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12 octobre 2019 6 12 /10 /octobre /2019 08:49

 

Les sablières (J. Brellivet, 1564) de l'église de Plomodiern.

 

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Vous pourrez lire aussi, sur le sujet des corniches ("sablières") et autres pièces de charpente sculptées (blochets, abouts de poinçon)  de Bretagne, les articles suivants :

 

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Sur les réalisations du Maître de Pleyben (1567-1576), voir :

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Sur les réalisations semblables à celles de l'église de Plomodiern en 1564 :

Sur les réalisations d'un hypothétique Maître de Saint-Nic (1641-1676) :

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PRÉSENTATION.

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L'église Saint-Mahouarn de Plomodiern (XVI-XVIIème siècle) a été  presque entièrement reconstruite entre 1858 et 1864, et elle ne conserve du  XVI et XVIIe siècles que son chevet, et son porche méridional.

Les éléments de datation de ces parties anciennes sont deux inscriptions sur bois peint des sablières de la nef (I : Brellivet : 1564) et du porche sud (I : Duz  Fa : 1624) et les inscriptions sur pierre des statues des apôtres du porche, avec les dates de 1621 et 1624, accompagnées de  divers noms. Enfin  les dates de 1574 et 1597 sont parait-il portées au-dessus des arcades nord de la nef .

Tous ces éléments sont de compréhension et d'interprétation difficiles. Sophie Duhem, auteur de référence pour les sablières de Bretagne, a considéré que I. Brellivet était le nom du sculpteur des sablières de la nef; mais ne s'agit-il pas plutôt, comme c'est l'usage, et comme on le voit sous le porche, du nom du fabricien en poste pour l'année en question ?

Les deux cartouches portant les noms et les dates des sablières sont quasi identiques, alors que les dates de 1564 et 1624 ne permettent pas d'envisager un artisan commun. Le style des deux ensembles de sablières (nef et porche) est, sinon identique, du moins proche. 

Les rapprochements avec d'autres ensembles de charpentes sculptées du secteur Presqu'île de Crozon, Pays du Porzay et Pays de l'Aulne s'avèrent également ardus.  Sophie Duhem a vu dans J. Brellivet un sculpteur d'abord actif dans la région du Cap Sizun (Pont-Croix en 1554, Saint-Trémeur à Cléden-Cap-Sizun, chapelle Saint-Tugden à Primelin) puis à l'église de Saint-Nic  entre 1561 et 1566. En effet, il est certain que c'est le même sculpteur qui a fait les sablières des églises des  2 communes voisines de Saint-Nic puis de Plomodiern. Son style se définit ainsi :

"Brellivet n'hésite pas à évider le bois de manière à obtenir un relief assez haut, et comme l'artiste de la chapelle des saints Côme et Damien à Saint-Nic, il aime ornementer les surfaces de motifs taillés en creux, stries, encoches, facilitent l'identification de son travail. Les mentons sont fuyants, mais les fronts sont bombés net, les yeux immenses, aux contours très dessinés. Les figures originales qu'il représente sont inspirés des décors de la Renaissance : il apprécie surtout les figures humaines et animales « végétalisées » qui prennent la forme dans sa sculpture de bustes d'hommes et de dragons dont les cornes pisciformes sont couverts de végétaux. Il dynamise ses compositions par de petits portraits qu'il représente en buste ou de profil, sur des médaillons." (S. Duhem)

Mais "Brellivet" est-il aussi l'auteur du porche sud de Plomodiern ? Le rapprochement avec le porche sud de Saint-Nic permet de répondre affirmativement (malgré la date de 1624 du cartouche).

Au total, l'église de Plomodiern conserve un beau corpus de charpente sculptée datée de 1564, conservée en ré-emploi dans la nef du XIXe siècle, mais aussi sous le porche sud, avec 7 pièces de sablières, des blochets, des abouts de poinçons, témoignant de l'activité d'un sculpteur actif entre 1554 et 1564 soit dans la région du Cap Sizun (Finistère sud), soit en Porzay. 

