L'arc de triomphe (1587, granite de Plounéour-Ménez et 1589, kersanton) de l'enclos paroissial de Saint-Thégonnec. Son Annonciation et son inscription en vers bretons.
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Sur cet enclos paroissial de Saint-Thégonnec, voir :
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PRÉSENTATION.
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Avant de partir pour Saint-Thégonnec, j'avais relu les bons auteurs.
— "Quatre grosses piles ornées de volutes ou consoles renversées que surmontent des lanternons à la fois trapus et élégants. Les deux piles du milieu sont reliées par une arcade au-dessus de laquelle règne une galerie d’arcatures séparées par des pilastres à gaines et terminées par des frontons. À la hauteur de la galerie est la représentation du mystère de l’Annonciation ; d’un côté la Vierge agenouillée sur un prie-Dieu, de l’autre, l’archange Gabriel. Plus bas, dans la frise cette inscription : ITRON : MARIA . VIR . SICOVR NI . O . PET : HUANTEC. DON. RECOUR HUI.EN.QUENTAF. ADVOCADES EVIT. PECHER. HA. PECHE RES. - 1587. "Dame Marie de Vrai-Secours Nous vous prions ardemment de nous venir en aide. Vous êtes première avocate Pour pécheur et pécheresse"." (J.M. Abgrall 1904 , Architecture bretonne, p. 107.)
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—Inscriptions gravées : Saint-Thégonnec J.M. Abgrall Congrès arch. France 1898 et Bull. SAF 1916 :
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— "L'arc triomphal, décoré de lanternons se compose de quatre pilastres formant trois ouvertures; la principale est surmontée de niches à frontons dont l'une contient la statuette du saint patron de la paroisse. Dans la frise centrale, on lit ce quatrain rimé, en moyen-breton, avec rimes internes, et la date 1587 : ITROVN MARIA. GVIR : SICOVR NI : HO. PET : CHV ANTEC : DON RECOVR HVI. EN : QVENTAF ADVOCADES EVIT : PECHER : HA : PECHERES. " (L. Le Guennec, Morlaix et sa région)
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—"L'année qui précède l'entrée du duc de Merceur dans la Ligue contre Henri de Navarre, en 1587, la Porte Monumentale rompt définitivement avec les styles anciens : niches à coquilles, frontons triangulaires ou cintrés, volutes, lanternons à dômes, belles moulurations apportent à Saint-Thégonnec un esprit nouveau qui sera bridé un moment par les désordres de la Ligue. Mais après la pacification due à l'Edit de Nantes et à l'arrestation de brigands trop célèbres tels que Fontenelle, l'élan constructeur reprend. Les paysans de la région qui avaient pris prétexte des temps troublés pour faire justice de leurs griefs contre les nobles n'auront qu'un désir, bâtir leurs églises dans le style des châteaux." (Y.-P. Castel)
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— "Un élève du Maître de Guimiliau (1589). À frais nouveaux, la présente enquête commence du coté de la porte monumentale de l'enclos, dominée dans le ciel du fronton triangulaire par le Père Éternel. La date du monument, 1587, s'inscrit entre les cerfs de la légende de saint Thégonnec. Celui de gauche traîne une sorte de charrette. Une hache énigmatique se dresse près de celui de droite. L'inscription lapidaire entremêle selon l'usage breton assonances intérieures, rythmes et rimes : I[N]TRON. MARIA : GVIR SICOUR NI : HO : PET : HVANTEC : DON : RECO[VR] HVI ENQVE[NT]AF. ADVOCAD ES EVIT . PECHER : HA PECHERES. "Notre-Dame du Vrai-Secours , de tout cœur nous recourons à vous, la première avocate du péché et de la pécheresse".
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—"À l'étage, on remarque peu l'Annonciation, l'ange Gabriel et la Vierge se faisant face de part et d'autre des niches centrales vides. Le groupe en pierre de kersanton ouvre la série statuaire de l'enclos. La date 1589, inédite à ce jour, gravée sur le pupitre de Marie, permet d'attribuer l'œuvre à l'atelier du Maître de Guimiliau, l'auteur du célèbre calvaire. Le Maître y travailla de 1581 à 1588, à en croire les dates gravées sur celui-ci. L'Annonciation de Guimiliau et celle de Saint-Thégonnec sont indubitablement de la même main. Les prie-Dieu sont identiques, les vases de fleurs ont les mêmes anses à large volutes, les panses sont ornées de canaux et de godrons similaires, les bouquets, dans leur stylisation, se ressemblent. Le traitement des visages ne laisse, lui non plus, aucun doute sur l'étroite parenté des deux groupes. Celui de Saint-Thégonnec, précisément daté avons-nous dit, de 1589, vient ainsi éclairer l'histoire du calvaire de Saint-Thégonnec et réfuter l'idée d'une réfection moderne importante avancée par différents auteurs, dont R. Couffon suivi par V.-H. Debidour." (Castel in Roudaut p. 81-83)
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"La porte triomphale — ou arc de triomphe —, à l’entrée de l’enclos, est un édifice de style Renaissance en granite de Plounéour-Ménez réalisé dans l’atelier du château de Kerjean entre 1587 et 1589. Elle est composée de quatre piliers massifs surmontés de lanternes cubiques et de lanternons. Deux échaliers relient les piliers extérieurs et l’entrée centrale est faite d’un arc en plein cintre fermé à l’époque par une grille. L’arc est orné de trois statues en Kersanton : à droite Notre-Dame du Vrai Secours, à gauche l’archange Gabriel et au centre Dieu le père entouré de deux canons. L'arc de triomphe est classé monument historique depuis 1914. Le mur de cimetière attenant est, quant à lui, classé en 1928." (Wikipedia)
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"L'arc de triomphe date de 1587 et se compose d'une grande arcade entre deux pylônes. C'est l'un des premiers ouvrages de ce type destiné à donner une entrée monumentale au cimetière." (Base Mérimée)
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J'arrive donc un bon matin en me frottant les mains, car j'ai au menu une inscription lapidaire (moi qui adore ça), une Annonciation (que je pourrais comparer à celles que j'ai photographiées dans la même situation de chaque coté d'une porte monumentale ou d'un porche), et l'arc de triomphe lui-même, avec, là encore, des perspectives de comparaison stylistiques avec les mêmes monuments des enclos voisins.
