L'église de Goulven III : ses deux bannières de procession du XVIIIe siècle.
Voir sur l'église de Goulven :
-
L'église de Goulven III : ses deux bannières de procession du XVIIIe siècle.
-
L'église de Goulven IV : la tribune de l'orgue, ancien jubé du XVIe siècle.
.
Sur les bannières, voir :
-
L'enclos paroissial de Dirinon IV : les bannières anciennes (XVIIIe siècle).
-
Les bannières Le Minor. C'est l'article sommaire.
-
La bannière Le Minor de la paroisse "Saint-Yves de la côte sauvage".
-
Les bannières, c'est comme les papillons. Le pardon de Kerdévot.
-
La bannière Le Minor de la chapelle du Drennec en Clohars-Fouesnant (29).
-
L'église Sainte Marie-Madeleine de Dinéault. I. Les bannières.
-
Le Pardon de la chapelle Saint-Côme et Saint-Damien à Saint-Nic le 3 juin 2018.
-
La chapelle Notre-Dame-de Tréminou à Plomeur : la bannière, les vitraux, etc.
-
L'église de Hauville (Eure) : vitraux anciens, poutre de gloire et bannières.
etc...
.
.
.
Ces deux bannières de procession de taille et de facture identiques occupent le chœur de l'église. Elles mesurent chacune 1,60 m de haut et 1,15 m de large, elles sont en velours rouge coupé et soie brodée, et les visages sont peints sur étoffe. Les lambrequins à 5 festons sont enrichis de franges de cannetilles , la bande supérieure forment gousset reçoit la traverse en bois.
.
.
.
I. LA BANNIÈRE DE SAINT GOULVEN / VIERGE AU SCEPTRE n°1.
.
H = 160 ; la = 115. Velours rouge et soie brodée. Classé au titre objet 1991/12/04 . Base Mérimée PA00089981. Base Palissy PM29001370.
1°) La bannière de saint Goulven en évêque.
inscription St GOULVEN.
Le fond est en velours rouge uni semé de rondelles d'argent . Il est brodée au fil d'argent de fleurs à huit pétales et huit sépales, avec rehaut par cannetille dorée, reliées par un rinceau.
La bordure est un simple et étroit galon doré.
Le motif central est celui de "l'évêque de la Réforme", nimbé, mitré, dans l'attitude de la prédication, main droite expressive, tête tournée vers sa gauche et crosse écartée en diagonale . Il est sans doute "réalisé en broderie de rapport, c'est-à-dire brodé sur toile de lin ou de soie puis appliqués sur fond de velours brodé au préalable" (Guillou), mais la trame n'est pas visible. Le visage et les mains sont peintes sur toile, sans doute — comme à Tréflez— par remplacement de broderies trop usées.
La partie inférieure est la plus colorée, avec les rayures violettes du surplis mais surtout le tapis de fleurs avec une variété de verts de bleus en dégradés et des fleurs en fils rose, abricot et jaune.
Les lambrequins sont à cinq festons ronds frangés de cannetilles et brodées au fil d'argent de fleurs à huit pétales et huit sépales, avec rehaut par cannetille dorée.
La présence de clochettes sous les lambrequins n'a pas été recherchée.
La traverse est en bois (?) à pommeaux en forme de fleurons, et d'aspect métallique.
Le gousset à bandes dorées porte le nom de la paroisse : ST GOULVEN écrit en rondelles d'or cousues.
La croix est en métal doré (ou en a l'aspect).
.
.
.
.
.
2°) La Vierge à l'Enfant au spectre (1).
.
Le fond, la bordure et les lambrequins sont identiques à la bannière de St Goulven, mais les fleurs sont plus simples, à cinq pétales.
Le motif central est une Vierge à l'Enfant, debout sur un croissant de lune au sein d'une mandorle de nuée à 4 séraphins (c'est donc une Vierge de l'Apocalypse) dont la particularité est qu'elle tient dans sa main droite un fuseau terminé par une fleur de lys (symbole de virginité dans le cadre du culte de l'Immaculée Conception).
