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27 mars 2023 1 27 /03 /mars /2023 10:56

Les armoiries  ducales (v.1508) de l'extérieur de l'église Notre-Dame de Grâces (Côtes d'Armor). Les sculptures des façades.

 

Voir sur l'église Notre-Dame de Grâces :

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PRÉSENTATION.

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Je renvoie, pour la présentation de l'église, aux articles et notices de François Merlet et de Philippe Bonnet. Je note, pour ce qui concerne mon sujet, que la date de construction de la chapelle est connue avec précision (1507), et que tous les auteurs mentionnent la double influence à sa fondation de l'Ordre des Franciscains, et d'Anne de Bretagne.

"Un franciscain de Guingamp ayant bâti vers 1500 au village de Beuzit une petite loge en forme d´oratoire, les gouverneurs de la trève de Saint-Michel en Plouisy décident d´édifier une chapelle dont la première pierre est posée le 12 mars 1507. Anne de Bretagne, de passage à Guingamp en septembre 1505, prend certainement une part importante dans le financement du chantier, qui apparaît exceptionnellement rapide : une inscription sur la sablière atteste que la charpente est posée le 5 février 1509. Selon une notice manuscrite du 17e siècle, le frère Pierre Bilsic, profès du couvent des franciscains, joua un rôle déterminant dans l´entreprise. " (P. Bonnet)

"l'église Notre-Dame-de-Grâces (1506), œuvre de l'architecte Pierre Bilsic (cordelier du couvent de Guingamp, décédé le 12 février 1518), construite par Jean Bellec au village de la Boissière sur l’emplacement d’un ancien oratoire (sur les terres du seigneur de Kerizac ou Kerisac) et à proximité d'une fontaine de dévotion. La première pierre est posée le 12 mars 1506 et la charpente le 5 février 1508. La porte Sud-Est de l'édifice date de 1505-1520 : elle représente la scène de l'Annonciation. La sacristie date du XVIIème siècle"

Les éléments principaux du décor sculpté des élévations ouest et sud sont  de trois types : soit héraldiques ( et ducales au dessus des deux portails sud), soit animalier (avec une quasi exclusivité du lion [celui de Montfort?] retrouvé entre autres sur les crossettes), soit franciscain, puisque certaines gargouilles représentent des moines cordeliers.

Tout cela a été décrit, mais il manquait une description détaillée de ces éléments sculptés basée sur une documentation photographique également détaillée : c'est la raison de cet article.

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LA FAÇADE SUD.

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"La façade méridionale, richement traitée, présente une succession de cinq pignons dont les rampants sont garnis de choux frisés. Les contreforts s´ornent de niches à dais dans la tradition cornouaillaise, comme ceux de la tour, et sont surmontés de gargouilles à sujets satiriques.

La travée occidentale, correspondant à la sacristie, plus récente que les autres, s´en distingue par une introduction du répertoire décoratif de la Renaissance : pilastres ornés de losanges et candélabres se mêlent aux arcs en accolade du gothique tardif. Au rez-de-chaussée, ses fenêtres ouest et sud, rectangulaires, sont protégées par des grilles en fer forgé ornées de lys et d´hermines.

Les pignons correspondant aux première et troisième travées du bas-côté sont percés de portails en arc brisé encadrés par des pinacles.

-Le premier à l´ouest, décentré vers la droite, reprend le parti du portail occidental, mais avec seulement deux ressauts ornés de frises de feuillage. Il est surmonté d´un monumental motif héraldique composé de deux lions portant un écu semé d´hermines et sommé du casque des Montfort, se détachant sur un fond de cordelières.

-Le second, désaxé vers la gauche, a une voussure à ressauts simplement moulurés, également surmontée des armoiries ducales. La porte a conservé ses vantaux sculptés du début du 16e siècle illustrant l´Annonciation. Au-dessus est percée une rose à huit lobes. " (Philippe Bonnet)

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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LE PIGNON DE LA PREMIÈRE TRAVÉE DE LA NEF ET LE PORTAIL PRINCIPAL. ARMOIRIES D'UN DUC DE BRETAGNE.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Description.

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Au dessus d'une porte à accolade, fleuron et pinacles, une corniche sculptée d'une vigne forme un cadre qui accueille le complexe héraldique réparti sur 16 blocs de pierre.

Les supports sont deux lions léopardisés, présentant un écu d'hermines plain réparties 4, 3, 2,1. L'écu est suspendu par une courroie à un heaume de face.

De ce heaume parte les lambrequins qui encadrent le cimier lequel figure un lion. Celui-ci voit son postérieur enrubanné par une banderole qui portait certainement une inscription peinte (car, bien entendu, tout  ce décor était polychrome) d'une devise ou "mot".

De chaque côté se trouvent sept cordelières dont six complètes : la corde toronnée forme un huit rythmé de quatre nœuds de capucin avant de s'achever par des glands de passementerie. La cordelière est maintenue dans sa boucle supérieure par des sortes de crochets ou pontelets, elle est "ferrée". Ces crochets ne sont pas retrouvés sur les autres représentations de cordelières, où le sommet de la boucle est occupé par le troisième mœud de capucin.

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Discussion.