Mais une visite touristique, vous savez ce que c'est, dépend beaucoup de l'heure, de la lumière, de l'humeur du visiteur et de l'éveil variable de son regard. Saurai-je voir ? Le soleil, l'ombre ou la pluie voudront-ils me montrer ce que recèlent les pierres ?
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On lit souvent que les portes monumentales de nos enclos sont nommées en breton (à Sizun) Porz ar maro, "Porte de la mort", car elles marquent l'entrée du cimetière, mais avant d'en attribuer la présence à je ne sais quel atavisme bas-breton, ou quelque réminiscence celte peut-être, on se souviendra que les architectes de la Renaissance, soucieux de s'inspirer des arcs de triomphe antique pour marquer l'entrée de leurs villes ou des châteaux, après que les peintres italiens comme Botticelli ou Mantegna aient réalisé des structures provisoires pour célébrer les entrées triomphales des princes et prélats dans leurs villes, ont créé de tels monuments, ou en ont proposé les modèles dans leurs traités. Les exemples sont nombreux. Philibert De L'Orme s'inspira de l'arc de triomphe de Septime Sévère pour le tombeau de François Ier et Claude de France à Saint-Denis (1558). Ou pour l'entrée du château d'Anet.
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Voici comment Yves Pauwels présente le Quinque et viginti exempla arcum ("25 exemples d'arcs") publié par Androuet du Cerceau en 1549 :
"Ce recueil de gravures compte parmi les publications les plus précoces de Jacques Androuet du Cerceau. Il a été composé dans le contexte de l’avènement de Henri II et des nombreuses entrées solennelles que le nouveau roi allait faire dans ses villes. Lyon avait donné l’exemple en 1548, et, en 1549, l’année même de la parution de l’ouvrage, c’est Paris qui offrait au jeune monarque une mémorable cérémonie. Les arcs de triomphe devenus indispensables au décorum de ces fêtes, il était plus qu’opportun d’en proposer des modèles. L’ouvrage donc se présente comme une anthologie d’exempla, variations sur le thème de l’arc de triomphe. De ce point de vue, il revêt une importance considérable, que peu d’historiens de l’art ont remarquée. En effet, en 1549, l’arc de triomphe vient à peine de faire son apparition dans l’architecture française. Le frontispice de l’aile principale d’Anet est encore en chantier, de même que les avant-corps de la cour du Louvre; ceux d’Écouen sont, au mieux, à l’état de projet. Mais de superbes exemples, sans doute dessinés par Serlio, avaient embelli les rues de Lyon en 1548, lors de l’entrée de Henri II. Et l’année même de la parution du recueil d’Androuet du Cerceau, Jean Martin et Jean Goujon préparaient pour les fêtes parisiennes plusieurs arcs inspirés de modèles serliens. L’arc à l’antique, par ses référents symboliques, historiques et culturels, était ainsi consacré comme le lieu commun par excellence d’une nouvelle architecture qui aspire au plus haut niveau de l’expression, celui du sublime. Or, 1549 est aussi l’année de la publication de la Défense et Illustration de la langue française par Joachim du Bellay ; celle du premier livre des Odes de Ronsard est imminente. La consécration du thème architectural va de pair avec celle d’une nouvelle poésie, celle de la Pléiade, dont l’ambition est la même : élever la littérature française au niveau du grand style, celui des odes ou de l’épopée. Avec une grande perspicacité, du Cerceau a senti l’évolution de l’art de bâtir, et son petit recueil s’inscrit parfaitement dans le grand mouvement de renouvellement qui bouleverse l’architecture française dans les années cruciales de l’avènement de Henri II." (Y. Pauwels 2007)
Dans cet ouvrage, après les arcs romains (arcs de Titus, de Septime-Sévère, de Constantin), et les arcs italiens (arcs d’Ancône, de Vérone, de Bénévent, de Pola, de Suse, de Ravenne), viennent les arcs « inventés » par du Cerceau, une suite de modèles classés selon la succession des ordres, trois doriques, deux ioniques, huit corinthiens, un « sus l’ordre corinthe » et deux de l’ordre salomonique.
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Mais chacun de ces modèles voit son "ordre" déterminé par les caractères de ses colonnes, or, l'arc de triomphe que j'ai sous les yeux à Saint-Thégonnec ne présente aucune colonne. Seules deux consoles, de part et d'autre de l'arcature, sont cannelées comme des triglyphes doriques. La face nord est encore plus dépouillée.
"À la même époque, en 1587, s'élève à Saint-Thégonnec un arc très différent des précédents. Ici, quatre piliers de grande épaisseur sont amortis par de puissantes volutes en consoles renversées et couronnées de doubles lanternons. Ils déterminent trois passages, dont ceux des extrémités fermés par des échaliers, tandis qu'entre les deux piles centrales, formant l'entrée principale, est bandée une arcade à claveaux rustiques. Celle-ci supporte un attique décoré de quatre niches ornées de la coquille de Kerjean et séparées par des pilastres. Trois frontons surmontés, comme des lanternons, de nombreuses boules godronnées, le couronnent. De part et d'autre, ainsi qu'à La Martyre, se voit le groupe de l'Annonciation. L'ensemble, extrêmement lourd et d'une ornementation compliquée, ne manque cependant pas d'originalité et a probablement servi d'inspiration à l'entrée de Plounéour-Ménez où toute décoration a été bannie, exceptée les niches ornées de la coquille si particulière à Kerjean, et, plus tard mais très simplifiée et sans arcades, à celles de Bodilis et de Plouzévédé (1771).» (R. Couffon 1948)
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Pourtant, à Sizun, quatre colonnes corinthiennes séparent les trois arcades de la porte monumentale (vers 1588) .
"À Sizun vers 1588 l'arc de Sizun également de style classique, est composé de trois arcades, en plein cintre et à claveaux rustiques, séparées par des colonnes corinthiennes. Celles-ci supportent un entablement correspondant à la coursière, qui subsiste et a conservé sont autel et son petit calvaire.. L'ensemble, bien qu'un peu lourd et de proportions moins bonnes que l'arc de Berven, ne manque cependant pas de caractère monumental et est le meilleur spécimen des portails complets de style classique subsistants en Léon." (R. Couffon)
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L'arc de triomphe de Lampaul-Guimiliau, avec sa seule arcade, dispose aussi de deux colonnes corinthiennes.
