Un geste d'embaumement par Marie-Madeleine sur la Déploration ("Piétà") de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Dépôt du Louvre Cl 18509.
Balming of Christ's body.
Voir sur le musée du Moyen-Âge de Cluny :
Voir sur les Déplorations et Pietà :
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Les deux Vierges de Pitié (kersantite, v. 1555) de l'arc de triomphe (1725) de l'église de Pleyben.
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Le calvaire de Plourin-lès-Morlaix. Roland Doré, 1630
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Le calvaire de la rue de la Tour d'Auvergne à Landerneau et sa Vierge de Pitié.
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La Vierge de Pitié du cimetière de Plouvorn et celle de la fontaine de la chapelle de Lambader.
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La Vierge de Pitié de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer.
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Fragments d'un calvaire au cimetière de La Forest-Landerneau.
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La Pietà aux trois anges de tendresse de l'église de Plozévet.
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La Pietà aux trois larmes (kersanton, XVIe, atelier Prigent) de la croix de Tal-ar-Groas à Crozon.
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La Collégiale du Folgoët XIII. Le calvaire. (atelier Prigent. Pietà : 3 larmes)
et hors blog:
Les Déplorations : Voir (classé par ordre chronologique approximatif) :
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La Déploration du calvaire (granite, Maître de Quilinen, vers 1500) de l'église de Motreff.
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Le calvaire (kersanton, vers 1500, Maître de Brasparts) de l'enclos paroissial de Brasparts.
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Le retable de la Déploration (1517) de l'église de Pencran (29). Onze personnages.
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent (1527-1577). Cinq personnages.
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La Déploration (Grès arkosique , Maître de Laz, vers 1527) du calvaire de Saint-Hernin.
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La Déploration à six personnages (chêne polychrome, XVIe siècle) de l'église de Lampaul-Guimiliau.
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L'église de Ploéven, la Déploration (pierre polychrome, 1547 ).
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Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration. Neuf personnages.
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La Déploration (kersanton, Maître de Saint-Thégonnec, vers 1610) du calvaire de Saint-Thégonnec.
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La Déploration (kersanton, Roland Doré, milieu XVIIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Châteaulin.
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PRÉSENTATION.
1. Présentation générale (d'après les sites de référence)
Cette peinture provençale du 15e siècle représente le thème de la Pietà, ou plutôt de la Déploration puisque plusieurs personnages accompagnent la Vierge. La Vierge éplorée porte sur ses genoux le corps de son fils Jésus. Elle est entourée de Jean et des trois Marie, dont Marie-Madeleine, reconnaissable à ses cheveux dénoués et à son pot de parfum, ou plutôt d'onguent. La scène insiste sur la douleur (mines tristes, couronne d’épines, présence du sang…) et amène à réfléchir sur la souffrance et la mort.
Le tableau est presque certainement celui qui, selon un inventaire de 1457, se trouvait dans la chambre de Jeanne de Laval, seconde femme du roi René . Il était qualifié de "neuf" en 1457, et ornait la "chambre neuve de la reine" du château de Tarascon, avec la description suivante : unum retabulum Domini-Nostri- Jesu-Christi, in brachiis Nostre Domine, novum . Si tel est le cas, il aurait alors été commandé par le roi René (1409–1480), duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Naples et de Sicile.
L’œuvre se trouvait dans l’hospice de Tarascon en 1910 lorsqu’elle a été acquise par le musée du Louvre puis déposée au musée de Cluny. A cette date, en arrière-plan, se développait un ample paysage dominé par la silhouette de Jérusalem (entre le Christ et saint Jean, au niveau du bras droit du Christ, un fragment brunâtre de cet ajout des 16e – 17e siècles a été préservé). Il a été retiré en 1950, découvrant un fonds d'or, délicatement parcouru de rinceaux estampés et égayé d’auréoles poinçonnées à petits motifs géométriques et de fleurettes.
L’œuvre s’inspire des compositions des grands maîtres de la peinture flamande (Van Eyck , Robart Campin, et Rogier van der Weyden, en particulier) et plus directement encore de la Pietà d’Avignon peinte par Enguerrand Quarton pour la collégiale de Villeneuve-les-Avignon, aujourd’hui au musée du Louvre (*). Plus chargée en personnages, d’un tracé un peu dur, mais chargée de la douce lumière caractéristique des peintres du Midi de la France, la Pietà de Tarascon pourrait être l’œuvre de l’atelier des frères Dombet basé à Aix-en-Provence. L’œuvre est présentée dans les nouvelles salles du musée, après restauration (2021).
(*) Pour Charles Sterling, l'influence s'étant transmise par le Maître de l'Annonciation d'Aix et ses disciples provençaux : l'auteur de la Pieta d'Avignon et celui du retable de Boulbon — à huit kilomètres de Tarascon — peint la même année 1457 et dans une manière tout à fait semblable à celle de la Pieta de Cluny.
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2. Description.
"Au centre, la Vierge est assise, en vêtement bleu à orfroi d'or et bordure de col à inscription stylisée, IHM ; sur ses genoux, le Christ mort, la tête vers la gauche, une longue traînée de sang coulant de la plaie du côté droit ; à gauche, saint Jean, en robe rouge et manteau vert, retire la couronne d'épines ; à droite, Madeleine, vêtue d'une robe rose et d'un manteau vert pâle à bordure d'hermine, les cheveux blonds éployés sur le dos, agenouillée, tenant un vase d'une main et une plume de l'autre dont elle répand des essences sur les plaies des pieds du Christ ; à droite, une sainte femme (Marie ?) vêtue de rouge, baise la main du Christ ; et une autre femme sainte portant un chaperon blanc et un manteau pourpre, joint les mains en prière. Le fond d'or, gravé de rinceaux de feuillages stylisés et des nimbes des personnages, a été mis à jour après restauration en 1951 : il était recouvert d'une couche picturale représentant la base de la croix, la ville de Jérusalem et un paysage, exécutés au XVIe siècle. " (Musée du Louvre)
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3. Mon questionnement.
En lisant les descriptions des experts du Louvre, je m'interroge sur la "plume" tenue par Marie-Madeleine, que je considère être une lancette (scalpel), instrument ancillaire de la chirurgie médiévale, et notamment des saignées. La couleur grise indique que l'instrument est en métal, voire même en argent. Or, je ne parviens à retrouver dans mes recherches en ligne aucune réflexion sur ce geste singulier.
Cela pourrait être une "spatule" ou "cuiller à onguent", accessoire de prélèvement et d'application des onguents, puisque le "pot à onguent", attribut caractéristique de Marie-Madeleine, et qu'elle tient ici dans la main gauche, est ouvert, le couvercle soulevé. Mais les documents iconographiques montrent des ustensiles à extrémité arrondies, et incurvées par une gouttière, précisément en "cuiller".
En remplaçant le terme de "plume" de la description des spécialistes du Louvre par lancette, scalpel, ou encore spatule ou cuiller à onguent, et en remplaçant le terme "vase" par "vase d'aromates" ou "pot à onguent" je peux valider le reste de la phrase : tenant son pot à onguent d'une main et une spatule de l'autre, Marie-Madeleine répand des essences sur la plaie du pied gauche du Christ.
Or, ce geste est tout sauf anodin. C'est une intervention manuelle de soins sur un cadavre : quelle qu'en soit l'intention, c'est une onction, c'est déjà un geste d'embaumement, en langage contemporain c'est un geste de thanathopraxie : "art de retarder la décomposition du corps par des techniques d'embaumement et/ou un ensemble de mesures esthétiques visant à maintenir un cadavre le plus longtemps possible en bon état" (CNRTL). Au XVe siècle, L’embaumement tel qu’il était pratiqué en Occident à l'époque médiévale répondait certes à une fonction pratique, celle l'exigence de conserver le corps jusqu’à l’achèvement des cérémonies funèbres, mais aussi à une fonction théologique, celle de lui donner une « odeur de sainteté » qui permettra son entrée au Paradis lors de l’« apothéose » (P. Charlier).
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Néanmoins, le geste de Marie-Madeleine ne peut correspondre, selon les textes évangéliques, à l'embaumement stricto sensu du Christ, pour lequel les trois Maries portant les aromates se rendent au sépulcre le Lundi de Pâques , embaumement qui est annulé par la découverte du tombeau vide et l'annonce de la Résurrection (Luc 24:1-12).
Des peintures et enluminures, dont celle de Fouquet pour les Heures d'Etienne Chevalier (1452-1460), montrent la "Pierre de l'onction" (ou Pierre de l'embaumement) sur laquelle, selon la tradition, le corps du Christ fut lavé et enveloppé dans le suaire avant la Mise au Tombeau. Cette pierre est encore conservé dans la Basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem et faisait l'objet d'une importante vénération. Il faut rappeler que René d'Anjou, probable commanditaire du retable, était roi de Sicile et de Jérusalem. Il ne se rendra néanmoins pas en pèlerinage à Jérusalem.
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Ma recherche est rendue complexe par le manque d'accroche des différents mots clefs que je lance en hameçon sur le moteur de recherche. Néanmoins, elle connaîtra un tournant par la découverte d'un autre retable, contemporain de celui-ci, et également provençal, celui de Pignans, et sur lequel Marie-Madeleine, tenant la main gauche du Christ, s'apprête à y appliquer des aromates à l'aide d'une tige (spatule ?) qu'elle trempe dans son vase d'onguent. C'est là le seul autre exemple que j'ai pu découvrir de ce geste singulier qui conserve son mystère. Faut-il l'interpréter comme un geste de soin et sollicitude attendrie, voire à visée hémostatique, sur la plaie du pied (stigmate) par application d'onguent?
Cette recherche n'aboutira pas à une interprétation claire et documentée, mais à défaut, elle me conduit à examiner les enluminures des livres possédés par les deux époux royaux, et me permet de souligner quelques points :
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La dévotion réelle de René d'Anjou et de Jeanne de Laval, orientée notamment vers la méditation devant le Christ mort, et devant ses plaies (culte de l'Hostie de Dijon portant l'image du Christ au corps semé de taches de sang ) selon deux enluminures du Livre d'Heures du roi René.