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Le  préalable (mais encore faut-il prendre la peine de s'y livrer) est de mettre en ligne les documents photographiques, ce qui peut permettre ensuite les confrontations avec mes précédents relevés des sablières de la région.

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I. LA CHARPENTE DE LA NEF.

 

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La première énigme commence avec les armoiries bien en vue (et repeintes récemment) du nœud du dernier  des entraits engoulés de la nef lambrissée. On pourrait le blasonner comme un écartelé aux premier et quatrième d'azur plein, , et aux deuxième et troisième bandé d'argent et de gueules. 

Puisque la sablière de la nef porte la date de 1564, notons qu'à la "Montre" de l'Evêché de Cornouailles de l'an 1562 étaient mentionnés : maître Yves de Tréanna, sr. de Lanvillo, ( d'argent à une mâcle d'azur), la dame du Rible (d'argent au chevron de gueules) ; la dame du Pratganec,  ; Jehan du Tymeur,  ; Bertrand Coatsquiriou, sieur de Bulguron ; le sieur de Coatsquiriou ; Henry Guyot ; Henry Guynemant.

Mais même si on reconnait les marques en I propre au menuisier de 1564,  la peinture de ces armoiries ne datent-t-elles pas de la reconstruction du XIXe siècle ?

Je passe.

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Entrait   de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Entrait de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

 

 

 

Entrait   de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Entrait de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Entrait   de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Entrait de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Je décrirai les corniches sculptées et peintes en partant de l'angle nord du transept.

Blochet de l'angle nord-ouest du transept.

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Ce personnage coiffé d'un bonnet tient les mains près de sa gorge ; on remarque un cœur (suspendu à son cou ?). Saint Augustin ??

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Blochet de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Blochet de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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1. Frise de tulipes (?) et vignes avec grappes.

L'extrémité du cep est tenu par le bec d'un oiseau.On retrouve ce motif du pampre tenu par un oiseau à Saint-Nic, dans les chapelles Saint-Jean et Saint Côme et Saint-Damien. Surtout, les "tulipes" à deux feuilles se trouvent à l'identique dans le bras sud du transept de l'église de Saint-Nic.

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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2. Deux dragons affrontés.

Ces dragons ont des ailes et accessoires de queue évoquant des feuilles, et qui naissent de viroles. Ils encadrent un motif formé de deux banderoles croisées, et feuillagées. Deux volutes bleues occupent les extrémités.

Les deux bandes blanches et les volutes bleues portent des marques en I. Les écailles et verrues des dragons sont rendues par des entailles de ciseaux à bois, en coup d'ongle, par des entailles droites, par des perforations au foret, par des marques en I sur la queue.

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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3. Deux dragons opposés par la queue autour d'une volute verte.

Au centre, une banderole verte enroulée en volute est dotée d'appendices foliés ; elle porte des marques en I . De chaque coté, deux dragons s'opposent par la queue, mais leur tête se tourne vers le centre. Comme les précédents, il porte des bagues où se fixent en guise d'aile ou de queue des volutes en feuilles ou en plumes.Les marques de gouges et de forets de sculpteur sont à nouveau utilisées en ornementation. Cette façon de faire laisse imaginer que l'artisan est un menuisier plus habile à utiliser ses outils de découpe qu'à modeler le bois. On retrouve cela à Trégarvan, Saint-Jean en Saint-Nic, à l'église de Saint-Nic, etc.

Les couleurs associent à un rouge vermillon et à un jaune franc des teintes pastels comme le vert anis et le rose pâle, dont le dégradé donne un aspect nacré.

À l'extrémité, deux coquilles relève du vocabulaire Renaissance évoquant Vénus.

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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4. Cartouche présenté par deux hommes-dragons.

