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30 mai 2019 4 30 /05 /mai /2019 20:45

L'église de Goulven V. La peinture sur lambris (XVIIe ?) de la rencontre de saint Goulven et du comte Even.

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Voir  sur l'église de Goulven :

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Sur les lambris peints figurés, voir dans ce blog :

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Et on pourra visiter aussi des lambris peints figurés à :


 

  • Mûr-de-Bretagne : chapelle Sainte-Suzanne. Accusation et condamnation de sainte Suzanne (chœur) et Passion (nef).

  • Saint-Barthélémy : chapelle Saint-Adrien. Martyre de saint Adrien (chœur)

  • Douarnenez : chapelle Saint-Michel. Voûte peinte de 56 panneaux inspirés par les taolennou de Michel de Nobletz. 1667.

  • Carnac, église Saint-Cornély. Vie de saint Corneille (nef) par Jean-Baptiste Le Corre v. 1716.

  • Ploerdut :  peintures par Jean-Baptiste Le Corre v. 1716

  • Plougrescant : chapelle Saint-Gonery

  • Ploéven, église Saint-Méen . Passion

 

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PRÉSENTATION.

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L'église de Goulven abrite, sur le lambris est de son transept nord, une peinture sur bois de grande taille. Jean-Marie Abgrall la dédaigne un peu lorsqu'il la décrit (BDHA de 1911) comme "une peinture naïve" mais il en interprète bien le sujet, " l'entrevue du comte Even et de saint Goulven".

 

Le site  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00089981  du Ministère de la Culture reproduit une fiche qui la qualifie de "peinture murale" (!) et la date du "XVIIIe-début XIXe" (?) . La fiche est accompagnée d'une photo de Ph. A. Neury de 1974 pour les collections des Monuments historiques. Pour seul commentaire, hormis la mention "Restaurée" (mais quand ?), elle cite partiellement  Abgrall (dans son Architecture bretonne de 1904). La citation exacte est : " Peinture très naïve du XVIIe siècle représentant l'entrevue de saint Goulven et du comte Even, après la victoire de ce dernier sur les pirates du Nord."

Déjà, en 1850, Guillaume Lejean, dans La Bretagne, son histoire et ses historiens, 1850, s'en moquait : " Il est vrai qu'il est souvent peu fort de couleur locale, et qu'il a de ces anachronismes qui me rappellent le tableau d'une église du Bas-Léon, où le Tiern Even vient visiter Saint-Goulven en grosses bottes et en chapeau à la mousquetaire, le costume complet du temps de Louis XIII." Mais la remarque est précieuse, car si l'anachronisme consiste à peindre le comte Even (Xe siècle ?) en costume Louis XIII, il permet de dater la peinture du XVIIe siècle.

L'ouvrage de Maud Hamoury La peinture religieuse en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles (PUR 2010) ne la décrit pas : l'auteur estime-t-elle que cette peinture est antérieure ou postérieure à son champ d'étude?

L'association Goulven-découverte n'en parle pas.

Pourtant, elle ne manque pas d'intérêt, d'une part par son ancienneté, d'autre part par son sujet, — la fondation du territoire de Goulven par circumduction effectuée par l'ermite (sujet crucial pour la paroisse) —, et enfin pour son  appartenance, en histoire de l'art, à l'ensemble  Lambris peints figuratifs anciens de Bretagne (avec quelques autres en Finistère, à Dirinon et Saint-Divy)

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DESCRIPTION.

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La scène se passe sur une côte ( a priori bretonne) avec une falaise à droite, une terre plane au centre, une crique à gauche, et la mer en arrière-plan.

Une troupe de cavaliers en habits rouges  vient de la droite, dirigée par son chef qui a mis pied à terre. Il salue un homme en soutane qui se tient près d'une croix. La crique est jonchée de cadavres, des barques font rame vers des navires qui s'éloignent, poussés par le vent. Le navire le plus proche porte un pavillon rouge à croix blanche.

Les historiens ont reconnu dans cette scène, je l'ai dit, la rencontre de  saint Goulven et du comte Even.  En un mot, le seigneur du Léon, Even, face à l'attaque de pirates et pillards étrangers, demanda à Goulven de lui assurer son soutien spirituel, repoussa les soldats vers la mer, puis vint remercier le saint. Il lui offrit, pour fonder son monastère, autant de terre qu'il pourrait délimiter en marchant durant une journée.

