Ensemble de 7 verrières de Jacques Le Chevallier (Composition colorée, figuration, compléments de vitraux anciens, 1954,1956, 1961), de la chapelle N.D de la Pitié de la cathédrale d'Angers.
Voir :
- Les vitraux de Jacques Le Chevallier de l'église Notre-Dame du Cap Lihou de Granville.
-
Les vitraux de Jacques Le Chevallier dans l'église de Sizun.
-
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier aux Archives municipales de Quimper.
-
Vitrail de Jacques Le Chevallier : L'arbre de Jessé de l'église de Gouesnou .
-
Ensemble des 16 verrières de Jacques Le Chevallier de l'église Notre-Dame de Neuville à Vire
Voir :
PRÉSENTATION.
La chapelle Notre-Dame de Pitié qui dessert la paroisse de la cathédrale, occupe l'angle sud-ouest de la cathédrale Saint-Maurice d'Angers, en symétrie (relative) avec la chapelle Sainte-Anne, qui abrite le Trésor.
Cette chapelle qui a la particularité assez rare de posséder deux autels et deux nefs, a été agrandie au cours des âges depuis la fin du XIIe siècle. Elle a servi d'église paroissiale pendant plusieurs siècles. Il a été choisi de désigner comme verrière axiale n°0 celle de la chapelle nord.
De la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe, datent les deux travées orientales voûtées d'ogives du vaisseau central, une troisième travée à l'ouest ayant été tronquée à la fin du XVIIIe, puis transformée en plafond après l'incendie de 1831, et à nouveau voûtée après les bombardements de Les quatre travées du vaisseau nord, plus étroit, sont contemporaines du vaisseau principal.
Alors que Jacques Le Chevallier a été chargé depuis 1947 de la restauration des vitraux anciens de la cathédrale (le chœur, les rosaces et la nef nord), sous la responsabilité de Bernard Vitry Architecte en Chef des M.H, et de Henri Enguehard, Architecte des M.H. à Angers , et avec le financement des Monuments historiques, et alors qu'il avait créé un ensemble de 7 verrières pour la chapelle de l'Esvières d'Angers en 1949-50, c'est en janvier 1954 que lui sont confiées la conception et la réalisation de vitraux modernes pour la chapelle N.D de la Pitié, toujours sous la responsabilité de Bernard Vitry, mais dans un financement propre à la paroisse (qui lancera un appel à souscription). Le programme iconographique est défini avec la participation active de l'archiprêtre de la cathédrale, l'abbé Gustave Brangeon, et soumis à l'approbation de la Commission d'Art Sacré, présidé par Mgr Bonneau, (tandis que Mgr Veuillot succédera en 1959 à Mgr Chappoulie comme évêque d'Angers). Une inscription rappelle la participation financière des paroissiens et des amis de la cathédrale pendant l'année mariale 1954. Les deux baies figuratives 4 et 6 (Portement de Croix et Nativité) sont ainsi posés pour le 8 décembre 1954, fête de l'Immaculée Conception.
En même temps, dans cette année 1954, on voit Jacques Le Chevallier proposer à Bernard Vitry et à l'abbé Brangeon, de placer dans les fenêtre « blanches » de l'Ouest ( 1, 8 et 10) une figure de chevalier du XVIe siècle, et « un solde de petites pièces cassées » provenant des baies de la nef sud.
Les baies 0 et 2 ont été réalisées en septembre 1961, avec une troisième verrière ( « les 3 dernières verrières ont été terminés en septembre 1961 »).
Le projet de la baie 2 a été élaboré en janvier 1961 :
Un courrier à l'abbé Brangeon indique « pour la petite baie de droite de la chapelle [elle peut] être traitée dans le même caractère que les baies à figuration déjà en place mais avec des symboles à déterminer. »
Dans le même courrier, Jacques Le Chevallier signale que la grande baie restante [baie 0] ne pourra pas être réalisée comme prévu en vitrerie colorée « type chapelle du Roi René » car il manque un budget de 36 000 frs. Ce défaut de trésorerie trouve sa solution. Il faut comprendre sous le terme de chapelle du Roi René celle du château d'Angers, dont les rangées de formes géométriques colorées diversement agencées dans une vitrerie blanche se retrouve effectivement ici.
Un plan manuscrit (non daté) indique la présence de trois vitraux 1, 2, et 3 (nos 0, 1 et 2) dans la chapelle.
La chapelle a été restaurée en 2014 (nettoyage des voûtes, enduits, éclairage) avec nettoyage des vitraux.
