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Le blog de jean-yves cordier

17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 15:24

Le sang et les larmes : le retable de la Passion du maître d'Arndt au musée de Cluny.

Le sang et les larmes : le retable de la Passion (chêne polychrome, vers 1483) du maître d'Arndt au musée de Cluny, cl. 3269.

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PRÉSENTATION.

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Ce retable de 97 cm de haut, de 90 cm de large (ouvert) et 45 cm de large (fermé) et de 21,5 cm de profondeur a été acquis par le musée du Moyen-Âge de Cluny à Paris en 1861, de l'ancienne collection Soltykoff.

Il est attribué au maître Arndt (ou Arnt) de Zoole, et proviendrait de l'ancienne chartreuse de Ruremonde ou Roermond dans la province du Limbourg, aux Pays-Bas : le donateur qui y figure est un moine chartreux.

Ce petit retable  offre l'un des témoignages les plus expressifs de l'art de Maître Arnt, en raison de la qualité exceptionnelle de son exécution et de la polychromie originale intacte. La scène de la Lamentation du Christ au pied de la colline du Golgotha ​​est méticuleusement sculptée avec un rendu nuancé des émotions des personnages. 

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Histoire du retable :

Selon  l'hypothèse de Leeuwenberg et Gorissen il aurait  appartenu vers 1483 à la Chartreuse de  Bethlehem à Roermond (fondée en 1387 et dissoute en 1783), et aurait pu se trouver dans la cellule d'un chartreux pour sa dévotion privée sur les souffrances endurées par le Christ, dévotion conseillée par Ludolphe le chartreux prieur de Coblence dans sa Vita Christi imprimée à Cologne en 1472 . On le retrouve ensuite décrit en 1847 dans l'inventaire de la  collection privée constituée dès 1830 par  Louis Fidel Debruge-Dumenil, sous le  n°1481 (description en bibliographie), puis dans la collection privée du prince Peter Soltykoff à  Paris, jusqu'à sa mort en 1861. Elle entre alors dans les collections du Musée de Cluny, et se trouve décrit dans l'inventaire dressé par Edmond du Sommerard en 1867 n°710, avec une attribution à Martin Schongauer. Alexandre du Sommerard en avait donné une illustration en 1838 dans l'atlas de son Les Arts au Moyen-Âge en attribuant les peintures à Lucas de Leyde. Il est inscrit au Musée National du Moyen Âge - Thermes et hôtel de Cluny, Paris sous le n° d'inventaire  CL. 3269. Il est désormais attribué (Leeuwenberg et Gorissen) au Maître Arnt de Zwolle (également appelé Arnt van Swol, ou Arnt von Kalkar und Zwolle, Arndt Beeldsnider c'est à dire « Arnt le sculpteur »), peintre et sculpteur de la région du Bas-Rhin actif de 1460 à 1492 environ, et mort en janvier 1492. Son patronyme n'est pas connu. Il travaille d'abord à Kalkar (Allemagne, ex duché de Clèves, Rhénanie du Nord-Westphalie, près de Clèves) pour les ducs de Clèves avant de partir s'installer à Zwolle (Pays-Bas, province d'Overijssel), probablement pour fuir une épidémie de peste. Il est, dans les années 1460-1490, un des plus grands artistes de la région du Rhin inférieur. 

L'hypothèse d'une attribution des panneaux peints au   cercle du Maître du retable de Bartholomée (Meester van het Altaar van Bartholomeus)  a été proposée par Meurer en 1970. D'autres (Budde/Krischel 2001; Defoer 2003) y ont vu le travail d'un peintre anonyme de Nimègue. Source :

 

 https://rkd.nl/en/explore/images/288422

 

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A. du Sommerard, 1838, Les Arts au Moyen-Âge, atlas chap. XI p. II

 

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Le retable a été restauré en 2015. Il a été exposé au musée Schnütgen de Cologne en 2020-2021, dans le cadre d'une importante exposition réunissant une soixantaine d'œuvres du Maître Arnt de Zwolle.

https://museum-schnuetgen.de/Master-Arnt-a-present-from-Paris

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L'auteur du retable : le maître Arnt de Kalkar et Zwolle.

Ses sculptures s'inscrivent dans la tradition des écoles de Bruxelles, d'Anvers et d'Utrecht. Parmi les œuvres qui peuvent lui être attribuées avec certitude (selon Wikipedia):

  • un Christ au tombeau réalisé pour l’église Saint-Nicolas de Kalkar en 1487-1488 ; les saints personnages semblent en larmes, une sainte femme s'essuie les yeux ; mais la perte de la polychromie et la définition insuffisante du cliché disponible ne permet pas de s'en assurer. "La figure du "Christ au tombeau" commandée par la Confrérie Notre-Dame de Kalkar en 1487 est également de grande qualité. Elle était destinée au chœur de l'église Saint-Nicolas de Kalkar et est maintenant installée dans le chœur latéral sud. grandeur nature, sur une tumba (plus récente) Le cadavre allongé du Christ révèle les signes de la mort avec beaucoup de vérisme : le regard semble brisé, la rangée supérieure de dents est visible dans la bouche ouverte ."

  • le grand  retable de la Passion (5 mètres ouvert) ou Georgsaltar (Maître Arnt, Derick Baegert, Ludwig Jupan ) de l'église Saint-Nicolas de Kalkar, réalisé par l'atelier en 1490-1491 et dont certains éléments sont directement attribuables à Maître Arnt, comme le Lavement de pieds à la prédelle.


 

"L'autel Saint-Georges est composé d'un retable posé sur un pied d'autel. Le retable lui-même est formé d'un panneau central entièrement sculpté et de deux volets latéraux dont les panneaux sont peints. L'ensemble est posé sur une prédelle en trois compartiments sculptés, et dont le pied lui-même contient une série d'images du Christ et de saints.

La composition actuelle du retable est récente. La prédelle inférieure, avec les images du Christ et de saints peints vers 1490 par Derick Baegert, provient d'un autre retable, dédié à saint Sébastien. La prédelle supérieure montre trois compartiments de sculptures, de l'atelier de Ludwig Jupan, créés entre 1506 et 1508. Ils proviennent également d'un autre autel

La partie centrale du retable est l'œuvre de Maître Arnt, aussi appelé Arnt van Zwolle, ou Arnt Beeldesnider, et se présente dans sa forme originelle. Le panneau a été commencé vers 1480 et achevé en 1492. La vie et le martyre de Georges, comme racontés par la légende, sont décrits dans neuf scènes.

La sculpture de maître Arnt est caractérisée par un style à la fois gracieux et plein de tensions internes, rendu par un traitement très fin détaillée de la surface. On est dans la période du Moyen Âge finissant, lorsque la gravure sur cuivre ou sur bois se manifeste comme un genre nouveau qui influence aussi les autres formes d'art.

La prédelle date du début du xvie siècle. Dans sa partie supérieure, trois compartiments présentent la Lamentation, la Messe de saint Georges, et le Martyre de saint Érasme. Les peintures des ailes latérales datent de la même époque. Elle montrent, sur les panneaux intérieurs, deux épisodes de la vie de sainte Ursule, avec au fond la silhouette de Cologne, et sur les panneaux extérieurs saint Georges combattant le dragon, et saint Christophe."


 

  •  Une Adoration des mages, (Anbeitung der Heiliger drei könige), haut-relief de belle envergure 137 cm × 101 cm × 40 cm. Elle est conservée au Schnütgen Museum de Cologne et datée de 1480-1485. Quatre fragments dont trois personnages ont été retrouvés en 2019 et sont venus  compléter ce haut-relief : un serviteur agenouillé qui déballe d'un sac un cadeau pour l'enfant Jésus , et deux autres compagnons des rois, qui conversent en face à face se font face en conversation. En arrière plan, la suite royale arrive en un long cortège avec des chevaux et des chameaux. 

    L'individualisation des personnages, de plus en plus fréquente dans l'art de la fin du Moyen Âge, s'observe clairement dans les sujets représentés : les rois sont clairement reconnaissables comme représentants des trois âges. Melchior est agenouillé à gauche de Marie, tenant en offrande une pièce d'orfèvrerie en or. Un donateur, est agenouillé mains jointes à la droite de Marie : c'est un seigneur, barbu, au crâne dégarni, l'épée au côté, le casque posé à terre. Derrière lui,  deuxième roi, Gaspard un homme d'âge moyen, tient un vase rempli d'encens. Le regard de l'enfant est tourné vers le plus jeune roi, Balthasar, qui est représenté avec une couleur de peau foncée et une boucle d'oreille en tant que représentant de l'Afrique. Selon la compréhension médiévale, les trois rois représentaient non seulement les âges de la vie humaine, mais aussi les continents connus à l'époque : l'Europe, l'Asie et l'Afrique. D'un geste ample, le roi noir, vêtu d'une robe extravagante, s'apprête à retirer sa couronne-turban pour rendre hommage à l'enfant Jésus. Le bras droit de la figure du roi artistiquement sculpté dépasse le bord du relief et souligne une fois de plus la mise en scène théâtrale de cette extraordinaire Adoration des Rois Mages.

  • Une Lamentation, datée de 1480, 54 × 40 cm, au Rijksmuseum. Cette sculpture, identique à la Déploration du retable de Cluny, mais dont la polychromie est presque entièrement perdue, formait la partie centrale d'un petit retable pour une moine chartreux qui figure à genoux sur le côté droit en bas. Le relief provient probablement du monastère des chartreux de Roermond.

D'autres œuvres lui ont été attribuées, à son atelier ou à son entourage. Elles sont toutes en chêne polychrome, décapé ou peint.

  • Le maître-autel de l'église Saint-Nicolas de Kalkar. Sculptures de Maître Arnt et de ses successeurs Jan van Halderen et Ludwig Juppe, tableaux de Jan Joest et de ses élèves. 

    "Le maître-autel a été commencé en 1488 par Maître Arnt,, mais est resté inachevé à sa mort en 1492. En 1498, Jan van Halderen a contribué à son achèvement ; il a été terminé en 1498-1500 par Ludwig Jupan de Marburg. Les peintures des ailes latérales ont été créées entre 1506 et 1508 par Jan Joest.

    Le retable ouvert a pour thème la Passion du Christ. La représentation est répartie sur le panneau central, mais elle commence dès la prédelle, avec l’entrée à Jérusalem et la Cène, et se poursuit sur les tableaux du volet droit avec la Résurrection, l'Ascension, la Pentecôte et la Mort de la Vierge.

    Le retable sculpté donne à voir une superposition et un enchevêtrement d'un très grand nombre de scènes petites et grandes autour de la vie et de la Passion de Jésus avec, comme couronnement, la scène de la crucifixion dans le haut de la partie centrale. On peut observer que le retable est composé de morceaux sculptés individuellement puis assemblés; avec le temps, cette composition apparaît plus clairement. La peinture des panneaux, d'usage à l’époque, aurait caché les coupures, mais les panneaux n'ont pas été peints, soit par manque d'argent, soit parce que les goûts avaient évolué.

    Les scènes principales sont le Portement de croix, en bas à gauche, au-dessus le Christ à Gethsémani, puis encore au-dessus, et plus petit, deux scènes avec Judas et les soldats, et la trahison de Judas. Au centre, sous la Crucifixion, Marie en douleur et Véronique avec le suaire. Dans la partie droite, les soldats se disputent les vêtements du Christ ; au-dessus la Déposition et la Mise au tombeau. Il faut donc lire chronologiquement les scènes de la gauche vers la droite, sur la partie gauche de haut en bas, et sur la partie droite de bas en haut.

    Les scènes ont été sculptées avec une précision de détails et une virtuosité technique remarquables. On le voit en particulier dans les plis des vêtements et le rendu de coiffures, par exemple dans la dispute des soldats. Aussi chaque visage a une expression propre. On peut supposer que tous ces personnages ont eu pour modèle des gens de Kalkar de l’époque.

    La conception d'ensemble du retable est due à Arnt lui-même. Des documents montrent l'achat, par la confrérie de l'église, de bois en des lieux divers. Arnt travaille à Zwolle où il a son atelier. Après son décès en 1492, les diverses parties sont transportées de Zwolle à Kalkar et complétées, d'abord en 1498 par Jan van Halderen qui réalise l’entrée à Jérusalem et la Cène, dans la prédelle. La même année 1498, Ludwig Jupan est chargé d'achever le retable qu'il termine en 1500. Ludwig Jupan a été identifié au Maître Loedewich. Quelques années plus tard, il réalise l’autel de Marie, dans la même église.

    Les deux peintures tout en haut de l’autel représentent le sacrifice d'Abraham et Moïse et le serpent d'airain. Le retable fermé montre des peintures allant de l'Annonciation à la scène du temple, et d'autres événements ultérieurs, à savoir le Baptême du Christ, Transfiguration, Jésus et la Samaritaine, et la Résurrection de Lazare (représentée sur le marché de Kalkar)."

     

Sa peinture est influencée par Rogier van der Weyden et Adriaen van Wesel . Elle a également été rapprochée de celle de son contemporain, le Maître de saint Barthélemy. 

 

"Arnt, également appelé Arnt von Kalkar et Arnt von Zwolle du nom de ses principaux lieux de travail, est l'un des sculpteurs gothiques tardifs les plus importants de la région du Bas-Rhin .

Selon Heribert Meurer, toutes les sources d'archives à Clèves, Kalkar et Zwolle qui mentionnent le nom entre 1460 et 1492 peuvent être liées à sa personne. Après avoir éventuellement suivi une formation à Clèves auprès d'un sculpteur travaillant à Arnhem ou à Nimègue, Arnt a dû acquérir la citoyenneté de Kalkar en 1453. En 1460, il réalise un blason pour la cour bruxelloise du duc Jean Ier de Clèves . En 1479, il a probablement livré trois œuvres d'art commandées de lui à Zwolle de Kalkar. Il s'y installa avec son atelier en 1481/1484, mais continua à travailler pour Kalkar.

L'une de ses œuvres les plus anciennes et en même temps les plus importantes est les stalles du chœur créées en 1474 à la suite d'un don du duc Jean Ier de Clèves dans l'ancienne église minoritaire de Clèves de la conception Sainte-Marie, aujourd'hui église paroissiale catholique. Les stalles du chœur à deux rangées en chêne, qui ne sont plus complètement conservées, montrent des reliefs de diverses saintes telles qu'Elisabeth, Bernardine de Sienne, Barbara et Madeleine ainsi que des figures libres de Claire d'Assise et de Louis de Toulouse sur les deux- parois latérales de l'histoire. Des drôleries à peu près réalistes couronnent les panneaux latéraux bas et les miséricordes. 

Alors que Meurer date le sanctuaire central du retable de l'autel Saint-Georges de l'église Saint-Nicolas de Kalkar entre 1490 et 1492, Hilger soutient qu'il a été réalisé avant 1484. Un panorama uniforme forme la toile de fond de sept scènes de la légende de Saint-Georges. Le reatble a été fabriqué à partir de seulement quatre blocs de bois, seuls quelques ajouts de détails de sculpture ont été nécessaires.

En raison de sa mort en 1492, il n'a pas été en mesure d'achever les vastes travaux sur le sanctuaire central du retable du maître-autel de Kalkar, pour lequel il avait été commandé en 1488 par la Confrérie de Notre-Dame de Kalkar et dont il était responsable de la planification globale. Des parties du Calvaire ainsi que la scène de la prédelle « Le lavement des pieds du Christ » doivent être considérées comme des œuvres autographes.

Son atelier est également important  : on peut mentionner Jan von Halderen, Dries Holthuys (avant 1480-après 1528), Henrik Bernts (mort en 1509), Kersten Woyers (mort après 1520) et Tilman van der Burch ."

 

Gorissen, Friedrich, Un crucifix inconnu de Maître Arnt, dans : Simiolus 3 (1968/1969), pp. 15-21.

Hilger, Hans Peter, Stadtpfarrkirche St. Nicolai in Kalkar, Kleve 1990.

Meurer, Heribert, The Klever choir stalls and Arnt Beeldesnider, Bonn 1968 

Schulze-Senger, La décoration d'autel gothique tardif de l'église Saint-Nicolas de Kalkar: Aspects d'un développement vers la version monochrome du gothique tardif sur le Bas-Rhin, in: Krohm, Hartmut/Oellermann, Eike (éd.) Autels ailés de la fin du Moyen Âge, Berlin 1992, p.23-36

Trauzeddel, Sigrid, Arnt Beeldsnider, dans : Allgemeines Künstlerlexikon, Volume 5, 1992, pp. 254-255.

Westermann-Angerhausen, Hiltrud (Red.), Arnt von Kalkar et Zwolle - The Three Kings Relief, Cologne 1993.

 

 




 

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Retable de la Passion du Maître Arndt (v. 1483). Cliché RMN.

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LES DIX PANNEAUX PEINTS : HUIT SCÈNES DE LA VIE DE JÉSUS.

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Certains auteurs attribuent les peintures au sculpteur, le Maître Arnt. Le peintre pourrait être aussi le Maître du retable de saint Barthélémy (c. 1445 - Cologne , c. 1515), nom de convention d'un peintre et enlumineur de livres qui est vraisemblablement originaire des Pays-Bas et qui a principalement travaillé en Allemagne, en particulier à (près de) Cologne. Il est aussi appelé Maître de Saint Barthélemy .

Bien que l'on sache peu de choses sur la vie de l'artiste, son travail et sa carrière peuvent être suivis par des experts sur la base de son style. Le nom du maître fait référence à l' Autel de Saint-Barthélemy , un retable qu'il a réalisé pour l'église Saint-Kolumba de Cologne . La pièce date de la période 1505-1510 et montre l'apôtre Barthélemy en compagnie des saintes Agnès et Cécile . Il se trouve maintenant à l ' Alte Pinakothek de Munich .

Étant donné qu'une grande partie du travail de cet artiste se rapporte à l' Ordre des Chartreux , on soupçonne qu'il a lui-même été impliqué dans cet ordre en tant que moine ou en tant que frère convers.

Que le maître soit venu des Pays-Bas (du nord), ou du moins y ait été formé, peut être déduit d'un ouvrage ancien, datant d'environ 1475 : le Livre d'heures de Sophia van Bylant, une œuvre du livre gothique tardif . illumination faite dans les environs d'Arnhem ou d'Utrecht.

D'autres retables de sa main sont l'autel marial (Alte Pinakothek) datant d'environ 1480 et les pièces faites pour Cologne pour l'autel de Thomas (vers 1500) et l'autel de la croix (vers 1505), tous deux maintenant au musée Wallraf-Richartz . à Cologne.

Ses œuvres montrent des influences des peintres du sud des Pays-Bas Rogier van der Weyden , Hugo van der Goes et Dieric Bouts .

En plus du livre d'heures et des retables susmentionnés, diverses peintures de dévotion plus petites de lui sont connues.

L'art du maître du retable de Saint-Barthélemy est si distinctif que, bien qu'il y ait peu de documentation sur sa vie au-delà de ses œuvres, les érudits ont relativement facilement reconstitué sa carrière. Peintre, enlumineur et peut-être moine, il s'installe à Cologne, en Allemagne, vers 1480. Beaucoup de ses commandes les plus importantes ont été réalisées pour les Chartreux, un ordre reclus de moines qui avait été fondé près de quatre cents ans plus tôt par Saint Bruno. , originaire de Cologne. Stylistiquement indépendant, le Maître du Retable de Saint-Barthélemy ne semble pas avoir formé d'école. Les œuvres du maître, de style gothique tardif, sont admirées pour leurs gestes théâtraux, leurs couleurs exubérantes et leurs costumes ornés.

Le Maître du Retable de Saint-Barthélemy a probablement été formé aux Pays-Bas. L'une de ses premières œuvres est le livre d'heures de Sophia von Bylant, exécuté à Utrecht ou Arnheim vers 1475. Trois panneaux du retable de la Saint-Barthélemy, d'où le nom du Maître, se trouvent aujourd'hui à l'Alte Pinakothek de Munich.

Voir : https://www.nationalgalleryimages.co.uk/asset/3482/

 

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I. LES QUATRE PANNEAUX EXTÉRIEURS, VISIBLES VOLETS FERMÉS.

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Les quatre panneaux des volets fermés.

 

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La Nativité et l'Adoration des Bergers.

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La Nativité

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L'ange messager et les quatre anges orants portent des phylactères à inscription gothique indéchiffrables sur le cliché mis à notre disposition.

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Adoration des bergers.

 

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L'Adoration des Rois Mages.

Melchior, à longue barbe et aux cheveux gris, est agenouillé pour présenter l'or ; il a posé sa couronne au sol. Sous un manteau de velours noir damassé d'or et à orfrois de perles, il porte une tunique de soie bleue à manches larges et  des chausses ajustées rouges se prolongeant par des poulaines affinées en pointes.

Dans le respect de la tradition iconographique instituée par Bède le Vénérable, vient ensuite Gaspard, jeune encore, portant un coffre d'encens et montrant l'étoile qui les a guidé et est visible par ses rayons à l'union des deux panneaux. Il est vêtu d'une houppelande rouge.

Balthasar est le plus jeune, le plus fringant et, toujours selon la tradition, il a le visage noir et offre la myrrhe. Un turban souligne son origine exotique. Je ne peux préciser si il porte la boucle d'oreille habituelle. Nous remarquons en outre sa riche tunique courte de velours damassé, ses chausses vertes et ses poulaines.

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J. Leeuwenberg et Friedrich Gorissen démontrent de façon absolument convaincante que le paysage situé derrière l'Adoration des Mages peinte sur un des volets du retable du Musée de Cluny représente la ville de Kranenburg, près de Nimègue, sur le côté allemand de la frontière. On identifie, de gauche à droite, la porte de Nimègue, la cathédrale, la chapelle des Pèlerins, la tour du moulin et une autre tour à l'angle des anciens remparts. Un dessin de Cornelis Pronk montre le même aspect de la ville en 1731 et encore une photographie antérieure au bombardement de 1944.

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L'Adoration des Mages.

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Une vue de la ville de Kranenburg près de Nimègue.

 

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LES  SIX PANNEAUX PEINTS  DE LA PASSION, VISIBLES VOLETS OUVERTS.

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Les deux volets.

 

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L'Agonie au jardin de Gethsémani.

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La nuit d'agonie au Mont des Oliviers (jardin de Gethsémani).

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L'Agonie, détail : le paysage.

Est-ce, ce qui est probable, une vue identifiable d'une ville fortifiée de Rhénanie ou bien une vue stylisée de Jérusalem ?

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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L'Arrestation du Christ au jardin des Oliviers.

Le même paysage est repris au fond.

L'Arrestation ; le Baiser de Judas ; Pierre tranchant l'oreille de Malchus.

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Vue de détail.

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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La Flagellation.

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À l'intérieur du palais le Christ est lié à la colonne, et fouetté avec des lanières plombées de boules acérées (dont les marques s'impriment sur le corps nu), et flagellé de branchage. L'un des bourreaux, celui qui rit,  porte sur sa tunique des lettres NAT---. Un troisième bourreau gravit l'escalier avec hâte. Les costumes sont typiques du XVe siècle

Une foule de curieux observe la scène, sur fond de ville flamande.

Au premier plan sont les officiers ou les notables juifs (en arrière), richement vêtus (tunique damassée, collants, houppelande sans manches, ).

 

La Flagellation.

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Le Couronnement d'épines.

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Le Couronnement d'épines.

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Le Portement de Croix, sortie des remparts de Jérusalem. Simon de Cyrène.

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Le Portement de Croix.

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Le Portement de Croix, détail.

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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La Crucifixion.

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La Crucifixion.

 

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La Crucifixion, détail. Les larmes des visages.

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Nous retrouvons tous les détails habituels des enluminures, qui se retrouveront sur les calvaires bretons ou les Passions des verrières finistériennes : les deux larrons, à la braguette nouée par un lacet, liés sur leur gibet ; à gauche Longin perçant le flanc droit du Christ de sa lance ; à droite le Centenier se retournant vers ses hommes en levant le doigt pour dire vere  filius dei erat iste.

La présence de Marie-Madeleine, somptueusement vêtue,  agenouillée bras écartés devant le pied de la Croix, où ruisselle le sang du Crucifié. Son manteau qui est rejeté à l'arrière de ses épaules et tombe en traine derrière elle se retrouvera comme un stéréotype frappant sur tous les calvaires finistériens du milieu du XVIe siècle.

Marie en pâmoison, en robe bleue, voile et guimpe, soutenue par une sainte femme et par Jean, en robe rouge, qui regarde son Maître.

Mais ce qui m'intéresse le plus, c'est la présence de larmes, clairement visibles sur le visage de la Vierge. Celles-ci feront l'objet d'une discussion, après l'examen du retable sculpté, où elles se retrouveront.

 

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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Les larmes sont figurées par trois traits blancs en rayons divergents sous la paupière inférieure : chaque filet se dilate en goutte ovale finale.

C'est exactement ce que les sculpteurs de pierre de Landerneau (les Prigent) reprendront au milieu du XVIe siècle.

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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LE RETABLE SCULPTÉ : LA CRUCIFIXION ET LA DÉPLORATION.

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Le sculpteur a créé un espace rectangulaire étroit évoquant une chapelle, ou un chevet gothique vitré de baies lancéolées et couvert d'une voûte à croisée d'ogives et clef pendante, agrémenté d'entrelacs à crochets formant résille.

La moitié supérieure, se détachant sur les lancettes à remplage savant, représente un Calvaire, avec la Croix (ayant perdu le Crucifié) encadré en V des lances de Longin et de l'éponge de vinaigre , les larrons sur leur gibet en tronc d'arbre (dont les postures reprennent celles de la peinture correspondante  du volet), des anges voletant, le Golgotha portant les ossements (scapula ; iliaque ; fémur articulé à un tibia et un péroné, fémur seul ; vertèbres), et deux scènes à personnages de chaque côté : Judas dissimulé sous une capuche recevant les trente deniers d'un Juif à bonnet conique (avec deux nouveaux exemples d'étoffes damassées) ; et Joseph d'Arimathie en pleur  ouvrant  son tombeau qu'il met à disposition du Christ (et Nicodème ?).

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Judas et les trente deniers. Photo RMN.

 

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Joseph d'Arimathie devant son tombeau. Photo RMN.

 

 

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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La moitié inférieure est réservée, de manière peu habituelle, à une Déploration à six personnages devant un moine chartreux, commanditaire, présenté par l'apôtre André.

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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LA DÉPLORATION : LES LARMES DES SAINTS PERSONNAGES.

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La partie gauche est occupée par la Déploration du Christ à six personnages, et le tiers droit par un moine chartreux agenouillé en donateur sous la tutelle de saint André.

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Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

Photographie lavieb-aile.

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A. LA DONATEUR, UN CHARTREUX PRÉSENTÉ PAR SAINT ANDRÉ.

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L'ordre des chartreux a été fondé en 1084 par saint Bruno en vallée de Chartreuse, près de Grenoble.

 En 1337 fut fondée la Chartreuse de Cologne, cité natale de saint Bruno, En 1371, l’Ordre comptait 150 maisons, et en 1521,  on comptait près de 200 chartreuses en activité. .Les Pays-Bas connurent une grande concentration de chartreuses : Chartreuse d'Amsterdam, de Campen, de Delft, de Monichusen, du Mont-Sainte-Gertrude, de Ruremonde,  Sainte-Sophie-de-Constantinople de Bois-le-Duc,  Saint-Sauveur de la Nouvelle-Lumière et de Zierikzee.

 

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Les chartreux sont soit des pères (qui sont prêtres), ou des frères convers, qui assurent les taches subalternes.  Il s'agit bien entendu ici d'un père, voire d'un prieur.

Le moine chartreux, identifiable quant à son ordre par sa tonsure,  sa robe blanche — à trois boutons de manchettes) et sa "cuculle", scapulaire à capuchon et bandes latérales propre à son ordre, et qui porte des sandales noires,  tient, mains jointes, un phylactère portant son oraison. Le texte semble pouvoir être partiellement relevé. 

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Voir :

—Petrus Christus, Portrait d'un Chartreux, 1446. En réalité un frère lais ou convers puisque les Chartreux ne portaient pas la barbe.

Jan Provost, La Vierge et l'Enfant et chartreux

Le retable de saint Barthélémy de l'église Saint-Nicolas de 

https://nl.wikipedia.org/wiki/Meester_van_het_Bartolome%C3%BCs-altaar#/media/Bestand:Meister_des_Bartholom%C3%A4usaltars_001.jpg

https://www.wikiwand.com/fr/Ma%C3%AEtre_du_Retable_de_saint_Barth%C3%A9lemy#Media/Fichier:Meister_des_Bartholom%C3%A4usaltars_001.jpg

Chartreuse de Champmol

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Dijon_-_Chartreuse_de_Champmol,_crucifixion.jpg

https://www.alamyimages.fr/photo-image-un-moine-en-priere-nmarble-sculpture-d-un-chartreux-a-genoux-dans-la-priere-hauteur-10-1-8-in-francais-fin-du-14eme-siecle-95817807.html

 

Henri Bellechose (actif à Dijon 1415-1430), retable de saint Denis

 

 Retable de Saint Georges avec un moine chartreux aux pieds du crucifié, milieu du XVe siècle. Dijon, Musée des Beaux-Arts (provenant de la chartreuse).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Retable_de_Saint_Georges_-_Henri_Bellechose_1416.jpg

Ce retable (Bourgogne, milieu du XVe siècle)  est le pendant du retable de saint Denis peint par Henri Bellechose en 1416 pour le chœur des convers de la chartreuse de Champmol et conservé au Louvre. Il en reprend les dimensions, la composition et le fond doré mais dans un style propre au milieu du XVe siècle. Huile sur bois transposé sur toile marouflée sur panneau.

philactère : miserere mei deus

larmes aux yeux de la Vierge

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Saint André et sa croix en X.

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Le patronage par saint André révèle-t-il le nom du moine ?

Les chartreuses vouées à saint André sont :

  • Mont-Saint-André Sint Andries Ter Zaliger Havene (près de Tournai, Hainaut, Belgique)

  • Port-du-Salut de Saint-André (près d'Amsterdam, Pays-Bas)

  • Amsterdam : chartreuse Saint-André-de-La-Porte (1393-1578) (Pays-Bas)

 

 

 

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Le chartreux.

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B. LA DÉPLORATION À SIX PERSONNAGES.

 

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Saint Jean, en larmes.

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La Vierge, en larmes, tenant le Christ dans ses bras.

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ELEMENTS DE DISCUSSION.

a)Voir la Pietà peinte par Rogier van der Weyden en 1465 National Gallery

https://www.nationalgalleryimages.co.uk/asset/3289/

 

b) Prière  « Hâtons-nous d'entrer dans le Cœur du Christ »  du Chartreux Ludolphe de Saxe (vers 1300-1378), docteur vénérable et maître en théologie dit « Ludolphe le Chartreux » après avoir été Dominicain 26 ans, prieur de la Chartreuse de Coblence en Allemagne et Auteur de « Vitae Christi » (Vie de Jésus-Christ), ouvrage qui connut en son temps une large diffusion.

« Le Cœur du Christ a été blessé pour nous d'une blessure d'amour, afin que nous par un retour amoureux nous puissions par la porte du côté avoir accès à son Cœur, et là unir tout notre amour à son divin Amour, de façon à ne faire plus qu'un même amour, comme il en est du fer embrasé et du feu. Car l'homme doit ordonner tous ses désirs vers Dieu par amour pour le Christ et conformer en tout sa volonté à la Volonté divine, en retour de cette blessure d'amour qu'il reçut pour l'Homme sur la Croix, quand la flèche d'un amour invincible perça son très doux Cœur… Rappelons-nous donc quel Amour plus qu'excellent le Christ nous a montré dans l'ouverture de son Côté en nous ouvrant par-là large accès à son Cœur. Hâtons-nous d'entrer dans le Cœur du Christ, recueillons tout ce que nous avons d'amour pour l'unir à l'Amour divin, en méditant sur ce qui vient d'être dit. Amen. » Ludolphe le Chartreux (vers 1300-1378) – « Vitae Christi » (Livre II, Chapitre 64)

 

 

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SOURCES ET LIENS.

 

Le retable.

1°) Labarte (Jules), 1847, Description des objets d'art de la collection privée de Louis Fidel Debruge-Dumenil.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65241439.texteImage

"n°1481 — Autel domestique renfermant une grande composition sculptée de ronde bosse et coloriée. = Le Christ mort.
Le corps de Jésus repose sur les genoux.de la Vierge; la Madeleine, agenouillée, contemple la tête du Sauveur; saint Jean et deux saintes femmes se tiennent debout derrière la Vierge; l'une essuie ses larmes, l'autre s'apprête à parfumer le corps du Christ. Sur le premier plan, à droite, le donataire, moine de l'ordre des chartreux, est à genoux.
Derrière lui, saint André, son patron, lui montre du doigt le fils de Dieu, mort pour racheter les péchés du monde. Dans le fond , on aperçoit le calvaire sur lequel les deux larrons sont encore en croix ; à droite, Joseph d'Arimathie et Nicodème préparent le tombeau; à gauche, quelques personnages.
Cette composition est renfermée dans une niche dont le fond est décoré de six fenêtres disposées dans le style ogival flamboyant de la fin du xve siècle. Des festons découpés à jour et dorés sont suspendus aux arceaux de la voûte, qui forme un riche dais au-dessus du groupe principal.
Le Christ et les sept figures qui l'entourent ont 26 à 28 centimètres de hauteur. La Vierge et les saints sont revêtus des plus riches habits.
Cette sculpture polychrome, exécutée avec beaucoup de perfection, appartient à l'école allemande de la fin du xve siècle.
La niche est fermée par deux volets, sur chacun desquels sont peints à l'intérieur trois tableaux de 25 centimètres de haut sur 17 de large. Les sujets représentés sont, dans le volet droit: Jésus au jardin des Olives, la trahison de Judas, la flagellation; dans le volet gauche : le couronnement d'épines, le portement de croix, la crucifixion. Ces peintures sont attribuées à Martin Schongauer ou Schon , célèbre peintre et graveur, né à Augsbourg, mort à Colmar en 1499. Les volets, réunis à l'extérieur par la fermeture, présentent encore deux tableaux : dans la partie supérieure, la Vierge, saint Joseph et les anges en adoration devant Jésus qui vient de naître; dans le bas, l'adoration des mages. Ces deux peintures sont d'un autre maître. Ce précieux monument a été publié par M. Du Sommerard, dans Son Atlas, ch. XI, pl. Il. — H 85 cent., L. 44, Profondeur20."

2°) DU SOMMERARD (  Alexandre ), 1839, Les arts au Moyen Age : en ce qui concerne principalement le palais romain de Paris l'Hôtel de Cluny, issu de ses ruines et les objets d'art de la collection classée dans cet hôtel, Paris : A l'hôtel de Cluny ... : Et chez Techenev  . Planches gravées par Alfred Lemercier et A. Godard, 

https://archive.org/details/gri_33125008573392/page/n126/mode/1up

 

3°) DU SOMMERARD (Edmond), Musée des Thermes et de l'Hôtel de Cluny. Catalogue et description des objets d'art [...], Paris : Hôtel de Cluny, 1867, 426 p. page 61.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56080940/f114.item.texteImage

 

 

 

710. —Grand triptyque ou autel domestique en bois sculpté de ronde bosse, peint et doré, fermé par des volets décorés de sujets peints à l'intérieur comme à l'extérieur; ouvrage allemand- de la lin du xve siècle.
La scène principale représente la Descente de, croix : le corps de Jésus repose sur les genoux de la Vierge ; la Madeleine agenouillée contemple la tête du Sauveur, et deux saintes femmes se tiennent debout près d'elle. Sur le premier plan, à droite, le donateur, moine de l'ordre des Chartreux, se prosterne à genoux dans l'attitude de la prière, assisté de son patron, saint André.
Dans le fond, l'on aperçoit le Calvaire et les larrons en croix, et à droite Joseph d'Arimathie et Nicodème préparant le tombeau. Au-dessus du groupe de figures règne un dais formé par des festons découpés à jour et dorés, et le fond est décoré de six fenêtres disposées dans le style ogival de la fin du xv* siècle. Le Christel les figures qui l'entourent ont 0,n,26 à 0m,28 de hauteur.
Sur les volets sont peintes diverses scènes de la passion du Christ ; sur le. volet de droite on distingue Jésus au jardin des Olives, la Trahison de Judas, la Flagellation ; sur celui de gauche, le Couronnement d'épines, le Portement, de croix et la Crucifixion.
L'extérieur des volets présente en outre deux tableaux : la Vierge, saint Joseph, la Nativité, les Anges, puis l'Adoration des mages. — Ces peintures, d'une excellente exécution, sont attribuées à Martin Schongauer ou Schon,célèbre peintre et graveur, mort à Colmar en 1499.
Cet autel domestique, qui faisait partie de la collection Debruge avant de passer dans celle du prince Soltikoff, est dans un état de conservation remarquable, et les détails de son exécution sont traités avec une habileté hors ligne. Les peintures, ainsi que la dorure, sont du temps, et n'ont subi aucune- altération. Il a été acquis par le Musée en avril 1861, lors de la dispersion de la galerie Soltikoff.  