L'histoire est légendaire (le mythique Goulven, venu de Bretagne insulaire au VIe siècle et évêque du Léon en 602, ne pouvant rencontrer le non moins légendaire comte Éven, censé avoir livré ce combat au Xe siècle), mais elle est racontée comme cela par le dominicain Albert le Grand, dans   La vie des saints de la Bretagne Armorique, parue en 1636.

Dans ce récit, les agresseurs sont  "Danois & Normands", et c'est bien un pavillon du Danemark qui est peint avec sa croix blanche sur fond rouge. 

Puisque l'hypothèse se dessine que le peintre ait pu suivre de près la Vie de saint Goulven d'Albert le Grand, et comme cela fournit un premier élément de datation (après 1636), voici le texte en question, avec, surligné en gras, le moment peint par notre artiste :





VII . Cependant que saint Goulven ravissoit un chacun en admiration de sa Sainteté, les Danois & Normands qui tenoient la Mer, pillans & écumans l'Ocean, aborderent à la coste de Leon, mirent leurs vaisseaux à couvert dans les Havres & jetterent plusieurs Soldats à terre pour courir & fourager le Pays. Le Seigneur de Leon (la Chronique Latine l'apelle Even), qui lors estoit en la Ville de Lesneven, fit armer ses sujets pour resister aux Barbares ; mais, avant que les aller rencontrer, il fut en poste vers saint Goulven, lequel il trouva à genoux devant une Croix, à l'une de ses Stations ; il le salua humblement, disant : "Dieu vous garde, Serviteur de Dieu ; nous avons icy prés une Armée d'Infideles à combattre ; je vous supplie de prier Dieu pour moy & mes Soldats, afin que nous puissions garentir ce Pays de leurs ravages". Le Saint luy répondit : "Monseigneur, allez hardiment ; &, quand vous aurez vaincu les ennemis, venz-moy trouver en ce lieu". Le Comte crût aux paroles du Saint, &, ayant receu sa Benediction, monta à cheval & s'en retourna en sa Ville de Lesneven, où ayant fait monter son Armée, il mena, le lendemain, ses trouppes droit vers les ennemis, les suivant à la fumée des maisons brûlées, son de toczain & clameur des Paysans. Enfin, il les rencontra tous en desordre, s'en retournans par bandes, chargez de butin & pillage, pour devoir gagner leurs Navires ; mais le Comte Even, bien servy d'espions, ayant découvert la route qu'ils tenoient, leur couppa chemin & se jetta avec une moitié de son Armée, les chargeant par derriere, de sorte qu'estans attrapez & enveloppez de l'Armée, ne pouvans ny avancer ny reculler, ils furent défaits & la pluspart tuez sur le champ, peu s'en estans fuis, qui, s'estans jettez dans les Esquifs & Chalouppes qu'ils tenoient amarez au rivage, gagnerent leurs vaisseaux, &, levans les voiles & ancres, prirent la fuite, sans envie de plus prendre terre en cette coste. Tout le butin demeura à Even, & la pluspart de leurs Navires, lesquels, à faute d'hommes, ils ne purent amener. 

VIII . Le Comte Even s'en retourna, le même jour, victorieux & triomphant à Lesneven (Ville qu'il avoit fortifiée d'un beau Chasteau & ceint de murailles &, de son nom, apellée Les-Even, qui signifie Cour d'Even), où, aprés avoir rendu graces à Dieu & départy le butin à ses Soldats, il convia les Chefs & principaux Officiers de son Armée à venir souper avec luy au Chasteau, on couvrit les tables, & tout estant disposé, comme il lavoit ses mains, il se souvint des paroles que saint Goulven luy avoit dites à son départ : "Quand Dieu vous aura donné victoire de vos ennemis, venez-moy trouver en ce lieu".