SITUATION ET NUMÉROTATION selon le Corpus vitrearum.
Cette chapelle possédant deux autels et deux nefs, il a été choisi de désigner comme verrière axiale n°0 celle de la chapelle nord.
DESCRIPTION.
Commanditaire : Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH.
Baie |
date |
situation |
lancette |
tympan |
Surface estimée |
inscription |
signature |
Commanditaires |
description |
technique |
Baie 0 |
01/09/61 |
Chœur |
1 lancette cintrée |
|
10,50 m² |
|
|
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
Composition colorée géométrique |
Verres antiques blancs et colorés montés au plomb |
Baie 1 |
|
Pignon ouest, côté nord. |
1 lancette cintrée |
|
4m² |
|
|
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
compléments de vitraux anciens : tête de saint évêque |
Moderne :Verres blancs et colorés montés au plomb. |
Baie 2 |
01/09/61 |
Chevet, côté sud |
3 lancettes cintrées |
2 mouchettes, 3 écoinçons |
4,00 m² |
|
|
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
5 emblèmes mariaux des Litanies : Vase spirituel, miroir de justice Tour de David étoile entre deux anges, trône de Sagesse |
Verres blancs et colorés montés au plomb, peints à la grisaille. |
Baie 4 |
01/11/54 |
Nef, côté sud. |
3 lancettes cintrées A, B et C |
2 mouchettes, 3 écoinçons |
|
Lancette C inf.droit HOMMAGE DES PAROISSIENS DE ST MAURICE ET DES AMIS DE LA CATHÉDRALE À L'OCCASION DE L'ANNÉE MARIALE (1954) |
Lancette A inf.droit : J.LE CHEVALLIER / PEINTRE VERRIER |
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
Portement de Croix. 1954. Tympan : Voile de Véronique, couronne d'épines. |
Verres blancs et colorés montés au plomb, peints à la grisaille |
Baie 6 |
01/11/54 |
Nef, côté sud. |
3 lancettes cintrées A, B et C |
2 mouchettes, 3 écoinçons |
|
Lancette C inf.droit HOMMAGE DES PAROISSIENS DE ST MAURICE ET DES AMIS DE LA CATHÉDRALE À L'OCCASION DE L'ANNÉE MARIALE (1954) |
|
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
Nativité et Adoration des mages et des bergers. 1954. |
Verres blancs et colorés montés au plomb, peints à la grisaille |
Baie 8 |
|
Pignon ouest, côté sud. |
1 lancette cintrée |
|
4 m² |
|
|
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
Compléments de vitraux anciens :. Au centre, saint Maurice, chevalier en casque et armure dorée tenant un étendard rouge et un bouclier rouge. |
Moderne :Verres blancs et colorés montés au plomb, en carroyage. Ancien : mosaïque de fragments. Chevalier : verres rouges gravés. |
Baie 10 |
|
Pignon ouest, imposte au dessus de la porte ouest. |
1 lancette cintrée en quasi demi-lune |
|
|
|
|
Paroisse de la cathédrale et abbé Brangeon/Bernard Vitry arch. En Chef MH |
compléments de vitraux anciens réunis par panneaux. |
Moderne :Verres blancs montés au plomb. |
Baie 0 : Composition colorée sur vitrerie claire, 1961.
La composition colorée géométrique en cinq colonnes au sein d'une vitrerie blanche préservant la clarté de l’ensemble, s'inspire délibérément des baies de la chapelle du château d'Angers, crées par Jacques Le Chevallier en 1951. On comparera notamment cette baie avec la baie d'axe de la « chapelle du Roi René », à cinq lancettes.
Vue générale, baies 2, 4 et 6.
Baie 1 pignon ouest, côté nord: Composition autour des fragments anciens et tête d'évêque, 1961 .
1 lancette cintrée.
Jacques Le Chevallier mentionne dans son courrier de janvier 1956 cette « assez jolie tête d'évêque » d'un des vitraux anciens de la cathédrale [baie 122?, qui est intégrée à d'autres fragments bleus et rouges dans le panneau central, dans une vitrerie claire qui accueille aussi d'autres panneaux de « débris » savamment regroupés par couleurs.
Baie 2 , chœur sud : Cinq symboles mariaux, 1961.
Trois lancettes cintrées, tympan à 2 mouchettes et 3 écoinçons.
La chapelle étant dédiée à Notre-Dame, le choix des symboles chrétiens s'est porté sur ceux qu'illustrent les Litanies de la Vierge : Vase spirituel, Miroir de justice, Tour de David, étoile entre deux anges, Trône de Sagesse.