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Le culte de Marie-Madeleine associé depuis René d'Anjou au culte des Trois Maries ( En 1448, sous l'impulsion du roi René, a lieu l'invention des reliques des saintes Maries, soit Marie de Nazareth, sa demi-sœur Marie Salomé ou Marie Jacobé et Marie Madeleine, dites les Trois Maries).
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La réalité de l'embaumement des corps des rois et des princes au Moyen-Âge, et notamment de celui de René d'Anjou. La technique, et les aromates utilisées, sont parfaitement détaillées par les archéologues.
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Commençons par examiner l'œuvre. J'ai préféré placer ici mes clichés plutôt que ceux pourtant bien-sur supérieurs, proposés par le musée de Cluny.
https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/pieta-de-tarascon.html
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Vue générale : une donatrice agenouillée mains jointes devant le retable. Cl. 19271.
Cette donatrice passait jadis pour être Jeanne de Laval, épouse de René d'Anjou, ce qui explique sa présence. Elle est à peu près contemporaine du retable (troisième quart du XVe siècle) et on l'a identifiée comme étant l’épouse de Jean des Martins, chancelier dse Provence auprès du roi René. Elle est attribuée à Audinet Stéphani (?), sculpteur mentionné à Aix-en-Provence de 1448 à 1476.
https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/donatrice-en-priere.html
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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
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Saint Jean, cheveux bouclés et visage jeune et imberbe, porte la robe rouge qui lui est attribuée dans l'iconographie, notamment pour le distinguer de Marie. Cette robe est recouverte d'un manteau vert aux pans réunis par un fermail doré ovale. Ses genoux sont à demi fléchis.
Fronçant les sourcils, il est occupé à ôter délicatement la couronne d'épines, comme s'il craignait de blesser d'avantage son maître.
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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
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Le pagne ou perizonium est une gaze translucide, et l'attention portée par le peintre à une représentation naturaliste du rendu de la peau, des volumes anatomiques et de la pilosité du pubis est extraordinaire.
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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
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Le peintre n'a pas omis de souligner l'élégance et le luxe des vêtements de Marie-Madeleine, associant une robe de velours rouge et un manteau vert doublé de fourrure d'hermine aux reflets soyeux. Par symétrie avec saint Jean, ses genoux sont à demi-fléchis, le fermail ovale de son manteau est identique, sa tête est penchée sur la tâche qu'elle s'est assignée et ses traits expriment la même expression pleine de sollicitude.
Ses cheveux dénoués, bouclés et très longs sont déjà ceux que les peintres donneront à la Madeleine pénitente. Mais ici, les vagues régulières de leur ondulation témoignent de l'opulence et du souci corporel de la sainte.
Elle tient en main gauche un vase d'orfèvrerie évasé, à couvercle conique articulé et semi-ouvert, assez différent des pots de pharmacie de type albarelle.
L'instrument qu'elle tient si délicatement de la main droite entre pouce et index est de couleur grise, évoquant l'étain ou plutôt l'argent. C'est une tige élargie en feuille ovale à l'extrémité, et dont la pointe correspond exactement (par comparaison avec le pied droit) à l'orifice de la plaie du pied gauche, causée par le clou de la crucifixion.
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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.
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DISCUSSION.
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Dans un premier temps, je montrerai qu'un autre exemple de geste d'embaumement du corps du Christ par Marie-Madeleine existe sur un tableau provençal un peu plus tardif. Il viendra compléter et éclairer l'interprétation du geste du retable de Tarascon.
Dans un deuxième temps, je chercherai à explorer, forcément partiellement, l'iconographie de ce geste. On le retrouve au XIIe siècle sur les Mises au tombeau des vitraux ou chapiteaux, mais ce sont exclusivement les hommes (Juifs accompagnant Joseph d'Arimathie et Nicodème) qui portent les flacons d'aromates et en versent le contenu. Puis cette tradition disparait ensuite, et dans les les Déplorations ou Mises au tombeau des maîtres de l'enluminure du XIV et XVe siècle, on ne trouve plus ces flacons, ou bien seulement comme accessoire sans geste d'utilisation (Jean Pucelle, le Maître de Boucicaut, les frères de Limbourg, Jean Poyer, le Pseudo-Jacquemart). Marie-Madeleine est néanmoins souvent représentée penchée sur les mains ou les pieds du Christ qu'elle embrasse ou couvre de ses cheveux (Fra Angelico 1436 ; Très Riches Heures du duc de Berry f.157, Jean Colombe 1485).
Vers 1555, Jean Fouquet reprend cette tradition du geste d'embaumement, mais le réserve là encore aux hommes.
Les enluminures des Heures de René d'Anjou ou du Psautier de Jeanne de Laval (par un peintre influencé par Jean Fouquet) ne montrent pas d'exemples de geste d'embaumement, mais témoignent de l'importance d'une dévotion, individuelle, aux plaies du Christ et aux souffrances de sa Passion.
C'est dire l'originalité des deux exemples, les peintures de Tarascon et de Pignans, qui confient à Marie-Madeleine, l'une des trois saintes Femmes, les trois Maries, ce geste d'embaumement.
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Cette reprise se situe dans un contexte particulier, celui du développement du culte de Marie-Madeleine, de sainte Marthe et des Trois Maries par René d'Anjou.
Enfin, je rappellerai que la pratique de l'embaumement était courante au XVe siècle et que René d'Anjou en a bénéficié.
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1°) Le retable de la collégiale de Pignans (Var). Une Déploration à neuf personnages encore désignée sous le titre de "Déposition de croix"; ou "Descente de croix".
Nous retrouvons une variante du même geste sur une Déploration de la collégiale de Pignans, dans le massif de Sainte-Baume, à 160 km de Tarascon ou d'Avignon. Marie-Madeleine s'apprête à appliquer l'ustencile (plume, spatule ou lancette...) sur la plaie de la main gauche du Christ, mais est encore en train de le placer dans le pot d'onguent. Cela confirme l'interprétation du retable de Tarascon : il s'agit bien d'un geste d'onction des plaies (mains ou pieds), par le contenu du vase. Cette attention aux plaies du Christ est soulignée, à Pignans, par la présence de saint François montrant ses stigmates. Nous ne pouvons dire si ce geste de la sainte est un geste de soin (application d'onguent), ou un geste d'adoration (application de parfums et substances honorifiques), et c'est sans doute les deux à la fois.
Peinture sur cinq panneaux de bois, de H = 300 ; l = 303 ; pr = 3,5 cm. 4e quart 15e siècle ; 1er quart 16e siècle. Ce tableau est attribué à l'école d'Avignon mais pourrait être une oeuvre de Josse Liedfrinxe.
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM83000399
L'arrière-plan cherche à évoquer les remparts de Jérusalem, mais on y reconnait une vue d'Avignon et de ses remparts. Au pied de la croix, Jean, en manteau rouge, soutient la Vierge en pamoison, aidé par une Sainte Femme agenouillée. À droite, une autre Sainte Femme, à l'écart, joint les mains. À gauche, saint François, penché sur la scène, montre ses stigmates.
Au premier plan, le Christ repose sur un suaire tendu par Joseph d'Arimathie et Nicodème. La plaie du flanc laisse échapper un long flot de sang. La couronne d'épines et les clous sont posés sur le sol .
Au centre, Marie-Madeleine est agenouillée et se penche ; de la main droite, elle saisit la main gauche du Christ pour mettre en évidence la plaie de la paume, tandis qu'elle tend le bras gauche pour tremper un ustencile (une plume, selon certains) dans le vase d'onguent posé au sol au centre, dans l'axe de la croix.
Elle est richement vêtue, mais son manteau rouge détaché tombe derrière ses reins, selon une tradition flamande qui sera repris sur les calvaires bretons des Prigent vers 1550.
Autre détail repris sur les calvaires bretons du milieu du XVIe siècle, tous les personnages sont en larmes.
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Vues de détail.
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Je citerai cette description (source) :
"Un personnage discret, tout absorbé par son geste : Marie-Madeleine. Elle trempe délicatement une plume dans un vase de parfum pour laver les plaies du Christ. Historiquement, les évangiles précisent que les soins du corps n’avaient pu être donnés le vendredi soir en raison de la proximité avec la fête du sabbat qui interdisait tout travail. Ce geste a donc une portée symbolique. Tout d’abord, il rappelle l’onction de Béthanie, quand Marie-Madeleine avait oint les pieds du Christ avec du parfum les essuyant de ses cheveux (Mt 26, 6-13 ; Mc 14, 3-9 ; Le 7, 36-38 ; Jn 12, 1-8). Enfin, il manifeste les dispositions intérieures de Marie-Madeleine, toutes empruntes de charité, dans le souvenir du pardon total dont elle avait fait l’objet.
Il reste un dernier personnage un peu en retrait : saint François. La pratique était courante d’insérer dans un tableau représentant un mystère de la foi des saints en train de les contempler. Il s’agissait de manifester qu’ils tenaient leur fécondité de cette contemplation, et d’inviter chaque chrétien à les imiter. Par ailleurs, la croix du Christ en forme de tau confirme l’attachement des commanditaires à la spiritualité franciscaine. Le tableau religieux n’avait pas vocation à représenter un événement historique mais il permettait plutôt de rendre présent un mystère éternel. Ainsi, en contemplant le retable de Pignans, on découvre que trois évènements sont parfaitement contemporains dans le cœur de Dieu :
. le sacrifice du Christ,
. la réception des stigmates de saint François,
. la contemplation de la scène par le visiteur.
Saint François est debout, les mains ouvertes, absorbé par la souffrance de Marie. Ses stigmates sont bien visibles. Il veut nous dire par là que de même que Marie vit la passion du Christ, de même, tout homme, en découvrant jusqu’où l’amour du Christ est allé pour le sauver, est invité à s’associer par la prière et la contemplation, à ce mystère de l’amour rédempteur. "
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2°) Voir aussi :
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La Déploration du Christ à quatre personnages (Jésus, Marie, Jean et la Madeleine en pleurs) de l'église Saint-Jean au Marché de Troyes (calcaire, Maître de Chaource, 1515-1530). Marie-Madeleine verse le contenu du vase (parfum ?) sur le pied du Christ, tout en essuyant ses larmes.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:D%C3%A9ploration.JPG
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3°) Le Livre d'Heures d'Étienne Chevalier enluminé par Jean Fouquet entre 1452 et 1460 : Les Heures de la Croix, Embaumement du corps de Jésus. (Santuario 17, Musée Condé de Chantilly.)
https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/jean-fouquet_le-livre-d-heures-d-etienne-chevalier-les-heures-de-la-croix-embaumement-du-corps-de-jesus_decoupe_peinture-sur-papier?page=9
Ce livre d'Heures est du premier intérêt pour nous, car il est contemporain du retable de Tarascon, et nous verrons en outre que que les enluminures de Fouquet inspireront le Maître du psautier de Jeanne de Laval, celle-ci étant la première détentrice du retable de Tarascon.