 

Le complexe héraldique de Notre-Dame de Grâces  peut être comparé celui  d' autres édifices, plus anciens, relevant du mécénat ducal des Montfort, à commencer par celui de Jean V en la collégiale du Folgoët (1423) et sur les portails de la cathédrale de Quimper.

Voir par exemple sur les porches de Bretagne  :

 

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À Quimper,  les armoiries du duc dominent le portail ouest, et celle de la duchesse le portail sud. Au Folgoët, ces blasons (effacés) sont accompagnés de l'hermine au naturel passant par les spires du mot "A ma vie" tout comme sur les sablières de Quimperlé, tandis qu'à Quimper le même "mot" figure plusieurs fois ; le blason ducal est sommé du lion des Montfort tandis que le blason losangique de la duchesses est coiffé par l'hermine au naturel et colleté.

Ici, l'hermine au naturel est absente,  et sur la banderole du cimier l'inscription est effacée , mais le lion est bien présent. Surtout, les cordelières sont largement représentées, rappelant, soit l'ordre des Franciscains et la cordelière de leur habit, soit le duc François II et sa fille la duchesse Anne. Mais ces cordelières ne sont retrouvées que sur le portail principal, aux armes du duc, et non associées au blason losangique et féminin du deuxième portail.

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La cordelière a été une devise employée chez les Montfort avant qu’Anne de Bretagne n’en fasse un usage systématique. Comme souvent chez les princesses et, à plus forte raison chez les héritières, Anne reprend en grande partie la panoplie emblématique de son père et de ses prédécesseurs. La cordelière apparaît déjà sur une miniature datée de 1464 et figurant Isabelle Stuart et ses deux filles présentées par leurs saints à une Vierge de piété. La duchesse, veuve depuis quatorze ans, est présentée par saint François d’Assise, patron de son époux pour lequel on lui connaît une grande dévotion, et ceinte de la cordelière des Franciscains.  Isabelle Stuart reçoit, comme saint François, sous forme de rayons rouges, les jets de sang provenant des plaies du Christ.

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C'est, pour les franciscains, un symbole d’humilité dont les trois nœuds rappellent les vœux des frères – pauvreté, chasteté, obéissance. Mais c'est aussi un rappel de la riche symbolique du lien , ou de celle de la corde évoquant le mot concorde.

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Si on admet l'hypothèse que le projet d'édification de la chapelle a été encouragé et financé par Anne de Bretagne lors de  son passage à Guingamp en 1505, peut-être en raison de l'attachement des ducs de Bretagne, et des ducs François Ier puis François II, aux franciscains,  on peut penser que le programme héraldique a été conçu dès cette année-là. Elle est alors duchesse de Bretagne depuis 1489, et reine de France depuis 1491,  veuve de Charles VIII et épouse de Louis XII depuis le 18 novembre 1504. Le duc de Bretagne est donc, en 1505 et pendant la construction de la chapelle de 1507 à 1509, le roi Louis XII. On s'étonne donc de ne pas trouver, au dessus du portail principal, les armes de France, et sur le portail secondaire, les armes de France en alliance avec celle de Bretagne. [Certes  on trouve une fleur de lys sur le remplage de deux baies, mais cela n'a aucune valeur héraldique]. Ces armes en alliance apparaissent tant sur une enluminure de Jean Bourdichon des Epistres en vers françois où Anne de Bretagne siège devant une tenture à cordelières que sur le frontispice des Grandes Heures d'Anne de Bretagne.

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Epistres en vers François, Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, Fr. F. v. XIV, 8, fol. 58v° , vers 1500 par Jean Bourdichon. Tenture aux cordelières, écu de France et Bretagne couronné et entouré de la cordelière, initiales A.

 

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On remarquera aussi l'absence de couronne...  à la différence de ce fronton du château d'Amboise.

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Château d'Amboise : armoiries de France et de Bretagne, cordelière, et couronne.

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Ou à la différence du frontispice des Grandes Heures :

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Grandes Heures d'Anne de Bretagne (1503-1508) folio 1.

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Faut-il admettre qu'Anne de Bretagne ait affirmé ici son pouvoir de duchesse et son autonomie en rendant un double hommage à son père François II, d'une part en rappelant haut et fort l'attachement de sa famille à saint François d'Assise et à son ordre, d'autre part en plaçant ses armes de duc sur le portail principal ?

Ou bien faut-il penser qu'elle ait placé à Notre-Dame de Grâces les armes de son père et de sa mère ? C'est précisément entre 1502 et 1507 qu'elle fait sculpter par Michel Colombe le tombeau et les gisants de François II et de Marguerite de Foix. Autour du monument, la Prudence est ceinte de la cordelière. Aux pieds du duc, un lion présente les armes d'hermines plain, mais le blason est couronné. Aux pieds de la duchesse, et présenté par un lévrier, le blason est losangique, ceint de la cordelière, mais mi-parti et couronné.

 

 

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

 

 

Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Le cimier : un lion portant une banderole.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Détail du culot ou dais au dessus du cimier.

Ce cliché montre les entrelacs de la frise de vigne, discret rappel de ceux de la cordelière.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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LE PIGNON DE LA TROISIÈME TRAVÉE DE LA NEF ET LE PORTAIL SECONDAIRE (1505-1520). ARMOIRIES D'UNE DUCHESSE  DE BRETAGNE.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Description.