4°) Exposition  "Arnt le sculpteur d'image maître des sculptures animées" du musée Schnütgen de Cologne 2020-2021.

https://museum-schnuetgen.de/Arnt-the-sculptor-of-images

https://museum-schnuetgen.de/Master-Arnt-a-present-from-Paris

"Qui était Maître Arnt de Kalkar et Zwolle ?
La première exposition consacrée au fondateur d'une riche école de sculpture du Bas-Rhin transportait les visiteurs à l'époque de la fin du Moyen Âge. Une soixantaine d'œuvres de l'artiste, qui a travaillé entre 1460 et 1491 environ, étaient exposées. L'œuvre gothique tardive de Maître Arnt captive par une vivacité extraordinaire, un large éventail de sujets et des détails narratifs.

Début 2019, le Museum Schnütgen a réussi à acquérir trois fragments précédemment perdus, avec lesquels un chef-d'œuvre de Maître Arnt, un panneau d'un retable avec l'Adoration des Mages, peut être complété et ainsi être montré pour la première fois.
Une autre œuvre importante du sculpteur provient de la Nicolaikirche à Kalkar. Le retable de Saint-Georges d'une largeur de cinq mètres (lorsqu'il est ouvert) est présenté pour la première fois à l'extérieur de l'église dans cette exposition.
D'autres prêts de premier plan – pour ne citer que quelques prêteurs internationaux – proviennent du Rijksmuseum d'Amsterdam, du Musée de Cluny à Paris et du Musée Art & Histoire de Bruxelles, ainsi que de nombreuses églises du Bas-Rhin.

Le Bas-Rhin et les Pays-Bas
Maître Arnt représente l'interconnexion des impulsions artistiques du Bas-Rhin avec celles des Pays-Bas voisins : de 1460 à 1484 environ, il travailla le long du Bas-Rhin à Kalkar, et de 1484 à 1491 environ à Zwolle, l'actuelle capitale de la province néerlandaise. d'Overijssel. Son atelier a fourni des sculptures pour de nombreux endroits autour d'IJsselmeer et de la région autour de Clèves.
En plus des retables avec des reliefs narratifs figuratifs et des statues de saints, des figures individuelles frappantes du Christ, des anges et de la Vierge à l'Enfant font partie de l'œuvre survivante de Maître Arnt. "

 

Les auteurs.

1°) Le Maître Arnt de Woole ou Arnt de Kalkar

—BEAULIEU (Michèle), 1958. Le maître du retable de Saint Georges à Kalkar. In: Bulletin Monumental, tome 116, n°4, année 1958. pp. 286-287.

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1958_num_116_4_4040_t1_0286_0000_1 

Le maître du retable de saint Georges à Kalkar

Avec son habituelle sensibilité, Jaap Leeuwenberg tente de reconstituer, en se basant sur les seules caractéristiques du style, l'œuvre du maître anonyme du retable de saint Georges à l'église Saint-Nicolas de Kalkar. Il étudie d'abord un groupe de la Déploration du Christ récemment acquis par le Rijksmuseum d'Amsterdam, groupe qui se trouve être l'exacte répétition de la partie centrale d'un petit retable du Musée de Cluny (Catalogue des bois sculptés, 1925, n° 111). Les deux pièces ont manifestement été exécutées par le même artiste, originaire de la région de Clèves. Il convient de joindre aux groupes d'Amsterdam et de Paris, la Mise au tombeau faisant partie des collections du prince de Salm-Salm, qui présente, en effet, beaucoup d'affinités dans le type des figures et le style des vêtements. D'autre part, le retable de Kalkar offre, avec le seul retable de Paris, des ressemblances frappantes dans le traitement des rochers et surtout des touffes de chardon qui ne se rencontrent dans aucune autre sculpture du Bas-Rhin. J'avoue être moins convaincue — autant que l'on puisse juger d'après une photographie — par l'attribution au maître de Kalkar du grand calvaire appartenant aussi au prince de Salm-Salm. J. Leeuwenberg et Friedrich Gorissen démontrent de façon absolument convaincante que le paysage situé derrière l'Adoration des Mages peinte sur un des volets du retable du Musée de Cluny représente la ville de Kranenburg, près de Nimègue, sur le côté allemand de la frontière. On identifie, de gauche à droite, la porte de Nimègue, la cathédrale, la chapelle des Pèlerins, la tour du moulin et une autre tour à l'angle des anciens remparts. Un dessin de Cornelis Pronk montre le même aspect de la ville en 1731 et encore une photographie antérieure au bombardement de 1944. Le donateur du retable du Musée de Cluny, un Chartreux, avait donc vraisemblablement des rapports avec la ville de Kranenburg, dans laquelle il n'y eut cependant jamais de Chartreuse ; mais les Chartreux de Roermond avaient acquis des terres près de Nimègue et, depuis 1483, possédaient une maison dans la ville. La présence d'un tiroir dans la partie basse du retable du Musée de Cluny semble indiquer qu'il n'était pas destiné à une grande église, mais à une chapelle privée, peut-être celle des Chartreux de Nimègue. Quant au retable de Kalkar, il a été commandé par un certain Peter Gisen qui s'est fait représenter sur les volets avec toute sa famille. Le donateur est mentionné comme bourgmestre de la ville de 1483 à 1486, il mourut en 1493. — Oud-Holland, 1958.


—LEEUWENBERG, (Jaap), GORISSEN (Friedrich),1958 De meester van het Sint-Joris-altaar te Kalkar In: Oud-Holland vol. 73 (1958) p. 18-42

https://www.jstor.org/stable/42718433

https://www.youtube.com/watch?v=AAmsiv6-J-M&t=1s

2°) Le Maître de saint Barthélémy

Objection : les costumes sont différents, notamment les chaussures sont rondes et non à la poulaine.

— Descente de croix (Déposition) vers 1475-1525 (Louvre) /v. 1495 Philadelphia / 1500-1505 (NGA)

a) Le Louvre

https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010062591

b) National Gallery

https://www.wga.hu/frames-e.html?/html/m/master/bartholo/descent2.html

Peintre par excellence de Cologne au tournant du siècle, cet artiste méconnu porte le nom du Retable de la Saint-Barthélemy aujourd'hui à Munich, et est également l'auteur d'une version beaucoup plus grande de la Déposition, aujourd'hui au Louvre. Dans les images de Paris et de la Galerie nationale, la scène semble se dérouler dans un sanctuaire sculpté et doré, imitant les tabernacles allemands sculptés du XVe siècle avec leurs entrelacs gothiques et leurs statues peintes.

Le thème est ainsi placé devant nos yeux à Cologne (du moins aurait-il semblé à un spectateur contemporain, agenouillé devant cette image en dévotion privée). Les rochers et le crâne du premier plan précisent cependant le lieu historique de la Crucifixion : Calvaire ou Golgotha (« lieu d'un crâne » dans les langues des Évangiles). Tel un maître d'école médiéval, l'artiste se propose de nous enseigner les étapes de la spiritualité chrétienne. Nous attirant par le motif, l'or et la couleur riche, il nous conduit à l'empathie sensorielle, d'abord d'un genre agréable, avec les riches textures du brocart de la Madeleine mondaine et les magnifiques perles et glands du vieux Joseph, le « riche d'Arimathie » (Matthieu 27:57). Puis il nous emmène au-delà du plaisir, vers le bois dur de l'échelle et de la croix, vers la douleur physique et la douleur mortelle. D'énormes gouttes de sang jaillissent des plaies ouvertes du Christ, et des larmes surdimensionnées scintillent sur les joues des autres personnages. Leurs yeux sont rouges à force de pleurer. Les bras du Christ sont enfermés dans la rigor mortis et son corps devient gris de mort. Comme l'enseignaient les vifs manuels de dévotion de l'époque, nous devons imprimer son message dans les cœurs purs, revivant dans la méditation ce moment le plus douloureux de la Passion. Ce n'est qu'alors que nous pourrons atteindre l'objectif des mystiques de l'imitation du Christ et de ses saints.

Les figures sont soigneusement différenciées : Nicodème sur l'échelle abaisse le corps du Christ à Joseph d'Arimathie, qui a fait don de son propre tombeau pour l'enterrement du Christ. Saint Jean soutient la Vierge évanouie. Marie-Madeleine au pied de la croix serre sa tête presque pliée de chagrin. Un jeune auxiliaire a accroché sa jambe autour de la traverse, et les deux autres Maries se tiennent au fond, l'une priant, l'autre contemplant la couronne d'épines en réconfortant la Madeleine. Hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, trouvent leur place devant leur Sauveur crucifié.

 

c) Philadelphia Museum of Art, 1495

https://philamuseum.org/collection/object/102556

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_du_Retable_de_saint_Barth%C3%A9lemy#/media/Fichier:Bottega_del_maestro_dell'altare_di_san_bartolomeo,_deposizione,_1495_ca..JPG

3°) Les chartreux :

 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56080940/f114.image.r=chartreux#

Ludolphe de Saxe, Vie de Jésus-Christ, traduction en français de la Vita Christi. BnF Français 178,  Ludolf de Saxe (13..?-1378),  Colombe, Jean (143.-1493?). Enlumineur, Cercle Pichore (149.-151.). Enlumineur

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105206322.image

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Sculptures Peinture. Retable Passion Déplorations
10 avril 2023 1 10 /04 /avril /2023 10:03

Un geste d'embaumement sur la Piétà de Tarascon du musée de Cluny ?

Un geste d'embaumement par Marie-Madeleine sur la Déploration ("Piétà") de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Dépôt du Louvre Cl 18509.

Balming of Christ's body.

Voir sur le musée du Moyen-Âge de Cluny :

  • La chapelle de l'Hôtel de Cluny.
  • Les cheminées du Mans exposées au Musée du Moyen-Âge de Cluny.
  • Les vitraux de l'église de Betton (35) exposés au musée de Cluny.
  • Les stalles de Saint-Lucien de Beauvais exposées au Musée de Cluny.

 

 

Voir sur les Déplorations et Pietà :

  • La chapelle de la Trinité (An Dreïnded) de Lanridec en Pleyben et sa vierge de Pitié aux anges de tendresse.

  • Les statues de l'église de Plourin-les-Morlaix (3).

  • Les deux Vierges de Pitié (kersantite, v. 1555) de l'arc de triomphe (1725) de l'église de Pleyben.

  • La Vierge de Pitié (1738)  et le dais (Bastien Prigent, kersantite,  1555) du calvaire monumental de l'enclos de Pleyben.

  • Le calvaire de Plourin-lès-Morlaix. Roland Doré, 1630

  • Le calvaire de la rue de la Tour d'Auvergne à Landerneau et sa Vierge de Pitié.

  • La Vierge de Pitié du cimetière de Plouvorn et celle de la fontaine de la chapelle de Lambader.

  • Le calvaire (kersanton, v.1550, atelier Prigent), de Croas-Lambader à Plougourvest et deux pièces (Vierge de Pitié et Jésus parmi les Docteurs) d'un calvaire monumental (kersanton, v. 1550 ou 1600) de Lambader.

  • La Vierge de Pitié de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer.

  • Fragments d'un calvaire au cimetière de La Forest-Landerneau.

  • L'église Notre-Dame de Collorec : ses statues.

  • La Pietà aux trois anges de tendresse de l'église de Plozévet.

  • La Pietà aux trois larmes (kersanton, XVIe, atelier Prigent) de la croix de Tal-ar-Groas à Crozon.

  • Le calvaire (kersanton, Prigent ?, XVIe siècle ; 1762 ; 1887, mission) du cimetière bas de La Forest-Landerneau.

  • Le calvaire de 1562 de l'église de Saint-Divy.

  • La Collégiale du Folgoët XIII. Le calvaire. (atelier Prigent. Pietà : 3 larmes)

et hors blog: 

  • La Déploration à 6 personnages de Plourin par les Prigent  Les 3 larmes.

  • La Pietà du calvaire de Kerabri à Gouezec vers Lothey, datée de 1556 par inscription. Trois larmes. Atlas n°1260.


 

Les Déplorations : Voir  (classé par ordre chronologique approximatif) :
 

  • La Déploration du calvaire (granite et grès arkosique, Maître de Quilinen, vers 1500) de l'église de Mellac.

  • La Déploration du calvaire (granite, Maître de Quilinen, vers 1500) de l'église de Motreff.

  • La Déploration de la chapelle de Quillinen à Landrévarzec.

  • Le calvaire (kersanton, vers 1500, Maître de Brasparts) de l'enclos paroissial de Brasparts.

  • Le retable de la Déploration (1517) de l'église de Pencran (29). Onze personnages.

  • La Déploration (kersanton polychrome, vers 1525, par le Maître de Cast ) de la chapelle du Pénity de l'église Saint-Ronan de Locronan.

  • ​​​​​​L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent (1527-1577). Cinq personnages.

  • La Déploration (Grès arkosique , Maître de Laz, vers 1527) du calvaire de Saint-Hernin.

  • La  Déploration à six personnages (chêne polychrome, XVIe siècle) de l'église de Lampaul-Guimiliau.   

  • L'église de Ploéven, la Déploration (pierre polychrome, 1547 ).

  • Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration. Neuf personnages.

  • La Déploration (kersanton, Maître de Saint-Thégonnec, vers 1610) du calvaire de Saint-Thégonnec.

  • La Déploration (kersanton, Roland Doré, milieu XVIIe siècle)  de l'église Saint-Idunet de Châteaulin.

  • L'enclos paroissial de Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou. IX. Le calvaire (granite et kersantite, Maître de Guimiliau, 1575).

  • La Déploration à six personnages du calvaire (granite, fin XVe siècle "suiveur de l'atelier de Tronoën") de l'église de Guengat.

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PRÉSENTATION.

1. Présentation générale (d'après les sites de référence)

Cette peinture provençale du 15e siècle représente le thème de la Pietà, ou plutôt de la Déploration puisque plusieurs personnages accompagnent la Vierge.  La Vierge éplorée porte sur ses genoux le corps de son fils Jésus. Elle est entourée de Jean et des trois Marie, dont Marie-Madeleine, reconnaissable à ses cheveux dénoués et à son pot de parfum, ou plutôt d'onguent. La scène insiste sur la douleur (mines tristes, couronne d’épines, présence du sang…) et amène à réfléchir sur la souffrance et la mort.

Le tableau est presque certainement  celui qui, selon un inventaire de 1457, se trouvait dans la chambre de Jeanne de Laval, seconde femme du roi René . Il était qualifié de "neuf" en 1457, et ornait la "chambre neuve de la reine" du château de Tarascon, avec la description suivante : unum retabulum Domini-Nostri- Jesu-Christi, in brachiis Nostre Domine, novum . Si tel est le cas, il aurait alors été commandé par le roi René (1409–1480), duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Naples et de Sicile.

L’œuvre se trouvait dans l’hospice de Tarascon en 1910 lorsqu’elle a été acquise par le musée du Louvre puis déposée au musée de Cluny. A cette date, en arrière-plan, se développait un ample paysage dominé par la silhouette de Jérusalem (entre le Christ et saint Jean, au niveau du bras droit du Christ, un fragment brunâtre de cet ajout des 16e – 17e siècles a été préservé). Il a été retiré en 1950, découvrant un fonds d'or, délicatement parcouru de rinceaux estampés et égayé d’auréoles poinçonnées à petits motifs géométriques et de fleurettes.

L’œuvre s’inspire des compositions des grands maîtres de la peinture flamande (Van Eyck , Robart Campin, et Rogier van der Weyden, en particulier) et plus directement encore de la Pietà d’Avignon peinte par Enguerrand Quarton pour la collégiale de Villeneuve-les-Avignon, aujourd’hui au musée du Louvre (*). Plus chargée en personnages, d’un tracé un peu dur, mais chargée de la douce lumière caractéristique des peintres du Midi de la France, la Pietà de Tarascon pourrait être l’œuvre de l’atelier des frères Dombet basé à Aix-en-Provence. L’œuvre est présentée dans les nouvelles salles du musée, après restauration (2021).

(*) Pour Charles Sterling,  l'influence s'étant transmise par le Maître de l'Annonciation d'Aix et ses disciples provençaux : l'auteur de la Pieta d'Avignon et celui du retable de Boulbon — à huit kilomètres de Tarascon — peint la même année 1457 et dans une manière tout à fait semblable à celle de la Pieta de Cluny.

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2. Description.

"Au centre, la Vierge est assise, en vêtement bleu à orfroi d'or et bordure de col à inscription stylisée, IHM ; sur ses genoux, le Christ mort, la tête vers la gauche, une longue traînée de sang coulant de la plaie du côté droit ; à gauche, saint Jean, en robe rouge et manteau vert, retire la couronne d'épines ; à droite, Madeleine, vêtue d'une robe rose et d'un manteau vert pâle à bordure d'hermine, les cheveux blonds éployés sur le dos, agenouillée, tenant un vase d'une main et une plume de l'autre dont elle répand des essences sur les plaies des pieds du Christ ; à droite, une sainte femme (Marie ?) vêtue de rouge, baise la main du Christ ; et une autre femme sainte portant un chaperon blanc et un manteau pourpre, joint les mains en prière. Le fond d'or, gravé de rinceaux de feuillages stylisés et des nimbes des personnages, a été mis à jour après restauration en 1951 : il était recouvert d'une couche picturale représentant la base de la croix, la ville de Jérusalem et un paysage, exécutés au XVIe siècle. " (Musée du Louvre)

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3. Mon questionnement.

 

En lisant les descriptions des experts du Louvre, je m'interroge  sur la "plume" tenue par Marie-Madeleine, que je considère être une lancette (scalpel), instrument ancillaire de la chirurgie médiévale, et notamment des saignées. La couleur grise indique que l'instrument est en métal, voire même en argent. Or, je ne parviens à retrouver dans mes recherches en ligne aucune réflexion sur ce geste singulier.

Cela pourrait être une "spatule"  ou "cuiller à onguent", accessoire de prélèvement et d'application des onguents, puisque le "pot à onguent", attribut caractéristique de Marie-Madeleine, et qu'elle tient ici dans la main gauche, est ouvert, le couvercle soulevé. Mais les documents iconographiques montrent des ustensiles à extrémité arrondies, et incurvées par une  gouttière, précisément en "cuiller".

En remplaçant le terme de "plume" de la description des spécialistes du Louvre par lancette, scalpel, ou encore spatule ou cuiller à onguent, et en remplaçant le terme "vase" par "vase d'aromates" ou "pot à onguent" je peux valider le reste de la phrase : tenant son pot à onguent d'une main et une spatule de l'autre, Marie-Madeleine répand des essences sur la plaie du pied gauche du Christ.

Or, ce geste est tout sauf anodin. C'est une intervention manuelle de soins sur un cadavre : quelle qu'en soit l'intention, c'est une onction, c'est déjà un geste d'embaumement, en langage contemporain c'est un geste de thanathopraxie : "art de retarder la décomposition du corps par des techniques d'embaumement et/ou un ensemble de mesures esthétiques visant à maintenir un cadavre le plus longtemps possible en bon état" (CNRTL). Au XVe siècle, L’embaumement tel qu’il était pratiqué en Occident à l'époque médiévale répondait certes à  une fonction pratique, celle l'exigence de  conserver le corps jusqu’à l’achèvement des cérémonies funèbres,  mais aussi à une fonction théologique, celle de lui donner une « odeur de sainteté » qui permettra son entrée au Paradis lors de l’« apothéose » (P. Charlier).
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Néanmoins, le geste de Marie-Madeleine ne peut correspondre, selon les textes évangéliques, à l'embaumement stricto sensu du Christ, pour lequel les trois Maries portant les aromates  se rendent au sépulcre le Lundi de Pâques , embaumement qui est annulé par la découverte du tombeau vide et l'annonce de la Résurrection (Luc 24:1-12). 

Des peintures et enluminures, dont celle de Fouquet pour les Heures d'Etienne Chevalier (1452-1460), montrent la "Pierre de l'onction" (ou Pierre de l'embaumement) sur laquelle, selon la tradition, le corps du Christ fut lavé et enveloppé dans le suaire avant la Mise au Tombeau. Cette pierre est encore conservé dans la Basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem et faisait l'objet d'une importante vénération. Il faut rappeler que René d'Anjou, probable commanditaire du retable, était roi de Sicile et de Jérusalem. Il ne se rendra néanmoins pas en pèlerinage à Jérusalem.

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Ma recherche est rendue complexe par le manque d'accroche des différents mots clefs que je lance en hameçon sur le moteur de recherche. Néanmoins, elle connaîtra un tournant par la découverte d'un autre retable, contemporain de celui-ci, et également provençal, celui de Pignans, et sur lequel Marie-Madeleine, tenant la main gauche du Christ, s'apprête à y appliquer des aromates à l'aide d'une tige (spatule ?) qu'elle trempe dans son vase d'onguent. C'est là le seul autre exemple que j'ai pu découvrir de ce geste singulier qui  conserve son mystère. Faut-il l'interpréter comme un geste de soin et sollicitude attendrie, voire à visée hémostatique, sur la plaie du pied (stigmate) par application d'onguent? 

Cette recherche n'aboutira pas à une interprétation claire et documentée, mais à défaut, elle me conduit à examiner les enluminures des livres possédés par les deux époux royaux, et me permet de souligner quelques points :

  • La dévotion réelle de René d'Anjou et de Jeanne de Laval, orientée notamment vers la méditation devant le Christ mort, et devant ses plaies (culte de l'Hostie de Dijon portant l'image du Christ au corps semé de taches de sang ) selon deux enluminures du Livre d'Heures du roi René.

  • Le culte de Marie-Madeleine associé depuis René d'Anjou au culte des Trois Maries ( En 1448, sous l'impulsion du roi René, a lieu l'invention des reliques des saintes Maries, soit Marie de Nazareth, sa demi-sœur Marie Salomé ou Marie Jacobé et Marie Madeleine, dites les Trois Maries).

  • La réalité de l'embaumement des corps des rois et des princes au Moyen-Âge, et notamment de celui de René d'Anjou. La technique, et les aromates utilisées, sont parfaitement détaillées par les archéologues.

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Commençons par examiner l'œuvre. J'ai préféré placer ici mes clichés plutôt que ceux pourtant bien-sur supérieurs, proposés par le musée de Cluny.

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/pieta-de-tarascon.html

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Vue générale : une donatrice agenouillée mains jointes devant le retable. Cl. 19271.

Cette donatrice passait jadis pour être Jeanne de Laval, épouse de René d'Anjou, ce qui explique sa présence. Elle est à peu près contemporaine du retable (troisième quart du XVe siècle) et on l'a identifiée comme étant l’épouse de Jean des Martins,  chancelier dse Provence auprès du roi René. Elle est attribuée à Audinet Stéphani (?), sculpteur mentionné à Aix-en-Provence de 1448 à 1476.

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/donatrice-en-priere.html

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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

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Le retable.
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Il mesure 84 cm sur 130 cm.
Les  reflets sur mon cliché, et notamment celui en cercle, n'ont pu être évités.
On note le fond en or et les rinceaux dégagés par la restauration autour des six nimbes polycycliques.
Le cadavre du Christ est posé sur les genoux de sa Mère, en soutien au niveau des épaules et du bassin, mais les jambes semblent flotter, même si on peut penser que les pieds sont appuyés sur un soubassement recouvert par le manteau bleu. L'axe du corps forme l'une des diagonales du tableau. 
Les cinq  plaies (des mains, des pieds et du flanc) et celles des épines de la couronne sont très visibles, en raison de l'écoulement du sang  pendant la crucifixion.
Chaque personnage autour du Christ est isolé  d'une part par une attitude et une préoccupation qui lui est propre, et d'autre part par l'absence d'interaction entre eux.
Marie soutient de ses mains le buste de son Fils, et le contemple douloureusement, la tête inclinée et les sourcils froncés.
Marie Salomé (ou Jacobé), en rouge, soulève la main gauche du Crucifié, et la baise, mais son index touche le sang qui s'écoule de la plaie.
Marie Jacobé est en retrait et observe la scène, les mains jointes. Elle n'appartient pas à la composition en dôme des cinq autres personnages, elle est la seule à ne pas être active, ou en contact avec le corps du supplicié. Elle pourrait, par son rôle de spectatrice, inciter le fidèle à s'identifier à elle.
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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

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Saint Jean, cheveux bouclés et visage  jeune et imberbe,  porte la robe rouge qui lui est attribuée dans l'iconographie, notamment pour le distinguer de Marie. Cette robe est recouverte d'un manteau vert aux pans réunis par un fermail doré  ovale. Ses genoux sont  à demi fléchis.

Fronçant les sourcils, il  est occupé à ôter délicatement la couronne d'épines, comme s'il craignait de blesser d'avantage son maître.

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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

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Le pagne ou perizonium est une gaze translucide, et l'attention portée par le peintre à une représentation naturaliste du rendu de la peau, des volumes anatomiques et de la pilosité du pubis est extraordinaire.

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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

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Le peintre n'a pas omis de souligner l'élégance et le luxe des vêtements de Marie-Madeleine, associant une robe de velours rouge et un manteau vert doublé de fourrure d'hermine aux reflets soyeux. Par symétrie avec saint Jean, ses genoux sont à demi-fléchis, le fermail ovale de son manteau est identique, sa tête est penchée sur la tâche qu'elle s'est assignée et ses traits expriment la même expression pleine de sollicitude.

Ses cheveux dénoués, bouclés et très longs sont déjà ceux que les peintres donneront à la Madeleine pénitente. Mais ici, les vagues régulières de leur ondulation témoignent de l'opulence et du souci corporel de la sainte.

Elle tient en main gauche un vase d'orfèvrerie évasé, à couvercle conique articulé et semi-ouvert, assez différent des pots de pharmacie de type albarelle.

L'instrument qu'elle tient si délicatement de la main droite entre pouce et index est de couleur grise, évoquant l'étain ou plutôt l'argent. C'est une tige élargie en feuille ovale à l'extrémité, et dont la pointe correspond exactement (par comparaison avec  le pied droit) à l'orifice de la plaie du pied gauche, causée par le clou de la crucifixion.

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La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

La Déploration de Tarascon (peinture sur noyer, Jacques Dombet ?, vers 1456-1457) du musée du Moyen-Âge de Cluny. Photgraphie lavieb-aile 2023.

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DISCUSSION.

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Dans un premier temps, je montrerai qu'un autre exemple de geste d'embaumement du corps du Christ par Marie-Madeleine existe sur un tableau provençal un peu plus tardif. Il viendra compléter et éclairer l'interprétation du geste du retable de Tarascon.

Dans un deuxième temps, je chercherai à explorer, forcément partiellement, l'iconographie de ce geste. On le retrouve au XIIe siècle sur les Mises au tombeau des vitraux ou chapiteaux, mais ce sont exclusivement les hommes (Juifs accompagnant Joseph d'Arimathie et Nicodème) qui portent  les flacons d'aromates et en versent le contenu. Puis cette tradition disparait ensuite, et dans les les Déplorations ou Mises au tombeau des maîtres de l'enluminure du XIV et XVe siècle, on ne trouve plus ces flacons, ou bien seulement comme accessoire sans geste d'utilisation (Jean Pucelle, le Maître de Boucicaut, les frères de Limbourg, Jean Poyer, le Pseudo-Jacquemart). Marie-Madeleine est néanmoins souvent représentée penchée sur les mains ou les pieds du Christ qu'elle embrasse ou couvre de ses cheveux (Fra Angelico 1436 ; Très Riches Heures du duc de Berry f.157, Jean Colombe 1485).

Vers 1555, Jean Fouquet reprend cette tradition du geste d'embaumement, mais le réserve là encore aux hommes.

Les enluminures des Heures de René d'Anjou ou du Psautier de Jeanne de Laval (par un peintre  influencé par Jean Fouquet) ne montrent pas d'exemples de geste d'embaumement, mais témoignent de l'importance d'une dévotion, individuelle, aux plaies du Christ et aux souffrances de sa Passion.

C'est dire l'originalité des deux exemples, les peintures de Tarascon et de Pignans, qui confient à Marie-Madeleine, l'une des trois saintes Femmes, les trois Maries, ce geste d'embaumement.

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Cette reprise se situe dans un contexte particulier, celui du développement du culte de Marie-Madeleine, de sainte Marthe et des Trois Maries par René d'Anjou.

Enfin, je rappellerai que la pratique de l'embaumement était courante au XVe siècle et que René d'Anjou en a bénéficié.

 

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1°) Le retable de la collégiale de Pignans (Var). Une Déploration à neuf personnages encore désignée sous le titre de "Déposition de croix"; ou "Descente de croix".

 

Nous retrouvons une variante du même geste sur une Déploration de la collégiale de Pignans, dans le massif de Sainte-Baume, à 160 km de Tarascon ou d'Avignon. Marie-Madeleine s'apprête à appliquer l'ustencile (plume, spatule ou lancette...) sur la plaie de la main gauche du Christ, mais est encore en train de le placer dans le pot d'onguent. Cela confirme l'interprétation du retable de Tarascon : il s'agit bien d'un geste d'onction des plaies (mains ou pieds), par le contenu du vase. Cette attention aux plaies du Christ est soulignée, à Pignans, par la présence de saint François montrant ses stigmates. Nous ne pouvons dire si ce geste de la sainte est un geste de soin (application d'onguent), ou un geste d'adoration (application de parfums et substances honorifiques), et c'est sans doute les deux à la fois.

Peinture sur cinq panneaux de bois, de H = 300 ; l = 303 ; pr = 3,5 cm. 4e quart 15e siècle ; 1er quart 16e siècle. Ce tableau est attribué à l'école d'Avignon mais  pourrait être une oeuvre de Josse Liedfrinxe.

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM83000399

L'arrière-plan cherche à évoquer les remparts de Jérusalem, mais on y reconnait une vue d'Avignon et de ses remparts. Au pied de la croix, Jean, en manteau rouge, soutient la Vierge en pamoison, aidé par une Sainte Femme agenouillée. À droite, une autre Sainte Femme, à l'écart, joint les mains. À gauche, saint François, penché sur la scène, montre ses stigmates.

Au premier plan, le Christ repose sur un suaire tendu par Joseph d'Arimathie et Nicodème. La  plaie du flanc laisse échapper un long flot de sang. La couronne d'épines et les clous sont posés sur le sol .

Au centre, Marie-Madeleine est agenouillée et se penche ; de la main droite, elle saisit la main gauche du Christ pour mettre en évidence la plaie de la paume, tandis qu'elle tend le bras gauche pour tremper un ustencile (une plume, selon certains) dans le vase d'onguent posé au sol au centre, dans l'axe de la croix.

Elle est richement vêtue, mais son manteau rouge détaché tombe derrière ses reins, selon une tradition flamande qui sera repris sur les calvaires bretons des Prigent vers 1550.

Autre détail repris sur les calvaires bretons du milieu du XVIe siècle, tous les personnages sont en larmes.

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Pignans (Var, France), collégiale Nativité de Notre-Dame ou de l'Assomption de la Vierge, intérieur, peinture sur panneau de bois Déploration peut-être de Josse Lieferinxe, fin XVe ou début XVIe siècles.

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Vues de détail.

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Pignans (Var, France), collégiale Nativité de Notre-Dame ou de l'Assomption de la Vierge, intérieur, peinture sur panneau de bois Déploration peut-être de Josse Lieferinxe, fin XVe ou début XVIe siècles.

 

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Je citerai cette description (source) : 

 




"Un personnage discret, tout absorbé par son geste : Marie-Madeleine. Elle trempe délicatement une plume dans un vase de parfum pour laver les plaies du Christ. Historiquement, les évangiles précisent que les soins du corps n’avaient pu être donnés le vendredi soir en raison de la proximité avec la fête du sabbat qui interdisait tout travail. Ce geste a donc une portée symbolique. Tout d’abord, il rappelle l’onction de Béthanie, quand Marie-Madeleine avait oint les pieds du Christ avec du parfum les essuyant de ses cheveux (Mt 26, 6-13 ; Mc 14, 3-9 ; Le 7, 36-38 ; Jn 12, 1-8). Enfin, il manifeste les dispositions intérieures de Marie-Madeleine, toutes empruntes de charité, dans le souvenir du pardon total dont elle avait fait l’objet.

Il reste un dernier personnage un peu en retrait : saint François. La pratique était courante d’insérer dans un tableau représentant un mystère de la foi des saints en train de les contempler. Il s’agissait de manifester qu’ils tenaient leur fécondité de cette contemplation, et d’inviter chaque chrétien à les imiter. Par ailleurs, la croix du Christ en forme de tau confirme l’attachement des commanditaires à la spiritualité franciscaine. Le tableau religieux n’avait pas vocation à représenter un événement historique mais il permettait plutôt de rendre présent un mystère éternel. Ainsi, en contemplant le retable de Pignans, on découvre que trois évènements sont parfaitement contemporains dans le cœur de Dieu :
. le sacrifice du Christ,
. la réception des stigmates de saint François,
. la contemplation de la scène par le visiteur.
Saint François est debout, les mains ouvertes, absorbé par la souffrance de Marie. Ses stigmates sont bien visibles. Il veut nous dire par là que de même que Marie vit la passion du Christ, de même, tout homme, en découvrant jusqu’où l’amour du Christ est allé pour le sauver, est invité à s’associer par la prière et la contemplation, à ce mystère de l’amour rédempteur. "

 

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2°) Voir aussi :

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La Déploration du Christ à quatre personnages (Jésus, Marie, Jean et la Madeleine en pleurs) de l'église Saint-Jean au Marché de Troyes (calcaire, Maître de Chaource, 1515-1530). Marie-Madeleine verse le contenu du vase (parfum ?) sur le pied du Christ, tout en essuyant ses larmes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:D%C3%A9ploration.JPG

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Déploration du Christ à quatre personnages: Église Saint-Jean au Marché de Troyes (calcaire, Maître de Chaource, 1515-1530).

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3°) Le Livre d'Heures d'Étienne Chevalier enluminé par Jean Fouquet entre 1452 et 1460 : Les Heures de la Croix, Embaumement du corps de Jésus. (Santuario 17, Musée Condé de Chantilly.)

 

https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/jean-fouquet_le-livre-d-heures-d-etienne-chevalier-les-heures-de-la-croix-embaumement-du-corps-de-jesus_decoupe_peinture-sur-papier?page=9

Ce livre d'Heures est du premier intérêt pour nous, car il est contemporain du retable de Tarascon, et nous verrons en outre que que les enluminures de Fouquet inspireront le Maître du psautier de Jeanne de Laval, celle-ci étant la première détentrice du retable de Tarascon.

Or,  à la différence des autres livres d'heures qui proposent une Mise au tombeau, Fouquet consacre une enluminure à l'Embaumement du corps de Jésus sur la pierre d'onction, dans le cycle des Heures de la Croix, et pour Complies, après la Comparution (prime), le Portement de Croix (tierce), la Mise en Croix (sexte, perdue),  la Crucifixion (none), et la Descente de Croix (vêpres) et alors qu'une Déploration illustre un texte indépendant du cycle liturgique des Heures, le Stabat mater.

Mais selon Nicole Avril, cet embaumement "était la forme sous laquelle était représentée en France la mise au tombeau jusqu'au XIVe siècle ; le corps du Christ y était simplement déposé sur la dalle, entouré de quelques vieillards qui versaient avec solennité  sur lui le contenu de fioles de parfum pour l'embaumer."