.
Baie 4 nef, côté sud : Rencontre de Jésus avec sa Mère lors du Portement de croix, 1954
le Christ portant sa croix, aidé de Simon de Cyrène accompagné de deux gardes romains, se retourne vers sa Mère suivie de saint Jean. Dominance de rouges (la Passion) et de bleus (la Vierge). Au tympan, le Voile de Véronique, ou Sainte Face, renvoie à un moment très proche de cette montée au Golgotha. La Couronne d'épines annonce la Crucifixion, tout comme les multiples entrecroisement des verres rouges et bleus du fond des lancettes. Les vues de détail permettent d'étudier le complexe travail de peinture à la grisaille, qui à la fois atténue les lignes des plombs, et souligne de traits dynamiques les mouvements et postures des corps.
Inscription : Lancette C , bord inférieur droit : HOMMAGE DES PAROISSIENS DE ST MAURICE ET DES AMIS DE LA CATHÉDRALE À L'OCCASION DE L'ANNÉE MARIALE (1954)
Signature : lancette A bord inférieur droit : J.LE CHEVALLIER / PEINTRE VERRIER
Baie 6, nef, côté sud. Nativité, Adoration des Mages et des Bergers, 1954.
Jacques Le Chevallier avait déjà traité ce thème en 1949 pour la chapelle de l'Esvière, voisine, et la comparaison des deux œuvres est intéressante. Les Rois sont placés à notre gauche, ce qui met en évidence le groupe des bergers, vers lesquels la Vierge, Joseph et l'Enfant. Le premier des bergers est peint comme un enfant, dans un face à face émerveillé avec le nouveau-né. Dans un dessin initial de 1952 (cf. infra), le berger tendait à Marie et à son fils une coupe de fruits, mais ce détail a disparu ici. Les détails, comme l'âne et le bœuf, sont à peine stylisés par un tracé en enlevé sur le fond de grisaille.
Inscription : Lancette C , bord inférieur droit : HOMMAGE DES PAROISSIENS DE ST MAURICE ET DES AMIS DE LA CATHÉDRALE À L'OCCASION DE L'ANNÉE MARIALE (1954).
Baie 8 Pignon ouest, côté sud. Compléments modernes autour de panneaux de fragments anciens et d'un chevalier central du XVIe siècle, 1961.
Au centre, le beau chevalier en casque et armure dorée qui tient son étendard rouge et un bouclier rouge est nimbé, c'est donc un saint, saint Maurice ; la hampe se termine par une fleur de lys. Des pièces rouges ponctuées de blanc témoignent de la technique du verre rouge gravé (notamment les arcades du nimbe). Malgré des pièces restaurées, dont le visage, la partie inférieure de l'armure (avec les solerets arrondis du XVIe siècle) conserve des détails d'origine.
Ce saint Maurice provient de la baie 122 (K. Boulanger) de la nef sud de la cathédrale. Guilhermy dans sa description de la baie, écrivait : "On a introduit dans la partie supérieure de la fenêtre à la fin du XVe siècle ou XVIe siècle deux petites figures, un évêque qui bénit et un saint Maurice , armé d'or, avec étendard et bouclier blasonnés." (K. Boulanger p. 520)
Baie 10, imposte au dessus de la porte ouest. Compléments modernes autour de panneaux de débris, 1961.
Le panneau en mosaïque est entouré de petits panneaux soit rouges, soit bleus.
EXTRAITS D'ARCHIVES Arch. Dep. Aube 213-J-000167
18 janvier 1954 G. Brangeon à J.L.C : « une souscription sera ouverte sur la paroisse de la Cathédrale pour offrir en ex-voto à la Vierge à occasion de l'année mariale les deux vitraux qui manquent à notre belle chapelle N.D de Pitié. » [Baies 4 et 6?]. Demande de recevoir rapidement les maquettes de ces deux vitraux pour les soumettre à la Commission d'Art Sacré.
Réponse de JLC le 21 janvier et le 22 janvier 1954 ; envoi d'une petite gravure en forme de vœu.