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On comparera encore cette porte monumentale de Saint-Thégonnec avec l'entrée du château de Kerjean en Saint-Vougay, avec ses deux arches inégales et sa galerie couverte reliant la chapelle et la chambre des archives. Les deux portes (cochère et piétonne) sont flanquées de trois pilastres doriques cannelées, reposant sur des bases en saillie.
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L'arcade principale de la porte (1652) de l'enclos d'Argol, en Presqu'île de Crozon, est également encadrée par deux pilastres cannelés
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À la chapelle Notre-Dame de Berven en Plouzévédé, l'arc de triomphe a été réalisé entre 1575 et 1580 par l'atelier de Kerjean. Trois larges arcades en plein cintre, séparées par des colonnes corinthiennes, supportent une plateforme dont le couronnement n'a pas été achevé ou a été détruit.
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L'arc de Guimiliau, très modeste, est une large porte à arcade, surmontée d'un fronton courbe : une Vierge à l'Enfant le domine, entourée des deux cavaliers provenant d'un calvaire. Il est attribué (Le Seac'h) au Maître de Saint-Thégonnec, auteur du calvaire éponyme en 1610. Il est dépourvu de colonnes.
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Très simple, sans colonne, mais à trois arches est l'arc de triomphe de Plounéour-Ménez.
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Enfin, l'arc d'entrée de La Martyre n'est citée que pour mémoire, puisque ce monument du début du XVIe siècle (v. 1520) est de style gothique flamboyant.
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Après ce tour d'horizon comparatif, reprenons notre visite. Remarquons par exemple six niches à coquilles dépourvues de statues, mais aussi les canons qui font office de gargouilles, et qui sont plus habituels au sommet des tours de nos clochers.
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Dans la niche centrale, Dieu le Père tient l'orbe. Kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589.
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Dieu le Père coiffé de la tiare, barbu, vêtu de la chape sur une tunique plissé, bénit le globe, bien installé sur son nuage.
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L'Ange de l'Annonciation. Kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589.
"La présence d'un groupe de l'Annonciation sur l'arc de triomphe est-elle symbolique ? Il est difficile de se prononcer à ce sujet, La Martyre étant dédiée à Notre-Dame et Saint-Thégonnec à Notre-Dame-du Vrai-Secours. Cependant, le fait que ce groupe surmonte certains porches, tels ceux de Pleyben, dont l'église est dédiée à Saint-Germain, ou de Bodilis, et que sur d'autres, tels que Landivisiau, où il n'y a pas d'arc de triomphe, on trouve l'invocation Memento Mei Mater Dei Pax Vobis parait en faveur d'un symbole. On sait que les prières de l'Annonciation sont une invocation à Dieu qui s'est incarnée dans le sein de la sainte Vierge : Omnipotens sempiterne Deus, qui terrenis corporibus verbi tui veritatem per venerabilem Mariam conjungui voluisti, petimus immensam clementiam tuam ut quod in ejus veneratione deposcimus, te propiciante, mereamur consequi." (R. Couffon)
"Saint-Thégonnec s'offre le luxe de deux Annonciations. La première est à l'entrée de l'enclos sur la corniche de la porte monumentale. La date de 1589, inscrite au bas du pupitre de la Vierge, de même que le style quelque peu fruste de la sculpture indiquent que l'oeuvre, qui fut commandée au temps du fabrique F. Mazé, est de la main de l'émule anonyme du Maître de Guimiliau." (Y.-P. Castel 2001)
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Les deux personnages de l'Annonciation sont installés un peu à l'étroit entre deux piliers cannelés, comme s'ils n'occupaient pas leur place initiale.
Nous parvenons mal à lire l'inscription du socle : F : MAZE. Elle a été relevée par Y.-P. Castel .
Ce possible François Mazé était un donateur (ou le fabricien), et il appartenait peut-être à la même famille que Jean Mazé qui, avec son épouse Jeanne Inizan, ont offert la statue de saint Jean sculptée en 1625 pour la niche gauche du porche.
La date de 1585 est trop précoce pour trouver mention de ce François Mazé dans les registres paroissiaux. À défaut, voici une Françoise Mazé née vers 1585 à Saint-Thégonnec.
L'archange Gabriel, qui fléchit le genou en signe de salutation, est vêtu d'une tunique plissée bouffante au dessus d'un cordon dissimulé. Sur cette tunique s'entrecroisent deux bandes dont je ne comprends pas l'utilité. La main droite (qui faisait le geste de salutation) est brisée, tandis que la main gauche tient le bâton ou rouleau sur lequel s'enroule un phylactère. Nous devinons son texte : AVE GRATIA PLENA.
Le visage, encadré par une chevelure frisée en boules (comme au bon vieux temps des anges du Maître du Folgoët au XVe siècle), est peu expressif, avec son front lisse, sa petite bouche triste, et ses yeux éteints. Ceux-ci, en amande, sont ourlés d'une paupière, signe qui distingue l'Émule du Maître de Guimiliau.
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Annonciation (kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589), porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Annonciation (kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589), porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge de l'Annonciation (kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589).
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Annonciation (kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589), porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Annonciation (kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589), porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Annonciation (kersanton, Émule du Maître de Guimiliau, 1589), porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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COMPARATIF DES ANNONCIATIONS.
On remarquera que ces Annonciations sont souvent placées, comme ici à Saint-Thégonnec, sous un Père Éternel (Rumengol, calvaire de Pleyben, etc.).
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Annonciation du calvaire de Tronoën vers 1450.
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Le Faou, Porche de Rumengol.
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Landrévarzec, chapelle de Quilinen, tympan du porche.
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Groupe de La Martyre : les statues sont posées de chaque coté de l'arc triomphal.
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Pencran, contre un pilier à l'intérieur de l'église.
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Pleyben, porche sud, kersanton, atelier des Prigent vers 1555.
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Calvaire de Pleyben (kersanton, Prigent, 1555).
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Annonciation du calvaire de Plougonven, Prigent 1554.