Il s'excusa vers la compagnie, la pria de faire bonne chere, nonobstant son absence, prit la poste, avec peu de train, & se rendit, en peu de temps, au mesme lieu où il avoit trouvé, le jour précedant, saint Goulven ; & d'aussi loin qu'il pût découvrir le Saint, qui estoit lors en Oraison au pied d'une Croix, il mist pied à terre, le chapeau au poing, courut vers luy ; puis, se jettant à genoux, luy baisa reveremment la main (car il estoit Prestre) & luy dit : "Mon Pere, levez-vous, car par la grace de Dieu & le merite de vos prieres, nous avons vaincu nos ennemis". Alors, le Saint qui, prosterné à terre, les bras estendus en forme de Croix, n'avoit bougé de là, priant Dieu pour le bon succés des Armes Chrestiennes, se leva sur bout &, prenant le Seigneur de Leon par la main, luy dist : "Monseigneur, rendez graces à Dieu qui vous a donné cette vistoire de vos ennemis ; observez ses Commandemens, & gardez-vous d'y contrevenir". 

IX . Even le remercia de ses bonnes instructions & luy dist qu'il demandast ce qu'il voudroit & qu'il luy octroyroit de bon cœur : "Non, (dit-il), je n'ay besoin d'aucune chose temporelle ; mais si vous voulez faire quelque aumône en action de graces & reconnoissance de cette Victoire que Dieu vous a donnée, je vous conseille de bastir un Monastere icy prés de mon Hermitage & luy donner cette forest pour y sustanter & entretenir de bons Religieux, qui, nuit & jour, y prieront Dieu pour vous & pour vos sujets". Even le luy accorda de bon cœur, & donna autant de terres au futur Monastere,qu'il en pourroit cernoyer, un jour, en marchant, &, prenant congé du Saint, se retira à Lesneven.

Au jour nommé, saint Goulven alla prendre possession de la terre qui devoit estre donnée audit Monastere, & (chose étrange) à mesure qu'il marchoit, la terre s'élevoit à ses talons comme un fossé, distinguant cette nouvelle donaison du reste des terres du Seigneur de Leon ; & ce cerne ou circuit est tenu en si grande reverence, que personne n'oseroit en avoir rien pris, Dieu ayant souvent rigoureusement puny ceux qui avoient violé ce saint pourpris, nommé communément par nos Bretons, Menehi Sant Goulven, c'est à dire, la franchise ou azile de saint Goulven, lequel terroir est encore, en ce temps, tenu pour un des plus fertiles de tout Leon. "Albert le Grand LA VIE DE SAINT GOULVEN Evesque de Leon, Confesseur, le premier de Juillet. 
 

Les détails sont bien représentés : Goulven se tient au pied d'une croix, et il était en oraison comme en témoigne son bréviaire posé sur le soubassement à coté de sa barrette. Even tient son chapeau à la main. Le saint qui était à plat-ventre vient de se relever, tout comme Even qui était à genoux, et ils s'échangent la poignée de main qui scelle l'engagement mutuel : Even lui fait donation d'une terre et d'une forêt pour fonder un monastère, et Goulven va entreprendre de circonscrire (miraculeusement) le territoire de Menehi Sant Goulven (dont on conserve le Penity).

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La rencontre de saint Goulven et du comte Even, peinture sur lambris (XVIIe siècle), église de Goulven. Photographie lavieb-aile 18 mai 2019.

La rencontre de saint Goulven et du comte Even, peinture sur lambris (XVIIe siècle), église de Goulven. Photographie lavieb-aile 18 mai 2019.

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ÉTUDE DE DÉTAILS.

1°) Saint Goulven

Il est vêtu d'une soutane noire dont nous pourrions compter les boutons ronds ( 33, comme l'âge du Christ) au dessus d'une chemise blanche à col pointu; il est chaussé de souliers noirs. L'apparition ou la généralisation de la soutane après le Concile de Trente est trop imprécis pour aider à la datation. Le nom français apparait en 1553-1557 chez Du Bellay. Selon M. Baulant, dans les inventaires de Meaux, la soutane existe dans les garde-robe d'ecclésiastiques, en concurrence avec les robes.

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Nous ne voyons pas de tonsure. La  barrette est plutôt un chapeau rond à trois pointes, cerné d'un lacet perlé. Le livre (missel ou bréviaire) est ouvert, ses 3 ou 4 signets ne sont pas oubliés. Le bréviaire romain date de 1568, 1602 et 1632.

2°) Le comte Even.