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Deux créatures associent une tête et un tronc humain avec un abdomen et une queue de dragons. Le visage de ces chimères est difforme, avec un nez camus, une gorge gonflée, et un œil énorme, vu de face, sous un front qui est peut-être un casque.

 

 

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Le cartouche à trois profondeurs porte des marques en I caractéristiques.

L'inscription est gravée et rehaussée de peinture blanche :

J: BRELLIVET : 1564.

Les lettres majuscule droites sont gravées par une main malhabile, par association de traits droits de même taille et de quelques courbes hémisphériques.

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a) le patronyme J. Brellivet.

Le prénom est sans doute Jean, mais peut-être Joseph ou Jacques. Le patronyme BRELLIVET correspond à la graphie actuelle   BRELIVET. Albert Deshayes mentionne une première attestation à Quimper en 1534 avec la graphie BRILIVET, et donne son origine d'un ancien breton du cartulaire de Redon  BLEUNLIUUET, avec le sens possible de "tête de l'armée", pour désigner un combattant.

Le site Geneanet  signale que parmi les  21000 occurrences en France, 20000 se trouvent en Finistère, dont 15 000 en Finistère sud, 10000 autour de Locronan et Plogonnec, avec 5 pôles majeurs, Plogonnec-Locronan (3852), Plomodiern (2824), Le Faou-Hanvec (2441), Plouergat (2100), et Peumerit (1172).  https://www.geneanet.org/nom-de-famille/BRELIVET

L'absence de qualificatif ne permet pas de savoir si ce cartouche porte le nom d'un menuisier, d'un fabricien (comme c'est l'usage), voire d'un recteur . Mais au XVIe siècle, il est rare que les artisans signent leur œuvre. C'est si rare que nous ne pourrions retenir cette hypothèse que si le nom était accompagné d'une mention de profession (menuisier, ymagier)  ou de l'indication telle que "untel m'a fait". D'autre part, si cet artisan avait la prétention de signer son travail, il l'aurait sans doute fait également sur les autres chantiers où son style a été reconnu, et notamment sur le porche sud de l'église de Saint-Nic, qui est identique à celui de Plomodiern. Enfin, les données généalogiques sont en faveur du fait que ce "J. BRELLIVET" est natif de Plomodiern ou des alentours, ce qui s'oppose à l'idée que la paroisse aurait fait venir chez elle un sculpteur étranger qui aurait d'abord travaillé au Cap Sizun.

De même, les recteurs ne feront indiquer leur nom qu'un peu plus tard. 

Je privilégie donc l'hypothèse de voir ici le nom du fabricien élu pour l'année 1564 afin de gérer la trésorerie et de commanditer et réceptionner les travaux.

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b) L'année 1564.

 

L'année 1564 peut être rapprochée des repères suivants pour les édifices de la région  :

  • Calvaire de Trégarvan en 1527 (?).

  • Calvaire de Ploéven en 1550 (et Déploration de 1547).

  • Calvaire de Pleyben en 1555.

  • Porche sud de l'église de Saint-Nic en 1562.

  • Début de la construction de la chapelle Sainte-Marie-du-Ménez-Hom en Plomodiern en 1570.

  • Début de la construction de la chapelle Saint-Sébastien en Plomodiern en 1573.

  • Début de construction de l'église de Ploéven (1574)

  • Calvaire de la chapelle Sainte-Barbe en Ploéven en 1585.

  • Début de la construction de l'église de Trégarvan en 1590.

  • Début de la construction de la chapelle Saint-Nicodème en Ploéven en 1593.

Concernant les sablières, il faut signaler que les charpentes sculptées par le Maître de Pleyben à Pleyben, Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, Saint-Divy, et  au château de Kerjean  à Saint-Vougay sont un peu plus tardives que celles de Plomodiern et de l'église de Saint-Nic, entre 1567 et 1576.

 

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Les médaillons.

