La baie 1 de l'église Saint-Gilles de Malestroit.
Verrière de la Vie de saint Gilles et de la Vie de saint Nicolas (Premier quart du XVe siècle).
voir aussi :
- Le vitrail de l'arbre de Jessé de l'église de Malestroit.
- Eglise Saint-Gilles de Malestroit (56) : autres vitraux et mobilier.
- Les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux : les baies 203 et 205.
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Cet article reprend celui du 15 mars 2014, avec de nouvelles photographies, et une attention plus grande aux fonds damassés aux oiseaux, pour les rapports que ceux-ci entretiennent avec les vitraux de Merléac, de la cathédrale de Quimper, et avec les baies de la cathédrale d'Évreux offertes par ... un évêque de la famille de Malestroit.
Voir :
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PRÉSENTATION.
La baie 1, à gauche du chœur, date du 1er quart du XVe siècle (1401-1425), mais elle a été restaurée en 1906 par l'atelier Hucher du Mans. C'est la plus ancienne des verrières de Malestroit, et l'une des plus anciennes également en Bretagne, donnant un exemple des caractéristiques du gothique flamboyant : large emploi du jaune d'argent (découvert au XIVe), présence de la perspective (carrelage), fonds damassés, encadrement par des éléments architecturaux peints.
Mesurant 6 mètres de haut et 2,40 m de large, elle comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 2 quadrilobes, 2 mouchettes, 1 soufflet et 4 écoinçons. Classé MH 1912, elle a été découverte dans la seconde moitié du XIXe sous des parpaings.
On la divise dans sa lecture en deux registres superposées de scènes, inscrites dans de très importants encadrements architecturaux. Le registre inférieur raconte en quatre scènes la vie légendaire de Saint Gilles l'ermite (VIIe siècle), et le registre supérieur celle de saint Nicolas de Myre (IVe siècle).
Le tympan et les têtes de lancettes portent les besants d'or sur fond de gueules des seigneurs de Malestroit.
Les soubassements des deux registres et les dais du registre inférieur sont modernes : mais les couronnements et têtes de lancettes du registre supérieur conservent d'importants éléments originaux.
De même, les scènes de la première et de la quatrième lancettes sont modernes.
En résumé, les scènes anciennes sont (en désignant les lancettes A, B, C, D de gauche à droite) :
en bas pour la Vie de saint Gilles, BI , l'exorcisme, et DI, la Messe de saint Gilles.
en haut, pour la vie de saint Nicolas : BII le Saloir, et D I le Naufrage, avec leurs dais animés de personnages.
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Les verres anciens sont encadrés en rouge :
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I. LE REGISTRE INFÉRIEUR : QUATRE SCÈNES DE LA VIE DE SAINT GILLES.
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Saint Gilles est fêté depuis le XIIe siècle le 1er septembre comme ermite, saint abbé et martyr. Ses reliques, firent de l'abbaye Saint-Gilles du Gard un grand centre de pèlerinage et un relais sur le chemin de Compostelle.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_l%27Ermite
(Leçon des Matines (avant 1960)
Troisième leçon. Gilles, d’Athènes, et de sang royal, se livra dès sa jeunesse avec tant d’ardeur à l’étude des saintes lettres et aux œuvres de charité, qu’il semblait indifférent à tout le reste. Aussi, à la mort de ses parents, distribua-t-il aux pauvres tout son patrimoine, se dépouillant même de sa tunique, pour en revêtir un malade indigent qui fut guéri à ce simple contact. Plusieurs autres miracles ayant augmenté sa réputation, Gilles, craignant de voir son nom devenir célèbre, se rendit auprès de saint Césaire, à Arles. Il le quitta deux ans après, pour se retirer dans un désert, où il vécut longtemps dans une sainteté admirable, n’ayant pour nourriture que des racines et le lait d’une biche qui venait à lui à des heures réglées. Un jour qu’elle était poursuivie par la meute royale, cette biche se réfugia dans la grotte de Gilles, où le roi de France étant arrivé, pressa vivement le Saint de consentir à la construction d’un monastère en ce lieu. Le saint ermite, sur les instances du roi, prit à regret la direction du monastère, et après une administration pieuse et prudente de quelques années, s’endormit doucement dans le Seigneur.