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Le portail est, comme le précédent, à accolade gothique scandée par des choux frisés, et à pinacles supportant une corniche . Mais le complexe héraldique est au sommet de l'accolade, en guise de fleuron.

Sur le contrefort, une niche à dais gothique, supporté par un ange à philactère, est vide. On peut imaginer que s'y trouvait, comme au portail sud de la cathédrale de Quimper, une statue de sainte Catherine.

La porte en bois est sculptée d'une Annonciation, et cette annonce divine d'une grossesse et de la naissance d'un fils est, bien entendu, très importante au cœur d'Anne de Bretagne, qui a perdu ses deux premiers enfants (Charles-Orland en 1495 et Charles en 1496).

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Ce sont à nouveau deux lions léopardisés qui servent de tenants au blason ; celui-ci est losangique et son titulaire est donc une femme, et ses meubles ont été buchés. Mais ce qu'il reste des hermines permet d'affirmer qu'il était d'hermines plain, sans partition. Après tout, ne seraiut-ce pas une couronne qui le coiffe ? Difficile d'en être sûr.

Puis viennent les deux lambrequins entourant un lion de face.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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La niche du contrefort et l'ange de son culot.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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LE PIGNON DE LA SACRISTIE (XVIIe siècle)

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"La travée occidentale, correspondant à la sacristie, plus récente que les autres, s´en distingue par une introduction du répertoire décoratif de la Renaissance : pilastres ornés de losanges et candélabres se mêlent aux arcs en accolade du gothique tardif.

Au rez-de-chaussée, ses fenêtres ouest et sud, rectangulaires, sont protégées par des grilles en fer forgé ornées de lys et d´hermines." (P. Bonnet)

La fenêtre de l'étage est soulignée par une accolade à pinacles, de style Renaissance, sommée d'un lion tout à fait comparable à celui du cimier du panneau héraldique, mais à fouet de la queue trifide. Il semble porter devant sa crinière une banderole.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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LES GARGOUILLES DE LA FAÇADE SUD.

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Quatre gargouilles drainent les eaux de chaque pignon de la façade. Je ne les ai pas toutes photographiées. La première semble être une religieuse, en robe à cordelière, portant une coiffe.

La deuxième est seulement sculptée d'une tête à son extrémité.

La troisième est un dragon ailé.

C'est la quatrième, un cordelier, comme sur le pignon ouest,  qui est la plus pittoresque :

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Un moine cordelier aux mains près de la bouche.

D'habitude, ce type de gargouille évoque un personnage glouton, vomissant avec les deux mains aux bords des lèvres. Mais ici, on peut penser que le moine est en train de crier.

Il porte une longue robe serrée par la cordelière ; sa tête est couverte d'une capuche.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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LES CROSSETTES DE LA FAÇADE SUD.

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Un lion.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Un lion.

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Deux lions.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Un lion.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Autre figure.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Un lion et un dragon ailé.

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On notera la queue entrelacée en huit du dragon, qui, par référence ou humour, renvoie aux boucles des cordelières.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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LA TOUR FORMANT PORCHE  DE L'OUEST.

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"L´édifice est précédé à l´ouest par une imposante tour carrée, formant porche.

Le portail ouest, dont les ressauts de la voussure en arc brisé sont ornés de frises végétales et couronnés par une archivolte à choux et fleuron, s´inscrit entre deux contreforts en équerre qui épaulent la tour. Un arc segmentaire au réseau d´intrados polylobé lancé entre les contreforts et surmonté d´un gâble forme auvent au-dessus du portail.

Chaque face de la tour est percée de deux baies géminées en arc brisé surmontées d´accolades à choux frisés et fleuron.

De la plate-forme entourée d´un garde-corps ajouré de deux rangs de mouchettes s´élève une flèche de granite octogonale, cantonnée de trois clochetons hexagonaux et, à l´angle sud-est, d´un quatrième de proportions plus importantes et à huit pans, qui couronne la vis d´escalier.

Sur les faces cardinales de la flèche s´adossent d´élégants gâbles construits ajourés retombant sur des colonnettes. Ce parti modernise un modèle donné deux siècles plus tôt par la tour de croisée de Guingamp et repris dans de nombreux clochers du Trégor."

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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L'accolade gothique qui s'inscrit dans le triangle du gable est orné de choux et d'un fleuron à vigoureuses tiges et feuilles de trèfle, et elle se double à l'intérieur d'une frise de sarments de vigne.

Elle me semble être là pour souligner un motif, probablement héraldique, mais les pierres actuelles ne gardent aucun témoignage d'un décor qui aurait été buché.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Sur le rampant du gable, la tige du rinceaux a à feuilles cordiformes sort de la gueule d'un lion.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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Les seules armoiries visibles sont celles, assez discrètes, de la famille Hingant de Kerisac.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

La chapelle a été construite sur une portion de terre léguée par la famille Hingant de Kerisac qui, en contrepartie, fit apposer ses armes au-dessus du portail occidental. 