À gauche, un soldat est coiffé d'un casque argenté et porte une sorte de fraise à gros godrons (qui appartient bien à la mode vestimentaire sous Charles IX). À gauche, c'est sans doute son épouse, qui est coiffée d'un bonnet, (comme on le trouve vers 1565 sur un portrait de Catherine de Médicis), et qui porte une fraise.

 

 

"Les sculpteurs italiens développent à la fin du Quattrocento le thème du buste en relief sur médaillon, une figure qui apparaît à plusieurs reprises dans l'ornementation des charpentes. Bien que nous n''ayons pas retrouvé dans les recueils de gravures d'équivalents iconographiques des modèles sculptés sur les sablières, l'origine italienne ne fait aucun doute. Au total, 82 pièces de charpente sont ornés de portraits sur médaillons, principalement regroupés dans les paroisses du Cap Sizun et dans le diocèse de Vannes. Le modèle le plus répandu présente une tête de face ou de profil, disposée au centre d'un médaillon cranté ou marqué d'encoches . Cette dernière formule est utilisée par J. Brellivet à Cleder-Cap-Sizun (1554), Primelin, et Saint-Nic (1562). "  Sophie Duhem 

Voir les sablières de Guillaume Lamyon, Loguivy-Plougras, 1557 : 

http://www.lavieb-aile.com/2018/03/les-sablieres-1541-1557-de-l-eglise-saint-emilion-de-loguivy-plougras-22.html

Voir les sablières de Saint-Nic :

L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic : inscriptions lapidaires, de datations et nominatives. 1561-1566, etc

 

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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5. Deux dragons encadrant un médaillons losangique.

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Au centre, un médaillon losangique à fond jaune, avec les mêmes marques en I et les mêmes ponctuations, renferme un visage de putto.

Les dragons ne diffèrent des précédents que par la présence de 3 bagues ailées au lieu de 2.

À droite, un médaillon nous montre un personnage : un homme casqué, ou une femme coiffée d'un bonnet.

À gauche, une coquille.

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Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières (1564)  de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Sablières (1564) de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Deux blochets.

Un acrobate en renversement postérieur.

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Blochet de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Blochet de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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II. LA CHARPENTE DU PORCHE SUD.

Cette charpente offre au regard au dessus de la galerie des Apôtres (vers 1620) son lambris bleu parcouru de nervures vertes et rouges, ses deux corniches polychromes encadrées chacune de deux blochets, et de quatre culots sur le parcours des nervures.

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I. La sablière du coté oriental (partie droite du porche).

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Deux personnages chimériques, semblables à ceux qui tenaient déjà le cartouche de la nef, tiennent un cartouche identique, aux poignées trapézoïdales. Il semble donc que cette sablière a été réalisée par le même artisan qui a créé le cartouche "J. BRELLIVET 1564". Pourtant, ce nouveau cartouche porte l'inscription :

I : DUZ FA 1624

. Soit I : DUZ fabricien en 1624.

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Il faut assimiler le patronyme DUZ à la graphie plus répandue aujourd'hui de LE DU ; ce nom est attesté à Plomodiern à cette époque, avec ses variantes, et on peut peut-être assimiler le fabricien avec Yves DUZ, DU, DUFF, DEUF (LE), marié avec Marie GUYOT et père de Jean DUZ (DU, DUFF, DEUF (LE)), lequel est né vers 1642 et  décédé le 13 janvier 1722 à Plomodiern. Il apparaît dans la généalogie d'Annick Gourmelen-Testu.

https://gw.geneanet.org/gourmelenat?lang=fr&pz=vincent+bruno&nz=testu&ocz=1&p=yves&n=duz+du+duff+deuf+le

De plus, il est difficile d'accepter la datation au XVIIe siècle du porche, et de ses sablières, si on remarque l'identité des sculptures de ce porche avec celui de Saint-Nic, clairement daté de 1562.