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Annonciation du calvaire de Plougastel, Maître de Plougastel, 1602-1604.
https://www.lavieb-aile.com/2020/04/la-fin-d-une-epidemie-le-calvaire-monumental-de-plougastel.html
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Groupe de Bodilis, dans les niches du grand porche sud de Bodilis. Ange Gabriel :Maître de Plougastel, vers 1610. Vierge : Roland Doré.
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A Bodilis, Roland Doré a sculpté à part le vase fleuri enrubanné des paroles de la Vierge : Ecce ancilla Domini [fiat mihi secun]dum verbum tuum.
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Porche de Saint-Thégonnec, Roland Doré, vers 1625-1630.
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L'inscription en breton. Granite de Plounéour-Ménez, 1587.
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Elle est de lecture ingrate, car elle est gravée sur le granite (et non sculptée en réserve sur le kersanton mieux résistant à l'altération), et qu'elle est répartie sur trois blocs de pierre en situation orthogonale, ce qui ne permet pas le meilleur éclairage, à jour frisant.
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1. Sous l'ange Gabriel :
ITRON MARIAG
VIR SICOVRNI : H
Nota bene : la lettre H a échappé à de nombreux auteurs, elle se poursuit sur le deuxième blog (HO).
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Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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2. Sur l'entablement.
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O : PET : HVANT/EC : DON ; RECO[VR]/ [-] / HVI : EN : QVE[NT]AF : ADVOCAD
(je n'ai pu vérifier l'exactitude de la ponctuation par les deux-points) .
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Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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a) du coté gauche :
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O : PET : HVANT
EC : DON : RECO
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Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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b) Du coté droit :
VR HVI : EN : QVE
NTAF : ADVOCAD
La lecture de la partie gauche est fondée sur les témoignages du chanoine Abgrall, car je ne la déchiffre pas, sous l'éclairage de mon cliché.
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Y.-P. Castel a lu
HVI ENQVE
AF ADVOCAD
et restitue les lettres manquantes : RECO // [VR] HVI ENQVE[ENT]AF ADVOCAD/ES EVIT
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Le relevé d'Abgrall publié par F. Loth puis E. Ernault (cf. Infra) semble très précis, mais comporte plusieurs erreurs ou lacunes.
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Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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c) Au centre : La date de 1587 entourée du chariot et du cerf de saint Thégonnec.
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1587 : §- (il reste à déchiffrer les deux signes qui suivent le deux-points, là où Castel parle d'une sorte de hache).
La légende du cerf de saint Thégonnec est rapportée par Quiniou ; on retrouve le motif du chariot rempli de pierres pour la construction de l'église sous la statue du saint patron de la paroisse, en haut du porche sud, ainsi que sur la niche à volet de l'intérieur de l'église, bas-coté nord.
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Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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3. Sous la Vierge.
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ES EVIT : PECH
ER : HA : PECHEREZ
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Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Inscription, (granite de Plounéour-Ménez, 1587), de la porte monumentale de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Au total, cette inscription se lit ainsi : Itron Maria gvir sicovr ni ho pet hvantec don recovr hvi en quentaf advocates evit pecher ha pecherez.
qui est transcrite ainsi pour souligner la versification:
Itron Maria gvir sicour
ni ho pet huantec don recour
hui en quentaf advocatez
evit pecher ha pecherez
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"Dame Marie de Vrai-Secours
De tout cœur à vous nous avons recours.
Vous êtes première avocate
Du pécheur et de la pécheresse"
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Qui est "Dame Marie de Vrai-Secours ?"
Sainte Marie du Vrai Secours, ou Notre-Dame du Vrai-Secours, est invoquée ou vénérée à diverses lieux et sous des vocables ou tournures bretonnes proches, telles que Itron Varia wir sikour, , Itron Varia 'wir Zikour, Itron Varia vir Zicour, etc.
Dans le Finistère.
-Elle est sans doute assimilable à Notre-Dame du Bon Secours, qui était vénérée à la chapelle de Pont-Christ. Cette chapelle étant tombée en ruine, la statue est conservée en l'église de La Roche-Maurice.
https://www.lavieb-aile.com/2017/09/le-retable-de-notre-dame-du-bon-secours-eglise-de-la-roche-maurice-29.html
-On sait qu'en 1518, Tanguy du Chastel avait fondé à Landunvez, au bourg de Kersent, la collégiale Itron-Varia-Vir-Zikour, desservie par 6 chanoines.
http://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/76512f46e94362f54f58a48512632e86.pdf
Abbé J.M. Gueguen, Landunvez en 1685, BDHA 1924
- À Pleyben, existe la chapelle Notre-Dame-de-Vrai-Secours à Guenily
https://www.lavieb-aile.com/2019/08/la-chapelle-de-guenily-en-pleyben.html
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-notre-dame-de-vrai-secours/a3d69028-8bf1-4168-b0f6-0611b06da852
-À Ploéven, la chapelle Saint-Nicodème renferme une statue en bois du XVIIe siècle de Itron Varia a Sikour.
https://www.lavieb-aile.com/2019/06/ploeven-xii-chapelle-saint-nicodeme-les-statues-de-la-vierge-et-de-saint-nicodeme.html
Chapelle Notre Dame de Bon Secours Quéven Chapel Itron-Varia Gwir-Sikour Kewenn vallée du Scorff
https://www.queven.com/wp-content/uploads/2018/11/2_ND_de_Bon_secours_Queven.pdf
Saint-Nicodème à Ploéven
https://books.google.fr/books?id=iL9HAQAAMAAJ&pg=PA242&lpg=PA242&dq=%22Varia+gwir+sikour%22&source=bl&ots=KNgH9cpscL&sig=ACfU3U24mOOIOq7TZii13BVxOGE3bt7nCw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwj_ydn2ufnuAhX14uAKHXF0D384FBDoATAHegQICBAD#v=onepage&q=%22Varia%20gwir%20sikour%22&f=false
- À Pont-L'Abbé, le retable de la chapelle Saint-Jacques de l'église Notre-Dame des Carmes lui est dédiée avec l'inscription Itron Varia gwir Zicour pedit evidomp.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:074_Notre-Dame_des_Carmes_Autel_et_retable_de_la_chapelle_Saint-Jacques.JPG
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Côtes d'Armor.