25 mars 1954 : G. Brangeon à J.L.C : sans aucun doute l'approbation de la Commission d'Art Sacrée sera acquise d'avance, mais l’archiprêtre tient à faire remarquer que pour le Portement de Croix, « on trouve un peu grand et un peu trop cubique le nimbe de la Vierge » et que pour la Nativité, splendide, riche en couleur, « elle nous plairait beaucoup, mais le sujet tel qu'il est traité ressemble par trop peut-être au vitrail que vous avez placé à l'Esvière. Nos deux chapelles dédiées à la Vierge sont peu éloignées l'une de l'autre. Ne va-t-on pas prendre notre vitrail pour une copie du premier ? Alors j'ai montré une fort jolie Nativité qu vous aviez bien voulu m'envoyer il y a deux ans à l'occasion du Nouvel an. Pour ma part, je l'aime beaucoup. Le dessin à la fois sobre et expressif, l'attitude si pieuse de la Vierge conviendrait à notre chapelle, qui est devenue un lieu de dévotion, à notre chapelle assez petite où les vitraux se verront sans recul, de très près. Simple suggestion...Mais ce dessin peut-il être un vitrail ?
Dans ce dossier d'archives est classé un dessin monochrome bleu d'une Nativité signée JLC.
22 avril 1954.J .L.C à G. Brangeon : envoi des deux maquettes. « Je pense que la nouvelle version de la Nativité ne prêtera absolument pas à confusion avec le même sujet réalisé à l'Esvière. »
Mai 1954 : courrier de l'archiprêtre G. Brangeon : cartons présentés à la Commission d'Art Sacré du diocèse d'Angers présidé par Mgr Bonneau. Les membres expriment leur satisfaction et leur entière confiance. Deux remarques : La préférence va au Portement de Croix, « traité avec beaucoup d'ampleur et sans surcharge » « La Nativité paraît un peu plus chargée. La crèche concentrée dans le panneau du milieu avec 4 personnages. Les deux autres panneaux, avec 3 personnages chacun semblent donner autant d'importance aux bergers et aux mages qu'à la Sainte-Famille. Monseigneur Bonneau préférerait une crèche débordant un peu sur les deux panneaux extérieurs, par son toit, le manteau de la Vierge... seule la Sainte-Famille dans le panneau central (bien que le petit berger à genoux soit fort joli). Et dans ces conditions, dans les panneaux extérieurs, mages et bergers un tantinet éloignés du centre. Enfin la Commission suggère que la coupe moderne des visages ne soit pas trop poussée dans les vitraux qui n'auront pas de hauteur. »
Réponse de J.L.C à G. Brangeon le 7 juin 1954 : Soumission en courant juin 1954 des cartons à Bernard Vitry, « qui est d'ailleurs d'accord sur l'esprit puisqu'il avait déjà accepté les premières recherches à petite échelle. Bien entendu, j'ai lu avec attention les diverses remarques de la Commission et il me paraît facile d'en tenir compte dans faire d'importants remaniements. »
Prix global de 400 000 Frs par baies.
13 juillet 1954 « il me reste en atelier une grande figure isolée, une sorte de guerrier (XVIe) subsistant d'une baie transférée dans la nef gauche ainsi qu'un solde de petites pièces cassées. Monsieur Vitry serait d'accord pour que nous les insérions dans quelques baies blanches de la chapelle N.D de Pitié. Je pense que cela constituerait une sorte de transition avec les verrières de la cathédrale proprement dite.
En octobre 1954, « les deux ensembles » (baie 4 et 6?) sont exécutés à l'atelier de Fontenay, puis ils sont posés en fin novembre 54.
Courrier de Jacques Le Chevallier à l'abbé G. Brangeon le 12 janvier 1955 :
« [….] J'ai fait une estimation pour les baies libres de la chapelle N.D. De Pitié. Il faudrait compter 80.000 frs par baie, pose comprise, mais sans compter bien-sûr les frais de serrurerie.
Il reste une certaine quantité de vieux débris qu'il serait possible de répartir dans les deux baies [nos 1 et 8]. D'un côté, on replacerait un personnage provenant d'une des baies réemployées dans la 6 et il subsiste également une assez jolie tête d’évêque qui pourrait faire un centre pour la seconde. Ainsi ces 2 vitraux s'équilibreraient et donneraient un rappel des verrières anciennes.De la sorte, votre chapelle prendrait un caractère définitif.
Inutile de préciser que ces prix sont extrêmement bas puisque cela correspond à moins de 20 000 frs le m². Mais je serais désireux de voir achever cet ensemble et de ne pas avoir à détruire ces débris. Il n'était guère possible de les utiliser dans les vitreries par suite des formes assez compliquées de celles-ci. Par contre, groupées en vrac, ils peuvent encore jouer un rôle assez délicat.
[…] Je précise que les Monuments Historiques sont pleinement d'accord pour ce travail. »
SOURCES ET LIENS.
— BOULANGER (Karine), 2010, Le vitraux de la cathédrale d'Angers, Corpus vitrearum, CthS, Paris, 360 pages.