C'est en réalité un écartelé à quatre quartier différent, dont seul le premier porte les armes  de la famille Hingant, de sable à trois epées d’argent, posées en pal, les pointes en haut, leurs
gardes et leurs poignées d’or.

En 3, on parvient à identifier les armes de Kerduel de gueules, à six annelets d’argent ; au chef cousu d’azur, chargé de trois quintefeuilles du second

 

Cette réunion des armes de Hingant et de Kerduel est connu sous le nom d'écartelé de Kerduel, donné comme autre version des armes de Hingant par Pol Potier de Courcy car renvoyant au sceau d'Olivier Hingant :

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Potier_de_Courcy_-_Nobiliaire_et_armorial_de_Bretagne,_1890,_tome_2.djvu/35

Hingant sr de Kerhingant, paroisse de Saint-Quay, — de Kerduel, paroisse de Pleumeur-Bodou. — de la Salle, paroisse de Perros-Guirec, — du Roc'hou, paroisse de Lanvézéac, — de Kerizac, paroisse de Plouizy, — de Kerdavid, — du Faou, — de Kerascouët, paroisse de Ploubazlanec, — de Chateau-Croc, paroisse de Pordic. — de Kerigouault, — de Crec'h  alsi, — de Rosooêt, — de Penlan, — de la Ville-Mario, paroisse de Saint-Ouay, — de Kerbihan.

Anc. extraction, réf 1668, neuf générations.; réf. et montres de 1427 à 1543, paroisse de Pleumeur-Bodou et Pordic,  évêché de Tréguier et Saint- Brieuc. .

De sable à trois épées d’argent, garnies d’or ; aliàs écartelé de Kerduel (Sceau 1502) .

Jean, ratifie le traité de Guérande à la Roche-Derrien en 1381 ; Jean, vivant en 1417 épouse Jeanne de Kersaliou  ; Raoul, leur fils (*), épouse en 1477, Catherine, dame de Kerduel ; un conseiller au parlement en 1611 ; un page du Roi en 1709.

Fondu au xviiie siècle dans Los.

 (*) En réalité, Raoul Hingant, fondateur de Hingant de Kerduel, est le fils d'Olive de la Roche-Huon (et non de Jeanne de Kersaliou). C'est Olive qui apporte en dot la seigneurie de Saint-Ylliau en Saint-Laurent qui restera longtemps un fief Hingant.  

La date de ce sceau de 1502, rapprochée des dates de construction de la chapelle, nous incite à nous intéresser à cet Olivier Hingant, seigneur de Kerduel . Il est le fils de Raoul ( - 1438), écuyer, seigneur de Kerhingant, époux de (1414) Catherine de Kerduel, dame de Kerduel.

 


 

"Olivier, sieur de Kerduel, signe le serment de fidélité au duc de Bretagne en 1437, partage ses puînés le 20-06-1477, comparaît à la montre de 1480 en « homme d’armes, coutilier en brigandine, lance page » pour Pleumeur-Bodou, se fit confisquer ses biens par lettres du duc François II de Bretagne du 03-09-1484. Il épousa Aliette de Chefdebois, veuve de Pierre Ollivier [qui demeurait à Quemper-Guézennec, fils de Raoul Ollivier, sieur de Kerborn et de Kercouan]  et  fille de Guillaume de Chefdebois (*), sieur de Kerlouet, et de Jeanne de Kernevenoy [Fille de Charles de Kernevenoy, sieur dudit lieu, et d’Alix de Rodalvez]..

(*) Fils de Geffroy de Chefdebois et de Catherine de Kermoysan, dame héritière de Kerlouet. Elle épousa (2) Philippe de Kernevenoy, sieur dudit lieu, fils de Charles de Kernevenoy, sieur dudit lieu, et de Marie de Coatgoureden ," (Eric Lorant)

Voici son sceau d'après dom Morice :

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Christophe Hingant,, fils d'Olivier,  sieur de Kerduel et de Saint-Iliau, enrôlé le 01-02-1489 comme homme d’armes de la compagnie des ordonnances du duc sous la charge d’Olivier de Coëtmen, grand maître de Bretagne, comparaît pour Pleumeur-Bodou à la montre de 1503 en « cheval et harnois blanc, injonction », époux en première noce de  Françoise de Kermerchou, fille de Prigent de Kermerchou, bouteiller du duc de Bretagne, et d’Anne de Coatgoureden de Locmaria ; il épousa en seconde noce Marie du Quellenec, de la maison de L’Estang, veuve de N de Kergorlay, sieur du Cleuzon [Cludon] . (d'après Eric Lorant)

Cet écartelé de Notre-Dame de Grâces pourrait donc renvoyer à Christophe Hingant de Kerduel ; mais les quartiers 2 et 4 ne correspondent ni aux armes sa mère Aliette de  Chefdebois, ni à celles de son épouse de Kermerc'hou, d'argent à la croix tréflée de sable chargée de cinq étoiles d'or, ni à celles de Marie du Quellenec, d'hermine au chef de gueules chargé de trois fleurs de lys d'or.

Ces armoiries pourraient avoir été sculptés postérieurement, mais là encore, je ne retrouve pas les armoiries des épouses des descendants de Christophe Hingant (Yves, Louis, Claude, Jean-Baptiste Hingant de Kerissac).

