org/IMG/pdf/Reformation_de_1536_en_Cornouaille.pdf

 

Famille de Coetanezrehttp://www.laperenne-zine.com/articles.php?lng=fr&pg=487

"Anne de Coetanezre épouse en premières noces Louis de la Bouexière sieur de Rosnéguen (fils de Louis et Anne Marigo) puis en 2èmes noces en 1583 Maurice de la Bouexière son frère" 

b) armoiries de l'intérieur de la chapelle :

- dans le choeur : on trouve deux anges porteurs de blasons au dessus des statues qui encadrent l'autel, et deux autres à la croisée du transept :

A droite au-dessus de Saint-Corentin, les armoiries des Bouexières sont écartelées avec celles de ?

 

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A gauche au dessus de Saint-Joseph, les armoiries des Bouexières sont écartelées avec celles des ? (macles et hermines ? )


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  A la croisée du transept, présentées par un ange, les armoiries écartelées des Bouexiéres et des Poulmic.

 

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 Présentées par un boeuf doté d'un fer à cheval, à nouveau les armoiries écartelées des de Bouexières et de Poulmic.

  Il serait plus amusant d'y voir une tête de vache laitière, pour rappeller que certaines saintes que les nourrices venaient prier pour obtenir du lait étaient aussi protectrices des vaches et favorisaient leur lactation. C'est le cas de sainte Brigitte, christianisation de la déesse irlandaise Brigit, déesse-mère dont la forme bretonne est Berhet.

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 Frappant le pied du grand crucifix de la nef, le blason des Bouexière :

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  A la voute de la croisée du transept, le blason écartelé des Bouexière et des Coetanezre 

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2) les autres paroissiens : fabriciens et prêtres

 

-Le socle de la statue de Notre-Dame de Tréguron porte l'inscription L : 1654 H:KPRAT :F

que je lis comme L'an 1654 H : Kerprat : Fabricien.

  Il apparaît qu'au XVIème siècle les patronymes Prat, Le Prat, Kerbrat et Kerprat soient proches, et qu'on ait affaire ici à Hervé Kerbrat, né vers 1612 à Gouezec, marié vers 1635 à Anne Bauquion. Il est né de Jean Le Prat (ca 1580-1670) , et il a eu une fille, Anne Kerbrat (1638-1696) qui épousa en 1660  Denis Merrien (ca 1635-1690).

  Hervé Kerbrat eut six petit-enfants : Marie, Jean, Pierre, François, Michel et Catherine Merrien.

La belle-mère de Pierre Merrien se nomme Jeanne Le Gadal, et celle de Jean Merrien Marie Le Gadal ; Jean Le Gadal est parrain de Jean Merrien, Alain Le Gadal le parrain de Marie: nous allons retrouver bientôt ce patronyme. De même, nous retrouverons le patronyme le Seach: Charles Le Seach est témoin au mariage de Pierre, et Yves Le Seach témoin de son decès.

   Les familles Kerbrat/Merrien, Le Gadal et Le Seach sont donc très proches.


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   La porte d'entrée, au sud, porte l'inscription 1737 IANLEAbER f    IUNMERIEN fab  donnant le nom d'un fabricien : Jean (Ian) ou Julien (Jun) Merien ? Un Denis Merien est signalé par les généalogistes : né le 25/02/1671 et décédé le 03/04/1742 à Gouezec, il eut cinq fils prénommés Pierre, François, Michael, Guillaume et Denis. 

Pour IANLEAbER, faut-il lire Jean Le Leap (voir infra) ?



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Première poutre de la nef :

 

  IEANLEAP  1748  IVESESEACH  

que je propose de lire comme Jean Le Leap 1748 Yves Le Seach.


  On retrouve  un Yves Le Seach, né le 30/10/1721 à Gouezec, décédé le 18/05/1762 à Kergoal, Gouezec, fils d'un  Yves le Seach numéro deux (10/11/1697 à Kerabri, 06/01/1770 à Kerhervé, Gouezec) et de Anne le Bozec. Cet Yves le Seach est lui-même le fils d'un premier  Yves le Seach né à Lothey en 1642 et décédé en 1719. En 1719 ? :

   Le chanoines Abgrall et  Peyron mentionnent (Bull Dioc. Hist. Arch. 1910) qu'en 1719, un certain Yves le Seach s'oppose au recteur qui veut inhumer un défunt de sa famille, non pas dans le sol de l'église, mais à l'extèrieur. Pour cela, le prêtre fait creuser une fosse, mais Yves Le Seach y place par dérision une grosse pierre et rebouche la fosse. Le recteur fit donner lecture des arrétés interdisant les inhumations à l'intérieur des églises, mais les paroissiens en colère tirent alors des coups de fusil et brisent une fenêtre du recteur. 

  On signale aussi un Jean Le Leap, 30/10/1700, Gouezec_20/07/1769, Kervern, Gouezec, époux de Françoise le Gadal qu'il a épousé le 01/06/1713. Or cette Françoise Le Gadal est la soeur de Laurent le Gadal, "héros" de la seconde partie de l'histoire mouvementée des inhumations de Gouezec : en effet, celui-ci, voulant faire enterrer sa femme Jeanne le Kergoat (1696-1738) dans l'église, charge ses valets d'y creuser une fosse : ceux-ci retirent alors un occupant réemment inhumé, et en violentent le cadavre.

  On voit  que Jean le Leap, beau-frère de Laurent le Gadal, et Yves le Seach ont en1748, dix ou trente ans après ces affaires, des souvenirs familiaux en commun.



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Poutre du bras du transept : F:F:P:FSOIS LE : LIGOVR F: LORS 1667

je traduis Fait fait par François Le Ligour Fabricien lors 1667

  C'est le nom d'un fabricien, peut-être François Le Lijour, né le 26 février 1635-36 à Gouezec, époux d'Isabelle le Seach (décédée le 27 octobre 1724).


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L'inscription fondatrice de la sacristie se dispose en deux pierres jumelles séparées par un moellon, à proximité de la date 1758 placée au dessus de la fenêtre:

F:F.P:M.R./ ET P:IAN

C L:PAIGE :R / RICHART.F:

ou, selon J.M.Abgrall en 1910: F:F:P:M:R ET :P:JEAN:CL:PAIGE:R:ET:P:JEAN:RICHART:F . Le chanoine a lu les deux pierres en continu, alors que je pense qu'il faut lire: F.F.P.M.R C. L PAIGE.R, et d'autre part ET P. IAN RICHART . F:

ce que je peux traduire par Fait fait par Messires C Le Paige (Recteur ?) et par Jean Richart fabricien(s). Le patronyme LE PAIGE, variante de Le Page (Le Paige, Plougasnou 1427) est parfaitement attesté à Gouezec du XVI au XVIIIè siècle, comme à Pleyben et Lennon. J.M.Abgrall fournit la liste des recteurs de Gouezec, mais avec des lacunes, et ne donne pas le nom du recteur en poste en 1758.

 

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  Avant de présenter les vitraux et les statues, prenons d'abord du recul pour découvrir la chapelle , vue du portail ouest:

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II les vitraux :

   La datation estimée par le Corpus Vitrearum est de 1570, postérieure aux Passions de Plogonnec, d' Ergué Gaberic ou de Guengat, de la Roche-Maurice, la Martyre, Tourch ou saint-Mathieu de Quimper. L'idée d'un carton copié de Jost de Necker, suggérée par René Couffon, a été définitivement abandonnée. Le chevet de la chapelle ayant été reconstruit en 1653, la maîtresse-vitre a du être adaptée au nouveau choeur. A la fin du XIXéme, les meneaux ont été supprimés pour créer une seule vitre soutenue par deux barlotières verticales et trois barlotières horizontales ; seuls les trois panneaux centraux ont été conservés au sein d'une vitrerie d'ornement avec dais supérieur frappé d' armoiries pontificales et verre blanc aux médaillons en grisaille et jaune d'argent. Cette vitre a été déposée en 1983 et restaurée en 1988 par l'atelier de Jean-Pierre Le Bihan de Quimper.

  Au nord, les baies 3 et 5 à deux lancettes ont conservé quelques panneaux du XVIème siècle.

   

 

Baie 0, Maîtresse-vitre : Crucifixion.

Une lancette de 3,20m de hauteur. 

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   Le Christ en croix est représenté au moment où Longin perce le flanc droit de Jésus, conformément non aux évangiles canoniques, mais à l'évangile dit de Nicodéme, ou Actes de Pilate, oeuvre qu'on attribue à un écrivain de langue juive du Vème siècle. On y trouve, chapitre X, 15 : "Or les soldats se moquaient de lui et, prenant du vinaigre et du fiel, ils lui présentaient à boire et lui disaient ; si vous êtes le roi des Juifs, délivrez-vous vous-même. Mais le soldat Longin, prenant une lance, ouvrit son coté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l'eau."

  Le corps de Jésus porte les marques de la flagellation. Il est ceint du perizonium. Au dessus de sa tête, une auréole est réalisée en verre rouge gravé. 

  En s'approchant, on peut admirer le travail du verre blanc où se conjugue la grisaille et  la sanguine et différentes valeurs de jaune d'argent. La tête du cheval avec le détail de son harnachement est parfaite, pleine d'expression, mais c'est en examinant le visage de Marie-Madeleine qu'on trouve réunies toutes les subtilités du travail du pinceau, trait principal, ombres dégradées des orbites, carmin des lèvres, jaune paille et jaune d'or de la fameuse chevelure de la Sainte. Sans oublier la courbe de sa posture, saisie dans ce mouvement de stupeur douloureuse qui la tord en un spasme plus éloquent qu'un cri.

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Baie 5 : Nativité et Annonciation.

datés vers 1570 :



 

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Baie 3:

3e quart du XVIe ?  On y trouve deux écus entourés chacun d'un phylactère qui semble porter la même inscription : NIHIL : TIMEO (avec le M et le E conjoint) : DEO   DUC. : cela ressemble à une devise qui serait NIHIL TIMEO DEO DUCE correspondant à JE NE CRAINS RIEN DIEU ME MÉNE. Mais je ne retrouve aucune devise bretonne semblable.

  Selon Peyron et Abgrall repris par Corpus Vitrearum, l'écu qui est divisé en deux est un écu parti de La Bouexière, "d'argent à l'arbre de sinople". Je trouve comme armoiries pour les Bouexière de Kermorvan "d'argent à un buis arraché de sinople", avec la devise NEC PERTIMESCIT HYEMEM. (Euraldic.com)

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II Les Statues de la chapelle de Tréguron:

- Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant (XVIè) : 

Sainte Anne est fêtée le 26 juillet.

     Cette représentation serait, selon le site Topic topos, inspirée par des gravures d'origine mosane ou flamande du XVIe et XVIIe siècles en Bretagne par des marchands d'image. 

 La présence de Sainte Anne n'est pas surprenante, mais son sens se renforce lorsqu'on rappelle qu'elle fait partie des saintes qui sont invoquées par les nourrices, puisqu'elle a nourri de son lait la Vierge Marie. 

  Parce que c'est la Mamm Goz, la Grand-mère, elle fait aussi figure de déesse mère, même sans aller reprendre les théories qui y voient une reprise du mot indo-européen Ana (grand-mère) ou de la déesse celte Ana.

  L'existence de Sainte Anne et de son mari Joachim ne repose sur aucun texte canonique, mais sur la tradition des premiers siècles et sur la Légende dorée de Jacques de Voragine au XIIIe siécle. Son apparition en 1623 à un paysan breton nommé Nicolazic, puis la découverte de sa statue par le même Nicolazic en 1625 sont à l'origine de sa dévotion à Saint-Anne d'Auray.

   Sainte Anne est souvent vêtue d'un manteau vert, couleur d'espèrance, alors que, bien-sûr, la Vierge porte une robe bleue. Le Jésus paraît ici un peu benet, sa mère louche, et la pauvre Anne va avoir du travail pour apprendre à lire à son petit-fils. Mais personne n'a jamais soutenu que le fils du charpentier savait lire, sauf lorsqu'il était avec les Docteurs de la Loi. Son truc à lui, c'est l'enseignement oral, les formules targoumiques, les bonnes histoires des paraboles. Ou bien, il écrit dans le sable, lorsqu'il préfère ne rien dire. (Jean 8,8 : "et, se baissant de nouveau, il écrivait sur le sol"). On ne voit jamais Sainte-Anne apprendre à Jésus à écrire, c'est peut-être Grand-père Joachim qui lui a appris à écrire par terre.

 

Post-scriptum : Une fidéle lectrice, Delphine, de Vannes, nous fait remarquer notre profonde méconnaissance des textes saints en citant Luc, 4, 16 : Jésus vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit.

 

La preuve est faite que nos statues de campagne disent toujours la vérité, et que Sainte-Anne a pris en charge l'éducation de son petit-fils, sans-doute pour soulager la maman surbookée et le beau-père : Ah, ces familles recomposées ! que feraient-elles sans les grands-parents !

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Sainte Marguerite :

      Il s'agit de Sainte Marguerite d'Antioche, reconnaissable à son dragon. Elle est fêtée le 20 juillet. Si sa présence n'est guère originale dans une chapelle bretonne ( le recensement de René Couffon dans Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper la place en cinquiéme position , juste avant St Éloi et après Ste Barbe parmi les 53 différents saints, avec une centaine de statue en Cornouaille et Léon), son voisinage avec Notre-dame de Tréguron est pleine de sens lorqu'on sait que cette cette martyre du IVe siècle est invoquée par les femmes enceintes pour une bonne délivrance, mais aussi par les méres et les nourrices désirant beaucoup de lait. Si son intercession est ainsi sollicitée, c'est qu'elle-même, ayant été avalée par un dragon, est parvenue à sortir miraculeusement du ventre du monstre : cela la prédispose à aider les enfants à sortir du ventre maternel, ou à aider le lait à sortir des poitrines.

 

   Elle a une drôle de tête, avec ses yeux bleus levès vers le ciel et ses pommettes rosies par l'émoi extatique. Elle est vêtue d'un manteau rouge bordé or et noir et doublé d'hermine, d'une robe au décolleté rectangulaire à l'encollure et aux manches rehaussées d'or avec un liseré noir. Ses cheveux ramenés en arrière sous un voile sage dégage un large front épilé selon la mode du Moyen-Âge . Elle est chaussée de sandales. Assise sur le dragon dont elle est sortie, elle n'a pas peur du tout du terrible monstre vert à la gueule rouge et à la queue en tire-bouchon, et elle doit se dire in petto "nihil timeo deo duce", si elle baragouine en latin.

  Lavieb-aile vous conseille : pour réussir une belle épilation du front comme Marguerite, appliquez un mélange d'orpiment et de chaux vive ou de chaux bouillie dans l'huile. Puis, si vous souhaitez empêcher la repousse du cheveu, faites préparer un mélange de sang de chauve souris (rhinilophe, par exemple) ou de grenouille bien verte (passer au chinois), de suc de ciguë et de cendre de chou diluée dans du vinaigre.

   Marguerite a aussi épilé les sourcils pour tracer une jolie ligne convexe vers le haut qui la fait apparaître encore plus spirituelle. Essayez !



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Sainte Catherine :

  Sainte Catherine d'Alexandrie est aussi (entre autre) patronne des nourrices car du lait jaillit de son corps lorsqu'on la décapita. Elle est représentée avec la roue de son premier supplice, celui qui échoua à la fois à la faire renoncer à sa foi chrétienne, et à la mettre à mort. 

 

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Sainte Barbe :

  C'est, elle-aussi, une sainte à qui les nourrices venaient demander un peu de lait pour remplir leurs mamellles, pour la raison évidente que, lors de son martyr, les bourreaux lui avaient arraché les seins avec des tenailles. Elle était peut-être plutôt consultée à dessein en cas de mammite, de gercures, de crevasses, de lymphangite, d'engorgement ou de mastite, ou pour les douleurs qui tenaillent. L'allaitement maternel, c'est bien, mais les problèmes, c'est la barbe.

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Saint Corentin :

       Il semble surpris en pleine période oratoire d'un prêche, et les franges de sa cape vibrent et s'agitent en voulant suivre les méandres et les caprices de cette déclamation. Un sermon, cela ne s'improvise pas, et c'est même parfaitement codifié : Il faut débuter par un exorde qui cite l'Écriture, puis énonce la proposition du sujet, et la division, en trois points. L'exorde se termine par l'invocation à l'Esprit-Saint, invocation non superflue puisqu'il va falloir attaquer le corps du sermon, et développer les trois points annoncés dans la division. Enfin, la péroraison se livre à une brève récapitulation avant d'entamer l'affection, morceau lyrique d'action de grâces pour les vérités énoncées. Le tout, en latin, au moins pour l'exorde. Ah, Bossuet, comme tu nous manques!

  Pris par son sermon, Corentin en a oublié son poisson.

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Saint Joseph :

Pour une fois, il est à son avantage, avec une vrai carrure de charpentier : je ne l'aurais pas reconnu si je ne l'avais pas lu sur la notice.

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Saint François d'Assise

en tenue de franciscain, avec le froc de laine de couleur sombre, le capuchon court et arrondi, la ceinture de corde aux trois noeuds rappellant les trois voeux de pauvreté, chasteté et obéissance,  et les sandales de cuir. La coupe est faite "au rasoir d'Occam", coupant tout ce qui dépasse 

 

Fichier:ImagesCAV0EWR8.jpg 

 Saint François présente ses stigmates :

 

 

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- Christ en croix (XVIè) :

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- Saint Éloi (XVIè) :

 


La statue polychrome en pierre est placée dans une niche d'ornementation gothique très comparable à celle qui abrite la statue de Notre-Dame de Trèguron, sans néanmoins être similaire. Comme elle également, cette niche en bois est posée sur un solide socle en pierre qui porte la date de 1584 ; et comme elle enfin, elle est peinte en rouge, bleu et or à l'extérieur, et en bleu étoilé de blanc dans le fond. 

  Saint Éloi est en tenue de maréchal-ferrant, ou plutôt il en tient les instruments, car s'il faut comparer au vitrail des Saints de Plogonnec  Les vitraux de Plogonnec IV : Vitrail de la Résurrection. on constate qu'ici, le saint ne porte pas le tablier propre à la profession, mais celui du forgeron (qui n'est pas fendu sur les cuisses) et que la tunique dorée paraît bien élégante pour un artisan au travail.

Un tablier de maréchal-ferrant marque Excelsior,  ceinture et sanglons de cuisses sont en cuir de buffle pleine fleur :

Matériel de maréchalerie

Il tient un marteau, il a passé les tenailles dans sa ceinture, et il est en train de ferrer le morceau de patte qu'il a miraculeusement prélevé sur le cheval qui attend gentiment dehors. De faux ex-voto sont sculptès sur son billot, et un vrai fer à cheval est accroché sur le devant de la niche. 

  Plusieurs détails vont m'intriguer :

-sa coiffure capillaire et sa coiffure-chapeau, une sorte de chapka dont les éléments latéraux se rabattent sur les oreilles.

-sa moustache dite Royale à la Louis XIII, mais où la touffe de poils du menton est taillée non pointe vers le bas, mais en écusson pointe vers le haut, et où la moustache elle-même est courte, et interrompue au milieu.