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Scène 1. Le saint retiré au désert, en prière, accompagné de la biche qui le nourrissait de son lait.
(entièrement refait);
Fond damassé bleu à rinceaux de feuilles trilobées et vrilles, comme dans le panneau suivant.
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Scène 2 : Le saint exorcise un épileptique.
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Panneaux bien conservés, buste du malade restauré.
Fond damassé bleu à rinceaux de feuilles trilobées et vrilles.
Discret rehaut de jaune d'argent de la pupille du saint.
Carrelage en perspective, bicolore gris strié et jaune pâle. .
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inscription gothique : ÆGIDI PTE CCuIOR. On attendrait S. AEGIDI PRAEDICATOR CONFESSOR
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L'épilepsie était considérée comme la conséquence de la possession par un démon, que l'on voit s'enfuir au dessus de la tête du malheureux.
Un élément précieux sur le plan documentaire (si elle est ancienne) repose sur les menottes imposées au malade : un bracelet métallique entoure chaque poignet, et une solide clavette les solidarise ; une goupille en permet l'ablation. Est-ce destiné à "protéger" la personne lors d'une de ses crises, ou bien à protéger l'entourage d'un acte dément, dans une confusion fréquente entre comitialité et aliénation ? On sait que, dans les asiles étaient employés les camisoles, les moufles, les chaînes, les chaises d'immobilisation et autres entraves.
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. Saint Gilles est représenté en Abbé, tenant une crosse de style gothique particulièrement ouvragée, au nœud octogonal en or et en argent et au crosseron largement découpé par des feuilles. L'embout à l'extrémité de la hampe est pointu.
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Scène 3 : Confession de Charlemagne.
(entièrement moderne).
Charlemagne n'osant pas avouer ses péchés, ceux-ci s'inscrivent sur un phylactère : Superbia (Orgueil) ; Avaritia (Avarice) ; Luxuria (Luxure) Invidia (Envie) Gula (Gourmandise) Ira (Colère) Acedia (Paresse) selon l'acronyme mnémotechnique SALIGIA. Le roi implore le saint et obtient l'absolution de ses fautes. Cet épisode (qui ne correspond pas à la légende médiévale) est relié à celui de la scène suivante.
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Le fond bleu damassé reprend le motif d'un oiseau pinçant dans son bec la tige d'un rinceau. Il serait intéressant de savoir si le restaurateur l'a observé sur des fragments anciens de la verrière, ou s'il s'est inspiré d'autres sites. C'est un point important puisque ce motif est exactement celui de la verrière des Malestroit à Évreux. Des calques ont-ils été conservés dans les archives d'Eugène Hucher, comme pour les vitraux de la cathédrale du Mans ?
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Comparer le damassé :
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Scène 4. Messe de saint Gilles.
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Grisaille et jaune d'argent (orfèvrerie, couronne, ceinture, chape, sol carrelé, chevelure de l'ange) Remarquez le rehaut des pupilles au jaune d'argent.
Fond damassé bleu à fleurs larges.
Chape damassé de fleurs d'or, à 6 pétales en étoile.
un verre rouge en voûte du dais de la niche..
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Un roi assiste à une messe célébrée par saint Gilles et, lors de l'élévation, un ange apparaît portant un phylactère avec l' inscription ÆGIDII MTO KAROLI P~ETA REMIT. Si on se réfère à l'inscription figurant sur le tableau du Maître de Saint-Gilles, qui est Egidi merito remisa sunt peccata Karolo, on peut déduire qu'il est écrit ici Ægidii merito Karoli Peccata rem.sunt, traduisible par "Par le mérite de Gilles les péchés de Charles sont remis (ou pardonnés)".