Elle illustre son propos de la verrière typologique ou baie 37 de la cathédrale de Chartres datant vers 1150 où un homme en rouge verse le contenu d'un flacon sur le corps, qui est soutenu par Joseph d'Arimatie et Nicodème, en présence (?) de Jean et de la Vierge

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Embaumement du Christ, baie 37 de la cathédrale de Chartres, cliché Vassil, Wikipedia

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On retrouve cette scène sur un chapiteau de la collégiale Saint-Etienne de Dreux (Deuxième quart XIIe siècle). Selon la notice du musée, 

 

 "Aux angles, deux personnages, exécutés presque en ronde bosse, soutiennent le corps , l'un à la tête et l'autre aux pieds. On peut les identifier à Nicodème et Joseph d'Arimathie. Celui de gauche est coiffé de cette calotte hémisphérique côtelée que les artistes du moyen-âge ont souvent attribué aux Juifs. Deux autres hommes, représentés de face, participent à la scène. L'un, manches retroussées, paraît verser sur le corps le contenu d'une fiole qui tient des deux mains ; l'autre, hiératique, revêtu d'une chasuble, porte un livre dans la main gauche et un linge plié dans la main droite. Ses cheveux courts et raides font place sur le sommet de la tête à une large tonsure : ce prêtre est vraisemblablement saint Pierre. Les quatre hommes, barbus et moustachus ont la tête entourée d'un nimbe dont le bord est souligné par un simple sillon concentrique."

 

 

Joseph d'Arimathie tient la tête du corps du Christ, placé sur la pierre d'onction. Nicodème tient les pieds.  Un homme tête nue, barbu, nimbé,  verse sur le corps le contenu d'un flacon. Un saint prêtre tient un livre et l'étole.

 

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Chapiteau de la collegiale royale Saint-Étienne, 2e quart 12e siècle, musée des Beaux-arts de Dreux inv. 950.8.3

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Pour les Heures d'Étienne Chevalier, Fouquet représente le Christ déposé sur la Pierre de l'onction, entouré de dix hommes, dont deux coiffés de bonnets, un tête nue, et sept coiffés de bonnets coniques ou de turbans juifs, associés à Jean (imberbe), un peu en arrière, la Vierge et deux saintes femmes, tandis que Marie-Madeleine est agenouillée et embrasse la main gauche du Christ.

La fonction d'embaumement est, comme pour les œuvres du XIIe siècle, réservée aux hommes : L'un tient un pot d'onguent et pose la main sur l'avant-bras gauche. L'autre, les manches retroussées, verse une fiole sur le flanc gauche. Un  autre tient une fiole identique. Enfin un pot d'onguent est posé sur la pierre, devant l'homme vêtu d'or et de bleu, penché sur les jambes. Aucun écoulement de sang depuis les plaies n'est représenté.

Nous avons bien là non seulement la représentation de porteurs de pots ou flacons, mais bien celle d'un geste d'embaumement par versement d'aromates sur le torse et les jambes de Jésus.

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Jean Fouquet Le Livre d'Heures d'Etienne Chevalier : Les Heures de la Croix, Complies, Embaumement du corps de Jésus. Photo RMN.

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Les hommes porteurs de fioles ou pots d'aromates sont aussi représentés par Fouquet sur les autres enluminures des Heures d'Etienne Chevalier, enluminures conservées au sanctario du château de Chantilly.

a) Sur la Descente de Croix : deux personnages barbus tiennent des pots d'onguent dorés.

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La Descente de croix, Jean Fouquet, 1452-1460, Heures d'Etienne Chevalier. RMN.

 

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Heures d'Etienne Chevalier par Jean Fouquet : la Déposition; deux hommes (Joseph d'Arimathie et Nicodème ?) tiennent des pots d'aromates Photo Lavieb-aile.

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b) Sur la Déploration: un homme près de la croix tient une fiole en verre .

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Heures d'Etienne Chevalier par Jean Fouquet : la Déploration. Photo Lavieb-aile.

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Heures d'Etienne Chevalier par Jean Fouquet : les anges et la dalle du tombeau ("pierre de l'onction". Le cœur et les clous au centre de la couronne d'épines Photo Lavieb-aile.

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Heures d'Etienne Chevalier par Jean Fouquet : la Déploration (détail) ; un homme tenant une fiole de verre. Photo Lavieb-aile.

 

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4°) Examen du Psautier de Jeanne de Laval  (1458-1460 Maître de Jeanne de Laval et Jean Fouquet).

 

René d’Anjou (Angers 1409- Aix-en Provence 1480), comte de Provence, duc de Bar, de Lorraine et d’Anjou, roi de Naples. Il apporte son soutien à son beau-frère Charles VII de France contre les Anglais, lors de la guerre de Cent Ans. Il crée de nouveaux impôts, centralise l’administration dans ses États et protège le commerce ; ces actions, jointes à son amour des arts, le fait passer à la postérité sous le nom du bon roi René. Bibliophile renommé, ce prince fit enluminer dans la région du Mans et d’Angers un nombre considérable de manuscrits, avant qu’il ne parte définitivement pour la Provence en 1471, en compagnie de sa seconde épouse Jeanne de Laval. Il écrit des romans : le Livre du cœur d’amour épris (1457),  un Traité de la forme et devis comme on fait les tournois (1451), … et des poésies.

Née en 1433, Jeanne est la fille de Guy XIV de Laval et d'Isabelle de Bretagne. En épousant en 1454 le roi René d'Anjou, mécène éclairé, elle devient reine de Jérusalem et de Sicile, duchesse d'Anjou et de Bar et comtesse de Provence. Elle survivra au roi dix-huit ans pour s'éteindre en 1498.

 

Le Psautier de Jeanne de Laval. (1458-1460 Maître de Jeanne de Laval et Jean Fouquet) est conservé à la Médiathèque de Poitiers Ms 41 (202). Il était destiné à Jeanne de Laval, duchesse d'Anjou. D'après A.-M. Legaré, il s'agit probablement d'un psautier laissé par Jeanne de Laval en héritage à ses nièces (testament, 1498) et peut-être à identifier avec le psautier mentionné comme relié dans les comptes de juillet-août 1458. On y trouve au folio 22 ses armoiries,  après son mariage et modifiées après la mort du roi René. Ce sont les armoiries de la famille Laval, "de gueules au léopard d'or" (f. 122) associées à la devise conçue par le roi René dès 1454  des  deux tourterelles unies par un collier bleu (f. 22, 41v, 66v, 78v, 93v, 107v, 122).

Plusieurs enluminures représentent Marie-Madeleine auprès du cadavre du Christ.

 

Liens vers le Psautier.

f.16 Déposition, déploration et don du tombeau par Joseph d'Arimathie.

 

Thème : La même enluminure représente trois épisodes successifs du récit de la Passion, et les personnages principaux sont représentés deux ou trois fois. Jeabn est absent, ou bien il est représenté barbu. 1. La déposition par Joseph d'Arimathie et Nicodème. Marie tient la main de son fils. Marie-Madeleine étreint le pied de la croix. 2 La déploration : Le corps ensanglanté  de Jésus repose sur les genoux de sa mère, devant une sainte femme (Marie-Madeleine? et un saint barbu (Jean ?) . 3 Après la mort de Jésus, le pieux Joseph d’Arimathie obtient l’autorisation d’ensevelir la dépouille du Christ dans un tombeau. 

À droite, un homme (Joseph d'Arimathie ?) tient un pot d'aromates blanc : l'embaumement est déjà annoncé.

 Analyse : Le travail du Maître du psautier de Jeanne de Laval (artiste anonyme actif à Angers) est influencé par d’autres artistes et a pu être rapproché des Heures d’Etienne Chevalier réalisées par Jean Fouquet entre 1452 et 1460  . Parfois, le Maître de Jeanne de Laval extrait un ou plusieurs personnages d’une scène qu’il intègre dans une enluminure illustrant le même thème et occupant la même fonction que dans l’enluminure des Heures d’Etienne Chevalier. En observant la scène de la Descente de Croix dans chacun des deux manuscrits (santuario 15 des Heures d’Etienne Chevalier), François Avril a relevé des similitudes dans les attitudes générales des personnages, notamment concernant l’homme détachant le Christ de sa croix. Maintenant, si l’on compare plus en détail les deux scènes, on constate une forte ressemblance de l’homme de profil portant un vase dans la partie droite de l’image. Le Maître de Jeanne de Laval semble s’être inspiré de l’œuvre de Fouquet non seulement pour la fonction et la place de ces personnages mais également pour le chapeau ainsi que la position de la tête légèrement levée mais l’analogie est particulièrement frappante au niveau des plis des tuniques des deux hommes. (Médiathèque de Poitiers)

 

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Psautier de Jeanne de Laval f.17 L'Ensevelissement / Maître de Jeanne de Laval. ; Jean Fouquet.

Il y a encore trois épisodes : 1. la Vierge priant au pied de la croix vide ; 2. la mise au tombeau ; et 3. la pose de la pierre tombale fermant le tombeau, en présence de la Vierge et des trois Maries. Et même une scène 4 où Jean et la Vierge s'éloignent.

On remarquera en 3 Marie-Madeleine avec son pot d'aromates posé au sol.
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"Parfois, le Maître du psautier de Jeanne de Laval extrait un ou plusieurs personnages d’une scène qu’il intègre dans une enluminure illustrant le même thème et occupant la même fonction que dans l’enluminure des Heures d’Etienne Chevalier dont ils sont issus comme dans cette Mise au tombeau. Les acteurs de cette scène dans les Heures d’Etienne Chevalier (santuario 17) sont majoritairement repris pour composer le premier plan de celle-ci. Les deux hommes déposant le corps du Christ dans l’œuvre de Fouquet et ceux plaçant la dalle du tombeau dans le psautier de la reine n’ont pas strictement la même fonction, les mêmes vêtements, la même position ni les mêmes mouvements mais sont presque identiques. Le maître de Jeanne de Laval a modifié en partie les couleurs et la position des têtes. Nous retrouvons dans une attitude proche, la femme dont seule l’épaule gauche dépasse derrière le tombeau. Enfin, notons également que les deux derniers personnages présents dans ce premier plan de la Mise au tombeau du psautier trouvent leur équivalent chez Fouquet. Il s’agit de la Vierge et de l’homme de profil à droite de chacune des scènes. Comme pour les f11, 12, 13 et 16, des rapprochements entre le Miroir historial du Maître François (BnF, ms. fr. 50 et 51 et Chantilly, musée Condé, ms 122) peuvent être établis. Les architectures que les deux miniaturistes placent dans leurs paysages sont très similaires dans la Mise au tombeau du psautier et la miniature du f47v . (Médiathèque)

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Psautier de Jeanne de Laval, Folio 17

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Folio 17 Mise au tombeau

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Folio 17 , la pose de la dalle.

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f22+. Excursion hors du sujet : Armoiries et couple de tourterelle ; f34  Deux tourterelles liées entre elles par un collier bleu sur une branche de groseiller

"Les armes figurées dans le Psautier sont exclusivement celles portées par Jeanne de Laval. Elles sont couronnées, ainsi que le titre de reine de Sicile, Hongrie et Jérusalem y donne droit. De discrètes tiges florales ajoutent une touche personnelle à cette héraldique qui reste avant tout une proclamation dynastique. Il s’agit de fleurs de janette, Lychnis dioica, ou de compagnon, Lychnis coronaria alba, figures parlantes fréquemment employée par les utilisatrices éponymes d’emblèmes comme Jeanne de France ou Jeanne de Bourbon. Les tourterelles faisant partie de la devise y sont associées (voir f1). Cette ornementation prend position à la place d’honneur, en haut et à gauche de la page. Elle introduit véritablement le texte saint par ce portrait emblématique de la reine. Associée au texte saint, cette lettre de bois mort prend l’apparence du lignum vitae, le bois sec de la croix du Christ, du verbe incarné, rendu vivant par le miracle de la résurrection et le triomphe sur la mort. Par sa dévotion, son amour et son association au texte saint, le couple royal, en personne et en fonction, participe de ce message d’espérance chrétienne.

Deux écus différents sont peints dans le Psautier de Jeanne de Laval. Sur le f22 se trouve celui de Jeanne de Laval et celui de Laval ancien est au f122. Les marques de possession permettent d’obtenir des renseignements sur les possesseurs mais aussi sur la datation. À l’aide des emblèmes et armoiries peints dans le psautier, nous pouvons déduire qu’il fut très probablement conçu entre 1466 et 1480. L’écu présente l’avantage d’avoir subi plusieurs phases d’évolution qu’il est possible d’associer à des périodes d’utilisations. En effet, à partir de 1454, année du mariage de Jeanne de Laval avec René d’Anjou, les armes de la nouvelle reine sont formées comme toute épouse, de celles de son mari – à dextre (gauche), place d’honneur – et de celles de son père (Guy XIV de Laval, 1406-1486) ainsi que, plus rare, de celles de sa mère (Isabelle de Bretagne, † 1444) – à senestre (droite). Par conséquent, l’évolution des armes de René implique celle de la partie dextre de l’écu de sa femme. Christian de Mérindol a ainsi identifié trois armes différentes employées pendant les périodes suivantes : de 1454 à 1466, de 1466 à 1480 et de 1480 jusqu’en 1498. L’écu peut être rapproché de la seconde période en raison de la surcharge de l’Aragon dans la partie dextre. La présence de cet élément implique une datation postérieure à 1466. Le second écu présent dans le psautier, celui de Laval ancien peint au f122, permet d’affiner la datation." (Médiathèque)

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Folio 22

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Folio 34

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5°) Les miniatures des deux livres d'heures de René d'Anjou (Londres British museum Egerton MS. 1070 et Bibl. Nat. Lat. 1156 A).

Le but est là encore de documenter la dévotion des époux envers les plaies du Christ. Mais je n'ai observé aucun geste d'embaumement.

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a) Horae ad usum Parisiensem [Heures de René d'Anjou, roi de Sicile (1434-1480)] BnF lat.1156A.

Initiales d'or ou peintes sur fond d'or. 23 peintures, 32 miniatures et encadrements. Portraits de Louis II d'Anjou, roi de Sicile (f. 61) et de René I er d'Anjou, roi de Sicile (f. 81v), pour qui ce volume fut exécuté, avec nombreuses armoiries ou emblèmes et devise de ce dernier. - Parchemin. - IV et 148 ff. 

-a1 Folio 81v et 82 René d'Anjou en méditation devant le Christ mort.

Les deux folio se font face.

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heures de René d'Anjou folio 81v et 82r. BnF gallica

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-a2. L'Hostie de Dijon, folio 22r.

Sur l'hostie s'inscrit le Christ sauveur assis sur l'arc en ciel, les instruments de la Passion, et de multiples taches de sang.

C'est l'image de la Sainte Hostie miraculeuse, donnée en 1431 par le pape Eugène IV à Philippe le Bon qui la déposa à la Ste-Chapelle de Dijon où elle a été conservée comme une des plus fameuses reliques de la France jusqu'à la Révolution.

On la trouve aussi dans le deuxième livre d'Heures de René d'Anjou, conservé au British Museum de Londres sous la côte Egerton MS. 1070. Cela témoigne de l'importance de cette relique pour René d'Anjou.

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Selon Otto Pächt, "Toutes les reproductions de la sainte Hostie publiées jusqu'à présent représentent l'état de la relique telle qu'elle existe depuis 1505 — l'Hostie enfermée dans la monstrance donnée en 1454 par la duchesse Isabelle de Portugal, troisième femme de Philippe le Bon, et cette monstrance surmontée de la couronne que Louis XII avait portée le jour de son sacre. Les miniatures des deux livres d'heures de René d'Anjou (Egerton MS. 1070 et Bibl. Nat. Lat. 1156 A), d'autre part, reproduisent l'état original, c'est-à-dire tel qu'il était avant 1454. En effet, la première seulement, celle du livre d'heures de Londres, mérite d'être désignée comme reproduction authentique, car celle du livre d'heures de Paris n'en est que la copie, légèrement modifiée par un enlumineur qui a eu sous les yeux la miniature de Londres, mais ?ui n'a jamais vu l'objet lui-même, l'Hostie miraculeuse de Dijon, our obtenir une composition plus symétrique et décorative, l'enlumineur de l'Hostie de Paris a élevé le nombre des anges de deux à quatre, mais la sainte Hostie n'a jamais eu plus de deux anges comme porteurs. "

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Heures de René d'Anjou folio 22r. BnF gallica

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b)Les Heures Egerton 1070.

L'hostie de Dijon partie 2 folio 110

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=10660

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/record.asp?MSID=8486&CollID=28&NStart=1070

 

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6°) Le culte de Sainte-Marie-Madeleine, sainte Marthe et des Trois Maries relancé par René d'Anjou.

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"Le roi René avait pour Marie-Madeleine une dévotion partirculière qui se manifesta notamment à Saint-Maximin-du-Var et à la Sainte-Baume. Rappelons la fondation du couvent de la Baumette près d'Angers à l'image de la Sainte-Baume peu avant 1453, les fouilles, la découverte et la translation des compagnes de la Madeleine aux Saintes-Maries en 1448 et 1449, ou la mention de legs au couvent de Saint-Maximin dans ses trois testaments pour l'achèvement de l'église en 1453, 1471 et 1474. En 1448 il avait fait ouvrir la châsse de sainte Madeleine et avait affirmé le 16 avril que le corps de la sainte et pas seulement la tête se trouvait à Saint-Maximin. Il développa le culte de sainte Marthe, sœur de Marie-Madeleine et de Lazare. Il porta tous ses soins à l'église Sainte-Marthe de Tarascon qui contenait le tombeau de cette sainte et fit de nombreuses donations au couvent des Célestins d'Avignon qui abritait notamment la chapelle Saint-Lazare décorée depuis peu, vers 1450, d'une peinture murale, La Communion de la Madeleine dans le désert de la Sainte-Baume ». Le 27 janvier 1477, le roi René et Jeanne de Laval offrirent un reliquaire composé d'une croix d'or contenant un morceau de la vraie croix qu'avaient apportées, précise le texte de la donation, saint Lazare, Marie-Madeleine, sa sœur Marthe et les saintes Marie Jacobé et Salomé, ses compagnes." (Ch de Mérindol)

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"L’invention des saintes Maries de la Mer en 1448 institue René en fondateur d’un culte qui renforce à la fois son ancrage régional et son rayonnement international. La dévotion rendue aux saintes méridionales sert l’unification dynastique des Anjou et s’impose à l’entourage curial de René." (Florence Bouchet, Les Arts et les Lettres en Provence au temps du roi René, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2013, https://doi.org/10.4000/peme.7556)

 

 

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"Le caractère dispersé des territoires de la principauté d’Anjou est un des facteurs structurants de l’histoire de la seconde Maison du même nom. La réflexion autour du culte des saints, spécifiquement orientée sur le comté de Provence, seul « pays » possédé en propre par la dynastie, permet d’approfondir un dossier déjà ouvert par d’autres chercheurs: la dévotion aux saintes provençales – Marie Madeleine, Marthe, Marie Jacobé et Marie Salomé – et leur rayonnement dans les autres possessions angevines. La légende, inventée par les moines bourguignons de Vézelay durant la seconde moitié du xie siècle afin de justifier la venue de la Madeleine dans le royaume de France, veut qu’elles aient échoué dans le Midi suite à leur expulsion de la Terre Sainte par les Juifs. Figures d’une piété régionale et même locale, chacune étant attachée à une civitas distincte des autres, ces saintes participent à une piété christique en plein apogée dans les milieux princiers de la fin du Moyen Âge. En Provence, la dévotion envers la plus importante d’entre elles, Marie Madeleine, a connu une nouvelle vitalité à partir de 1279, lors de l’invention de ses reliques à Saint-Maximin à l’initiative du roi de Naples Charles II d’Anjou. La promotion royale du culte magdalénien, occasionnant un certain délaissement des pèlerinages de Vézelay au profit de Saint-Maximin, ne doit pas faire oublier que la famille de Béthanie et ses compagnons d’exil peuvent également être étudiés comme une entité évangélique porteuse de sens pour elle-même au-delà des figures qui la composent.

La présente étude, en examinant des sources déjà connues, cherche à proposer une nouvelle réflexion sur des saintes qui apparaissent comme objets d’une piété individuelle et dynastique mais aussi comme objets d’une stratégie politique élaborée par René d’Anjou. Le souverain doit unir ses territoires autour de sa personne et de sa famille – socle, selon l’idéologie royale française dont sont porteurs les princes de fleur de lys, d’une nation dont l’identité se forge sur la dynastie qui la gouverne – et use du culte des reliques à cette fin. Cependant, concevoir la dynastie princière comme vecteur d’une transmission cultuelle propre à unifier des États disparates ne doit pas occulter la dimension purement spirituelle et individuelle de la piété de ses membres envers ces saintes."  (M. CHAIGNE-LEGOUY  )

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Les Trois Maries au Sépulcre, aussi Les Trois Maries au tombeau, (vers 1410-1426) Hubert van Eyck, musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Trois_Maries_au_S%C3%A9pulcre#/media/Fichier:Hubert_van_Eyck_or_Jan_van_Eyck_or_both_-_The_Three_Marys_at_the_Tomb_-_Google_Art_Project.jpg

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7°) Les techniques d'embaumement.

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"résumé : L’embaumement tel qu’il est pratiqué en Occident doit répondre à deux exigences : conserver
le corps jusqu’à l’achèvement des cérémonies funèbres (fonction pratique) ; lui donner une « odeur
de sainteté » qui permettra son entrée au Paradis lors de l’« apothéose » (fonction théologique).
Sont ici présentées quelques analyses anthropologiques et ostéo-archéologiques pratiquées par
notre équipe, et qui montrent bien la complexité de ces pratiques."

 

Des épices particulièrement onéreux sont utilisés pour Jean Ier de Berry en 1416 : embaumement interne à base de farine de fèves, d’oliban, de myrrhe, d’encens, de mastic, de momie, de “militilles”*, de bol d’Arménie, de sang-dragon, de noix de cyprès, d’herbes odorantes, de mercure, de camphre, de musc, de colophane, de poix noire et de coton ; cadavre enveloppé dans une toile de Reims, ficelé de cordes, déposé dans un coffre de plomb sans couvercle placé dans un cercueil de bois avec des anneaux en fer.
Trois sépultures sont consacrées, comparablement à l’usage royal : tombeau de corps dans la cathédrale de Bourges, tombeau de cœur dans la basilique de Saint-Denis, tombeau d’entrailles dans l’église Saint-André-des-Arts à Paris .
En 1435, Jean de Lancastre, duc de Bedford, meurt à Rouen. L’étude récente de sa dépouille a mis en évidence un embaumement (interne et/ou externe ?) à base de mercure, myrte, menthe, encens, chaux et cuivre (8). Les chroniques historiques attestent que le corps a été mis en un cercueil de chêne dans un contenant en plomb.
D’autres corps ont été décrits comme recouverts de mercure ou “noyés” dans un cercueil rempli de mercure, par exemple Charles VII (1461) et Anne de Bretagne (1514)... du moins tel qu’attesté au cours des profanations révolutionnaires de leurs tombeaux dans la basilique royale de Saint-Denis. En 1450, Agnès Sorel, favorite officielle du roi Charles VII, meurt à Jumièges (Normandie) ; son embaumement est pratiqué sur place. Une partie des viscères est inhumée dans cette abbaye, tandis que le corps embaumé est déposé à Loches. Son étude inter-disciplinaire a mis en évidence un usage de fruits et graines de mûrier blanc, de rhizomes (gingembre ?) et de poivre gris maniguette d’Afrique de l’Ouest . Si le corps de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, n’a pas été conservé, les comptes de son embaumement ont permis d’identifier les substances utilisées pour la préservation de son cadavre : embaumement interne et externe à base de poix noire, résine, colophane, encens, mastic, styrax calamite, gomme arabique, gomme adragante, aloès, myrrhe, Gallia muscata (préparation officinale), Alipta muscata (préparation officinale), cerfeuil musqué, noix de cyprès, térébenthine, canevas, poivre, sel, camphre, cumin, bol d’Arménie, terre sigillée, henné, écorce de grenade, galbanum, bois d’aloès, alun 
zédoaire répandu sur le corps après embaumement et bandelettage, baume artificiel sur le visage. Le cadavre a ensuite été déposé dans un cercueil de fer puis de plomb.
En revanche, si les restes de Louis XI et Charlotte de Savoie ont pu faire l’objet d’une étude scientifique complète, aucun produit d’embaumement n’a pu être mis en évidence de façon claire ; seuls ont été identifiés des signes osseux d’ouverture du corps, sternotomie, craniotomie . La squelettisation quasi-complète des restes de Diane de Poitiers (morte en 1566) n’a pas permis de mettre en évidence d’autre produit d’embaumement que des résidus bitumeux.
Les cas plus récents sont particulièrement bien documentés, car certains chirurgiens n’hésitent pas à user de cadavres célèbres pour assurer leur propre notoriété, sorte de publicité par les défunts : Jacques Guillemeau publiera ainsi dans ses œuvres de chirurgie le compte-rendu de ses rapports d’autopsie de Charles IX, Henri III et Henri IV ,tandis que chroniqueurs, serviteurs, aumôniers se feront eux-aussi le porte-voix très détaillé de l’ensemble de ces soins post mortem.
L’archéo-anthropologie permettra dans certains cas de confronter données textuelles et scientifiques, comme par exemple dans le cas d’Anne d’Alègre, comtesse de Laval : morte en 1619, elle subit une éviscération complète doublée d’une craniotomie. Viscères et cerveau sont remplacés par une matière compacte brun clair poudreuse odoriférante, mélange de copeaux de bois, de segments de tiges et de radicelles, de calices floraux, graines et quelques feuilles : 90% de thym, sinon origan et genévrier. Un bourrage des cavités, boîte crânienne et cage thoracique, est effectué. Le corps est ensuite pris dans un linceul de toile maintenu à l’aide de cordelettes de chanvre, déposé dans un cercueil anthropomorphe en plomb inclus dans un cercueil en bois sur lequel a été posé le “reliquaire” de cœur en plomb (. (Ph. Charlier)

 

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Les funérailles royales : Un corps embaumé

 Composante essentielle de toutes funérailles royales et aristocratiques, un embaumement fut pratiqué sur la dépouille de Charlotte de Savoie, avec incision interne .En Occident, le cas le plus ancien d’embaumement interne… : on rémunéra ainsi deux barbiers d’Amboise pour avoir ouvert le corps « pour icelluy embamer qui fut au chasteau d’Amboize le premier jour de décembre » . Les organes les plus putrescibles – le cœur et les entrailles – furent ôtés et enterrés séparément à Saint-Florentin. La cérémonie fut brève et sans éclat : 12 torches de 2 livres chacune servirent lors de l’inhumation, sans doute précédée d’une messe de requiem . 

[Le cadavre est divisé en différentes parties réparti dans divers lieux]. La reine n’avait pas exprimé dans son testament le désir d’une telle partition, suivant en cela les pratiques de ses devancières qui, dès la fin du XIVe siècle, prirent leurs distances vis-à-vis de la pratique des sépultures doubles. Certaines, telles Blanche de Navarre et Isabeau de Bavière, la rejetèrent explicitement, la division étant pour elles un signe d’orgueil incompatible avec le salut de l’âme ; d’autres se contentèrent de ne pas la mentionner dans leurs testaments . Quelles que soient les prescriptions, les viscères étaient généralement ôtés, par respect de la coutume royale et par souci de conservation de la dépouille.

Les techniques de l’embaumement médiéval sont bien connues, grâce aux traités médicaux et chirurgicaux [Chirurgie de maître Henri de Mondeville chirurgien de Philippe ]   …, et grâce aux découvertes des archéologues.  Après incision de la dépouille pour l’extraction des viscères, le chirurgien garnissait les cavités thoraco-abdominales d’épices et de plantes aux vertus antiseptiques, desséchantes et odoriférantes. Puis il recousait le corps et pratiquait l’embaumement dit « externe » consistant en l’application de baumes et d’aromates. Entre autres produits utilisés, figuraient la myrrhe, l’encens, la lavande, le laurier, l’aloès, le camphre, du sel, du vif-argent, de l’eau de rose et du vinaigre. Le cerveau était aussi ôté. L’exérèse se faisait par un sciage du crâne sur tout le pourtour .

Jean Gascoing, apothicaire de la reine, se chargea de fournir, sur indication médicale, tous les produits nécessaires, sans que le compte ne les détaille, évoquant juste l’achat de « drogues et bonnes odeurs » au coût élevé (près de 100 livres tournois) . Il reçut aussi 20 sous pour la fourniture de « demi aune de taffetas » qui servit à faire des écussons pour mettre « en l’estomac de ladite dame » . Ce passage est inhabituel pour un embaumement. Les viscères enlevés, on redonnait au corps son volume par l’introduction de plantes, et parfois d’étoupes. Il semble que, ici, on ait plutôt utilisé du taffetas aux armes de la reine. Jean Gascoing fournit également de la toile cirée, qu’un tailleur transforma en robe étroite et en chausses « pour ensevelir le corps » , un suaire aux vertus propitiatoires (en référence au linceul du Christ) et thanatopraxiques (interdisant tout accès à l’humidité et à l’air) . (Gaude-Ferragu)

 

"Au bas Moyen Âge, la plupart des princes sont embaumés qu’il s’agisse des ducs de Bretagne (Jean II en 1305), de BourgognePhilippe le Hardi en 1404 et Philippe le Bon en 1467. , de Berry Jean, duc de Berry en 1416. , de Bourbon Jean II (1488) et Pierre II (1503). , d’Anjou Louis Ier (1384), Louis III (1434) et René Ier (1480). , des comtes de Flandre Louis II de Male (1384)  ou de Foix-Béarn Louis II de Male (1384)"  (Gaude-Ferragu)

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SOURCES ET LIENS.

 

— CHAIGNE-LEGOUY (Marion)  "La seconde Maison d’Anjou et le culte aux saintes Maries et Marthe : essai d’interprétation culturelle et politique des pratiques dévotionnelles princières", in Chantal Connochie-Bourgne, Valérie Gontero-Lauze, Les Arts et les Lettres en Provence au temps du roi René

https://books.openedition.org/pup/19329

— CHARLIER (Philippe) 2015, L’embaumement : rituel et symbole de pouvoir en Occident HISTOIRE DES SCIENCES MEDICALES - TOME XLVIV - N° 1 - 2015

https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2015x049x001/HSMx2015x049x001x0099.pdf
 

 

 

— Notice Cluny et Louvre /RMN RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010053222

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/pieta-de-tarascon.html

Dépôt du Louvre, 1910  N° Inventaire : Cl. 18509 Hauteur : 84 cm Largeur : 130 cm [Hauteur : 0,885 m ; Largeur : 1,305 m] Lieu de production : Provence Lieu de découverte : Château de Tarascon Complément d'information sur le lieu : Château de Tarascon Période : 3e quart du 15e siècle

 

Cluny : "Cette peinture provençale du 15e siècle représente le thème de la Pietà. La Vierge éplorée porte sur ses genoux le corps de son fils Jésus. Elle est entourée de Jean et des trois Marie, dont Marie-Madeleine, reconnaissable à ses cheveux dénoués et à son pot de parfum. La scène insiste sur la douleur (mines tristes, couronne d’épines, présence du sang…) et amène à réfléchir sur la souffrance et la mort.

Le tableau est probablement celui qui ornait la "chambre neuve de la reine" du château de Tarascon, en 1457. Si tel est le cas, il aurait alors été commandé par le roi René (1409–1480), duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Naples et de Sicile.

L’œuvre se trouvait dans l’hospice de Tarascon en 1910 lorsqu’elle a été acquise par le musée du Louvre puis déposée au musée de Cluny. A cette date, en arrière-plan, se développait un ample paysage dominé par la silhouette de Jérusalem (entre le Christ et saint Jean, au niveau du bras droit du Christ, un fragment brunâtre de cet ajout des 16e – 17e siècles a été préservé). Il a été retiré en 1950, découvrant un fonds d'or, délicatement parcouru de rinceaux estampés et égayé d’auréoles poinçonnées à petits motifs géométriques et de fleurettes.

L’œuvre s’inspire des compositions des grands maîtres de la peinture flamande (Rogier van der Weyden, en particulier) et plus directement encore de la Pietà d’Avignon peinte par Enguerrand Quarton pour la collégiale de Villeneuve-les-Avignon, aujourd’hui au musée du Louvre. Plus chargée en personnages, d’un tracé un peu dur, mais chargée de la douce lumière caractéristique des peintres du Midi de la France, la Pietà de Tarascon pourrait être l’œuvre de l’atelier des frères Dombet basé à Aix-en-Provence. L’œuvre est présentée dans les nouvelles salles du musée, après restauration (2021).

Louvre :

"Au centre, la Vierge est assise, en vêtement bleu à orfroi d'or et bordure de col à inscription stylisée, IHM ; sur ses genoux, le Christ mort, la tête vers la gauche, une longue traînée de sang coulant de la plaie du côté droit ; à gauche, saint Jean, en robe rouge et manteau vert, retire la couronne d'épines ; à droite, Madeleine, vêtue d'une robe rose et d'un manteau vert pâle à bordure d'hermine, les cheveux blonds éployés sur le dos, agenouillée, tenant un vase d'une main et une plume de l'autre dont elle répand des essences sur les plaies des pieds du Christ ; à droite, une sainte femme (Marie ?) vêtue de rouge, baise la main du Christ ; et une autre femme sainte portant un chaperon blanc et un manteau pourpre, joint les mains en prière. Le fond d'or, gravé de rinceaux de feuillages stylisés et des nimbes des personnages, a été mis à jour après restauration en 1951 : il était recouvert d'une couche picturale représentant la base de la croix, la ville de Jérusalem et un paysage, exécutés au XVIe siècle."

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— ERLANDE-BRANDENBOURG   (Alain), (1968) La Pietà de Tarascon [compte-rendu], Bulletin Monumental  Année 1968  126-2  pp. 197-198

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1968_num_126_2_7863

"La Pietâ de Tarascon. — Le célèbre primitif, la Pietà de Tarascon, que possède le Musée de Cluny, a déjà fait l'objet de nombreuses études. M. Charles Sterling avait publié en 1955 un très important article [La Revue des Arts, 1955, p. 25-46) où il émettait l'hypothèse qu'il était l'œuvre de Thomas Grabuset. On sait que ce peintre était en activité en 1457, date à laquelle ce tableau est signalé, dans l'inventaire du château de Tarascon, comme étant dans la chambre de la reine, Jeanne de Laval. Cependant l'absence d'œuvres certaines de Grabuset — l'auteur n'admet pas l'attribution du Saint Georges de l'église de Caromb — n'était qu'une suggestion provisoire.

Une étude plus approfondie du milieu que fréquentait ce peintre a permis à l'auteur, dans cet article, de proposer une nouvelle identification. Grabuset était associé dès 1450 à l'atelier des peintres Dombet à Avignon, dont on connaît une des productions : les trois vitraux qui ornent la chapelle Saint-Mitre à la cathédrale d'Aix-en-Provence. On voit au centre saint Mitre qui porte sa tête coupée, à droite saint Biaise, à gauche un évêque qui est peut-être saint Nicolas. Ces vitraux, commandés par l'archevêque d'Aix, Nicolai" (t 1443), étaient payés, en 1444, au « maître Guillaume, peintre d'Avignon ».