- l'outil en zig-zag sculpté sur l'établi. Il s'agit du boutoir, utilisé pour couper la corne et égaliser le dessous du sabot.  La grosse tenaille à déferrer porte le nom de tricoise, alors que le marteau utilisé pour enfoncer les clous de ferrage se nomme le brochoir

 

 Le nom de maréchal-ferrant ou maréchal ferrant vient du bas-latin marescalcus, "valet d'écurie" issu lui-ême de l'ancien allemand marahskalk, composé de marh, "cheval", (proche du marc'h breton) et de skalk, "valet" ou "celui qui soigne". Il apparait en français en 1086 sous la forme marescal avec le sens d'artisan charger de ferre les chevaux et les anilmaux de trait. Ce n'est que secondairement qu'il prend le sens d'officier chargé du soin des chevaux, puis en 1213 celui de grand officier chargé de commander une armée. Il fallut alors, en 1611, introduire le terme de maréchal-ferrant pour désigner le métier de "maréchal".




 

 

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        En 2001, un charcutier à la retraite, Charles Rannou, né en 1913, racontait ceci à un journaliste qui l'interrogeait :

    "A l' heure actuelle ,de plus en plus de gens prennent part aux pardons .Mais ils ne s'y rendent pas pour les mêmes raisons que leurs aieux.Autrefois c'était le moment de célébrer un saint, pour le prier d'intercéder dans toutes sortes de domaines ;chacun avait sa spécialité ,ses pathologies à soigner.Pour beaucoup ils étaient les saints patrons veillant sur les bêtes :Saint Herbot pour les bêtes à cornes , Saint Eloi pour les chevaux. Et dans chaque chapelle où l'on pouvait s'adresser à Saint Eloi on organisait chaque année le Pardon des chevaux .Dans la paroisse de Gouezec ,c'est à la chapelle Notre Dame de Treguron que l'on se rendait."


   Le pardon des chevaux :

  Un cheval ou une vache constitue pour une ferme un bien prècieux, qu'il s'agit de placer sous la protection des "saints vérérinaires", lors du pardon.Il se déroule à peu-près de la même façon partout : le  cheval est endimanché, sa queue et sa crinière sont tréssées, les sabots sont cirés, et le cavalier et sa monture se présentent tôt à la chapelle pour entendre la messe matinale. La première chose à faire est de faire trois fois le tour de la chapelle dans le sens de la rotation du soleil, le chapelet dans une main, le chapeau dans l'autre, en récitant des prières. Cette circumduction rituelle est chargée de puissance magique, qui se renforce à chaque tour, avec un arret en passant devant la porte de la chapelle et en faisant faire à son cheval un salut au saint patron. En même temps, le ferlier récite la prière à Saint Éloi : Sant Alar viniget, A zo mestr ar c'hezeg, Ro dezhe bouet ha yec'hed, Ma vo kresk al loened ( "St Éloi béni, Toi qui es maître des chevaux, Donne leur pâture et santé, et tâche d'augmenter le prix des bêtes "!) 

  Le maître s'acquitte alors d'une offrande, souvent constituée de dons de crins, mais aussi de blé ou d'autres offrandes en nature en remerciement pour  une guérison, un accident évité, un beau poulain. On offre aussi des ex-voto, et notament un fer à cheval où est inscrit le nom du cheval , du fermier ou de la ferme. Après l'office a lieu la bénédiction des chevaux par le recteur, puis on descend à la fontaine et le cheval est arrosé à grand renfort de seaux d'eau ou bien baigné dans un bassin ou un étang.

  Le travail de référence est celui de Bernard Giraudon :http://danielgiraudon.weebly.com/uploads/3/1/6/3/3163761/pardons_des_chevaux_kernault.pdf

Ici, le vitrail de l'église de la commune de Saint-Éloy :

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  Les volets de la niche.

  A la différence de celle de la Dame de Tréguron, celle de St Éloi a conservé ses volets peints de huit personnages identifiés par Abgrall et Peyron en 1901. Celui de droite représente en bas "une sainte abbesse, portant crosse, peut-être Sainte Scholastique ou Sainte Candide", à coté de Saint-Jean Baptiste portant l'agneau, et en haut "Saint Guillaume d'Aquitaine, en robe brune, le corps couvert de chaînes de fer, tenant un bourdon de pélerin, aux cotés de Saint Laurent tenant le grill de son martyr, et que les deux chanoines omettent de décrire. Le volet de gauche présente en bas Saint Herbot en tenue de franciscain (identifié par eux comme un Saint François d'Assise) et "Michel le Nobletz, vêtu du même surplis qu'il a au Conquet dans sa statue tumulaire" puis en haut "Saint Yves ayant robe rouge, camail et barrette de même couleur, avec surplis moucheté d'hermines" et " Saint Dominique ", que des experts ont identifié lors d'une restauration ultérieure comme Saint Vincent.

  Il serait interressant de dégager la logique qui réunit ces personnages, avec une majorité de membres du clergé : cela ressemble à une conception issue d'un théologien de la Réforme. Il serait aussi curieux de connaître la datation attribuée à la statue indépendamment de son socle. Michel le Nobletz est né en 1577 et mort en 1652.

 


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      Le Mobilier :


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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:35

  Vierges allaitantes I :

        Notre-Dame de Tréguron à Gouezec.

        Itron Varia Treguron et Mamm al laez.

 La chapelle de Trèguron, fondation seigneuriale aux XVI-XVIIème siècles des familles Poulmic, La Bouexière, Coetanezre et Kervern, se trouve à 3 Km au NO de Gouezec (Finistère). Bâtie au XVIéme siècle, reconstruite au XVIIème avec la construction en 1653 d'un chevet Beaumanoir (du nom d'architectes morlaisiens du début du XVIè), elle comprend une nef avec collatérale nord, un transept et une abside, et un clocher gothique. La sacristie octogonale, reliée à l'abside, est datée de 1758. La chapelle renferme la statue de Notre-Dame de Tréguron, mais, à une centaine de mètres en contrebas, une fontaine du XVIè abrite une statue de Vierge allaitante. 

  Cette chapelle était, encore au début du XXème siècle, "le centre d'une grande dévotion surtout de la part des mères de famille et des nourrices qui y demandent à la Sainte Vierge abondance de lait pour nourrir leurs enfants" ( Chanoines Peyron &  Abgrall, 1901). Je pouvais penser qu'elles se rendaient à la fontaine pour baigner leur poitrine, comme cela se pratiquait aussi dans le culte des nourrices envers Sainte Agathe ou Sainte Brigitte, et j'en trouvais vite la confirmation dans la thèse de médecine soutenue en 1903 par H.Liégard sur Les saints guérisseurs de Bretagne. Il mentionne qu'à Gouezec, les femmes qui veulent avoir du lait se rendent à Tréguron et, après avoir déboutonné leur corsage, font trois fois le tour du sanctuaire, s'arrêtant à chaque tour à la fontaine pour y asperger leurs seins, avant de rentrer dans la chapelle y réciter cinq Pater et autant d'Ave et de verser leur obole à Notre-Dame dans le tronc.  Cela paraît curieux, mais n'en faites pas des gorges chaudes.

 

 

I. La fontaine, et sa statue : vénérée par les "Marie-pisse-trois-gouttes" et autres nourrices mauvaises laitières.

 

  La plupart des fontaines se sont établies sur d'anciens lieux de culte païens, et celle de Tréguron n'échapperait pas à cette règle : pour Pierre Audin, les traces des influences gauloises se détectent devant "une série d'hydronymes en -onna souvent utilisés comme qualificatif donné à la Vierge, surtout en Bretagne, tels que Crénénan (Guéméné), Béléan (Pléren), Ruellan (Plancoët), et dans le Finistère Roscudon (Pont-Croix), Nitron (Lanmeur), Nizon (Pont-Aven) et...Tréguron à Gouezec".(Pierre Audin, un exemple de survivance païenne, le culte des fontaines) Annales de Bretagne 1979, 86-1 : 94) :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1979_num_86_1_2969

  Le même auteur pense que les toponymes en -mer, -mair vient du culte des matrae, du culte des mères et donc de la fécondité, dont il trouve des exemples à Gouezec avec la fontaine de la mère au lait à Gouezec, et la mystérieuse Sainte-Mammère qui protège cette source.

  Culte païen des sources, culte mégalithique de la fécondité plaçant des pierres dressées près des sources, croyance celte en des fées des eaux, des Dames ou Bonnes Dames résidant près des sources, cultes gallo-romains rendus à Vénus invoquée pour la fertilité des femmes ou leur allaitement, rites de circumduction sacrée, le sujet est vaste, mais la réalité est là : en Bretagne, on ne compte plus les fontaines guérisseuses, et parmi celles-ci, nombreuses sont celles dont les eaux favorisent la fécondité, la maternité et l'allaitement des femmes. Ainsi sur le beau site http://martheknockaert.unblog.fr/2010/07/22/809/, je relève pour le Finistère les fontaines de Boissière (Plonéis), de Ste Brigitte à Guengat, de N.D.de Kernevot à Ergué-Gabéric, de Kerluan à Chateaulin, de Sainte-Brigitte à Brest, de Sainte-Marguerite à Logonna-Daoulas, de Sainte-Brigitte à Spezet, de la Roche à Saint-Thois. Dans chaque cas, les méres qui souhaitent obtenir du lait pour nourrir leurs enfants s'aspergent les seins, ou jettent des épingles dans la fontaine.

   Jacques E. Merceron, professeur de civilisation française à Indiana University ( USA) a consacré une étude approfondie aux différentes formes que prend en Bretagne la dévotion aux Vierges allaitantes sous le nom de "Notre-Dame du Bon-Lait" dans l'Ouest, Notre-Dame de Crée-Lait en Loire-Atlantique, Notre-Dame du lait dans l'Est et le Sud, Notre-Dame du Sein à Gestel pour désigner Notre-Dame de Kergornet :http://www.culture.gouv.fr/mpe/recherche/pdf/R_478.pdf

  Il y décrit longuement un ensemble de pratiques dévotionnelles qu'il qualifie de "mélange inextricable d'éléments strictement chrétiens" (cierges, prières, messes, processions et pardons,) " et de pratiques non orthodoxes à peine christianisées" ( circumambulations en nombre impair, ingestion de "reliques du lait de Marie", calcaire de la grotte de l'allaitement à Béthléem ou concrétions calcaires de différentes fontaines, délayées et vénérées s'i elles sont conservées en fiole sacrée, ou avalées, ou mêlées aux biberons).

 

        A Tréguron, la fontaine est tapie dans le creux d'une prairie, sous quelques arbres chenues, et l'eau qui s'en écoule se rassemble dans un bassin de dévotion avant d'alimenter un lavoir. 

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   Ce sanctuaire sans prétention, caché, mal indiqué, préfère la verdure des mousses, le gargouillement humide d'un filet d'eau à travers les feuilles mortes et l'arc simple d'une voûte de granit aux ornementations gothiques et aux dorures. S'il est religieux, c'est d'une foi toute franciscaine, humble, silencieuse, à l'écoute de l'âme des choses et de l'âme du monde. C'est le sanctuaire des randonneurs et des poètes, et sa source qui vient des profondeurs ne s'élève guère, mais elle serpente en chuchotant, ne forçant rien, faisant son chemin selon une humeur déclive, dolente, douce et docile. Elle est l'amie des gens simples, des fredonneurs, des cueilleurs de mures ou de champignons, ou des batifoleurs. Les pieds dans l'eau, elle apprécie ceux qui ont les pieds sur terre.

   Mais la niche au toit vert cache une étrange pensionnaire.

   

 

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Cette fontaine  réunit par ses formes le cercle, avec un C comme Cosmos, le chiffre trois de son fronton triangulaire, et le chiffre quatre, lié à la Terre, de ses blocs de pierre.

  Elle est basse, et il faut se pencher pour voir, au fond la statue pâle aux reflets verts de Mamm al Laez, la Mére au lait. 

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   Elle a beau être couronnée et voilée, ses yeux en amande, son visage rude et rond, ses traits et ses lèvres fermées n'en font pas une Vierge Marie douce et aimante, une de ces Vierges à l'Enfant de nos églises, maternellement penchée vers le Fils ou tendrement disponible aux prières des fidèles, mais une déesse primitive ou paysanne, née ou façonnée par le terroir breton, aussi énigmatique que l'enfant bourru qui actionne les mamelles (quel autre nom ?) comme deux robinets magiques sur lesquels il règne.

 Trois gouttes, comme trois cerises, viennent ainsi fleurir chaque téton d'une moucheture d'hermine. 

 

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   Un rejointoiement récent masque mal les ruissellements d'eau verte, le suintement du salpêtre et le développement de mousses dans laquelle la divinité soigne son teint de céruse et de cire et sa peau défraîchie que seule colore une lumière feinte. La coupole damasquinée de moisissures et de lichens est son seul firmament, et c'est par cette flore  insalubre, sordide et froide qu'elle repose son regard d'insomniaque.

   Insomniaque ? Car la nuit, imbibée des percolations lithiques , de molles tisanes émeraudes et d'exhalaisons méphitiques, du suc puissant des racines du lierre ou des venaisons faisandés des salamandres et des tritons qui succombent à ses pieds, Mamm al Laez concocte les  épicés breuvages qui montent comme une lymphe et dégorgent en cette galactorrhée visqueuse que distribue le dieu lactogène aux nounous qui le prient.

 

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II. La statue de Notre-Dame de Tréguron.

 

 

 

 Notre-Dame de Tréguron :

  Il s'agit d'une statue en pierre grandeur nature placée dans une niche en bois à volets (absents) d'ornementation gothique. Elle est datée du XVIIème siècle et placée sur un socle portant l'inscription : L.1654 : H : KPRAT , nom du fabricien commanditaire. 

  C'est le double solaire, radieuse, rubiconde et florissante de la divinité lunaire, anémique et confinée que nous venons de quitter. Elle est présentée par l'inscription AVE MARIA PLENNE DE GRACE.

  Elle est l'archétype des Vierges allaitantes de Cornouaille, dont plusieurs portent son nom de Notre-dame de Tréguron, mais elle est la seule à montrer ses deux seins.

 Dans le gloire de sa maternité, couronnée par deux anges, elle soutient le lourd sein droit de sa paume alors que du mamelon sourd trois gouttes de ce lait qui est la nourriture de l'enfant-dieu. et celui-ci, indifférent au destin qui l'attend, tête goulûment le sein gauche tout en le maintenant en un geste charmant de la main. Et on constate que ce Jèsus est coiffé d'une auréole-bonnet en or. Il est nu, zizi à l'air afin que chacun puisse discuter pour savoir si l'artiste n'a pas oublié que, selon les Évangiles, il a été circoncis.(si). Il tient debout comme un grand et on lui donne un an ou plus, ce qui n'a rien d'étonnant puisque chez les peuples latins de ce temps de l'année 0001 ou 0002, les mères allaitent les enfants jusqu'à trois ou quatre ans.

    A la différence des autres Vierges, mais comme toutes les Vierges allaitantes, sa chevelure est apparente, et elle ruisselle comme une rivière de lait blond sur ses épaules, juste rassemblé par un bandeau blanc aux rayures vertes et or. 

   Royalement assise sur un siége aux allures de cathèdre, elle trône dans son vaste manteau d'or doublé de satin bleu dont le pan gauche recouvre ses genoux. Sa robe rouge trés cintrée (c'est, sans-doute, le bénéfice du post-partum d'un enfant divinement conçu de ne pas prendre de ventre du-tout) s'ouvre par un large décolleté en V sur une chemise qui a été descendue sous la poitrine. Ce costume ne me semble pas correspondre au costume féminin de 1654 ( régne de Louis XIV) mais semble reprendre celui des peintures de Jean Fouquet (1452) ou de Joos van Cleve (début XVe siècle) que j'ai présenté ici : Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.

  On peut encore s'attarder sur les manches pendantes. Ou s'interroger sur le blason qui surmonte la sculpture, de gueule aux trois fasces d'or accompagné d'une fleur d'or, que je n'ai pu déterminer.

Mais ces descriptions s'écartent de l'essentiel: la beauté de cette mère au clair et fier regard bleu, qui fait de cette statue une grande réussite artistique. 

 

 

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  La niche se fermait par deux volets qui ont disparu. Était-elle fermée lors du Carème ? Ou bien en permanence sauf lors des fêtes et pardons?   La statue était-elle habillée ? Cela permettrait de comprendre cette tradition rapportée par certains auteurs qui signalent que les femmes en difficulté d'allaitement venait planter des épingles dans le bas de la robe. 

 

  Ce qui est sûr, c'est qu'elle était pudiquement drapée jusqu'aux années 1950 (Annick Le Douget, La chapelle de Clohars-Fouesnant, la tradition de l'habillement de la Vierge, en ligne)

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:33

          Vierge allaitante II :

  Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéméneven:

                

               I :  statues, bannières et mobilier

   

 

 

 


 

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     Lorsque le visiteur se présente à la chapelle de Kergoat, il trouve un panneau qui lui indique que le Pardon de Notre-Dame de Kergoat était réputé dans toute la Cornouaille depuis le Moyen-Âge : on y venait pour y guérir des hémorragies, des maladies sanguines ou pour se protéger des incendies.


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  Une reproduction du célèbre tableau de Jules Breton (1867-1906) Le Pardon de Notre-Dame de Kergoat  (Musée de Quimper) permet de constater l'ampleur de la grande procession  qui, après les vêpres, fait le tour de la chapelle : en tête, un porteur de bannière, puis vient un groupe d'hommes en costume noir ou écru, tenant des cierges ; et parmi eux, les pénitents qui marchent pieds-nus. Viennent ensuite les femmes qui portent le brancard sur lequel est installé la statue de Notre-Dame de Kergoat. S'agit-il de celle-ci, qui se trouve aujourd'hui exposée dans la nef et entourée d'ex-voto ? : 

 

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  Elle est précédée par une femme qui porte une bannière, laquelle est vraisemblablement celle-ci :


 

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  La bannière de tête serait alors celle de la paroisse de Quéménéven, dédiée à Saint Ouen :

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     En réalité, un examen du tableau lui-même Jules Breton, le Pardon de Kergoat  http://www.mbaq.fr/fileadmin/user_upload/fonds-ecran/oeuvres/breton-kergoat-1280.jpg montre que la première statue est celle de Sainte-Anne apprenant à lire à la petite Marie : c'est, je pense, la statue de granite de Ste-Anne la Palud. La bannière enrubannée qui la suit n'est guère identifiable, elle voisine une statue de sainte Marguerite . Une autre bannière représente une piéta, puis vient une croix, un dais, et d'autres bannières. En tête, un porteur de bannière se plie en avant pour un salut de bannière avant de rentrer sous le porche ouest. Trois jeunes femmes sont en costume de drap rouge avec un tablier d'or, qui est celui de Ploaré, la commune proche de Douarnenez. Puis viennent des filles plus jeunes en aube blanche de communiantes, et encore, derrière elles, une foule immense. Il est possible de reconnaître les guises ou mode vestimentaires, dites glazig, rousig, giz Fouen, penn sardin, bigouden et kaper. On distingue même des coiffes jaunes , ce sont les borledenn de deuil jaune.