On trouve là le célèbre pardon Itron Varia Gwir Sikour de la basilique de Guingamp, institué en 1650.
À Plounez en Paimpol a lieu également un pardon qui lui est dédié.
https://saint-brieuc.maville.com/actu/actudet_-paimpol.-pardon-de-plounez-la-procession-en-video_5-3241251_actu.Htm
Dans les autres départements, l'enquête pourrait être plus approfondie, je ne citerai que la chapelle Notre-Dame de-Vrai-Secours de Plouay (56), datant de la 1ère moitié du XVIe, la chapelle Notre-Dame de Bon Secours (Itron Varia Gwir-Sikour de Quéven (vallée du Scorff), et la statue de l'église de Pluviner.
http://www.pluvigner.fr/eglise-paroissiale-saint-guigner/
https://www.queven.com/wp-content/uploads/2018/11/2_ND_de_Bon_secours_Queven.pdf
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-notre-dame-de-vrai-secours/c87a19d4-b466-4646-9762-dbc022fa4a09
Voir plus largement:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Notre-Dame-de-Bon-Secours
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Étude linguistique.
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1°) Cette inscription a été étudiée par Emile Ernault dans L'ancien vers breton, exposé sommaire, H. Champion 1912, dans son paragraphe 36.
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_163/LAncien_Vers_Breton__.pdf
Ernault §36.
« Mais il y a aussi des quatrains sur 2 rimes plates, où toutes les rimes internes sont indépendantes. Telle est l'inscription de Saint-Thégonnec, datée de 1587, en caractères épigraphiques. Tous les u sont écrits v, et la plupart des mots séparés par deux points.
M. Loth l'a transcrit et traduit ainsi (Annales de Bretagne, XI, 272) :
Itron Maria vir sicour
Ni o pet huantec don recour
Hui en quentaff advocades
Evit pecher ha pecheres.
« Madame Marie de vrai secours, nous vous prions ardemment de nous secourir, vous en premier avocate pour pécheur et pécheresse ».
Mais la rime et la grammaire exigent qu'on coupe les syllabes MARIA :
Itron Mari a a vir si-cour.
Vir ou wir est une mutation de guir amenée par la préposition a, et notée exceptionnellement ; cf. la rime de maru mort (marv ou marw) à mar gwenn si blanc (marv-enn ou mar w-enn), Mirouer, 316.Ilest très probable aussi que le 3ème vers veut dire : "Vous êtes la première avocate". Voir Rev. Celt. XVIII, 310-312 et plus loin §38."
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E. Ernault écrit effectivement dans son §38 un passage qui nous concerne:
"Les Heures (*) ont plusieurs vers de 9 syllabes, par exemple p. 45 :
Huy so en pep stat ad-uocad-ez
Eguit pep pechezr ha pechezrez
"Vous êtes de toute façon avocate pour tout pécheur et toute pécheresse."
Le premier vers peut n'avoir que 8 syllabes à cause de la rencontre des voyelles dans so en. C'est une variante, mieux rimée, de l'inscription du §36. Il y en a encore une, page 170 du Doctrinal (**):
Da pep pec'hezr ha pec'hezres
Ezeo haznad Advocates
"À chaque pécheur et pécheresse, elle est, comme on sait, avocate"
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(*) Les Heures bretonnes à l'usage de Quimper de Gilles de Kerampuil, v.1535 ?, curé de Cléden-Poher et chanoine de Carhaix, auteur du premier catéchisme en breton publié à Paris en 1576. Publiées selon Ernault à Calcutta par Whitley Stockes avec un glossaire et une traduction sous le titre Middle-Breton Hours en 1876.
(**)Le Doctrinal ar christenien est un recueil de cantiques publié par Malassis à Brest en 1688. (Selon J.-F. Courouau, les approbations datées de 1645 et 1646 peuvent faire penser à une édition antérieure réalisée dans l'atelier de Georges Allienne à Morlaix)
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2°) Emile Ernault me met sur la piste de l'article de M. Loth en 1896, Annales de Bretagne XII p.271-272, L'inscription bretonne de Saint-Thégonnec.
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"M. Pol de Courcy dans son volume De Rennes à Brest, p. 282, a lu et traduit ainsi qu'il suit l'inscription bretonne qui se trouve sur l'arc de triomphe à l'entrée du cimetière de Saint-
Thégonnec :
Itron Maria a guir sicour, ni o ped
C'huantec da récéo or hégen guenta
Advocates evit péc'her a péc'hérés
« Madame Marie de Bon-Secours, nous vous prions avec ardeur de recevoir notre premier bœuf , avocate pour le pécheur et la pécheresse. »
Ce don d'un bœuf et surtout d'un premier bœuf à la Vierge était passablement étrange, sans parler du breton qui ne pouvait être du XVIe siècle, époque de l'inscription. M. l'abbé Abgrall, l'archéologue bien connu, qui, comme il me l'écrit, s'était souvent demandé ce que le premier bœuf avait à faire dans cette histoire, passant dernièrement à Saint-Thégonnec, a voulu en avoir le cœur net. Voici la copie qu'il a bien voulu m'adresser de l'inscription telle qu'elle se trouve disposée :
Itron maria vir sicour
Ni o pet huantec don recour
Hui en quentaf advocades
Evit pecher ha pecheres.
« Dame Marie de vrai secour,
Nous vous prions ardemment (1) de nous secourir
Vous en premier avocate
Pour pécheur et pécheresse. »
Recour est employé en moyen-breton dans le sens de sauver et guérir. C'est un substantif en même temps qu'un verbe.
En quentaff est également très connu en moyen-breton.
Bon nombre d'inscriptions bretonnes ont été mal lues, et, par conséquent, mal comprises. Personne ne serait plus capable que M. I'abbé Abgrall de les reviser.
(1) Huantec, écrit aujourd'hui à la léonarde, c'hoantec signifie proprement avec envie, avec zèle : c'hoantec er grinn, je le ferai avec grand plaisir."