Cet attribut est qualifié de "sceptre" par Christiane Guillou 2010 :
"Ce mode de représentation de la Vierge portant un sceptre est courant en statuaire, on en connaît dans nombre d'églises bas-bretonnes, préfiguration de l'image de la Reine du Monde. La Vierge debout sur le croissant de lune annonce les représentations de l'Immaculée Conception. On a ici une double voire triple image avec celle de la Vierge à l'Enfant. Cette triple image en une seule bannière est à mettre à l'actif des artistes concepteurs. Mais ce n'est ni une Vierge consolatrice ni une Vierge protectrice.
Le mode de représentation choisi pour les Vierges de l'Assomption de Locquénolé et Hengoat n'est sans doute pas le plus ancien. Si l'on se fie à la base Joconde, qui répertorie les tableaux conservés dans les différents musées de France, de telles images de la montée au ciel de la Madone apparaissent, comme ici, au XVIIe et XVIIIe siècles, la Vierge au sceptre étant plus ancienne. Cette vision très enlevée d'une Vierge au bord de l'extase apparaît à cette époque de la Réforme tridentine, alors que les siècles précédents, la montée au ciel, sous la conduite du Christ, se fait d'une façon plus calme à en croire la position assise de Marie, de surcroît souvent présentée dans une mandorle. Religion de la splendeur, c'est l'image de Marie en gloire, fort loin de l'humilité de l' Annonciation ou de la Nativité qui ne sont pas présentes en bannière, à cette époque, dans ces lieux."
On trouve ce motif, deux fois représenté à Goulven, également à Lampaul-Guimiliau, à Plougonven et à Trédrez.
La Vierge est voilée et nimbée mais non couronnée. L'Enfant, également nimbé, tient le globus cruciger et trace une bénédiction .
Les fils sont blancs, argent, marron, jaune pâle, bleu clair, bleu plus soutenu pour le globe, brodés au point de Bayeux avec, pour les nuées, des spirales concentriques.
.
.
.
.
.
.
II. LA BANNIÈRE DE L'ADORATION DU SAINT-SACREMENT / VIERGE AU SCEPTRE n°2.
Saint-Sacrement, Vierge à l'Enfant H = 160 ; la = 115. 1991/12/04 : classé au titre objet Soie brodée. Base Palissy PM29001371
.
1°) La bannière de l'Adoration du Saint-Sacrement.
.
Le fond est en velours rouge uni semé de lignes de pastilles d'argent . Il est brodée au fil d'argent de fleurs à cinq pétales .
La bordure est une bande serpentine gris-argent frangée de cannetilles.
Le motif central est consacré à l'Adoration du Saint-Sacrement par deux anges agenouillés, comme à Lampaul-Guimiliau en 1667 où il témoigne de l'existence d'une confrérie, au Musée départemental breton, à Locquémeau, Plougonven, Guimiliau et Saint-Méen. Les visages et les bras sont peints sur toile.
"Bannière de la confrérie du Sacre, elle est aussi répandue que celle du Rosaire, à laquelle elle est souvent jumelée : deux confréries qui ont des autels spécifiques dans la plupart des églises. Ici aussi l'image est définie. Ce sont deux anges adorateurs, de chaque côté de l'hostie, flottant au-dessus d'un calice : blanc argent de l'hostie dans un rayonnement d'or, or sur or du calice, qui contient le vin devenu Sang du Christ, dans une nuée d'où émergent quelques têtes d'angelots. On n'ose, pour de simples travaux d'aiguille, évoquer le rôle du cercle dans l'iconographie et dans l'art en général, on ne saurait cependant exclure que ces théories ont influencé les concepteurs des dessins préliminaires. L'interprétation, répandue, des anges adorant l'ostensoir semble relever d'une lecture rapide. La lunule contenant l'hostie, destinée à l'ostension et proposée à l'adoration des fidèles, a pris sa forme actuelle de « soleil » au-dessus d'un piédestal au XVIe siècle. Quoiqu'il en soit, hostie au-dessus du calice ou bien hostie dans l'ostensoir, les « images » offertes aux fidèles par bannière interposées renforcent cette vision de splendeur et de lumière, quelque chose comme le buisson ardent évoqué par Moïse. [...] l'image est tellement sobre qu'elle serait de peu d'intérêt si elle n'était brodée, fastueusement, pour représenter les ailes des anges, et les rayons de l'hostie au-dessus du calice " (C. Guillou 2010)
.
