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23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 14:57

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Le 11 juillet 1898, lors des travaux de réfection du pavage de l'église Saint-Louis de Brest, des ouvriers découvrirent derrière le maître-autel une pierre tumulaire dont la face avait été renversée contre le sol. La dalle de kersanton retournée laissa voir un sujet sculptural parfaitement conservé. Un chevalier, tête nue, le visage rasé, était couché, les mains jointes sur la poitrine; deux anges  soutenant un voile sur lequel repose sa tête, tandis que ses pieds s'appuyaient sur un lion tenant un écu. L'examen de l'écu, qui est seulement chargé d'un chef plein sur un champ plein, et les détails précis du costume, permirent à M. Jourdan de la Passardière d'identifier le personnage ainsi représenté. Ce serait, d'après lui, Gilles de Texue, gouverneur de Brest en 1500, et dont la famille s'est éteinte au XVIe siècle. Comme l'église Saint-Louis n'a été crée et construite que dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, et ne pouvait être la première résidence de cette tombe, on en déduisit qu'elle venait de la chapelle du château qu'il avait occupé lors de ses fonctions de gouverneur. Cette chapelle ayant été détruite lorsque l'in édifiait Saint-Louis, on y aurait transporté la dalle en même temps que beaucoup d'autres 

Gilles de Texue (1478 - 1514) fut capitaine et gardien du château de Brest de 1499 jusqu'au moins 1508. 

Il fut écuyer de la reine Anne de Bretagne et  fut choisi par la reine pour devenir capitaine et gardien du château de Brest en 1499. Le château est alors un site stratégique majeur. Il y recevra d'ailleurs  Anne de Bretagne, durant l'été 1505, à l'occasion de son pèlerinage. Il fut remplacé dans cette charge par le voyer de Trégomar, entre 158 et 1516, probablement en 1516.

 

LA FAMILLE DE TEXUE

Texue, aujourd'hui grosse métairie dans la paroisse de Pacé, était au moyen-âge un manoir qui donna son nom à une noble famille portant pour armoiries : d'argent au chef de sinople. Le premier auteur connu de cette maison fut Guillaume de Texue, mentionné par Dom Morice I.1517 dans un sauf-conduit délivré en 1357 par le roi d'Angleterre à certains écuyers de la suite de Charles de Blois. Il épousa, selon du Paz, Marie de la Roche-Épine. Robert de Texue, fils de ce Guillaume et son héritier, figure comme écuyer dans quatre monstres de Du Guesclin, une montre d'Eon de Baulon à Dinan, et une montre de Robert de Guitté à Paris. (Dom Morice).

 En 1414, Alain, écuyer, avec 13 autres écuyers de sa compagnie, fait partie du corps de 3000 hommes d'armes et 1500 hommes de trait sous Richement.

En 1419, Geoffroy, écuyer de la retenue du maréchal de Dinan, a sous ses ordres Bonabes et Bertrand de Texue, aussi écuyers, et accompagne avec eux le comte de Richement à Angers.

– Bertrand, qui avait suivi le duc Jean dans son voyage à Paris en avril 1418, aux gages de 12 livres pour un mois, et qui servait aussi dans le retenue de Bertrand de Dinan, s'arme en 1420 pour le recouvrement du duc, et figure encore en 1426 dans une monstre de Guy, sire du Gâvres.

 Bonabes prête serment au duc en 1437.

 En 1457, on trouve Noël; chevalier, l'un des gens d'armes du Maréchal de Malestroit. En 1471, il est lieutenant de Bertrand du Parc. En 1474 et 1477, il préside en cette qualité les monstres de Dinan. De 1480 à 1488, il est capitaine de Hédé.

GILLES DE TEXUE 

Quant à Gilles de Texüe, il déute en 1480 comme coustilleur dans la compagnie de 20 lances et 30 archers commandée par Thomas de Kerazret, qui devint plus tard, en 1489, capitaine de Brest.

En 1486, il reçoit mandement de rassembler la noblesse et de la conduire à Clisson pour résister aux ennemis du duc.

En 1488, il est envoyé en mission près du roi de France, et il est compris dans le béguin du duc François II pour 6 aunes de noir, pour faire robe et chaperon.

En 1489, il est capitaine de 20 hommes d'armes.