L'épisode est célèbre et il est déjà représenté à Chartres dans le Vitrail de Charlemagne ou sur un pilier nord. La légende (Vita Sancti Aegidii et Vie de saint Gilles de Guillaume de Berneville, XIIe siècle) veut qu'un roi nommé Charles se confesse au saint, à l'exception d'un péché si horrible qu'il ne peut l'énoncer. Malgré les exhortations de Gilles, le roi Charles conserve son secret.
La tradition médiévale voyait dans ce péché une relation incestueuse entre Charlemagne et sa sœur Gisèle ayant conduit à la naissance de Roland : l'Histoire poétique de Charlemagne (1865) par Gaston Paris donne deux sources à cette légende :
Source n° 1 : Karlamagnus-Saga (irlandais, fin XIIIe) I ; 36 :
Charlemagne eut à Aix un commerce illégitime avec sa sœur Gille [Gisèle ou Gisle]. Plus tard, il confessa à l'abbé Egidius tous ses péchés, mais il omit celui-là, le plus grave. L'abbé Egidius chantait la messe, quand l'ange Gabriel descendit des cieux et déposa une lettre près de la patène. Egidius l'ouvrit ; il y lut le péché du roi, et l'ordre que Dieu lui donnait de marier sa sœur à Milon d'Angers. Le fils qu'elle enfantera dans sept mois, ajoutait la lettre divine, est de l'empereur, et il devra en prendre soin. Egidius prit la lettre, l'apporta au roi, et la lui lit. Le roi s'agenouille, avoue son crime, et accomplit les ordres d'en haut : il donne sa sœur à Milon et le fait duc de Bretagne.
Source n° 2 : Légende latine ou Egidius de Provence (Boll. AA.SS Sept.I, 299-314) dans sa traduction du XIIIe siècle ne spécifie pas la faute commise par le roi :
Entre ces coses prisa moult li rois le saint home qu'il daignast prier à nostre Seigneur pour lui : car il avoit fait I moult lait pechié que il n'avoit oncques à nului dit, ne au saint home ne l'osoit dire. Quant vint le diemence, et il cantoit le messe, il pria nostre Seigneur por le roi là où il estoit el canon. Lors s'apparut li angeles nostre Seigneur à lui, qui mist seur l'autel une chartre en qoi li peskiés le roi estoit escris tout comme il l'avoit fait, et pardonés li estoit par la prière saint Gille se il se repentoit tant seulement et le deguerpissoit... Et quand li prodrom vit le cartre, il rendist grâces à notre Seigneur ; si conta au roi ceste cose et le pechié qu'il ne li osoit dire. Li rois reconnut son pekié qu'il avoit fait, si li caï as piés, et si li pria qu'il li aidast envers nostre Seigneur par ses prieres, et li sains hom commanda que il plus ne le fesist.
On fit remarquer qu'il pouvait s'agir du roi Charles le Chauve, son petit-fils. Ou pour d'autres, au contraire, de Charles Martel, maire du palais, son grand-père.
En 1563, le Concile de Trente prit la décision de censurer le "péché inavoué de Charlemagne"
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Comparer avec La messe de saint Gilles, v.1500 par le Maître de saint Gilles, N.G. Londres :
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En conclusion de ce cycle, on remarque que saint Gilles est celui qui dispose du pouvoir de pardonner une faute qui n'a pas été confessée , pourvu que le pêcheur en éprouve une réelle contrition : en un mot, il est le recours contre une faute inavouable.
Or, nous allons découvrir que le culte de saint Nicolas est, lui aussi, lié à la culpabilité et au pardon de fautes graves.
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La pupille des yeux est rehaussée de jaune d'argent. cette particularité stylistique se retrouve dans les vitraux des chantiers commandés par le duc Jean V ou son entourage, à la cathédrale de Quimper, à Runan, à Merléac. Ou encore à la cathédarle de Dol-de-Bretagne.