Il est barbu. Il porte un habit rouge qui associe un pourpoint à crevés à boutonnage frontal, basques courtes et manches à crevés, et des hauts-de-chausse, les deux pièces sont taillées dans une étoffe fine à reflets soyeux. Les jambes sont couvertes par des bottes vert-bouteille munies d'éperons à molette.

La fraise blanche est de longueur et de hauteur moyennes.

Le chapeau rouge, sans doute de feutre, est en partie caché par une plume blanche.

Even porte l'épée au coté gauche. C'est là la tenue d'un seigneur, mais elle s'inspire de celle des officiers nobles de la Maison Royale, dite Maison rouge à laquelle appartiennent les chevau-légers et les gendarmes.

Tous ces éléments sont cohérents avec une datation dans la première moitié du XVIIe siècle.

La barbe apparue avec François Ier et encore portée en 1600 disparaît dans la noblesse vers 1630 sous Louis XIII.

Les crevés ou taillades sont abandonnés après les premières décennies du XVIIe (plus tardivement chez les femmes).

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La rencontre de saint Goulven et du comte Even, peinture sur lambris (XVIIe siècle), église de Goulven. Photographie lavieb-aile 18 mai 2019.

La rencontre de saint Goulven et du comte Even, peinture sur lambris (XVIIe siècle), église de Goulven. Photographie lavieb-aile 18 mai 2019.

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3°) Les autres cavaliers.

Ils portent aussi l'habit rouge, mais avec un pourpoint à basques longues, manches rabattues à boutons dorés. L'un porte une moustache "Louis XIII", l'autre une moustache et une barbiche, le troisième une barbiche, et les cheveux sont longs et bouclés comme avec une perruque. Tous portent le chapeau de feutre, conique, à plumet.

Tous ces détails nous rapprochent de cette gravure de Louis XIII par Pelletier (sauf la selle ; la culotte bouffante ; les bas et chaussures etc) :

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4°) Les chevaux et leur harnachement.

Alors que les chevaux des compagnies de Mousquetaires étaient tous de la même robe, les chevaux représentés ici sont de robe différente : deux sont blancs (gris) et les autres sont bais. Le cheval d'Even est bai, sans balzane.

Ils sont montés sans selle, mais avec un tapis de selle (schabraque) rouge (Even), bleu ou vert frangé d'or et frappé aux coins d'emblèmes. Ces derniers sont difficiles à préciser ; on s'attendrait à trouver le lion des armoiries du Léon mais ce sont plutôt des motifs floraux ornementaux.

Ces schabraques sont complétés, en avant, de fontes,  tous occupés par le pistolet de cavalerie.

Nous trouvons aussi les étriers, la sangle ventrale, un poitrail orné d'une pierre précieuse, la martingale, le licol orné de plaques de métal doré en soleil.

Un élément remarquable est le mors à branches longues en S. Ce type de mors est visible sur les calvaires bretons monumentaux qui comportent les deux cavaliers traditionnels : ces calvaires datent du XVIe ou XVIIe siècles. On trouve un cliché sur le site de Jean-Louis Libourel d'un mors classé MH, daté du XVIIe, qualifié de "à la Connétable" en raison du Connétable de Montmorency, et qui ressemble à ceux de cette peinture. (Collection du château d'Espeyran)

 

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5°) Les navires.

Ils sont gréés de deux mâts très apiqués avec voiles carrées (et/ou une voile latine à l'arrière) et fort château-arrière ce qui correspond à des caraques plutôt qu'à des galions ou à des flûtes du XVIIe (qui ont trois mâts) ; mais il est difficile d'être précis sur le nombre exact de mâts, et ce critère n'a rien de discriminant.

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La rencontre de saint Goulven et du comte Even, peinture sur lambris (XVIIe siècle), église de Goulven. Photographie lavieb-aile 18 mai 2019.

La rencontre de saint Goulven et du comte Even, peinture sur lambris (XVIIe siècle), église de Goulven. Photographie lavieb-aile 18 mai 2019.

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CONCLUSION.

Au terme de cette étude, j'ai le sentiment d'avoir réuni suffisamment d'argument pour affirmer que nous avons ici affaire à une peinture de la première moitié du XVIIe  siècle, et qu'elle n'est pas aussi "naïve" qu'il a pu le sembler. Mais n'étant qu'un touriste passant par Goulven (attiré par les bannières et les crossettes de l'église), je ne peux que suggérer que les spécialistes chevronnés ne négligent pas cette œuvre, et que les visiteurs trouvent plaisir à en découvrir les richesses.