En 1495, il fallait se procurer de l'argent pour subvenir à la conquête du royaume de Naples : on fit des réductions de solde et de gages. Un état dressé à Lyon porte une réduction de 100 livres sur ceux de Texüe.

En 1489, il est compris au béguin de Charles VIII pur quatre aunes de drap noir. Il fait paryie de la maison de la Reine aux gages de 300 livres et figure au nombre des 50 hommes d'armes de sa garde, sous la charge du seigneur de Maillé.

Cette même année, il est capitaine de 20 hommes d'armes et 40 archers à la petite paye, et pourvu de la capitainerie de Brest, en remplacement de Guillaume Carrel ou Carreau.

En 1501, Gilles du Texue avait 800 livres de gages.

En 1506, il figure dans les comptes du duché comme écuyer d'écurie de la Reine Anne.

En 1508, il avait comme lieutenant à Brest Jehan de Saint-Hilaire.

Son décès se place probablement entre cette dernière date et 1516, époque à laquelle Bertrand Le Vayer de Trégomar, seigneur de la cour, est désigné comme capitaine de Brest aux gages de 700 livres. D'après Guillotin de Corson (Grandes seigneuries de Bretagne); Gille de Texüe mourut le 12 juillet 1514. Sa veuve Louise de Bintin lui survécut jusqu'en 1518.

 

La famille de Texüe s'est éteinte au XVIe siècle, et la terre de Texüe est entrée dans la famille de Brüllon en 1570 à la suite du mariage de Bonne de Texüe avec Pierre, chevalier de l'ordre du roi, veuf de Françoise de Sangay. Sébastien Brüllon, siuer de Texüe, issu de ce mariage, épousa en 1587 Claude du Chastel, et mourut sans postérité.

Son gisant en pierre noire de Kersanton, remarquablement conservé, est désormais exposé au musée naval du château de Brest ; il se trouve dans l’oratoire où Anne de Bretagne se recueillit lors de sa visite de 1505.

Au XVe siècle, la tour Duchesse Anne du château de Brest abritait le logis réservé à la résidence du duc ou de son représentant. On y trouvait, du rez-de-chaussée au deuxième étage, des celliers abritant les vivres, une vaste cuisine et deux salles de réception. Le troisième étage abritait les espaces privés de l'occupant des lieux, des chambres et un lieu de culte, l'oratoire.

Dans cette pièce à l'ornementation très simple, les arcs nervurés soutenant la voûte reposent sur des consoles sculptées qui représentent les symboles des quatre évangélistes, le lion de saint Marc, l'aigle de saint Jean, le bœuf de saint Luc et l'homme de saint Matthieu. Les baies ont gardé leur disposition d'origine, notamment celle située à l'est, pourvue de bancs occupant chacun de ses ébrasements. L'ensemble est en kersanton, une pierre extraite aux environs de Brest que l'on retrouve dans de nombreux calvaires.

Je reprends la description qu'en a donnée en 1898 Abel Chabal, président de la Société des architectes de l'arrondissement de Brest (et bien connu, avec son fils Gaston, comme architecte exclusif de la S.A de la Plage de Morgat).

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Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Oratoire du troisième étage de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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 La dalle est en kersanton. La tête est nue. Les cheveux  sont longs.  La large chevelure bouclée, à frange, était à la mode sous Louis XI et Charles VIII, alors que les hommes d'armes portaient jusqu'au milieu du XVe siècle les cheveux courts.

Le visage est rasé. Deux anges soutiennent  un voile, sur lequel repose la tête. L'armure se compose d'un haubergeon dont les mailles apparaissent au cou et entre les tassettes.

 

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Les jambes sont recouvertes par les cuissards, avec genouillères articulées, et les grèves en deux pièces. Les cuissards sont forgés d'une seule pièce au lieu d'être à lamelles articulées .  La chaussure est celle dite "pieds d'ours", courte et large à l'extrémité : ces solerets furent à la mode de 1500 à 1530 (Wikipédia) ou entre 1485 et la fin du XVe siècle, préférées aux "poulaines " car elle n'empêchaient pas de marcher. 

Les pieds sont posés sur un lion, qui tient entre ses pattes de devant un écu retourné vers la tête du chevalier. Cet  écu est rattaché au cou du lion par une courroie bouclée.
 . Toute la sculpture est assez bien exécutée et, à part quelques cassures, dans un bel état de conservation. 

Au côté gauche une épée, droite, large, très forte et de section losangée, soutenue par deux bélières.