Sources  consultées :

Eric LORANT :https://www.academia.edu/38310646/G%C3%A9n%C3%A9alogie_Bretagne_n_4_HINGANT_de_Kerduel_Pleumeur_Bodou_et_de_Kerlavarec_Plouha_

https://man8rove.com/fr/blason/iz9hxg2-kermerc'hou

http://desrentes-rolland.over-blog.com/article-1827929.html

https://www.tudchentil.org/IMG/pdf/hingant_de_kerissac_-_preuves_pour_la_grande_ecurie_1709_.pdf

https://man8rove.com/fr/blason/t1o11m-hingant

https://gw.geneanet.org/hamety?lang=en&iz=0&p=louis&n=hingant

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La réponse !

Elle m'est apportée par Laurent Hablot , que je remercie :

Il porte bien en 1 Hingant, en 2 Rivault de Kerisac, en 3 Kerduel, en 4 Perrien

Mais il faut plutôt lire un mi-parti de deux écartelés au 1 Hingant/Kerduel et au 2 Kerisac/Perrien

C'est le mariage de Raoul Hingant avec Catherine de Kerduel (fille d'Yvon et d'Olive de la Roche-Huon), héritière, en 1414 qui créé la première combinaison Hingant/Kerduel.

L'association des armes H de K/Kerisac peut avoir deux causes :

  • L'union en 1501 de Françoise Hingant avec Julien Rivault, sgr de Kerisac (qui lui vient de sa première femme Meryen de Kerisac). Mais cette union donnerait un parti Kerisac/Hingant de K

  • L'union vers 1580 de Louis Hingant de Kerduel (cousins issus de germain) (+1591) avec Catherine Rivault, dame de Kerisac (+ av. 1588). Catherine étant la fille de Pierre Rivault, sieur de Kerissac (fils de Julien ?) et de Kervisien, et de Marguerite de Perrien. Ce sont donc les armes des Perrien (d'argent à la bande fuselé de gueules alias à 5 fusées de gueules en bande) que l'on retrouve ici. 

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Blason de Kerisac (Kerizac, Kerissac)
Perrien (d'argent à la bande fuselé de gueules alias à 5 fusées de gueules en bande. propriété du site l'Armorial des As

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Il s'agit donc théoriquement des armes de Catherine Rivault épouse de Louis Hingant de Kerduel ou, plus probablement selon les usages du XVIe siècle, des armes du couple et elles ont a priori été apposées entre leur mariage vers 1580 et la mort de Catherine 1588."

 

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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L'inscription de fondation : 1506 ou plutôt 1507 ?

Elle occupe l'angle du contrefort gauche de la tour. L'une des côtés de l'angle (texte en gras), sous le portail, est encore bien visible :

Le dozième jour de mars l′an de grâce mil cinq cent et seix [sept]
fust la première pierre de cette chapelle assise »

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Les deux gargouilles :

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La gargouille du contrefort de gauche est, comme sur la façade sud, un homme, les traits émaciés, la bouche ouverte comme pour chanter ou crier, et les mains sous les clavicules. J'ai d'abord considéré qu'il s'agissait d'un moine cordelier, mais cet homme à la tête coiffée d'une capuche ouvrant les épaules, vêtu d'une robe plissée serrée par une ceinture, ne laisse pas voir, même en multipliant les clichés, la cordelière typique.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.

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La gargouille du contrefort de droite est assez semblable, mais les mains saissisent la ceinture ; et on peut deviner des ailes dans le dos.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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LE CHEVET. LA FONTAINE.

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Au chevet, sous la maîtresse-vitre, une fontaine est surmontée d´une arcade moulurée en plein-cintre au fond de laquelle est ménagée une niche à dais flamboyant qui abritait une statue en bois de la Vierge à l´Enfant.

On retrouve cette disposition, qui suppose que la chapelle ait été construite directement au dessus d'une source dont les eaux étaient déjà reconnues pour leurs vertus miraculeuses donnant lieu à pèlerinage, à la basilique du Folgoët, ainsi qu'à la chapelle de Lambader ou Plouvorn.

Les eaux s'écoulent vers un bassin ou un bief.

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Retour en Grâces (Côtes d'Armor) : les motifs héraldiques de l'église Notre-Dame de Grâces.
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SOURCES ET LIENS.

— BONNET (Philippe), 2005, Dossier IA00003526 de l'Inventaire général.

https://patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/eglise-paroissiale-notre-dame-graces/782489e8-7f98-4dfe-80e9-7c104c8e80af

—-COUFFON (René), 1980, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, dans Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, LXX, 1938, p. 132-134.

— GARABY (Malo-Joseph de), Grâces (près Guingamp), dans Annuaire des Côtes-du-Nord,
1850, p. 19-49 de la partie historique.

— GAULTIER DU MOTTAY (.J),1884, Répertoire archéologique du département des Côtes-du-Nord, 1884, p. 6-8.