  Entrons dans les détails  : En tête, les deux porteurs de bannière sont en costume glazik ; les premiers pénitents sont bigoudens, puis le suivant  en costume blanc est Giz fouen, avec le saint-sacrement brodé dans le dos comme le porteur de lutrin de Guiscriff ( Guiscriff : un lutrin anthropomorphe en costume breton.). Celui qui suit en costume bleu-roi et bragou braz sombre est de Ploaré, les deux suivants pieds-nus sont glazik. Les cinq femmes qui encadrent Sainte Anne ont revêtu les costumes de mariage de drap rouge ou noir de Quéménéven. En arrière-plan de ces quéménévenoises émergent les coiffes penn-sardin et les châles des douarnenetistes; et la mendiante à gauche porte le "capot" utilisé pour protèger de la pluie. link

 

Les bretons venaient parfois de loin, marchaient durant la nuit pour communier le matin, ou bien couchaient dans des granges, et c'était des chiffres de 10 000, 15 000 pèlerins, qu' accompagnaient des centaines de mendiants et d'estropiés. Le soir, les sonneurs animaient la fête, on allumait de grands feux. 

   Les fidèles avaient formulé des voeux pendant l'année : telle femme en couche avait promis de vendre son alliance au pardon, et de la racheter aux enchères qui se dérouleraient au pied du calvaire. D'autres avaient promis à la Madone de ceindre la chapelle d'un double tour de cordon de cire, d'autres s'étaient engagés pour un triple tour de bougies effilées, et d'autres encore offraient des ex-voto en cire de telle partie du corps qui s'était trouvée guérie après les dévotes invocations. C'est à la sacristie qu'on achetait ces bougies, ces objets de  cire mais c'était pour que le bedeau la récupère et la revende aux paroissiens. Dans La Bretagne Contemporaine, de Félix Benoist, 1865, l'auteur, à propos du pardon de Kerdévot, précise que les cordons de cire offerts par les fidèles sont bénis, puis revendus par petits morceaux pour être allumés au chevet des mourants et des trépassés.

  On promettait aussi de faire le tour de la chapelle à genoux, ou un marin extravagant, sous prétexte d' être rescapé d'un naufrage, grimpait au sommet du clocher et s'y pendait, tête en bas et bras en croix... (Breizh-Izel, ou la vie des bretons d'Armorique, 3 : 15, 1844).

  Le rite d'entourer un sanctuaire de cire est ancien. Au Moyen-Âge, et jusqu'à la Révolution à Quimper (le jour de la Chandeleur) et à Nantes, c'était la ville elle-même qui était ceinte d'un cordon de cire qui courait le long des remparts, pour protéger les habitants de la peste ou d'autres périls. 

   Le tableau exposé à Quimper permet de voir à quoi ressemblent ces cordons, et de constater une triple rangée d'une sorte de gros cable blanc qui courent le long du mur, à deux mètres de haut pour passer au dessus des portes.

  Le pardon de Kergoat a lieu le dimanche qui suit le 15 août.

 


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  Dans le choeur, les chérubins dominent le "baldaquin à colonnes corinthiennes avec entablement à volutes" (MH, JP Ducouret et Cl. Quillivic) du 18e siècle. D'un triangle représentant la Trinité où s'inscrit en hébreu carré le tétragramme divin, des rayons lumineux partent en traversant des nuées où jouent des angelots.

  Sur le maître-autel à gradins sont posés deux anges adorateurs en bois, du 18è siècle, à genoux sur leur nuage.

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  Sainte Marguerite :

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      Sainte Françoise Romaine: 

Elle est la fondatrice des Oblats de Saint Benoit.

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      Saint Mathurin :

  Ce diacre du IIIe siècle est le patron des clowns, des bouffons, mais c'est aussi en Bretagne le patron des marins, et au Moyen-Âge, il était invoqué "pour les fous et les épouses insupportables"(http://damien.jullemier.pagesperso-orange.fr/sts/st-mathurin.htm). La légende lui attribue en effet la guérison de Theodora, belle-fille démoniaque de l'empereur romain. 

  Cette statue en bois polychrome du 18e siècle est proche de celle qu'abrite l'église de Locronan, à quelques kilomètres de Kergoat, et on retrouve notamment la moustache  typique, la chasuble rouge, le manipule au bras gauche, et le surplis (ici enrichi d'une broderie florale noire).

   Mais je n'ai pas trouvé l'explication du personnage tronqué, torse nu, qui se tient à ses pieds. Je pensais qu'il s'agissait d'un de ses attributs, comme les petits enfants au pied de Saint Nicolas, mais les statues que j'ai vues ne s'accompagnent pas de ce double singulier.

   Treize chapelles de Bretagne lui sont dédiées, mais celles qui abritent sa statue sont plus nombreuses, comme celle de Saint They à Cleden-Cap Sizun.

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      Sainte Barbe :


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      Saint Jean-Baptiste :

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Saint Jean l'Évangéliste :

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Saint-Ouen :


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Le mobilier : orgues et chaire à prêcher :

  Le buffet d'orgue a été restauré en 1998 après l'avoir été en 1841 (inscription Jean Rividic Trésorier  Peint par Cassaigne 1841) . L'association Evit Buez ar chapel Kergoat a financé l'installation en février 2011 des 53 tuyaux réalisée par Hervé Cail, facteur d'orgue à Plouzévédé. Les 28 plus petits sont muets et servent à l'ornementation, mais les plus gros pourraient se faire entendre si l'association pouvait installer un orgue. Le dernier instrument daté du XVIIe et restauré en 1852 a résonné pour la dernière fois le 22 septembre 1880 quand furent bénies les nouvelles cloches. Il s'agit d'un orgue que l'on doit au facteur Jules Heyer (1818-1900) qui l'a construit en 1853 (il est aussi responsable de 16 autres instruments dans le Finistère).



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Chaire à prêcher :

restaurée en 2010, elle est l'oeuvre de Claude Mazier, maître-menuisier à Quimper à qui on doit aussi la clôture de choeur, la partie menuiserie du retable du rosaire et du retable-lambris de l'extrème-onction à Kergoat ; selon l'inventaire des Monuments Historiques, elle est "un exemple relativement rare de chaire du 18e assez dépouillée".

  L'abat-voix hexagonal:

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La cuve :


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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:32

 

                 Vierge allaitante II :

  Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéméneven:

                

                                                            I. LES VITRAUX .

 

   Si la chapelle actuelle date du XVIe siècle, date à laquelle elle fut reconstruite, elle conserve en baie 5, 8 et 11 des vitraux du XVe siècle venant du sanctuaire antérieur. 

    Si la chapelle actuelle date du XVIe siècle, date à laquelle elle fut reconstruite, elle conserve en baie 5, 8 et 11 des vitraux du XVe siècle venant du sanctuaire antérieur. 

    Vers 1600, une première redisposition des panneaux eut donc lieu lors de la construction de la chapelle, puis en 1841 Guillaume Cassaigne, peintre et vitrier de Quimper (dont on trouve aussi le nom sur le buffet d'orgue) modifia les verrières au goût du jour (souvent on les trouvait trop sombres -avant l'électricité !) en remplaçant les vitres du choeur par des verres vivement colorés, et en transférant les vitraux anciens dans les fenêtres des collatéraux de la nef, insérés dans de larges bordures façon Cassaigne. En 1901, l'atelier parisien de Félix Gaudin restaure les vitraux du coté nord (impairs) et en 1922-23 l'atelier Labouret se charge des verrières sud (paires). Les vitres sont toutes démontées et mises à l'abri en 1942, puis remises en état et replacées en 1954 par J.J. Gruber.Le résultat est un pèle-mêle compliqué encore par les pertes et les bris, et l'utilisation de verres bouche-trous.

  En 2009-2010, l'atelier Anne Pinto de Tussau (Charentes) qui se charge de restaurer et surtout de protéger les vitraux. En effet, ceux-ci s'altèrent avec le temps : soit la peinture s'efface, soit la condensation (air froid extérieur, air chaud intérieur) ruisselle sur la face interne et lessive la peinture, soit celle-ci facilite le développement de micro-organismes (lichens et algues) qui rongent le verre.

  La protection mise en oeuvre par l'atelier Pinto consiste en la pose d'une verrière de protection à la place du vitrail, lequel est décalé de 3cm vers l'intérieur pour créer une ventilation : c'est désormais sur la face interne du verre de protection que l'eau de condensation se forme et s'écoule. En outre, le vitrail est désormais à l'abri des garnements qui lancent des pierres, de la grêle, du vent ou de la pollution.

   Mais l'atelier a aussi procédé à la restauration du vitrail lui-même. Des verres avaient été brisés ; certains fragments avaient été fixés par des "plombs de casse", plomb ficelle ou aile de plomb,  qui, s'ils sont trop nombreux, finissent par altérer le dessin d'origine. Les soigneurs de vitraux en ont compté en moyenne  750 par verrière ! Ils les ont déposé au profit d'un collage bord à bord par résine silicone.

   L'accumulation de poussières et de lichens avait encrassé les panneaux, en les noircissant ou les verdissant. Pire peut-être, la masse du verre se trouvait piquée de taches blanchâtres ou noires, surtout les bleus du XVe, alors que ceux du XVIe résistaient mieux. Un nettoyage au pinceau puis au coton-tige. Et puis l'ancien mastic très dur a été retiré, les verres bouche-trous ou les lacunes ont été remplacés par du verre soufflé maintenu par des cuivres Tiffany.

   J'ai appris tout cela en lisant les panneaux exposés dans la chapelle et réalisés par l'atelier Anne Pinto http://www.pinto-vitrail.com/

 

 

 Les baies sont numérotées avec des chiffres pairs pour la partie droite de la nef, impairs pour la gauche : nous partirons du choeur sur la droite vers le fond (6 à 10) , et nous reviendrons par le collatéral gauche du fond vers le choeur ( 11 à 5).

  Source : Corpus Vitrearum, Françoise Gatouillat & Michel Hérold, PU Rennes, 2005 (avant restauration).

  Baie 6, les Saints  

Datation : milieu XVIe siècle.

- Tympan : Dieu le Père bénissant daté vers 1500? sur fond moderne. Les écoinçons sont remplis par des fragments ( soldats ).

- lancette de gauche : en bas,saint-évangéliste écrivant ; au dessus, saint-évêque.

-lancette de droite : en bas, Saint Michel en cuirasse maîtrisant le dragon. En haut, ce serait Saint Barthélémy.



 

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Baie 8 : Enfance du Christ et Passion.

Datation : fin XVe et début XVIe.

-Tympan: Buste de la Vierge à l'enfant, (1500-1510); Écoinçons : deux anges (XVIe)

- lancette de gauche : en bleu, sainte abbesse (?, pas de crosse), ou Sainte Anne lisant (vers 1480) Auréole en verre rouge gravé. Au dessus, scène de Nativité avec une sage-femme tenant la tête de l'enfant, des anges en chape épiscopale et deux bergers (vers 1500-1510). Le Corpus signale "nombreux plombs de casse" : on peut évaluer la restauration.

- lancette de droite : en bas, le baiser de Judas et l'agonie du Christ au jardin des Oliviers (4e quart XVe)


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Baie 10 : Saints et anges

Datation : 2e moitié XVe et XVIe

Tympan  : Christ montrant ses plaies; écoinçons : fragments d'anges.

-lancette de gauche en bas: Saint Jean-Baptiste avec l'agneau.

                             au milieu : saint diacre ; Saint Laurent selon Abgrall 1914.

- lancette de droite en bas : Saint Pierre (fin XVIe). Le verre rouge gravé fait symétrie avec celui du panneau de gauche (Jean Baptiste) et les deux scènes semblent correspondre. Elles étaient à l'origine les ajours d'un tympan, et ont été environnées de débris pour réaliser un panneau rectangulaire.

- en haut : deux anges tenant des couronnes présentant les instruments de la Passion.

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Baie 11 : Histoire de Joseph.

Datation : vers 1500 et fin XVIe.

 - Tympan : Christ de la résurrection (XVIe). Écoinçons : deux anges musiciens.

- lancette gauche : En bas, Joseph et la femme de Putiphar. Genèse, 39 : " Un jour qu'il était renté dans la maison pour faire son ouvrage, et qu'il n'y avait là aucun des gens de la maison, elle le saisit par son vêtement en disant : Couche avec moi! Il lui laissa son vêtement dans la main, et s'enfuit au dehors". Nous la voyons qui sort en tenant sur son épaule le vêtement rouge de Joseph, grâce auquel elle va l'accuser, et il sera jeté en prison.

                         : au milieu, Joseph vendu aux marchands. Genèse, 37, 28 : "ils tirèrent et firent remonter Joseph hors de la citerne ; et ils le vendirent pour vingt sicles d'argent aux Ismaélites, qui l'emmenèrent en Égypte."

                         : en haut, Joseph explique un songe à ses frères. C'est ce qui va attiser leur jalousie : Genèse 37, 7 "Nous étions à lier des gerbes au milieu des champs ; et voici, ma gerbe se leva et se tint debout, et vos gerbes l'entourèrent et se prosternèrent devant elle"   

- lancette droite   : en bas : fragment d'un Roi d'un Arbre de Jessé. Pendant longtemps, je croyais qu'il s'agissait d'une vieille bretonne en coiffe avec le penn bazh ! Mais c'est un roi couronné tenant le spectre et un phylactère que j'enrage de ne pouvoir déchiffrer.

                          : au milieu, les frères de Joseph rapportent à son père Jacob la tunique ensanglantée. Genèse 37, 1 : Ils prirent alors la tunique de Joseph, et, ayant tué un bouc, ils plongèrent la tunique dans le sang. Ils envoyèrent  à leur père la tunique de plusieurs couleurs, en lui faisant dire Voici ce que nous avons trouvé ! reconnais si c'est la tunique de ton fils, ou non. Jacob la reconnut, et dit : C'est la tunique de mon fils! une bête féroce l'a dévoré! Joseph a été mis en pièces!

                       : en haut, Joseph est descendu dans le puits par ses frères, avant qu'ils ne se décident à la vendre à une caravane de marchands. Genèse, 37,24.


     Le vitrail décrit le costume paysan de la fin du Moyen-Âge : une chemise de lin  ou de chanvre, un caleçon de toile ou braies longues ou courtes qui deviennent collantes  au XIIe siècle, une tunique courte (mi-cuisse) serrée à la taille par une ceinture, une pèlerine à capuchon, et sur la tête un chaperon savamment enroulé autour de la tête pour retomber sur les épaules, ou un bonnet évoquant un bonnet phrygien proche peut-être de celui que portaient les marins pêcheurs du Finistère. Le chaussage associe des chaussures qui paraissent souples et des chausses entourant le pied par une étrivière. Ces chausses sont retroussés sous le genou en un large revers. Les couleurs sont certainement dictées par les impératifs esthétiques du maître-vitrier et ne reflètent pas la réalité d'un costume souvent gris ou écru.

 

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Baie 9, Jugement dernier et donateur :

Datation : vers 1540 et vers 1560.

-Tympan : trigramme du Christ entouré de séraphins. Écoinçons ornés d'anges et de chérubins.

- Lancette de gauche : en bas, donateur présenté par un ange. Ce personnage à la barbe et moustache de taille très particulière et très élaborée est vêtu comme un ecclésiastique, avec court surplis, courte soutane noire, chape orfrayée présentant les douze apôtres, barrette posée à coté du livre d'heures, présente sur son prie-dieu des armes reconnaissables, celles de Henri (de) Quoetsquiriou, recteur de Quéménéven. 

  A la montre de 1481 en Cornouaille, la noblesse de Quéménéven est représentée par Riou de Quoetsquiriou, seigneur du dit lieu,archer en brigandine, et Olivier de Quoetsquiriou par son fils Hervé. 

  Le toponyme Coat Squiriou figure sur la carte IGN au sud-est de Quéménéven, alors que la carte Cassini de 1750 mentionne "coasquiriou" avec l'indication d'un hameau. Il y existerait une parcelle dite "ar ch'astellic" avec reste d'une motte féodale (Ann. Bret. n°1 à 2, 2008). Le toponyme est construit avec les mots coat-, "bois", et -squiriou, "éclat de bois".

  C'est par un aveu de 1566 indiquant ses armes, "un chesnier glanné chargé au pied d'un lépureau ou connil et sommé d'un héron" ( Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne volume 24 et 25, 1944) que le chanoine Pérennès est parvenu à identifier ce recteur.

                                               : en haut, sous les trompettes de la résurrection dont on ne voit que les pavillons, et sous les chérubins rouges et les nuages blancs, un ange à la chape avec orfroi brodé aide un ressuscité tonsuré à s'extraire de terre alors qu'un démon griffu lui dispute cette proie à l'âme  peut-être pas irréprochable. D'autre élus émergent de leur linceul.

 

-lancette de droite                : en bas, la gueule du Léviathan, conforme à de nombreuses iconographies semblables, notamment sur les calvaires. Un malheureux damné déjà lacéré et transpercé continue à être frappé par la masse d'arme d'un démon, alors qu'il crache un animal (classiquement un crapaud). Ce corps, et les deux visages près de son ventre, est d'un artiste du XVie, alors que toute la partie gauche avec la tête du monstre date... de 1922, travail d'un artiste de l'atelier Labouret particulièrement doué pour l'imitation illusionniste de l'ancien.

                                               : au milieu, les élus, avec une première rangée de saintes et bienheureuses, et parmi elles Sainte Marie-Madeleine qui libère les effluves de son flacon de parfum. Au dessus, les saints, avec Saint Pierre (les clefs) et Saint Jean (le calice).

                                                : au sommet, les trompettes de l'Apocalypse. 

            

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Baie 7 : Jugement dernier

Datation: vers 1540. Proviendrait du transept

Tympan : Christ présentant ses plaies au sortir du tombeau. Deux anges.

- lancette gauche : en bas, un bel ange "buccinateur", utilisant ses muscles du même nom (musculus buccinatorius que les joueurs de buccin et autres cuivres     nomment "muscle trompetteur") pour annoncer haut et fort que l'heure du jugement est sonnée.

                         : au dessus, l'assemblée des élus se congratule d'en être. J'avais reconnu Saint François, toujours prêt à montrer ses stigmates, mais le personnage en rouge m'intriguait, avec ses oreilles de Mickey ou son bonnet à pompon sur sa tonsure ; en outre, il présentait de la main droite un champignon ou un chou à la crème (un Saint-Honoré sans-doute) dont il conservait une bonne réserve sous le coude.

   Je ne connaissais pas encore ce tableau de Giotto :

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  Il vient du Horne Museum et représente, selon http://rouen.catholique.fr/spip.php?article1269,   Saint Etienne. Mais pourquoi donc? pour représenter tant bien que mal les pierres dont il fut lapidé.

  Donc, nous avons affaire à Saint Étienne  et Saint François

                       

                                            : au dessus, la Vierge et Saint Jean-Baptiste.

- lancette de droite : en bas, une jeune femme qui vient de ressusciter cherche à échapper au triste sort que lui a valu ses péchés (la luxure, certainement la luxure vu la longueur de ses cheveux) et tend les bras vers un gros ballon rouge qui ne lui sera d'aucun secours.

                              : au milieu, l'assemblée des saints se poursuit. Saint Sébastien s'est laissé pousser la barbe mais n'a toujours pas oté ses flèches et à l'arrière, son voisin proteste qu'il a failli être éborgné. Ce n'est autre que Saint Laurent, qui en a vu d'autres, lorsqu'il grillait sur le barbecue de ses bourreaux. Il a beau n'être que le diacre de Saint Sixte, il lui a volé la vedette.

                               : en haut, d'autres saints et apôtres, dont saint Paul tenant l'épée de sa décollation.