Or, à la différence des autres livres d'heures qui proposent une Mise au tombeau, Fouquet consacre une enluminure à l'Embaumement du corps de Jésus sur la pierre d'onction, dans le cycle des Heures de la Croix, et pour Complies, après la Comparution (prime), le Portement de Croix (tierce), la Mise en Croix (sexte, perdue), la Crucifixion (none), et la Descente de Croix (vêpres) et alors qu'une Déploration illustre un texte indépendant du cycle liturgique des Heures, le Stabat mater.
Mais selon Nicole Avril, cet embaumement "était la forme sous laquelle était représentée en France la mise au tombeau jusqu'au XIVe siècle ; le corps du Christ y était simplement déposé sur la dalle, entouré de quelques vieillards qui versaient avec solennité sur lui le contenu de fioles de parfum pour l'embaumer."
Elle illustre son propos de la verrière typologique ou baie 37 de la cathédrale de Chartres datant vers 1150 où un homme en rouge verse le contenu d'un flacon sur le corps, qui est soutenu par Joseph d'Arimatie et Nicodème, en présence (?) de Jean et de la Vierge
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On retrouve cette scène sur un chapiteau de la collégiale Saint-Etienne de Dreux (Deuxième quart XIIe siècle). Selon la notice du musée,
"Aux angles, deux personnages, exécutés presque en ronde bosse, soutiennent le corps , l'un à la tête et l'autre aux pieds. On peut les identifier à Nicodème et Joseph d'Arimathie. Celui de gauche est coiffé de cette calotte hémisphérique côtelée que les artistes du moyen-âge ont souvent attribué aux Juifs. Deux autres hommes, représentés de face, participent à la scène. L'un, manches retroussées, paraît verser sur le corps le contenu d'une fiole qui tient des deux mains ; l'autre, hiératique, revêtu d'une chasuble, porte un livre dans la main gauche et un linge plié dans la main droite. Ses cheveux courts et raides font place sur le sommet de la tête à une large tonsure : ce prêtre est vraisemblablement saint Pierre. Les quatre hommes, barbus et moustachus ont la tête entourée d'un nimbe dont le bord est souligné par un simple sillon concentrique."
Joseph d'Arimathie tient la tête du corps du Christ, placé sur la pierre d'onction. Nicodème tient les pieds. Un homme tête nue, barbu, nimbé, verse sur le corps le contenu d'un flacon. Un saint prêtre tient un livre et l'étole.
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Pour les Heures d'Étienne Chevalier, Fouquet représente le Christ déposé sur la Pierre de l'onction, entouré de dix hommes, dont deux coiffés de bonnets, un tête nue, et sept coiffés de bonnets coniques ou de turbans juifs, associés à Jean (imberbe), un peu en arrière, la Vierge et deux saintes femmes, tandis que Marie-Madeleine est agenouillée et embrasse la main gauche du Christ.
La fonction d'embaumement est, comme pour les œuvres du XIIe siècle, réservée aux hommes : L'un tient un pot d'onguent et pose la main sur l'avant-bras gauche. L'autre, les manches retroussées, verse une fiole sur le flanc gauche. Un autre tient une fiole identique. Enfin un pot d'onguent est posé sur la pierre, devant l'homme vêtu d'or et de bleu, penché sur les jambes. Aucun écoulement de sang depuis les plaies n'est représenté.
Nous avons bien là non seulement la représentation de porteurs de pots ou flacons, mais bien celle d'un geste d'embaumement par versement d'aromates sur le torse et les jambes de Jésus.
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Les hommes porteurs de fioles ou pots d'aromates sont aussi représentés par Fouquet sur les autres enluminures des Heures d'Etienne Chevalier, enluminures conservées au sanctario du château de Chantilly.
a) Sur la Descente de Croix : deux personnages barbus tiennent des pots d'onguent dorés.
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b) Sur la Déploration: un homme près de la croix tient une fiole en verre .
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4°) Examen du Psautier de Jeanne de Laval (1458-1460 Maître de Jeanne de Laval et Jean Fouquet).
René d’Anjou (Angers 1409- Aix-en Provence 1480), comte de Provence, duc de Bar, de Lorraine et d’Anjou, roi de Naples. Il apporte son soutien à son beau-frère Charles VII de France contre les Anglais, lors de la guerre de Cent Ans. Il crée de nouveaux impôts, centralise l’administration dans ses États et protège le commerce ; ces actions, jointes à son amour des arts, le fait passer à la postérité sous le nom du bon roi René. Bibliophile renommé, ce prince fit enluminer dans la région du Mans et d’Angers un nombre considérable de manuscrits, avant qu’il ne parte définitivement pour la Provence en 1471, en compagnie de sa seconde épouse Jeanne de Laval. Il écrit des romans : le Livre du cœur d’amour épris (1457), un Traité de la forme et devis comme on fait les tournois (1451), … et des poésies.
Née en 1433, Jeanne est la fille de Guy XIV de Laval et d'Isabelle de Bretagne. En épousant en 1454 le roi René d'Anjou, mécène éclairé, elle devient reine de Jérusalem et de Sicile, duchesse d'Anjou et de Bar et comtesse de Provence. Elle survivra au roi dix-huit ans pour s'éteindre en 1498.
Le Psautier de Jeanne de Laval. (1458-1460 Maître de Jeanne de Laval et Jean Fouquet) est conservé à la Médiathèque de Poitiers Ms 41 (202). Il était destiné à Jeanne de Laval, duchesse d'Anjou. D'après A.-M. Legaré, il s'agit probablement d'un psautier laissé par Jeanne de Laval en héritage à ses nièces (testament, 1498) et peut-être à identifier avec le psautier mentionné comme relié dans les comptes de juillet-août 1458. On y trouve au folio 22 ses armoiries, après son mariage et modifiées après la mort du roi René. Ce sont les armoiries de la famille Laval, "de gueules au léopard d'or" (f. 122) associées à la devise conçue par le roi René dès 1454 des deux tourterelles unies par un collier bleu (f. 22, 41v, 66v, 78v, 93v, 107v, 122).
Plusieurs enluminures représentent Marie-Madeleine auprès du cadavre du Christ.
f.16 Déposition, déploration et don du tombeau par Joseph d'Arimathie.
Thème : La même enluminure représente trois épisodes successifs du récit de la Passion, et les personnages principaux sont représentés deux ou trois fois. Jeabn est absent, ou bien il est représenté barbu. 1. La déposition par Joseph d'Arimathie et Nicodème. Marie tient la main de son fils. Marie-Madeleine étreint le pied de la croix. 2 La déploration : Le corps ensanglanté de Jésus repose sur les genoux de sa mère, devant une sainte femme (Marie-Madeleine? et un saint barbu (Jean ?) . 3 Après la mort de Jésus, le pieux Joseph d’Arimathie obtient l’autorisation d’ensevelir la dépouille du Christ dans un tombeau.
À droite, un homme (Joseph d'Arimathie ?) tient un pot d'aromates blanc : l'embaumement est déjà annoncé.
Analyse : Le travail du Maître du psautier de Jeanne de Laval (artiste anonyme actif à Angers) est influencé par d’autres artistes et a pu être rapproché des Heures d’Etienne Chevalier réalisées par Jean Fouquet entre 1452 et 1460 . Parfois, le Maître de Jeanne de Laval extrait un ou plusieurs personnages d’une scène qu’il intègre dans une enluminure illustrant le même thème et occupant la même fonction que dans l’enluminure des Heures d’Etienne Chevalier. En observant la scène de la Descente de Croix dans chacun des deux manuscrits (santuario 15 des Heures d’Etienne Chevalier), François Avril a relevé des similitudes dans les attitudes générales des personnages, notamment concernant l’homme détachant le Christ de sa croix. Maintenant, si l’on compare plus en détail les deux scènes, on constate une forte ressemblance de l’homme de profil portant un vase dans la partie droite de l’image. Le Maître de Jeanne de Laval semble s’être inspiré de l’œuvre de Fouquet non seulement pour la fonction et la place de ces personnages mais également pour le chapeau ainsi que la position de la tête légèrement levée mais l’analogie est particulièrement frappante au niveau des plis des tuniques des deux hommes. (Médiathèque de Poitiers)
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Psautier de Jeanne de Laval f.17 L'Ensevelissement / Maître de Jeanne de Laval. ; Jean Fouquet.
Il y a encore trois épisodes : 1. la Vierge priant au pied de la croix vide ; 2. la mise au tombeau ; et 3. la pose de la pierre tombale fermant le tombeau, en présence de la Vierge et des trois Maries. Et même une scène 4 où Jean et la Vierge s'éloignent.
On remarquera en 3 Marie-Madeleine avec son pot d'aromates posé au sol.