Ce qui est très particulier, c'est l'utilisation du jaune d'argent pour rehausser les pupilles des personnages, leur donnant un regard très intense voire surnaturel.
Or, c'est aussi le cas à Dol-de-Bretagne (fin du XIVe), à Merléac en 1402, à Runan en 1423, ou à la cathédrale de Quimper vers 1410-1415, sur les chantiers du mécénat politique des grandes donations du duc Jean V. Ainsi qu'en Normandie et dans l'ouest de la France, par exemple à Saint-Lô vers 1420, au Mans vers 1435 .
Cette particularité stylistique limitée dans le temps et dans l'espace (ouest de la France) est d'autant plus remarquable qu'elle est ici associée à une autre, toute aussi précieuse : la présence de tentures damassées à oiseaux.
- Les vitraux du début du XVe siècle de la cathédrale de Dol-De-Bretagne : les pupilles rehaussées de jaune d'argent.Les vitraux du chœur de la cathédrale de Quimper IV. Les baies 106 et 108 et les pupilles au jaune d'argent.
- Les vitraux du choeur de la cathédrale de Quimper. I.
- Les vitraux des baies 110 et 112 du chœur de la cathédrale de Quimper.
- MERLEAC La chapelle Saint-Jacques de Merléac : les vitraux du 1er quart du XIVe et du début du XVe siècle des baies latérales. Baies 1, 2, 3, 5 et 7.
- La chapelle Saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre (1402) I. La Vie de saint Jacques.
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La chapelle Saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre (1402) II. La Passion.
- La chapelle saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre IV : le tympan.
- RUNAN: La maîtresse-vitre de l'église de Runan (vers 1423)
- Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.
A propos de la baie 217 du Mans, je notai :
1. Les pupilles rehaussées de jaune d'argent, propre à l'ouest de la France en 1370-1430.
je les ai déjà observé :
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à Malestroit (Morbihan), verrière de Saint-Gilles et de saint Nicolas, 1401-1405. L'église Saint-Gilles de Malestroit (56). Vitrail de saint Gilles et saint Nicolas.
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à la cathédrale de Sées (Orne), chapelle Saint-Nicolas 1370-1375. J'y avais aussi découvert les fonds damassés à motif de lampas de Lucques. La légende de saint Nicolas dans les vitraux de la cathédrale de Sées (Orne).
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dans la maîtresse-vitre de Runan (22) qui date de 1423. La maîtresse-vitre de l'église de Runan (22).
Cette particularité, qui confère aux personnages un caractère sacré de haute spiritualité, est propre à l'Ouest de la France dans la période 1370-1430. On le constate aussi à Dol-de-Bretagne (ca 1420) ou à la cathédrale de Quimper (ca 1415).
Roger Barrié, qui trouve déjà que le grand nombre de verres blancs des phylactères, des robes des anges et des architectures entraînait une impression "d'atonie", la grisaille des dessins étant trop grêle "de sorte que leur fort rayonnement n'est réglé par aucun écran", juge que le rayonnement du jaune d'argent qui colore les pièces d'architecture est aussi envahissant que celui du blanc qui leur sert de
base colorée" et que "le scintillement [des couronnes d'or des fonds] recherché pour plus de somptuosité pulvérise cependant à distance les masses de couleur."