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3°) On peut lire aussi l'article d'Emile Ernault "La particule bretonne en, ent, ez" dans la Revue Celtique de 1870 page 308-314 :
https://archive.org/details/revueceltique18pari/page/310/mode/2up
Je le transcris ici, comme pour les deux articles précédents, depuis la publication originale (ceux qui se sont livrés à ce genre d'exercice savent son ingratitude monacale et le temps qu'on y consacre ; ou aux risques qui y sont pris de laisser passer une erreur). Cela a le mérite de montrer comment nos ancêtres sont su être attentifs à la valeur documentaire de l'inscription de Saint-Thégonnec :
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"LA PARTICULE BRETONNE EN, ENT, EZ
I . Dans son livre De Rennes à Brest, M. Pol de Courcy avait publié et traduit ainsi l'inscription bretonne qui se trouve sur un arc de triomphe daté de 1587, à l'entrée du cimetière de Saint-Thégonnec (arrondissement de Morlaix, Finistère) :
Itron Maria a guir sicour, ni o ped,
C'huantec da récèo or hegen guenta
Advocates evit pec'her a pèc'hèrés.
« Madame Marie de Bon-Secours, nous vous prions avec ardeur de recevoir notre premier bœuf, avocate pour le pécheur et la pécheresse. »
M. l'abbé Abgrall s'était souvent demandé ce que venait faire là ce « premier bœuf », qui n'est guère, en effet, moins fantastique que les « loups-garous » de l'inscription de Bon-Repos (voir Mélusine, III, 92, 93 ; Revue Celtique, VII, 278, 279; IX, 289; Annales de Bretagne, II, 259, 260).
Pour tirer la chose au clair, le savant archéologue breton a pris le bon parti de voir l'inscription de Saint-Thégonnec, et d'en envoyer une copie à M. Loth, qui vient d'en publier dans les Annales de Bretagne, XII, 271, 272, un fac-similé suivi d'une transcription courante et d'une traduction ; voici ces deux dernières :
Itron maria vir sicour
Ni o pet huantec don recour
Hui en quentaff advocades
Evit pecher ha pecheres.
« Dame Marie de vrai secours — nous vous prions ardemment de nous secourir — vous en premier avocate — pour pécheur et pécheresse. »
Les changements opérés par la transcription ont consisté à substituer l' u voyelle au v épigraphique dans sicour, huantec, recour, hui, quentaf, et à séparer les deux mots hui et en, entre lesquels le signe : a été omis.
Ces changements sont justifiés, mais insuffisants. Si la langue exige qu'on coupe hvi : en, la versification ne demande pas moins impérieusement la leçon mari : a, ce qui donne au premier vers
Itron Mari a vir sicour avec rime intérieure régulière (Mari, si-cour).
Nous avons ici un nouvel exemple d'adoucissement noté dans l'écriture après la préposition a, contrairement à l'usage le plus général en moyen-breton (cf. Dict. étym., v. a 2).
Au 2ème vers, huantec est une nouvelle forme graphique de hoantec, désireux, ardent, les mots de cette famille sont écrits ainsi en moyen breton, sauf houantaat, désirer, houanta, il désire, dans les Middle-Breton Hours, 14, 15.
Au vers 3, la rime intérieure est constituée par deux syllabes du même mot, ad-vocad-es ; disposition relativement rare, cf. mon édition de Sainte-Barbe, p. vii; Rev. Celt., XIII, 233,237.
2. Le sens de ce 3ème vers me paraît être: « C'est vous la première avocate. » La forme en, combinaison de eu, e, c'est, avec an, le, la, les, est connue en breton moyen, on en trouvera trois exemples empruntés à trois sources distinctes, et un autre de la variante enn ,Dict. Etym., v. eu.
M. Loth dit que en quentaff « en premier » est « très connu en moyen-breton », ce qui me semble au moins exagéré. Je n'en ai noté aucun exemple. L'adverbe de quentaff était da quentaff, usité encore de nos jours : léon. da geñta, tréc. de géntañ, van. de getañ ; tandis que l'expression en quentaff n'a donné lieu à aucune forme moderne à moi connue. Je ne vois pas non plus qu'on ait jamais écrit * en eil comme en gall. yn ail, secondement; aujourd'hui on dit d'an cil, van. d'en eil.
Je ne nie pas la possibilité d'une locution adverbiale * en quentaff = gall. yn gyntaf; mais, jusqu'à ce qu'on en ait cité un exemple moins contestable, son existence me paraîtra douteuse. Comment une telle formule, qui fournissait aux poètes la précieuse ressource de deux rimes intérieures des plus commodes, en en ou ent, n'a-t-elle pas été plus souvent utilisée par eux, qui ont maintes fois mis da quentaff au bout de leurs vers ?
Ils avaient, en effet, pour la particule adverbiale, le choix entre les trois formes de même origine en, ent et ez (Gloss. moyen-bret., 2* éd., v. en 6).
3. Ce dernier point n'est pas admis par M. Loth, qui assimile ez au gallois ys, « il est », Chrestom. bret., 479 ; Rev. Celt., VIII, 16; XVII, 440, et même à ce dernier endroit l'écrit en conséquence es.
Je n'ai nulle part noté, ni vu noter avec référence cette variante *es, qui pourtant, si le mot est le v.-bret. is, devrait être, non l'exception, mais la règle.
Au point de vue du sens, le rapport signalé entre ez et le gallois ys n'a rien de convaincant, cf. Rev. Celt., XI, 356; des deux phrases galloises citées par M. Loth, il n'y en a qu'une où ys puisse être rendu en breton par ez, mais c'est une conséquence de la synonymie de deux expressions grammaticalement différentes: « oui, c'est vrai », et « oui, vraiment ». L'accord serait autrement étrange, s'il était fortuit, entre ez, particule ayant la propriété de changer un adjectif en adverbe, et ent, en, qui a exactement le même emploi ; cf. ent effn et ez effn, « directement »; enta et eza, « donc »; aujourd'hui en berr, em-berr et e-verr, « bientôt », etc.
Cette particule était en vieux-bret. int; c'est un cas de l'article, cf. Rev. Celt., II, 213 ; XV, 105, 106.
4. Quant au côté phonétique de la question, j'ai eu occasion d'en parler Rev. Celt., IX, 382; Zeitschrift für celtische Philologie, I, 42, 46; mais il n'est pas inutile d'y revenir.
Le breton conserve généralement devant t un ancien n, souvent nasalisé aujourd'hui. Pourtant cet n peut aussi tomber.