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"Parfois, le Maître du psautier de Jeanne de Laval extrait un ou plusieurs personnages d’une scène qu’il intègre dans une enluminure illustrant le même thème et occupant la même fonction que dans l’enluminure des Heures d’Etienne Chevalier dont ils sont issus comme dans cette Mise au tombeau. Les acteurs de cette scène dans les Heures d’Etienne Chevalier (santuario 17) sont majoritairement repris pour composer le premier plan de celle-ci. Les deux hommes déposant le corps du Christ dans l’œuvre de Fouquet et ceux plaçant la dalle du tombeau dans le psautier de la reine n’ont pas strictement la même fonction, les mêmes vêtements, la même position ni les mêmes mouvements mais sont presque identiques. Le maître de Jeanne de Laval a modifié en partie les couleurs et la position des têtes. Nous retrouvons dans une attitude proche, la femme dont seule l’épaule gauche dépasse derrière le tombeau. Enfin, notons également que les deux derniers personnages présents dans ce premier plan de la Mise au tombeau du psautier trouvent leur équivalent chez Fouquet. Il s’agit de la Vierge et de l’homme de profil à droite de chacune des scènes. Comme pour les f11, 12, 13 et 16, des rapprochements entre le Miroir historial du Maître François (BnF, ms. fr. 50 et 51 et Chantilly, musée Condé, ms 122) peuvent être établis. Les architectures que les deux miniaturistes placent dans leurs paysages sont très similaires dans la Mise au tombeau du psautier et la miniature du f47v . (Médiathèque)
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f22+. Excursion hors du sujet : Armoiries et couple de tourterelle ; f34 Deux tourterelles liées entre elles par un collier bleu sur une branche de groseiller
"Les armes figurées dans le Psautier sont exclusivement celles portées par Jeanne de Laval. Elles sont couronnées, ainsi que le titre de reine de Sicile, Hongrie et Jérusalem y donne droit. De discrètes tiges florales ajoutent une touche personnelle à cette héraldique qui reste avant tout une proclamation dynastique. Il s’agit de fleurs de janette, Lychnis dioica, ou de compagnon, Lychnis coronaria alba, figures parlantes fréquemment employée par les utilisatrices éponymes d’emblèmes comme Jeanne de France ou Jeanne de Bourbon. Les tourterelles faisant partie de la devise y sont associées (voir f1). Cette ornementation prend position à la place d’honneur, en haut et à gauche de la page. Elle introduit véritablement le texte saint par ce portrait emblématique de la reine. Associée au texte saint, cette lettre de bois mort prend l’apparence du lignum vitae, le bois sec de la croix du Christ, du verbe incarné, rendu vivant par le miracle de la résurrection et le triomphe sur la mort. Par sa dévotion, son amour et son association au texte saint, le couple royal, en personne et en fonction, participe de ce message d’espérance chrétienne.
Deux écus différents sont peints dans le Psautier de Jeanne de Laval. Sur le f22 se trouve celui de Jeanne de Laval et celui de Laval ancien est au f122. Les marques de possession permettent d’obtenir des renseignements sur les possesseurs mais aussi sur la datation. À l’aide des emblèmes et armoiries peints dans le psautier, nous pouvons déduire qu’il fut très probablement conçu entre 1466 et 1480. L’écu présente l’avantage d’avoir subi plusieurs phases d’évolution qu’il est possible d’associer à des périodes d’utilisations. En effet, à partir de 1454, année du mariage de Jeanne de Laval avec René d’Anjou, les armes de la nouvelle reine sont formées comme toute épouse, de celles de son mari – à dextre (gauche), place d’honneur – et de celles de son père (Guy XIV de Laval, 1406-1486) ainsi que, plus rare, de celles de sa mère (Isabelle de Bretagne, † 1444) – à senestre (droite). Par conséquent, l’évolution des armes de René implique celle de la partie dextre de l’écu de sa femme. Christian de Mérindol a ainsi identifié trois armes différentes employées pendant les périodes suivantes : de 1454 à 1466, de 1466 à 1480 et de 1480 jusqu’en 1498. L’écu peut être rapproché de la seconde période en raison de la surcharge de l’Aragon dans la partie dextre. La présence de cet élément implique une datation postérieure à 1466. Le second écu présent dans le psautier, celui de Laval ancien peint au f122, permet d’affiner la datation." (Médiathèque)
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5°) Les miniatures des deux livres d'heures de René d'Anjou (Londres British museum Egerton MS. 1070 et Bibl. Nat. Lat. 1156 A).
Le but est là encore de documenter la dévotion des époux envers les plaies du Christ. Mais je n'ai observé aucun geste d'embaumement.
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a) Horae ad usum Parisiensem [Heures de René d'Anjou, roi de Sicile (1434-1480)] BnF lat.1156A.
Initiales d'or ou peintes sur fond d'or. 23 peintures, 32 miniatures et encadrements. Portraits de Louis II d'Anjou, roi de Sicile (f. 61) et de René I er d'Anjou, roi de Sicile (f. 81v), pour qui ce volume fut exécuté, avec nombreuses armoiries ou emblèmes et devise de ce dernier. - Parchemin. - IV et 148 ff.
-a1 Folio 81v et 82 René d'Anjou en méditation devant le Christ mort.
Les deux folio se font face.
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-a2. L'Hostie de Dijon, folio 22r.
Sur l'hostie s'inscrit le Christ sauveur assis sur l'arc en ciel, les instruments de la Passion, et de multiples taches de sang.
C'est l'image de la Sainte Hostie miraculeuse, donnée en 1431 par le pape Eugène IV à Philippe le Bon qui la déposa à la Ste-Chapelle de Dijon où elle a été conservée comme une des plus fameuses reliques de la France jusqu'à la Révolution.
On la trouve aussi dans le deuxième livre d'Heures de René d'Anjou, conservé au British Museum de Londres sous la côte Egerton MS. 1070. Cela témoigne de l'importance de cette relique pour René d'Anjou.
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Selon Otto Pächt, "Toutes les reproductions de la sainte Hostie publiées jusqu'à présent représentent l'état de la relique telle qu'elle existe depuis 1505 — l'Hostie enfermée dans la monstrance donnée en 1454 par la duchesse Isabelle de Portugal, troisième femme de Philippe le Bon, et cette monstrance surmontée de la couronne que Louis XII avait portée le jour de son sacre. Les miniatures des deux livres d'heures de René d'Anjou (Egerton MS. 1070 et Bibl. Nat. Lat. 1156 A), d'autre part, reproduisent l'état original, c'est-à-dire tel qu'il était avant 1454. En effet, la première seulement, celle du livre d'heures de Londres, mérite d'être désignée comme reproduction authentique, car celle du livre d'heures de Paris n'en est que la copie, légèrement modifiée par un enlumineur qui a eu sous les yeux la miniature de Londres, mais ?ui n'a jamais vu l'objet lui-même, l'Hostie miraculeuse de Dijon, our obtenir une composition plus symétrique et décorative, l'enlumineur de l'Hostie de Paris a élevé le nombre des anges de deux à quatre, mais la sainte Hostie n'a jamais eu plus de deux anges comme porteurs. "
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b)Les Heures Egerton 1070.
L'hostie de Dijon partie 2 folio 110
https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=10660
https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/record.asp?MSID=8486&CollID=28&NStart=1070
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6°) Le culte de Sainte-Marie-Madeleine, sainte Marthe et des Trois Maries relancé par René d'Anjou.
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"Le roi René avait pour Marie-Madeleine une dévotion partirculière qui se manifesta notamment à Saint-Maximin-du-Var et à la Sainte-Baume. Rappelons la fondation du couvent de la Baumette près d'Angers à l'image de la Sainte-Baume peu avant 1453, les fouilles, la découverte et la translation des compagnes de la Madeleine aux Saintes-Maries en 1448 et 1449, ou la mention de legs au couvent de Saint-Maximin dans ses trois testaments pour l'achèvement de l'église en 1453, 1471 et 1474. En 1448 il avait fait ouvrir la châsse de sainte Madeleine et avait affirmé le 16 avril que le corps de la sainte et pas seulement la tête se trouvait à Saint-Maximin. Il développa le culte de sainte Marthe, sœur de Marie-Madeleine et de Lazare. Il porta tous ses soins à l'église Sainte-Marthe de Tarascon qui contenait le tombeau de cette sainte et fit de nombreuses donations au couvent des Célestins d'Avignon qui abritait notamment la chapelle Saint-Lazare décorée depuis peu, vers 1450, d'une peinture murale, La Communion de la Madeleine dans le désert de la Sainte-Baume ». Le 27 janvier 1477, le roi René et Jeanne de Laval offrirent un reliquaire composé d'une croix d'or contenant un morceau de la vraie croix qu'avaient apportées, précise le texte de la donation, saint Lazare, Marie-Madeleine, sa sœur Marthe et les saintes Marie Jacobé et Salomé, ses compagnes." (Ch de Mérindol)
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"L’invention des saintes Maries de la Mer en 1448 institue René en fondateur d’un culte qui renforce à la fois son ancrage régional et son rayonnement international. La dévotion rendue aux saintes méridionales sert l’unification dynastique des Anjou et s’impose à l’entourage curial de René." (Florence Bouchet, Les Arts et les Lettres en Provence au temps du roi René, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2013, https://doi.org/10.4000/peme.7556)
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"Le caractère dispersé des territoires de la principauté d’Anjou est un des facteurs structurants de l’histoire de la seconde Maison du même nom. La réflexion autour du culte des saints, spécifiquement orientée sur le comté de Provence, seul « pays » possédé en propre par la dynastie, permet d’approfondir un dossier déjà ouvert par d’autres chercheurs: la dévotion aux saintes provençales – Marie Madeleine, Marthe, Marie Jacobé et Marie Salomé – et leur rayonnement dans les autres possessions angevines. La légende, inventée par les moines bourguignons de Vézelay durant la seconde moitié du xie siècle afin de justifier la venue de la Madeleine dans le royaume de France, veut qu’elles aient échoué dans le Midi suite à leur expulsion de la Terre Sainte par les Juifs. Figures d’une piété régionale et même locale, chacune étant attachée à une civitas distincte des autres, ces saintes participent à une piété christique en plein apogée dans les milieux princiers de la fin du Moyen Âge. En Provence, la dévotion envers la plus importante d’entre elles, Marie Madeleine, a connu une nouvelle vitalité à partir de 1279, lors de l’invention de ses reliques à Saint-Maximin à l’initiative du roi de Naples Charles II d’Anjou. La promotion royale du culte magdalénien, occasionnant un certain délaissement des pèlerinages de Vézelay au profit de Saint-Maximin, ne doit pas faire oublier que la famille de Béthanie et ses compagnons d’exil peuvent également être étudiés comme une entité évangélique porteuse de sens pour elle-même au-delà des figures qui la composent.