Ce peintre a pu être identifié avec Guillaume Dombet, peintre-verrier établi à Avignon de 1414 à sa mort survenue en 1461. L'art de ces verrières se ressent de l'influence du maître de l'Annonciation d'Aix, mais en en desséchant « le puissant volume, le riche modelé, le dessin admirable ». De plus, dès avant cette époque, vers 1430, l'art flamand avait déjà pénétré l'atelier de Guillaume, dont l'une des filles avait épousé Arnold de Catz, peintre originaire d'Utrecht, que l'on peut vraisemblablement identifier avec cet Arnoulet qu'on trouve en 1423 maître à Tournai. On ne peut pas néanmoins voir en lui l'auteur de l'Annonciation, car il mourait en 1434. Arnolet dut marquer surtout ses propres beaux-frères, Aubry et Jacques. D'après les informations que nous possédons sur ces deux frères, ils devaient compter, entre 1430 et 1434, parmi les premiers peintres provençaux à connaître le nouvel art flamand. Or, la fameuse pierre tombale de l'archevêque Nicolai, commandée à Guillaume, dénote, comme les vitraux, l'influence du « Maître de l'Annonciation d'Aix ». Guillaume devait, étant donné son âge, travailler dans un style plus traditionnel, si bien que l'auteur en arrive à se demander si ces ouvrages, payés à Guillaume, n'ont pas été exécutés par son fils Aubry, nourri au cours de son apprentissage par les leçons d' Arnolet et formé définitivement par l'influence personnelle du « Maître de l'Annonciation d'Aix », en 1443-1444. C'est sans doute à lui qu'il faut attribuer le Noli me tangere qui orne les volets du retable de l'Annonciation. Jacques, le plus jeune, n'apparaît pas dans les textes avant 1450. Il fait alors figure de disciple de son frère ainé. Aussi l'auteur émet-il l'hypothèse qu'il pourrait être l'auteur de la Pietà de Tarascon, qui conserve des souvenirs manifestes du style des vitraux d'Aix, mais traités avec plus de sécheresse. A ces trois œuvres : vitraux d'Aix, Noli me tangere, Pietà de Tarascon, il faut ajouter le Retable de Boulbon. Le peintre qui l'exécuta fut sans doute le disciple le plus provençal du « Maître de l'Annonciation ». Cependant M. Sterling se refuse à l'attribuer à Aubry. La densité plastique et la gravité spirituelle dénotent un artiste d'une autre envergure qui a dû travailler aux côtés de celui-ci. Or, Thomas Grabuset est resté très longtemps lié aux Dombet, ce qui permet à l'auteur d'envisager cette attribution qui restera hypothétique aussi longtemps qu'une œuvre certaine ne sera révélée. L'auteur insiste ensuite sur le mécénat du roi René. Au contraire de ce que l'on a pu prétendre, M. Sterling affirme que, dès avant son installation définitive en Provence en 1471, il «ut un rôle considérable dans la formation de cette première génération de peintres provençaux. La fameuse enluminure du Roi-Mort, insérée dès 1435-1437 dans son livre d'heures, appartient en effet à l'art provençal. A l'exception des œuvres de Quarton, toutes les œuvres marquantes qui ont vu le jour en Provence entre 1450 et 1460 environ se rattachent plus ou moins directement au groupe de peintres qui ont travaillé pour ce prince. M. Sterling y joint la fameuse tapisserie de Détroit, « L'amour vainqueur », dont on a déjà, parlé ici même (1966, p. 225). — Charles Sterling, La Pietà de Tarascon et les peintres Dombet, dans la Revue du Louvre et des Musées de France, 1966, p. 13-26, 23 fi"

— ERLANDE-BRANDENBOURG   (Alain), 1967, La statue agenouillée de femme du Musée de Cluny, [compte-rendu] Bulletin Monumental Année 1967 125-1 pp. 94-95

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1967_num_125_1_7752

— Grodecki Louis 1959, Guillaume Dombet, verrier, est-il le «Maître de l'Annonciation d'Aix»? [compte-rendu] Bulletin Monumental  Année 1959  117-1  pp. 80-81

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1959_num_117_1_4043_t1_0080_0000_1

— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2016 « Le mannequin du roi » Mort et funérailles royales en France au xve siècle, Presses universitaires de Provence.

https://books.openedition.org/pup/43885?lang=fr

 

"Le souverain fut toujours inhumé avec un faste particulier, symbole de son rang et de son prestige. Le convoi qui traversait Paris jusqu’à Saint-Denis était l’occasion de mettre en scène la majesté royale. Le corps était exposé « à découvert », la tête ceinte d’une couronne, tenant les regalia. Les Valois accentuèrent encore la cérémonialisation de leur cour, dans une vaste opération de communication politique visant à légitimer le changement de branche. Dernière entrée du défunt dans sa capitale, les funérailles se voulaient triomphales. Le rituel connut des évolutions majeures au début du xve siècle, lors de la célébration des funérailles de Charles VI en 1422 dans un contexte difficile lié à la folie du roi et aux crises de succession qui s’ensuivirent. Les innovations introduites (effigie funèbre et cris d’inauguration) étaient vouées à un brillant avenir puisqu’elles perdurèrent jusqu’au début du xviie siècle."

 

 

 

— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2009, « L'honneur de la reine » : la mort et les funérailles de Charlotte de Savoie (1er-14 décembre 1483) [1] Revue historique 2009/4 (n° 652), pages 779 à 804

https://www.cairn.info/revue-historique-2009-4-page-779.htm

— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2011, "Tribulations corporelles et inhumation royale : les funérailles de René Ier d’Anjou" in Jean-Michel Matz,  Noël-Yves Tonnerre René d'Anjou (1409-1480), Pouvoirs et gouvernement, Presses univresitaires de Rennes.

https://books.openedition.org/pur/124788#ftn26

— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2005, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq.

— GAUDE-FERRAGU (Murielle), 2014, Anne de France, la mort et les corps saints

https://sorbonne-paris-nord.hal.science/hal-03883117/document

"Le mannequin de cire présentait donc le défunt dans tout son apparat, vêtu du manteau ducal et paré du collier de l’ordre royal. Le chapeau couronné, serti de multiples pierres précieuses, renforçait encore l’image de son pouvoir (fig. 2). L’emploi d’une effigie était pourtant réservé aux seuls monarques, à certaines de leurs épouses, et aux princes dotés d’un titre royal, même fictif, comme René d’Anjou, roi de Naples et de Sicile."

— GEORGES (Patrice), Les aromates de l'embaumement médiéval.

 https://www.academia.edu/1518955/Les_aromates_de_lembaumement_m%C3%A9di%C3%A9val_entre_efficacit%C3%A9_et_symbolisme_The_spices_for_medieval_embalming_between_symbolism_and_efficiency

—GUIDINI-RAYBAUD (Joëlle), 2003 Pictor et veyrerius: le vitrail en Provence occidentale, XIIe-XVIIe siècles Presses Paris Sorbonne, 2003 - 382 pages Voir Dombet pages 200 et  298

https://www.google.fr/books/edition/Pictor_et_veyrerius/9KgeXwDVxBYC?hl=fr&gbpv=1&dq=Pictor+et+veyrerius:+le+vitrail+en+Provence+occidentale,+XIIe-XVIIe+si%C3%A8cles+De+Jo%C3%ABlle+Guidini-Raybaud&printsec=frontcover

— HABLOT (Laurent) 2009 « Mise en signe du livre, mise en scène du pouvoir : armoiries et devises dans les manuscrits de René d’Anjou », Splendeur de l’enluminure : le roi René et les livres, Marc-Édouard Gautier (dir.), Arles, Actes Sud, 2009, p. 172.

— KOGEN (Helena), Jeanne de Laval et l’institution littéraire angevine

https://books.openedition.org/pup/19339

 

"Plusieurs historiens voient dans le mariage de René d’Anjou avec Jeanne de Laval (1433-1498) un moment crucial de la vie littéraire du prince, allant jusqu’à considérer Jeanne comme son égérie, comme l’inspiratrice de ses œuvres et l’instigatrice de ses intérêts littéraires1. Certes, ce mariage célébré au mois de septembre 1454, avec le concours des hommes de confiance de René, hauts dignitaires de sa cour – Louis et Bertrand de Beauvau, Guy de Laval-Loué2 – coïncide avec le début de la période la plus fructueuse de l’histoire du milieu littéraire angevin. Plus encore, la tendresse indéniable entre les deux époux, mieux exprimée par la devise Per non per si explicitement célébrée dans Regnault et Jehanneton, plaçait naturellement la nouvelle reine de Sicile au centre des activités artistiques de sa cour : les documents d’archives, malgré leur chronologie lacunaire, regorgent de marques de faveur particulières, de cadeaux artistiques et exotiques ; de nombreuses œuvres d’art immortalisent son effigie.

On peut affirmer avec confiance que Jeanne de Laval fut un membre actif du cénacle littéraire angevin et que ses goûts et ses intérêts contribuaient d’une façon significative à l’éclat culturel de la cour angevine. Gardienne dévote des écrits de son mari, elle devrait être célébrée pour son propre mécénat littéraire, ainsi que sa bibliophilie. Les recherches récentes, surtout celles effectuées par Anne-Marie Legaré, ont pu préciser l’action littéraire de Jeanne de Laval, ainsi que dresser un aperçu de sa collection particulière longtemps confondue avec la bibliothèque de René d’Anjou. Dominée par les textes à vocation religieuse et spirituelle communs aux intérêts du public aristocratique de l’époque, cette librairie renferme quelques œuvres directement influencées par les goûts de la princesse, dont une mise en prose du Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville, une traduction d’un ouvrage historique de Matteo Palmieri, un roman de chevalerie Baudoin de Gavre ainsi qu’un poème bucolique célébrant l’amour unissant Jeanne de Laval et son époux René d’Anjou. Ce corpus littéraire sera davantage mis en relief placé en relation avec ce qu’on pourrait appeler « l’institution littéraire» angevine, – une institution que de nombreuses recherches, dont celles qui sont présentées dans le cadre de l’année commémorative, mettent en évidence. En résultera, je l’espère, un portrait littéraire de Jeanne de Laval, son reflet dans le miroir de ses livres.

Ainsi, les comptes des années cinquante montrent plusieurs commandes de livres de piété à l’intention de ses proches dont se démarque la fabrication, en 1459, d’un livre d’heures luxueux pour sa soeur Louise. Ses propres livres de dévotion seront transmis aux filles de la famille de Laval 

La spiritualité princière : dévotion institutionnelle et pèlerinage intérieur

Si l’on considère le legs littéraire de Jeanne de Laval dans son intégralité, sa dominante spirituelle et religieuse, d’ailleurs évidente dans tous les domaines artistiques ayant rapport au mécénat de Jeanne, doit être considérée au premier abord. Jeanne elle-même, ne se présente-elle pas en lectrice absorbée et calme face au ravissement méditatif de son époux devant l’image mystique du buisson ardent, sur le célèbre tableau Le buisson ardent de Nicolas Froment ? Le psautier que la reine de Sicile tient entre ses mains est l’un des nombreux qu’elle a fait confectionner pour son propre usage et pour ses proches20. Certains ouvrages, comme la copie de l’Apocalypse de saint Jean, démontrent sa volonté de s’associer aux objets cultuels principaux de la cour d’Anjou.

Outre les livres de dévotion, une part importante du corpus des livres de Jeanne relève de la littérature hagiographique. On y trouve plusieurs recueils de vies des saints, dont une copie du xive siècle des Vies des Saints de Jean de Vignay, mais aussi l’imprimé de la Légende des saints nouveaux de Julien Macho faite à Lyon en 1480. On peut noter son intérêt particulier pour les saints liés à la dynastie royale française : une importante Vie de Monseigneur saint Denis en 3 volumes appartenait à sa collection ; sa commande d’une copie de l’Histoire de Saint Louis de Joinville peut être justifiée par la volonté de promotion du pouvoir royal montrée par Louis XI25. Elle fait copier plusieurs vitas des saints associés à l’espace angevin : sainte Anne, saint Nicolas, sainte Marie-Madeleine. À la fin des années soixante-dix, on voit Jeanne de Laval s’associer de près à la politique religieuse de la cour d’Anjou-Provence dans la promotion de la dévotion aux saints locaux, facteurs importants de la cohésion sociale des domaines culturellement hétérogènes et dispersés. Ainsi, en 1479, elle commande une Vie et office de Sainte Marthe de Tarascon et une copie de la Translation de Saint Antoine. La même année, le culte de saint Honorat devient prétexte à une série de commandes de la Vie de Saint Honorat de Raimon Feraut : un exemplaire enluminé par Georges Trubert, deux copies de la version occitane, ainsi qu’une version latine. Ces initiatives sont probablement liées à la découverte des nouvelles reliques du saint. Le culte de saint Honorat poursuit une vocation politique tout autant que religieuse, Honorat étant un descendant légitime des rois de Hongrie.

Une autre série de livres est constituée d’ouvrages d’enseignement moral et spirituel, clairement orientés vers la spiritualité féminine, souvent influencés par la devotio moderna. En 1457, plusieurs copistes et enlumineurs préparent pour Jeanne un exemplaire richement illustré du Miroir des Dames de Durand de Champagne, traduction du manuel de spiritualité féminine adressé à la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel. La reine de Sicile possédait également une traduction française du livre de François de Ximenes, Livre des saints anges. Les origines catalanes de l’auteur contribuent-elles à l’intérêt de la princesse pour son livre ? Il faut noter que cet ouvrage didactique et spirituel, traduit en français, est souvent lu dans les milieux princiers du xve siècle, surtout par les femmes : Marguerite d’Orléans, Charlotte de Savoie. En 1468, Marie de Clèves en commandait également une copie.

En 1465, Jeanne de Laval effectue sa plus importante commande littéraire lorsqu’elle fait mettre en prose le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville. Les ouvrages de Digulleville jouissaient d’un énorme prestige à la cour d’Anjou au point d’inspirer, de façon indirecte mais tangible, la structure narrative et le style du Livre du Cœur d’amour épris de René d’Anjou. La mise en prose, effectuée par un clerc d’Angers anonyme qui, dans son prologue, insiste sur la participation active de Jeanne à l’élaboration du texte citant sa noble correction et benigne interpretacion, fut bien appréciée par les contemporains : en témoignent les onze manuscrits de ce texte, plusieurs d’entre eux copiés pour les membres de la cour angevine, ainsi que six éditions entre 1485 et 1511. Comme texte de base, la première rédaction, plus « mondaine », de l’œuvre est choisie. Le récit principal – le voyage onirique du pèlerin vers la cité céleste – s’y enrichit de multiples digressions d’ordre doctrinal, sapientiel, satirique ou fabulaire. En 1511 encore, Antoine Vérard doit donner des justifications particulières pour expliquer la nécessité d’une nouvelle rédaction, de nouveau rimée, du Pèlerinage.

 Jeanne de Laval s’est offert, vers 1457, une copie somptueuse du livre de Mortifiement de vaine plaisance de René d’Anjou. Composée en 1455 à l’intention du confesseur de René, l’archevêque de Tours Jean Bernard, cette « méditation ascétique sur les péchés du cœur » est lue, outre les proches de l’auteur, par les princes de Bourgogne et de Luxembourg, ainsi que dans la famille royale française. La clarté de la démonstration homilétique, la force surprenante de l’image mystique du Cœur mondain crucifié et purifié, expliquent certainement cet engouement. Jeanne devait y trouver encore autre chose : l’invective anti-curiale prononcée par Contrition permet, dans l’épilogue de l’œuvre, un instant de réflexion autobiographique lorsque René constate l’échec de ses projets.

René d'Anjou, Le Mortifiement de Vaine Plaisance Cologny, Fondation Martin Bodmer / Cod. Bodmer 144 / f. 68r

https://www.e-codices.unifr.ch/en/fmb/cb-0144/60v/0/Sequence-2706

 

Les lectures spirituelles de Jeanne de Laval démontrent toute l’importance de la dévotion dans sa vie personnelle et publique. Témoins de la force des saints protecteurs de ses États, véhicules de la prière, instruments de méditation, sources d’inspiration poétique – ces livres forment le coeur de la collection de Jeanne et l’essence même de sa figure littéraire.

 

— PERROT (Raoul), 1982,  LES BLESSURES ET LEUR TRAITEMENT AU MOYEN-AGE D'APRES LES TEXTES MEDICAUX ANCIENS ET LES VESTIGES OSSEUX (GRANDE REGION LYONNAISE) Texte du Tome 1 de la thèse de Doctorat en Biologie Humaine soutenue à l’Université Claude Bernard en juin 1982 

http://www.laboratoiredanthropologieanatomiqueetdepaleopathologiedelyon.fr/THESE%20BIOLOGIE%20HUMAINE%20PERROT%201982.pdf

—ROUX (Claude), 2013, "Le foisonnement artistique de Tarascon au xve siècle : les peintres et leurs œuvres au temps du roi René", Les arts et les lettres en Provence au temps du roi René ,  Chantal Connochie-Bourgne, Valérie Gontero-Lauze p. 167-180

https://books.openedition.org/pup/19359?lang=fr

—SALET (Francis ), THIRION (Jacques ), 1955, La Pieta de Tarascon [compte-rendu] Bulletin Monumental Année 1955 113-3 pp. 219-220
 

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1955_num_113_3_8185_t1_0219_0000_1

La Pieta de Tarascon. — On sait que le Musée de Cluny conserve depuis 1910 une très belle Pieta peinte sur bois, acquise de l'Hospice de Tarascon. Jusqu'à ces dernières années, le fond du tableau était encombré de silhouettes architecturales classiques, dôme, fronton, qui avaient amené les historiens d'art à le dater des environs de 1500. Pourtant, il était évident qu'il s'agissait là de repeints sous lesquels apparaissait encore un fond à rinceaux et nimbes gravés. En vue de la nouvelle présentation des peintures et des sculptures de Cluny, nous avons jugé indispensable de faire disparaître les repeints et le groupe se détache aujourd'hui sur un magnifique fond d'or. M. Sterling, qui vient de consacrer un remarquable article à la Pieta de Tarascon, affirme que le nettoyage a fait découvrir en quelque sorte un nouveau primitif français. Ainsi allégé, le tableau a retrouvé une solennelle grandeur ; il s'insère de nouveau à sa place logique dans l'histoire de la peinture française, au milieu du xve siècle et non quarante ou cinquante ans plus tard, ce qui était incompréhensible ; bien plus, il a recouvré son identité : comme le pressentait M. Sterling il y a quinze ans déjà, il s'agit très certainement de la Pieta décrite dans l'inventaire du château de Tarascon en 1457 : unum retabulum Domini-Nostri- Jesu-Christi, in brachiis Nostre Domine, novum ; elle se trouvait dans la chambre de Jeanne de Laval, seconde femme du roi René (et c'est la statuette en marbre de cette reine, provenant d'Aix-en-Provence, que l'on verra bientôt, à Cluny, agenouillée près du retable devant lequel elle priait à Tarascon). Il était « neuf » en 1457, ce qui en indique la date avec précision. Je ne peux entrer dans le détail de la riche étude de M. Sterling sur le style d'une peinture qui reprend toute son importance aux yeux des historiens d'art. Il en décèle les origines en Flandre, dans l'art de Van Eyck et du Maître de Fiémalle, l'influence s'étant transmise par le Maître de l'Annonciation d'Aix et ses disciples provençaux : l'auteur de la Pieta d'Avignon et celui du retable de Boulbon — à huit kilomètres de Tarascon — peint la même année 1457 et dans une manière tout à fait semblable à celle de la Pieta de Cluny. M. Sterling pense donc que le tableau a été exécuté, sur la commande du roi René ou de Jeanne de Laval, par un peintre de Tarascon. L'attribution à mas Grabuset lui paraît fondée sur un faisceau de présomptions assez fortes, mais il se défend de proposer autre chose qu'une suggestion. — La Reçue des Arts, 1955.

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JEANNE DE LAVAL

La seconde épouse du roi René, Jeanne de Laval, se distingue comme une princesse lettrée au rôle culturel réel. Dès son mariage en 1454, elle multiplie les commandes de livres auprès des ateliers de copistes, de peintres et de relieurs d'Anjou ou de Provence à qui elle confie notamment la réalisation de son psautier. Très attachée à ses livres, elle y fait peindre systématiquement ses armoiries ou les emblèmes de son amour conjugal comme le couple de tourterelle sur une branche de groseillier. Sa collection montre un partage assez équilibré entre œuvres religieuses et profanes."

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ICONOGRAPHIE : LES DÉPLORATIONS.

— Les Belles Heures du duc de Berry vers 1405-1409 f. 149v

http://blog.metmuseum.org/artofillumination/manuscript-pages/folio-149v/

"Belles Heures de Jean de France, duc de Berry, 1405-1408/9. Herman, Paul et Jean de Limbourg (franco-néerlandais, actif en France vers 1399-1416). Français; Fabriqué à Paris. Encre, détrempe et feuille d'or sur vélin ; 9 3/8 x 6 5/8 po. (23,8 x 16,8 cm). Le Metropolitan Museum of Art, New York, The Cloisters Collection, 1954 (54.1.1).
Heures de la Passion. La Lamentation, Folio 149v. La scène de deuil sur le cadavre du Christ était un ajout médiéval tardif aux cycles de la passion, et c'est l'un des premiers exemples par un peintre français. La puissance émotionnelle de la scène évoquait une piété empathique et une réponse personnelle typique de la fin du Moyen Âge. Le corps du Christ, avec ses membres anguleux, rappelle une peinture néerlandaise, mais le geste émotionnel de la femme tirant ses cheveux en haut et la pose prostrée de Marie-Madeleine en bas à droite dépendent d'une influence italienne."

Note : trois pots d'onguent sont représentés : celui de Marie-Madeleine, et deux autres tenus par des hommes aux costumes orientaux (Joseph d'Arimathie et Nicodème ?)

— Les Heures d'Étienne Chevalier, Jean Fouquet

—La Pieta de Villeneuve-les-Avignon, Enquerrand Quarton, 1454-1456

https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/oeuvres/enguerrand-quarton-pieta-de-villeneuve-les-avignon-1454-56.html

—La Déploration sur le Christ mort , Huguet, Jaume Espagne, (École de) 1455 / 1460 (3e quart du XVe siècle)

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060884

Représentation du Christ mort descendu de la croix et étendu sur la pierre de l'onction. De chaque côté, Joseph d'Arimathie et Nicodème saisissent un linceul pour envelopper le corps du Christ, tandis que la Vierge d'approche et soulève la tête de son fils. Au centre, saint Jean prend délicatement les mains du Christ, il est accompagné de Marie-Madeleine, à gauche, et de saintes femmes, à droite, qui expriment leur émotion par des gestes empreints d'une grande dignité. Derrière ces personnages, nous pouvons voir la hampe de la croix et les échelles se détachant d'un vaste paysage où est représenté Jérusalem sur la gauche.
Le format allongé de la composition et le cadrage centré sur les figures semblent indiquer que ce panneau (aujourd'hui transposé sur toile) devait faire partie d'une prédelle de retable à l'instar de la Déploration du corps du Christ de Lluis Borrassa conservée dans l'église Santa Maria de Manresa (Catalogne).

— Le Christ mort déposé sur la pierre de l'onction, 1566/1568  Muziano, Girolamo

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020007419

—Retable de la Déploration du Christ : La Déploration 1520 / 1525 (1e quart du XVIe siècle), Cleve, Joos van Pays-Bas du Sud, (École de). Présence d'une bassine remplie de vinaigre avec une éponge.

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010061834

http://www.livres-mystiques.com/partieTEXTES/CatherineEm/LaPassion/51lecorp.html

— Embaumement du corps du Christ (De balseming van het lijk van Christus), anonyme vers 1410-1420 , XVe siècle, période pré-eyckienne, Musée Boijmans van Beuningen, Rotterdam.

https://rkd.nl/nl/explore/images/266559

https://www.wikidata.org/wiki/Q19925278#/media/File:Anoniem_ca._1410-1420_-_H._Antonius_(links),_De_balseming_van_het_lijk_van_Christus_(midden),_Johannes_de_Doper_(rechts)_-_3723_(OK)_-_Museum_Boijmans_Van_Beuningen.jpg

https://www.boijmans.nl/en/collection/artworks/151254/embalming-of-the-body-of-christ

Tandis qu'à la gauche du Christ,  la Vierge, Jean, Marie-Madeleine (nimbée) et les deux autres saintes femmes étreignent et embrassent le corps  en pleurant, à sa droite, quatre hommes barbus et coiffés du bonnet conique participent à des gestes d'embaumement. C'est particulièrement le cas de deux d'entre eux, qui trempent des tiges (plumes, spatules ...) dans les flacons d'aromates. Celui qui est le plus à droite (Nicodème ?) tient d'une main le pied droit, ensanglanté, et pose son ustensile près du genou gauche.

Cette représentation confirme que la fonction d'embaumement est réservée aux hommes, du moins jusqu'au milieu du XVe siècle. 

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—Retable de la Passion (détail : sixième niche), provenant peut-être de Saint-Denis, première moitié ou milieu du XIVe siècle. Musée de Cluny Cl. 11494. Pierre (calcaire) avec trace de polychromie.

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/retable-de-la-passion.html

http://mistral.culture.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=DOMN&VALUE_98=sculpture&NUMBER=36&GRP=386&REQ=%28%28sculpture%29%20%3aDOMN%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=100&DOM=All

Sur la scène de la Mise au tombeau , un homme barbu coiffé du bonnet conique verse son flacon sur le corps du Christ, entre deux autres notables Juifs, a priori Joseph d'Arimathie et Nicodème.

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Retable de la Passion, provenant peut-être de Saint-Denis, milieu du XIVe siècle. Musée de Cluny Cl. 11494. Photographie lavieb-aile 2023.

Retable de la Passion, provenant peut-être de Saint-Denis, milieu du XIVe siècle. Musée de Cluny Cl. 11494. Photographie lavieb-aile 2023.

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Published by jean-yves cordier - dans Peinture. Déplorations Pietà et Déplorations Retable
6 juillet 2019 6 06 /07 /juillet /2019 11:19

La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : le retable du chœur.

La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : le retable du maître-autel (vers 1710).

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Voir sur cette chapelle :

  • La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la chaire à prêcher (Jean Le Seven, menuisier, Jean Cevaer sculpteur,  Yves Coquet, recteur 1694-1720) et  le retable sud (Jean Cevaer sculpteur, Yves Coquet, recteur  ,  F. Autret, fabricien,1706-1707) sous les armoiries de René-François de Kergoët 1668-1705 et Marie du Dresnais)
  • Iconographie des saints Côme et Damien : la chapelle Saint-Sébastien de Saint-Ségal.

  • La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : la Vierge à la Démone (bois polychrome, fin du XVIe siècle), et le retable nord (XVIIe ?).

  • La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal : ses sablières et blochets, abouts de poinçons et réseaux de liernes. Vers 1554-1567, atelier du Maître de Pleyben.

  • La chapelle Saint-Sébastien : la cloche de 1902, et celle de 1599.

  • La chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Chronologie par les inscriptions lapidaires et les blasons  .

     

     

     

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PRÉSENTATION.

"Sur la commune de Saint Ségal, la chapelle Saint Sébastien est souvent surnommée la « petite cathédrale », tant par ses dimensions largement supérieures à celles des chapelles environnantes que par la qualité du travail des artistes qui y ont travaillé.
De style « Renaissance breton », elle fut érigée au XVIème siècle dans une boucle de l’Aulne, sur les terres du seigneur de Kergoët, dont la famille participa aux rénovations et transformations de la chapelle jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Sa construction est un acte votif et populaire, après la terrible épidémie de peste qui, venant de Brest s'étendit au XVIe siècle, jusqu'à Hanvec et le Faou, mais épargna les rives de l’Aulne.
Les retables polychromes témoignent de deux époques distinctes : dans le transept nord, les retables polychromes de la mi-XVIe siècle, contemporains de l'édification de la chapelle ; dans le chœur (maître-autel) et transept sud, des retables polychromes du début XVIIIe siècle, dit de "baroque breton ».
Les retables de ces deux périodes bien distinctes sont un riche témoignage de la qualité du travail des artisans bretons des XVI et XVIIIe siècles et sont considérés comme étant notoirement parmi les plus beaux et anciens (XVIe) de Bretagne.

Chaque année, la commune de Saint-Ségal maintient, en juillet, le Pardon de St Sébastien (dimanche le plus près de la Ste Madeleine) auquel se joignent encore les communes riveraines de l’Aulne." (Fondation patrimoine)

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En 1694, Yves Coquet (1636-1720), docteur en théologie, devint vicaire perpétuel à Pleyben, paroisse dont dépend alors la paroisse de Saint-Ségal dont il est le recteur en 1697. Il entreprit de grands travaux.

À Pleyben, il reconstruisit le transept sud (1719) et la sacristie (1719) de l'église. Dans l'église, dès 1696, il fait réaliser un retable monumental, celui du Rosaire, en faisant appel à deux artistes locaux, le maître menuisier Jean Le Seven et le maître-sculpteur Jean Cevaër.  Il leur confie ensuite le grand autel de la chapelle Notre-Dame de Guennili. 

À Saint-Ségal, il fait édifier en 1708 la fontaine de Saint-They.

À la chapelle Saint-Sébastien, il fait réaliser la chaire à prêcher et le retable sud (1706), deux œuvres qui portent son nom et ses titres en inscription. On peut en attribuer le travail à Jean Le Seven et à Jean Cevaër, en raison des similarités de style, de motifs et de thèmes du retable.

Le style de ces deux retabliers est également reconnu à Sainte-Marie-du-Ménez-Hom sur l'autel sud daté de 1715 sous le rectorat d'Olivier Bourdoulous de Plomodiern.

Le retable central de Saint-Sébastien ne porte ni date, ni inscription. Il est couronné par les armoiries, non plus de René-François de Kergoët (1668-1705) en alliance avec du Dresnay —comme le retable sud —, mais de Kergoët d'argent à cinq fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées de quatre roses de même à gauche et   du Chastel à droite fascées d'or et de gueules.

C'est en juillet 1710 que Marie Josèphe DU CHASTEL DE KERGOET, née à Brest en  1696  épousa à  Loqueffret, François Jean Baptiste DE KERGOËT 1689-1726, fils aîné de René-François de Kergoët et de Marie Dresnay. Le couple n'eut pas de descendance mâle, et la fille aînée Mathurine Joseph Reine (1713-1790) épousa en 1733 Jacques-François  Joseph René de KEROUARSTZ (1714-1778).

https://gw.geneanet.org/ckerjosse?lang=fr&pz=claude&nz=kerjosse&p=marie+josephe&n=du+chatel+de+kergoet

 

 

"Les seigneurs de Kergoet n'étaient pas de petits compagnons, ils possédaient en Saint Ségal, Lézaon, qui signifie étymologiquement palais ou manoir de l'Aulne ; c'est une terre située  à un petit kilomètre à l'est-sud-est de Saint-Sébastien. Ils possédaient en outre, Kerguz, Kergoet et le Vieux-Châtel en Saint-Hernin, le Guilly en Lothey et Tronjoly en Gourin.

« Le seigneur de Kergoet, ne relevant que du roy, a seul des droits honorifiques en Saint-Sébastien de Saint-Ségal, » déclare le procureur du Guilly au nom de son maître, en un document conservé dans les Archives Départementales. Et il usait de ses droits, car les comptes du fabricien de Saint-Sébastien, après avoir été apurés par le procureur ecclésiastique, étaient encore contresignés par le seigneur du Guilly, ou à son défaut, par sa veuve. C'est ainsi que les comptes de 1726 à 1734, portent la signature de Dame Marie Josèphe du Chastel, veuve de Mr. de Kergoet et tutrice des enfants issus d'eux. Le fabricien de la chapelle qui changeait tous les ans, allait faire signer les comptes, tantôt et même presque toujours au Guilly en Lothey, quelquefois cependant, au manoir du Rusquet." [Rusquec, manoir des Kerlech de Chastel ]

Le retable du chœur est donc postérieur au retable sud de 1706, il date au plus tôt de juillet 1710 et au plus tard de 1734. Néanmoins l'organisation du retable en deux registres, l'un accueillant des statues dans des niches séparées par des colonnes, avec des guirlandes et des personnages en bas-reliefs à leur base, et l'autre des scènes figurées en bas-reliefs rectangulaires parmi des rinceaux, est exactement le même que celle du retable sud, ou des retables de Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, incitant donc à l'attribuer à Jean Cevaër et Jean Le Seven, et donc de le dater plutôt près de 1710 que plus tardivement. Il peut donc avoir été réalisé avant le décès du recteur Yves Cosquet en 1720, et relever de son rectorat.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Programme iconographique.

Le chœur est consacré à quatre saints : à gauche saint Sébastien, patron de la chapelle, et  Saint Fabien, fêté avec lui le 20 janvier. À droite Saint Roch et saint Maudez. Saint Sébastien, saint Roch et saint Maudez sont invoqués contre la peste.

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Les dix panneaux rectangulaires sont, de gauche à droite :

Quatre Vertus cardinales : Tempérance, Justice, Prudence et Force 

Saint Sébastien entre les archers (au dessus de l'autel)

Saint Sébastien flagellé (au dessus de l'autel)

Saint Roch montrant sa plaie (octogonal)

Trois Vertus théologales  : Charité, Espérance et Foi.

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Les peintures et dorures du maître-autel serait l' œuvre d'Ollivier Le Grall de Landerneau en 1729. Ses tableaux montrent Marie-Madeleine pénitente et le Reniement de saint-Pierre .

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REGISTRE SUPÉRIEUR : LES QUATRE SAINTS.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Fabien.

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Il figure en pape, portant la tiare et tenant la croix 

 "Selon la tradition de l'Église, Fabien, simple laïc, se trouvait à Rome et parmi les fidèles au moment d'élire un successeur au pape Antère. Quand une colombe vint se poser sur la tête de Fabien, l'assemblée hésitante s'écria : « Il est digne ! »2. Il fut ordonné le 10 janvier 236." (Wikipédia)

Il est inscrit au martyrologe romain car il fut torturé puis décapité sous l'empereur Dèce en 250.

C'est ce qui le relie à saint Sébastien, martyrisé en 284 sous Dioclétien : les anciens martyrologes unissent leur nom lors de la fête du 20 janvier . https://www.introibo.fr/20-01-Sts-Fabien-pape-et-Sebastien .

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Sébastien.

."Né à Narbo, en Gaule (aujourd'hui Narbonne), Sébastien est citoyen de Milan, en Italie. Militaire de carrière, il est pris d'affection par les empereurs Dioclétien et Maximien Hercule, qui le nomment centurion. Durant la persécution de Dioclétien, il est pourtant exécuté sur ordre des souverains pour avoir soutenu ses coreligionnaires dans leur foi et accompli plusieurs miracles. D'abord attaché à un poteau et transpercé de flèches, il est finalement tué à coups de verges après avoir miraculeusement guéri la première fois.

Patron des archers, des fantassins et des policiers mais aussi troisième patron de Rome (avec Pierre et Paul), saint Sébastien est surtout invoqué pour lutter contre la peste et les épidémies en général."

Légende dorée de Jacques de Voragine

 

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C'est le saint invoqué au Moyen-Âge contre la peste. 

On lit dans les Annales lombardes qu’au temps du roi Humbert l’Italie entière fut atteinte d’une peste si malfaisante qu’on avait peine à trouver quelqu’un pour ensevelir les cadavres : et cette peste ravageait surtout Pavie. Alors, un ange révéla que le mal ne cesserait que si l’on élevait un autel à saint Sébastien, dans la ville de Pavie. Et l’on éleva aussitôt cet autel dans l’église de Saint-Pierre aux Liens : sur quoi la peste disparut tout à fait. Et les reliques de saint Sébastien furent transportées à Pavie, de Rome, où avait eu lieu son martyre.

 

Paul Diacre raconte qu’en 670, la peste cessa à Rome quand on eut dédié un autel au saint.   Dans la basilique esquiline de Saint-Pierre-aux-Liens, on conserve encore l’autel avec l’image en mosaïque du grand martyr, que fit ériger le pape Agathon pour libérer Rome de la peste qui la désolait.

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Athleta Christi.

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Il est toujours représenté en éphèbe athlétique, souriant, indifférent à son martyre, et à la nudité soulignée plutôt que voilée par un pagne. En effet, il reçut le titre d'Athlète du Christ, Athleta Christi, comme d'autres saints militaires du IIIe siècle.
Dans l'Hymne des Vèpres et Laudes de la fête du 20 janvier du Bréviaire ambrosien (1700), il est décrit  ainsi tandis que, repoussant l’idolâtrie, il aspire aux trophées d’un glorieux martyre :

Des nœuds multipliés l’enchaînent au tronc d’un arbre ; c’est là que sa poitrine, comme un bouclier suspendu, sert de but aux traits des archers.

Les flèches se réunissent sur son corps comme une forêt ; mais son âme, plus ferme que l’airain, insulte à la mollesse du fer, et demande à ce fer d’être plus meurtrier. [...]

Maintenant, assis dans les hauteurs du ciel, vaillant guerrier ! éloignez la peste, et gardez même les corps de vos concitoyens.

 

Fit silva corpus ferrea;

Sed ære mens constantior

Ut molle ferrum despicit:

Ferum precatur, sæviat.