Dans les exemples cités Rev. Celt., XVI, 189, le son qui suivait nt est une voyelle; en voici où c'est r ou l ; moy.-bret. entre, et etre , auj. entre, et re; entroniez, « seigneurie », et ytron, « dame, maîtresse », léon. iñtroun et itroun, Grég., van. intron, l'A.; hetledan, « plantain », auj. hedkdan, vieux-bret. Haentletan = « voie large », comme en allemand Wegebreit, Gramm. Celtica, 2e éd., 1076, Zeitschr. f. celt. Philol., I, 19, 23.
En gallois ntr subsiste dans entraw, « maître, professeur », mais peut-être à la faveur d'une étymologie populaire d'après en +traw, cf. la décomposition de alltraw, « parrain », en all + traw, par M. S. Evans.
D'ordinaire, en cette langue, ntr donne thr : vieux-gall. ithr, entre ; mod. athraw, « maître, professeur. » M. Loth, Rev. Celt., XVII, 437, parait séparer ce mot de alltraw, qui répond au breton autrou, « maître », au XIIe siècle altro (Annales de Bret., VII, 243). Cependant il est bien difficile de ne pas identifier le moyen-breton Entroniez à son équivalent autroniez, et de ne pas voir dans iñtroun une formation voisine du vieux-breton eltroguen, « belle-mère », gall. elltreiwen, cornique altruan, avec le même changement phonétique que dans guëntle de guëltle, « grands ciseaux », Grégoire. La racine al, « nourrir, élever », permet de rendre compte des divers sens de ces mots. Le rapport d' athraw à alltraw rappelle celui du cornique kethel, « couteau », bret. moy. contell, auj. koñtel, du bas-lat. cuntellus, au cornique collel, gall. cyllell, de cultellus ; cf. en grec ----- etc. [1]
[I ]. On peut voir, sur athraw et intron, des explications différentes, Rev. Celt., XVIII, 239.
Un troisième traitement gallois de ntr consiste à faire disparaître le t: canrif, « siècle », de *cant-rim; canre, « suite, cortège », de *cant-reg, « à côté de » cathrain, « pousser, stimuler » (bret. moy. quantren, « fureur, » voir Gloss. moy.-bret., 2e éd., v. dazre), comme henllydan, « plantain », canlyn, canllyn, « suivre », en regard de cathl, mélodie = *cantlon, Rev. Celt., XVII, 443. Mais sans doute cette prononciation nr est due à l'influence analogique d'autres formes phonétiquement plus régulières, comme le simple can, gan, avec (bret.. gant').
Je crois qu'il en est de même du rapport des expressions ent effn et ezeffn en moy.-bret. La première est seule conforme à la phonétique ; l'autre est imitée de cas où ent, suivi de certaines consonnes, est devenu *elt, *eth, selon la règle qui a prévalu en gallois devant r et l.
5. Un autre mot où l'accord des deux langues sur ce point est difficile à nier est le bret. moy. et mod. ez dans ton = gall. yth, v.-irl. it_, de *in-t- ; ces formes se sont généralisées, même devant les voyelles.
On peut expliquer le bret. libour « petit lieu, poisson de mer », en haut Léon, D. Le Pelletier; m., en haut breton petit-lieu, espèce de merlan. Le Gonidec, comme une forme moderne de *libouzr, variante de *libountr = libontr « petit poisson de mer long de 5 ou 6 pouces, de la figure que l'on donne communément au dauphin, ou approchante », en bas Léon, appelé ailleurs touççec ar-môr, crapaud de la mer, Pel., liboñtr, m., Gon.
Le bret. moy. squezrenn, « éclat de bois », est parent du gall. moy. yskithyr, « dent, défense », qui est rapproché, avec doute, du lat. spinther, Z², 157. Ce dernier doit être tout différent; squezr- pourrait cependant venir de *squentr-, variante du bret. mod. skeltr, « éclat » (de bois, de pierre), skiltr, « éclat » (de la voix, des couleurs), etc. Mais ce n'est pas la seule explication possible; voir Gloss. moy. -bret, 2e éd., v. squezrenn, scoultr. »
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4°) Je remarque pour ma part qu' Émile Ernault, linguiste et philologue de Saint-Brieuc, ne mentionne que la forme quentaff . Or Abgrall a relevé "QVENTAF". Mais le début du mot est peu lisible aujourd'hui, et F. Quiniou a lu la forme QUENTEF. Cette lecture de Quiniou a été reprise (mais sans doute pas vérifiée) par R. Couffon, par André Mussat en 1995 et par Michel Maury en 1997.
Il serait intéressant de vérifier cette graphie, car quentef serait alors une forme non attestée ailleurs de quentaf "premier, première", —qui est elle-même, on l'a vu, une forme ancienne de Gentan, Kentan, Ch'entan (Le Gonidec 1847 ; Favereau 2015) — .
Si on admet la graphie quentaf, il faut remarquer qu'elle se retrouve dans le Mirouer de la mort publié par Ernault en 1914, et dans le Burzud braz Jezuz publié par La Villemarqué sous le titre "Le grand mystère de Jésus-Christ" en 1865. On le trouve encore, dès le titre, dans la "Vie de saint Gwénolé, premier abbé de Landévennec", An Buhez sant Gwenolé Abat quentaf [kentaf] eus a Lantevennec, rédigé à peu près en même temps que le Mirouer (Y. Le Berre) et publié par Ernault en 1932. Ou bien dans la "Vie de Sainte Nonne" Buhez santez Nonn, et dans la Vie de sainte Barbe Buhez Sante Barba (1557).