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ANNEXE. DOCUMENTS.

 

Quant au comte Withur, il mourut probablement vers 560. Après sa mort, le comté de Léon fut incorporé au royaume de Domnonée qui avait alors Judual pour souverain. D'après plusieurs auteurs, Withur eut pour successeur son fils Even, qui était père d'Azénor, femme de Judual. Le comte Even transporta le siège du gouvernement de Gastel-Paol à Les-Even par euphonie Lez-n-Even, Lesneven, ville fondée par lui et à laquelle il donna son nom (en français Cour d'Even).

A cette époque les côtes de Léon furent ravagées par des bandes de Saxons ou de Frisons que les belles campagnes d'Armorique continuaient à attirer, malgré le peu de succès des entreprises de ces pirates sur ce vaillant pays. Le comte Even, auquel saint Goulven avait prédit la victoire, rassembla en toute hâte son armée, attaqua les barbares au moment où chargés de butin ils allaient gagner leurs navires, et les défit complètement, « la pluspart tuez sur le champ, peu s'en estant fuis, qui, s'estant jettez dans les esquifs et chalouppes qu'ils tenoient amarez au rivage, gagnèrent leurs vaisseaux, et, levant les voiles et ancres, prirent la fuite, sans envie de plus prendre terre en ceste cote. Tout le butin demeura à Even, et la pluspart de leurs navires, lesquels, à faute d'hommes, ils ne purent amener. » (Albert le Grand, Vie de saint Goulven.)

Après sa victoire, le comte Even se rendit immédiatement auprès de saint Goulven qu'il remercia « de ses bonnes instructions » et auquel il donna pour fonder un monastère, « autant de terres qu'il en pourrait cernoyer, un jour, en marchant (I)».

(I) Les avis sont partagés au sujet de l'époque à laquelle vécut le comte Even. Comme nous l'avons vu, quelques-uns le font fils de Withur, contemporain de saint Goulven et vainqueur des Danois ou Saxons. D'autres, au nombre desquels Dom Lobineau et M. de la Borderie, mettent son existence au Xe siècle et ajoutent qu'il chassa les Normands.

Nos lecteurs liront sans doute volontiers, sur ce point intéressant d'histoire bretonne le passage suivant extrait de la Vie de saint Pol-Aurélien et ses premiers successeurs (p. 185, I8fi), par l'abbé Alexandre Thomas, aumônier du lycée de Quimper: « Mais Dom Lobineau appuie son opinion sur l'autorité du cartulaire de l'abbaye de Landévénec, qui d'après lui ferait vivre le comte Even au Xe siècle. Le feuillet 156 du cartulaire porte un acte de donation qui a pour titre: De tribu Lanriworoe. Voici la traduction des premières lignes de cet acte : « Il est déclaré dans cette description que saint Morbret eut un entretien avec saint Guennolé auquel il donna à perpétuité et sa personne et le bénéfice qu'il avait reçu du comte Even surnommé le Grand, et enfin tout ce qu'il possédait »

Donc bien loin de trouver un argument dans le cartulaire, Dom Lobineau aurait dû y constater que le comte Even était contemporain de saint Morbret qui connaissait saint Guennolé, c'est-à-dire qu'il remonterait au moins au VIe siècle. Il est vrai qu'on lit au verso du même feuillet dans le cartulaire: « Ce bénéfice avec ses revenus et ses dîmes comprend Languenoc, héritage de saint Guenaël, premier successeur de saint Guennolé, Lan-Decheue, Caer-Tan, Ran-Maes, Caer-Galueu sur la rivière d'Elovn. « L'an neuf cent cinquante et un de l'Incarnation de Notre-Seigneur Jésus Christ. »

Qui ne voit que cette date rejetée au bas de la pièce transcrite ne se rapporte nullement à l'acte même de donation ? Elle ne peut qu'indiquer à quelle époque les possessions de l'abbaye de Lanriworoe furent inscrites au cartulaire. Nous rappelons donc ce que nous avons déjà dit, que les Normands combattus par Even ne doivent pas être confondus avec les compagnons de Kollon, mais que ce sont simplement ces barbares du Nord, Danois, Saxons, Alains. etc., contre lesquels avait déjà eu à lutter Oalpurnius, père de saint Patrice, et notre roi Grallon qui les vainquit. Ceci ressort encore du Cartulaire de Landévénec où Gurdestin appelle le prince breton Gloriosus ultor Normanorum.