Manantis unda sanguinis

Exangue corpus nuntiat;
Sed casta noctu fœmina
Plagas tumentes recreat.

Cæleste robur militi
Adacta præbent vulnera;
Rursum tyrannum provocans
Expirat inter vulnera.

Nunc cæli in arce considens,

Bellator o fortissime,

Luem fugando civium,

Tuere clemens corpora.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Le coté droit (couronné par les armoiries des Chastel).

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Roch.

Il est vêtu et coiffé comme un pèlerin  avec la cape (la pèlerine) et  le chapeau large, tandis qu'il tient le bourdon. Ses pieds sont nus ais les jambes sont protégées par des guètres noires.

Il montre le bubon pesteux de sa cuisse droite, qu'un ange vient pointer de l'index. Son chien Roquet le nourrit miraculeusement d'une miche de pain.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Maudez.

Inscription Saint Modet.

Il était aussi invoqué contre "les enflures" et contre la peste.

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/calvaire-de-maudez-plouaret/c8924883-9aa1-4980-99f0-187b2e6836b7

http://www.gandumas.org/Saint-Maudez-ou-Mande-abbe-en-Bretagne-VIe-siecle.html

Sa famille irlandaise aurait été décimée par la peste : il aurait fuit l'épidémie en traversant la Manche et en installant son ermitage dans une île, donc isolé des contagions. Il est le patron de léproseries dans le diocèse de Nantes :

"Fils de roi, il est présenté comme étant d’origine irlandaise. Dixième enfant, il aurait été offert au seigneur comme dîme. Mais alors qu’il allait se consacrer définitivement, sa famille aurait été décimée par la peste et il serait resté le seul héritier. On lui aurait choisi une femme mais la tradition rapporte qu’en le voyant elle aurait fui. Il serait alors passé en Cornwall où il aurait vécu en ermite.

Par la suite, il aurait débarqué en Armorique, à Pleubian, dans la région de Port Bénit. Sa Vie latine nous le présente comme le maître de saint Budoc et de saint Tudy. Saint Maudez se serait retiré dans une île, appelée actuellement l’île Maudez. A cet endroit, il bâtit un ermitage dont Forn Modez serait un vestige. Une communauté cénobitique y forma un monastère." (Bretania)

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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LES COLONNES AUX PAMPRES PICORÉS.

Elles donnent un très bel exemple du baroque breton.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES SEPT VERTUS ET SAINT ROCH / LE MARTYRE DE SAINT SÉBASTIEN.

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Du coté gauche : Quatre Vertus cardinales : Tempérance, Justice, Prudence et Force 

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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1°) La Tempérance.

Son attribut est une coupe dont elle verse le contenu dans une amphore tenue par un enfant.

Voir à Commana (1683).

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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2°) La Justice.

Elle tient la balance. Un enfant tient une règle graduée.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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3°) La Prudence.

Assise dans les nuées et entourée de deux enfants, elle tient un miroir d'où s'échappent deux serpents.

Les enfants sont le Passé et l'Avenir. C'est une réappropriation de la déesse romaine Prudentia. Le miroir, Speculum Sapientiae, témoigne de la circonspection et de la réflexion (de la lumière et de la pensée).

« Le miroir pour désigner que l'homme prudent ne peut régler sa conduite que par la connaissance de ses défauts ; le serpent, parce que ce reptile a toujours été regardé comme le plus prudent des animaux », Honoré La Combe de Prézel, Dictionnaire iconologique, Paris, 1756.

"La Prudence, ſelon Ariſtote, eſt vne habitude actiue, accompagnée d’vne vraye raiſon, qui agit ſur les choſes poſſibles, pour atteindre à la felicité de la vie, en ſuiuant le bien, & fuyant le mal. Le Miroir qu’elle tient en main, Qu’il eſt neceſſaire que pour regler ſes actions, l’homme prudent examine ſes deffauts : Ce qu’il ne peut faire ſans la connoiſſance de ſoy-meſme " (Cesare Ripa, Iconologie, trad. 1636)

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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4°) La Force.

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Elle tient une colonne de marbre ; un enfant lui tend une couronne de lauriers.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Le retable au dessus de l'autel.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Sébastien entre les archers (au dessus de l'autel).

Le saint attaché à un arbre est visé par deux des archers à qui il commandait comme officier.

C'est le motif emblématique de la chapelle, qui figure sur la sablière du chœur et sur l'arc de triomphe

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Sébastien flagellé par deux bourreaux.

Les deux archers désormais coiffés de casques à plumet, frappent Sébastien de verges .

Comme cela est indiqué dans la Légende dorée, le martyre de saint Sébastien eut lieu en deux temps.

"Alors Dioclétien le fit attacher à un poteau au milieu du champ de Mars, et ordonna à ses soldats de le percer de flèches. Et les soldats lui lancèrent tant de flèches qu’il fut tout couvert de pointes comme un hérisson ; après quoi, le croyant mort, ils l’abandonnèrent. Et voici que peu de jours après, saint Sébastien, debout sur l’escalier du palais, aborda les deux empereurs et leur reprocha durement le mal qu’ils faisaient aux chrétiens. Et les empereurs dirent : « N’est-ce point là Sébastien, que nous avons fait tuer à coups de flèches ? » Et Sébastien : « Le Seigneur a daigné me rappeler à la vie, afin qu’une fois encore je vienne à vous, et vous reproche le mal que vous faites aux serviteurs du Christ ! " 

Alors les empereurs le firent frapper de verges jusqu’à ce que mort s’ensuivît, et ils firent jeter son corps à l’égout, pour empêcher que les chrétiens ne le vénérassent comme la relique d’un martyr. Mais, dès la nuit suivante, saint Sébastien apparut à sainte Lucine, lui révéla où était son corps, et lui ordonna de l’ensevelir auprès des restes des apôtres : ce qui fut fait. Il subit le martyre vers l’an du Seigneur 187.

 

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Le coté droit du chœur sous saint Roch et saint Maudez.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Saint Roch montrant sa plaie (octogonal)

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Assis et ayant posé son bourdon, il montre sa plaie pesteuse (bubon) à un ange tandis que son chien Roquet le lèche.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Trois Vertus théologales  : Charité, Espérance et Foi.

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1°) La Charité.

Elle est figurée par une femme qui donne le sein à un enfant, tandis qu'un autre enfant, de même taille, est à sa droite.

pour la justice : balance ou épée.

en 1563, le concile de Trente mit un terme à cette vogue des Vierges allaitantes en interdisant la nudité dans la peinture religieuse ? Toujours est-il qu'à partir de là, il fallut trouver d'autres cadres pour montrer l'allaitement. Et ce furent les "charités", très nombreuses au XVIIe siècle puisqu'on en a compté plus de deux cents.
On distinguait la charité romaine et la charité chrétienne. Dans cette dernière, on voyait généralement une femme allaitant un bébé et entourée de nombreux enfants d'âges différents. Dans la charité romaine, on voyait une jeune femme donnant le sein à un vieillard, illustration de la légende antique de Cimon et Péra.

La Charité est représentée par Cesare Ripa dans son Iconologia, recueil d'Allégories paru en 1593 et traduit en français en 1636. C'est peut-être des cheveux en flammes notées ici pour la Force, la Charité, l'Espérance et la Foi.

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La Charité, Cesare Ripa, Iconologia

 

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http://doc.rero.ch/record/324039/files/blog_mahgeneve_ch_une-charite-silencieuse.pdf

https://izi.travel/fr/9f3f-philippe-de-champaigne-la-charite-1635-1636/fr


On distinguait la charité romaine et la charité chrétienne. Dans cette dernière, on voyait généralement une femme allaitant un bébé et entourée de nombreux enfants d'âges différents. Dans la charité romaine, on voyait une jeune femme donnant le sein à un vieillard. Cette scène, qui aujourd'hui peut choquer, illustrait la légende antique de Cimon et Péra.

 

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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2°) L'Espérance.

Elle tient une couronne et s'appuie sur une ancre ; un enfant lui présente une coupe. La couronne est traditionnellement composée de lys et de trèfles.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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3°) La Foi.

Egalement accompagnée d'un enfant, elle tient son attribut, un vase enflammé.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Le maître-autel.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Marie-Madeleine pénitente.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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Le Reniement de saint Pierre.

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Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

Chœur de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile juillet 2019.

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RESTAURATION.

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La charpente et son lambris ont été restaurés en 1997 (Georges Le Ber à Sizun).En 2013-2017, les trois retables, classés en 1914,  ont été restaurés par les entreprises Art groupe Villemain (Stéphane Saint-André ) pour la maçonnerie, Le Ber  (Erwan Le Ber) pour la menuiserie d'art et sculpture, et Coréum Polychrome pour la peinture et dorure ( Vincent Chérel )  sous la direction de madame Marie-Suzanne de  Ponthaud, architecte en chef des Monuments historiques, secondée par Françoise Godet-Boulestreau et de la DRAC (soutien logistique avec Dominique Chesneau et  suivi technique avec Christine Jablonski.) , la commune étant représentée par le maire, André Le Gall, et  son adjointe au patrimoine et à la culture, Virginie Foutel. 

Le diagnostic préalable réalisé en 2010 par Yves Gilbert (Ateliers de la Chapelle) avait révélé  que parties des sculptures n’étaient tenues que par un usage de colle ou papier mâché placés au XIXème siècle.

Article du Télégramme le 22 janvier 2014 :

"Les travaux de rénovation se poursuivent à la chapelle Saint-Sébastien. Au début du mois, le retable majeur a été déposé.« Nous avons démonté les boiseries latérales, l'autel, le tabernacle, le gradin ou encore le tympan sculpté », énumère Ewan Le Ber, de la SARL familiale basée à Sizun. Ces bijoux du patrimoine se trouvent actuellement dans une entreprise de Tours pour faire l'objet d'un traitement curatif par anoxie (privation d'oxygène). « Les insectes et autres parasites se croient au printemps et en sortant, ils meurent ».
Après un mois passé à Tours, les boiseries reviendront dans l'atelier de Sizun. Elles subiront alors un traitement préventif avant rénovation. « Nous allons remplacer les éléments défectueux et refaire à l'identique une demi-douzaine de panneaux. Cela prendra cinq mois de travail ». Une partie sera repolychromée par Coreum, à Bieuzy-les-Eaux, près de Pontivy (56), avant que l'ensemble ne soit reposé. « A la mi-septembre, cela devrait être terminé », espère Virginie Foutel. L'adjointe à la culture s'enthousiasme des découvertes faites sous les boiseries. « Regardez les motifs géométriques peints sur l'autel ! Et cette niche du XVIIe siècle qui servait à déposer les burettes ! Ou encore cette niche en encoignure avec son dais qu'on plaçait au-dessus des statues ! Nous ignorions leur existence ». Et ce n'est rien dire des imposantes marches en pierre qui, elles aussi, étaient recouvertes de bois.
Tandis que les menuisiers rénoveront les boiseries, Ewen Le Floch, de l'entreprise ART maçonnerie, basée à Plélo (22), va apporter un complément d'enduit et consolider les badigeons. « On recolle par injection afin de refaire une bonne base avant le remontage du retable majeur ».Des professionnels qui travaillent uniquement sur le patrimoine. Moins de 150 ans, c'est trop jeune pour eux."© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/local/finistere-sud/chateaulin-carhaix/chlinregion/stsegal/chapelle-des-decouvertes-sous-les-boiseries-du-retable-22-01-2014-2376656.php#KYPDLgXlbki3r1Iy.99

 

 

Selon Ouest-France du 15/7/2014, "Six panneaux ornant le retable  remplaceront les originaux, trop endommagés par l'humidité pour être remis en place. La finesse du travail de l'entreprise Jouly Bellixe (*), de Marseille, a été particulièrement remarquée. Les panneaux, réalisés d'après photos et documents d'époque, seront posés sur le retable qui retrouvera sa place début septembre." (*) : je n'ai pu confirmer ce nom.

Dans la même campagne 2013-2017, les peintures murales de 1818 ont été restituées et protégées par Géraldine Fray (56).

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PHOTOS DE 2012 AVANT RESTAURATION.
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Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012

Photographie lavieb-aile janvier 2012

Photographie lavieb-aile janvier 2012

Photographie lavieb-aile janvier 2012

Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012

Photographie lavieb-aile janvier 2012

Photographie lavieb-aile janvier 2012.

Photographie lavieb-aile janvier 2012.


 

SOURCES ET LIENS.

— CASTEL (Yves-Pascal), LECLERC, (Guy), s.d,  La chapelle Saint-Sébastien , son calvaire, ses retables, ed. Commune de Saint-Ségal.

— DUHEM, (Sophie), 1997. Les sablières sculptées en Bretagne. Images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne (XVe-XVIIe s.). Collection Arts et Société. Presses universitaires de Rennes, 1997.


 

— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988. p. 418-419

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/0ffd39bdf24d89d00ff35b034d2685b0.pdf

 

— INVENTAIRE GENERAL Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel), enquête 2009.

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-saint-sebastien-saint-sebastien-saint-segal/3161081b-4d98-4287-a98a-4abeed58a9dc

 

 

— MADEC (Yves), 1915, Saint-Sébastien en Saint-Ségal

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/fc72b7a373375935ed358e8dbd9c8cd4.pdf

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans retable Saint-Ségal
18 juin 2019 2 18 /06 /juin /2019 13:58

Ploéven IX : le retable de Saint-Éloi et sa statue dans la chapelle Saint-Nicodème.

Ploéven IX : le retable de Saint-Éloi (G. Le Poupon et J. Mozin v. 1720) et sa statue dans la chapelle Saint-Nicodème.

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— Sur Ploéven, voir :

  • La chapelle Sainte-Barbe de Ploéven. Son calvaire, son vitrail, sa statuaire, son Pardon.

  • Ploéven I. L'église de Ploéven, la cloche de 1735

  • Ploéven II. L'église de Ploéven, la Déploration (pierre polychrome, 1547 ).

  • Ploéven III. L'église : le calvaire (kersanton, vers 1550) du placître.

  • Ploéven IV. Les Pietà de l'église : celle du calvaire et celle du porche. Le Christ mort assis au sol, jambes à l'équerre.

  • Ploéven V : Les statues de l'église et ses inscriptions lapidaires (ou non), ses blasons.

  • Ploéven VI : le calvaire (kersanton, 1637, Roland Doré) de la chapelle Saint-Nicodème (Kergonan en Ploéven).

  • Ploéven VII : les inscriptions lapidaires de la chapelle Saint-Nicodème.

  • Ploéven VIII : les six crossettes ( granite, 1593-1607) de la chapelle Saint-Nicodème.

  • Ploéven X : la cloche de 1817 de la chapelle Saint-Nicodème par Le Beurriée.

     

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— Sur saint Éloi, voir :


 

  • La tapisserie de Saint Éloi aux Hospices de Beaune.
  • Vierges allaitantes I : N.D de Tréguron à Gouezec, la chapelle et ses saints.
  • Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet: la verrière de saint Éloi.
  • La chapelle Saint-Adrien à Plougastel (3) Groupes : Saint Yves, saint Martin et saint Éloi.

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Je remercie madame Anne Dietrich, Kergonan, qui m'a si gentiment ouvert la porte de la chapelle qu'elle défend avec tant de passion.

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Dans cette chapelle, si le patron, saint Nicodème a bien sa statue dans une niche du chœur, deux saints liés à la vie agricole lui volent la vedette en se partageant  toute la largeur du transept, saint Éloi  à droite et saint Isidore à gauche : pour chacun, son autel, son retable et sa statue . Chacun a ses compétences et le premier protège les chevaux (et plus largement le bétail) tandis que le second protège les récoltes, et les agriculteurs. Chacun a ses attributs : Isidore tient la serpe et une gerbe de blé, Éloi les outils avec lesquels il ferre un cheval.

Chacun avait son pardon, saint Éloi lors du pardon de Saint-Nicodème le 2ème dimanche après Pâques et  celui d'Isidore  le 5ème dimanche après Pâques. 

Chacun son coté, chacun ses attributions, mais chacun aussi son coffre  pour recevoir les offrandes :  le grand bahut du transept sud sous la statue  de Saint Éloi recevait le crin de cheval et de vache, et celui du coté de saint Isidore recevait le beurre et les crêpes. 


 

 

Jusqu'en 1914, la chapelle fut un lieu de foire aux bestiaux. On y célébrait  le pardon nommé Pardoun lost ar zaout (le pardon des queues de vache) car les fidèles faisaient des offrandes sous cette forme (comme à Saint-Herbot en Plonévey-du-Faou). La procession était précédée par des chevaux, qui allaient boire à la fontaine. 

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Saint Éloi, est le patron des orfèvres et des maréchaux-ferrants, mais c'est aussi en Basse-Bretagne (ou il porte le nom d'Alar) le protecteur des chevaux.

"Saint Eloi paraît avoir joui exclusivement du privilège de guérir les chevaux, comme si l'évêque dé Noyon avait pratiqué tout autre métier que celui d'orfèvre. Le choix ayant été fait par le peuple, le clergé s'est incliné et a béni toutes les assemblées convoquées au nom de saint Eloi, chapelles et pardons. Le cheval voué à saint Eloi (sant Alour) fait trois fois le tour de la chapelle, salue de la tête devant le portail, sous la conduite de son maître qui invoque le patron dans les termes suivants : « Toi qui es maître sur les chevaux, donne-leur pâture et santé. » Dans la paroisse de Paule, l'eau de la fontaine est versée sur le front de la bête, sur le garot, les oreilles et la croupe. Les chapelles de saint Eloi les plus connues sont dans les paroisses de Plouarzel, de Garlan, de Plouescat et de Ploudaniel (Finistère)." (L. Maître)

On voit que la place de saint Nicodème était réduite. Mais lui aussi était un protecteur du bétail sous le nom de Saint Egoutam:

"Le porc est peut-être la bête de la ferme la mieux soignée, car sa malpropreté l'expose à maintes maladies surtout à la ladrerie, contre laquelle on invoque saint Antoine, saint Ké et saint Hubert. La fontaine de Garlan a des vertus curatives auxquelles on a recours encore aujourd'hui, et qui procurent à la paroisse des offrandes abondantes. Si le porc est tourmenté par une forte migraine, ce qui n'est pas rare, les fermiers de Plouëgat-Moisan disent qu'il est frappé du mal de saint Nicodème (Drouc sant Egoutam). Comme il remue la tête avec violence, son maître lui verse dans les oreilles l'eau de la fontaine de Saint-Hubert, et lui fabrique un brouet de farine ou de son. Saint Nicodème est connu jusque dans le diocèse de Rennes, à Bréal-sous-Montfort, à l'occasion d'une grande assemblée de bestiaux."

"Saint Nicodème a sa chapelle et sa statue en la paroisse de Ploeven et en celle de Kergloff (Finistère). Dams le diocèse de Vannes, on montre une chapelle du xvie siècle à Plumeliau, une autre à Oueven restaurée au xve siècle. " (Léon Maître)

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I. LE RETABLE DE SAINT-ÉLOI.

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Attribution et datation. 

a) Pour la sculpture : Guillaume Le Poupon, retablier, selon Ducouret et Quillivic 1978.

rappel :

-Jean Le Poupon (atelier de sculpture sur bois à Quimper) réalisa avec son beau-père Jean Le Masson  maître menuisier demeurant en la Terre-au- Duc, à Quimper le tabernacle de Cleden-Cap-Sizun, puis en 1638 la statue de Notre-Dame-de-Liesse de Pluguffan

-Guillaume Le Poupon, peut-être son parent, époux de Françoise Bariou, exécuta seul en 1711 les retables de saint-Herbot et de saint Urlo de l'église de Châteauneuf-le-Faou, et en 1706  la chaire à prêcher de Locronan  ( marché  passé le 18 juillet 1706, pour la somme de 350 livres, à Louis Bariou et à son gendre Guillaume Le Poupon, menuisiers et sculpteurs à Quimper, sur le modèle de celui de Crozon.)

-Charles-Gabriel Le Poupon, maître-sculpteur à Quimper, peut-être le fils de Guillaume, est décédé le 13 septembre 1761 à plus de 60 ans. Il réalisa la statue de l'Ange gardien de Lanriec, et "vers 1770-1780" (mais en réalité donc avant) la chaire à prêcher de Plogonnec.

Le retable de saint Éloi est rapproché par Maurice Dilasser des médaillons de la chaire à prêcher de Locronan (1707) narrant la vie de saint Ronan. Ce qui justifierait l'attribution de la sculpture à Guillaume le Poupon, et la datation vers 1710.

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b) Jean Mozin, peintre et doreur entre 1720-1725, selon René Couffon, et Dilasser. 

Maurice Dilasser indique page 261 que Jan Mozin peintre et doreur de Quimper a réalisé le retable de la chapelle Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle à Locronan en 1723, pour 200 livres, puis il écrit page 624  que ce retable de Saint-Nicodème "sans doute du XVIIIe mais repeint en 1829, provient du même atelier que celui de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle .

Pour Couffon, " Retable, niches et statues de la chapelle Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle furent repeints et dorés en 1723 par Jean Mozin, de Quimper".

On peut sans doute l'assimiler ou l'apparenter avec Jean Moysin, maître-peintre en 1698, qui étoffe et dore une image de Notre-Dame du Paradis à Saint-Matthieu de Quimper en 1676 et à Pleyben en 1684" (Castel et Thomas) et dont le beau-père était Charles Bertrand, maître peintre et doreur à Quimper ? Ou encore avec ce  "Jean Moysin à Locronan en 1723 qui s'oblige à « (...) peindre la croix de pierre étant vis à vis de la dite chapelle (Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle) »" (Sophie Duhem 1997) ?

Doit-on conclure que le retable a été sculpté par Guillaume Le Poupon, puis repeint et doré par Jan Mozin ? Et ce retable comprenait-il des dorures, avant sa restauration de 1829 ?

La période d'attribution correspond aux années où Pierre FURIC DE SAINT-MORAN était recteur (1710-1731) : c'est lui dont le nom figure au dessus de la fenêtre de la sacristie.

Rappel : 1720 nous place sous la Régence, 5 ans après la mort de Louis XIV.

 

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Description.

Il comporte quatre travées dont trois placées au dessus de l'autel, sculpté en bas-relief, et un quatrième en retour à droite sur le mur-pignon du transept avec une console accueillant un groupe en ronde-bosse.

L'ensemble du dessus de l'autel comporte lui-même un tableau rectangulaire en bas-relief entre deux colonnes engagées cannelées, et deux médaillons ovales encadrés d'entrelacs.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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1°) Le tableau central : les miracles de saint Éloi.

Source : la Vita Eligii, historia et laus de saint Eloi, par saint Ouen, évêque de Rouen, ou  Vie de saint Éloi, composée au VIIe siècle et remaniée au VIIIe siècle . L' édition la plus accessible de la Vita Eligii est celle de J.-P. Migne, Patrologie Latine, t. 87, Paris, 1863, col. 479-594, mais j'ai puisé dans des textes plus anciens, qui procèdent tous de cette Vita.

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a) "Le Pendu d'Eloi"

En haut à gauche, c'est le miracle du pendu détaché de sa corde par l'intervention précoce du saint. Divers saints ont sauvé des pendus (le plus connu étant saint Jacques), mais Éloi est le seul à le faire avant la mort du malheureux. 

Dans le poème en picard publié par Peigné-Delacourt, le chapitre 28 est consacré au récit de ce miracle. Chapitre XXVIII pages 55 à 57,  Il ressuscita un homme qui avait été pendu tout un jour, et le délivra de ses ennemis. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5432031z/f81.item.r=pendu.texteImage

Le récit toujours à Strasbourg  est raconté par Coraly-Pirmez en 1897  dans Histoires et Légendes : 

 

"Un jour, Éloi, passant à Strasbourg, apprend qu'on vient d'exécuter un criminel ; il court au lieu du supplice, fait détacher l'infortuné et va procéder à l'enterrement, lorsque soudain le pendu ouvre les yeux et dit d'une voix étranglée : – Pitié, pitié ! Monseigneur Éloi ! 
Le trésorier obtint la grâce du ressuscité. Celui- ci suivait Éloi comme une ombre. 
Le peuple l'appela, dès lors, le pendu d'Eloi (
Collin de Plancy, Légendes de l'Histoire de France, folio 184. ).  " https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63066352/f367.item.r=pendu.texteImage

Ou encore :

"Charité de saint Eloi pour ensevelir ceux qui avoient été suppliciés. — Rien n'échappait à la charité de saint Eloi. Il vit avec compassion dans ses voyages que les corps de ceux qui avoient été condamnés à mort par la justice demeuraient sans sépulture pendus à des arbres, ou exposés sur la roue. Il obtint du roi la permission de les enterrer, et il députa deux de ses domestiques pour aller exercer cette bonne œuvre dans les diverses provinces. Eloi, étant lui-même un jour proche de Strasbourg, fit ôter du gibet un homme qu'on venait de pendre; et il était sur le point de l'enterrer , lorsqu'il s'aperçut qu'il n'était pas mort. Il obtint sa grâce du roi, et le garda à son service : mais ce malheureux n'y demeura pas longtemps." (Jacques Longueval, Histoire de l'église anglicane)

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Enfin, la source la plus proche de la date de réalisation de ce retable donne ce récit :

"Entre les faveurs et privilèges que S. Eloi avait reçu du Roi, celui-ci en était un , qu'il pouvait librement et en toute assurance ensevelir en tous lieux les corps des personnes condamnées à la mort soit par ordonnance du Prince, soit par sentence des juges ayant à ces fins la puissance de faire dépendre les corps des fourches patibulaires, et les enlever de dessus les roues , tant dedans les villes qu'aux champs, pour leur donner la sépulture. Or il choisit entre tous ceux de sa suite pour être fossoyeurs , Gallebot Vincent avec leurs compagnons, pour vaquer à ce pieux et charitable office, et pour avoir seing qu'en quelque endroit qu'il acrainast soit dans les lieux voisins, soit dans les éloignés, ìls portassent toujours avec eux des pioches et hoyaux afin que rencontrant un corps mort,ils eussent moyen aussitôt de lui donner la sépulture.

Un jour donc qu'il était à la suite du Roi, passant dans le pais de Lorraine ils arrivèrent à la ville de Strasbourg,de laquelle étant tous proches, regardant de loin ils virent un homme attaché à une potence , qui avait été pendu et étranglé ce jour là. Vers lequel ils se transportèrent aussi tôt en diligence pour le détacher, afin que suivant leur coutume, ils le missent en terre, et lui donnassent la sépulture. Mais le saint homme ressentit au même instant une vertu divine qui le portait à opérer,de sorte qu'approchant avec promptitude de ce cadavre pendant que l'on préparait la fosse, il commença à le toucher & manier depuis le haut jusques en bas. Et incontinent après reconnaissant que la vie lui était restituée, il s'efforça avec beaucoup d'industrie de cacher le mérite de cet oeuvre, afin qu'il ne lui fut attribué, leur disant; Mon Dieu, quel crime allions nous commettre sans l'assistance du Ciel, si nous eussions enterré ce corps qui est vivant et animé? A ces paroles chacun demeura étonné puis ayant commandé qu'on lui baillat des habits et vêtements pour le couvrir, et qu'on la fie demeurer quelque temps de repos, ce pauvre homme reprit ses esprits ; & étant revenu à soi il commença en la présence d'eux tous de se lever et marcher comme si jamais il n'eut enduré aucun mal ni douleur. Ce qu'ayant été su et divulgué avant la ville , les parties adverses de ce pauvre condamné y accourant, voulurent l'enlever de leurs mains et le ramener derechef au gibet : Mais saint Eloi les en empêcha non sans assez de difficulté, s'étant retiré au même instant par devers le Roi pour lui obtenir son pardon, et par ce moyen le garantit & mit en liberté. Cet homme après avoir demeuré quelque temps à la suite de saint Eloi, se retira de l'avis et consentement du Saint, comme il est à croire, pour supprimer aux yeux des hommes, l'éclat & la grandeur de cette mémorable action, de sorte qu'il ne parut plus." (Montigny)

 

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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"Le pendu d'Éloi"

Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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b) Saint Éloi guérit les sourds, les aveugles et les infirmes.

Le saint, à proximité d'une chapelle vitrée et suivit par un prêtre, trace une bénédiction sur trois hommes, dont le premier, à genoux, a les yeux clos, l'autre place ses mains sur la poitrine et le troisième montre, en touchant son oreille, qu'il entend désormais.

L' élément remarquable est la tenue du saint, qui est celle d'un prêtre du XVIIIe siècle, en camail, soutane à rabat, surplis court de dentelle blanche, et ruban à croix pectorale. Tous ces détails sont propres notamment à la tenue d'un chanoine ou d'un prélat.

http://network.icom.museum/fileadmin/user_upload/minisites/costume/pdf/Milan_2016_Proceedings_-_Berthod.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Costume_eccl%C3%A9siastique#/media/Fichier:Mgr_Eijk-Heilig_Bloed.JPG

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Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Le médaillon de droite : saint Éloi et le roi Clotaire et le reliquaire. Le saint fournit deux reliquaires alors qu'il ne lui avait été fourni la matière que d'un seul.

 

 

fusion de deux épisodes, le prodige des deux trônes et le refus d'Eloi de prêter serment sur un reliquaire.

Éloi entra au service de l'orfèvre Bobbon, qui reçut une commande du roi Clotaire II pour la fabrication d'un trône d'or orné de pierres précieuses.

Clotaire II donna à Bobbon la quantité d'or nécessaire à la fabrication du siège, qui fut transmise à Éloi. Celui-ci fabriqua deux trônes en évitant la fraude sur la quantité d'or en ne prenant pas « prétexte des morsures de la lime, ou celui de la trop grande ardeur du feu ».

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89loi_de_Noyon#/media/Fichier:Saint_Eloi_remet_deux_selles_%C3%A0_Clotaire_II.jpg

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Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Éloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Le médaillon de gauche.  La mère du saint reçoit le présage du lieu de sa naissance.

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Ce médaillon n'a pas été interprété correctement jusqu'à présent, H. Pérénnés y voyant "une femme qu'il protège contre un oiseau de proie survolant la forêt."

 Il illustre en réalité le chapitre 2 de la Vie de saint Éloi :

Du présage qui arriva à la mère, étant grosse de l'enfant.

"Saint Eloi étant encore au ventre de sa mère, elle eut une vision telle qui ensuit. Il lui sembla voir un aigle d'une rare beauté voltiger sur son lit, qui s'abaissant par trois fois lui promit choses grandes. Elle éveillée au son de cette voix, demeura toute effrayée, et fut longtemps à penser que pouvait signifier cette vision. Enfin à quelque temps de là, arriva l'heure de sa couche, et comme elle était en travail d'enfant, elle fut en grand péril de mort : de sorte que l'on y appela un bon Prêtre craignant Dieu, et grand homme de bien, afin qu'il priât pour elle: lequel à I'abord poussé d'un esprit prophétique , commença de lui dire " La bonne mère, ne craignez point, car je vous assure que notre Seigneur bénira votre couche, et vous donnera un fruit saint et heureux. L'enfant que vous mettrez au monde , sera quelque jour un grand personnage  étant choisi de Dieu , pour être un insigne Prélat en son Eglise." (Vie de Sainct Eloy de 1626 page 3)

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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La partie droite : groupe sculpté du Miracle de saint Éloi maréchal-ferrant (bois peint, ronde bosse).

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Saint Éloi coupe la patte du cheval qu'un inconnu lui demande ferrer, afin de procéder plus facilement, avant de la remettre  miraculeusement en place. Le cheval est de petite taille et au harnachement sommaire (une selle, un mors et ses rênes). Éloi est accompagné d'un apprenti coiffé d'un bonnet rouge (ou bien du noble seigneur qui lui confie sa monture).

C'est l'épisode légendaire le plus représenté, celui qui sert d'attribut d'identification au saint, même lorsqu'il est réduit à un outil, une enclume ou un fer, mais il n'appartient pas à la Vita Eglegii. C'est celui qui est représenté sur la verrière des forgerons de Fribourg en 1320, sur la  tapisserie de Beaune , ou à la chapelle du Crann sur un vitrail de 1550. Voir ce dernier article pour le récit de la légende.

La verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg

Tapisserie de saint Éloi de Beaune.

La verrière de saint Éloi à la chapelle Notre-Dame-du-Crann

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Ici, le saint ne porte pas le tablier propre aux maréchaux-ferrants, mais une soutane et la barrette des recteurs du XVIIIe siècle, au dessus d'une chevelure bouclée qui tient de la perruque. Aucune marque professionnelle n'est présente, hormis le marteau qui est bien évidement récent.

 

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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LA STATUE DE SAINT ÉLOI MARÉCHAL-FERRANT (pierre polychrome, XVIe).

C'est pour moi la plus belle pièce de la chapelle. Elle appartenait à un ensemble plus vaste , elle mesure 1,10 m, et pèse 200 kg, et est en granite jaune peint . Saint Éloi portant le tablier de maréchal-ferrant frappe sur le fer, gardant la tenaille fixée près de sa cuisse gauche. Son marteau rudimentaire est en L. Il est coiffé du bonnet propre aux artisans.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.

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Groupe : cavalier et cheval (pierre).

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Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile  juin 2019.

Retable et statues de saint Eloi, transept sud de la chapelle Saint-Nicodème. Photographie lavieb-aile juin 2019.

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SOURCES ET LIENS.

 

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) 1988, Notice sur Ploéven,  Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3cfe40fff167ac9a521b6a1d446936d8.pdf

 

Mobilier : Aux autels latéraux, retables du début du XVIIIè siècle, peints vers 1720-1725 par Jean Mozin, peintre et doreur de Quimper. Sur ces retables, outre les statues des saints Isidore (au nord) et Eloi (au sud), trois bas-reliefs polychromes évoquent la vie de chacun de ces saints. La date de 1829 sur l'autel de saint Isidore indique une restauration des peintures. saint Eloi tenant le pied coupé du cheval ; - en pierre polychrome :saint Alar ou Eloi à son enclume, XVIe siècle. 

 

— COUFFON (René), Quelques considérations sur la sculpture religieuse en Basse-Bretagne du XIIIe au XIXe siècle.

http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_77/La_sculpture_religieuse_en_Basse_Bretagne_.pdf

— DEBIDOUR (V-H.), 1953,  La sculpture bretonne, Rennes 1953.

— DILASSER (Maurice), 1979, Un pays de Cornouaille,  Locronan et sa région

— DUCOURET  (Jean-Pierre), QUILLIVIC, (Claude), 1978, notice pour l'Inventaire général

http://www.inventaire.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=RETROUVER_TITLE&LEVEL=1&GRP=0&REQ=%28%28Plo%e9ven%29%20%3aLOCA%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Plo%e9ven&SYN=1&IMAGE_ONLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=200&DOM=Tous

 

— PÉRÉNNÈS (Henri), 1940, Ploéven, Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et du Léon, Bulletin Diocésain d'Histoire et d' Archéologie  de Quimper ( BDHA) 

https://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1940.pdf

 

 

Au coin du croisillon est une grande statue en kersanton de Saint Alar ou Eloi, avec tenailles et enclume. Du côté Midi le transept est réservé à saint Alar qui y a son autel, en granit revêtu de bois. Tout autour, dans des panneaux ou médaillons du retable, sont présentées, en relief, des scènes de Ia vie du Saint. Ici, costumé en évêque et accompagné d'un prêtre, il guérit un aveugle et un sourd ; plus haut il brise la corde et le carcan qui retenaient un jeune homme condamné à la potence ; là c'est une femme qu'il protège contre un oiseau de proie survolant la forêt. Plus loin il ferre un cheval dont il a détaché le pied ; ailleurs enfin, le Saint présente au roi Dagobert, entouré de ses gardes de corps, des ouvrages d'orfèvrerie .