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Mais auparavant, elle se trouve dans le Catholicon : Qu~etaff [Quentaff], "premier". Or le Catholicon, premier dictionnaire trilingue breton-français-latin a été rédigé par Jehan Lagadeuc en 1464. Ce dernier était prêtre de la paroisse de Plougonven et serait né soit à Plougonven soit à Morlaix.
http://www.catholicon.net/catholicon/catholicon-kemper/catholicon170.htm
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9067008f/f1.item
On retrouve le terme quentaff dans l'édition du Catholicon d'Yvon Quilleveré de 1521 :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k122841f/f261.item
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Le Mirouer de la mort (1519-1575) est un poème en langue bretonne de 3602 vers de préparation à la mort. Son original supposé (dont le manuscrit n'est pas conservé) a été écrit par "Maestre Iehan an Archer Coz" de Plougonven. Il a été publié en 1575 au couvent de Saint- François de Cuburien à Morlaix.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6528263n
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6528263n/f305.item.r=quentaf
https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1932_num_40_1_1687
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Le Grand mystère de Jésus-Christ est un drame breton. Voir La Passion et la Résurrection bretonnes de 1530 publiées par Yves Le Berre d'après l'édition d'Eozen Quilliveré (BnF RES. Yn.11), CRBC, 2011. Eozen ou Yves Quillivéré est l'éditeur du Catholicon de 1521. L'édition de 1622 de cette Passion a été publiée par Georges Allienne de Morlaix, et corrigée par Tanguy Guéguen, prêtre et organiste natif du Léon.
Le terme quentaf y est présent 44 fois
https://books.google.fr/books?id=VfQIAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
https://archive.org/stream/legrandmystrede01villgoog/legrandmystrede01villgoog_djvu.txt
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An Buhez sant Gwenolé
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/333e8af0159ca3bd1483ac6f51bdea5a.pdf
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/pdf_2015_10_01/lancien_mystere_de_saint_gwenole__emile_ernault_.pdf
https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1932_num_40_1_1687
Le Buhez Santez Nonn
https://books.google.fr/books/about/Buhez_santez_Nonn_ou_Vie_de_sainte_Nonne.html?hl=es&id=w6wOAAAAQAAJ&redir_esc=y
On trouve les 2 formes quentaf et quentaff.
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Le Buhez Sante Barba.
La première version en breton du Mystère de sainte Barbe a été imprimée à Paris en 1557 pour Bernard de Léau habitant à Morlaix. Une édition de 1608 a été publiée à Saint-Malo, puis a été publiée une édition de 1647. Yves Le Berre en a donné une traduction annotée (CRBC 2018).
La recherche par mots trouve 94 fois "quentaff".
https://archive.org/stream/LeMystreDeSainte-barbe/breton_barbe_mystere_djvu.txt
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736792/f10.item
https://www.brezhoneg.org/fr/livres/buhez-sante-barba-vie-de-sainte-barbe-de-1608
On trouve aussi la forme aduocades, "avocate".
https://books.google.fr/books/about/Buhez_santez_Nonn_ou_Vie_de_sainte_Nonne.html?hl=es&id=w6wOAAAAQAAJ&redir_esc=y
Dans l'Eloge funèbre de Nicolas Claude Fabri de Péreisc rédigé en moyen-breton tardif (1638) et , la forme quentaff est mutée en quenta
https://www.persee.fr/docAsPDF/ecelt_0373-1928_1979_num_16_1_1629.pdf
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Bien que cette recherche n'ait été que survolée, nous voyons que l'inscription versifiée bretonne de Saint-Thégonnec, précisément datée de 1587, utilise des formes qui se retrouvent dans d'autres poèmes bretons contemporains de celle-ci, et parfois rédigés dans le Léon, comme le Mirouer rédigé à Plougonven (20 km de Saint-Thégonnec) et publié à Morlaix (12 km de Saint-Thégonnec). Maps.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1914, Architecture bretonne. Etude des monuments du diocèse de Quimper, A. de Kerangal Quimper.
https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/f20eb990fd763d232327db92aeeb6869.pdf
— ABGRALL (Jean-Marie) 1916, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments recueillies par M. le chanoine Abgrall (suite), Bulletin de la Société Archéologique du Finistère page 99.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077197/f160.item.zoom
— ABGRALL (Jean-Marie) 1898, "Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère", par M. l'abbé J.-M. Abgrall. Congrès archéologique de France : séances générales tenues à Morlaix et à Brest ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques Société française d'archéologie. Derache (Paris), A. Hardel (Caen) 1898 page 157.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k356651/f224.item
— CASTEL ( Yves-Pascal), 1956, Saint-Thégonnec, Renaissance du Haut-Leon, collection Reflet de Bretagne , ed. Jos Le Doaré
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_137/Saint_Thegonnec_Renaissance_du_Haut-Leon_.pdf
— CASTEL ( Yves-Pascal), 2001, Les anges dans les églises, Revue Minihy-Levenez n° 71-72, reproduit dans Patrimoine du Finistère.
http://patrimoine.du-finistere.org/art2/ypc_anges.html
— COUFFON (René), 1948, "l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
De part et d'autre, ainsi qu'à La Martyre, se voit le groupe de l'Annonciation. Inscription bretonne sur la frise : " ITRON : MARIA : VIR : SICOUR / NI : O : PET : HUANTEC : DON : RECOUR :/HUI : EN : QUENTEF : ADVOCADES/EVIT : PECHER : HA : PECHEREZ/1587. " (Dame Marie du Vrai Secours, nous vous prions ardemment de nous secourir, vous la première avocate pour pécheur et pécheresse.)
https://www.shabretagne.com/document/article/2612/de-l-honneur-et-des-epices.php
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de SAINT-THEGONNEC,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon,
http://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/1039.
— ÉLÉGOËT (Louis), 1996, Les Juloded Grandeur et décadence d'une caste paysanne en Basse Bretagne, Presses Universitaires de Rennes. 299 p.
https://books.openedition.org/pur/11548?lang=fr
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
— QUINIOU (François), 1909, Saint-Thégonnec. L’Église et ses annexes F. Paillard, 1909.
https://fr.wikisource.org/wiki/Saint-Th%C3%A9gonnec._L%E2%80%99%C3%89glise_et_ses_annexes/Texte_entier
— QUINIOU (François), 1929, “Saint-Thégonnec : une paroisse bretonne sous la Révolution,” Presses libérales, Brest, 232 p.
http://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/3696
— ROUDAUT (F.) (dir.), 1998, Saint-Thégonnec. Naissance et renaissance d'un enclos, Brest, CRBC, 183 p.
— SPREV
http://www.sprev.org/centre-sprev/saint-thegonnec-enclos-paroissial-de-saint-thegonnec/
.
Wikipedia Liste des œuvres du Maître de Guimiliau
https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_the_works_of_the_Ma%C3%AEtre_de_Guimiliau