Gilles de la Texue serait mort dans son lit, si on en juge par la position de son casque. Certains auteurs rapportent en effet que les chevaliers qui perdaient la vie sur un champ de bataille étaient représentés le casque en tête et l'épée à la main.

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Sur la cuirasse, une cotte d'armes rembourrée et  courte, avec pèlerine (abandonnée sous Charles VII, elle fut reprise sous Louis XI). Un pli de cette cotte agrafé par un bouton forme la manche. Les mains sont jointes. Au côté droit de la figure sont posés, un casque du genre armet, et des gantelets articulés.

 

 

 

 

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Le lion présente l'écu d'argent, au chef de sinople (blanc, avec la partie haute verte) de la famille de Texue.

Pour Pol de Courcy (Nobiliaire et armorial de Bretagne, 1890)

https://fr.wikisource.org/wiki/Nobiliaire_et_armorial_de_Bretagne/T

Texue (de). sr dudit lieu, par. de Pacé, — de la Rivière, par. de Noyal-sur-Vilaine, - de Launay-Milon et de la Gouzée, par. de Gévezé, — de Sèvedavy et de’la Gérardière, par. de Saints, — de Glairefontaine, par. de Vignoc, — de Lesnen, — de Trénault. Réf. et montres de 1427 à 1513, dites par., év. de Rennes et Dol. D’argent au chef de sinople.

Qeoffroi, épouse vers 1417 Jeanne de Saint-Pern ; Gilles, capitaine de Brest en 1500. La branche ainée fondue dans la Ferrière ; la branche de la Rivière fondue dans Brullon.

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Le capitaine de Brest contemple fixement le plafond. 

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Effectivement, au croisement des nervures de l'oratoire s'est suspendu un hurluberlu nu et saugrenu qui montre son cul pour hanter le dernier sommeil d'un vieux soldat.

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Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Juste au dessus du gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Juste au dessus du gisant (kersanton, vers 1512) de Gilles de la Texue, oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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Notre défunt appellera sur lui la protection du Lion de saint Marc...

Oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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... et de l'Homme (ici chenu et barbu et aux oreilles velues) que les spécialistes considèrent paraît-il comme l'attribut de l'évangéliste Matthieu. 

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Oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

Oratoire de la Tour Duchesse Anne du château de Brest. Photographie lavieb-aile février 2018.

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SOURCES ET LIENS.

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DUCREST DE VILLENEUVE (M.E.), 1898,  "Pierre tombale découverte à Saint-Louis de Brest", Bulletin de la Société archéologique du Finistère T.XXV pages 248-254.

— L'ORME (M.A. de) 1911, "Le Tombeau de Gilles de la Texue", in "L'église saint Louis de 1870 à 1911", in "Histoire de l'église Saint-Louis",  Bulletin de la Société académique de Brest,  Imp. Kaigre, Brest, page 79

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207703m/f79.image

 

—JANNIC DE KERVIZAL (H. Le ), 1898-1899, « Une explication de la pierre tombale de l'église Saint-Louis de Brest », Bulletin de la Société académique de Brest, XXIV, 1898-1899, p. 171-192.

Cet auteur décrit le gisant, donne des informations sur Gilles de Texue, mais ne croit pas que le gisant soit le sien . C'est cependant l'identification le plus souvent retenue.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2076476/f169.image

—Lobineau Mémoires : La Texue  Archier en 1498

https://books.google.fr/books?id=53nLJ6X1NykC&pg=PA1597&lpg=PA1597&dq=gilles+de+texue&source=bl&ots=M0XcPJmYs2&sig=H7CisMYliuvfiyRLg86mQDnuk4U&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiKvbmxtrrZAhWD8RQKHWWzArkQ6AEIRDAF#v=onepage&q=gilles%20de%20texue&f=false

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Published by jean-yves cordier - dans Gisants
27 août 2017 7 27 /08 /août /2017 09:27

Le gisant (kersanton, 1460) de Jean de Kerouzéré en l'église de Sibiril (Finistère) par le Maître du Folgoët (1423-1509).

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 "Les tombeaux de saints très populaires et de membres de l'entourage princier témoignent de la volonté du pouvoir ducal sous Jean V de mettre l'art à son service. On peut penser que les commandes adressées en ces circonstances laissent une faible marge de manœuvre aux artistes" (Le Seac'h p. 91)

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— Sur les gisants, voir aussi ici :

et aussi :

-- Le gisant du seigneur de Liscoët en Botquélo (22), limite XIV-XVe.