Nous croyons qu'après tout ce qui vient d'être dit, le doute n'est guère possible sur l'époque du comte Even et de notre saint Goulven. « (Abbé Alexandre Thomas) ».(A suivre). Albert Travers. Revue de Bretagne de Vendée & d'Anjou, Volumes 45 à 46


 

Le premier vicomte de Léon  :  Le mythique comte Even (ou Neven), souvent surnommé "Even le Grand" en raison de ses victoires contre les Normands, en particulier à Runeven en Plouider en 936, serait né vers 900 ; la tradition en fait le fondateur de Lesneven. Dom Morice en fait le père de Guyomarch Ier, comte de Léon et de Hamon, vicomte de Léon, au début du xie siècle et le cartulaire de Landévennec le cite comme donateur dans deux actes concernant les paroisses de Lanrivoaré et Lanneuffret. (Un certain Alain est aussi juste cité comme père de Guyomarch Ier de Léon.) Il serait aussi le père de Morvan, vicomte de Léon, qui aurait vécu vers 1050 et serait le père d'Ehuarn. le comte Even tient sa cour au château de Brest. Sa fille, Azénor, fera l’objet d’une légende qui, bien plus tard, fera qu’on donne son nom à l’une des tours du château.

La tradition désigne le mythique comte Even (ou Neven), parfois surnommé Even le Grand en raison de ses victoires contre les Normands, qui aurait vécu vers 900, comme étant le bâtisseur de la cité de Lesneven. La légende dit que le comte Even aurait vaincu les envahisseurs normands en 875, avec l'aide de saint Goulven.

Selon Arthur de La Borderie la Vita (récit de la vie) de Saint Goulven serait tardive (rédigée au xie ou xiie siècle) et la date fixée pour la mort du Saint le 1er juillet vers 600 serait incompatible avec l'époque du comte Even de Léon attesté dans une notice du Cartulaire de Landévennec datée du 31 mars 955. (Wikipédia)

 

 


 

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (Jean-Marie), 1904, Architecture bretonne : étude des monuments du diocèse de Quimper cours d'archéologie professé au grand séminaire, Quimper, Arsène de Kerangal éditeur, page 361.  Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 29 mai 2019,

 https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/3196.

http://www.archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n9/mode/2up

— ALBERT LE GRAND , 1636,  La vie des saints de la Bretagne Armorique", J. Salaun, Quimper, première édition xviie siècle, 5ème réédition 1901.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5038760.image.hl.r=pleyben.f324.langFR

BARRALT I ALTET (Javier), 1987,  Décor peint et iconographie des voûtes lambrissées de la fin du Moyen-Âge en Bretagne

http://rcppm.org/download/biblio/Barralt_voutes-lambrissees.pdf

HAMOURY (Maud), 2010, La peinture religieuse en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Presses Universitaires de Rennes.

— LA BORDERIE ( Arthur de ) 1905-1914, Histoire de Bretagne", tome 1, Plihon, Honnay et Vatar, Rennes, 1905-1914 (6 vol.). Réédition Joseph Floch, Imprimeur Éditeur à Mayenne, 1975

— LA VILLEMARQUÉ  (Théodore Claude Henri Hersart de ), 1867, Bran ou le prisonnier de guerre.   Barzaz Breiz 1867, Paris, Didier et Cie

 

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Barzaz_Breiz,_huiti%C3%A8me_%C3%A9dition.djvu/217

— LIBOUREL (Jean-Louis) Objets de sellerie du Château d’Espeyran classés Monuments Historiques

 

— TERANA (Christian), 1996, Les uniformes de la cavalerie de la Maison du roi vers 1691, Histoire, économie & société  Année 1996  15-1  pp. 141-145

https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1996_num_15_1_1861

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ALIF

http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?a.139:11./var/artfla/encyclopedie/textdata/IMAGE/

 

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