La présente étude, en examinant des sources déjà connues, cherche à proposer une nouvelle réflexion sur des saintes qui apparaissent comme objets d’une piété individuelle et dynastique mais aussi comme objets d’une stratégie politique élaborée par René d’Anjou. Le souverain doit unir ses territoires autour de sa personne et de sa famille – socle, selon l’idéologie royale française dont sont porteurs les princes de fleur de lys, d’une nation dont l’identité se forge sur la dynastie qui la gouverne – et use du culte des reliques à cette fin. Cependant, concevoir la dynastie princière comme vecteur d’une transmission cultuelle propre à unifier des États disparates ne doit pas occulter la dimension purement spirituelle et individuelle de la piété de ses membres envers ces saintes." (M. CHAIGNE-LEGOUY )
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Trois_Maries_au_S%C3%A9pulcre#/media/Fichier:Hubert_van_Eyck_or_Jan_van_Eyck_or_both_-_The_Three_Marys_at_the_Tomb_-_Google_Art_Project.jpg
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7°) Les techniques d'embaumement.
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"résumé : L’embaumement tel qu’il est pratiqué en Occident doit répondre à deux exigences : conserver
le corps jusqu’à l’achèvement des cérémonies funèbres (fonction pratique) ; lui donner une « odeur
de sainteté » qui permettra son entrée au Paradis lors de l’« apothéose » (fonction théologique).
Sont ici présentées quelques analyses anthropologiques et ostéo-archéologiques pratiquées par
notre équipe, et qui montrent bien la complexité de ces pratiques."
Des épices particulièrement onéreux sont utilisés pour Jean Ier de Berry en 1416 : embaumement interne à base de farine de fèves, d’oliban, de myrrhe, d’encens, de mastic, de momie, de “militilles”*, de bol d’Arménie, de sang-dragon, de noix de cyprès, d’herbes odorantes, de mercure, de camphre, de musc, de colophane, de poix noire et de coton ; cadavre enveloppé dans une toile de Reims, ficelé de cordes, déposé dans un coffre de plomb sans couvercle placé dans un cercueil de bois avec des anneaux en fer.
Trois sépultures sont consacrées, comparablement à l’usage royal : tombeau de corps dans la cathédrale de Bourges, tombeau de cœur dans la basilique de Saint-Denis, tombeau d’entrailles dans l’église Saint-André-des-Arts à Paris .
En 1435, Jean de Lancastre, duc de Bedford, meurt à Rouen. L’étude récente de sa dépouille a mis en évidence un embaumement (interne et/ou externe ?) à base de mercure, myrte, menthe, encens, chaux et cuivre (8). Les chroniques historiques attestent que le corps a été mis en un cercueil de chêne dans un contenant en plomb.
D’autres corps ont été décrits comme recouverts de mercure ou “noyés” dans un cercueil rempli de mercure, par exemple Charles VII (1461) et Anne de Bretagne (1514)... du moins tel qu’attesté au cours des profanations révolutionnaires de leurs tombeaux dans la basilique royale de Saint-Denis. En 1450, Agnès Sorel, favorite officielle du roi Charles VII, meurt à Jumièges (Normandie) ; son embaumement est pratiqué sur place. Une partie des viscères est inhumée dans cette abbaye, tandis que le corps embaumé est déposé à Loches. Son étude inter-disciplinaire a mis en évidence un usage de fruits et graines de mûrier blanc, de rhizomes (gingembre ?) et de poivre gris maniguette d’Afrique de l’Ouest . Si le corps de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, n’a pas été conservé, les comptes de son embaumement ont permis d’identifier les substances utilisées pour la préservation de son cadavre : embaumement interne et externe à base de poix noire, résine, colophane, encens, mastic, styrax calamite, gomme arabique, gomme adragante, aloès, myrrhe, Gallia muscata (préparation officinale), Alipta muscata (préparation officinale), cerfeuil musqué, noix de cyprès, térébenthine, canevas, poivre, sel, camphre, cumin, bol d’Arménie, terre sigillée, henné, écorce de grenade, galbanum, bois d’aloès, alun zédoaire répandu sur le corps après embaumement et bandelettage, baume artificiel sur le visage. Le cadavre a ensuite été déposé dans un cercueil de fer puis de plomb.
En revanche, si les restes de Louis XI et Charlotte de Savoie ont pu faire l’objet d’une étude scientifique complète, aucun produit d’embaumement n’a pu être mis en évidence de façon claire ; seuls ont été identifiés des signes osseux d’ouverture du corps, sternotomie, craniotomie . La squelettisation quasi-complète des restes de Diane de Poitiers (morte en 1566) n’a pas permis de mettre en évidence d’autre produit d’embaumement que des résidus bitumeux.
Les cas plus récents sont particulièrement bien documentés, car certains chirurgiens n’hésitent pas à user de cadavres célèbres pour assurer leur propre notoriété, sorte de publicité par les défunts : Jacques Guillemeau publiera ainsi dans ses œuvres de chirurgie le compte-rendu de ses rapports d’autopsie de Charles IX, Henri III et Henri IV ,tandis que chroniqueurs, serviteurs, aumôniers se feront eux-aussi le porte-voix très détaillé de l’ensemble de ces soins post mortem.
L’archéo-anthropologie permettra dans certains cas de confronter données textuelles et scientifiques, comme par exemple dans le cas d’Anne d’Alègre, comtesse de Laval : morte en 1619, elle subit une éviscération complète doublée d’une craniotomie. Viscères et cerveau sont remplacés par une matière compacte brun clair poudreuse odoriférante, mélange de copeaux de bois, de segments de tiges et de radicelles, de calices floraux, graines et quelques feuilles : 90% de thym, sinon origan et genévrier. Un bourrage des cavités, boîte crânienne et cage thoracique, est effectué. Le corps est ensuite pris dans un linceul de toile maintenu à l’aide de cordelettes de chanvre, déposé dans un cercueil anthropomorphe en plomb inclus dans un cercueil en bois sur lequel a été posé le “reliquaire” de cœur en plomb (. (Ph. Charlier)
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Les funérailles royales : Un corps embaumé
Composante essentielle de toutes funérailles royales et aristocratiques, un embaumement fut pratiqué sur la dépouille de Charlotte de Savoie, avec incision interne .En Occident, le cas le plus ancien d’embaumement interne… : on rémunéra ainsi deux barbiers d’Amboise pour avoir ouvert le corps « pour icelluy embamer qui fut au chasteau d’Amboize le premier jour de décembre » . Les organes les plus putrescibles – le cœur et les entrailles – furent ôtés et enterrés séparément à Saint-Florentin. La cérémonie fut brève et sans éclat : 12 torches de 2 livres chacune servirent lors de l’inhumation, sans doute précédée d’une messe de requiem .
[Le cadavre est divisé en différentes parties réparti dans divers lieux]. La reine n’avait pas exprimé dans son testament le désir d’une telle partition, suivant en cela les pratiques de ses devancières qui, dès la fin du XIVe siècle, prirent leurs distances vis-à-vis de la pratique des sépultures doubles. Certaines, telles Blanche de Navarre et Isabeau de Bavière, la rejetèrent explicitement, la division étant pour elles un signe d’orgueil incompatible avec le salut de l’âme ; d’autres se contentèrent de ne pas la mentionner dans leurs testaments . Quelles que soient les prescriptions, les viscères étaient généralement ôtés, par respect de la coutume royale et par souci de conservation de la dépouille.
Les techniques de l’embaumement médiéval sont bien connues, grâce aux traités médicaux et chirurgicaux [Chirurgie de maître Henri de Mondeville chirurgien de Philippe ] …, et grâce aux découvertes des archéologues. Après incision de la dépouille pour l’extraction des viscères, le chirurgien garnissait les cavités thoraco-abdominales d’épices et de plantes aux vertus antiseptiques, desséchantes et odoriférantes. Puis il recousait le corps et pratiquait l’embaumement dit « externe » consistant en l’application de baumes et d’aromates. Entre autres produits utilisés, figuraient la myrrhe, l’encens, la lavande, le laurier, l’aloès, le camphre, du sel, du vif-argent, de l’eau de rose et du vinaigre. Le cerveau était aussi ôté. L’exérèse se faisait par un sciage du crâne sur tout le pourtour .
Jean Gascoing, apothicaire de la reine, se chargea de fournir, sur indication médicale, tous les produits nécessaires, sans que le compte ne les détaille, évoquant juste l’achat de « drogues et bonnes odeurs » au coût élevé (près de 100 livres tournois) . Il reçut aussi 20 sous pour la fourniture de « demi aune de taffetas » qui servit à faire des écussons pour mettre « en l’estomac de ladite dame » . Ce passage est inhabituel pour un embaumement. Les viscères enlevés, on redonnait au corps son volume par l’introduction de plantes, et parfois d’étoupes. Il semble que, ici, on ait plutôt utilisé du taffetas aux armes de la reine. Jean Gascoing fournit également de la toile cirée, qu’un tailleur transforma en robe étroite et en chausses « pour ensevelir le corps » , un suaire aux vertus propitiatoires (en référence au linceul du Christ) et thanatopraxiques (interdisant tout accès à l’humidité et à l’air) . (Gaude-Ferragu)
"Au bas Moyen Âge, la plupart des princes sont embaumés qu’il s’agisse des ducs de Bretagne (Jean II en 1305), de BourgognePhilippe le Hardi en 1404 et Philippe le Bon en 1467. , de Berry Jean, duc de Berry en 1416. , de Bourbon Jean II (1488) et Pierre II (1503). , d’Anjou Louis Ier (1384), Louis III (1434) et René Ier (1480). , des comtes de Flandre Louis II de Male (1384) ou de Foix-Béarn Louis II de Male (1384)" (Gaude-Ferragu)
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SOURCES ET LIENS.
— CHAIGNE-LEGOUY (Marion) "La seconde Maison d’Anjou et le culte aux saintes Maries et Marthe : essai d’interprétation culturelle et politique des pratiques dévotionnelles princières", in Chantal Connochie-Bourgne, Valérie Gontero-Lauze, Les Arts et les Lettres en Provence au temps du roi René
https://books.openedition.org/pup/19329
— CHARLIER (Philippe) 2015, L’embaumement : rituel et symbole de pouvoir en Occident HISTOIRE DES SCIENCES MEDICALES - TOME XLVIV - N° 1 - 2015
https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2015x049x001/HSMx2015x049x001x0099.pdf
— Notice Cluny et Louvre /RMN RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010053222
https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/pieta-de-tarascon.html
Dépôt du Louvre, 1910 N° Inventaire : Cl. 18509 Hauteur : 84 cm Largeur : 130 cm [Hauteur : 0,885 m ; Largeur : 1,305 m] Lieu de production : Provence Lieu de découverte : Château de Tarascon Complément d'information sur le lieu : Château de Tarascon Période : 3e quart du 15e siècle
Cluny : "Cette peinture provençale du 15e siècle représente le thème de la Pietà. La Vierge éplorée porte sur ses genoux le corps de son fils Jésus. Elle est entourée de Jean et des trois Marie, dont Marie-Madeleine, reconnaissable à ses cheveux dénoués et à son pot de parfum. La scène insiste sur la douleur (mines tristes, couronne d’épines, présence du sang…) et amène à réfléchir sur la souffrance et la mort.