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Baie 5 : Credo apostololique et prophétique

       Datation : 4e quart du XVe et XXe.

—Tympan : buste du Christ bénissant et globe crucifère. : écoinçons: 2 rois d'un Arbre de Jessé, couronnés, dotés du sceptre, tenant le phylactère indiquant leur nom : Ezechias et Lechonias (4e quart XVe)

— lancettes : fragment d'une verrière consacrée à un Credo où les huit figures, soit apôtres, soit prophètes de l'Ancien Testament, tiennent une phylactère où est inscrit leur nom et un article du Credo.

-lancette de gauche : panneau inférieur : Saint André et Baruch. 

                           : panneau supérieur : Saint Jacques le Majeur (avec son chapeau portant la coquille, son bourdon ) et un prophète;

-lancette de droite : panneau inférieur : Malachie et un apôtre, Philippe, tenant une croix

                            : panneau supérieur : Saint Pierre et Jérémie (têtes modernes)

                            

 

 

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Le thème du "Credo apostolique et prophétique"  et son illustration sur le vitrail de Kergoat.

       J'ai décrit cette baie 5 d'après le éléments de bibliographie disponibles, et notamment du Corpus Vitrearum de 2005 rédigé avant la restauration de l'atelier Pinto. Je vais reprendre cette description à la lumière de mon propre examen des images une fois restaurées, et de l'étude du thème iconographique, assez original sur les vitraux du Finistère puisque je le rencontre pour la première fois.

   Je découvre ainsi que cette iconographie s'est développée au XIIIe siècle à la suite de réflexions théologiques montrant que les articles du Credo trouvent leur fondement dans le Nouveau Testament, par des références à des textes des Évangiles, des Épîtres et des Actes des Apôtres, mais aussi dans l'Ancien Testament par des citations des Prophètes, ce qui fonde le Credo non pas sur tel ou tel Concile, mais sur la parole de Dieu.

  a) Le Symbole des Apôtres

Ce Symbole des apôtres, souvent appelé Credo comme celui de Nicée, était récité quotidiennement par les clercs dans la lecture de leur bréviaire, et, depuis le Missel Romain de 2002, il peut être récité à la place du Credo lors de la Messe.  

  Il est la traduction, latine puis française, d'un texte grec. On le reconnaît dès le premier article qui dit Je crois en Dieu le Père tout-puissant (Credo in Deum, Patrem omnipotentem) alors que le Credo énonce Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant (Credo in unum deum ).

Il s'agit  ici non pas du Credo à proprement parler, celui qui est récité à la messe et qui est le Symbole de Nicée-Constantinople, mais le Symbole des Apôtres, une profession de foi qui, selon la tradition, proviendrait directement des Apôtres et qui serait donc inspiré par l'Esprit-Saint. La légende développée dès le IVe au VIe siècle veut même qu'à la veille de leur dispersion, chacun des douze apôtres en ait récité un article : il compte donc douze articles de foi. On trouve cette tradition chez Ambroise de Milan (339-397) puis chez Rufin d'Aquilée (345-410), l'auteur qui donne le premier texte latin du symbole. celui-ci écrit dans Commentaire du symbole des apôtres (v.400) " Nos anciens rapportent qu'après l'ascension du Seigneur, lorsque le Saint-Esprit se fut reposé sur chacun des apôtres sous forme de langues de feu, afin qu'ils puissent se faire entendre en toutes les langues, ils reçurent l'ordre de se séparer et d'aller dans toutes les nations pour prêcher la parole de Dieu. Avant de se quitter, ils établirent en commun un régle de la prédication qu'ils devaient faire afin que, une fois séparés, ils ne fussent exposés à enseigner une doctrine différente à ceux qu'ils attiraient à la foi du Christ ; étant donc tous réunis, remplis de l'Esprit -Saint, ils composèrent ce bref résumé de leur future prédication, mettant en commun ce que chacun pensait et décidant que telle devra être la règle à donner aux croyants. pour de multiples et très justes raisons, ils voulurent que cette règle s'appelât symbole."

http://www.patristique.org/Historique-du-symbole-des-apotres.html

  Au VIe siècle, à la suite de deux sermons pseudo-augustiniens (Sermon 240 et 241) d'un prédicateur gaulois, chaque article fut attribué à un apôtre particulier : ce point est important , puisqu'il va nous aider à déchiffrer le texte du phylactère si nous identifions l'apôtre. Voici la répartition selon le texte latin, celui qui nous interesse :

1- St Pierre : Credo in Deum, Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae

2- St  André : Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum

3 - St Jacques le Majeur : qui conceptus est de Spirituo Sancto natus est Maria Virgine

4 -St Jean : passus sub Pontio Pilato, crucifixius, mortuus et sepultus

5 -St Thomas : descendit ad inferos, tertia die ressurrexit a mortuos

6 -St Jacques : ascendit ad caelos ; sedet ad dexteram patris Dei Patris omnipotentis

7 -St Philippe : inde venturus est iudicare vivos et mortuos

8 -St Barthélémy : Credo in Spirituum Sanctum

9 -St Mattieu : sanctam ecclesiam catholicam

10 -St Simon : sanctorum communionem, remmisionem pecatoribus

11 -St Jude : carnis resurrectionem

12 -St Matthias : vitam eternam.

  Ce Credo apostolique est représenté en Bretagne dans le porche ou sur le calvaire de trés nombreuses chapelles et églises (je citerai le calvaire de Saint-Venec en Briec, l'ossuaire de Sizun, le porche de Saint-Herbot à Plonevez-du-Faou, saint-Mélaine à Morlaix, mais la rencontre de l'alignement de leurs niches est trop fréquente pour qu'une liste soit exsaustive.) Voici par exemple Saint Jacques  à Saint-Venec, avec un fragment de l'article ascendit ad c(a)elos :


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 b) Le Credo prophétique.

  Il reléve, sur le plan théologique, de la typologie biblique, ou recherche de la correspondance entre l'Ancien et le Nouveau Testament, conformémément à la phrase de Saint-Augustin dans Questions sur l'Heptateuque,2, 73 "Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien, et l'Ancien se dévoile dans le Nouveau". Cette exègése était particulièrement nécessaire pour le Credo, dont un article du Symbole de Nicée affirme : "Je crois en l'Esprit Saint [...] il a parlé par les prophètes". J'ignore à quelle date les théologiens (pour Emile Male, "quelque théologiens contemporains de St Thomas d'Aquin au XIIIe) ont cherché dans les textes des Prophètes les verset qui préfigurent les articles du Credo, mais dès le XIVe et surtout au XVe siècle, cette correspondance se trouva illustrée soit dans les miniatures et enluminures (Heures du Duc de Berry), les gravures des incunables (Calendrier des Bergers, XVe), les peintures murales (Génicourt, Meuse, XVIe), les stalles (dès 1280-1290 à Pöhlde, Basse-Saxe; consoles de la chapelle Bourbon à Cluny  et au XVe à la cathédrale Saint-Claude de Genève, comme à Saint-Ours d' Aoste en Savoie ; "credo savoyard" de la cathédrale de Saint-Jean de Maurienne), les sculptures (portail de la cathédrale de Barmberg, fonts baptismaux de celle de Meersburg, chesse de St Héribert à Cologne, piedroits de la cathédrale Saint-Jacques de Compostelle, fenêtres de la basilique Saint-Rémi de Reims, trumeau et portail nord de Chartres, porche de la cathédrale de Tarragone, déambulatoire de la cathédrale d'Albi, portail du Beau Dieu d'Amiens, portail sud de la cathédrale de Bourges...) et les vitraux (infra).

L'une des bases théologiques est le Commentaire du Credo par Thomas d'Acquin.

  Deux thèmes iconographiques relèvent de la même analyse typologique, et ces deux thèmes sont organisés autour du chiffre douze: l'Arbre de Jessé, dès le XIIe siécle, avec les douze rois de Juda préfigurant la royauté du Christ. Et les douze Sibylles qui ont prophétisé l'avènement du Christ.  C'est ce qui rend bien intéressant la présence des deux rois au tympan de la baie 11, et qui laisse imaginer deux vitraux à Kergoat, l'un consacré au Credo apostolique, l'autre à l'arbre de Jessé.

 

  L'une des plus belles, des plus grandioses et des mieux conservés de ces représentations du credo prophétique se trouve à Sienne, à quelques mètres du célèbre pavement du Duomo consacré aux Sibylles : c'est la voûte du Baptistère, réalisé de 1415 à 1428 par Lorenzo di Pietra dit Vechietta. Les apôtres, portant leur phylactère, sont placés en vis-à-vis de leur précurseur.http://www.viaesiena.it/fr/caterina/itinerario/battistero/articoli-del-credo/articoli-della-terza-campata

   Les vitraux ne sont pas en reste : Vitrail de la Sainte Chapelle de Bourges, de la cathédrale de Chartres, de l'église Saint-Marcel à Zetting (57), 2e quart XVe), de la chapelle de la Mailleraye à Jumièges, et en Bretagne celui de Quemper-Guezennec (Cotes d'Armor) datant de 1460-1470 décrites par Jean-Pierre le Bihan  http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-35934749.html

    A la différence de celle des apôtres, la liste des versets prophétiques n'est pas fixée, mais on retrouve néanmoins une certaine constance. Je m'appuierai sur le relevé de J.P. Le Bihan à Quemper-Guezennec (Q.G) et sur le texte du baptistère de Sienne (B.P) 

1-St Pierre : Jérémie : Patrem invocavit qui terram fecit (Q.G) (citation erronée)

2-St André : David : Filius meus es tu ego hodie (Q.G)

          = Psaumes, 2, 7 : Domine dixit ad me : Filius meus es tu ego hodie genui te (Vulgate)

             "Je publierai le décret : Yahvé m'a dit : Tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui".

3-St Jacques le majeur : Isaïe : Ecce virgo concipiet et pariet (Q.G) :

            = Isaïe, VII, 14, Ecce virgo concipiet et pariet filium, et vocatibur nomem ejus Emmanuel : "une vierge concevra, elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel".

4-St Jean  : Daniel : Post LXX hedomadas, accidetur Christus (Q.G)

                    : Ezechiel : Signa Thau gementium (B.S)

                : Zacharie 12,10: Ascipiens ad me, quem confixierunt (Autre)

  = Zacharie, 12, 10 : ascipient me, quem confixierunt :"ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé" 

5-St Thomas   : Malachie : Et fuit Jonas in ventrem ceti (Q.G)

                 : Osée, 13, 14 De manu mortis liberado eos...ero mors tua, o mors, ero morsuus tuus, inferno (autre) : "Je les délivrerai de la mort...Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction? "

6 -St Jacques  : Michée : Ce ... et erit civita gloria (Q.G)

                  : Amos : qui aedificavit in coelo ascensionem suam (B.S)

7 -St Philippe   : Zacharie : Acharias, suscitabo filios tuas (Q.G)

                      : Joël : In valle Iosaphat iudicabit omnes gentes (B.C)

8 -St Barthélémy : Sophonie : sedebo ut judicui omnes gentus (Q.G)

                   : Aggée : Spiritus meus erit in medio vestrum (B.C)

9 -St Matthieu : Joel : Spiritus meus erit une medie vestrum (Q.G)

                 : Sophonie : Hic est civitas gloriosa qui dicitur extre me non est altera (B.S)

10 -St Simon     : Osée : Ose, arida audite verbum Dominum  (Q.G)

                 : Malachiecum hodio abueris dimille ( B.S)

                  : Malachie : deponet dominus omnes iniquates nostras.(La Mailleraie)

 11 - St Jude        : Amos : qui aedificat in caelo ascensionem suam. (Q.G) (La Mailleriae)

                  : Zacharie : Suscitabo filios tuos (B.S)

12 -St Mattias    : Ezechiel : Et erit dominus regnum missus.(Q.G)

                   : Abdias : Et erit domino regno (B.S)

    On peut trouver une magnifique illustration sur le Psautier de Jean de Berry (Gallica).

 On constate que les citations sont parfois fautives, souvent multiples. C'est néanmoins à ce matériel que nous allons confronter les textes de nos huit personnages, en les reprenant :

1. Jeremias : patre(m) (in)voca/ .is..et v..me 

   . S : petrus Credo i(n) deu(m) patre(m)

Nous avons bien affaire au premier article du credo présenté par Saint Pierre préfiguré par Jérémie et sa citation Patrem invocabit qui terram fecit

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2. Andreas : Credo ...filiu(m) ei(us) fragment du deuxième article Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum

    (B)aruch :                    go     autius 

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3 Jacobus. Qui ...natus ..est de :  fragment du troisième article qui conceptus est de Spirituo Sancto natus est Maria Virgine

  Isaias :   Credo  virgo co(n)cep...pa(r)iet. fragment de Isaïe, VII: 14, Ecce virgo concipiet et pariet filium

 

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7. Malachias onus  inquitate. Il ne s'agit plus de la même écriture, le deux-point a disparu, les abréviations également : ce texte est-il fidèle à l'original ? Le terme iniquitate se retrouve dans Malachie 2:4 Lex veritatis fuit in ore eius, et iniquitas non est inventa in labiis eius; in pace et in aequitate ambulavit mecum et multos avertit ab iniquitate.  "La loi de la vérité était dans sa bouche, Et l`iniquité ne s'est point trouvée sur ses lèvres; Il a marché avec moi dans la paix et dans la droiture, Et il a détourné du mal beaucoup d`hommes".  

S : Philippe / iudicare vivos et mo... fragment du 7ème article inde venturus est iudicare vivos et mortuos

Dans la salle du Credo des appartements Borgia du Vatican, Philippe est associé à Malachie ascendam at vos in iudicio et ero testis velox ou bien  Ascipient in me deum suum quem confixerunt. Ce prophète est aussi associé, dans le même Credo Borgia, à Simon au 10ème article pour le verset Cum odio habueris, dimitte.

 


vitraux 3968vc

 

 En outre, si on observe avec soin, sur le galon de la tunique de St Jacques se lisent les mots :

 

...nus  deus... ANO...???

 vitraux 3967vcc

 

 

  Nous avons bien affaire à un fragment de Credo apostolique et prophétique où les apôtres sont clairement identifiables, présentant les articles 1, 2, 3 et 7 du Symbole des Apôtres, selon une forme abrégée voire conventionnelle, et selon une graphie gothique qui associe au moins deux styles différents (restauration?). L'écriture la plus difficile à déchiffrer est la plus belle en terme de calligraphie, mais elle multiplie les procédés d'abréviation, les omissions par tilde, les lettres conjointes, les lettres souscrites pour placer un texte de plusieurs mots sur un emplacement réduit. C'est ce qui en fait sa richesse.

Les apôtres devaient être disposés selon deux rangs verticaux, puisque les apôtres des six premiers articles se trouvent à droite, et inversement pour Philippe qui appartient aux six apôtres suivants.

  Le Credo prophétique est d'autant plus ardu à décrypter que le verset qui leur est attribué n'est pas fixé, et que les prophètes ne sont pas identifiables, comme les apôtres, par des attributs. Là encore, les autres exemples de Credo de l'iconographie montrent que la réduction du texte peut aller jusqu'à l'omission de mots ou  de plusieurs lettres des mots, ce qui rend le déchiffrement du verset trop inaccessible à un néophyte.

Voir :  La maîtresse-vitre de l'église de Quemper-Guezennec (22).

 

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:30

                               Vierge allaitante II :

              Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéméneven:

                        NOTRE-DAME DE KERGOAT

 

 

  Elle apparaît comme au théâtre, dans la pompe d'un Roi Soleil ou dans le pourpre d'un Empereur romain, sur fond d'hermine, sous un dais factice aux rideaux  rouges. Suspendu à un ciel de lit convexe d'où descendent cinq étendards blancs frappés d'un quatre feuille d'or et terminés par des glands de clé dorés, ce dais laisse tomber ses rideaux de velours parés de frange moulinée en une large révérence avant de les renvoyer vers les patères latérales où ils sont noués sur des embrasses câblés. Quatre lourds glands aux fils d'or étranglés d'un robuste postillon pendent à l'extrémité des embrasses, accompagnant dans leur chute serpentine les plis des rideaux au bord doublés d'un galon, toujours d'or. Deux anges roses et joufflus, pudiquement voilés d'une étoffe, en or comme leurs ailes, feignent de le tenir écarté, à moins qu'ils ne soutiennent par d'invisibles fils la couronne fermée de leur Reine. Acrobates aériens, ils font de l'équilibre sur des nuages blancs d'où émergent les têtes géminées de tendres chérubins. La parure rouge et or est reprise en deux bandes parallèles à la glorieuse statue qui s'effacent derrière deux bouquets de six roses. 

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Notre-Dame  mérite bien ce décorum somptueux qu'elle dépasse par la splendeur de ses habits. C'est, d'abord, un manteau d'or doublé de satin rouge, qui tombe sur le sol en plis tubulés ; à gauche, ces plis reviennent vers la main de la Vierge, qui les rassemblent d'un annulaire discret. C'est, ensuite, la robe, évidemment  en or, étranglée à la taille au dessous de laquelle elle s'évase comme sous l'effet d'un vertugadin en un magnifique drapé. Les manches, certainement rapportées, sont pendantes et s'ouvrent sur un élément en moule de Kouglof qui peut être une batiste gaufrée, une ruche chicorée, que sais-je ? Et puis le corselet, qui s'entrouvre en un grand V déboutonné jusqu'à la taille, laisse apparaître le sein droit dont la Vierge présente à l'enfant le téton par ce geste spécifiquement maternel, entre l'index et le majeur, et la paume englobante. Une riche et rouge chemise est repoussée par ce geste sur le coté, et vient bouffer sur le col.


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  Je n'aurais rien décrit si j'oubliais la coiffure, si particulière aux Vierges allaitantes de Cornouaille qu'elle en est un signe distinctif, la longue et ondulante coiffure qui s'échappe du beau bandeau doré pour s'épandre et donner cours à la puissance de la comparaison entre sa luxuriance et la prodigalité féconde et nourricière du fleuve de lait promis à l'enfant, et, en supplément, à l'humanité.    

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     Sur le visage de la jeune mère, la peinture s'est altérée mais laisse voir les joues rosies, les lèvres incarnats, les sourcils et le front épilés, l'ovale régulier et le regard attentif. L'enfant approche une main timide vers l'objet de son désir.

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  On pourrait percevoir une certaine ferveur dans ma description...un émoi, une emphase devant "l'enflure de ce marbre où fleurit une fraise" (P. de Marbeuf), mais c'est celle de tout être face au Mystère de la Maternité dont l'allaitement est la plus belle icône.

                                            §§§§§§§§§§

 

Mais il existe une confusion dans mon esprit. Qui est Notre-Dame de Kergoat ? Est-ce cette Virgo lactans royale et généreuse, mais dont la présence dans la chapelle peut échapper, comme cela fut mon cas, à un visiteur dont l'attention est retenue par la statue de la Vierge à l'enfant placée devant l'entrée ? Est-ce cette Vierge allaitante, qui n'apparaît dans toute sa splendeur que si on pénètre dans le choeur et qu'on contourne l'autel et son grand baldaquin qui la masque?