HABLOT (Laurent), 2004,« Pour en finir, ou pour commencer, avec l’ordre de la Cordelière », Actes du colloque Pour en finir avec Anne de Bretagne, Archives départementales de Loire-Atlantique, dir. D. Lepage, Nantes, 2004, p. 47-70

https://www.academia.edu/3270997/L_HABLOT_Pour_en_finir_ou_pour_commencer_avec_l_ordre_de_la_Cordeli%C3%A8re_Actes_du_colloque_Pour_en_finir_avec_Anne_de_Bretagne_Archives_d%C3%A9partementales_de_Loire_Atlantique_dir_D_Lepage_Nantes_2004_p_47_70

— JOLY, Notre-Dame de Grâces, près Guingamp, dans Bibliothèque bretonne, collection de pièces inédites ou peu connues concernant V histoire..., recueillies et publiées par Ch. Le Al août...,
n° 1, janvier 1851, p. 34-40, Saint-Brieuc.

— J. J., Notre-Dame de Grâces près Guingarnp, dans Le propagateur des Côtes-du-Nord, 1878, n° 25 du 20 juin.

—  JOLLIVET, Benjamin. Les Côtes-du-Nord, histoire et géographie de toutes les villes et communes du département. Guingamp : B. Jollivet, 1854, tome III, p. 110

—  LORANT (Eric), Genealogie de Hingant de Kerduel

https://www.academia.edu/38310646/G%C3%A9n%C3%A9alogie_Bretagne_n_4_HINGANT_de_Kerduel_Pleumeur_Bodou_et_de_Kerlavarec_Plouha_

— MERLET, François. « Notre-Dame de Grâces », dans Congrès archéologique de France, CVIIe session, 1949, p. 228.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k32118665/f233.image.r=graces