2. Les damas. Un seul atelier local exploitant un stock de cartons anciens ou récents.
J'ai détaillé les motifs des différents fonds damassés, trouvant plaisir à reconnaître les oiseaux affrontés propres aux lampas de Lucques et à les voir alterner avec des motifs à rinceaux, plus anciens et d'autres à larges fleurs. Ils témoignent des goûts vestimentaires et d'ameublement (courtines tendues dans les églises les jours de fête) pour les tissus brodés, les damas, brocarts et lampas que le développement de l'industrie textile à la fin de la guerre de Cent Ans rendait accessible. Les soieries de Lucques en Italie, d'inspiration orientale furent fabriquées dès le XIIIe siècle et si elles sont aussi imitées dans les vitraux d'Arnault de Moles à Auch (1507-1513), ces fonds se retrouvent dans les vitraux dès 1400 et pendant le premier quart du XVe siècle en Normandie à Sées, Saint-Lô, Rouen (Saint-Maclou) ou à Evreux (Cathédrale, ou église Saint-Thaurin). Ils associent des feuillages stylisées et des fleurs à des perroquets, des cygnes ou des personnages fabuleux affrontés (M. Callias Bay 2006). Plus tard, dans la seconde moitié du XVe siècle apparaissent des motifs plus grands et plus simplifiés. Ces motifs sont répétés au moyen de pochoirs rigides ou de planches dessinées ou calquées sur les tissus. Ils peuvent être peints avec les pochoirs, ou au contraire enlevés
J'ai lu dès lors avec intérêt le commentaire qu'en fait Françoise Gatouillat (2003) :
"L'emploi d'une variété de damas plus ou moins archaïques, associé à la manière de teinter de jaune d'argent les pupilles, est l'indice que la commande de la rose a été reçue par le même atelier, que l'on peut présumer local, surtout si les verrières des deux étages ont été exécutées à un certain nombre d'années d'intervalle. Les caractères stylistiques hétérogènes de la rose prise dans son ensemble - sans les portraits rapportés - pourraient avoir pour origine les phénomènes d'association ou de sous-traitance fréquents dans le cas de chantiers importants ; ils reflètent plus certainement des pratiques usuelles, éclairées par les récentes recherches sur la genèse des œuvres de ce domaine. Comme on le sait aujourd'hui, même dans le cadre d'une commande de prestige, les peintres-verriers n'étaient pas tenus d'avoir systématiquement recours à des cartons neufs ; ils restaient libres d'exploiter, autant que faire se pouvait, les documents déjà archivés dans leur atelier, étant entendu que ceux des sujets dont les modèles ne pouvaient se trouver en stock, en particulier l' image des commanditaires, étaient dessinés pour la circonstance. Ainsi, dans la galerie de la rose, les disparités nettes entre les figures d'apôtres d'une part, et celles des donateurs princiers d'autre part, s'expliquent certainement par la nature des modèles utilisés par le ou les peintres sur verre. Les patrons des premières devaient préexister , tandis que ceux qui ont guidé l'exécution des secondes ont été produits tout spécialement. Le responsable de la réalisation a ainsi procédé à une combinaison de cartons, utilisant, selon les sujets, le travail d'un peintre contemporain ou adaptant des dessins plus anciens ayant servi pour d'autres chantiers. Il semble qu'il a agi de même avec les pochoirs à l'aide desquels ont été obtenus les damas des tentures, certainement tributaires de documents d'âges divers réunis dans son fonds d'atelier ou dans ceux de ses éventuels associés : ainsi sont juxtaposés des rinceaux de feuillage gras en usage au milieu du XIVe siècle, des « étoffes » d'inspiration lucquoise à menus motifs d'oiseaux, déjà présents bien avant 1400 à Evreux et un peu plus tard à Bourges, et d'autres à larges ramages végétaux, suivant une mode qui naît vers 1430."
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Dais architecturé. à quatre saints orants.
Les anges se détachent sur un fond peint au jaune d'argent très foncé, orange presque brun, qui figure le verre grillagé de baies à remplages gothiques.
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II. LE REGISTRE SUPÉRIEUR : QUATRE SCÈNES DE LA VIE DE SAINT NICOLAS.
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Les différents épisodes sont aussi représentés à la cathédrale de Chartres dans deux verrières à médaillons du XIIIe siècle ; la scène du miracle du saloir y est représentée par trois panneaux du début du XVe siècle.
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1. Nicolas est intronisé évêque de Myre.
Nicolas, assis, reçoit l'ordination épiscopale par deux évêques : l'un le bénit alors que l'autre le coiffe de la mitre.
Panneau refait.