 

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— MONTIGNY : Histoire de la vie vertus, mort & miracles de Sainct Eloy... par sainct Ouen... et traduite en François par Louis de Montigny, chez Sebastien Cramoisy, 1626

— Abbé Parenty ,Vie de saint Eloi, évêque de Noyon et de Tournai Ouen, Casterman, 1851

— PEIGNÉ-DELACOURT, Les miracles de saint Éloi, poème du XIIIe siècle, publié pour la première fois d'après le manuscrit de la bibliothèque bodleïenne et annoté Li Miracles de mesires sains Elois  1 vol. (128 p.) : fig., pl. ; 23 cm

Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-YE-2585

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5432031z

Chapitre XXVIII pages 55 à 57

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5432031z/f81.item.r=pendu.texteImage

 

 

— Maître Léon. Les saints guérisseurs et les pélerinages en Armorique (suite). In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 8, n°41, 1922. pp. 430-440; doi : https://doi.org/10.3406/rhef.1922.2250 https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1922_num_8_41_2250

 

https://www.persee.fr/docAsPDF/rhef_0300-9505_1922_num_8_41_2250.pdf

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Published by jean-yves cordier - dans Ploéven Saint Éloi Retable
2 novembre 2016 3 02 /11 /novembre /2016 18:44

Le retable de la "Descente de Croix" de l'église de Pencran (29).

Le retable de  la Déploration (1517) de l'église de Pencran (29).

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"A gauche du chœur se trouve un retable célèbre qui attire les regards. C’est une sculpture en bois représentant en plein relief une Descente de croix. Abrité dans une niche à dais sculpté, cet ensemble est composé de onze personnages.  Au centre est la Vierge, accablée de douleur : Elle tient sur ses genoux le corps inanimé de son Fils. Près d’elle, saint Jean et la Madeleine, agenouillés, partagent sa souffrance. Au second plan sont groupés les Saintes Femmes éplorées, Joseph d'Arimathie, Nicodème, et deux serviteurs dont l’un porte la Couronne d’épines." (H. Pérénnes).  « Ce sujet, note M. le chanoine Abgrall, a été noblement traité dans plusieurs de nos églises, notamment à Bodilis, Lampaul-Guimiliau, Locronan, Ploéven, La Forêt-Fouesnant, Pont-Croix, Quilinen, mais nulle part on n’a atteint à un si haut degré l'expression de douleur profonde, de compassion et d'adoration pour le divin Rédempteur » .

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Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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INSCRIPTION.

L'inscription en lettres gothiques minuscules dorées sur fond blanc dit ceci :

En lã mil Vcc  XVII : cest histoire fust  complet f diouguel :  vioy. ist.

"En l'an 1517 cette histoire fut complet f Diouguel ---." Les lettres qui suivent sont superposées en deux lignes et ont été lues comme deux syllabes moy et ist, "qui pourraient être une marque d’ouvrier.". On pourrait y lire des chiffres (VI) ; le dernier sigle pourrait être une étoile ; deux points s'inscrivent en dessous.

Le patronyme Le Diouguel est attesté à Morlaix au XVI-XVIIe, celui de Le Diouguel de Penanru à Landerneau-Saint-Houradon et à Morlaix au XVIIIe. Un François Le Diouguel sieur de Poulfanc a été maire de Morlaix  en 1635, et son fils François Le Diouguel lui a succédé à ce poste en 1673-74.  On cite aussi Me Guillaume Le Diouguel, notaire royal et apostolique de Morlaix et de Bodister. Un acte en date du 31 janvier 1651, fut passé devant Diouguet et Salaun, notaires royaux à Morlaix. Etc...

Le Nobiliaire de Bretagne mentionne pour Diouguel (le),

sr de Lanrus, — de la Fontaine-Blanche, par. de Saint-Martin-desChamps, — du Penhoat. — du Tromeur, — de Térennez, de Kerbasquiou, de Kergreis et de Lantréouar, par. de Plougasnou, — de Keiïstin, par. de Plouézoch, — de Kerozal. Maint, à l’intend. en 1699, ress. de Morlaix.

Echiqueté d’or et d’azur ; au chef d’argent, chargé de trois tourteaux de sable. François, gouverneur du château du Taureau en 1623 épouse Marguerite Noblet. 

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Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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Groupe inférieur : Déploration. 

Le motif iconographique est fondé sur l'Évangile de Jean 19:25-27 et 19:38-42:

" Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie la femme de Clopas et Marie de Magdala. 26 Jésus vit sa mère et, près d'elle, le disciple qu'il aimait. Il dit à sa mère: «Femme, voici ton fils.» 27 Puis il dit au disciple: «Voici ta mère.» Dès ce moment-là, le disciple la prit chez lui."

" Après cela, Joseph d'Arimathée, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des chefs juifs, demanda à Pilate la permission d'enlever le corps de Jésus. Pilate le lui permit. Il vint donc et enleva le corps de Jésus. 39 Nicodème, l'homme qui auparavant était allé trouver Jésus de nuit, vint aussi. Il apportait un mélange d'environ 30 kilos de myrrhe et d'aloès. 40 Ils prirent donc le corps de Jésus et l'enveloppèrent de bandelettes, avec les aromates, comme c'est la coutume d'ensevelir chez les Juifs. 41 Or, il y avait un jardin à l'endroit où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un tombeau neuf où personne encore n'avait été mis. 42 Ce fut là qu'ils déposèrent Jésus parce que c’était la préparation de la Pâque des Juifs et que le tombeau était proche."

Le retable représente non pas une Descente de Croix stricto sensu mais une Déploration.

Au premier plan, la Vierge tient son Fils sur ses genoux, saint Jean et Marie Madeleine portent respectivement la tête et les pieds du Christ. Une Sainte Femme (Marie, femme de Cléophas ?) se penche vers la tête de Jésus.

Marie et sa voisine sont voilées, mais Marie-Madeleine porte une coiffe.

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La Déploration, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

La Déploration, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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Groupe supérieur. 

Derrière, les saintes femmes, Joseph d'Arimathie et Nicodème sont accompagnés de deux assistants, dont l'un porte la couronne d'épines. L'autre, à gauche est coiffé d'un bonnet à riche bijou frontal en or. Il porte le chaperon ramassé sur l'épaule droite. Le geste de ses mains exprime l'émotion poignante à laquelle il participe.

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Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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Joseph d'Arimathie.

 

Le personnage à gauche de la croix, dont le geste de la main droite correspond peut-être à une codification qui nous échappe,  est vraisemblablement Joseph d'Arimathie, qui, dans les Mises au Tombeau, se tient la tête du Christ. Il est coiffé d'un bonnet pointu aux pans et à la pointe munies de glands. Cette coiffure le détermine, sans stigmatisation,  comme juif, membre du Sanhédrin :

Selon Wikipédia "Le chapeau juif, connu aussi sous les noms de coiffe juive, Judenhut en allemand et de pileus cornutus (calotte à cornes) en latin, était un chapeau pointu en forme de cône, blanc ou jaune, porté par les Juifs dans l'Europe médiévale et parfois dans le monde islamique. D'abord porté traditionnellement et volontairement, il fut imposé aux hommes juifs quelques années après le concile de Latran qui exigeait en 1215 que les Juifs soient reconnaissables par leurs vêtements afin de pouvoir les distinguer des chrétiens.

 La forme du chapeau est variable. Quelquefois, spécialement dans le courant du xiiie siècle, il ressemble à un bonnet phrygien mou, mais plus couramment, surtout au début, c'est un chapeau conique se terminant en pointe, avec à sa base un bord circulaire rond, apparemment rigide. On trouve aussi des versions plus petites, se fixant sur le sommet de la tête. Quelquefois, un anneau encercle le chapeau quelques centimètres au-dessus de la tête. Au XIVe siècle, une balle ou un pompon est fixé au sommet du chapeau, et le bout effilé devient alors une queue de diamètre constant..

À la fin du Moyen Âge, le chapeau est progressivement remplacé par une large variété de couvre-chefs, y compris des chapeaux évasés exotiques de style oriental, des turbans et à partir du XVe siècle de larges chapeaux plats et de larges bérets. Une des principales sources d'informations provient des manuscrits et de leurs enluminures. Dans les images de scènes bibliques, les artistes représentent souvent les personnages avec des habits de leur époque, ce qui permet de les étudier comme des scènes européennes contemporaines.

Le chapeau juif est fréquemment utilisé dans l'art médiéval pour représenter les Juifs de la période biblique. Souvent les Juifs représentés ainsi, sont ceux qui sont présentés de façon plutôt négative dans l'histoire, mais ce n'est pas toujours le cas. "

Voir Joseph d'Arimathie sur le vitrail de Beignon , 1er registre.

http://www.lavieb-aile.com/article-l-arbre-de-jesse-de-l-eglise-de-beignon-107396584.html

La barbe bouclée et longue participe du même souci de détermination. (En 1517, le port de la barbe, longtemps banni par l'Église, n'est pas encore relancé en France, et elle ne le fut, par François Ier, qu'à partir de 1521). http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/comment-le-roi-francois-ier-a-relance-la-mode-de-la-barbe-7779174808

Le reste du costume répond à la mode française contemporaine. La chaîne (plutôt dorée) est portée volontiers en collier. La cape aux pans serrés par un fermail en losange, s'évase en larges manches courtes sur un habit ajusté aux poignets par des boutons.

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Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Descente de Croix, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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A droite de la croix, Nicodème, pharisien, membre du Sanhédrin et disciple de Jésus, fait, en regardant la croix,  le geste du comput digital ou du décompte d'argument. Peut-être se remémore-t-il quelque prophétie biblique dont il constate la réalisation ? Ou bien, comme dans Jn 3:1-21, s'interroge-t-il sur un point de la Religion?

Là encore, sa coiffure caractérise son appartenance aux Juifs mentionnés par l'Évangile de Jean (Jn 3:1 : "Mais il y eut un homme d'entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs") .

Il ne porte pas la barbe ; il est vêtu d'un manteau vert à revers rouge et ses épaules sont recouvertes d'une chape. Une aumônière est suspendue sur son coté droit, c'est encore un détail significatif.  

Les deux femmes sont  richement vêtues.

La coiffure de celle qui tient un linge blanc et dont le visage est empreint de chagrin est remarquable. Les cheveux épilés sur le front, ramenés en arrière et nattés en deux pelotes temporales sont modelés par une résille aux larges mailles dorées. Une couronne de tissu bleu rembourrée d'étoupes ou de coton s'enrichit de tours d'étoffes dorée et, au centre, d'une émeraude sertie. Des mèches s'échappent en arrière pour tomber sur les épaules.  Cette coiffure est bien celle des femmes élégantes de la fin du XVe siècle.

Celle de sa voisine est plus singulière. C'est d'abord une coiffe ajustée, semblable à celle qu'Anne de Bretagne a rendu célèbre, mais, après un cercle d'or, elle s'évase en diabolo ; un médaillon à motif concentrique est épinglé sur le coté. Cette singularité, plus remarquable que gracieuse, s'accorde au reste du costume, avec une robe violette et de larges manches rapportées jaune, mais surtout une courte pèlerine sur les épaules, à fermail, et à bords frangés, qui pourrait faire d'elle la compagne de Nicodème.

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Retable de la Déposition, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Déposition, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Déposition, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

Retable de la Déposition, église de Pencran. Photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie)1904, Architecture Bretonne, Quimper 1904

https://archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n271/mode/2up/search/pencran

—COUFFON (René) & LE BARS (Alfred), 1988, "Pencran" in  Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PENCRAN.pdf

—PÉRÉNNES (Chanoine Henri), Notice sur Pencran, BDHA 1938 page 51 et suivantes

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf

— BDHA 1901. page 268.

— BDHA 1903:page 33

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1903.pdf

— Infobretagne "Pencran"

http://www.infobretagne.com/pencran.htm

— Topic-topos "Pencran"

http://fr.topic-topos.com/descente-de-croix-pencran

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Published by jean-yves cordier - dans Retable Pencran
26 octobre 2016 3 26 /10 /octobre /2016 14:43

Les Sibylles de l'Agneau Mystique de Van Eyck.

Les Sibylles du Polyptyque de l'Agneau Mystique de la cathédrale de Gand. Lorsque les frères Van Eyck se mélangent les pinceaux.

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Sur les Sibylles, voir :

  • Le vitrail de l'Arbre aux Sibylles de la Collégiale Notre-Dame-du-Fort à Étampes. Vers 1555.

  • Les douze Sibylles de Brennilis étudiées à la lumière des Heures de Louis de Laval.

  • Les peintures murales des Sibylles (1506) de la cathédrale d'Amiens selon des données disponibles en ligne.

  • Le vitrail de la Galerie des dix Sibylles (1538-1539)  de la cathédrale de Beauvais par Jean et Nicolas Le Prince. Baie 323 sous la Rose du bras nord du transept.

Sur les inscriptions, voir :

Éloge de l'omission : le titulus dans l'Annonciation d'Ambrogio Lorenzetti. (1344, Sienne)

 

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Plan :

  • L'interversion des deux noms des Sibylles
  • L'étude du texte de leur phylactère
  • L'inscription MEIAPAROS
  • L'Infante Isabelle du Portugal, modèle de la Sibylle de droite.

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Chacun connaît le polyptyque de  l’Adoration de l'Agneau mystique de la cathédrale de Gand, débuté vers 1420 par Hubert Van Eyck et achevé de 1426 à 1432 par son frère Jan. En effet, ce  chef-d'œuvre de la peinture des primitifs flamands, inscrit sur la liste du patrimoine culturel mondial par l'UNESCO, est mondialement connu, et a été étudié dans ses moindres détails, ce qui représente une lourde tâche  pour un ensemble de 24 panneaux mesurant  3,75 m sur 5, 20 m. 

Et pourtant, et pourtant, ce retable si fameux dissimule (visible comme le nez au milieu du visage) une belle erreur dont les peintres (où quelque restaurateur) se sont rendus coupables. Et dont les auteurs des articles encyclopédiques ( et même les auteurs du beau livre  Van Eyck par le détail) ne rendent pas compte, si j'excepte l'article Wikipédia en ..japonais. 

Cette "bavure" porte sur les deux Sibylles peintes en grisaille sur la face extérieure des volets.

En effet, le retable était ouvert les dimanches et fêtes, montrant en haut la Déisis et en bas l'Adoration de l'Agneau de Dieu, mais les volets  étaient fermés les jours de semaine et montraient une scène composite à tris registres. Au milieu, l'Annonciation ;   en bas le couple de donateurs  Joost Vijdt et  Lysbette Borluut autour de  saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste.  C'est en partie haute, au dessus de l'Annonciation, que nous trouvons sur les cotés deux prophètes dans des panneaux en demi-lunes et au centre les deux Sibylles occupant les deux moitiés de la  même arcade. Si les prophètes ont, pour l'Église, annoncés par leurs oracles la venue du Sauveur au monde hébraïque, les Sibylles ont prédit par leurs vaticinations le même événement aux "Gentils" (païens) d'Europe, d'Afrique et d'Asie. Si les deux prophètes et les deux prophétesses sont venus occuper les combles au dessus du plafond de la chambre de la Vierge, c'est précisément parce qu'ils ont prévus depuis des lustres ce qui est en train de s'y dérouler : une jeune fille vierge va devenir enceinte par l'opération du Saint-Esprit et donner naissance au Sauveur dont  l'humanité attend sa rédemption. Le texte de leurs prévisions, qui le démontre, se déroule en paperolles au dessus de leurs têtes.

Alors, cherchons l'erreur ? En chemin, nous découvrirons des détails inattendus. Et des énigmes mal résolues.

Quelques images préalables pour situer les lieux.

 

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https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Agneau_mystique#/media/File:Lamgods_closed.jpg

 

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https://ja.wikipedia.org/wiki/%E3%83%98%E3%83%B3%E3%83%88%E3%81%AE%E7%A5%AD%E5%A3%87%E7%94%BB#/media/File:Ghent-altarpiece-Lunetes-left.jpg

 

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I. "SIBILLA ERITREA", panneau de 212 cm x 37.1 cm. Une inversion des noms avec la Sibylle de Cumes.

http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=53&id2=0

Dans le panneau central de gauche, une femme à genoux et tournée vers la gauche  est vêtue d'une robe blanche bordée d'or très semblable à celles de la Vierge et de l'Ange et formant ainsi une triangulation.  Un châle  noir est noué autour de son cou . Sa tête est recouverte d'un turban blanc rayé de bleu. Celui-ci retient un voile jaune d'or, à bord échancré et ourlé de noir, et  qui recouvre ses épaules, son dos et ses reins. Une perle pend par un anneau à son oreille droite. Un bracelet est passé à son poignet gauche : c'est un épais demi-jonc en or, constellé de brillants.

Il est écrit sur la banderole  au dessus de sa tête : NIL MORTALE SONANS AFFLATA...ES NUMINE CELSO . La traverse au bas du compartiment porte l'indication  SIBILLA ERITREA.  En réalité, l'inscription est tirée du Livre VI de l'Énéide de Virgile et se donc rapporte à la Sibylle de Cumes. A l'évidence, il y a eu une interversion des panneaux et des noms des sibylles, puisque la prophétesse voisine porte sur la traverse inférieure l'inscription qui conviendrait ici,  SIBILLA CUMANA. Nous allons voir que c'est une interversion des inscriptions des traverses, et non des textes des banderoles,  et que la sibylle représentée ici est bien celle de Cumes. Cette interversion a été remarquée et argumentée en 1945 par Jean Gessler (1878-1952), professeur à l'Université de Louvain, dans une brève communication dans la Revue belge de philologie et d'histoire. On peut aussi arguer d'une confusion flottante, depuis Saint Augustin et toujours au XVe siècle, entre la Sibylle de Cumes et celle d'Érythrée avant de penser à une erreur.

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1. L'origine et le sens du texte de la banderole : l'Énéide de Virgile.

Nil mortale sonans afflata es numine celso  est une citation partielle et détournée d'une épopée extrêmement célèbre du poète latin Virgile, l'Énéide, racontant les aventures du héros troyen Énée, fils d'Anchise et de la déesse Aphrodite. Anchise, que son fils a enterré en Sicile, lui apparaît et lui demande d'aller voir la Sibylle de Cumes afin qu'elle le conduise aux Enfers, où il pourra lui parler. Il se rend donc avec son navire à Cumes, près de Naples (Italie), où se trouve l'antre de la Sibylle. Le Livre VI est celui de cette "catabase", ou descente aux Enfers ; il débute par l'arrivée devant le temple d'Apollon :

"Le pieux Énée de son côté gagne la hauteur que domine le haut Apollon et, plus loin, l'antre immense, la retraite de l'effrayante Sibylle, à qui le prophète de Délos [Apollon] insuffle grande intelligence et grande énergie, et lui découvre l'avenir." ...

"Le flanc immense de la roche euboïque [golfe d'Eubée] a été creusé, formant un antre, où conduisent cent larges accès, cent portes, d'où surgissent autant de voix, les réponses de la Sibylle. On était arrivé au seuil, lorsque la vierge déclara : « C'est le moment d'interroger les destins ; le dieu, voici le dieu ! »

C'est ici que se situe le vers qui nous occupe  : celui de l' Énéide Livre VI vers 50 :

Cui talia fanti ante fores subito non uoltus, non color unus, non  mansere comae ; sed pectus anhelum, et rabie fera corda tument ; maiorque uideri, nec mortale sonans, adflata est numine quando iam propiore dei

"Pendant qu'elle parle ainsi devant les portes, ses traits, son teint subitement se décomposent, ses cheveux en désordre se soulèvent, tandis que sa poitrine se fait haletante, et son cœur déchaîné se gonfle de rage ; elle apparaît plus grande, sa voix n'est plus d'une mortelle, puisque l'atteint le souffle puissant du dieu déjà tout proche." 

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/V06-001-263.html

Ce rôle de la Cumméenne comme passeuse vers les Enfers fut si réputé dans tout le moyen Âge que Dante choisi Virgile comme guide dans l'Enfer de sa Divine Comédie (et selon Manetti, la "forêt obscure" du vers fameux Nel mezzo del cammin di nostra vita / mi ritrovai per una selva oscura / ché la diritta via era smarrita se situe entre Naples et Cumes).

Mais le vers a été modifié et le mot celso (de celsus "haut, élevé") a remplacé l'expression quando iam propiore dei. De même, Nec ("Ni, et ne") est remplacé par Nil ("rien, en rien, nullement").   Et Est, "elle est" se transforme en es "tu es".  Je traduis donc la banderole librement ainsi : " Tu ne prononces aucun des mots d'une mortelle, tu es inspirée par les signes d'en haut". Le Numen est, au départ, le signe de tête d'un Dieu qui marque sa volonté inflexible. 

Le vers de Virgile, simple description de la transformation de la Sibylle sous le coup de l'inspiration divine, est transformé par ces petits changements en une vaticination adressée à...Mais à qui ?

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 La Sibylle de Cumes, volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

La Sibylle de Cumes, volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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Mais à qui s'adressent ces mots ? Ils ne peuvent, dans ce contexte, s'adresser à la Sibylle, puisque c'est elle qui parle. Pourtant, ils semblent définir l'action même de prophétiser : du latin tardif prophetizo, emprunt de l'ancien grec, variante hellénistique de propheteuo de πρό- ‎(pró-, “avant”) +‎ φημί ‎(phēmí, “J'annonce, je déclare, je parle ”). « j'annonce les desseins de Dieu, par inspiration spéciale» (en français dès 1155).

Il pourraient s'adresser à l'ange Gabriel, mais un indice montre qu'ils s'adressent à la Vierge : Dans l'Annonciation du Polyptyque, les paroles prononcées par l'ange Gabriel AVE GRATIA sont écrites à l'endroit, de même que leur suite écrites sur la fenêtre et la colonne voisine PLENA DNS TECU[M], alors que celles prononcées par la Vierge sont écrites doublement à l'envers (en miroir et donc en rétrograde et tournées vers le haut)  ECCE ANCILLA DNI. 

Cette subtilité, est reprise dans l'Annonciation de Van Eyck aujourd'hui à Washington, et peinte deux à quatre ans après l'achèvement du Polyptyque.

L'inscription inversée a été  interprétée comme "écrite à l'envers pour que Dieu puisse la lire du ciel" (!) ou "destinée à la colombe du Saint-Esprit" qui plane au dessus de la tête de Marie. En réalité, si nous considérons cette double inversion comme une représentation picturale du Nil mortale sonans, et du fait que les paroles qui sortent de la bouche de la Vierge sont inspirées par l'Esprit-Saint comme paroles non humaines, mais sacrées, nous atteignons des sommets de théologie et de spiritualité. Cette simple écriture rétrograde et renversée témoigne alors que la Vierge "per-phétise", rend actuel ce que la Sibylle a pro-phétisé, qu'elle accomplit la vaticination sibylline telle que l'a écrite plus haut le peintre.

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http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=49&id2=0

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http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=61&id2=0

 

 

 

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L'Annonciation de Jan Eyck de 1434-36 à Washington :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/6a/Jan_van_Eyck_-_The_Annunciation_-_Google_Art_Project.jpg

 

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 La Sibylle de Cumes, volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

La Sibylle de Cumes, volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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Les auteurs de la fin du XVe siècle (F. Barbieri) ne feront pas référence, pour la Sibylle de Cumes, au texte de l'Énéide, mais à trois autres textes : la légende des Livres et de Tarquin, les Métamorphoses d'Ovide, et les Bucoliques de Virgile. 

a) L'histoire de l'acquisition des livres sibyllins par Tarquin le Superbe, dernier roi de la monarchie romaine , ou Tarquin , est la suivante : une vieille femme "qui n'était pas originaire du pays"  arrive un jour à Rome et propose à Tarquin d'acheter neuf livres de prophéties ; et comme le roi refuse de les acheter, en raison du prix exorbitant qu'elle demandait, elle en brûle trois. Elle offre les six restant, pour le même prix. Nouveau refus du roi. Elle en brûle à nouveau trois, décidant ainsi le roi a acheter les trois derniers. C'est l'origine des Livres Sibyllins, les textes sacrés de l'État romain, conservés au Capitole et que l'on consultera lors des grands dangers car ils sont censés contenir les destinées de l’État.  Les livres sibyllins exposaient la doctrine de l'éternel retour : à la fin de chaque cycle, ou Grande Année, les astres retrouvent la même place dans le ciel, ce qui amène le retour des événements dans le même ordre.

 La vieille femme n'était autre que la Sibylle de Cumes.

b) Le Livre XIV des Métamorphoses d'Ovide reprend l'épopée d'Énée. Il se rend à Cumes, où sa réputation d'homme valeureux lui vaut la faveur de la Sibylle à qui il a demandé de pouvoir visiter  les mânes de son père. La Sibylle lui fait couper un rameau d'or, lui permettant l'accès au royaume des morts et la possibilité d'apprendre de la bouche d'Anchise les lois de l'au-delà et d'autres révélations sur les dangers qui l'attendent encore sur terre. Après quoi, il quitte le monde souterrain en compagnie de la prêtresse. (14, 101-121)

Chemin faisant, il promet à la Sibylle de lui élever un temple pour lui montrer sa reconnaissance. Précisant qu'elle n'est pas une divinité, la Sibylle lui raconte son histoire : elle inspira un jour une vive passion à Apollon qui, pour la séduire, lui proposa d'accomplir le vœu qu'elle choisirait ; elle souhaita vivre autant d'années qu'il y avait de grains de poussière dans une poignée de sable, sans spécifier qu'il s'agissait d'années de jeunesse. Le dieu, qui n'était pas arrivé à la séduire, tint pourtant sa promesse. C'est ainsi que la Sibylle, âgée de sept siècles déjà, toujours solitaire et vierge, doit encore vivre trois cents années avant de n'être plus qu'une voix. (14, 122-153)

c) Dans la quatrième Églogue de Virgile se trouve le célèbre vers : Ultima Cumaei uenit iam carminis aetas « Le voici venu, le dernier âge de l'oracle de Cumes »  Buc., 4, 4  . Les vers suivants annoncent qu'une vierge venue des cieux donnera naissance à un enfant qui renouvellera le monde. Au sens littéral et historique la quatrième Églogue est un message de félicitation adressé au consul Pollion, l'ami de Virgile, avant la venue au monde de son enfant. Le passage s'adresse à Lucine, protectrice des accouchées.  Et Virgo désigne Astrée, fille de Zeus et de Thémis, qui pendant l'âge d'or, habitait la terre, avant de prendre place parmi les constellations. Mais depuis Saint Augustin et les Pères de l'Église, les chrétiens, inspirés par  la consonance avec la prophétie d'Isaïe, 11, 1 : '" Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines",  s'accordèrent à y voir la prédiction par Virgile / par la Sibylle italienne de la naissance du Christ. Par une vierge (virgo). Le chant de la Cuméenne – Carmen cumaeum–  devient annonce messianique.

Ultima Cumaei venit jam carminis aetas ;

Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo.

Jam redit et virgo, redeunt Saturnia regna,

Jam nova progenies cœlo demittitur alto.

Casta, fave , Lucina, tuus jam regnat Apollo. Virgile, Bucoliques 4, 4-10.

"Il est venu, le dernier âge de la prophétie de Cumes  le grand ordre des siècles naît sur de nouvelles bases Déjà revient aussi la Vierge, revient le règne de Saturne, déjà une nouvelle race est envoyée du haut du ciel. Toi, du moins, à l'enfant qui naît par qui la race de fer finira enfin et surgira une race d'or dans le monde entier, chaste Lucine, accorde ta protection ; déjà règne ton [frère] Apollon" http://fleche.org/lutece/progterm/virgile/eglogue4.html

 

d) Cette réputation de l'Églogue de Virgile datait de saint Augustin,  au IVe siècle : d'après Jean-Michel Roessli, :

La conception qu'Augustin se fera des sibylles, découle de sa lecture chrétienne de la quatrième Églogue qui se profile déjà dans le premier texte où il y fait référence, soit dans l'ep. Rom. inch., § 3, rédigée vers 394-395. Dans ce petit traité exégétique, le futur évêque d'Hippone explique qu'il y eut, au cours de l'histoire, des prophètes qui n'étaient pas à proprement parler des interprètes de la Parole de Dieu, mais qui ont entendu des prophéties relatives au Christ et les ont chantées. C'est à cette catégorie, dit-il, que l'on rattache la Sibylle, rapportant ainsi une opinion apparemment fort répandue. Augustin s'empresse ensuite d'ajouter qu'il aurait du mal à y croire si le plus noble des poètes latins, à savoir Virgile, n'avait lui-même parlé du renouvellement du monde en des termes qui évoquent le règne de Jésus-Christ. Or, la source d'inspiration à laquelle Virgile se réfère n'est autre que le carmen Cumaeum, naturellement identifié par Augustin à un oracle de la Sibylle du même nom . 

« Il y a eu en effet des prophètes qui n'étaient pas les prophètes de Dieu et dans lesquels on trouve également quelques oracles prophétiques chantant les oracles qu'ils avaient entendus sur le Christ, comme on le dit aussi de la Sibylle ; ce que je ne croirais pas facilement, si l'un des poètes les plus nobles de la langue latine, célébrant l'avènement d'une ère nouvelle en termes qui paraissent assez correspondre et convenir au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, n'avait commencé par ce vers : “Le dernier âge de l'oracle de Cumes est enfin venu” (Virgile, Églogue, 4, 4). Or, personne ne doutera que l'oracle de Cumes est un oracle de la Sibylle. »AUG., ep. Rom. inch. 3 (PL, 35, col. 2089) 

Augustin reprend cette idée dans la lettre 258 à Marcianus : 

« Votre vie présente vous rend digne de recevoir, par les eaux salutaires du baptême, la rémission de vos péchés passés. Car c'est seulement à Notre Seigneur Jésus-Christ que le genre humain peut dire : “Sous ta conduite, s'il reste encore quelques traces de nos crimes, / elles disparaîtront, et la terre n'aura plus rien à craindre” (Virgile, Églogue, 4, 13-14). Virgile avoue qu'il a emprunté ces deux vers à l'oracle de Cumes, c'est-à-dire à la Sibylle. Peut-être cette prophétesse avait-elle, par une inspiration, appris quelque chose sur notre unique Sauveur, et avait-elle été forcée de le révéler. » AUG., ep. 258, 5 (CSEL, 57, p. 609, l. 11-17-p. 610, l. 3) 

Et à nouveau ici dans la Cité de Dieu Livre X chap. 27

« Car il ne t'aurait pas trompé celui que “vos propres oracles”, comme tu l'écris toi-même, ont reconnu saint et immortel : lui dont a parlé le plus illustre des poètes, en poète il est vrai, car il traçait l'ébauche d'un autre personnage, mais non sans vérité, si on rapporte au Christ ces vers : “Sous ta conduite, s'il reste quelque trace de nos crimes, / elle sera effacée et la terre délivrée de son perpétuel effroi” (Virgile, Églogue, 4, 13-14). Il s'agit ici de ce qui, en raison de l'infirmité de cette vie, peut subsister sinon de crimes, du moins de traces de crimes, même chez les plus avancés dans la vertu de justice et que seul peut effacer le Sauveur désigné par ces vers. Qu'il ne parle pas en son propre nom, Virgile lui-même l'indique au quatrième vers, je crois, de son Églogue en disant : “Déjà voici venu le dernier âge de l'Oracle de Cumes” (ibid., 4, 4). D'où il apparaît immédiatement qu'il parle ainsi d'après la Sibylle de Cumes », AUG., ciu., X, 27 (CSEL, 40, 1, p. 492, l. 29-p. 493, l. 14) :  traduction de G. Combès [BA 34], Paris, 1959, p. 523-524).

 

Le vers Jam nova progenies caelo de mittitur alto "Déjà une nouvelle progéniture est envoyée du haut du ciel" figure au portail gauche de la façade occidentale de la cathédrale de Laon au XIIe siècle , ou dans les peintures murales romanes récemment découvertes des Salles-Lavauguyon en Limousin, ou dans les stalles de la cathédrale d’Ulm au XVe s, etc.

Si les frères Van Eyck font figurer la Sibylle de Cumes au dessus de l'Annonciation et en référence avec elle, c'est bien-sûr à cause de ces vers de la 4ème Églogue. S'il n'ont pas choisi d'inscrire ces vers sur la phylactère, c'est qu'ils étaient connus de tous les lettrés, et que leur choix de détourner les vers du Livre VI de l'Énéide leur permettait de donner une dimension spirituelle nouvelle à l'ensemble des panneaux.

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La Sibylle de Cumes et la Vierge de l'Annonciation, Van Eyck, Polyptyque de l'Agneau Mystique, http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=53&id2=0

La Sibylle de Cumes et la Vierge de l'Annonciation, Van Eyck, Polyptyque de l'Agneau Mystique, http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=53&id2=0

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2. Le port de la boucle d'oreille par la Sibylle de Cumes.

La boucle d'oreille est, dans la peinture médiévale et plus tardive, non un ornement, mais un signe distinctif indiquant une marginalité ou l'appartenance à un peuple ou une religion différentes de ceux de la chrétienté. On la trouve sur l'oreille du mage Balthasar parce qu'il est noir de peau, à celle de sainte Marie-Madeleine parce qu'elle a été une prostituée, ou à celle de la Vierge pour signifier sa judéité (voir l'Annonciation d'Ambrogio Lorenzetti) . Ici, elle est particulièrement ostensible sur le lobe de la Sibylle, témoignant, comme le turban, d'une appartenance à la fois au monde païen, et à l'Asie (bien que Cumes soit en Italie, c'est une colonie grecque). Néanmoins, c'est une perle de belle taille et de belle eau qui est suspendue à l'anneau. La perle  est un symbole pluriel, attribut de la déesse de l'Amour, mais aussi un modèle de pureté, de limpidité  et donc de virginité et d'innocence, autant de qualités propres à la Vierge. Dans le panneau de l'Annonciation, Marie porte un diadème de dix perles (et cinq autour d'un saphir) et une broche de huit perles autour d'une émeraude. L'Ange en porte six autour du saphir du serre-tête et quatre sur le fermail de sa cape.

Les trois personnages partagent donc non seulement le même vêtement blanc orné d'or, mais aussi les mêmes perles de leurs bijoux. A mon sens, c'est elle qui est associée à l'Annonciation, et donc au Polyptique fermé, alors que sa collègue sera associé au Jugement, et à la peinture du Polyptyque ouvert. Elle est déjà par elle-même une préfiguration de la Vierge.

Les  mains de la Sibylle sont expressives. L'une présente la banderole portant l'oracle, alors que l'autre, la gauche, posée sur le genou droit dans une posture naturelle, tend néanmoins l'annulaire vers la chambre de Marie placée au dessous d'elle.

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 La Sibylle de Cumes, volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

La Sibylle de Cumes, volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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3. Le prophète Zacharie.

Cette Sibylle est couplée (par voisinage) avec la lunette voûtée de gauche qui abrite le prophète Zacharie. Le prophète tend le doigt vers un livre ouvert, dont il tourne une page, tandis qu'une banderole cite le verset du Livre de Zacharie 9:9 :   EXULTA SATIS FILIA SYO[N] JUBILA ECCE REX TUUS VE[N]IT 9°  "Exulte de joie, fille de Sion, voici que ton roi vint à toi. [chap.] 99 " 

La Vierge est reconnue "Fille de Sion" par les exégètes et par la liturgie après qu'il ait été reconnu dans le texte de l'évangile de Luc sur la Nativité et la Visitation (Lc 1:28-33 et Lc 1:46-54) des références avec les oracles prophétiques bibliques de Sophonie 3,14-17; Joël 2,21-27; et Zacharie 2,14.-15; 9,9-10 annonçant la  joie  qui se répandra sur Israël, quand YHWH accordera à son peuple le salut et la libération définitive par la venue d'un roi messianique. La relation typologique entre Zacharie 9:9 et l'Annonciation est donc bien établie à l'époque des frères van Eyck. 

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Le prophète Zacharie,  lunule du volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

Le prophète Zacharie, lunule du volet gauche du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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II. LA SIBYLLE D'ÉRYTHRÉE SIBILLA CUMANA.

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Sibilla Cumana,  panneau de 213,5 cm x 36,1 cm.

Vous aurez compris que la femme désignée par les mots Sibilla Cumana sur la traverse gris du panneau est en réalité Sibilla Eritrea, la Sibylle d'Érythrée. Elle tient son nom d'une ville antique d'Ionie, en l'actuelle Turquie près d'Izmir (ou au dessus d'Éphèse). Notons que Cumes était, précisément, une colonie des grecs d'Ionie.

 Agenouillée, la tête inclinée vers le bas et la gauche, les sourcils et le front épilés, le regard triste ou pensif, elle  est richement vêtue d'une cotte bleue lacée par devant  et d'une robe verte garnie de fourrure et resserrée par une ceinture dorée.