L'examen des caractéristiques de la sculpture montre néanmoins des différences avec celle de la nef. Le cartouche n'est pas marqué de I et de points, les personnages n'ont pas cet œil d'horus ou  ce front bombé i reconnaissables , le pagne jaune est sommaire, l'abdomen n'est pas sculpté d'écailles,  les appendices foliaires des bagues sont réduits à une volute sans digitation. On  retrouve pourtant sur la queue les perforations au foret, propre à l'artiste de 1564.

Il est possible de se demander si toute cette pièce n'est pas la copie, habile mais d'une main différente, d'une pièce originale (à la suite d'une détérioration), ce qui expliquerait que le fabricien ait mentionné son nom comme responsable de cette commande. 

Il reste alors à savoir si c'est l'ensemble de la charpente du porche, ou seulement cette pièce de sablière, qui doit être attribuée au "plagiaire" et doit être datée de 1624. C'est ce dernier cas qui est le plus probable, car la mentalité de l'époque n'était pas de procéder à des restaurations de l'ancien si une remise à neuf  en style contemporain pouvait être  décidée.

Ou bien, le fabricien Le DUZ a utilisé ce cartouche pour signaler sa responsabilité du chantier principal, la réalisation des 12 statues d'apôtres du porche qui portent, gravées dans la pierre, les dates de 1624 et 1626.

Il est peu vraisemblable que la question soit jugée suffisamment importante pour faire financer une étude dendrochronologique...

 

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Blochet de gauche. Homme barbu tenant un écu muet.

Notez la tête-bûche au nez dégagé à l'herminette, le bonnet laissant passer les petites indentations des cheveux courts, la petite bouche, les yeux ronds, le  cou puissant, la tunique à petits boutons, la pièce de charpente bien visible.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Blochet de droite. Tête d'homme.

Cette tête est semblable à la précédente, mais le buste n'est qu'esquissé à coups de gouge. Une fois encore, nous avons affaire à un artisan qui ne cherche pas à dissimuler les traces de ses outils et des coups de taille par un fin ponçage et qui ne recherche pas les arrondis harmonieux , soit par choix et goût de l'esthétique de l'inachevé ou non finito (un peu précurseur, non ?), soit par manque de formation à un fini plus élaboré.

On remarquera le menton hypertrophique, en talon de sabot, une caractéristique que j'ai déjà noté à  Trégarvan et à Saint-Nic sous la main d'un hypothétique "Maître de Saint-Nic" (1641-1676) . Ce qui complique mes efforts d'attribution, ou incite à les affiner.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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II. La sablière du coté occidental (partie gauche du porche).

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Deux dragons tiennent entre leurs têtes détournées un médaillon losangique semblable à celui de la nef. Comme lui, il contient la tête d'un putto , et il comporte deux "pommes" en partie basse.

Les dragons, au corps très long, comportent trois bagues ailées par des feuillages. En périphérie, deux coquilles.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Blochet de droite. Homme ou femme les mains posées sur un baudrier.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Blochet de gauche. Homme portant une large fraise.

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La fraise et les plis de l'habit sont taillés à la gouge en utilisant l'empreinte de l'outil.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Les culots des nervures.

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Un homme tenant un bol.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Homme tenant un livre.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Un buveur.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Un barbu.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Dieu le Père.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

Porche sud de l'église Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile.

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QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPARAISON.

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A. LE PORCHE SUD DE L'ÉGLISE DE SAINT-NIC.

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Les sablières de l'église de Plomodiern.
Les sablières de l'église de Plomodiern.
Les sablières de l'église de Plomodiern.
Les sablières de l'église de Plomodiern.

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LE CHOEUR ET LE  TRANSEPT DE TRGARVAN.

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Les sablières de l'église de Plomodiern.
Les sablières de l'église de Plomodiern.
Les sablières de l'église de Plomodiern.
Les sablières de l'église de Plomodiern.