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"Après cela, l’évêque de le ville de Myre étant mort, tous les évêques de la région se réunirent afin de pourvoir à son remplacement. Il y avait parmi eux un certain évêque de grande autorité, de l’avis duquel dépendait l’opinion de tous ses collègues. Et cet évêque, les ayant tous exhortés à jeûner et à prier, entendit dans la nuit une voix qui lui disait de se poster le matin à la porte de l’église, et de consacrer comme évêque le premier homme qu’il verrait y entrer. Aussitôt il révéla cet avertissement aux autres évêques, et s’en alla devant la porte de l’église. Or, par miracle, Nicolas, envoyé de Dieu, se dirigea vers l’église avant l’aube, et y entra le premier. L’évêque, s’approchant de lui, lui demanda son nom. Et lui, qui était plein de la simplicité de la colombe, répondit en baissant la tête : « Nicolas, serviteur de Votre Sainteté. » Alors les évêques, l’ayant revêtu de brillants ornements, l’installèrent dans le siège épiscopal."
Légende dorée de Jacques de Voragine.
Voir dans ce blog à propos de saint Nicolas :
Comparer avec :
Speculum historiale de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay, vers 1335, Bnf, Arsenal 5080 f. 307
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2. Résurrection des trois enfant mis au saloir.
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Nicolas ressuscite les morts, et pardonne à l'aubergiste (ou au boucher) criminel.
"Scène très restaurée, mais tête du saint ancienne" (Gatouillat et Hérold).
Ces auteurs ne précisent pas si le fond damassé bleu est ancien.
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Comparer avec : Speculum historiale de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay. Sur cette enluminure, ce sont trois clercs, tonsurés, qui sont figurés, comme dans le texte du trouvère Wace.
Mais un examen attentif du vitrail de Malestroit montre, malgré la barlotière, qu'il s'agit ici aussi peut-être aussi de clercs, car on voit une couronne de cheveux à l'arrière, alors que la partie avant du crâne est rasée, ou, du moins, dépourvue de cheveux. On comprend que de telles images aient favorisé le glissement d'un récit de trois clercs ressuscités à celui de trois petits enfants.
Peinture sur velin. Feuillet 023, recto, du manuscrit messin "Les Heures de Jean de Vy et Perrette Baudoche Metz", vers 1435-1447. La encore, malgré leur petite taille, les trois garçons nus sont tonsurés, et correspondent à des clercs.
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Les pupilles rehaussées au jaune d'argent.
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Le fond damassé bleu aux oiseaux.
Nous retrouvons le motif de l'oiseau (phénix) pinçant de son bec la tige du rinceau :
le même qu'en baie 15 (vers 1360-1370 et 1387-1400) de la cathédrale d'Évreux :
et ceux de la cathédrale de Quimper vers 1417:
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Le dais.
Voûte en verre orange sombre à croisillons floraux. Boule d'or centrale à motif de feuille.
Trois anges nimbés tenant des phylactères (grisaille et jaune d'argent).
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Scène 3 : Le saint bénit et ressuscite un pèlerin mort et remet en place le mât d'un navire (vitrail entièrement refait).
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Scène 4 : Saint Nicolas est invoqué par des marins en perdition.
"scène assez bien conservée".
L'inscription énonce ce que j'ai lu comme INCASTIS ME ECCE. Il faut lire VOCASTIS ME ECCE A[DSUM] Vous m'avez appelé : me voilà"..., ce qui renvoie à l'oraison du propre de la fête du 6 décembre citée dans le Bréviaire :
Quadam die tempestate faevissima quasati nautae, coeperunt sanctum invocare Nicolaum : et statim cestavit tempestas. Mox illis clamantibus apparuitquidam, dicens eis : Ecce adsum, quid vocastis me ?
Voir aussi Analecta bollandiana ; Et clamantibus illis , apparuit quidam sub ipsius sancti viri schemate , dicens eis : Vocastis me , ecce adsum . Mox adjuvit eos celeri sublevatione , et cessare fecit tempestatem superveniente inæstimabili tranquillitate .