-- Le gisant de Perronelle de Boutteville et Bertrand de Trogoff (église Notre-Dame-de-l'Assomption au Faouët par l'atelier du Folgoët.  Début XVe, granite, h. 1,70, 1. 0,86. Gisants représentés sur un lit funéraire : à gauche, personnage masculin (Bertrand de Trogoff?), coiffé en calotte, vêtu d'une armure; à droite, personnage féminin (Perronnelle de Boutteville,?) portant une coiffure à cornes.

-- Le tombeau de saint Ronan dans la chapelle du Pénity de l'église de Locronan, partiellement par l'atelier du Folgoët.

-- Le tombeau de saint Jaoua à Plouvien par l'atelier du Folgoët.

--Le tombeau du chanoine de Nantes Laurent Richard en l'église de Plouvien vers 1555.

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— Sur les réalisations de l'atelier ducal  du Folgoët entre 1423 et 1509, voir :

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Ce tombeau a été superbement décrit par Emmanuelle Le Seac'h dans sa thèse, publiée en 2014. Je ne saurai mieux rendre hommage à la qualité de son travail qu'en citant sa description (en retrait et entre guillemets), qui est un modèle du genre.

PRÉSENTATION.

C'est "un tombeau à élévation droite sur lequel repose un gisant, mesurant  0,95 m de haut, 2,21 m de long et 0,50 m de profondeur" (inventaire général du patrimoine). Il occupe le coté sud de l'église de Sibiril, à 1 km au sud du château de Kerouzéré (Maps). On demandera les clefs à la Mairie. Mais si, comme moi, vous oubliez votre matériel photo après avoir glissé les clefs dans la boite à lettre de la mairie en fin de journée, sachez qu' une habitante demeurant sur la place en possède un double. Merci à la très aimable bouchère-charcutière qui m'a donné ce renseignement et m'a permis de récupérer mon pied télescopique.

 

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"À Sibiril, dans l'église Saint-Pierre, qui est très commune, se cache un tombeau du premier atelier du Folgoët [1423-1468] d'une excellente facture. Appuyé contre un pilier séparant la nef du bas-coté sud, il est constitué d'une dalle qui repose sur un coffre formé de deux plaques latérales divisées chacune en quatre panneaux et d'une petite sous la tête du gisant. [...] Le tombeau s'inspire de celui du seigneur de Liscoët à Boquého, paroisse près de laquelle Jean de Kerouzéré avait hérité de la terre d'Avaugour en Plésidy (Copy, 1986)" (Le Seac'h)

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Jean de Kerouzéré, mort en 1460 sans héritier mâle, était échanson de duc Jean V. Il participa au siège de Champtoceaux le 5 juillet 1420. En récompense, il reçut les faveurs du duc.

Néanmoins, cette attribution communément admise a été réfutée en 2020 par Paul-François Broucke sur la base ARMMA sur de solides arguments : il s'agit en réalité du gisant d'Éon (ou Yvon) de Kerouzéré, père de Jean II et décédé en 1435 ou un peu avant. Mon article de vulgarisation, rédigé en 2017, est désormais caduque, et je renvoie à la notice de l'ARMMA :

https://armma.saprat.fr/monument/sibiril-eglise-saint-pierre-gisant-deon-de-kerouzere/

On y trouvera une passionnante analyse héraldique, stylistique et historique.
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a) Le duc Jean V captif à  Champtoceaux . 

Le 13 février 1420, la famille de Penthièvre invite son rival Jean de Montfort (le duc Jean V) sur ses terres et l'enlève. Le duc est détenu à Champtoceaux, puis promené en France de prison en prison.

Durant la Guerre de Succession de Bretagne entre Penthièèvre et Montfort, Marguerite, fille du connétable Olivier V de Clisson et dame de Champtoceaux est la prétendante des Penthièvre. Elle aspire au titre de duchesse de Bretagne, et avec l'aval du dauphin, le futur Charles VII, elle capture Jean V de Bretagne par la ruse et l'enferme dans la Tour du Diable de sa citadelle de Châmptoceaux.  Le siège de 1420 de Champtoceaux  s'étalant sur près de 3 mois,  se termine par la victoire de l'armée du duc de Bretagne. Au terme du siège, le château et la ville sont totalement rasés par les forces bretonnes. Le prisonnier libéré fera démanteler totalement la citadelle avec interdiction de reconstruire à l'intérieur de l'enceinte. 