    Tout semble au contraire désigner pour ce titre celle qui, plus bas, dans la nef, est entourée d'ex-voto, celle dont la statue est portée en procession lors du pardon, celle qui est représentée sur la bannière, celle qui est sollicitée pour guérir d'hémorragies, celle qu'on vénère à la fontaine, et que l'on entretienne néanmoins la confusion pour ne pas froisser le Vierge Au Lait déjà déçue de ne pas voir les nourrices et les mères soucieuses d'obtenir une belle montée de lait, qui s'en vont prier Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Locronan ou à Quillidoaré. 

 

    Pourtant, j'ai trouvé un indice qui prouve que jadis, elle ne restait pas à se morfondre des jours durant en rêvant que la visite improbable d'un photographe fantasque vienne abolir sa solitude : c'est à la page 82 du livre Pardons et Pélerinages de Bretagne écrit par André Cariou et Philippe Le Stum,  éditions Ouest-France, 1997 que j'ai trouvé la reproduction d'une carte-postale des Editions d'art Hamonic . Elle porte la mention 4053 - N.D. de Kergoat - Chapelle Kergoat (F.)  et Coll. E. Hamonic

 Le photographe Emile Hamonic a fondé sa maison d'édition à Saint-Brieuc en 1893, et il la confia à son fils Amaury en 1922 : il édita 10 000 cartes postales, et fut le premier à introduire la légende en breton au dos de la carte, avec la mention Karten Bost plutôt que Carte Postale. Cette carte numérotée 4053  date donc de la période 1893-1922. Elle est visible au Musée de Baud et sur le site Cartolis ici :http://www.cartolis.org/search_simple.php

    Elle montre sous le titre " Notre-Dame de Kergoat " notre Vierge allaitante (c'est donc elle qui porte ce nom) entourée de tiges fleuries, l'enfant Jésus disparaissant sous une couronne florale ; on ne constate aucun habillage ni aucune dissimulation du sein. Surtout, cette Vierge est entourée d'ex-voto de cire, posés à ses pieds ou calés près de sa taille et de sa poitrine. Je dénombre 3 "mains" ( ensemble main-poignet-avant-bras), 3 "jambes", et sept statuettes. Ces dernières sont grossièrement façonnées en corps apparemment féminin et nu, les mains repliées sur la poitrine

   La même tradition est attestée à Trèguron (Gouezec).

  Ces ex-voto étaient vendues en sacristie, et on achetait la partie du corps dont on désirait la guérison, où dont on avait promis l'offrande en remerciement de celle-ci (ex-voto suscepto = "suivant le voeu fait") : main, pied, tête. Mais Felix Régnault a rapporté en 1914 l'usage d'acheter un cierge, de pétrir la cire ramollie en une figure qu'on offre au sanctuaire. 

  La pratique n'est pas propre au christianisme, et on la retrouve dans l'antiquité dans les sanctuaires de guérison (temple d' Esculape) ou dans la Gaule des premiers siècles dans le culte rendu à Mithra, avec inscriptions votives, ex-voto anatomiques (oeil, nez, bouche, oreille...) dépôt de figurines animales ou humaines. Remarquons que la principale figurine des sanctuaires,  des sources et des bassins est Vénus anadyomène, baigneuse sortant des eaux, ses longs cheveux ondulant comme une source, modèle de la fluidité féconde qui n'est pas sans rapport avec l'iconographie de nos Vierges allaitantes, et dont les statuettes votives  fabriquées par les potiers en très grande série  ressemblent aux ex-voto accrochés dans la robe de N.D. de Kergoat.

  A Trèguron, les volets de la niche de Notre-Dame, ou la statue elle-même recevaient en ex-voto des seins en cire.

  

  Il resterait à étudier l'étrange fascination exercèe par la cire, la curieuse ronde de ses métamorphoses successive, et la place centrale que cette matière occupe dans les sanctuaires du monde entier.

  

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:20

 

                Vierges allaitantes III:

       Notre-Dame de Bonne-Nouvelle,

                Chapelle de Quillidoaré à Cast.

 

   1. Toponymie.

   La chapelle Notre-Dame de Quillidoaré est située à la sortie de Cast en direction de Douarnenez. Le  toponyme, orthographié Quilliodaré sur la carte de Cassini en 1750 et Quillidouaré sur la carte IGN vient selon le recteur de Cast en fonction en 1856, d'une contraction du breton "Kelou e Doaré", c'est à dire "Bonne Nouvelle" ; et la Bonne Nouvelle n'a pas à voir avec les Évangiles (du grec eu-vangelos, "bonne nouvelle"), mais avec l'annonce de l'attente d'un enfant, ou de la délivrance : Notre-Dame de Bonne-Nouvelle est la Vierge de la Maternité.

   Kelou e Doaré, vous trouverez partout cette étymologie, recopiée de la plume des chanoines Abgrall et Peyron dans la Notice qu'ils ont consacré à Cast  dans la parution de 1905 du Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie. Mais faut-il les suivre sans réflexion? Car la racine Quilli- est plutôt considérée en toponymie et anthroponymie comme venant de Killy, "bocage, bosquet", par le moyen breton celli, cilli, correspondant au gallois celly et au cornique kelly, et il est à l'origine des noms comme Le Guilly, , Quillly, Quily, Quilliou, Quillivic, Quillien, Guillec, Quillivéré, ou Penguily. (Albert Deshayes, Dictionnaire des noms de famille, Ed Le Chasse-Marée-ArMen 1995 p. 424 et  Albert Deshayes, Dictionnaire des noms de lieux bretons, p. 102). Quand à la racine doaré, "aspect, manière", elle est à l'origine du patronyme Le Doaré attesté à Quimper en 1681. Quillidoaré ne signifierait-il pas tout bonnement "le bosquet de Le Doaré" ? 

 Ce toponyme n'est pas retrouvé ailleurs.

2. Une chapelle vouée à la fécondité...et à l'allaitement.

   Mais qu'importe au fond l'étymologie réelle ? Si non e vero, e ben trovato ! Fondée ou pas, la trouvaille de Jean-Guillaume Thalamot, recteur de Cast en 1856, montre que cette chapelle est toute entière dédièe à la Maternité et à la Nativité. En témoignent la statue de la Vierge gothique surmontant la porte, les têtes d'âne et de boeuf sculptées sur un des côtés de l'édifice, le choix des statues consacré à la Sainte Famille ( St Joachim et Ste Anne les grands parents, Joseph et Marie les parents), le panneau sculpté de l'autel représentant une Adoration des bergers, et, surtout, bien-sûr, la statue de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle en Vierge allaitante.

  La chapelle date du début du XVIe siécle, (les experts datent les vitraux de 1510-1520, et la statue de Notre-dame du XVIe siécle) mais elle a été reconstruite au XVIIe avec adjonction d'un clocheton ; la sacristie date de 1871-72.

   Le jour d'hiver 2011 où je la visitais,  elle n'était plus qu'un vaste chantier, car la Mairie de Cast avait décidé d'entreprendre une restauration générale : le lambris de la voûte avait été déposé, les statues et mobiliers étaient bâchés, et on crut que si je venais ainsi par un sombre mardi de décembre, c'était pour répondre à un appel d'offre.

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  Mais heureusement  Notre-Dame était encore visible, et j'ai pu admirer la statue de pierre polychrome grandeur nature (1,68m) et retrouver les différents caractères de ces vierges allaitantes de Cornouaille vraisemblablement  issues d'un même atelier. 



cast-quillivoare 8727c

  Ainsi sa longue chevelure ondulante, le bandeau particulier qui la retient derrière la tête (ici blanc et or), le front et les sourcils épilés, le manteau dont un pli est ramené vers la taille par un geste élégant de deux doigts de la main gauche, la taille fine serrée par un corselet qui s'ouvre en V sur la poitrine, tout cela reprenait les éléments que j'avais découvert à Tréguron, ou à Kergoat, ou à Kerlaz, ou à Lannelec, ou à Kerluan, ou encore à Saint-Venec. Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.

  Ses particularités étaient le visage sévère ou inexpressif, la main qui présentait le sein mais sans faire sourdre la goutte de lait des autres statues, l'attitude de l'enfant qui se détourne pour regarder un fruit (une poire, dit-on) et son allure peu attendrissante, le pyjama blanc aux quatre-feuilles d'or dont il était vêtu, le bleu constellé d'or du manteau, les gemmes disposés le long du décolleté, la manière dont la robe se retrousse pour dévoiler une deuxième robe beige décoré de ronds et de pois...

  Sa particularité était surtout l'inscription qui la nommait en lettres minuscules du XVIe siècle notre:dame : debone-nouve... sur le galon d'or de la robe.

 

 

cast-quillivoare 8728c

 

  A cette Vierge était associée une fontaine (voir ici :http://martheknockaert.unblog.fr/2010/03/08/) dont on peut parier qu'elle faisait l'objet de pratiques cultuelles semblables à celle de Tréguron.

   Ce qui retenait aussi l'attention, c'est que le sein était faussement mais pudiquement peint d'un tissu factice, une sorte de sous-vêtement grège à col rond dont on comprend qu'il puisse rendre perpléxe le petit homme qui, placé ainsi devant une injonction paradoxale, en vienne à préférer une poire pour sa soif plutôt que le destin schizophrène auquel le destinerait selon Bateson ce double bind *.

* en anglais dans le texte.

   Mais on revient de loin, et c'est presque un secret de famille qui s'est développé au siècle précédent où le sein malencontreux s'est vu voilé, dénié, confiné à l'état de fantôme, muré dans une cuirasse cryptique où son absence était criante, la cuirasse du costume breton.

  C'est Annick Le Doucet qui a levé le lièvre, et révélé photo à l'appui que cette statue avait été revètue d'un costume traditionnel qui masquait sa fonction allaitante, même si on pouvait le suspecter lorsqu'en 1914 Octave Dossot écrivait à propos du calvaire de Plougastel où les personnages de la Passion sont vêtus de costumes bretons " à Ploudalmézeau, la vierge est représentée avec une coiffe bretonne, et à Cast, dans la chapelle de Quillidoaré, vêtue à la mode du pays, c'est-à-dire légèrement décolletée". Ou bien lorsqu'en 1905 Abgrall et Peyron la décrivait " habillée d'étoffes et de rubans". C'était suffisamment dit pour donner bonne conscience au rédacteur, et suffisamment tu pour laisser la réalité traumatique à l'abri sous l'habit dont elle était revê-tue.

 

 

   Je rappelle  que ce travail d'Annick Le Douget Chapelle Notre-Dame de Clohars-Fouesnant : la tradition de l'habillement de la Vierge du Drennec ,sd:

 http://www.cc-paysfouesnantais.fr/var/cc_paysfouesnantais/storage/original/application/phpkPxYwd.pdf nous révèle que la statue de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle de Quillidoaré à Cast était habillée, ainsi que son enfant, d'un costume breton. Mais comme le bras droit qui présente le sein sur la statue ne s'intégrait pas à la nouvelle posture de sage paysanne endimanchée, un bras postiche avait été ajouté. A la page 7, on en voit la photographie parue  en 1939 dans La Bretagne d' Octave-Louis Aubert; et j'ai même l'impression que ce sont les deux bras qui sont factices, afin de les croiser pieusement sur le ventre.

  Je me permets de reproduire ici ce document, d'accès libre en ligne :

vierge-habillee-quillidoare.png

    Avant de me rendre à Quillidoaré, j'avais commencé par aller admirer, à l'église paroissiale où elle est conservée, la bannière de procession dédièe à la bonne Vierge, Itroun Varia Quillidoaré : la voici : c'est, on s'en doute, une version très "habillée".

bannieres 8634c

 Il est difficile de déterminer quelle est la cause de cet habillement. Une réaction de pudeur, venant plutôt du clergé, datant du XIXe siècle comme à Kerluan? Un acte de ferveur populaire s'exerçant au contraire des consignes du concile de Trente et cherchant à s'approprier la divinité en la parant du costume local? Une tradition beaucoup plus ancienne, comme celle qui s'est exercée à Dijon depuis des siècles sur la statue du XI-XIIe siècle de Notre-Dame du Bon-Espoir ?

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Notre-Dame_Dijon_Vierge_noire.JPG

La Vierge de Dijon sans sa parure laisse voir des formes qui, tout en étant habillée, sont peut-être trop évocatrices:

http://www.univ-montp3.fr/pictura/GenerateurNotice.php?numnotice=A0570


        La pratique d'habiller les statues de saints et de divinités remonte  probablement au début du christianisme ou à la période pré-chrétienne. Elle a été étudiée à Perpignan, à l'occasion de la découverte de la garde-robe  d'une vierge-mannequin du XVIIIe à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste ; on assure que tous les sanctuaires du diocées de Perpignan possèdent une telle statue mannequin, qui n'était habillée que lors des processions. Elles étaient parées des plus beaux atours, empruntées ou offertes par les personnes les plus fortunées. Cela incite à penser qu'à Quillidoaré, les paroissiens auraient pu vouloir honorer leur Vierge en la revêtant du plus beau parmi leurs costumes de cérémonies. Ou bien qu'une paroissienne ait formulé le voeu de lui offrir son plus précieux costume en remerciement d'une grâce obtenue.

  On retrouve facilement de très nombreux exemples de cette pratique, mais le plus souvent ce sont des mannequins, alors qu'à Quillidoaré et à Dijon ce sont des statues en pied, déjà habillées mais dont les formes féminines sont (trop) soulignées qui sont vêtues de pied en cap.

Nostra Senyora de la Sagristia de Perpignan : http://www.mediterranees.net/vagabondages/divers/habit_vierge.html

 

     Quoiqu'il en soit, si j'évoque plaisamment combien ce sein nourricier caché, ainsi que toute séduction féminine, sous le lourd carénage d'un costume breton me fait penser aux problématiques d'un secret de famille, c'est que cette chapelle raconte les difficultés d'une  transmission transgénérationnelle d'une histoire , celle des exactions légendaires d'un Seigneur de Pontlez, de l' expiation qui finira par s'imposer à Marie-Gabrielle, une lointaine descendante, et de la douloureuse problématique à laquelle sera confrontée chacun des membres de cette longue chaîne de transmission : avoir un enfant, avoir un fils à qui confier les fiefs et  les titres, les armoiries, les droits seigneuriaux, les prééminences, le nom, mais aussi la patate chaude du secret.

  Cette histoire, inscrite sur les vitraux ou dans les registres de Quillidoaré et de Cast, vous interesse ? Je la raconte bientôt dans l'article suivant : Les Vierges allaitantes III, la légende et les Seigneurs de Pontlez.  Vierges allaitantes III : Quillidoaré, la légende du Marquis de Pontlez et l'histoire.

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:19

           

               Vierges allaitantes III:

      Notre-Dame de Bonne-Nouvelle

                 à Quillidoaré (Cast) :

 

        La chapelle et  les vitraux.

 

   I. LES VITRAUX.

 Les cinq fenêtres de la chapelle Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Quillidoaré ont été dotées de verrières à sa construction au début du XVIe siècle, époque où furent aussi posés ceux de Tréguron (1570) Kergoat (avant 1566) ou Lannelec (1500), ou ceux de Guengat (1500-1525), Plogonnec (1520), Confort-Meilars ( 1530), N.D. du Crann à Spezet (1560), parmi tant d'autres.

   Je n'ai pu découvrir que la maîtresse-vitre, ou baie 0, la plus riche. Elle se compose de quatre lancettes, contenant des scènes de la Passion datées de 1510-1520 et de verres composites, et un tympan armorié  qui amène à étudier les seigneuries locales. 

 

 

 

cast-quillivoare 8756c

 

I. Le tympan.

 

Il se compose de cinq ajours armoiries et de cinq écoinçons en verre de remplissage.

  Les ajours contiennent cinq armoiries qui ont été adaptèes ultérieurement à la construction initiale en les entourant de fragments de vitres. Ces cinq blasons sont placés dans des couronnes de feuillage et de fruit nommés "chapeau de triomphe" et qui témoignent d'un vocabulaire stylistique renaissance d'influence italienne (ils entourent souvent des médaillons ou des bustes en ronde bosse).

 vitraux 8748c

  Les deux écussons du haut : 

  Leur position indique une prééminence des familles représentées .

- A gauche :  écartelé   au premier et quatrième d'azur au serpent volant d'or qui sont  Le Gentil Sr de Pontlez, et au second et troisième d'argent au greslier de sable accompagné de trois molettes de même, qui est de Pontlez. (Note 1)

- A droite : d'argent au sanglier de sable en furie, qui est de Tréouret. (note 2)

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Notes : 

1. L'histoire de la famille Le Gentil est longue, mais elle est au coeur de cet article. Je vais la détailler plus loin. Disons  d'emblée que l'identification des armes des Le Gentil est donnée par Abgrall et Peyron 1905 et reprise par tous, tandis que je ne parviens à identifier les secondes armoiries qu'aujourd'hui, après m'être égaré sur les pistes de Kergadalan (d'argent au greslier de sable, cf  Les vitraux de Plogonnec II : le Jugement dernier.), des Sr de Kerloüet et de la famille de Canaber, (armoiries : d'argent au greslier de sable accompagné de trois molettes ou plutôt de merlettes de même ), ou de celle de La Fruglaye de Lourmel, de celle des de Jourdain ou de Jourdren ou Jourden, des Jourdain de Couëdor avant de trouver la solution ici :http://www.laperenne-zine.com/articles.php?lng=fr&pg=903

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206472f/f121.image.r=grelier+pontlez.langFR

 2. La famille de Tréouret (Cast), seigneur de Penanouaz (Loperec), Penfoulic (Fouesnant), Coatlez et Trohannet (Briec), du Pouldu et de Kerigonan (Quemeneven), Kerstrat (Chateaulin) , porte d'argent au sanglier de sable en furie, allumé et défendu d'argent. Sa devise est "Sovit, furit et ardet", il est en furie, se rue et arde. (Source : base héraldique de FranceGenWeb). Le sanglier est symbole de courage. il est "allumé" si son oeil est d'un émail particulier, et "défendu" si ce sont ses défenses qui sont d'un émail différent du corps, lequel est toujours représenté de profil, et de sable (noir).

   Marie de Tréouret-Kerfrat épousa le 12 avril 1509 Jean le Gentil, Seigneur de Coëtninon en Plomodiern.

 

Les trois blasons inférieurs :

_ A gauche : écartelé en premier d'azur au serpent volant d'or, qui est  Le Gentil, en deux d'azur au léopard d'or, qui est le Faou, en trois d'argent au greslier de sable accompagné de trois molettes de même, qui est de Pontlez, et en quatre  d'azur à la tour ou à la gerbe d'or. (note 1)

_ Au milieu : ?? je penche pour de simples fragments à motifs d'architecture

_ A droite : Troisiéme blason, incomplet : en un, d'argent  au sanglier de sable  en furie, qui est de Tréouret...en trois , d'or à  trois tête de sable ????

note 1 :

a) la lecture du deuxiéme quartier est celle d'Abgrall et Peyron. Je ne peux identifier un léopard d'or ; je note que les armes de Kergoët sont les mêmes que celles du Faou, avec un croissant pour brisure. 

b) on retrouve en quatre le blason décrit sur la baie 2 par le Corpus Vitrearum.

c) Les armes des Tyvarlen sont d'azur au chateau d'or ; Yves le Gentil, décédé en 1537 -ou 1543- épousa Louise de Tyvarlen.