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SOURCES ET LIENS.

 

— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... préface d'Alain Croix. , Rennes :Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997.  pages 142 à 146.

 

 

"Contemporain de l'anonyme de Combrit, J. Brellivet exerce comme lui son métier sur les chantiers du Cap Sizun avant de gagner des paroisses situées, cette fois, plus au nord. Les dates mentionnées par quelques sablières permettent de suivre son activité durant près d'une dizaine d'années, voire un peu plus si l'on tient compte des dates des campagnes de construction des sanctuaires où son passage est attesté. Avant de découvrir les étapes anciennes de son parcours, arrêtons-nous dans l'église de Plomodiern qui abrite l'ensemble le plus tardif que l'artisan ait réalisé.

L'œuvre, datée de 1564,  est de belle qualité : Brellivet n'hésite pas à évider le bois de manière à obtenir un relief assez haut, et comme l'artiste de la chapelle des saints Côme et Damien à Saint-Nic, il aime ornementer les surfaces de motifs taillés en creux, stries, encoches, facilitent l'identification de son travail. Les mentons sont fuyants, mais les fronts sont bombés net, les yeux immenses, aux contours très dessinés. Les figures originales qu'il représente sont inspirés des décors de la Renaissance : il apprécie surtout les figures humaines et animales « végétalisées » qui prennent la forme dans sa sculpture de bustes d'hommes et de dragons dont les cornes pisciformes sont couverts de végétaux. Il dynamise ses compositions par de petits portraits qu'il représente en buste ou de profil, sur des médaillons.

Ces images sont caractéristiques de sa production et apparaissent à quelques kilomètres de là, pointe du Cap Sizun sur les poutres plus anciennes de l'église de Pont-Croix. L'année 1544 marque la fin de la campagne de construction du chœur et sans doute est-ce durant cette période qu'il entreprend l'ornementation des sablières. Soit près d'une vingtaine d'années en amont de l'œuvre de Plomodiern. Les images choisies sont les mêmes ou du moins partiellement puisqu'une scène de pêche complète la décoration de l'ensemble. En réalité l'auteur n'a pas encore fixé son répertoire : il mêle à ses figures végétales renaissances des thèmes plus « locaux » dans la tradition de l'imagerie divertissante du bas Moyen-Âge. Il lui faudra quelques années avant d'adopter définitivement le registre des images les lus modernes, car son choix n'est toujours pas fait en 1554 : les fragments de sablières conservés dans la chapelle Saint-Trémeur à Cléden-Cap-Sizun le prouvent. Si le nom de Brellivet n'est pas mentionné par l'inscription qui fournit la datation, la paternité ne fait aucun doute.

Bien que nous ne connaissions pas les dates d'édification de la charpente de la chapelle Saint-Tugden à Primelin, une partie au moins est contemporaine des charpentes de Pont-Croix et de Trémeur. La présence de quelques sablières décorées par le sculpteur l'atteste. Nous retrouvons à Primelin l'image du putto tenant entre les mains les queues de deux dragons végétalisés, de même que les petits bustes pleins d'embonpoint qui ornaient déjà les culots des poinçons pontécruciens. C'est probablement vers le milieu du siècle que le sculpteur quitte la pointe du Cap Sizun pour gagner des chantiers situés plus au nord. Comme nous l'avons vu, il réalise les décors de Plomodiern en 1564. Il est à la même époque dans la paroisse de Saint-Nic où il est employé à l'ornementation de la charpente de l'église entre 1561 et 1566. La commande est importante si l'on tient compte des éléments conservés localisés sous le porche et dans la nef. La maîtrise technique de l'ouvrage est incontestable, mais il est vrai que le répertoire est déjà bien connu du sculpteur."

 

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— COUFFON (René), 1988, Notices sur les paroisses, 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PLOMODIE.pdf

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Published by jean-yves cordier - dans Sablières

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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