Historique. — L’église paroissiale actuelle n’était, à l’origine, qu’une chapelle, dédiée à Notre-Dame de Grâces ou de Toutes-Grâces, centre d’un pèlerinage marial, encore très vivace de nos jours. La fondation, dont l'acte est perdu, semble due à la reine Anne. Les armes de Bretagne figurent un peu partout : au-dessus du premier porche sud, dans une sablière de la première travée (bas-côté, face nord), dans un fragment de vitrail au haut de la troisième fenêtre nord (seul vestige des vitraux du xvi e siècle). La fleur de lis orne le réseau de deux baies (première fenêtre nord et deuxième fenêtre du bas-côté).
Ajoutons que Garaby signale, en 1850, l’existence, à droite de l’autel latéral, d’un petit tableau ovale, aujourd’hui disparu, figurant une princesse agenouillée devant un prie-Dieu, princesse qu’il paraît vraisemblable d’identifier avec la reine Anne. Celle-ci pouvait agir non seulement comme duchesse' de Bretagne, mais comme comtesse de Penthièvre et dame de Guingamp, le comté de  Penthièvre étant alors confisqué. Notons qu’en 1600 la duchesse de Penthièvre fut appelée à consentir au don de la chapelle. Il serait tentant d’expliquer la largesse de la reine Anne par une promesse, non suivie d’effet, de son prédécesseur, le duc Pierre II (mort en 1457), qui, avant le décès du duc François Ier (en 1450), avait été seigneur de Guingamp et fut très poussé par sa femme, la bienheureuse Françoise d’Amboise (qu’il épousa en 1441), à répandre le culte de la Vierge Marie. L’existence, près de l’autel latéral, d’une statue de sainte Françoise, signalée en 1850 par Garaby, serait de nature à renforcer la probabilité de cette hypothèse : le culte de cette sainte est à peu près inconnu dans les Côtes-du-Nord, et M. Couffon n’en cite pas d’exemple. Le pèlerinage paraît avoir eu pour origine l’existence d’une source, au-dessus de laquelle fut édifiée une petite fontaine, surmontée d’un arc en plein cintre, encore conservée derrière le chevet. Rien n’autorise, en tout cas, à supposer qu’une chapelle ancienne ait précédé l’édifice actuel. Deux inscriptions portées sur une sablière (qui fait face au deuxième porche sud) attestent : l’une que la première pierre fut posée le 12 mars 1506 (1507, n. s.), l’autre que « fut le boies de cette chappelle assys » le 5 janvier 1508 (1509, n. s.), ce qui semble indiquer qu’à cette dernière date la chapelle était déjà couverte. Nous sommes bien sous le règne de la reine Anne. Le clocher peut être un peu postérieur. Le seigneur de Kerisac, dont le fief s’étendait sur l’emplacement de la chapelle, dut contribuer aux frais de construction du clocher-porche, car les armes des Hingant de Kerisac sont sculptées au-dessus du porche ouest (à droite).
D’après un ancien nécrologe (Arch. des Côtes-du-Nord, série H. Cordeliers de Grâces. Extrait du 9 juin 1606. ), le succès de l’édification de la chapelle serait dû à un cordelier du couvent de Guingamp, Pierre Bilsic, mort le 12 février 1518 (n. s.). Nous y voyons un indice que l’ensemble de l’édifice (et par suite le clocher) fut terminé avant 1518. La chapelle était située sur le territoire de la trêve de Saint-Michel, en la paroisse de Plouisy, au diocèse de Tréguier. Dès l’origine, l’administration en fut confiée à deux gouverneurs sous les ordres du recteur de Plouisy : ils s’appelaient en janvier 1509 « Jehan et autre Jehan Le Bellec », d’après l’une des inscriptions mentionnées ci-dessus.
En 1592, le gouverneur, René Chomard, fut sollicité par les Frères Mineurs de Guingamp de leur abandonner la chapelle pour s’y installer. Le couvent de Guingamp avait, en effet, été brûlé lors du siège de cette ville en 1591. Le gouverneur leur céda son bénéfice en 1600, avec le consentement de Marie de Luxembourg, duchesse de Penthièvre, veuve du duc de Mercœur ; Henri IV ratifia ce consentement par lettres patentes du 10 mai 1605. Ces événements semblent confirmer la part prise à la construction de la chapelle par un cordelier de Guingamp.
La chapelle reçut alors en dépôt les reliques de Charles de Blois, duc de Bretagne, précédemment conservées dans la sacristie du couvent de Guingamp et soustraites à l’action des flammes. La bulle de dédicace de Notre-Dame de Grâces fut obtenue du pape Paul V en 1607 par l’évêque de Tréguier, Adrien d’Amboise ( Arch. des Côtes-du-Nord. Fonds des Cordeliers de Grâces et de Guingamp.). L’installation des Cordeliers amena quelques transformations, en particulier l’adjonction au nord d’un cloître (emplacement du cimetière actuel) et la construction de bâtiments monastiques, dont il subsiste des vestiges. La chapelle même fut peu modifiée, hormis l’établissement d’une sacristie avec
étage.
En 1791, les Cordeliers furent chassés. La trêve de Saint-Michel, devenue commune, fut supprimée en avril 1793, avec scission de son territoire : le faubourg Saint-Michel fut réuni à la commune de Guingamp, tandis que la partie rurale de la trêve forma une nouvelle commune, dénommée Grâces. Le culte était déjà rétabli, plus ou moins clandestinement, en juillet 1797 (thermidor an V), époque où J.-M.-T. Carcreff, s’intitulant curé de la trêve de Grâces, y administrait les baptêmes. En 1803, la chapelle devint officiellement église paroissiale de la nouvelle succursale de Grâces.
Au xix e siècle, nous n’avons à signaler que quelques travaux secondaires : restauration du chœur, incendié en mars 1829 ; réfection partielle de la flèche, frappée par la foudre en 1844. L’édifice a été classé le 1 er juillet 1907parmi les monuments historiques.
Plan. — La chapelle est rectangulaire : nef et bas-côté sud de quatre travées ; ces travées ne sont discernables qu’au sud, tant par les piliers séparant le bas-côté de la nef que par les berceaux du bas-côté perpendiculaires au berceau principal. Au nord, les fenêtres, limitées à trois, ne sont pas en face de celles des quatre travées du bas-côté : l’emplacement de la chaire a conduit à écarter davantage les deuxième et troisième ouvertures du côté nord. A l’ouest, le clocher-porche faisait primitivement
saillie sur la nef ; la construction de la sacristie dans l’angle sud-ouest a rétabli sensiblement le plan rectangulaire.
Intérieur. —- La nef est séparée du bas-côté par quatre arcades reposant sur trois piliers et, aux extrémités, sur une demi-colonne à l’ouest et sur un demi-prisme hexagonal à l’est. La base du premier pilier est circulaire, avec sommet formant siège destiné aux pèlerins. Les deux  autres piliers ont une base carrée, avec siège pour pèlerins au deuxième pilier. Pour ccs deux piliers s’élève, à environ jL m 50 du sol, un prisme, de section carrée, qui a permis de sculpter sur la face sud une jolie piscine. Les berceaux du bas-côté sont soutenus par trois arcades, appuyées au sud sur des demi-colonnes. Les moulures pénétrantes des arcades dénotent la phase finale de l’art gothique. Le berceau de bois de la nef et ceux du bas-côté sont bordés par une série complète de sablières sculptées, qui comptent parmi les plus anciennes et les plus belles de la région. Nous sommes bien dans la tradition réaliste médiévale : rinceaux, scènes de chasse et d’ivrognerie, monstres, moines sur une brouette entraînés en enfer.
Les entraits de la nef sont aussi remarquables.
La nef est éclairée au nord par trois fenêtres hautes à un meneau et à l’est par une maîtresse vitre, plus élevée, à deux meneaux. Les ouvertures sont plus nombreuses sur Je bas-côté : baies à deux meneaux tant à l’est que. dans les deuxième et quatrième travées, baie à simple meneau dans la première travée (déportée à droite en raison de l’emplacement du premier porche sud), rosace au-dessus du deuxième porche sud (troisième travée) ; en outre, avant la construction de la sacristie, une fenêtre, aujourd’hui murée, éclairait à l’ouest le bas-côté. Notons une innovation dans le réseau des baies : les redents des soufflets et mouchettes, en usage en Bretagne au début du xvi e siècle, ont disparu pour faire place à de simples  larmes qui annoncent le style Renaissance. La reine Anne, qui a introduit en Bretagne le premier monument de la Renaissance (tombeau de ses parents à Nantes), n’a sans doute pas été étrangère à l’introduction de ces réseaux de larmes, répandus ultérieurement dans toute la Bretagne.
Le clocher est supporté par une voûte d’ogives, au- dessous de laquelle un faux narthex, destiné à la sonnerie des cloches, s’ouvre par une arcade sur la nef. A l’entrée du bas-côté, une porte conduit à l’escalier menant au clocher (escalier éclairé sur la nef par une petite fenêtre).
Sur la porte de bois est représenté un joueur de bombarde.
A gauche de cette porte, au-dessous de la fenêtre murée, s’ouvre une autre porte donnant sur la sacristie : l’ouverture, en forme d’anse de panier, est surmontée d’un arc en accolade. La chapelle possède cinq piscines, ce qui indique le nombre des messes simultanées prévues pour le pèlerinage : sur la face sud des deuxième et troisième piliers, à droite du maître-autel et de l’autel latéral (au fond du bas-côté) et contre la longère sud (troisième travée). Il est curieux de noter que ces piscines n’ont pas de trou d’écoulement.
Dans le pavage, refait en 1873, on voit (en avant du deuxième porche sud) une tombe, datée de 1620, portant les armes de la famille de la Rivière, qui possédait la seigneurie de Saint-Michel, tirant son nom de la trêve. Au moment de la Révolution, la seigneurie appartenait au célèbre général du Motier de la Fayette.
Extérieur.