Le tableau est probablement celui qui ornait la "chambre neuve de la reine" du château de Tarascon, en 1457. Si tel est le cas, il aurait alors été commandé par le roi René (1409–1480), duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Naples et de Sicile.
L’œuvre se trouvait dans l’hospice de Tarascon en 1910 lorsqu’elle a été acquise par le musée du Louvre puis déposée au musée de Cluny. A cette date, en arrière-plan, se développait un ample paysage dominé par la silhouette de Jérusalem (entre le Christ et saint Jean, au niveau du bras droit du Christ, un fragment brunâtre de cet ajout des 16e – 17e siècles a été préservé). Il a été retiré en 1950, découvrant un fonds d'or, délicatement parcouru de rinceaux estampés et égayé d’auréoles poinçonnées à petits motifs géométriques et de fleurettes.
L’œuvre s’inspire des compositions des grands maîtres de la peinture flamande (Rogier van der Weyden, en particulier) et plus directement encore de la Pietà d’Avignon peinte par Enguerrand Quarton pour la collégiale de Villeneuve-les-Avignon, aujourd’hui au musée du Louvre. Plus chargée en personnages, d’un tracé un peu dur, mais chargée de la douce lumière caractéristique des peintres du Midi de la France, la Pietà de Tarascon pourrait être l’œuvre de l’atelier des frères Dombet basé à Aix-en-Provence. L’œuvre est présentée dans les nouvelles salles du musée, après restauration (2021).
Louvre :
"Au centre, la Vierge est assise, en vêtement bleu à orfroi d'or et bordure de col à inscription stylisée, IHM ; sur ses genoux, le Christ mort, la tête vers la gauche, une longue traînée de sang coulant de la plaie du côté droit ; à gauche, saint Jean, en robe rouge et manteau vert, retire la couronne d'épines ; à droite, Madeleine, vêtue d'une robe rose et d'un manteau vert pâle à bordure d'hermine, les cheveux blonds éployés sur le dos, agenouillée, tenant un vase d'une main et une plume de l'autre dont elle répand des essences sur les plaies des pieds du Christ ; à droite, une sainte femme (Marie ?) vêtue de rouge, baise la main du Christ ; et une autre femme sainte portant un chaperon blanc et un manteau pourpre, joint les mains en prière. Le fond d'or, gravé de rinceaux de feuillages stylisés et des nimbes des personnages, a été mis à jour après restauration en 1951 : il était recouvert d'une couche picturale représentant la base de la croix, la ville de Jérusalem et un paysage, exécutés au XVIe siècle."
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— ERLANDE-BRANDENBOURG (Alain), (1968) La Pietà de Tarascon [compte-rendu], Bulletin Monumental Année 1968 126-2 pp. 197-198
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1968_num_126_2_7863
"La Pietâ de Tarascon. — Le célèbre primitif, la Pietà de Tarascon, que possède le Musée de Cluny, a déjà fait l'objet de nombreuses études. M. Charles Sterling avait publié en 1955 un très important article [La Revue des Arts, 1955, p. 25-46) où il émettait l'hypothèse qu'il était l'œuvre de Thomas Grabuset. On sait que ce peintre était en activité en 1457, date à laquelle ce tableau est signalé, dans l'inventaire du château de Tarascon, comme étant dans la chambre de la reine, Jeanne de Laval. Cependant l'absence d'œuvres certaines de Grabuset — l'auteur n'admet pas l'attribution du Saint Georges de l'église de Caromb — n'était qu'une suggestion provisoire.
Une étude plus approfondie du milieu que fréquentait ce peintre a permis à l'auteur, dans cet article, de proposer une nouvelle identification. Grabuset était associé dès 1450 à l'atelier des peintres Dombet à Avignon, dont on connaît une des productions : les trois vitraux qui ornent la chapelle Saint-Mitre à la cathédrale d'Aix-en-Provence. On voit au centre saint Mitre qui porte sa tête coupée, à droite saint Biaise, à gauche un évêque qui est peut-être saint Nicolas. Ces vitraux, commandés par l'archevêque d'Aix, Nicolai" (t 1443), étaient payés, en 1444, au « maître Guillaume, peintre d'Avignon ».
Ce peintre a pu être identifié avec Guillaume Dombet, peintre-verrier établi à Avignon de 1414 à sa mort survenue en 1461. L'art de ces verrières se ressent de l'influence du maître de l'Annonciation d'Aix, mais en en desséchant « le puissant volume, le riche modelé, le dessin admirable ». De plus, dès avant cette époque, vers 1430, l'art flamand avait déjà pénétré l'atelier de Guillaume, dont l'une des filles avait épousé Arnold de Catz, peintre originaire d'Utrecht, que l'on peut vraisemblablement identifier avec cet Arnoulet qu'on trouve en 1423 maître à Tournai. On ne peut pas néanmoins voir en lui l'auteur de l'Annonciation, car il mourait en 1434. Arnolet dut marquer surtout ses propres beaux-frères, Aubry et Jacques. D'après les informations que nous possédons sur ces deux frères, ils devaient compter, entre 1430 et 1434, parmi les premiers peintres provençaux à connaître le nouvel art flamand. Or, la fameuse pierre tombale de l'archevêque Nicolai, commandée à Guillaume, dénote, comme les vitraux, l'influence du « Maître de l'Annonciation d'Aix ». Guillaume devait, étant donné son âge, travailler dans un style plus traditionnel, si bien que l'auteur en arrive à se demander si ces ouvrages, payés à Guillaume, n'ont pas été exécutés par son fils Aubry, nourri au cours de son apprentissage par les leçons d' Arnolet et formé définitivement par l'influence personnelle du « Maître de l'Annonciation d'Aix », en 1443-1444. C'est sans doute à lui qu'il faut attribuer le Noli me tangere qui orne les volets du retable de l'Annonciation. Jacques, le plus jeune, n'apparaît pas dans les textes avant 1450. Il fait alors figure de disciple de son frère ainé. Aussi l'auteur émet-il l'hypothèse qu'il pourrait être l'auteur de la Pietà de Tarascon, qui conserve des souvenirs manifestes du style des vitraux d'Aix, mais traités avec plus de sécheresse. A ces trois œuvres : vitraux d'Aix, Noli me tangere, Pietà de Tarascon, il faut ajouter le Retable de Boulbon. Le peintre qui l'exécuta fut sans doute le disciple le plus provençal du « Maître de l'Annonciation ». Cependant M. Sterling se refuse à l'attribuer à Aubry. La densité plastique et la gravité spirituelle dénotent un artiste d'une autre envergure qui a dû travailler aux côtés de celui-ci. Or, Thomas Grabuset est resté très longtemps lié aux Dombet, ce qui permet à l'auteur d'envisager cette attribution qui restera hypothétique aussi longtemps qu'une œuvre certaine ne sera révélée. L'auteur insiste ensuite sur le mécénat du roi René. Au contraire de ce que l'on a pu prétendre, M. Sterling affirme que, dès avant son installation définitive en Provence en 1471, il «ut un rôle considérable dans la formation de cette première génération de peintres provençaux. La fameuse enluminure du Roi-Mort, insérée dès 1435-1437 dans son livre d'heures, appartient en effet à l'art provençal. A l'exception des œuvres de Quarton, toutes les œuvres marquantes qui ont vu le jour en Provence entre 1450 et 1460 environ se rattachent plus ou moins directement au groupe de peintres qui ont travaillé pour ce prince. M. Sterling y joint la fameuse tapisserie de Détroit, « L'amour vainqueur », dont on a déjà, parlé ici même (1966, p. 225). — Charles Sterling, La Pietà de Tarascon et les peintres Dombet, dans la Revue du Louvre et des Musées de France, 1966, p. 13-26, 23 fi"
— ERLANDE-BRANDENBOURG (Alain), 1967, La statue agenouillée de femme du Musée de Cluny, [compte-rendu] Bulletin Monumental Année 1967 125-1 pp. 94-95
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1967_num_125_1_7752
— Grodecki Louis 1959, Guillaume Dombet, verrier, est-il le «Maître de l'Annonciation d'Aix»? [compte-rendu] Bulletin Monumental Année 1959 117-1 pp. 80-81
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1959_num_117_1_4043_t1_0080_0000_1
— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2016 « Le mannequin du roi » Mort et funérailles royales en France au xve siècle, Presses universitaires de Provence.
https://books.openedition.org/pup/43885?lang=fr
"Le souverain fut toujours inhumé avec un faste particulier, symbole de son rang et de son prestige. Le convoi qui traversait Paris jusqu’à Saint-Denis était l’occasion de mettre en scène la majesté royale. Le corps était exposé « à découvert », la tête ceinte d’une couronne, tenant les regalia. Les Valois accentuèrent encore la cérémonialisation de leur cour, dans une vaste opération de communication politique visant à légitimer le changement de branche. Dernière entrée du défunt dans sa capitale, les funérailles se voulaient triomphales. Le rituel connut des évolutions majeures au début du xve siècle, lors de la célébration des funérailles de Charles VI en 1422 dans un contexte difficile lié à la folie du roi et aux crises de succession qui s’ensuivirent. Les innovations introduites (effigie funèbre et cris d’inauguration) étaient vouées à un brillant avenir puisqu’elles perdurèrent jusqu’au début du xviie siècle."
— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2009, « L'honneur de la reine » : la mort et les funérailles de Charlotte de Savoie (1er-14 décembre 1483) [1] Revue historique 2009/4 (n° 652), pages 779 à 804
https://www.cairn.info/revue-historique-2009-4-page-779.htm
— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2011, "Tribulations corporelles et inhumation royale : les funérailles de René Ier d’Anjou" in Jean-Michel Matz, Noël-Yves Tonnerre René d'Anjou (1409-1480), Pouvoirs et gouvernement, Presses univresitaires de Rennes.
https://books.openedition.org/pur/124788#ftn26
— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2005, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq.
— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2014, Anne de France, la mort et les corps saints
https://sorbonne-paris-nord.hal.science/hal-03883117/document
"Le mannequin de cire présentait donc le défunt dans tout son apparat, vêtu du manteau ducal et paré du collier de l’ordre royal. Le chapeau couronné, serti de multiples pierres précieuses, renforçait encore l’image de son pouvoir (fig. 2). L’emploi d’une effigie était pourtant réservé aux seuls monarques, à certaines de leurs épouses, et aux princes dotés d’un titre royal, même fictif, comme René d’Anjou, roi de Naples et de Sicile."
— GEORGES (Patrice), Les aromates de l'embaumement médiéval.
https://www.academia.edu/1518955/Les_aromates_de_lembaumement_m%C3%A9di%C3%A9val_entre_efficacit%C3%A9_et_symbolisme_The_spices_for_medieval_embalming_between_symbolism_and_efficiency
—GUIDINI-RAYBAUD (Joëlle), 2003 Pictor et veyrerius: le vitrail en Provence occidentale, XIIe-XVIIe siècles Presses Paris Sorbonne, 2003 - 382 pages Voir Dombet pages 200 et 298
https://www.google.fr/books/edition/Pictor_et_veyrerius/9KgeXwDVxBYC?hl=fr&gbpv=1&dq=Pictor+et+veyrerius:+le+vitrail+en+Provence+occidentale,+XIIe-XVIIe+si%C3%A8cles+De+Jo%C3%ABlle+Guidini-Raybaud&printsec=frontcover
— HABLOT (Laurent) 2009 « Mise en signe du livre, mise en scène du pouvoir : armoiries et devises dans les manuscrits de René d’Anjou », Splendeur de l’enluminure : le roi René et les livres, Marc-Édouard Gautier (dir.), Arles, Actes Sud, 2009, p. 172.
— KOGEN (Helena), Jeanne de Laval et l’institution littéraire angevine
https://books.openedition.org/pup/19339
"Plusieurs historiens voient dans le mariage de René d’Anjou avec Jeanne de Laval (1433-1498) un moment crucial de la vie littéraire du prince, allant jusqu’à considérer Jeanne comme son égérie, comme l’inspiratrice de ses œuvres et l’instigatrice de ses intérêts littéraires1. Certes, ce mariage célébré au mois de septembre 1454, avec le concours des hommes de confiance de René, hauts dignitaires de sa cour – Louis et Bertrand de Beauvau, Guy de Laval-Loué2 – coïncide avec le début de la période la plus fructueuse de l’histoire du milieu littéraire angevin. Plus encore, la tendresse indéniable entre les deux époux, mieux exprimée par la devise Per non per si explicitement célébrée dans Regnault et Jehanneton, plaçait naturellement la nouvelle reine de Sicile au centre des activités artistiques de sa cour : les documents d’archives, malgré leur chronologie lacunaire, regorgent de marques de faveur particulières, de cadeaux artistiques et exotiques ; de nombreuses œuvres d’art immortalisent son effigie.
On peut affirmer avec confiance que Jeanne de Laval fut un membre actif du cénacle littéraire angevin et que ses goûts et ses intérêts contribuaient d’une façon significative à l’éclat culturel de la cour angevine. Gardienne dévote des écrits de son mari, elle devrait être célébrée pour son propre mécénat littéraire, ainsi que sa bibliophilie. Les recherches récentes, surtout celles effectuées par Anne-Marie Legaré, ont pu préciser l’action littéraire de Jeanne de Laval, ainsi que dresser un aperçu de sa collection particulière longtemps confondue avec la bibliothèque de René d’Anjou. Dominée par les textes à vocation religieuse et spirituelle communs aux intérêts du public aristocratique de l’époque, cette librairie renferme quelques œuvres directement influencées par les goûts de la princesse, dont une mise en prose du Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville, une traduction d’un ouvrage historique de Matteo Palmieri, un roman de chevalerie Baudoin de Gavre ainsi qu’un poème bucolique célébrant l’amour unissant Jeanne de Laval et son époux René d’Anjou. Ce corpus littéraire sera davantage mis en relief placé en relation avec ce qu’on pourrait appeler « l’institution littéraire» angevine, – une institution que de nombreuses recherches, dont celles qui sont présentées dans le cadre de l’année commémorative, mettent en évidence. En résultera, je l’espère, un portrait littéraire de Jeanne de Laval, son reflet dans le miroir de ses livres.
Ainsi, les comptes des années cinquante montrent plusieurs commandes de livres de piété à l’intention de ses proches dont se démarque la fabrication, en 1459, d’un livre d’heures luxueux pour sa soeur Louise. Ses propres livres de dévotion seront transmis aux filles de la famille de Laval
La spiritualité princière : dévotion institutionnelle et pèlerinage intérieur
Si l’on considère le legs littéraire de Jeanne de Laval dans son intégralité, sa dominante spirituelle et religieuse, d’ailleurs évidente dans tous les domaines artistiques ayant rapport au mécénat de Jeanne, doit être considérée au premier abord. Jeanne elle-même, ne se présente-elle pas en lectrice absorbée et calme face au ravissement méditatif de son époux devant l’image mystique du buisson ardent, sur le célèbre tableau Le buisson ardent de Nicolas Froment ? Le psautier que la reine de Sicile tient entre ses mains est l’un des nombreux qu’elle a fait confectionner pour son propre usage et pour ses proches20. Certains ouvrages, comme la copie de l’Apocalypse de saint Jean, démontrent sa volonté de s’associer aux objets cultuels principaux de la cour d’Anjou.
Outre les livres de dévotion, une part importante du corpus des livres de Jeanne relève de la littérature hagiographique. On y trouve plusieurs recueils de vies des saints, dont une copie du xive siècle des Vies des Saints de Jean de Vignay, mais aussi l’imprimé de la Légende des saints nouveaux de Julien Macho faite à Lyon en 1480. On peut noter son intérêt particulier pour les saints liés à la dynastie royale française : une importante Vie de Monseigneur saint Denis en 3 volumes appartenait à sa collection ; sa commande d’une copie de l’Histoire de Saint Louis de Joinville peut être justifiée par la volonté de promotion du pouvoir royal montrée par Louis XI25. Elle fait copier plusieurs vitas des saints associés à l’espace angevin : sainte Anne, saint Nicolas, sainte Marie-Madeleine. À la fin des années soixante-dix, on voit Jeanne de Laval s’associer de près à la politique religieuse de la cour d’Anjou-Provence dans la promotion de la dévotion aux saints locaux, facteurs importants de la cohésion sociale des domaines culturellement hétérogènes et dispersés. Ainsi, en 1479, elle commande une Vie et office de Sainte Marthe de Tarascon et une copie de la Translation de Saint Antoine. La même année, le culte de saint Honorat devient prétexte à une série de commandes de la Vie de Saint Honorat de Raimon Feraut : un exemplaire enluminé par Georges Trubert, deux copies de la version occitane, ainsi qu’une version latine. Ces initiatives sont probablement liées à la découverte des nouvelles reliques du saint. Le culte de saint Honorat poursuit une vocation politique tout autant que religieuse, Honorat étant un descendant légitime des rois de Hongrie.
Une autre série de livres est constituée d’ouvrages d’enseignement moral et spirituel, clairement orientés vers la spiritualité féminine, souvent influencés par la devotio moderna. En 1457, plusieurs copistes et enlumineurs préparent pour Jeanne un exemplaire richement illustré du Miroir des Dames de Durand de Champagne, traduction du manuel de spiritualité féminine adressé à la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel. La reine de Sicile possédait également une traduction française du livre de François de Ximenes, Livre des saints anges. Les origines catalanes de l’auteur contribuent-elles à l’intérêt de la princesse pour son livre ? Il faut noter que cet ouvrage didactique et spirituel, traduit en français, est souvent lu dans les milieux princiers du xve siècle, surtout par les femmes : Marguerite d’Orléans, Charlotte de Savoie. En 1468, Marie de Clèves en commandait également une copie.
En 1465, Jeanne de Laval effectue sa plus importante commande littéraire lorsqu’elle fait mettre en prose le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville. Les ouvrages de Digulleville jouissaient d’un énorme prestige à la cour d’Anjou au point d’inspirer, de façon indirecte mais tangible, la structure narrative et le style du Livre du Cœur d’amour épris de René d’Anjou. La mise en prose, effectuée par un clerc d’Angers anonyme qui, dans son prologue, insiste sur la participation active de Jeanne à l’élaboration du texte citant sa noble correction et benigne interpretacion, fut bien appréciée par les contemporains : en témoignent les onze manuscrits de ce texte, plusieurs d’entre eux copiés pour les membres de la cour angevine, ainsi que six éditions entre 1485 et 1511. Comme texte de base, la première rédaction, plus « mondaine », de l’œuvre est choisie. Le récit principal – le voyage onirique du pèlerin vers la cité céleste – s’y enrichit de multiples digressions d’ordre doctrinal, sapientiel, satirique ou fabulaire. En 1511 encore, Antoine Vérard doit donner des justifications particulières pour expliquer la nécessité d’une nouvelle rédaction, de nouveau rimée, du Pèlerinage.
Jeanne de Laval s’est offert, vers 1457, une copie somptueuse du livre de Mortifiement de vaine plaisance de René d’Anjou. Composée en 1455 à l’intention du confesseur de René, l’archevêque de Tours Jean Bernard, cette « méditation ascétique sur les péchés du cœur » est lue, outre les proches de l’auteur, par les princes de Bourgogne et de Luxembourg, ainsi que dans la famille royale française. La clarté de la démonstration homilétique, la force surprenante de l’image mystique du Cœur mondain crucifié et purifié, expliquent certainement cet engouement. Jeanne devait y trouver encore autre chose : l’invective anti-curiale prononcée par Contrition permet, dans l’épilogue de l’œuvre, un instant de réflexion autobiographique lorsque René constate l’échec de ses projets.