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b) Le duc Jean V récompense les membres de la noblesse qui lui ont assuré leur appui et ont permis sa délivrance.

La petite noblesse se caractérise dans son ensemble par sa fidélité aux Montfort. Par le domaine ducal, le duc est parfaitement implanté dans tout le duché et possède de très nombreux vassaux. Par ailleurs, les faibles revenus d'une grande partie de la petite noblesse l'obligent à servir le duc pour rehausser son niveau de vie, dans la garde, l'armée et l'administration. (Coativy) Parmi les anoblis ou les familles fraîchement enrichis par la faveur ducale, on compte les Kerouzéré.  En l'espace de deux générations, cette famille passa de la moyenne à la haute noblesse, grâce aux faveurs du duc et se paye un château de pierre, une haute justice (1445) et des foires. En 1457, le duc Arthur III donne ainsi "congé au sire de Kérouzéré de fortifier la place et la maison de Kérouzéré". Puis en 1459 et 1468, François II accorde deux mandements ducaux relatifs à la fortification de Kérouzéré.

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Preuves de Dom Morice coll. 1094 Donation faite par le Duc à Jean de Kerouzéré, son eschanson: 

"Jehan par la grâce de Dieu Duc de Bretaigne, comte de Montfort et de Richemond...salut. Comme aucunes fois nous bien acertennez des bons & notables services que nous avaient faictz nostre bien amé & féal Conseiller Eon de Kerouzeré nostre President, & nostre bien amé & féal Escuier & Eschanson Jean de Kerouzéré filz dudit Eon, & en special au faict du recouvrement de nostre personne prinse & empeschée par très-faulce & desloyale trahison par Olivier de Blays, & Charles son frère, & au vengement de celle trahison, scavoir ledit Eon en conseillant & adverissant & faisant les dilligences qu'il pouvait faire, & ledit Jean employant son corps en péril & adventure, lui accompagné de plusieurs de ses amis en guerre que avoeint faicte nos bons, vrais & loyaux cousins, féaux subjectz de nos Barons, Chevaliers & Escuyerrs ausd. De Blays, & à leur mère soustenant ceste trahison, tellement mercy à Dieux que par les dilligences que avoeint faicyte nos dits cousins, féaux & subjectz la delivrance de nostre personne s'estoit ensuivie, desquelz services & à bon droicts nous nous tenions pour bien contens, & encore faisons : ...desirant l'avancement de nostredit Escuyer & Eschanson, à luy & à ses hoirs masles procréés ou à procréer en mariage en perpetuel à jamais à héritaige cinquante livres de rente, vallentes & levantes chacun an à jamais sans faillir ; & avecques cinquante livre de rente vallentes et levantes chacun an à la vie dudit Jean tant seulement à estre assises et assignées audit Jean en la chatellenie de Chastelaudren en heritaiges qui furent audit Olivier de Blays....A Vannes le 2 jour de juin l'an 1421."

"Olivier de Blays" désigne Olivier de Blois, comte de Penthièvre.

Voir aussi l'Histoire de Bretagne d'Argentré.

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c) Armorial et Nobiliaire :

 

"Kerouzéré (de), baron dudit lieu et sr. de Kersauson, en Sibiril, — de Kerménaouet et de Menfantet, en Cléder, — de Trogoff, en Plouescat, — de Kerandraon et de Keraliou, en Plouguerneau, — de Kerdrein, — de Kernavallo, — de Kerangomar, en Taulé, — de Trévéhy et de Tromanoir, en Plouénan. Réformes et montres de 1426 à 1534, dites paroisses, évêché de Léon. Blason : De pourpre, au lion d'argent. Devise : List, list (laissez, laissez).

Kerouzéré a produit :

— Eon, président universel de Bretagne en 1390.

— Jean, son fils, échanson du duc Jean V, qui bâtit le château de Kerouzéré, épousa Constance Le Barbu, dame de Trévéhy.

— Yvon, conseiller et chambellan du duc François II, en 1462.