Les lambrequins sont à cinq festons ronds frangés de cannetilles et brodées au fil d'argent de fleurs à trois pétales et gros cœur entre deux tiges en boutons.
La présence de clochettes sous les lambrequins n'a pas été recherchée.
La traverse et la hampe avec sa croix sont en bois.
.
.
.
.
.
2°) La bannière de la Vierge à l'Enfant au spectre (2).
.
Elle est identique à la précédente, mais la nuée ne forme pas une mandorle, mais un tapis, dont les angelots sont absents.
.
.
.
.
Qui a fabriqué ces deux bannières ?
.
Nous n'avons aucune certitude sur l'attribution de ces deux bannières, issues certainement du même atelier, à des brodeuses ou brodeurs particuliers.
La fabrique s'est-elle adressée, loin du Léon, aux religieuses des Ursulines d'Amiens, ou de la « Communauté de Saint-Joseph, développée par Madame de Montespan dans les années 1680, ou encore de la Maison et Communauté de Saint-Louis de Saint-Cyr, fondée par Madame de Maintenon en 1686 ? Ou plutôt aux Carmélites de Guingamp, de Tréguier, de Morlaix, aux Ursulines de Morlaix, de Tréguier, ou bien, dans leur sphère de proximilté et d'influence, à celles de Saint-Pol de Léon ou de Lesneven ?
Ou enfin aux grandes dynasties de brodeurs comme les Tuberville ou les Landais de Lannion, ou encore les Keranfors de Morlaix ? Ou à Ollivier Rachet, Sieur Du Pré à Landerneau ?
Un seul indice peut nous aider, et je propose d'envisager l'hypothèse qu'il suggère. En 1761, la fabrique de Tréflez achète, pour 800 livres, deux bannières de procession à Jean et Gabriel Landais, brodeurs à Lannion. Or, Tréflez est le village immédiatement voisin de Goulven. Heureusement, ces bannières anciennes ont également été conservées, et nous pouvons les comparer avec celles de Goulven. D'autant que, à la différence de ces dernières, elles font l'objet d'une notice en ligne par l'Inventaire général sur le site Gertrude :
Certes le sujet est différent : la première est dédiée à sainte Etheldrède avec le Calvaire au verso, et la seconde au Don du Rosaire avec la Crucifixion au verso.
Certes, si les dimensions sont très proches (1,70 x 1,15 et 1,53 x 1,05) de celles de Goulven, c'est peu significatif car toutes les bannières de procession ont le même format peu ou prou.
Mais on retrouve le fond de velours coupé, la soie brodée centrale, le gousset, et surtout les cinq festons arrondis des lambrequins. Et les fleurs brodées similaires.
Bien entendu, il faudrait étudier les techniques de broderies plus précisément, mais il me semble que si la fabrique de Tréflez s'est adressée aux Landais, la présomption est forte que celle de Goulven en avait fait autant.
Je propose donc de rassembler quelques informations sur cet atelier de Lannion.