René d'Anjou, Le Mortifiement de Vaine Plaisance Cologny, Fondation Martin Bodmer / Cod. Bodmer 144 / f. 68r
https://www.e-codices.unifr.ch/en/fmb/cb-0144/60v/0/Sequence-2706
Les lectures spirituelles de Jeanne de Laval démontrent toute l’importance de la dévotion dans sa vie personnelle et publique. Témoins de la force des saints protecteurs de ses États, véhicules de la prière, instruments de méditation, sources d’inspiration poétique – ces livres forment le coeur de la collection de Jeanne et l’essence même de sa figure littéraire.
— PERROT (Raoul), 1982, LES BLESSURES ET LEUR TRAITEMENT AU MOYEN-AGE D'APRES LES TEXTES MEDICAUX ANCIENS ET LES VESTIGES OSSEUX (GRANDE REGION LYONNAISE) Texte du Tome 1 de la thèse de Doctorat en Biologie Humaine soutenue à l’Université Claude Bernard en juin 1982
http://www.laboratoiredanthropologieanatomiqueetdepaleopathologiedelyon.fr/THESE%20BIOLOGIE%20HUMAINE%20PERROT%201982.pdf
—ROUX (Claude), 2013, "Le foisonnement artistique de Tarascon au xve siècle : les peintres et leurs œuvres au temps du roi René", Les arts et les lettres en Provence au temps du roi René , Chantal Connochie-Bourgne, Valérie Gontero-Lauze p. 167-180
https://books.openedition.org/pup/19359?lang=fr
—SALET (Francis ), THIRION (Jacques ), 1955, La Pieta de Tarascon [compte-rendu] Bulletin Monumental Année 1955 113-3 pp. 219-220
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1955_num_113_3_8185_t1_0219_0000_1
La Pieta de Tarascon. — On sait que le Musée de Cluny conserve depuis 1910 une très belle Pieta peinte sur bois, acquise de l'Hospice de Tarascon. Jusqu'à ces dernières années, le fond du tableau était encombré de silhouettes architecturales classiques, dôme, fronton, qui avaient amené les historiens d'art à le dater des environs de 1500. Pourtant, il était évident qu'il s'agissait là de repeints sous lesquels apparaissait encore un fond à rinceaux et nimbes gravés. En vue de la nouvelle présentation des peintures et des sculptures de Cluny, nous avons jugé indispensable de faire disparaître les repeints et le groupe se détache aujourd'hui sur un magnifique fond d'or. M. Sterling, qui vient de consacrer un remarquable article à la Pieta de Tarascon, affirme que le nettoyage a fait découvrir en quelque sorte un nouveau primitif français. Ainsi allégé, le tableau a retrouvé une solennelle grandeur ; il s'insère de nouveau à sa place logique dans l'histoire de la peinture française, au milieu du xve siècle et non quarante ou cinquante ans plus tard, ce qui était incompréhensible ; bien plus, il a recouvré son identité : comme le pressentait M. Sterling il y a quinze ans déjà, il s'agit très certainement de la Pieta décrite dans l'inventaire du château de Tarascon en 1457 : unum retabulum Domini-Nostri- Jesu-Christi, in brachiis Nostre Domine, novum ; elle se trouvait dans la chambre de Jeanne de Laval, seconde femme du roi René (et c'est la statuette en marbre de cette reine, provenant d'Aix-en-Provence, que l'on verra bientôt, à Cluny, agenouillée près du retable devant lequel elle priait à Tarascon). Il était « neuf » en 1457, ce qui en indique la date avec précision. Je ne peux entrer dans le détail de la riche étude de M. Sterling sur le style d'une peinture qui reprend toute son importance aux yeux des historiens d'art. Il en décèle les origines en Flandre, dans l'art de Van Eyck et du Maître de Fiémalle, l'influence s'étant transmise par le Maître de l'Annonciation d'Aix et ses disciples provençaux : l'auteur de la Pieta d'Avignon et celui du retable de Boulbon — à huit kilomètres de Tarascon — peint la même année 1457 et dans une manière tout à fait semblable à celle de la Pieta de Cluny. M. Sterling pense donc que le tableau a été exécuté, sur la commande du roi René ou de Jeanne de Laval, par un peintre de Tarascon. L'attribution à mas Grabuset lui paraît fondée sur un faisceau de présomptions assez fortes, mais il se défend de proposer autre chose qu'une suggestion. — La Reçue des Arts, 1955.
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JEANNE DE LAVAL
La seconde épouse du roi René, Jeanne de Laval, se distingue comme une princesse lettrée au rôle culturel réel. Dès son mariage en 1454, elle multiplie les commandes de livres auprès des ateliers de copistes, de peintres et de relieurs d'Anjou ou de Provence à qui elle confie notamment la réalisation de son psautier. Très attachée à ses livres, elle y fait peindre systématiquement ses armoiries ou les emblèmes de son amour conjugal comme le couple de tourterelle sur une branche de groseillier. Sa collection montre un partage assez équilibré entre œuvres religieuses et profanes."
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ICONOGRAPHIE : LES DÉPLORATIONS.
— Les Belles Heures du duc de Berry vers 1405-1409 f. 149v
http://blog.metmuseum.org/artofillumination/manuscript-pages/folio-149v/
"Belles Heures de Jean de France, duc de Berry, 1405-1408/9. Herman, Paul et Jean de Limbourg (franco-néerlandais, actif en France vers 1399-1416). Français; Fabriqué à Paris. Encre, détrempe et feuille d'or sur vélin ; 9 3/8 x 6 5/8 po. (23,8 x 16,8 cm). Le Metropolitan Museum of Art, New York, The Cloisters Collection, 1954 (54.1.1).
Heures de la Passion. La Lamentation, Folio 149v. La scène de deuil sur le cadavre du Christ était un ajout médiéval tardif aux cycles de la passion, et c'est l'un des premiers exemples par un peintre français. La puissance émotionnelle de la scène évoquait une piété empathique et une réponse personnelle typique de la fin du Moyen Âge. Le corps du Christ, avec ses membres anguleux, rappelle une peinture néerlandaise, mais le geste émotionnel de la femme tirant ses cheveux en haut et la pose prostrée de Marie-Madeleine en bas à droite dépendent d'une influence italienne."
Note : trois pots d'onguent sont représentés : celui de Marie-Madeleine, et deux autres tenus par des hommes aux costumes orientaux (Joseph d'Arimathie et Nicodème ?)
— Les Heures d'Étienne Chevalier, Jean Fouquet
—La Pieta de Villeneuve-les-Avignon, Enquerrand Quarton, 1454-1456
https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/oeuvres/enguerrand-quarton-pieta-de-villeneuve-les-avignon-1454-56.html
—La Déploration sur le Christ mort , Huguet, Jaume Espagne, (École de) 1455 / 1460 (3e quart du XVe siècle)
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060884
Représentation du Christ mort descendu de la croix et étendu sur la pierre de l'onction. De chaque côté, Joseph d'Arimathie et Nicodème saisissent un linceul pour envelopper le corps du Christ, tandis que la Vierge d'approche et soulève la tête de son fils. Au centre, saint Jean prend délicatement les mains du Christ, il est accompagné de Marie-Madeleine, à gauche, et de saintes femmes, à droite, qui expriment leur émotion par des gestes empreints d'une grande dignité. Derrière ces personnages, nous pouvons voir la hampe de la croix et les échelles se détachant d'un vaste paysage où est représenté Jérusalem sur la gauche.
Le format allongé de la composition et le cadrage centré sur les figures semblent indiquer que ce panneau (aujourd'hui transposé sur toile) devait faire partie d'une prédelle de retable à l'instar de la Déploration du corps du Christ de Lluis Borrassa conservée dans l'église Santa Maria de Manresa (Catalogne).
— Le Christ mort déposé sur la pierre de l'onction, 1566/1568 Muziano, Girolamo
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020007419
—Retable de la Déploration du Christ : La Déploration 1520 / 1525 (1e quart du XVIe siècle), Cleve, Joos van Pays-Bas du Sud, (École de). Présence d'une bassine remplie de vinaigre avec une éponge.
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010061834
http://www.livres-mystiques.com/partieTEXTES/CatherineEm/LaPassion/51lecorp.html
— Embaumement du corps du Christ (De balseming van het lijk van Christus), anonyme vers 1410-1420 , XVe siècle, période pré-eyckienne, Musée Boijmans van Beuningen, Rotterdam.
https://rkd.nl/nl/explore/images/266559
https://www.wikidata.org/wiki/Q19925278#/media/File:Anoniem_ca._1410-1420_-_H._Antonius_(links),_De_balseming_van_het_lijk_van_Christus_(midden),_Johannes_de_Doper_(rechts)_-_3723_(OK)_-_Museum_Boijmans_Van_Beuningen.jpg
https://www.boijmans.nl/en/collection/artworks/151254/embalming-of-the-body-of-christ
Tandis qu'à la gauche du Christ, la Vierge, Jean, Marie-Madeleine (nimbée) et les deux autres saintes femmes étreignent et embrassent le corps en pleurant, à sa droite, quatre hommes barbus et coiffés du bonnet conique participent à des gestes d'embaumement. C'est particulièrement le cas de deux d'entre eux, qui trempent des tiges (plumes, spatules ...) dans les flacons d'aromates. Celui qui est le plus à droite (Nicodème ?) tient d'une main le pied droit, ensanglanté, et pose son ustensile près du genou gauche.
Cette représentation confirme que la fonction d'embaumement est réservée aux hommes, du moins jusqu'au milieu du XVe siècle.
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—Retable de la Passion (détail : sixième niche), provenant peut-être de Saint-Denis, première moitié ou milieu du XIVe siècle. Musée de Cluny Cl. 11494. Pierre (calcaire) avec trace de polychromie.
https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/retable-de-la-passion.html
http://mistral.culture.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=DOMN&VALUE_98=sculpture&NUMBER=36&GRP=386&REQ=%28%28sculpture%29%20%3aDOMN%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=100&DOM=All
Sur la scène de la Mise au tombeau , un homme barbu coiffé du bonnet conique verse son flacon sur le corps du Christ, entre deux autres notables Juifs, a priori Joseph d'Arimathie et Nicodème.
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