La branche aînée fondue, en 1527, dans Kerimel de Coëtnizan, d'où la baronnie de Kerouzéré a passé par alliance aux Bois-Eon. "

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d) les titres de Jean de Kerouzéré

Échanson : ou Premier échanson, puisque les ducs de Bretagne n'eurent que des premiers écuyers et premiers échansons : voir la liste des échansons sur Infobretagne. 

Écuyer : "Les plus grands seigneurs (du duché de Bretagne) ne prenaient pas d'autre titre que celui d'écuyer, avant d'être parvenus aux honneurs de la chevalerie."  

Homme d'armesOn doit à Charles VII la constitution de la première armée de métier permanente en Europe, par la grande ordonnance de 1445 qui crée les compagnies d'ordonnance pour former la cavalerie de l'armée de campagne. Sont alors créées 15 compagnies de 100 lances, une lance étant un groupe de 6 hommes : un homme d'armes, qui dirige la lance, un coutillier (fantassin armée d'une coutille, dague qui peut être fixée à une hampe) , trois archers et un page.

Un homme d'armes est un cavalier : pour combattre, il monte un cheval de guerre ou  coursier, mais il doit posséder aussi un cheval de somme, le sommier, pour porter ses bagages. 

Pour être homme d'armes, il fallait être bon gentilhomme et avoir au moins quatre quartiers de noblesse.  Une ordonnance de Pierre de Bretagne de 1450 précise les équipements requis pour la montre, selon les richesses estimées allant de 140 à 500 livres de rentes : au minimum, être " en estat et appareil d’homme d’armes pour sa personne, bien armé son corps et bon cheval, avec un coustilleur et un page montez, les chevaulx compétantz,", pour d'autres "brigandines, bonnes salades ou à tout le moins bons paletocs armés de nouvelle façon, sans manches à lesches de fer ou mailles sur le bras, avec bons jusarmes ou arcz s’ils s’en scavent aider" et pour les plus fortunés, trois archers, un jusarmier, un coustilleur et un page " 

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Dalle du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Dalle du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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La partie supérieure (dalle ou gisant).

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"L'homme d'armes se tient les mains jointes, à plat, les manches serrées. Le col de son bliaud remonte haut sur le cou, rigide et échancré au niveau de la pomme d'Adam. Il porte sur les épaules un camail, petite cape sans manches, dont les plis en volutes richement travaillés s'arrêtent au niveau du coude." (Le Seac'h)

Il me semble que le "bliaud" et le "camail" sont en réalité un seul vêtement, la  "cotte d'armes", ou tabard, sorte de tunique mise au dessus de l'armure et portant des armoiries : Selon Wikipédia, "Aux XVe et XVIe siècles, la cotte trouve sa forme classique, composée de quatre pans inégaux de tissu : deux grands et deux petits, formant les manches. À cette époque, on voit apparaître des cottes à la finalité clairement somptuaire, faites de draps d'or, satins et damas de soie, richement brodées et frangées; cela a pour principale conséquence de rendre le vêtement lourd, rigide et peu commode sur les champs de bataille. De fait, au XVIe siècle, on le retrouve plus dans l'iconographie que sur le front. C'est ainsi le vêtement par excellence du chevalier se faisant représenter en donateur dans les œuvres de dévotion, tableaux, et vitraux."

La chemise ou la tunique, très ajustée aux poignets, n'apparaît que sous le coude, et au niveau du bassin, sous forme de pointes triangulaires.

L'écuyer ne porte ni casque, ni gants, ni éperons.

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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La tête du gisant.

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"La tête du gisant repose sur un coussin dont le moelleux est rendu par une house aux motifs quadrillés. Quatre pompons sphériques dont deux ornés de pampille, parachèvent la décoration soignée.

Les cheveux du gisant sont coiffés à la manière du Folgoët. Ils partent d'un point sur le haut du crâne et s'étalent en mèches ondulées puis tombent en boucles sur les cotés du visage et s'arrêtent à hauteur de mâchoire.

Le front est ceint d'un mince bandeau torsadé. Le visage est taillé en ovale avec le philtrum et la fossette mentonnière creusés. Le sillon naso-génien est légèrement creusé. Le nez est droit avec la pointe épaisse. Les yeux bridés en amande sont surlignés de paupières et les arcades sourcilières sont nettes." (Le Seac'h)
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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Les anges.