Le porche ouest comprend, sous un arc en accolade surmonté d’un gâble, de très belles voussures formées par six boudins entremêlés de quatre rangées de rinceaux. Dominant le porche, un pignon s’élève entre les deux contreforts ouest du clocher, soutenu en surplomb par deux arcs surbaissés ornés d’une série d’arceaux. Le clocher, de plan carré, ajouré de belles fenêtres, est flanqué au sud-est d’un escalier à vis permettant d’accéder à la base de la flèche, entourée d’une balustrade. Les fenêtres sont jumelées sur chaque face, sauf au sud à cause de l’emplacement de l’escalier. Au-dessous, sur la face nord s’ouvre, un peu vers la gauche, une jolie fenêtre ; la baie symétrique au sud est masquée parle pignon de la sacristie. La flèche, légèrement ajourée, est entourée de quatre clochetons d’angle (l’un reconstruit après l’incendie de 1844). Chaque clocheton est séparé de son voisin par un petit toit en bâtière reposant sur trois colonnes.
A droite du porche se profile la façade ouest-de la sacristie, heureusement harmonisée avec l’ensemble et éclairée par deux fenêtres rectangulaires superposées (celle du haut surmontée d’ornements Renaissance). Sous le pignon de la sacristie s’ouvrent au sud deux autres fenêtres superposées identiques. L’escalier de la sacristie, appuyé contre le contrefort d’angle du bas-côté, est ajouré de deux petites fenêtres de même style.

Comme dans la presque totalité des monuments religieux de la Basse-Bretagne, le côté sud est plus richement décoré que le côté nord, exposé au vent dominant. M. Waquet appelle notre attention sur le profil en dents de scie que forment les quatre pignons du bas-côté, complétés, au xvn e siècle, par celui de la sacristie, légèrement en retrait. C’était au début du xvi e siècle une nouveauté hardie. La première travée s’ouvre sur l’extérieur par un beau porche, accolé contre le contrefort de droite. Les voussures, ornées d’une rangée de rinceaux et, plus en avant, d’une rangée de vignettes, s’apparentent à celles du porche ouest.

Au-dessus du porche, les armes de Bretagne sont encadrées dans le haut par un filet décoré de
vignettes.

Un second porche, plus simple, occupe le milieu de la troisième travée : les vantaux de bois de la porte méritent notre attention (représentation fort belle de l’Annonciation).
Signalons, derrière le chevet, la fontaine, très simple, et, au nord, une porte (entre le deuxième contrefort et la troisième fenêtre) surmontée d’un arc en accolade, dominé par un encorbellement prévu pour une statue.
Bien d’autres détails mériteraient d’être décrits : gargouilles au sommet de la plupart des contreforts et au bas de la balustrade du clocher ; animaux sculptés au bas des pignons du bas-côté; niches à statues sur les contreforts (sauf à l’est). Il y a beaucoup d’originalité dans ces détails, pour chacun desquels l’artisan local s’est donné la peine de varier les ressources de son imagination.
Mobilier.

— Une cloche, signée Le Louarn, est datée de 1637. Une statue de la Vierge, appuyée contre le troisième pilier, paraît remonter au xvn e siècle.
Bibliographie.

 

— TUDCHENTIL : Hingant de Kerissac

https://www.tudchentil.org/IMG/pdf/hingant_de_kerissac_-_preuves_pour_la_grande_ecurie_1709_.pdf— WAQUET (Henri), 1933, L'art breton, , T, p. 101 jet II, p. 26.

 

 

—DIVERS SITES.

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA00003526

 

http://www.infobretagne.com/graces.htm

https://www.graces.fr/tourisme/patrimoine/eglise-notre-dame/

https://www.graces.fr/wp-content/uploads/2021/05/depliant_eglise_de_Graces.pdf

http://patrimoinedargoat.free.fr/paysguingampais/html/eglise_graces.html

 

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes Héraldique Sculptures

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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