Elle est coiffée d'un turban brun recouvert d'une résille de perles, puis  d'un voile diaphane qui retombe sur les épaules. Une banderole au dessus de sa tête porte : REX ALT [ISSIMVS]… ADVENIET P[ER] SECLA FVTVR[VS] SCI[LICET]  I[N] CARNE.

Ces mots  la désignent comme la sibylle d'Erythrée, et cette identification est confirmée par les lettres MEIAPAROS. Ce qu'il faut démontrer.

 

 La Sibylle d'Érythrée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

La Sibylle d'Érythrée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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1°) L'inscription de la banderole.

Si on excepte le superlatif  altissimus, elle se réfère à un acrostiche fameux cité par Saint Augustin dans la Cité de Dieu – De Civitate dei – Livre XVIII chap. 23 qui lui a donné son autorité et sa validité. (Si, en matière de Sibylles, Augustin fut précédé par Lactance — Lactance, Institutions Divines Livre IV chap. 18 et 19.  (vers 321) et chapitres 6 et 15 où Erythrée est mentionnée, ou chapitre 13 où le lien est établi entre la tige de Jessé et la prophétie sibyllinne d'une fleur pure qui en  fleurira —, cet auteur ne mentionne pas ce texte et parle le plus souvent de "la Sibylle" sans la dénommer).

L'évêque d'Hippone est, après Lactance, (et avant Quodvultdeus, évêque de Carthage entre 437 et 453, qui fera également un large usage des Oracles sibyllins dans ses écrits, en particulier dans Le livre des promesses et des prédictions de Dieu, 445-455 ) , celui qui fait le plus souvent référence aux sibylles et aux oracles sibyllins dans sa réflexion théologique et dans son œuvre. Nous l'avons vu à propos de la Cuméènne. Dans la Cité de Dieu,  Augustin expose sa conception de l'histoire universelle et y distingue trois grandes étapes ou trois grands moments : 1) l'histoire du peuple de Dieu, telle qu'elle est représentée dans l'Ancien Testament (la Genèse, les Livres historiques et prophétiques), et qu'il commente dans les chapitres 1 à 8 du livre XV ; 2) l'histoire profane, évoquée une première fois au livre XVI, chap. 17, puis amplement développée au livre XVIII, du chapitre 2 au chapitre 26 ; et 3) la récapitulation de l'histoire avec l'entrée en scène de Jésus-Christ et l'avènement de l'Église, ce dont il est question dans les chapitres 49 à 54 de ce même livre XVIII. Dans cet ample tableau de l'histoire universelle, la place réservée aux sibylles est tout à fait exceptionnelle. Pour l'évêque d'Hippone, ces dernières appartiennent bien sûr, de par leurs origines, à l'histoire païenne ou histoire profane, qui se distingue de l'histoire du peuple de Dieu, telle qu'elle est relatée dans l'Ancien Testament, mais elles bénéficient d'un statut privilégié, et ce, parce qu'elles ont annoncé la venue du Christ et rejeté le culte des faux dieux ou des idoles. Ce faisant, Augustin semble ignorer, ou feint d'ignorer, que les poèmes de la Sibylle qui circulent à son époque sont majoritairement des pseudépigraphes rédigés à des fins apologétiques par des auteurs juifs et chrétiens entre le deuxième siècle avant J.-C. et le troisième ou quatrième siècle de notre ère. Il se montre prêt à les accepter comme d'authentiques témoignages de la prescience païenne et à les considérer comme de véritables prophéties, dont certaines n'ont pas grand-chose à envier aux prophéties de l'Ancien Testament. Pour Augustin, la Sibylle parle du Christ avec tant de vérité et contre les faux dieux et leurs adorateurs avec tant de force qu'elle « devrait être comptée au nombre des membres de la cité de Dieu ». Ainsi, bien que d'origine païenne, les sibylles ne sont pas rattachées à la ciuitas terrena, comme les anges déchus par exemple, mais semblent bien devoir être intégrées à la ciuitas Dei. Ici, Augustin n'éprouve pas le besoin de recourir explicitement à l'autorité de Virgile pour justifier son interprétation, comme il l'avait fait dans des écrits antérieurs, mais il y a néanmoins de bonnes raisons de penser qu'il n'aurait pas accordé tant de crédit à ces oracles, si, dans la quatrième Églogue déjà évoquée, Virgile n'avait fait de la Sibylle de Cumes l'annonciatrice du renouveau eschatologique lié à la naissance d'un enfant divin, renouveau qu'Augustin a naturellement rapproché du règne de Jésus-Christ, comme Lactance et Constantin l'avaient fait avant lui , pour autant que l'Oratio ad sanctorum coetum soit effectivement de Constantin ou, tout au moins, d'un auteur contemporain.

Dans le Livre XVIII de la Cité de Dieu, on apprend que l'évêque d'Hippone a pris connaissance de plusieurs oracles ou prophéties sibyllines relatives au Christ: 

"Plusieurs historiens estiment que ce fut en ce temps que parut la sibylle d’Erythra. On sait qu’il y a eu plusieurs sibylles, selon Varron. Celle-ci a fait sur Jésus-Christ des prédictions très-claires que nous avons d’abord lues en vers d’une mauvaise latinité et se tenant à peine sur leurs pieds, ouvrage de je ne sais quel traducteur maladroit, ainsi que nous l’avons appris depuis. Car le proconsul Flaccianus , homme éminent par l’étendue de son savoir et la facilité de son éloquence, nous montra, un jour que nous nous entretenions ensemble de Jésus-Christ, l’exemplaire grec qui a servi à cette mauvaise traduction. Or, il nous fit en même temps remarquer un certain passage, où en réunissant les premières lettres de chaque vers, on forme ces mots : Iesous Kreistos Theou Uios Soter, c’est-à-dire Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur . Or, voici le sens de ces vers, d’après une autre traduction latine, meilleure et plus régulière :

 

"Aux approches du jugement, la terre se couvrira d’une sueur glacée. Le roi immortel viendra du ciel et paraîtra revêtu d’une chair pour juger le monde, et alors les bons et les méchants verront le Dieu tout-puissant accompagné de ses saints. Il jugera les âmes aussi revêtues de leurs corps, et la terre n’aura plus ni beauté ni verdure. Les hommes effrayés laisseront à l’abandon leurs trésors et ce qu’ils avaient de plus précieux. Le feu brûlera la terre, la mer et le ciel, et ouvrira les portes de l’enfer. Les bienheureux jouiront d’une lumière pure et brillante, et les coupables seront la proie des flammes éternelles. Les crimes les plus cachés seront découverts et les consciences mises à nu. Alors il y aura des pleurs et des grincements de dents. Le soleil perdra sa lumière et les étoiles seront éteintes. La lune s’obscurcira, les cieux seront ébranlés sur leurs pôles, et les plus hautes montagnes abattues et égalées aux vallons. Plus rien dans les choses humaines de sublime ni de grand. Toute la machine de l’univers sera détruite, et le feu consumera l’eau des fleuves et des fontaines. Alors on entendra sonner la trompette, et tout retentira de cris et de plaintes. La terre s’ouvrira jusque dans ses abîmes; les rois paraîtront tous devant le tribunal du souverain Juge, et les cieux verseront un fleuve de feu et de soufre."

Ajoutez à cela que, si l’on joint ensemble les premières lettres de ces cinq mots grecs que nous avons dit signifier Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur, on trouvera Ichthus, qui veut dire en grec poisson, nom mystique du Sauveur, parce que lui seul a pu demeurer vivant, c’est-à-dire exempt de péché, au milieu des abîmes de notre mortalité, semblables aux profondeurs de la mer.

D’ailleurs, que ce poème, dont je n’ai rapporté que quelques vers, soit de la sibylle d’Erythra ou de celle de Cumes, car on n’est pas d’accord là-dessus, etc..." (Cité de Dieu XVIII, 23)

Voici maintenant l'acrostiche et le passage qui nous concerne (les premières lettres, en gras, sont en réalité des lettres grecques)

 

I Iudicii signum tellus sudore madescet. "Signe du jugement : la terre sera trempée de sueur."

H E caelo rex adueniet per saecla futurus, "Du ciel viendra le roi qui régnera dans les siècles",

S Scilicet ut carnem praesens, ut iudicet orbem.  "pour en personne juger la chair et la terre."

O Unde deum cernent incredulus atque fidelis "C'est pourquoi l'incroyant et le fidèle le verront,"

U Celsum cum sanctis aeui iam termino in ipso. "le Dieu très haut, avec les saints, dès la fin même des temps."

S Sic animae cum carne aderunt, quas iudicat ipse, "Ainsi les âmes avec leurs corps seront là ; lui-même les juge,"

 

 

Soit, pour la part la plus citée et devenue fameuse: Indicii signum tellus sudore madescet, E coelo Rex adveniet per saecla futurus, Scilicet in carne praesens ut judicet orbem. La traduction diffère, notamment pour les mots in carne.  L'inscription Rex alt. adveniet per saecla futurus scilicet in carne, "et alors un Roi dont le règne doit être éternel, descendra des Cieux : il descendra revêtu d'un corps humain " 

Ce poème grec d'Eusèbe de Césarée attribué à la Sibylle érythréenne  et traduit en latin par Augustin fut repris par Quodvultdeus, évêque de Carthage dans son  Sermo contra Judaeos, Paganos et Arianos  ; ce sermon était lu comme sixième leçon des offices de la Nativité, puis  intégré à des drames liturgiques. Le poème figure avant le Xe siècle dans la liturgie de Noël sous le titre  Judicii signum tellus sudore madescet, et il fut  inclus au XIe siècle dans le drame liturgique intitulé "Ordo prophetarum". -On en connaît 23 versions monophoniques et 6 versions polyphoniques. Voir The Song of the Sibyll . Les vers sont inscrits dans divers monuments et documents : le premier vers Judicii signum se retrouve à la cathédrale de Sessa Aurunca en Italie du Sud au XIIIe siècle. Le vers qui suit, e caelo rex adveniet per secla futurus, est en l’église de la Nativité à Bethléem, au portail nord de la façade de la cathédrale de Laon, et dans les peintures murales des Salles-Lavauguyon. 

Pierre Abélard y fait référence au XIIe siècle dans ses Lettres à Héloïse an ajoutant  "Que la sibylle paraisse ici la première, et qu'elle nous dise ce qui lui a été révélé au sujet de Jésus-Christ. […] nous verrons que cette grâce [de la prophétie] est bien plus éminente dans cette femme que dans tous les hommes".

Au XIIe siècle également, Honorius d'Autun le cite dans  un Sermon pour le jour de l'Annonciation (Speculum Ecclesiae, In  Annuntiat. Patrol., I- CLXXII, col. 90 j et suiv.).


En conclusion, ce texte Rex altissimus adveniet per secla futurus scilicet in carne  au dessus de la Sibylle d'Érythrée est une citation partielle du début du célèbre acrostiche et se traduit ainsi :

"Un roi viendra du ciel qui sera pendant des siècles, bien entendu [scilicet]  dans la chair". Ou bien comme le propose Roessli "Du ciel viendra le roi qui régnera dans les siècles  pour en personne juger la chair et la terre."

Il annonce la venue d'un roi sauveur, ou bien l'incarnation royale d'une divinité céleste. En ce sens, il est lié à l'Annonciation, et c'est bien ainsi que ces mots sont sculptés au portail de la cathédrale de Laon sous la forme Et : P : Secla : Futur.

Le portail nord de la cathédrale de Laon.

Il mérite que nous l'examinions, car le tympan entièrement dédié à la Vierge associe l'Annonciation, la Nativité et l'Annonce aux Bergers, puis l'Adoration des mages, alors que les voussures comportent d'un coté Virgile avec une citation de la 4ème Églogue, et de l'autre la Sibylle avec l'inscription abrégée de Per secla futurus. Les relations avec l'Annonciation et les deux Sibylles du Polyptyque sont donc caractérisées. Je ne peux mieux faire que de renvoyer à l'étude et aux figures de Marie-Louise Thérel (1972).  Ce portail encadre les scènes centrales par une typologie biblique extrêmement élaborée, dont le but est de fonder par les textes bibliques et sibyllins la virginité de la Vierge.  En effet,pour les écrivains ecclésiastiques, le thème de la maternité virginale de Marie est l'un des plus fréquemment développés parce qu'il prouve la divinité du Christ. Aussi sont sculptés dans les voussures, outre Virgile et la Sibylle, la femme qui écrase la tête d'un dragon, le buisson ardent qui brûle devant Moïse sans se consumer, la pluie qui mouille la toison de Gédéon sans atteindre l'aire environnante, la porte close d'Ézéchiel, la nourriture portée à Daniel à travers la voûte scellée, la présence de Yahvé dans l'Arche qui garde la manne et la verge fleurie d'Aaron, La jeune fille attirant la licorne par sa virginité,  la préservation des jeunes Hébreux du feu de la fournaise, autant de prodiges qui préfigurent la conception et la naissance virginale du Christ.

L'inscription de la Sibylle d'Érythrée, qui m'avait d'abord paru annoncer le Jugement Dernier, est donc, comme celle de la Sibylle de Cumes, en rapport avec l'Annonciation qu'elles dominent, dans un argumentaire destiné à prouver que, comme les textes prophétiques bibliques, les vaticinations des prêtresses d'Apollon des païens annonçaient l'Incarnation d'un roi rédempteur de l'Humanité.

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    La Sibylle d'Érythrée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

    La Sibylle d'Érythrée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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    La Sibylle d'Érythrée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

    La Sibylle d'Érythrée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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    Le prophète Michée.

    http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=61&id2=0

    Cette Sibylle est couplée (par voisinage) avec la lunette voûtée de droite qui abrite le prophète Michée. 

     Drapé dans un manteau doublé de vair (fourrure) , il regarde Marie. A côté de lui, un livre est posé et au dessus de lui est inscrit:  Ex te egredietur qui sit dominator in Israel Michée 5:2 "mais c'est de toi que sortira celui qui doit régner en Israël."

    Le mot egredietur évoque si immédiatement la prophétie d'Isaïe 11:1 Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice ejus ascendet, que l'on peut dire qu'elle se trouve citée ici en creux.Mais le verset de Michée insiste sur la fonction royale, reprenant l'annonce de la Sibylle sur le Roi qui viendra pour les siècles à venir.

     

     

    Le prophète Michée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

    Le prophète Michée, volet droit du Polyptyque de l'Agneau Mystique d'Hubert et Jan Van Eyck, cathédrale de Gand, image closertovaneyck.

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    L'Inscription MEIAPAROS.

    http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=57&id2=0

    La Sibilla Cumana (alias la Sibylle d'Érythrée) porte sur un galon doré l'inscription MEIAPAROS brodé sur le galon doré de l'encolure carrée de son corsage.

    Ces lettres ont été interprétées par Jean Gessler en 1945 : 

    "Ceci étant admis [l'interversion du nom des deux Sibylles], on expliquera plus aisément l'inscription sur le corsage de la seconde sibylle, telle qu'elle a été découverte et transcrite correctement par le chanoine Van den Gheyn : M ΕΙ Α ΠΑΡΘΣ. Ce meia parthenos a été complété généralement comme Cumeia parthenos, e. a. par feu l'abbé L. Aerts, adversaire du chanoine précité dans l'identification du personnage principal. Cette reconstitution est inadmissible, parce que basée sur une forme fictive, la dénomination réelle étant Cumaea ou Cumana. Une fois la sibylle au corsage orné reconnue comme l'Erythrée, on lira, à la suite de Virgile (Priameia virgo : Cassandre) : Priameia parthenos, que l'on interprétera ici, pour les besoins de la cause, comme : « vierge (du pays) de Priam »."

    On objectera qu'aujourd'hui, on lit ΜΕΙΑPΑRΟΣ , que la cinquième lettre est un P et non un Π et que la septième lettre est un O et non un Θ ou thêta. Néanmoins, on ne balayera pas la précieuse hypothèse pour autant. Les publications du chanoine Gabriel  van den Gheyn ne sont pas consultables en ligne : il s'agit de publications qui font autorité : L'interprétation du retable de Saint Bavon à Gand: l'Agneau mystique des frères Van Eyck. Bruxelles, 1920, et  L'art ancien à Gand: le retable de l'Agneau mystique des frères van Eyck, Gand, 1921.

     

    Primaeia virgo se trouve, chez Virgile, dans l'Énéide livre III vers 321, où Andromaque s'exclame :

     "Elle est heureuse entre toutes, la fille de Priam, qui, près du tertre d'un ennemi, sous les hauts murs de Troie, fut condamnée à mourir, sans avoir à subir un tirage au sort et sans avoir, captive, à partager la couche d'un vainqueur ! "

    La "fille de Priam" est identifiée comme Polyxène, mais aussi comme Cassandre. Mais il faut beaucoup de bonne volonté "pour les besoins de la cause" pour glisser de Meiaparos à Meia Parthenos, pour emprunter le détour virgilien de  Primaeia virgo , pour accepter d'y reconnaître Cassandre, avant de traduire Primaeia pathenos par "Vierge du pays de Priam" et d'y voir la désignation d'une Sibylle, Cassandre alias Érythrée !

    "Force est de constater que, parmi les dix Sibylles de l’Antiquité, aucune ne s’appelait Cassandre. Néanmoins, une tradition ancienne, sûrement d’origine hellénique post-homérique, attribuait à ce personnage des dons divinatoires. Dans la mythologie grecque, Cassandre est la fille de Priam, le roi de Troie et d’Hécube. D’après Homère elle est d’ailleurs la plus belle des filles de Priam, alors que dans le XIe chant de l’Odyssée on raconte son meurtre perpétré par Clytemnestre. Le don de la prophétie procède d’une tradition plus tardive qui rapporte qu’elle fut aimée d’Apollon, qui lui accorda ce don, mais lorsqu’elle repoussa son amour, le dieu la condamna à toujours prophétiser la vérité sans être crue. Et c’est dans ce rôle qu’elle apparaît chez les tragiques grecs : elle prédit en vain la chute de Troie, en annonçant même la ruse du cheval d’Ulysse. Les princes étrangers, épris de sa beauté, viennent lutter aux côtés de Troyens, et tombent tous sous les coups de guerriers grecs. Cassandre est ainsi vouée à rester seule, et ne se mariera jamais. Après le sac de Troie, Cassandre échoit comme concubine à Agamemnon, chef des Grecs, mais lors de leur retour à Mycènes elle est assassinée par Clytemnestre, la femme d’Agamemnon. Nous retrouvons sa figure chez les Latins : Sénèque, dans sa pièce Agamemnon, décrit le désespoir de Cassandre après la perte des siens lors de la guerre de Troie (vers 695-709). Elle apparaît également à quatre reprises dans l’Enéide de Virgile (Virgile, Enéide, II, 246, 343, 403 ; III, 183, 187 ; V, 636, X, 68.), où on rappelle le destin malheureux de la célèbre prophétesse troyenne. Néanmoins, nous devons à Servius (Ve siècle de notre ère), le commentateur de Virgile le plus lu au Moyen Âge, d’avoir établi, sans le vouloir, le lien entre la Sibylle de Cumes et Cassandre. En effet, Servius commente la figure de Cassandre chez Virgile en la confondant avec celle de Cumes, sans doute influencé par l’histoire de cette dernière, qui apparaît aussi dans les Métamorphoses d’Ovide, et qui présente plusieurs points de contact avec l’histoire de Cassandre. Chez Ovide, la Sibylle de Cumes, comme chez Virgile au VI chant de l’Enéide, est celle qui permet à Enée d’avoir accès au royaume de l’Hadès, pour rencontrer l’ombre de son père Anchise grâce au rameau brillant (« fulgentem ramum ») (qui était d’or chez Virgile) qu’il doit détacher d’un arbre. Chez Virgile, tout comme chez Ovide, la Sibylle de Cumes est la gardienne de l’Hadès à cause de son âge immémorial, car elle avait demandé à Apollon, en échange de ses faveurs, de lui accorder autant d’années que le nombre des grains de sable qu’elle tenait dans sa main. Mais elle avait oublié de demander aussi que ces années fussent toujours ceux de la jeunesse, et Apollon, face à la trahison de la Sibylle, lui accorda son vœu, qui devint ainsi une malédiction, car la Sibylle vieillissait sans mourir, d’où le fait qu’elle ne put jamais se marier. Seule la voix lui resta, avec laquelle elle émettait un son de plus en plus rauque, qui exprimait son désir de mourir." (E. Canonica).

    Je lis aussi que "le marquis de Santillane, Iñigo López de Mendoza, dans sa Comedieta de Ponza (composée vers 1435-1436), associe la Sibylle Érythrée à Cassandre, dans deux vers consécutifs : « e la muy famosa sebila Heritea ; / vi a Casandra e vi a Almatea » (CII, vers 812-813)."

    Néanmoins, nous pouvons  penser que l'inscription n'est pas clairement déchiffrée aujourd'hui. Malgré la proposition qui va suivre.

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    La Sibylle d'Érythrée, inspirée par l'Infante Isabelle ?

      D'après Wikipédia "Le 19 mai 1425, une lettre patente  nomme Jan Eyck peintre de cour et valet de chambre au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Sa mission n'est pas attachée à une résidence du duc ni pour des travaux traditionnels de décorations pour des fêtes, il est chargé de missions exceptionnelles et secrètes comme l'indiquent les archives bourguignonnes à son sujet. Une rente annuelle fixe lui est régulièrement attribuée jusqu'à sa mort. Il doit pour cela rester proche du duc et déménage à Lille, résidence ducale habituelle, où il est mentionné avant le 2 août 1425.

     Pour ces missions,  il obtient à chaque déplacement des sommes beaucoup plus importantes que sa rente annuelle. En juillet et août 1427, il perçoit de nouveau des sommes pour des missions diplomatiques à l'étranger. L'une d'entre elle pourrait être un voyage à la cour d'Alphonse V d'Aragon, à Valence pour lui demander la main de sa nièce Isabelle d'Urgel pour Philippe le Bon. Entre le 19 octobre 1428 et le 25 décembre 1429, il est  envoyé en ambassade au Portugal, afin de négocier le mariage entre le duc de Bourgogne et Isabelle de Portugal auprès du père de celle-ci, Jean Ier de Portugal.Après qu'une tempête les ait forcés à passer quatre semaines en Angleterre, les Bourguignons sont arrivés à Lisbonne en décembre. En janvier 1429, ils ont rencontré le roi dans le château d' Aviz  où Jan Eyck réalise deux portraits de la future duchesse. Ils furent expédiés au duc le 12 février pour accompagner les deux groupes distincts qui ont quitté la ville par mer et par terre.

     Pendant cette période, Jan van Eyck effectue aussi des déplacements personnels. Il est invité le 18 octobre 1427 lors de la Saint Luc à Tournai. La corporation locale des peintres y organise un banquet en son honneur. Il y rencontre sans doute à cette occasion Robert Campin (1378-1444) et Roger de la Pasture, futur Rogier van der Weyden, ou encore Jacques Daret (1404-1470), tous membres de cette corporation. Il retourne d'ailleurs à Tournai le 23 mars 1428. Notez que Jacques Daret (ou Robert Campin) est l'auteur d'un "Portrait de Louise de Savoie en Sibylla Agrippa" daté de 1430-1440 par Chatelet (mais Louise de Savoie n'est pas née), et de 1525 par Thürlemann (mais les deux artistes sont morts  à cette date) . https://rkd.nl/en/explore/images/65821

     On a perdu la trace des portraits d'Isabelle de Portugal par Jan Eyck , mais une copie à l'encre de Chine  du XVIIe siècle en a été conservé  (Archives Nationales  de Torre do Tombo, Lisbonne) ). Le cadre  comporte dans la frise des briquets ou "fusils" en forme de B horizontal, éléments propres au duc de Bourgogne et que l'on retrouvent dans le collier de la Toison d'or, ordre fondé le 10 janvier 1430 à l'occasion du mariage du duc avec Isabelle du Portugal). On y lit le titre L'INFANTE DAME ISABIEL et l'inscription

    “Cest la pourtraiture qui fu envoiié a phe duc de bourgoingne & de brabant de dame ysabel fille de roy Jehan de portugal & dalgarbe seigneur de septe par luy conquise qui fu depuis feme & espeuse du desus dit duc phe” 

    La comparaison entre ce dessin et la Sibilla Cumana révèle que Jan Eyck a  utilisé la robe de la princesse portugaise pour la sibylle érythréenne sur le Retable de Gand. La coiffure perlée, la robe doublée de fourrure, la large et haute ceinture sont identiques, de même que l'encolure.

     

    https://en.wikipedia.org/wiki/Portrait_of_Isabella_of_Portugal_(van_Eyck)

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    Au milieu du XXème siècle, l'historien de l'art Volker Herzner a noté la similitude de visage entre la Sibylle de Cumes et la femme de Philippe Isabelle de Portugal , d'autant plus qu'elle est représentée dans le portrait de fiançailles  maintenant perdu de van Eyck 1428-1429.  Herzner a spéculé que le texte dans la banderole dans le panneau de la sibylle avait un double sens, se référant non seulement à la venue du Christ, mais aussi à la naissance en 1432 du premier fils d'Isabelle du Portugal, donnant ainsi un héritier de Philippe. B. Ridderboos & al. (p. 58) rejettent cette idée, étant donné la contingence de cette naissance pour un Polyptyque destiné à une fonction sacrée, les taux élevés de mortalité infantile à l'époque, et les connotations de superstition négative généralement associées à l'a célébration d'un fils avant qu'il ne soit né. 

     

    La coiffure de la Sibylle est si caractéristique de la mode au Portugal qu'Olivier de la Garde, dans ses Mémoires, décrit ces bourrelets chargés d'orfèvrerie comme "à la façon du Portugal" : Lors du fameux Banquet du Faisan, lors du dernier des intermèdes,  une figure féminine allégorique portant un costume religieux, vient devant le duc pour lui présenter douze demoiselles accompagnées par douze chevaliers. Ces figurants se présentent dans de fabuleux atours décrits par Olivier de la Marche :

     "Et après vindrent douze chevaliers, chascun menant une dame par la main  […]. Et lesdictes douze dames furent vestues de cottes simples de satin cramoisy, bordées de letices (1) ; et par-dessus avoient en maniere d’une chemise de si fine toille, qu’on vit la cotte parmy ; et avoient ung atour (2) tout rond à la façon de Portugal, dont les bourreletz (3) estoient à maniere de rauces (4) ; et passoient par derriere, ainsi que pattes de chapperons pour hommes, de deliés voletz  (5) chargez d’orfavrerie d’or branlant ; et furent leurs visaiges couverts du volet."Olivier de La Marche, Mémoires…,, vol. II, p. 372.

    (1) La létice est la fourrure de couleur blanche de la belette des neiges.

    (2) L’atour désigne ici un bonnet ajouré, chargé d’orfèvrerie, selon la mode portugaise du milieu du XVe siècle.

    (3) Le bourrelet est une couronne faite de bourre, diversement agrémentée, servant de base à une coiffure de femme ou à un chaperon d’homme.

    (5). Le volet est une pièce d’étoffe flottant au vent.

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    En 2012, dans son livre“Os Painéis em Memória do Infante D. Pedro” , Clemente Baeta a repris cette hypothèse : L'inscription Rex altissimus adveniet per secla in carne peut être comprise comme l'annonce d'un héritier : "Un roi suprême prendra forme humaine pour régner dans les siècles à venir". Il propose quelques arguments :

    http://clemente-baeta.blogspot.fr/2014/09/17-apendice.html

    http://paineis.org/Isabel_c1430.htm

    a) La main de la Sibylle placée sur son ventre indique qu'elle est enceinte. Comme la duchesse, dont la grossesse alla de juillet 1431 à avril 1432, l'était lorsque le Polyptyque s'achevait. Mais en août,  elle perdit cet enfant, prénommé Joseph . En février le couple avait perdu un autre fils, Antoine, à l'âge de 13 mois. 

    b) Dans l'inscription MEIAPAROS  la lettre P peut se confondre  avec un D, ​​afin que nous puissions y deviner  MEIAP (D) AROS. En admettant qu'il s'agit d'un anagramme, nous pouvons le déchiffrer comme «DAME ISA POR," soit Isabelle du Portugal. Cette lecture nous amène à évoquer immédiatement l'inscription "L'INFANT DAME ISABIEL" placé juste au-dessus de la copie du portrait.
    Les peintures de Jan van Eyck comprennent beaucoup de ces jeux de mots (Rebus, anagrammes), des lettres inversées et des messages écrits.

    c) Dans un autre portrait  de la duchesse, celle-ci est comparée à une sibylle : celui du maître flamand  Roger van der Weyden qui porte  est en haut à gauche, l'inscription Sibylla Persica Iª. Clemente Baeta pense que dans les deux cas, il s'agit d'anagrammes dont la solution est Isabelle du Portugal :  SIBYLLA <> YSABILL.

    En effet, je retrouve facilement le portrait d'Isabelle de Portugal attribué à l'atelier de Rogier van der Weyden, et daté vers 1450. Les experts estiment que l'inscription Persica Sibylla a été ajoutée ultérieurement. 

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    huile sur panneau. Getty Museum, 78.PB.3 Image R. Mathis http://www.getty.edu/art/collection/objects/651/workshop-of-rogier-van-der-weyden-portrait-of-isabella-of-portugal-netherlandish-about-1450/

    https://en.wikipedia.org/wiki/Portrait_of_Isabella_of_Portugal_(van_der_Weyden)

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    En définitive, la ressemblance entre la Sibylle du Polyptyque et le portrait d'Isabelle du Portugal est indéniable. Sur le portrait de Van der Weyden, on retrouve la coiffure perlée recouverte d'un voile aussi transparent que la gaze. On y retrouve aussi le laçage en zig-zag du corsage, et la large ceinture verte, le front et les sourcils très épilés, et le visage ovale de la Sibylle.

    La célébration d'une naissance princière par le biais avec l'allusion à la prophétie d'une Sibylle n'a rien d'incongru, puisqu'on sait que  François Villon plaça, vers 1457, le vers jam nova progenies caelo demittitur alto en épigraphe de son Épître à Marie d'Orléans, Le Dit de la naissance Marie. , où il célèbre une naissance princière... qui lui a valu la bienveillance du duc Charles d'Orléans, d'être libéré de prison et lui a ouvert les portes du château de Blois ! Selon la thèse de Julien Abed (2010), cette  utilisation de la sibylle pour propager l’image d’une vierge mère d’un héritier royal  s’épanouira "surtout à la fin du Moyen Âge avec Anne de Beaujeu (fille de Louis XI), Anne de France (femme de Charles VIII puis de Louis XII), ou Louise de Savoie (mère de François Ier), qui ont toutes entretenu, par la commande de livres d’heures, de tapisseries ou d’ouvrages pro-féminins, l’écho des paroles sibyllines".

    Voir aussi : Memling, 1480, portrait d'une jeune fille en Sibylle Sambetha Persica avec l'inscription Sibylla Sambetha quae et Persica an : ante Christ :nat :2040.

    Néanmoins, il n'en demeure pas moins que le retable fermé est d'abord, par la scène de l'Annonciation, une célébration de la Virginité de Marie, selon une pensée typologique développée depuis les Pères de l'Église, illustrée dans toute la liturgie de la Nativité de Jésus, de la Nativité de la Vierge, sur les portails de chaque cathédrale, dans chaque Arbre de Jessé depuis le XIVe siècle,  dans les enluminures de l'Office de la Vierge des Livres d'Heures, et par la plupart des peintres primitifs  flamands , etc., etc. (Cf; M-L. Thérel).

    Par exemple :

    Le Triptyque de Pierre Bladelin de Rogier Van der Weyden vers 1450 : autour d'une Nativité centrale, la Sibylle de Tibur montre à l'empereur Auguste la Vierge et son Enfant. Pierre Bladelin (1408-1472), dont le mariage fut stérile,  fut trésorier de Philippe le Bon, mais aussi son conseiller (1440), son intendant (1446), le trésorier de l'Ordre de la Toison d'Or (1447).

    L'Annonciation à la Licorne, ou "Chasse mystique" de Martin Schongauer (v.1480) dans le Retable des Dominicains du Musée Unterlinden de Colmar.

    L'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores ( Burgos). Perspective et points de fuite, transparence et lumières.

     

    Mais c'est une constance aussi que le thème de la Conception, central dans ce culte marial, a fasciné les reines, duchesses et princesses pour lesquelles leur propre capacité à engendrer, et à engendrer un fils, était dramatiquement préoccupant. 

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    SOURCES ET LIENS.

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    1°) Sur le retable de l'Agneau Mystique des frères van Eyck à  Gand .

    — Wikipédia :

    https://en.wikipedia.org/wiki/Ghent_Altarpiece#Annunciation

    — Closer to Van Eyck rediscovering the Ghent altarpiece :

    http://closertovaneyck.kikirpa.be/

    http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=53&id2=0

    http://closertovaneyck.kikirpa.be/#viewer/id1=57&id2=0

     

    — Les frères VAN EYCK, L'agneau mystique (partie 1)

    http://daredart.blogspot.fr/p/les-freres-van-eyck.html

    — Les frères VAN EYCK, L'agneau mystique (partie 2)

    http://daredart.blogspot.fr/p/les-freres-van-eyck-lagneau-mystique.html

    — Isabelle GOUDE

    http://goude-news.overblog.com/2013/11/l-agneau-ressuscit%C3%A9.html

    — http://www.oogvanhorus.nl/index.php?option=com_content&view=article&id=33&Itemid=27&limitstart=2

    — BANJENEC (Élise), 2013, « Une cour cousue d’or. Les ornements précieux utilisés par le duc Philippe le Bon », Questes  L'habit fait-il le moine ? pages 45-64

    http://questes.revues.org/124 ; DOI : 10.4000/questes.124

    — BEAULIEU (Michèle) )et Jeanne Baylé, Le Costume en Bourgogne, Paris, Puf, 1956 .

    — BORN (Annick), MARTENS (M.P.J), sd, Van Eyck par le détail, Hazan.

     

    — FIERENS-GEVAERT (Hippolyte), 1905, La Renaissance septentrionale et les premiers maitres des Flandres: Jacques Cavael [et al.] Bruxelles https://archive.org/stream/larenaissancesep00fieruoft#page/190/mode/2up

     

    — GESSLER (Jean), 1945, Les Sibylles Eyckiennes , Chronique. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 24, 1945. pp. 493-671. http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1945_num_24_1_1727

    IV. — La Section entend enfin une communication de M. Jean Gessler (Louvain), intitulée Les Sibylles Eyckiennes. Sur le voltes du retable de l'Agneau Mystique figurent deux sibylles, désignées par une inscription contemporaine sur le cadre, de gauche à droite, comme : Sibylla Erythrea - S. Cumana. Sur leur phylactère, la première porte un vers de l'Enéide (VI, v. 50) ; la seconde, le deuxième vers des Oracula Sibyllina, attribué constamment à la sibylle Erythrée, dont il constitue une caractéristique essentielle. Dans ces conditions, on peut affirmer que les inscriptions sur le cadre ont été interverties dans l'atelier de Jean van Eyck. Ceci étant admis, on expliquera plus aisément l'inscription sur le corsage de la seconde sibylle, telle qu'elle a été découverte et transcrite correctement par le chanoine Van den Gheyn : M ΕΙ Α ΠΑΡΘΣ. Ce meia parthenos a été complété généralement comme Cumeia parthenos, e. a. par feu l'abbé L. Aerts, adversaire du chanoine précité dans l'identification du personnage principal. Cette reconstitution est inadmissible, parce que basée sur une forme fictive, la dénomination réelle étant Cumaea ou Cumana. Une fois la sibylle au corsage orné reconnue comme l'Erythrée, on lira, à la suite de Virgile (Priameia virgo : Cassandre) : Priameia parthenos, que l'on interprétera ici, pour les besoins de la cause, comme : « vierge (du pays) de Priam ». Quoi qu'il en soit, l'interversion des deux appellations sibyllines sur le cadre du polyptyque est manifeste et méritait d'être signalée. 

    — IACOBELLIS (Lisa Ann Daugherty), 1981, The portraits f Isabell of Portugal, Thèse, Master of Arts, Ohio State University, History of Art https://etd.ohiolink.edu/!etd.send_file?accession=osu1420211546&disposition=inline

     

    — JOLIVET ( Sophie)  (2003) , Pour soi vêtir honnêtement à la cour de monseigneur le duc de Bourgogne : costume et dispositif vestimentaire à la cour de Philippe le Bon de 1430 à 1455, thèse dactylographiée de doctorat sous la direction de Vincent Tabbagh, Université de Bourgogne, soutenue en 2003, p. 159.