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"Deux anges assis posent leurs mains sur le crâne avec délicatesse . Ils sont vêtus d'une aube et d'un manteau dont les pans superposés forment des plis fluides qui laissent à découvert le bout de leurs pieds. Leurs ailes sont repliées dans le dos en forme de coquillage.

Les deux anges sont coiffés pareillement avec aussi un mince bandeau qui leur enserre le crâne. Leur visage est empreint d'une douceur enfantine avec des joues pleines et rondes, le nez camus. Les lèvres sont sculptées en une moue plus triste pour celui de gauche du gisant, à droite, elle est plus gourmande." (Le Seac'h)

 

 

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Le geste de compassion et de tendresse des deux anges.

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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L'ange de gauche.

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Le milieu du corps.

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"Le gisant est revêtu d'un bliaud dentelé et aiguisé dans le bas, resserré à la taille par une ceinture de chevalerie à boucle carrée imitant le métal et décoré sur son pourtour de la devise de la famille inscrite en caractères gothiques : « LIST, LIST » qui signifie « Laissez, laissez »." (Le Seac'h)

Je trouve dans le dictionnaire de Le Gonidec le verbe leuskel ou lezel « laisser, abandonner » ou encore dilezel, « abandonner, quitter, céder, se désister » :   https://books.google.fr/books?id=YYkCAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=dictionnaire+breton&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjPx8iSsffVAhWCVBoKHeDPC4MQ6AEIJzAA#v=onepage&q=laisser&f=false

Faut-il le comprendre comme un cri de guerre adressé à l'adversaire : "Abandonne ! Abandonne ! " ou bien, ce qui semble mal convenir et être anachronique, comme une injonction personnelle de lâcher-prise ?

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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La ceinture et la devise.

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Les armes.

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"Il est équipé de genouillères et de solerets et est fortement armé avec une épée sur la hanche gauche, dans son fourreau, maintenue par une lanière passée dans la boucle de la ceinture, un sabre posé à plat entre ses jambes et une dague glissée sous la ceinture du coté droit dans une bélière* ronde qui en accueille la garde ." (Le Seac'h)

* bélière : "Anneau servant à suspendre ..., un sabre ou encore la courroie servant à attacher le sabre au ceinturon."

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Emile Souvestre  emploie en 1836 le terme d'épée portée au coté, de "jacquemart" placée au centre,  "dague" ou "miséricorde" dans sa description du gisant.

Les deux épées ne diffèrent que par leur taille (plus courte au centre) et par leur garde (avec pommeau en cœur à gauche). Elles sont toutes les deux à double tranchant (excluant le terme sabre, lame à un seul tranchant). La garde est recourbée aux extrémités. Ces lames à profil triangulaire à tranchants larges sont celles d' épées du XVe siècle,  adaptées à l'estoc et à la taille .(l'estoc est l'acte de frapper l'adversaire par la pointe de l'arme, pour le transpercer et menacer ses organes vitaux. la taille est l'acte de frapper avec le tranchant de la lame, et de causer de longues entailles).

L'une des deux épées  est peut-être plutôt une épée d'estoc, plus longue et  qui fait office de lance, et l'autre l'épée d'armes pour frapper de taille. "Les hommes d'armes des compagnies d'ordonnance avaient l'estoc accroché à un arçon de la selle, la masse d'armes à l'autre, l'épée d'armes à la ceinture, et la lance au poing" (René de Belleval, La panoplie du XVe au XVIIIe)

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L'épée est portée à gauche, comme le veut l'usage. Je distingue le fourreau et sa chappe (partie haute, triangulaire)   La lanière est bien visible, elle passe dans deux trous de la ceinture. 

 

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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L'épée placée entre les jambes.

Emile Souvestre la désigne sous le nom de "jacquemart", synonyme rare de braquemard ou braquemart, nom d'une "épée large et courte à deux tranchants" devenu synonyme d'épée depuis Montaigne.

[Le mot braquemard apparaît au Moyen Âge et proviendrait du mot néerlandais désignant un couteau. Celui-ci devait ainsi être robuste avec une lame courte, large et forte. Il prend la signification d’épée dans la langue française grâce à Michel de Montaigne, qui emploie le mot braquemart pour traduire l’épée des escrimeurs allemands. Par extension, le mot a servi à désigner le pénis en argot.]

Cette épée très proche de celle portée à gauche mesure une soixantaine de centimètres. Ce qui est particulier, c'est la manière dont la poignée retrousse le bas de la cotte d'armes en deux plis qui lui forment un pavillon. Je ne m'éternise pas.