"La dynastie des Landais est attestée dès 1679 et pendant tout le XVIIIe siècle. Ils vendent, entre autres, des bannières aux paroisses du Léon et du Trégor, à partir de Lannion. En 1767 la vente des bannières de Tréflez est réputée réalisée par une Demoiselle Kerpuns-Landais. Car contrairement à certaines idées reçues « les femmes occupent une place importante au sein de la communauté des brodeurs chasubliers et l'étude des statuts de cette dernière le confirme. Dès 1292 une femme est présente parmi les jurés de la corporation et en 1316, dans la liste des maîtres, figurent autant d'hommes que de femmes. Celles-ci sont reçues maîtres brodeuses aux mêmes conditions d'apprentissage et de chefs d'oeuvre que leurs collègues masculins.» C. Guillou 2010
On leur doit, parmi les 48 bannières étudiées par Christiane Guillou :
1679 Tréduder brodée par les religieuses du couvent Jean Landais Lannion B neuve, 170 livres 7 livres à un sculpteur pr promonettes, neufves et dorées Couffon p 670, notice église, PP/ Crucifixion Marie Madeleine
- 1688 Saint Jean Trévoazan Jean Landais Lannion
- 1715 bannière de Pédernec par Jean Landais Lannion B
- 1714 Plouzané Landais Lannion B 246 livres
- 1715 Pédernec Jean Landais Lannion B Couffon
- 1736 St Servais Charles Landais Carhaix ou Lannion B pour 240 livres
- 1719 Pédernec Gabriel Landais Lannion B
- 1719 Plounévez-Moëdec Gabriel Landais B 230 l
- 1725 Plouzané Landais Lannion B 270 livres
- 1734 Bodilis Landais Lann 100 Accommode
- 1736 Bodilis Landais L B neuve 800 livres
Par ailleurs, on distingue dans cette dynastie :
- LANDAIS, Charles. Brodeur à Lannion, il fournit une chape pour Pleudaniel en 1735.
- LANDAIS, François. Brodeur à Tréguier, il fit une étole, un manipule, une bourse et un voile de ciboire pour Pleudaniel en 1727.
- LANDAIS, Gabriel. Brodeur à Lannion, il fit des ornements pour Pédernec en 1718, une bannière pour la même église en 1719, une bannière pour Plounévez-Moëdec en 1719 moyennant 230 livres, deux étoles pour Pédernec en 1726, un ornement pour Saint-Jean-Trévoazan en 1727.
- LANDAIS, Jean. Brodeur à Lannion, époux d'Anne de Coëtlosquet. Il fit une bannière pour Tréduder en 1679, une bannière pour Saint-Jean-Trévoazan en 1688, un drap mortuaire pour la même chapelle en 1689, un devant d'autel pour Notre-Dame de l'Isle à Goudelin en 1690, deux chasubles et une étole pour Saint-Jean-Trévoazan en 1695, divers ornements pour Pédernec en 1695, des parements de dais en 1698 et une chasuble en 1700 pour la même église, une chape, une chasuble et un devant d'autel pour Pleudaniel en 1703, divers ornements pour Bulat en 1712, 1716 et 1719, une bannière pour Pédernec en 1715 et divers ornements pour cette dernière église en 1725.
- LANDAIS, N... Brodeur à Guingamp, il fit une chasuble pour Pédernec en 1638.
.
.
.
SOURCES ET LIENS.
Les bannières de Tréflez.
.
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM29001370
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM29001371
https://hal.univ-brest.fr/hal-00546728/document
— GUILLOU HEMELIN (Christiane) 2010. Les bannières religieuses en Basse-Bretagne aux XIXe et XXe siècles : Les ”vieilles” bannières. 79 pages + 38 illustrations hors texte Ceci est le chapitre d’une thèse en cours. 2010.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00546728/document
L'ASSOMPTION, À DEUX ANGES et un angelot de Dirinon, a les bras ouverts et moins d'élan. (inspirée du Titien ?). Mais la rénovation lui a fait, sans nul doute, perdre de son caractère et de son charme."
— GUILLOU HEMELIN (Christiane) 2013. Les bannières religieuses , une approche du catholicisme bas-breton. Thèse de doctorat d'histoire de l'art sous la direction d'Yvon Tranvouez. UBO Brest / CRBC.
www.theses.fr/2013BRES0070.pdf
— GUILLOU HEMELIN (Christiane) 2016, Les bannières de Basse-Bretagne, Société des Amis de Louis Le Guennec.