 

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II. Les armoiries mentionnées dans les autres baies : 

Source : Corpus Vitrearum 2005:

_Baie 2 : trois écus : en haut, armes écartelées des Le Gentil de Pontlez ; à gauche, armes parti des précédentes, "d'or, au croissant de gueules" ( ?) au 3 et de Tréanna, au 4; à droite, parti des premières, "d'azur au léopard d'argent" au 3 ; "d'azur à la tour ou à la gerbe d'or," au 4 (armes intactes).

 

III. Les lancettes :

   Leurs panneaux d'origine ont été complétés par ceux qui furent récupérés d'une chapelle désaffectée depuis 1835 , Saint-Géniste de Loctinidic, consacrée à Saint Tinidic. En 1840, M.Guizouarn écrivait à propos de St-Géniste dans une lettre (Notice consacrée à Cast, J.M. Abgrall et P. Peyron, Bdah 1905 p. 120) "le grand vitrail s'est éboulé sur l'autel". 

  La vérrière a été restaurée au XIXe, puis en 1933 par Labouret ; elle a été déposée en 1942 et réplacée en 1955 par Jean-Jacques Grüber. Son mauvais état, les nombreux plombs de casse et l'encrassage des verres montrent qu'il n'y a pas eu de restauration récente.

   La lancette de gauche donne à voir une comparution devant Pilate ; les autres lancettes montrent une Crucifixion sur fond rouge, 

      Lancette de gauche :

 

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Lancette B, deuxiéme depuis la gauche : Crucifixion, le bon larron :

  Son âme s'échappe de sa bouche, et deux anges, dont on ignore la partie haute, l'amènent vers les cieux.

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  En dessous, un cavalier romain casqué de bleu, au manteau rouge et au camail vert orné d'un gland d'or à franges, chevauche un cheval blanc richement arnaché. Sa lance pointé vers la thorax du Christ le désigne comme Langin. Parmi la foule, le visage d'un soldat nous regarde : ne serait-ce pas ce centenier  qui s'écria " Vraiment, cet homme était juste ! (Luc, 23 :47).

   En dessous, les visages des saintes femmes éffondrées essuient leurs larmes. Le visage blond auréolé et non voilé est celui de Saint Jean, au manteau rouge.

vitraux-8759c.jpg

Lancette C, troisième depuis la gauche : Christ en croix.

  Sur fond rouge (comme c'est souvent le cas dans les Passions du Finistère), le Christ apparaît en son agonie, coiffé de la couronne d'épine, barbu, cheveux longs, le flanc droit percé, la taille ceinte du perizonium, surmonté du titulus et encadré par deux oriflammes. On remarque l'auréole crucifére, et une forme blnache au dessus du titulus où J.M. Abgrall et P. Peyron ont reconnu un pélican, symbole christique de la réssurection.

vitraux 8747c

 

  Au dessous, c'est une foule où se mèlent pharisiens ou chefs en turban, cavaliers romains en cuirasse, témoins. 

vitraux 8750c

 

Lancette D, à droite : le mauvais larron 

  Il a bien la tête de l'emploi, le mauvais larron avec sa barbe bifide et ses yeux globuleux, et son âme que n'a pas sauvée le repentir est emportée sur le dos d'un démon verdâtre. Elle crie, l'âme rétive au remords et au rachat, elle hurle en voyant déjà les horizons atroces vers lesquels elle est conduite, mais il est trop tard : l'occasion s'est éloignée, et elle est chauve par derrière.

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        Quel est le riche personnage enturbanné, au manteau d'or doublé de fourrure qui regarde la scène ? Un pharisien ? Joseph d'Arimatie?

vitraux 8743c

 

 

        II. LA CHAPELLE : Autel et statues:

 

 Je l'ai dit, lorsque je visitais la chapelle de Quillidoaré, tout ou presque était bâché pour les travaux de restauration. J'ai pu néanmoins voir : 

Le Christ rédempteur du maître-autel:

   C'est le Christ ressuscité au flanc transpercé, vêtu d'un large linge évoquant le linceul et tenant en main la croix pastorale ; il marche sur le globe planétaire en écrasant du pied gauche la tête du serpent dont la gueule mord la pomme du péché originel. Il lève la main droite en un geste qui n'est pas celui de bénédiction (les trois doigts cubitaux sont fléchis), et nous laisse hésiter entre l'index imprécateur, le doigt prophétique, ou, plutôt, l'index qui emmène le monde à sa suite et le guide tel le berger.

cast-quillivoare 8766c

 

La statue de Saint-Joseph :

    C'est une statue en bois peint du XVIIe-XVIIIe, grandeur nature : la figure du Saint charpentier est belle, vigoureuse, avec ses cheveux longs et bouclés, sa barbe taillée soigneusement en dessinant une barbiche sous la lèvre. Le manteau est ample et ses plis sont emportés par l' envolée d'un geste fougueux du bras. Il est élégamment maintenu par un large ruban qui, en se nouant sous le col, vient former une sorte de lavallière avant l'heure. La longue tunique verte est constellé de quatre feuilles d'or. Sa ceinture, lacée assez haut, ressemble au ruban du manteau et vient sonner en écho en l'animant le branle du brin libre.  Et puis il y a l'élégance de la manche, la façon par laquelle elle s'évase, et se fend.

 cast-quillivoare 8737c

 

Le bas-relief du maître-autel : Adoration des bergers.

  Il date de la dernier quart du XVIIe siècle, et est l'oeuvre des ateliers de la Marine à Brest. La Vierge est prise par un mouvement de tendresse et d'adoration vers le divin enfant, alors que Joseph reste en retrait, présentant le nouveau-né de la main. Un ange se pâme d'émotion. L'âne et le boeuf tiennent leur place. Mais ce sont les deux bergers qui apportent une vie et une originalité particulière. L'un, à genoux, -peut-être une bergère- caresse l'agneau qu'il va offrir tandis que l'autre, curieusement, détourne son regard. Peyron et Abgrall écrivent qu'il joue de la cornemuse, peut-être un peu rapidement car l'outre gonflée qu'il tient n'est à mon avis qu'un sac de blé.

   Un travail de l'atelier de sculpture de la Marine? Les arsenaux de la Marine exigeaient de bénéficier, pour la réalisation et la décoration des navires, de maître-sculpteurs de talent, et une rue principale de Brest conserve la mémoire de l'un d'eux, Yves Collet, (1761-1843)qui dirigea l'atelier des Arsenaux pendant 43 ans et réalisa de nombreuses figures de proue et des bustes de marins. On doit aussi à son père Jacques Etienne (1721-1808) quelques-unes des figures de proue conservées dans nos musées. Mais j'ignore pourquoi ces menuisiers, ou du moins les ateliers qu'ils dririgeaient, ont réalisé des ouevres pour les église du Finistère : rétables de Rumengol et Lopérec, statue de St Jean à Rumengol, statues à 

 A Commana, les statues du baptistère de 1683 sont signées Honoré Alliot, maître sculpteur de la Marine en 1701, Nicolas Renard était le chef de l'atelier de sculpteurs de l'Arsenal. Les frères Jean et Pierre le Déan, sculpteurs du roi, travaillèrent à Bodilis, à Pleyben, à Pont-Croix, à Goulien, à Plogonnec, à Cast (statue de Ste Marguerite)  ...et à Quillidoaré où ils réalisérent  le bas-relief de l'autel. Lorsque les sculpteurs n'ont pas réalisés eux-même les oeuvres, ils ont marqués de leur influence les artisans qui ont réalisés le retables des enclos paroissiaux.

cast-quillivoare 8736c

 

 

                    Article suivant : Vierges allaitantes III : Quillidoaré, la légende du Marquis de Pontlez et l'histoire.

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:00

                 Vierges allaitantes III

 

La chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle à Quillidoaré, Cast.

 

               La légende du Marquis de Pontlez et l'histoire.

 

 

 

 

 

 

 

  Si on consulte sur le site de la mairie de Cast les informations concernant Quillidoaré, on lit ceci :

    " La chapelle, construite en granite de Locronan, date du XVème siècle. Elle fut fondée par Marie-Gabrielle de Lescu, dame de Pontlez, sans doute en réparation de tous les crimes du seigneur de Pontlez qui, après un voyage en Terre Sainte, revint à Pontlez sous forme de fantôme et défendait le passge du pont. Il précipitait dans le ruisseau tous ceux qui voulaient passer par là. Elle ferait partie de ces édifices religieux d'inspiration, de conception, de composition et de financement peu ou prou nobiliaires, témoignage de reconnaissance ou accomplissement de voeu."

 

 

 

          J'ai promis dans un article précèdent Vierges allaitantes III : Chapelle de Quillidoaré à Cast, la Vierge..  de débrouiller l'écheveau d'une histoire de transmission transgénérationnelle de la honte due à la mauvaise conduite d'un ancêtre, de la hantise des secrets de famille qui tourmentent les descendants comme des fantômes, et d'une problématique de la fécondité et de l'attente d'un enfant héritier, organisée autour de cette chapelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle (ou du Bon espoir d'une naissance), à Quillidoaré : en voici les éléments :

 

I. Pont Lez ou Pontlez : géographie et toponymie :

 

ign pontlezc

 


 

  Le lieu-dit de Pont Lez existe bien, sur la grand-route qui relie Cast à Quéménéven, pas très loin de Quillidoaré : le toponyme Pont Lez voisine celui de Moulin de Pont Lez, où on  trouve aujourd'hui  une entreprise de menuiserie PVC du nom d' Océane Alu Service. C'est une zone humide avec un étang alimenté  par un cours d'eau, lequel est franchi par un pont.

  Le ruisseau est un affluent du Steir, qui se jette dans l'Odet. Il draine le Haut-bassin du Steir.

 

 carte ign pontlezc

 

 

      

   C'est certainement le fief de la seigneurie, authentique, de Pontlez.

 

Toponymie de Pont Lez.

  Orthographié Pontlez en 1750 sur la carte de Cassini. Il est retrouvé à Treflez (hameau de Pontlez et pont gaulois Pont Lez).

  Si on consulte le Dictionnaire des noms de lieux bretons d'Albert Deshayes, on trouve deux significations possibles de -lez , qui devient -les devant une consonne :

  -Lez : "cour seigneuriale est un terme d'emploi fréquent au Haut Moyen-Âge, que l'on rend dans les actes par le latin  aula "habitation enclose ; palais, château, cour". Ce terme a pu s'appliquer aux premières constructions défensives des mac'htierns bretons qu'étaient les mottes élevées sur buttes artificielles pour se défendre des envahisseurs ou des ennemis en général. Il procéde du vieux breton lis "habitation enclose" et correspond au gallois llys et au cornique lys "manoir, cour". (p. 159) On peut citer le nom de la commune de Bréles (29), brenn "colline" et -lez.

- -Les : "lisière, orée" et "limite" en général se présente comme premier élément associé à 77 termes dont koad ou son équivalent vannetais koed à 35 reprises dans lescoat, lescoet ou lescouet. Puis viennent loin derrière gwern à 9 reprises, dans lesvern ou leshuern, lec'h à 6 dans leslec'h, dreseg, le loc'h et menez à 5 reprises respectivement dans Lestrévezec, Leslé, Lesloc'h et Lesménez, krann, traon trev dans Lescran, Lestaron et dans Lestré- suivi d'un nom d'homme, etc. Ce terme est toujours suivi d'un terme descriptif mais aussi d'élément caractéristique du paysage comme un pont dans Lespont, un four dans Lesforn en Mellac (29), id en 1540, ou Lesvorn en Ploudalmézeau (29), id en 1656, une pierre levée dans Leslia en Quéménéven (29), id en 1480, etc. Le second élément peut aussi être un nom de rivière comme l'Aulne dans Lezaon en saint-Ségal (29), Lesaon vers 1600, le Dourdu dans Lestourduff en Lanmeur (29), et en Plouider (29), Lesdourdu en 1446, l'Ellé en Arzano (29), Lezele en 1621, le Goyen dans Lesvoyen en Meilars, Lesgoezian en 1446, le Steïr dans Lez-Steir en Quimper (29), Lesteyr en 1227. (p.34)

 

Enfin, accessoirement, un forum de discussion      http://www.arbre-celtique.com/forum/viewtopic.php?f=5&t=4573 a étudié les hydronymes (noms propres des cours d'eau, à la différence des toponymes attribués à des cours d'eau anonymes) en laize, liz, leize, lis, lys, et leur origine possible dans le celtique gaulois led-, lez.

 

  Notre Pont-lez, établi près d'une colline, et attribué à une seigneurie, peut très bien procéder de la première signification témoignant d'une motte féodale ou d'un manoir datant du Haut Moyen-Âge. Mais, il peut signifier aussi "près du pont", puisqu'il désigne un lieu-dit situé sur un cours d'eau près d'un pont ; mais on trouverait alors plutôt lespont.

 

   Sans vouloir compliquer les choses, je dois signaler que le nom Pontlez est régulièrement trouvé dans les actes généalogiques ou les nobiliaires, transcrit Poulletz ou Poulles, le seigneur de Pontlez devenant seigneur de Poulles. Ainsi (liasse B1152 dela chambre des comtes, répertoire AD Loire-Atlantique) "le lieu, le manoir et la seigneurie de Pontlés, possédés par Yvon fils de Geoffroy Poulles etc."

 

 

II. La légende du Marquis de Pontlez.

 

   La légende, ou les légendes ? Car ce marquis semble avoir été, comme le marquis de Carabas, un personnage autour duquel les habitants de Quéménéven ont bâti toutes sortes d'histoires ;

 

 

 

  Je disais qu'il existait plusieurs légendes, ou plutôt deux versions décrivant les exactions du marquis de Pontlez : la première  a été rapportée par Paul Peyron en 1874 dans le bulletin de la Société archéologique du Finistère sous le titre le marquis de Pontlez, légende.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207710t/f346.r=pontlez.langFR

Elle a été repris récemment par François Cadic dans Contes et légendes de Bretagne, 2000, et a fait l'objet d'un article de la revue La France Pittoresque n°17 en 2006.

  La seconde, la plus truculente, se trouve dans le tome II du recueil d'Anatole Le Braz La légende de la mort chez les bretons, 1902, CV, p.305-306 sous le titre Le marquis de Pont-Lez. http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Le_Braz_-_La_l%C3%A9gende_de_la_mort_chez_les_Bretons_vol_2_1902.djvu/318

  Il prétend la tenir de l'aubergiste de Quéménéven ; pourquoi pas?

 

a) la légende du Marquis de Pontlez selon Paul Peyron :

    Puisque j'ai mis un lien vers la version originelle, je ne la reprends que pour mentionner les détails orientant vers une base géographique et historique réelle. Mais ne laissez pas passer l'occasion de cliquer sur ces liens pou entendre ces deux contes racontés avec toute leur saveur par les deux auteurs.

   Le chanoine Peyron débute son histoire en la situant géographiquement ; c'est, dit-il, pour expliquer la présence d'une croix de pierre "sur la route de Quéménéven à Cast, avant de descendre au ruisseau de Pontlez" ..." au haut de la petite colline" qu'il nous la raconte.

      Ce marquis de Pontlez, seigneur du Breil, vivait dans son chateau ou manoir de Pontlez dans la paroisse de Cast, où il terrifiait ses vassaux et la population par ses exactions et cruautés si bien que le baron de Nevet qui possédait droit de haute justice, le condamna à raser les cîmes de tous ses arbres. Le marquis furieux tue de son arquebuse le messager qui lui présente la sentence, mais les seigneurs du voisinage assiègent le manoir et ne laissent la vie sauve au marquis qu'à condition qu'il fasse, sur son cheval blanc, pélerinage vers la Terre Sainte. On n'entend plus parler de lui jusqu'au jour où un tailleur revenant de la foire de Saint-Gildas et passant au Pontlez  reconnaisse le cheval blanc et le chevalier vêtu de son armure. Il s'approche, rentre en propos avant de s'apercevoir qu'il a affaire à un cadavre. 

   Depuis ce temps, "il se tient d'ordinaire sur le petit pont du moulin de Pontlez" où il précipite dans le ruisseau d'un coup de lance ceux qui prétendent passer sur le pont.

 

b) La légende selon Anatole le Bras :

  Elle en constitue une suite puisqu'elle explique comment le recteur Coatmen, de Quéménéven, expert en sorcellerie, réussit à débarrasser la paroisse d'un fantôme qui se tenait aussi mal que le marquis en chair et en os, en le maintenant dans l'étang de Poulhalec. 

 

c) les bases géographiques sont assez prècises puisque le lieu réél se trouve entre les deux paroisses mentionnées, Cast et Quéménéven, que le pont et le moulin mentionnés dans le texte existent bien. La foire de Saint-Gildas est sans-doute la foire aux chevaux de cette commune des Côtes d' Armor. Les seigneurs de Nevet possédaient leur chateau à Lézargant en Kerlaz, à quelques kilomètres de Quéménéven, et l'article Wikipédia Névet mentionne pour ces seigneurs un droit de haute, moyenne et basse justice et un auditoire de justice.

   - Sur le plan historique, une telle histoire d'exactions commises par un seigneur évoque bien-sûr en premier lieu Fontenelle, et donc la période de la Ligue. Mais en 1597, c'est l'inverse qui se produisit, lorsque Guy Eider de Fontenelle coupa et décima tous les arbres du seigneur de Nevet et rasa le chateau de Lézargant.

  La période plausible pour les méfaits de ce seigneur de Pontlez serait donc 1576-1594, dates des guerres de  la Ligue.

- le receur Coatmen est un personnage authentique : Rolland Coatmen , s'il ne fut pas recteur à Quéménéven, en fut le vicaire avant de devenir recteur d'Ergué-Gaberic de 1792 à 1795 et à Quilliou (actuellement rattaché à Plonevez-Porzay) en 1803. (Source : site Grand Terrier).

- Il n'y eut pas d'autre Marquis de Pontlez que le Marquis le Gentil de Paroy, en 1754, qui était seigneur de Barvedel en Ploeven, de Pontlez et de Kercaradec en Quéménéven, de Coëtninon en Plomodiern, de Kerleven en Quimerch, de Rosmorduc en Logonna, de Quelern en Crozon, des Rochers, de Pencran, de Kerougant, du Tromeur et de la Barbinais (Pol Potier de Courcy, Nobiliaire et Armorial de Bretagne, T I, p. 442)

 

 

 

 

 

 

  III . La fondation de Quillidoaré par Marie-Gabrielle de Lescu.

 

   C'est la Notice rédigée par Abgrall et Peyron dans le Bulletin d'histoire et d'archéologie de 1905 qui donne cette information en donnant la copie de l'acte suivant :

  "ce jour, 3e juillet 1673, ont été faites les cérémonies requises et nécessaires par vénérable et discrète personne Missire Louis Deshayeux, official et grand-vicaire de Cornouaille, pour la bénédiction d'une cloche pour la chapelle de Notre-Dame de Quillidoaré située en la paroisse, laquelle cloche a été bénite en l'église paroissiale dudist Cast et nommée Marie-Françoise par écuyer François du Bois, Sr du Rest et damoiselle Marie-Gabrielle de Lescu, dame de Pontlez, fondatrice de la dite chapelle, ses parrains et marraines, qui signent :

Marie-Gabrielle de LESCU,

François du BOIS,

TANGUY, prêtre de Landerneau   

Sebastien de MOLLIEN  ,

François de LESCU,

CARIOU, prêtre fondateur,

Louis DESHAYEUX, official de Cornouaille."