 

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Les pieds chaussés de solerets posés sur un lion tenant un os.

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"Les pieds s'enroulent autour du corps d'un lion couché qui regarde vers lui, les pattes antérieures posées sur un os.

Cette façon d'enrouler les pieds et le geste des anges posant leurs mains avec sollicitude sur le cousin  et les bras du gisant se retrouvent aussi sur les tombeaux de Haute-Bretagne comme celui du seigneur Guillaume Le Voyer, mort en 1415, inséré dans le nu d'un mur de l'église de Trégomar dans les Côtes d'Armor." (Le Seac'h)

 

Ce lion est stéréotypé : avec sa gueule débonnaire, sa crinière méchée jusqu'à mi-corps, sa queue passant dans l'entre-pattes et étalant sur le dos son extrémité à trois pointes, et surtout l'os placé entres ses antérieures, c'est le "lion de crossettes", celui qui, à coté du dragon ou de l'Ankou, montre aux fidèles, sur le toit des églises et chapelles, que la mort menace chaque homme, qui doit veiller à s'assurer qu'il ne meure pas en état de péché.

Cet os n'a rien à voir avec celui qu'aurait dérobé un chien : il affirme la fonction psychopompe du lion, veillant à guider les défunts. 

Ce lion n'a rien à voir, non plus, avec le meuble héraldique des armes des Kerouzéré, puisqu'on le trouve au pieds de tous les gisants, depuis que l'art funéraire nobiliaire  a été établi par les sculpteurs des tombeaux des ducs de Bourgogne à Champmol.

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Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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LE SOUBASSEMENT ET ES ARMOIRIES.

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"Sur ses plaques sont figurées, en alternance, les armoiries de la famille — « de pourpre, au lion d'argent », — un casque orné de lambrequins et d'un cygne pour cimier surmontant un écusson couché figuré d'un lion. L'ensemble figure dans le même ordre des deux cotés, le lion en écu puis le casque, en partant de la tête du gisant. Le lion se retrouve ainsi à onze reprises sur le tombeau, neuf fois sur les trois faces visible du coffre du tombeau, le dixième aux pieds du tombeau, le dernier en bas-relief sur le bliaud de l'homme d'armes." (Le Seac'h)

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Le coté droit (par rapport au gisant).

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Coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Armoiries du coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Armoiries du coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Le premier motif : le blason au cygne.

 

Il est décrit par Le Seac'h comme "un casque orné de lambrequins et d'un cygne pour cimier surmontant un écusson couché figuré d'un lion". Il reste à remarquer la présence du tortil au dessus du casque, et les étoiles timbrant le lambrequin.

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Armoiries du coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Armoiries du coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Le deuxième motif : le lion

On regrette l'absence de couleur, car celle du champ du blason des Kerouzéré, le pourpre, est très rare :  elle ne se retrouve en Bretagne que dans trois cas : Kerangomar, Kerouzéré, et Tromanoir.

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Armoiries du coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Armoiries du coté droit du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

 

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2°) Le coté gauche du gisant.

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Le coté gauche du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Le coté gauche du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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3°) Le petit panneau du soubassement, coté tête.

Il porte le même blason incliné sous un heaume à cygne.

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Petit coté  du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

Petit coté du soubassement du tombeau de Jean de Kerouzéré (vers 1460), kersanton, premier atelier du Folgoët. Église Saint-Pierre à Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.

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SOURCES ET LIENS.

— Base Palissy : objet classé Monuments historiques 1922/01/28.

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palsri_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=IM29000914

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palsri_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM29001134

— BROUCKE (Paul-François), Sibiril, église Saint-Pierre, gisant d'Éon de Kerouzéré; base ARMMA

https://armma.saprat.fr/monument/sibiril-eglise-saint-pierre-gisant-deon-de-kerouzere/

— COPY (Jean-Yves, 1986, Art, société et politique au temps des ducs de Bretagne : les gisants hauts-bretons. Aux amateurs de livre, 294 pages, page 140.

— INFOBRETAGNE, "Sibiril":

http://www.infobretagne.com/sibiril.htm

— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut. Pages 91-92.

— Bulletin SAF 1914 page 18 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207714b/f81.image

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Published by jean-yves cordier - dans Gisants kersanton Sculpture

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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