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Cinq marins se trouvent en perdition, leur mât rompu, dans un navire très creux, doté d'un château-avant défendu comme une tour, et, à l'arrière, d'un gouvernail d'étambot : il peut être défini comme un cogue que Wikipédia définit ainsi :
"Il s'agit d'un voilier de commerce qui fut utilisé puis armé contre la piraterie pour les échanges entre les ports de la Hanse ; on pouvait l'armer de canons. Il possédait un mât et une voile carrée. Il y avait une nacelle de vigie juste sous la pointe du mât. Les cogues présentaient dès l'origine un château à l'étambot ; au cours du xive siècle, on leur adjoignit un château à l'avant du pont, ou gaillard d'avant.
La nacelle de vigie est bien présente mais le château-arrière n'est pas représenté. On devine une construction à clin. L'étai vient se fixer sur une pièce de bois oblique établie dans le gaillard d'avant, et que l'on retrouve sur le sceau de la ville de Stralsund :
D'autres détails sont retrouvés, comme l'oriflamme à l'extrémité du mât (ici, à trois besants d'or), ou encore les lais verticaux de la voile.
Saint Nicolas, dont seul le buste émerge de nuées, trace une bénédiction : il porte un anneau d'or au médius.
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Les oiseaux du fond damassé bleu sont ici bien différents des phénix d'inspiration sassanide (ou lucquoise) des scènes précédentes. Ce seraient des aigles aux ailes déployées, si le bec long et fort n'évoquait pas plutôt un passereau.Ils sont stéréotypés, peints par pochoir les uns au dessus des autres, sans autre motif tels que fleurs ou rinceaux.
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Dais 1.
Caché à moitié par la barlotière, un détail doit nous retenir, celui de la frise du sommet de la niche architecturée (qui est conçue, comme d'habitude, comme une chapelle privée tendue d'un drap d'honneur (bleu damassé) sous une voûte à clefs pendantes. En arrière-plan au dessus du drap d'honneur, la bande rouge lie-de-vin est sommée d'une boule d'or où sont dessinés les lignes d'une feuille (de vigne ou de figuier).
La bande rougeâtre est en réalité un verre blanc, peint à la grisaille. Puis la grisaille est enlevée pour tracer une série de M gothique et de couronnes, lesquelles sont peints ensuite au jaune d'argent très orange, presque rougeâtre (c'est une question de cuisson).
Mais peu importe ; ce que je veux faire remarquer, c'est que ces M couronnés sont les mêmes que ceux des bordures de la maîtresse-vitre de Merléac, une réalisation presque contemporaine (1402), mais commandée par les Rohan et non les Malestroit. Ce qui ajoute, avec les pupilles jaunes et les oiseaux des damas, un troisième point commun.
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Dais 2 :
Au dessus de la scène précédente, deux saints personnages —nimbés— sont agenouillés face au Christ Sauveur du Monde (avec le globus crucifer). Au dessus de la scène du saloir, deux anges portent des phylactères .
On remarquera aussi l'alternance de couleurs des voûtes des niches, bleus et verts, au dessus des éléments rouge lie-de-vin à décor de couronnes centrés par une boule jaune (besant ?).
Ces saints personnages habitant les dais évoquent ceux des vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux, eux-mêmes comparables à ceux de Rouen.
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III. LE TYMPAN.
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Sur un fond rouge constellé d'astres d'or, qui reprend les armoiries de gueules à neuf besants d'or des Malestroit, le Christ du Jugement Dernier, dans le soufflet supérieur reçoit les louanges de quatre anges porteurs de phylactères :
GLORIA IN EXCELSIS DEO / ET IN TERRA PAX
HOMINIBUS BONAE VOLUNTATIS
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Voir le vitrail consacré à Saint Gilles à Troyes
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SOURCES ET LIENS.
— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, 367 p. 375 ill.
— LE BIHAN (Jean-Pierre)
http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-19587650.html
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