 

 

François du Bois, Sr de Tresseol (paroisse de Locronan), Sr du Rest, de Trévignon, de Kergaradec est décédé le 16 avril 1681. Il epousa Ursulle (dite Isabelle) de kergoat, décédée le 26 novembre 1682 à Landerneau. Son fils François-Joseph eut, par son mariage avec Marie-Anne du Plessis, une fille, Ursulle-Jacquette du Bois de Tresseol, baptisée le 6 mars 1681.

 

  Cette famille Du Bois de Trésseol est une branche cadette des du Bois du Dourdu, paroisse de Plougoulm. (armoiries : d'argent au lion d'azur, armé et lampassé de gueules, Nobiliaire de Bretagne 1846)

 

 

Marie-Gabrielle de Lescu est la fille de Louis de Lescu, Seigneur du Breil (Gévézé, 35), Sr de la Mancelière, de Pontlez, de Barvedel,  et de Françoise de Hirgarz.  Elle épousa 1°) Louis de Kernezne, Marquis de la Roche et 2°) en 1690 Jean d'Acigné, marquis de Carnavalet. Elle est décédée en 1705, sans descendance.

 

François de Lescu est le fils de Jean de Lescu, décédé en 1677, frère ainé de Louis de Lescu. Jean et Louis de Lescu étaient les fils de Jacques de Lescu, décédé en 1638, qui épousa Marguerite de la Fontaine en 1605. Jean de Lescu eut, de son mariage en 1645 avec Renée Bonnier, un fils, Pierre, décédé à cinq ans, et ce fils François, décédé jeune sans descendance.

  François de Lescu est donc le cousin germain de Marie-Gabrielle, et partage avec elle le fait de ne pouvoir transmettre les noms et les titres dont ils sont les héritiers.

(Source : généalogie établie par A. de la Pinsonnais, en ligne)

 

  Il nous faut comprendre pourquoi Marie-Gabrielle est mentionnée comme fondatrice de la chapelle (alors que celle-ci a été fondée au XVIe siècle), et par quelles successions elle se retouve qualifiée de dame de Pontlez.

 

Louis de Lescu, père de Marie-Gabrielle est mentionné dans les registres de Cast le 28 décembre 1659 comme parrain.

 Les armes de la famille de Lescu sont d'azur à six billettes d'argent 3.2.1, au chef d'azur chargé de trois targes d'argent.

  C'est par son ascendance paternelle qu'il est seigneur de la Mancelière, le fief  situé en Baguer-Pican, alors que le fief d'origine de la famille se situe en Lanvallay (22) : rien qui puisse expliquer sa présence à Cast. Mais c'est par son mariage avec Françoise Hirgarz qu'il devient seigneur de Pontlez et  de Barvedel. 

  Cette alliance prend toute son importance lorqu'on sait que les vitraux de la chapelle, placés 150 ans avant l'acte que nous étudions, porte les armoiries de la famille Le Gentil. Les Le Gentil ont été seigneur de Barvedel depuis leurs origines en 1334, puis Seigneur de Pontlez depuis 1438, avant que ces titres ne soient repris par la famille de Hirgarz au XVIe siècle. 

 

 

  II. Les Seigneurs de Pontlez du XVe au XVIIIe siécle : Familles Le Gentil, de Hirgarz puis du Chastel.

 

   1. La famille le Gentil.

 

-Armoiries : d'azur au serpent volant d'or.

Dans un message du 10 mai 2008 d'Hervé Trouchet sur la liste de discussion yahoo "noblesse bretonne", celui-ci écrivait : "De mon point de vue, la combinaison or-azur des armes des Le Gentil, ainsi que leur patronyme, ne laissent aucun doute qu'il s'agit d'une famille implantée à l'époque de Mauclerc ou de son fils Jean le roux au XIIIe. Or-azur est un "marqueur" ducal à cette époque, comme je crois l'avoir démontré dans l'introduction de ma nouvelle édition de l'Histoire de Bretagne de Bertrand d'Argentré."

-Devise : Spargit undequaque venenum : "mon venin se répand de tout cotés" (voir Ovide, Métamorphoses II, XVIII, 5 où le serpent et la forme prise par l'Envie)

et : suis nititur alis.  "repose sur ses ailes" ?

  L'une serait  devenue celle des Le Gentil de Quelern et l'autre celle des Le Gentil de Paroy, les deux branches issues de Jacques le Gentil//Mauricette le Pleuc, ou bien les deux sont attribuèes au marquis de Paroy.

 -   Le fief de cette famille est le manoir de Barvedel à Ploéven, commune où ces seigneurs ont disposés de droits préeminenciers (d'écusson, d'escabeau, de sépulture etc...). Le premier seigneur de Barvedel dont on retrouve la trace est

Hervé le Gentil, écuyer, existant en 1298 et 1334. Puis viennent :

Yvon, écuyer existe en 1350,

Yves II, existe en 1381 où il fait donation à l'abbaye de Landevennec, sans postérité,

Olivier, capitaine à la bataille de Montiel en 1369

Jean I, frère de Yves II,

Geoffroy, homme de guerre, une fille prénommée Aliette est mentionnée en 1395,

Jehan, chevalier, existe en 1401, figure parmi les chevaliers enrolés dans la Compagnie de du Guesclin, et figure à la montre de du Guesclin en 1371 à Pontorson. Il épouse Anne de Coetbilly, dont trois fils: Yves III, sans postérité, Jean III qui suit, et Henry, auteur d'une lignée normande.

Jean II , décédé le 17 avril 1451. Il épouse Marie de Lescuz ( de gueules à trois fers d'espiers d'argent).

 

                 La famille se divise alors en deux branches, la branche  issue de Guillaume le Gentil, et celle des seigneurs de Coetninon issue d'Yves Le Gentil : les deux se disent seigneurs de Pontlez et de Barvedel.      

 

   a) branche ainée  des seigneurs de Barvedel :

  •  Guillaume, Sr de Barvedel. Il épouse en 1438 Alix de Pontlez  et devient alors seigneur de Poulletz, ou Poulles ou Pontlez.
  •  Yves , décédé en 1528. Il épouse le 1er avril 1476 Louise de Tréanna (d'argent, à la macle d'azur), fille d'Alain de Tréanna, Sr de Keryaval. Outre Jean III, qui suit, ils auront deux autres enfants : Geoffroy, recteur de Cast en 1517, et Louise, qui fut fille d'honneur d'Anne de Bretagne avant d'épouser Charles d'O, Sr de Maillebois, chambellan et gouverneur de Caen.
  • Jean III, grand bailli de Cornouaille avant 1536, décédé en 1543, époux de Louise de Tyvarlen ( d'azur au château d'or) . "Il fut interdit de ses biens l'an 1543 et mourut la même année" (Autret de Missirien). Ils eurent 5 enfants, Jean, Louis, Marie, Catherine et Jeanne :
  • Jean IV, (mention 1558, 1562) épousa Louise du Quélennec, un fils Louis décédé sans postérité.
  • Louis , décédé en 1571-72, sans postérité.
  • Catherine épousa Jean le Scauf, sr de Kérears : leur fils Pierre le Scauf recueillit la succession de son cousin germain Louis:
  • Pierre le Scauf eut  de son premier mariage :
  • Marie le Scauf, dame de Poulles et de Barvedel : sa fille Jeanne Euzennou mourut au berceau, et l'héritage revint à 
  • Marguerite le Gentil, héritière, (veuve en 1559, 1562, 1567) transmet les fiefs à la famille le Hirgarz par son mariage avec Jean Hirgarz, fils d'Alain lui-même fils de Jean.

 

         b) branche des le Gentil Sr de Coetninon :

  • Yves le Gentil, existe en 1480 et 1485, épouse Marguerite de Pontlez ou de Poulles, "fille ainée et soeur de deux Yvon" et fille de Yvon (existe en 1470) lui-même fils de Geffroy Poulles fils d'Yvon (1426).
  • Jean, écuyer. Il épouse Marie de Tréouret (d'argent au sanglier de sable en furie) le 12 avril 1509.
  • Guillaume, écuyer ; il figure à la montre de Quimper de 1536. Il épouse Catherine de Kergadou.
  • Jean, écuyer, sr de Coëtninon, de Péneran (Pencran?) et de Lauvinault. Il épouse Marie Geoffroy. Leur fils cadet Michel fonde la branche le Gentil de Kerleven.
  • Jean, écuyer. Il épouse Jeanne de Kerleguy. Leur fils Jean est aumonier de la reine.
  • Allain, décédé en 1647. Il épouse le 19 octobre 1608 Anne de Rosmorduc et ajoute à ses titres celui de seigneur de Rosmorduc.
  • Jacques. Il épouse Mauricette de Pleuc. Outre Alain, qui suit, leur fils Tanguy fonde la branche le Gentil de Quelern, et leur fils Michel celle des le Gentil de Paroy.
  • Alain. Il épouse le 2 juillet 1687 Barbe le Bigot.
  • Yves-René, capitaine de dragon. Il épouse Marie-Joseph le Drouden
  • René Hiacynthe.sp.

 

Famille (de) Hirgarz 

  Armoiries : d'or à  trois pommes de pin d'azur:

      Jean Hirgars, père de :

      Alain Hirgars,  mentionné à la réformation de 1536 à Crozon : "les hoirs d'Allain Hirgars, sr du dict-lieu". Père de :

  • Jean Hirgarz , sr du dit-lieu, devient seigneur de Bardevel et  de Pontlez par son mariage avec Marguerite le Gentil. D'où :
  • Jean Hirgarz. Il épouse Catherine de Kerlech.
  • Maurice. Il épouse Marie de Kerléan.
  • Alain : sans postérité?

  Je perds la trace généalogique pour retrouver :

Françoise Hirgarz, dame de Barvedel et de Pontlez: elle le transmet à Louis de Lescu Sr de la Mancelière, sr du Breil (existe en 1659); sa fille Marie-Gabrielle de Lescu décédée en 1705 n'a pas de postérité de ses deux mariages, et le titre revient, par Anne Hirgarz , à Alain du Chastel, Sr du Rusquec, de Barvedel et de Pontlez (aveu le 6 avril 1715), neveu de Marie-Gabrielle, puis à Joseph et Elisabeth du Chastel (1735) et Marie-Josephe fille d'Alain du Chastel et veuve Avril de la Chauvière (1752)

 

 

 

 

          Parmi cette riche généalogie ou succession des seigneurs de Pontlez/Poulles, qui aurait pu inspirer le personnage légendaire du Marquis de Pontlez ? Ceux qui existaient pendant les guerres de la Ligue ? Jean III, qui fut interdit de ses biens en 1543 ?  

   Ce marquis de Pontlez est dit "seigneur du Breil". C'est le titre de Louis de Lescu, père de Marie-Gabrielle, mais cette histoire peut-elle se passer à la fin du XVIIe siècle ? Non, bien-sûr.

   Qui fonda vers 1520, la première chapelle consacrée à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ?         Jean II, Sr de Coetninon et Marie de Tréouret, mariés en 1509, en remerciement de la naissance de leur fils Guillaume ?  C'est possible puisque les armoiries des deux familles figurent sur les vitraux. Et alors, les armoiries de Pontlez "d'argent au greslier de sable accompagné de trois mollettes de même", sont celles de Marguerite de Poulles (lire : Pontlez), leur mère et belle-mére? Mais Marie-Gabrielle de Lescu n'est pas descendante de cette branche des seigneurs de Coetninon, mais de celle issue de Guillaume le Gentil //Alix de Pontlez et de leur mariage en 1438, puis de Yves le Gentil mariée à Louise de Tréanna. 

   Et en vertu de quel voeu, sous le poids de quelle culpabilité ou par l'effet de quelle dévotion Marie-Gabrielle de Lescu se consacra-t-elle au rétablissement de cette chapelle? Un ardent désir d'enfant ? La conviction qu'une malédiction pesait sur ce lignage ? Je laisse à chacun le soin de se faire une opinion en fonction des données que j'ai rassemblées.

   On pardonnera mes erreurs de débutant. 


 

 

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 16:01

             Vierges allaitantes IV :

            Église Saint-Germain à Kerlaz: 

                            La Vierge

 

kerlas 8859c

 

      L'inscription se déchiffrerait ainsi : (II ou)  L : M : Vcc.LXVI : GVIDAL : FABRI (ou GIVDAL)

  soit : L'an  1566 Guidal Fabricien.

 Guidal est un patronyme attesté à Kerlaz, par exemple Germain Guidal, né en 1691-marié à Kerlaz, décédé en 1761 à Kerlaz, fils de Denis Guidal.

   On peut remarquer  l'écart entre ce socle (1566) et celui de Notre-Dame de Trèguron à Tréguron (1654) alors que tout semble indiquer que l'ensemble des Vierges allaitantes sont à peu-près contemporaines : cela confirme que la date du socle n'indique pas celle de la statue : elle a été placée là, sans-doute à la place d'une autre.

   


          Puisque c'est la quatrième Vierge allaitante à qui je rends visite, je ne suis pas surpris de retrouver les traits caractéristiques de celles qu'on nomme  Notre-Dame de Tréguron, la statue de pierre polychrome grandeur nature, la position debout, la longue et ample chevelure qu'on dirait dénouée si le bandeau de tissu précieux ne la rassemblait pas derrière la nuque, les yeux bleus, le manteau à plis tombant sur le sol mais retenu à gauche , le corselet ouvert en V profond et la taille étroite serrée ici par une ceinture... Comme à Quillidoaré, mais avec moins de discrétion et de vraisemblance encore, les parties dénudées sont peintes d'un cache-sein bleu aux étoiles d'or, qui n'empêche pas la Mère de faire sourdre du téton la goutte de lait à trois perles. Comme à Quillidoaré encore, l'enfant Jésus porte une chemise de nuit blanc-beige à fleurs dorées, il  reste  indifférent à la proposition de repas qui lui est faite, et ici  il fixe l'assemblée, la main sur le coeur, prêt à débuter une déclaration les yeux dans les yeux.  Il est étonnant de constater comment, plus on s'éloigne de Tréguron en Gouezec, plus l'enfant se détourne un peu plus du sein et moins il ressemble à un poupon affamé pour s'affirmer comme un grand garçon déjà  investi de sa mission. Mais cet effort de moralisation ou de prosélytisme  donne un effet peu naturel à l'ensemble, comme si un sculpteur armé d'un ciseau tridentin avait corrigé le tendre tableau d'intimité de la mére et de l'enfant pour le rendre théologiquement correct.*

 

* p.s je découvre la notice de l'inventaire des Monuments Historiques ref. 29001212 de 1978 qui indique que si la statue est en granite polychrome du XVIe (?) et qu'elle sort du même atelier que celle de Saint Germain qui lui fait face, l'enfant Jésus est en bois et a été "rapporté" au XIXe siècle. Je serais curieux d'en apprendre plus, mais il est peu probable que la statue soit, à l'origine, dans cette posture d'allaitement sans qu'un enfant soit figuré tendant la main vers le sein. Soit il a été brisé, soit il a, comme je le suspecte, été volontairement détourné de la glande mammaire jugée indigne, et orienté vers des objets plus conformes à sa divinité ou à la théologie de l'époque.

 

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        J'ai interrogé les personnes qui venaient préparer l'église pour la prochaine cérémonie sur la trace disgracieuse que je voyais sur le front de l'Immaculée ; elles parurent la découvrir, s'en étonnèrent et se promirent de demander à un homme fort de la commune de grimper sur une échelle pour voir ça. Mais les hommes forts, me dirent-elles, à l'église, ils se faisaient parfois attendre  longtemps. Et les jeunes ? Ah, les jeunes! Elles leur avaient demandé, aux jeunes, de donner un coup de main : eh bien, elles attendaient encore , et c'étaient elles, à leurs âges, qui passaient le balai, astiquaient le sol, dépoussiéraient les bancs et regardaient avec honte les toiles d'araignées sur les vitraux, qui restaient hors de portée de leurs tête-de-loup.

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Published by jean-yves cordier
6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 15:58

             Vierges allaitantes IV :

         L'église Saint-Germain à Kerlaz.

 

   II. L'église : inscriptions,

                      : statues,

                      : sablières et blochets.

 


      Présentation, toponymie.

   Kerlaz est une ancienne trève de Plonevez-Porzay devenue paroisse en 1874, puis commune en 1932. L'origine du toponyme est d'autant plus discutée qu'on ne dispose pas d'attestation avant la forme Kerlaz de 1653, suivie de Kerlas en 1670, Ker-las en 1780 et Kerlas en 1815. La tentation est grande de rapprocher ce nom du nom latin Oppidium Occisionis, le chateau du meurtre (occidio, onis, f. assassinat), mentionnée le 26 juin  1518 dans une délibération écrite en latin (mais traduite du breton en usage) du Général (ou Conseil de Fabrique) de Plonevez-Porzay et d'y voir, comme Abgrall et Peyron en 1915 dans leur Notice du Bulletin diocésain, l'étymologie bretonne kêr-, lieu fortifié et -lazh,  le meurtre. Ils reprenaient là les travaux de l'abbé Horellou, qui n'avait pas encore publié son "Kerlaz, son histoire, ses légendes, ses familles nobles" (1920) mais  qui signalait que le nom ancien était Treffri, ou Treffriot, et qu'il avait été modifié pour garder la mémoire du jour où, à la suite d'une rixe entre l'équipe de foot (alors nommé la soule, avec un ballon en pierre...) du village du Juch et celle de la future Kerlaz, la saine émulation sportive chère au Baron de Coubertin se transforma en un sanglant pugilat.

  "Non non,_ rétorquait le recteur de Plonevez-Porzay, Monsieur Pouchous, autre érudit local, ce n'est pas cela du tout, je vais vous raconter : c'était un dimanche, et voilà que les agents seigneuriaux s'en viennent tondre la laine des pauvres paroissiens et exiger d'eux le versement d'une nouvelle taxe ! Les kerlasiens voient rouge, ils lâchent le goupillon pour le sabre, ou pour la fourche ou le penn bazh, et massacrent les percepteurs indélicats (un dimanche, toud-même !). Monsieur le recteur voit tout-de-suite qu'ils viennent de commettre une grosse boulette, il prend lui-même la bannière dédiée à Sant Jermen et se met à la piétiner et la lacérer, puis il décroche la grande croix en argent, la fracasse contre le sol, la tord sur ses genoux, et réunit ses ouailles dégrisés pour leur déclarer : "on dira à M'sieur l'baron que ses gendarmes nous ont attaqué en pleine procession, qu'ils ont voulu s'emparer de nos reliques et de la bannière de Pardon, et que c'est pour défendre ces biens sacrés que nous avons affronté ses soldats !"  Voyant qu'il ne pourrait contester une si sainte version, le seigneur (peut-être Yvon du Quelen, baron du Vieux-Chastel) trouva sage de se contenter d'exiger le versement de son champart, et de son cens et  de son droit de moulin, du droit de four, ajouté aux arrérages du droit de pressoir, d'y adjoindre les novales sur les terres mises en friche, et de retrouver une facture impayée de quelques droits d'afforage sur des tonneaux mis en perce à la Saint-Jean et dont les droits de bouchon avaient été négligés. Pourvu qu'on n'oublie pas de lui apporter sa part des bénéfices du Pardon de juillet dernier, et il passait l'éponge. Ah, il ajoutait ceci : désormais, cet endroit se nommerait Kerlaz, et ce nom sinistre persécuterait les toponymistes de tout poil pendant des générations.

Source, cuisinée façon lavieb : http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=36 

 

    Mais les linguistes suggèrent qu'il puisse s'agir d'une forme mutée du breton kerglas ( à St Jean-du-Doigt un lieu-dit Kerlaz était  noté Kerglas en 1543) qui signifie kêr-, village et -glas, "vert, bleu, gris". Ou bien -laz serait un nom de personne et Kerglaz serait "le village de Laz". Encore une fois, personne ne peut trancher le noeud gordien à défaut de forme attestée ancienne. On se consolera en pensant à la commune de Laz (13,5 km de Pleyben), qui ne parvient pas non plus à résoudre l'énigme de son nom, et qui, de guerre lasse, pense l'attribuer au vieux breton lath-, "baguette, lance", évoquant peut-être une borne ou un menhir.

 

   L'église .

Ce qui est sûr, c'est que l'église est dédiée à Saint Germain, le mérovingien (380-448), qui fut un si dévoué agent impérial et qui participa si bien aux conciliations territoriales entre Francs et Bretons qu'il fut nommé évêque d'Auxerre en mai 418. Certains le croient breton parce qu'il est né en "Armorique", mais il s'agit de l'Armorique gallo-romaine du Ve siècle, qui inclut Auxerre dans les cinq provinces lyonnaises, sénonaises et d'Aquitaine. D'autres croient qu'il évangélisa la Bretagne parce que, en 429, Céléstin Ier l'envoya avec Saint-Loup de Troyes lutter contre l'hérésie pélagique qui sévissait outre-Manche, mais c'est, bien-sûr, de la Grande-Bretagne qu'il s'agit. C'est au cours de ce voyage que, s'arrétant à Nanterre, il décela les saintes dispositions d'une enfant nommée Geneviève, qu'il consacra : elle devint Sainte Geneviève. 

  Saint Germain est aussi le patron de l'église de Pleyben, de Laz et de Plogastel-Saint-Germain, des chapelles de Plougonven ou de Saint-Martin à Morlaix ou des chapelles du temps jadis à Crozon ou Clohars-Carnoet (René Couffon). Il est fété le 31 juillet. Il appartient à la série des saints exorciseurs et guérisseurs ; à Glomel, devant sa statue, des parents suspendaient leur enfant épileptique par les pieds au dessus des fonts baptismaux. Aucun témoignage de ce type à Kerlaz, tant à l'église qu'à la fontaine de saint Germain, Dour feunteun Sant Germen.

   L'église conserve de sa construction au XVIe siècle son porche sud (1572, 1576), son ossuaire d'attache où ont été placés depuis les fonts baptismaux, et le chevet plat. Un arc de triomphe de 1558 donnait accès au cimetière, d'où des pierres tombales de 1539 ont été placées en dallage dans l'église.Au XVIIe, le pignon ouest a été reconstruit en 1620, 1630 et 1635 en l'ornant de colonnes supportant un fronton triangulaires. La chambre des cloches fut construite en 1635, la cloche date de 1644. L'une des deux tourelles d'escalier porte la date de 1677.



http://catholique-quimper.cef.fr/annuaires/patrimoine/K.html

http://www.douarnenez-tourisme.com/fr/bienvenue/dsp/771

 

I. LES INSCRIPTIONS :

 

A l'exterieur :

  au dessus du portail ouest à fronton :

 

M:P:BOCER. P. DE  PLONEVE & C

P.BRELIVET. FAB 1620

  Le nom Bosser ou Le Bosser est courant à Plonevez-Porzay, et on peut retrouver par exemple un Guillaume le Bosser né en 1666. Brélivet est un anthroponyme attesté à Kerlaz, et qui figure toujours dans l'annuaire de cette commune.

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      Sur la face ouest de la tour :

  Y (?) LVCAS : F : 1630  

Un Bernar Lucas a fait inscrire son nom en 1653 comme fabricien de l'année sur le calvaire du placître de la chapelle Sainte-Anne La Palud, qui dépend comme Kerlaz alors de la paroisse de Plonevez-Porzay. Le nom Lucas, toujours en vigueur à Kerlas, est ainsi attesté à Plonevez ; Sébastien Lucas est signalé à Kerlaz comme décédé avant 1760.

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Sur le linteau ouest de la chambre des cloches :

M.G.AVAN.RECTEVR.G.QUINIOV.F. 1631 

  Le seul nom compatible avec -AVAN me semble être PICHAVANT, attesté à Kerlaz et à Plonevez. (Un Jean Pichavant fut recteur de Meilars -Confort en 1691). J'ai bien conscience qu'il est difficile de transformer AVAN en Pichavant. La fontaine Saint-Germain (sur la route de Trezmalaouen) porte l'inscription bien lisible I. AVAN : F 1639 (avec un bel exemple de N rétrograde) : il ne peut donc s'agir d'une erreur. Mais nous apprenons qu'il s'agit du fabricien et non du recteur. Si le V se lit U, nous obtenons AUAN qui ne nous avance pas.

Quiniou est un nom toujours en usage à Plonevez.

Sur la cloche : Nommée Marie-Françoise par François Ma..et Marie-Anne G...

  L'autre cloche daterait de 1644.

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Socle de la statue de Saint Sébastien : 1569 entourant dans un entrelac les armoiries qui me semblent à trois à cinq fasces.  Est-ce le blason de la famille de Quelen, "burelé d'argent et de gueules de 10 pièces" qui est  :

 (Michel mauguin, histoire de Lez-quelen) Leur devise est E peb amzer, Quelen : de tout temps, Quelen.

   En 1569, c'est le régne de Charles IX (1560-1574) qui a alors dix-neuf ans. Les guerres de religion aboutiront au massacre de la Saint-Barthélémy (24 août 1572).

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       Sur le sol devant cette statue : 1539 : la date la plus précoce de toute l'église ? Elle proviendrait d'une dalle funéraire du cimetière réemployée comme pavement : 

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      Sur le mur nord de la nef : IA : BRILIVET : FA 1603

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  Sur le même mur : une très belle inscription cachée par l'art saint-sulpicien, et par l'absence d'éclairage adéquat pour la mettre en valeur. Pourtant on voit les deux registres séparés par une barre, les lettres gothiques qui, au lieu d'être régulières, s'harmonisent avec le cadre, un beau R et un superbe H en onciale dont la hampe revient sous la ligne.  Ce serait G.BOVRCH.1588 . Actuellement, c'est la forme Le Bourch qui est attestée à Plonevez-Porzay (annuaire Pages Blanches 2011).

  La graphie ressemble à celle de l'inscription du portail sud qui porte PHILIBERT CARADEC F; 1572 que je n'ai pas photographiée..

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  Sur le mur du bas-coté nord ont été réemployèes des pierres portant les inscriptions :

   H. Cobnan en onciale, hormis le N central. Elle est lue H.Connan dans le Nouveau Répertoire de René Couffon et Alfred Le Bars. Le patronyme Cobnan n'est pas attesté, mais la lettre b semble indiscutable.

 

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A coté : H. Lorans : F

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  Les fonts baptismaux ont été placés dans l'ancien ossuaire d'attache. On lit tout autour de la cuve :LMVcLXVII. MOR : AVTRET : FAB , c'est-à-dire 1567 MOR : AUTRET : Fabricien. A comparer avec la date 1569 en chiffres arabes du socle de St Sébastien, et avec la graphie de la  date LMVccLXVI (1566) du socle de la Vierge.

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Un bénitier : 1779 Y G  dans un placard en creux, sur une cuve ornée de denticules et  posée sur un fragment de colonne réemployé.

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II. LES STATUES : 


  1°) Saint Germain : 

       Statue en granit polychrome du XVIe-XVIIe située à gauche du choeur dans une niche en bois du XVIIe (?) siècle. Inscription non déchiffrée sur le socle. Le commentaire des Monuments Historiques lors de l'enquête 1978 indique, sous la référence 29001214 que c'est l'oeuvre du même atelier que la Vierge qui lui fait face à droite du Choeur dans une niche analogue et avance une datation du XVIe assortie d'un point d'interrogation.

  La niche associe, sur un beau travail de restauration de la menuiserie, des éléments classiques comme les colonnes cannelées à la base peinte en faux-marbre et les chapiteaux corinthiens,  avec des rinceaux qui se rejoignent en encadrant des armoiries épiscopales stylisées. Il subsiste un pot à feu,  symbole de charité qui voisine avec un décor floral.

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  Le saint est représenté comme il se doit en évêque, bénissant de la main droite, tenant la crosse à gauche, coiffé de la mitre, revêtu d'une lourde chasuble orfayée, portant l'étole au dessus d'une tunicelle et d'une soutane ou d'une robe violette.

   Les deux fanons de la mitre, à frangés bouillon de cannetille or, encadrent le cou comme les barbes d'une coiffe bretonne.  

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   Il apparaît  que la hampe de la crosse épiscopale est tenue par l'intermédiaire d'un linge.  C'est le sudarium, parfois fixé à la hampe par un crochet aménagé par les motifs ornementaux . Il figure sur les armoiries des abbés et des prélats inférieurs aux évêques, qui ne portaient pas de gants initialement. Ce voile, autrement nommé velum ou panisellus, servait à éviter de toucher le bois ou le métal précieux avec des mains moites. 

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 Les gants épiscopaux ou chirothèques sont parfaitement représentés, avec l'anneau épiscopal (où un chrisme est ébauché) qui se porte au dessus, le motif doré en quatre-feuille sur le dos du gant, et le gland qui s'oppose aux plis de l'évasement sur le poignet. Mais quelque-chose ne va pas : un anneau épiscopal se porte à la main droite, et toujours sur l'annulaire alors que ce carré doré est placé sur les majeurs des deux mains. J'ai déjà noté cela à Plogonnec sur la statue de St Thurien  Église de Plogonnec : statues et bannières. Les premiers chrétiens portaient de nombreux anneaux, ornés de symboles chrystiques comme le poisson, la nef, et les dignitaires reprenaient l'usage romain des annuli sigillarii ou annuli signatarii pour frapper de leur sceau leurs documents : Clovis en confère le droit aux évêques, et saint Augustin fait allusion à cet usage. Les docteurs médiévaux portaient un anneau au pouce droit pour témoigner de leur doctorat.

   L'anneau épiscopal est remis à l'évêque lors de sa consécration en signe de l'étroite alliance qu'il contracte avec l'Église comme un époux. Mais autrefois il ne pouvait le porter à l'annulaire droit que lorsqu'il célébrait la messe, et ils le plaçaient au pouce le reste du temps. Aucun autre écclesiastique ne peut porter un anneau, du moins durant la messe. (Abbé André, cours de droit canon, article "anneau", 1860).

 Puisqu'il était porté au dessus du gant, il pouvait glisser, et il était parfois assuré par un deuxième anneau de sécurité.

  

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      Dans l'église de Cast, une statue de Saint èvêque montre également le sudarium, et une main gauche portant une bague sur le majeur et sur l'auriculaire.


 2°) St Even :

  Selon Wikipédia, qui sait tout, Saint Even ou Ewen n'est autre que Saint Ouen, plus simplement nommé Dadon mais néanmoins chancelier ou référendaire (garde du sceau) du roi Dagobert et donc collègue de l'orfèvre Éligius, dit Saint-Éloi. 

   Mais selon Monsieur Pouchous,  le recteur de Plonevez-Porzay de 1832 à 1885 après avoir été celui de Rumengol, an aotrou person, ce Saint Even serait un ermite né à Quimper de parents nobles qui le chassèrent de leur manoir néobreton tant ils n'en pouvaient plus de le voir, à seize ans, réciter le chapelet au lieu d'aller jouer à la soule avec les autres, faire pénitence du samedi au jeudi en plus du vendredi réglementaire, donner aux mendiants l'argenterie armoriée familiale plutôt que de mettre le couvert, et regarder tristement sa mère en se signant lorqu'elle allait danser. Maman  lui donna son argent de poche et Papa le jeta dehors. Bien-sûr, Even commença par s'agenouiller pour se recommander à Notre-Dame et à Saint Corentin,  puis chercha si bien qu'il trouva une famille éplorée pour distribuer ses économies, et le coeur et la bourse légère, il s'enfonça dans la forêt de Nevet (celle de Locronan) pour y camper et faire des feux de bois.  Et selon les termes de M. Pouchous " il vécut saintement dans son ermitage, il y mourut vénéré des voisins" et cette vie exemplaire lui valu, non seulement une statue à Kerlaz, mais une chapelle à son nom, et son pardon le troisième dimanche de septembre. (voir Abgrall & Peyron, Notice, Bdha 1915, p. 17).

  Independamment de cette tradition auriculaire précieusement recueillie par l'abbé, on peut aussi noter que Saint Even est le patron de la paroisse de Ploéven, Plou-Even, paroisse dont dépendait Kerlaz avant la création de celle de Plonevez-Porzay. 

  Dans les profondeurs de Koad-Nevet, ancien nemeton gaulois où tout baigne dans une mystérieuse ambiance druidique et sacrée se trouve la fontaine de saint Even, Feunteun Sant-Even, dont les eaux sont, c'est la moindre des choses, miraculeuses.

 

   D'ailleurs, cette statue vient directement de la chapelle Saint-Even, tombée en ruine dans le bois de Nevet : c'est tout-à-fait lui, en habit monastique avec son bourdon de pélerin avec lequel il arpentait landes et taillis, garennes (Ar Waremm) et marais, empruntant hent-ar-Spern et hent-ar-Louarn, hent-ar-Maro et hent-ar-Kreiz, hent-ar-Stankou et hent-plas-ar-Lochou, tous ces chemins de Koad-Nevet.(http://www.ofis-bzh.org/upload/travail_fichier/fichier/69fichier.pdf)  .

  Elle est estimée datée du XVII-XVIIIe par les Monuments historiques, qui signalent une inscription de restauration à l'arrière : MARC F. 1885.


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 3°) St Sébastien : (placé sur le socle daté 1569)

... que les chanoines J.M. Abgrall et P. Peyron intitulérent Ecce Homo pour un motif inexplicable, puisque les plaies sont celles des flêches du martyr de Saint Sébastien. A leur décharge, reconnaissons qu'il est inhabituel que les jambes du saint ne soient pas entravées et lièes sur la colonne (aux allures de palmier) où les mains sont nouées, et encore plus inhabituel que l'éphèbe apollinien porte la barbe.  J'ai pourtant un doute puisque les Monuments Historiques y ont vu aussi en 1994 (ref PM 29000385) un Christ de Pitié ! J'examine comme un médecin légiste les onze ou douze plaies sanguinolentes, elles sont punctiformes, arrondies, elles ne peuvent correspondre à une flagellation par fouet (fut-il muni de boules de plomb) ou par branches d'épineux, et sont celles crées par la sagittation. Enfin, aucune couronne d'épine n'est présente. 

  Mais (rien n'est simple) les mêmes services MH classent sous la référence IM29001220 avec une notice rédigée par Jean-Pierre Ducouret un Saint-Sébastien statue en bois repeint daté "limite 16e-17e siècle (?)" de 140 cm avec la "mention du classement : s'agirait-il du Christ de Pitié, statue en bois de 1569 ?" dont la taille était de 131cm. 

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  4°)  Saint Michel terrassant le dragon : XVIe siècle.

 

  Certainement l'une des belles pièces de l'église, cette statue en bois peint de 1,08 m représente le chef des milices célestes brandissant son épée de feu et tenant de la main gauche la balance avec laquelle il pèsera nos âmes le jour fatal des ultimes bilans. (Un sortilège du Malin a rendu cette balance invisible).

  Cheveux longs à la mode du début XVIe, les lèvres peintes, il porte le manteau rouge à galon d'or qui le caractèrise et dont il montre la doublure blanche à fleurs, au dessus de la courte armure Renaissance. N'étant pas expert, je ne m'aventurerai pas à décrire la tunique bleu-métal portant le christogramme IHS sans savoir s'il ne s'agit pas d'une brigandine, ce pourpoint de cuir recouvert de lames de métal superposées en tuiles et d'une finition extérieure en cuir, en velours ou en soie que tant de seigneurs bretons portent lors des Montres. Les canons d'avant-bras, les cubitières ou les genouillères rivetées sont peints de la même couleur métallique, alors que les cuissots, les grèves et solerets semblent remplacées par des chausses et des bas très ajustés sur de courtes chaussures. Les bandes dorées pourraient être damasquinées, ou seulement brodées. 

  Autour de la taille, une pièce protégeant bassin et trochanters  réunit braconnière et tassettes en une petite jupette bien seyante.

  Mais bien-sûr, la star involontaire est cet espèce de dobermann mâtiné de Pluto qui fait office de dragon et que son maître chatouille du pied, non sans provoquer moult aboyements et gémissements de plaisir.

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5°) Groupe de la crucifixion : la Vierge

   Cette statue en bois de la Vierge fait partie d'une Crucifixion dont les trois éléments, vierge, crucifix et saint Jean, ont été séparés.

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      6°) Groupe de la crucifixion : Saint Jean.

  Il indique qu'il est Jean l'évangéliste en tenant le livre de son évangile. D'habitude le manteau bleu est reservé à la Vierge et lui porte un manteau rouge, mais cette couleur est placée ici en doublure interne.  Il est imberbe, comme tout Jean l'évangéliste qui se respecte, et comme c'était la mode à la fin du XVe avec la coiffure page et l'association menton rasé-cheveux longs qui allait s'inverser vers 1520. Le cheveu est taillé court sur le front en une curieuse épilation des golfes temporaux formant une pointe, avant de liberer les mêches bouclées.

   La robe boutonnée comme une soutane est bordée en bas et aux manches  de fourrure.

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 III. Les sablières et les blochets.

  Elles valent à elles seules le détour, d'autant qu'elles ont été parfaitement restaurées en même temps sans-doute que le beau lambris de recouvrement de la charpente. Là, pas de boitier élécrique gris, pas de cables munis de cavaliers, pas de projecteurs mal placés, du beau travail.   Ces sculptures de chêne datent de la deuxiéme moitié du XVIe siècle et sont donc contemporaines des différentes inscriptions et statues que nous avons vu. 

        A la croisée du transept, quatre personnages vêtus de bleus contemplent le choeur. Le fait qu'ils soient barbus, sauf un (Jean) me fait penser aux quatre évangélistes.

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 Cet apôtre (?) semble singer par une frise de visages qui font les acrobates entre des angelots.

 

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   Le personnage suivant subit la même dérision de voir son portrait démultiplié par un écho visuel semblable aux éclats capricants d'un vaste rire.

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      Ici, c'est une figure ailée aux pommetes saillantes, chevelue, couronnée de feuilles, les mains jointes, à mi-chemin entre un chérubin et une renommée;

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   Le mystère et l'étrangeté, qui sont les charmes des sablières de nos chapelles, s'accentuent face à cette sorte de rébus où un cuir ou un drap est présenté à doite par une femme dépoitraillée comme une Bacchante et à gauche par une ange : deux mains, deux pieds, un coeur. Comprenne qui pourra. Mais là encore, le visage de la femme et celui de l'ange reprennent par ricochet ironique les traits du personnage qui se tient debout.

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Et que dire de ce visage coiffé d'un chapeau rond et que deux animaux écailleux encadrent ?

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  On se  retrouve plus serein face aux  anges orants et adorants :

 

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