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00392310/document

    — OLIVIER DE LA MARCHE  Olivier de La Marche, Mémoires d’Olivier de La Marche : maître d’hôtel et capitaine des gardes de Charles le Téméraire, éd. Henri Beaune et Jules d’arbaumont, Paris, Renouard, « Publications pour la Société de l’Histoire de France », 1883 1888

    Tome I : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6549624s

    Tome II : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65505119

    Tome III http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6550417f

    https://archive.org/details/mmoiresdolivie01lamauoft

    https://archive.org/details/mmoiresdolivie03lamauoft

    https://archive.org/details/mmoiresdolivier00marcgoog

    — RIDDERBOS ( Bernhard), Henk Th. van Veen, Anne van Buren 2005, Early Netherlandish Paintings: Rediscovery, Reception and Research, Amsterdam University Press, 2005 - 481 pages

    https://books.google.fr/books?id=e0X5lErg2tsC&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

     

    — SOMMÉ (Monique), 1995, Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, une femme au pouvoir au quinzième siècle Thèse de doctorat en Histoire Sous la direction de Marie-Thérèse Caron. Soutenue en 1995 à Lille 3 .Résumé :

    Isabelle de Portugal (1397-1471), épouse en 1430 de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, a exercé son autorité et sa protection sur une sphère familiale large composée de son fils Charles, de bâtards du duc, de cousins, de neveux et nièces, dont plusieurs furent des portugais. Elle disposait de ressources abondantes, certaines attribuées au maître de la chambre aux deniers pour le fonctionnement de son hôtel, d'autres étant des fonds propres provenant de ses domaines en Flandre, Artois et Bourgogne, de dons et d'aides votées par les états. Son hôtel, dont plus de quatre cents personnes ont été identifiées, formait un milieu protégé d'hommes et de femmes, de nobles et de roturiers, qui partageaient sa vie itinérante, essentiellement aux Pays-Bas. La stabilité de l'emploi y était remarquable. La duchesse a été associée par le duc au gouvernement de l'état et, en son absence, disposait de complètes délégations de pouvoir. Elle a montré une grande compétence dans la gestion des finances et a joué un role diplomatique important dans les relations de la Bourgogne avec l'Angleterre et la France. Son hôtel a été dissous à sa demande en 1455 et, en 1457, elle s'est retirée de la cour pour vivre dans la charité et encourager les formes nouvelles de vie religieuse, mais elle revint à la vie publique pendant les premières années (1467-1471) du règne de Charles le Téméraire.

    — THÉREL (Marie-Louise), 1972, "Étude iconographique des voussures du portail de la Vierge-Mère à la cathédrale de Laon". In: Cahiers de civilisation médiévale, 15e année (n°57), Janvier-mars 1972. pp. 41-51.

    http://www.persee.fr/docAsPDF/ccmed_0007-9731_1972_num_15_57_2021.pdf

    2°) Sur les Sibylles en général.

    — Dans les vitraux :

    http://ndoduc.free.fr/vitraux/htm5601/sibylles.php

    Baie 12 d'Ervy-le-Chatel (Aude), v1515 : 

    http://ndoduc.free.fr/vitraux/htm8601/eg_StP@Ervy_12.php

    — Article de Wikipédia

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Sibylle

    https://it.wikipedia.org/wiki/Sibilla

    — ABÉLARD (Pierre) Lettres d'Abélard à Héloïse sur l'origine des religieuses. lettre VII. Lettre en latin 

    http://www.pierre-abelard.com/Tra-Abelard-Heloise%20VII.htm

    —ABED ( Julien) 2010, La Parole de la sibylle. Fable et prophétie à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat préparée sous la direction de Mme Jacqueline Cerquiglini-Toulet, soutenue le 13 mars 2010 à l’université Paris-Sorbonne.

    https://peme.revues.org/85

    — BARBIERI (Filippo de) [Philippus de Barberiis] [Filippo Barberio], 1481,  [Discordantiae sanctorum doctorum Hieronymi et Augustini, et alia opuscula] ([Reprod.]) / [Philippus de Barberiis] , Bnf, Gallica :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k591531, 

    — BELCARI (Feo), « Sacra rappresentazione » du mystère de l’Annonciation. Ce mystère fut joué à Florence, en 1471, à l’occasion de la visite du duc Galeazzo Maria Sforza. la première édition en parut à Florence, sans nom d’auteur, à la fin du xve siècle.

    https://archive.org/details/bub_gb_ZTjxnHHEHGgC

    http://www-personal.usyd.edu.au/~nnew4107/Texts/Fifteenth century_Florence_files/Belcari_Annunciation.pdf  

    — BURON (Emmanuel), 2004, Oracles humanistes et rumeurs de la cour : Sibyllarum duodecim oracula de Jean Rabel, Jean Dorat et Claude Binet (1586) in La Sibylle. Parole et représentation sous la direction de Monique Bouquet et Françoise Morzadec. Presses Universitaires de Rennes p. 241-254.

    — CANONICA (Elvezio ), 2013,  « La Sibylle au miroir des Anciens comme reflet de l’image de la Modernité dans l’Auto de la Sibila Casandra de Gil Vicente (début XVIe s.) », e-Spania [En ligne], 15 | juin 2013, mis en ligne le 15 juin 2013, consulté le 31 octobre 2016. URL :

    http://e-spania.revues.org/22416 ; DOI : 10.4000/e-spania.22416

     —CASTEL (Yves-Pascal), 2006, "Les 70 sibylles du Finistère", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère - T. CXXXV - 2006 pages 201 et suivantes

    http://patrimoine.dufinistere.org/art2/index.php?art=ypc_sibylles 

    — CLERC (C de ), 1979, "Quelques séries italiennes de Sibylles", Bulletin de l'Institut historique belge de Rome, fasc. 48-49 pages 105-127.

    — CHAMPIER (Symphorien), 1503, "Les prophéties, dits et vaticinations des Sibylles, translatés de grec en latin par Lactance Firmian", 3ème partie de  La nef des dames vertueuses, 

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k79103w/f124.item.zoom

    — DIURNAL DE RENÉ II DE LORRAINE , 1492-1493,  diurnale ad usum ecclesiae romanae diurnal de rené 2 de lorraine Bnf Latin 10491. Nancy. Artiste Georges Trubert. http://nossl.demo.logilab.fr/biblissima/id/Illumination/Mandragore/69433

    — EL ENIGMA DE LA SIBILA

    https://sites.google.com/site/omnedecus/Home/art/el-enigma-de-la-sibila

    — GAY( Françoise),1987,. Les prophètes du XIe au XIIIe s. (Épigraphie). In: Cahiers de civilisation médiévale, 30e année (n°120), Octobre-décembre 1987. pp. 357-367;

    http://www.persee.fr/docAsPDF/ccmed_0007-9731_1987_num_30_120_2381.pdf

    — GIUSTINIANI (Giulia), 2014 « Gli esordi critici di Emile Mâle : la tesi in latino sulle sibille »,Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge 

     http://mefrm.revues.org/1527 

    — HEURES DE LOUIS DE LAVAL , avant 1489,  Horae ad usum romanum Bnf Latin 920. 

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501620s/f42.item

     — HÜE (Denis), 2004, La Sibylle au théâtre, in Sibylle, parole et représentation, Presses Universitaires de Rennes p. 177-195 http://books.openedition.org/pur/30366

    — JOURDAIN & DUVAL, 1845, -"Les Sibylles, peintures murales de la cathédrale d'Amiens", Mémoire de la Société des Antiquaires de Picardie Tome VIII pages 275-302 :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4083456/f273.image

     

     

    — KRIEGER (Denis), Autour des vitraux d'Arnauld de Moles à la cathédrale Sainte-Marie d'Auch

    (un dossier iconographique sur les Sibylles)

    http://www.mesvitrauxfavoris.fr/index_htm_files/Auch%20et%20les%20Sibylles.pdf

     —LAMBERT (Gisèle),   Les gravures de Baccio Baldini : une suite de 24 prophètes et 12 Sibylles . in Les premières gravures italiennes 

    http://books.openedition.org/editionsbnf/1365

    —LE VERDIER, (Pierre Jacques Gabriel,) 1884, Mystère de l'incarnation et nativité de Notre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ : représenté à Rouen en 1474, publié d'après un imprimé du XVe siècle Société des bibliophiles normands

    https://archive.org/stream/mysteredelincarn01leve#page/n69/mode/2up

    — MÂLE  (Émile), 1910, L'art religieux du XIIIe siècle en France : étude sur l'iconographie du moyen age et sur ses sources d'inspiration . Paris : Libr. A. Colin 512 pages. Bibliographie: p. [471]-474 Sibylles page 181 ; 203 ; 387-397 ;

    https://archive.org/stream/lartreligieuxdu00mluoft#page/180/mode/2up/search/sibylle 

    — MÂLE  (Émile), 1925,  L'art religieux de la fin du Moyen Age en France  : étude sur l'iconographie du Moyen Age et sur ses sources d'inspiration  3e éd., rev. et augm. / Paris : A. Colin ,  p. 254-279.

    https://archive.org/stream/lartreligieuxde00ml#page/252/mode/2up

    https://archive.org/stream/lartreligieuxde00ml/lartreligieuxde00ml_djvu.txt

    — MÂLE  (Émile) , 1899, Quomodo Sibyllas recentiores artifices repraesentaverint [Texte imprimé] / E. Mâle,.. / Parisiis : E. Leroux , 1899  

    — MONTEIRO (Mariana), 1905, As David and the Sibyls says. A sketch of the Sibyls and the sibylline oracles  

    https://archive.org/details/asdavidsibylssay00montrich

    — PASCUCCI (Arianna), 2011, L'iconografia medievale della Sibilla Tiburtina in Contributi alla conoscenza del patrimonio tiburtino, Vol. VIII, Liceo classico statale Amedeo di Savoia di Tivoli, 2011,

     http://www.liceoclassicotivoli.it/Pascucci_Sibilla_Tiburtina_2011.pdf

    https://www.academia.edu/9789364/Liconografia_medievale_della_Sibilla_Tiburtina_di_Arianna_Pascucci_Tivoli_2011

    —RÉAU (Louis), Iconographie de l'art chrétien, II, Iconographie de la Bible, Ancien Testament, p. 420-430.

    — ROESSLI (Jean-Michel), 2002,  Catalogues de sibylles, recueil(s) de Libri Sibyllini et corpus des Oracula Sibyllina Remarques sur la formation et la constitution de quelques collections oraculaires dans les mondes gréco-romain, juif et chrétien Jean-Michel Roessli (Université de Fribourg, Suisse)  in E. NORELLI (ed.), Recueils normatifs et canons dans l'Antiquité. Perspectives nouvelles sur la formation des canons juif et chrétien dans leur contexte culturel. Actes du colloque organisé dans le cadre du programme plurifacultaire La Bible à la croisée des savoirs de l'Université de Genève, 11-12 avril 2002 (Lausanne, 2004; Publications de l'Institut romand des sciences bibliques 3), p. 47-68

    http://www.concordia.ca/content/dam/artsci/theology/profiles/jean-michel-roessli-catalogues-sibylles.pdf

    — ROESSLI (Jean-Michel) , 2007 « Vies et métamorphoses de la Sibylle », Revue de l’histoire des religions :

     http://rhr.revues.org/5265

    — ROESSLI (Jean-Michel), 2003 "Augustin, les sibylles et les Oracles sibyllins" Saint Augustin, Africanité et Universalité, colloque Alger-Annaba 2001  Augustinus Afer, p 263-285, 

    http://www.concordia.ca/content/dam/artsci/theology/profiles/jean-michel-roessli-augustin-sibylles-oracles-sibyllins.pdf

    https://books.google.fr/books?id=wecM6Qn1o-kC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

     — Sibyllae et prophetae de Christo Salvatore vaticinantes - BSB Cod.icon. 414 (1490-1500) http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00017917&pimage=00017917&suchbegriff=&l=fr

    — TASSERIE (Guillaume), 1499  Le Triomphe des Normans composé par Guillaume Tasserie traictant de la Immaculée Concepcion Nostre Dame

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k424472s

    Le Triomphe des Normans traictant de la Immaculée Conception Nostre Dame est un mystère qui fut joué en 1499. Une seule copie de ce texte nous est parvenue, dans un manuscrit ayant appartenu jadis au Duc de la Vallière. La mise en ligne et la mise en page ont été assurées par Denis Hüe à l’Université Rennes

    2http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/triomphe/triomphe.html

    —BERTAUD (Jean) , 1529, Encomium trium Mariarum cum earundem cultus defensione aduersus Lutheranos [et alia opera : Sequitur Officium trium filiarum beatae Annae et ♦ De cognatione sacerrimi Ioannis Baptistae cum filiabus et nepotibus beatae Annae Libri tres ♦ expurgati et emuncti]

    — Tractatus Zelus Christi, Venise 1592

    https://books.google.fr/books?id=eItlAAAAcAAJ&pg=PA44-IA1&lpg=PA44-IA1&dq=ensem+nudum+sibylla&source=bl&ots=mmZ9XSX-Hd&sig=mpqSs1Y5_ou3a9KrWaEIqX-w4eo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiS4_Ghx8nPAhXnDsAKHeLyAXEQ6AEIHDAA#v=onepage&q=ensem%20nudum%20sibylla&f=false

    — Description des sibylles de la rosace de la cathédrale de Beauvais par Jean et Nicolas Le Prince 1537 : 

    https://archive.org/stream/beauvaissacathd00pihagoog#page/n95/mode/2up/search/sibylle

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    Published by jean-yves cordier - dans Inscriptions Sibylles Retable
    16 octobre 2016 7 16 /10 /octobre /2016 22:59

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". III. Les inscriptions.

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". III. Les inscriptions.

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    Voir dans ce blog le début de cette série :

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". I. Les petites fleurs.

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". II. Les personnages et leurs visages.

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". IV. Les bijoux et ornements.

    .

     

     

    Voir dans ce blog sur la ville de Beaune :

    • La tapisserie de l'Agneau mystique des Hospices de Beaune.

    • La tapisserie de saint Antoine aux Hospices de Beaune. Les volets du Polyptyque du Jugement Dernier.

    • La tenture de la Vie de la Vierge de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

    • Les peintures murales de la chapelle Saint-Léger de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

    • La tapisserie de Saint Éloi aux Hospices de Beaune.

    • La tenture de la Vie de la Vierge de l'église Notre-Dame de Beaune..

    Sur les inscriptions :

    • ​La Vierge au buisson de roses (1473) : Martin Schongauer et les oiseaux. Comment chercher la petite bête d'un tableau. (inscription du nimbe).

     

    .

     

     

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    Je rappelle que je m'appuie (fortement) sur le texte de Nicole Veronee-Verhaegen L'Hospice de Beaune, paru en 1973. J'ai découpé les fragments de son texte pour les illustrer et les compléter. Les auteurs cités par elle sont référencés dans sa bibliographie.

     

    Nous commencerons par le plus facile.

     

    I. L'INSCRIPTION ENTOURANT LE CHRIST. PANNEAU 4.

    Le Christ vêtu du manteau rouge de la résurrection est assis sur un arc-en-ciel et présente la plaie de la main droite tout en traçant une bénédiction. Un lys qui naît presque de ses lèvres déroule un arc à sa droite, alors qu'une épée, le pommeau lui-aussi placé près des lèvres, est pointée vers le bas et la gauche. Une inscription blanche (donc mal visible) serpente en montant sur la droite. Une autre, en rouge sang presque noir , descend en arc autour de la main gauche.

    .

     

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    1°) Sous le lys le texte est écrit en minuscules gothiques blanches sur le fond d'or  :

    venite benedicti Patris mei possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi 

     "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde " 

    Source : Évangile de Matthieu 25:34  tunc dicet rex his qui a dextris eius erunt venite benedicti Patris mei possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi

    Contexte : ce texte vient à la suite de la Parabole des talents.  Matthieu 25:31-33 :

      "Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.  Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: Venez, etc..." .

    Il est suivi du passage Mt 25:35-40 qui prend tout son sens à l'Hospice de Beaune dans la chapelle qui termine la Salle des Pôvres, où sont allongés et soignés les malades et les mourants :

     "Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; j'étais nu, et vous m'avez vêtu ; j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi. Les justes lui répondront: Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger; ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire? Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli; ou nu, et t'avons-nous vêtu? Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi? Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites."

    Ainsi, cette citation centrale du polyptyque peut être vue comme un manifeste du couple donateur (Nicolas Rolin et son épouse Guigone de Salins ) mettant en exergue leur pratique charitable par la fondation des Hospices. Par cette charité, ils proclament leur espérance de figurer parmi les élus lors du Jugement.

    C'est aussi une exhortation adressée aux malades pour les convaincre d'une conversion du cœur.

    Et c'est aussi un hommage et un réconfort pour les soignants, en l'occurrence les Sœurs Hospitalières de Beaune, ordre créé par le chancelier Rolin. 

    .

    Inscription à la droite du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.
    Inscription à la droite du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscription à la droite du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    .

    2°)  Sur le fond d’or, à la gauche du Christ, sous l'épée  en minuscules gothiques rouges (garance) :

    Discedite a me maledicti in Ignem eternum qui paratus est dyabolo et angelis eius

    "Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges"

    C'est le versant sombre de la déclaration de Jésus dans Matthieu 25:41   tunc dicet et his qui a sinistris erunt discedite a me maledicti in ignem aeternum qui paratus est diabolo et angelis eius :

    " Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche: Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. Ils répondront aussi: Seigneur, quand t'avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t'avons-nous pas assisté? Et il leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne les avez pas faites. Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle."

    .

     

     

    Inscription à la gauche du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.
    Inscription à la gauche du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscription à la gauche du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    .

    II. PANNEAU 4, SUITE.

    1°) Le personnage dans la balance, à la droite de saint Michel, est désigné par le mot Virtutes, "Les Vertus" en minuscules gothiques dorées. L’autre personnage dans la balance, à la gauche de saint Michel, est désigné par le mot Peccata, "Les Péchés"  en minuscules gothiques bleu foncé  devenu vert foncé. Ces personnages sont donc des Allégories, et non des humains en train d'être pesés. Comme en français, Virtus est un nom latin féminin, et peccatus un nom masculin, mais les deux personnages sont masculins, sans valorisation positive ou négative des deux sexes. 

    .

     


     

     

    Inscription Virtutes à la droite de l'ange du Jugement, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscription Virtutes à la droite de l'ange du Jugement, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    2°) La bordure du manteau du Christ

    Elle porte un texte en caractères dores, hébreux, ou apparentés à l’hébreu, et coptes (?).

    Malgré des tentatives répétées (notamment par Latour  et par Mély, ce texte n’a pas encore été déchiffré. Mély a cru pouvoir reconnaître, parmi les caractères avoisinant les pieds du Christ, les lettres I M ou H M qu’il pense être le monogramme de Memling. Esdouhard d’Attisy, Durrieu, Verhaegen et Stein ne purent admettre cette lecture et proposèrent d’y voir plutôt les initiales des mots Ihesus et Maria ; Durrieu remarqua que d’autres peintres conviendraient mieux ici que Memlinc, par exemple Jean de Maisoncelles. .

    .

    Inscriptions de la bordure du manteau du Christ,   Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions de la bordure du manteau du Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    INSCRIPTIONS DU PANNEAU 5.

     

     La bordure du manteau de saint Jean-Baptiste.

    Saint Jean-Baptiste porte une tunique en peau de chameau de couleur brune, plutôt claire, beige rosé à l’intérieur. Son manteau, face et revers, est d un gris légèrement violacé. Des inscriptions et un liseré d’or en décorent la bordure.

    Cette inscription est faite de caractères de même type que ceux du manteau du Christ au panneau 4. Cette inscription n’est pas déchiffrée non plus.

    .

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    INSCRIPTION DU PANNEAU 6.

     La bordure du manteau de saint Paul : des bribes du Credo. 

    Saint Paul est vêtu de vert, tunique et manteau assortis, malheureusement criblés de taches dues aux dégâts. Les inscriptions du manteau et le liseré de la tunique sont d’or, très usé, parfois invisible. Les yeux sont gris-brun avec le curieux point rouge au coin ; la barbe et les cheveux sont gris. Il est assis, comme saint Pierre, sur un siège de ton ivoire ou bois clair.

    La bordure de son manteau porte une inscription en majuscules gothiques dorées, abîmée et restaurée en de nombreux endroits.  L’inscription sur la bordure est exécutée en préparation blanche sur le fond vert; le relief est atténué par la transposition et les lettres ont pratiquement perdu toute dorure. La lisibilité de certains caractères est aussi diminuée par des lacunes intempestives. Les deux ou trois restaurations proprement dites sont grossières et nettement visibles.

    On peut y retrouver des bribes du Credo :

    1°) Au bas du manteau  :

    .../M + DEUM + PATREM + OMNIPOTENTE/ [M] /IN + ...EVE / /CREDO + IN + SPERITU /... /SANCTUM...T SA...TE.../ ...CATOLICAM -f SANCTUM + ...NMUT.../ ...CCATORUM + .../ /+ ...U R + ... + VITEM /

    correspondant aux articles suivants :

    Credo in unum Deum, Patrem omnipoténtem, factόrem cæli et terræ, visibílium όmnium, et invisibílium.

    [...Et] in Spíritum Sanctum, Dόminum, et vivificántem : qui ex Patre, Filiόque procédit.

    Qui cum Patre, et Filio simul adorátur, et conglorificátur : qui locútus est per Prophétas.
    Et unam, sanctam, cathόlicam et apostόlicam Ecclésiam.

    Confíteor unum baptísma in remissiόnem peccatόrum.

    Et expécto resurrectiόnem mortuόrum.

    Et vitam ventúri sǽculi. Amen.

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    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Inscriptions sur  la bordure du manteau de saint Paul. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    2°) A hauteur des mains, à gauche :

    /+ PA... ATOREM + .../ /RESURREX... O... EM -f ... + ITA.../

     

    3°) A hauteur des mains, à droite  :

    /... UM + PATREM + OMNIPOTENTEM + ...ATOREM + ...ELI + ET/

    correspondant aux articles suivants :

    Credo in unum Deum, Patrem omnipoténtem, factόrem cæli et terræ, visibílium όmnium, et invisibílium.
    Et in unum Dόminum Iesum Christum, Fílium Dei unigénitum.

    Et ex Patre natum ante όmnia sæcula.

    Deum de Deo, lumen de lúmine, Deum verum de Deo vero.

    Génitum, non factum, consubstantiálem Patri : per quem όmnia facta sunt.

    Qui propter nos hόmines, et propter nostram salútem descéndit de cælis.

    Et incarnátus est de Spíritu Sancto ex María Vírgine : et homo factus est.

    Crucifíxus étiam pro nobis : sub Pόntio Piláto passus, et sepúltus est.

    Et resurréxit tértia die, secúndum Scriptúras.

    Et ascéndit in cælum : sedet ad déxteram Patris.

    Et íterum ventúrus est cum glόria iudicáre vivos, et mόrtuos : cuius regni non erit finis.
    Et in Spíritum Sanctum, Dόminum, et vivificántem : qui ex Patre, Filiόque procédit.

    Qui cum Patre, et Filio simul adorátur, et conglorificátur : qui locútus est per Prophétas.
    Et unam, sanctam, cathόlicam et apostόlicam Ecclésiam.

    Confíteor unum baptísma in remissiόnem peccatόrum.

    Et expécto resurrectiόnem mortuόrum.

    Et vitam ventúri sǽculi. Amen.

     

     

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune &quot;à la loupe&quot;.  III. Les inscriptions.

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    INSCRIPTION DU PANNEAU 8.

    La pancarte de la croix porte les quatre lettres habituelles INRI, en majuscules gothiques, pour Ihesus Nazarenus Rex Iudeorum (Joh., XIX, 19) 

     

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    INSCRIPTIONS. ANNEXE.

    L'opinion de Nicole Veronee-Verhaegen page 94 :

    "Un mot pour finir des inscriptions non encore déchiffrées aux panneaux 4 et 5 (voir D. 3, Inscriptions..., p. 60). L’idée de lire isolément dans le texte du manteau du Christ un monogramme de Memlinc ne nous semble pas raisonnable. Une abréviation des mots Jhesus et Maria sans rapport avec le contexte paraît tout aussi étrange. Toutefois Latour et Mély  ont raison de penser que les textes ont un sens. Il serait difficile de croire que le manteau de saint Paul porte un texte véritable et que ceux du Christ et de saint Jean-Baptiste n’aient que des caractères décoratifs sans signification. Ces deux derniers textes semblent comporter un mélange de caractères hébreux (dont  ש, shin, s, et   , jod, y), coptes ou grecs (dont  janja, j ; N, ni, n; H, pi, p) et latins (dont S, N, X, Z). La juxtaposition d’hébreu, de grec et de latin dans un même tableau est indiscutable dans les Crucifixions et Descentes de croix (E. Schiltz,Les Ecriteaux infamants de Jean van Eyck, Anvers, 1963-1965, trois brochures polycopiées). Mais à Beaune les caractères sont mélangés; de plus certaines lettres apparaissent dans des positions variables, par exemple renversées tête en bas. De telles inscriptions se rencontrent notamment dans les tableaux du groupe eyckien, dans celui du Maître de Flémalle et dans certaines œuvres anonymes contemporaines (cf. N. Veronee- Verhaegen,"Le Jugement dernier de Diest. Le point de vue de l'historien d'art", dans Bulletin de l'institut royal du Patrimoine artistique (Bruxelles), X, 1967-1968, p. 106-108; T.L. de Bruitt, "Vier Südflandrische Tafeln", dans Das Münster (Munich), XX, 1967, p. 305-308; Idem, "Inschriften auj alten religiösen Abbildungen", Ibidem, XIX, 1966, p. 400-404).

    Les déchiffrer est souvent très difficile. Si le R.P. E. Schiltz, C.I.C.M., Brasschaat, a bien voulu nous communiquer qu’il ne s’agissait pas ici, pour lui, d’un texte hébreu, mais d’un cryptogramme dont l’alphabet est propre à l’artiste et se retrouve notamment sur le retable des Sept Sacrements à Anvers (lettre du l-IV-1973), l’Abbé M. Lejevre, Dijon, qui a eu l’amabilité de donner également son avis sur le problème, se déclare convaincu qu’il s’agit bien de la langue hébraïque (lettre du 4-VIII-1973). M. A. Vanrie, archiviste aux Archives générales du Royaume, Bruxelles, exclut la langue copte (communication du 20-X-1971). Nous pensons que la difficulté majeure de ce genre d’inscriptions provient du fait que les caractères employés ne sont pas nécessairement ceux de la langue du texte: il s’agit parfois de transcriptions phonétiques comme c’est le cas, par exemple, de la devise de Jean van Eyck, la signature de Petrus Christus, ou certains des écriteaux infamants de la croix dans les tableaux de la même époque. C’est aussi le cas, nous l’avons signalé, des inscriptions du manteau du Christ de la Seconde Parousie sur le retable de Gand et sur le Jugement dernier de Diest. Dans ces deux derniers cas, la lecture de l’inscription est indubitable et elle se trouve confirmée par le fait que le texte Rex regum et Dominus dominantium est précisément celui que doit porter le vêtement rouge-sang du Verbe de Dieu lors de la Seconde Parousie (Apoc., XIX, 16). Il est très possible que l’inscription du vêtement du Christ sur le retable de Beaune ait la même signification. Quant au mélange des caractères, choisis dans les trois langues sacrées (J. Schwering, "Die Idee der drei heiligen Sprachen in Mittelalter", dans Festschrift August Sauer, Stuttgart, 1925, p. 3), peut-être signifie-t-il l’universalité du Christ ?  Saint Jean-Baptiste, le dernier des prophètes, porte une inscription plus purement hébraïque et saint Paul, citoyen romain et apôtre des Gentils, un texte entièrement latin. L’introduction de quelques caractères coptes semble difficile à expliquer. Peut-être furent-ils confondus avec du grec? Nous en sommes réduits aux hypothèses."

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    SOURCES ET LIENS.

    — VERONEE-VERHAEGEN (Nicole), 1973, L'Hôtel-Dieu de Beaune ; introduction de Pierre Quarré,  Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle 13, Bruxelles : Centre national de recherches Primitifs flamands. 

    http://xv.kikirpa.be/uploads/tx_news/CORPUS_13_-_BEAUNE_-_1973.pdf

    — L'article Wikipédia est de grande qualité :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jugement_dernier_(Rogier_van_der_Weyden)

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    Published by jean-yves cordier - dans Beaune Retable Inscription
    16 octobre 2016 7 16 /10 /octobre /2016 22:57

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". IV. Les bijoux et ornements.

     

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". IV. Les bijoux et ornements.

     

     

    Voir dans ce blog le début de cette série :

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". I. Les petites fleurs.

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". II. Les personnages et leurs visages.

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". III. Les inscriptions.


     

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    Rappel : comme dans les articles précédents de cette série, je me fonde sur la publication de Nicole Veronee-Verhaegen (1973), dont je cite les extraits entre guillemets et sans référence. Je la complète par mes commentaires, et par des citations (avec référence) d'autres auteurs.

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    PANNEAU 4.

    1°) Le Christ.

     

    Les bijoux et ornements peints par van der Weyden sont sans-doute le reflet de ceux portés à la cour du duc de Bourgogne.

    "Un inventaire des joyaux ducaux est conservé à Lille, intitulé « ce sont joyaulx et vaisselle qui sont à monseigneur de Bourgogne pour savoir où ilz sont ». Dans la marge, on a daté approximativement, « vers 1450 ». On y dénombre 33 fermaux, dix colliers, deux bracelets, trois écharpes, cinq anneaux, un poitrail, un chapeau d’or, deux croix, une chaîne, un grand nombre de pierres précieuses : cent rubis balais, 77 saphirs, dix diamants, six rubis, et 568 perles."

    "Parmi les pierres précieuses [à la cour du duc de Bourgogne], le diamant était le plus apprécié de la personne ducale. Outre sa taille la façon de le tailler était un bon critère de choix. Il pouvait présenter plusieurs faces, « à façon de tablettes », c’est-à-dire à petites faces aplanies, « à façon de losanges ou d’écusson » ; quand les uns étaient plats, d’autres étaient pointus, et certains étaient dits carrés. Une fleur de diamant présentait plusieurs facettes. Les autres gemmes présentes sont le rubis, rouge, et le rubis balais de couleur rose, le saphir, bleu, l’émeraude, verte, l’améthyste, violette. Les perles associaient fréquemment leur blancheur nacrée aux gemmes colorées dans des pièces parfois très chargées. Les pierres et perles pouvaient être acquises seules, conservées par le garde des joyaux en attendant leur utilisation." (Sophie Jolivet)

     "balaiz" ou rubis balais : déformation de "Badakhchan".   Les rubis balais (rose clair), mentionnés par Marco Polo, sont originaires du Badakhchan, province montagneuse de l'extrême nord-est de l'Afghanistan.

     

    Le nimbe du Christ comporte des  rubis sur monture d'or trilobée, des rubis et saphirs sertis sur or,et des  perles. Le relief est rendu d'une part par un ombrage du coté gauche du Christ, celui des damnés ; et d'autre part par le positionnement vers le haut et la droite du reflet blanc cassé de gris de chaque perle. Chaque gemme est rehaussé par un éclat lumineux blanc, dont la position et la forme varie pour témoigner du volume de chaque pierre. La couleur des rubis passe du grenat sombre à gauche au rose délicatement hétérogène. Le bleu des saphirs est atténué par endroits par du gris.

    Les pierres précieuses sont des pierres brutes plus ou moins  sculptées ou polies en forme de cabochon. Les techniques de tailles modernes n'existent que depuis quelques siècles, et ce n'est qu'au cours du XVIIe siècle que la taille connut une avancée majeure grâce à Vincenzo Peruzzi qui inventa la taille brillant à 57 facettes. Auparavant, les pierres dures étaient choisies pour leur couleur, et polies pour en faire des pierres plates ou arrondies. Elles sont décrites dans des ouvrages nommés "lapidaires" qui en donnent les caractéristiques, les vertus médicinales, les origines, les différentes qualités et les façons de les éprouver. Elles représentent, pour les puissants, un capital ou placement financier, qui sera monnayé en cas de difficulté. Mais il existe aussi des Lapidaires chrétiens, qui énumèrent les douze gemmes de la Jérusalem céleste (Apocalypse, 21:19-21) et du pectoral d'Aaron (Exode 28:15-20) . Les douze gemmes représentent les douze tribus d'Israël, mais aussi les douze apôtres (rubis = André, saphir = Philippe, ...) et les vertus. cf. Valérie Gontéro.

    On peut, par curiosité, jeter un coup d'œil à la collection de bijoux de la Duchesse Anne xwde Bavière, peinte en  1552 par Hans Mielich:

    http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/bsb00006598/images/index.html?fip=193.174.98.30&seite=13&pdfseitex=


     

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    Visage nimbé du Christ,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Visage nimbé du Christ, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Sur la poitrine, un fermail retient le manteau. « C’est un cabochon [bleu] sombre dont le chaton à trois redents est entouré d’une moulure » (F. Marot, Les Bijoux à l’époque des ducs de Bourgogne. Le fermail (Mémoire présenté pour l’obtention du grade de licencié en archéologie et histoire de l’art. Université catholique de Louvain, exemplaire polycopié), 1964, p. 263). 

    Le fermail est un saphir enchâssé dans une monture d’or trilobée. Je ne peut discerner s'il s'agit de trois pierres assemblées, ou d'une seule pierre taillée. 

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    Fermail du manteau du Christ, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Fermail du manteau du Christ, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    "Sous les pieds du Juge, le globe de la puissance universelle est décoré de pierreries comme un globe impérial. Le globe lui-même est ocre brun, plus clair au centre, avec lumières empâtées jaune clair coupées de deux traits verticaux du même ton de fond brun clair. L’effet est celui d’un globe de bronze poli. Le décor d’orfèvrerie est fait de perles et de pierres rouges et bleues alternées, enchâssées dans l’or."

    La couleur bleue de chaque saphir vertical est complétée par deux traits  témoignant des reflets, celui de gauche étant blanc et celui de droite étant gris, pour indiquer que la lumière vient de la droite du Christ.

    Les plaies des pieds du Christ sont traitées comme deux rubis.

    Rachel Billinge a étudié en 1997 les bijoux d'un autre tableau de van der Weyden,  La Madeleine lisant. Elle écrit :

    "Les saphirs cousus à l'ourlet ont un reflet composé de deux zones blanches soigneusement placées , une beaucoup plus grande que l'autre, tandis que la lumière secondaire se compose de cinq, ou peut-être six, touches de blanc, apparemment peintes dans l'azurite humide.  La perle à côté de celle-ci est tenue sur un chaton d'or. La perle elle-même et son ombre projetée sont composées de divers mélanges de blanc, d'azurite et de laque, tous peints humides sur humides [donc en retravaillant la matière en cours de séchage]". Voir les figures 54 et 55 ici.

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    Globe sous les pieds du  Christ, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Globe sous les pieds du Christ, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    2°) L'ange du Jugement (Saint Michel).

    "Saint Michel a les yeux gris-bleu et les cheveux châtain clair. Le teint est plus clair et rosé que celui du Christ. L’archange porte un diadème bleu foncé orné de cinq perles entourant un rubis. L’amict et l’aube sont blancs à ombres gris-violet et hautes lumières blanc chaud. L’étole et les ornements de l’aube et de l’amict sont faits du même chatoyant brocart que la chape : un splendide rouge et or, obtenu par les jeux des glacis de garance. L’or de la chape, y compris les galons et les franges, est fait de jaune sur un fond gris-brun.

    "Les perles ont des reflets bleutés, surtout dans l’ombre à droite, et les pierres rouges et bleues sont enchâssées dans de l’or. La doublure de la chape est d’un vert très entaché de dégâts.

     

    "Les ailes sont grises à l’intérieur, de nuances variées. A l’extérieur, elles sont brun-rouge, passant du sombre au clair selon l’incidence de la lumière sur la surface courbe. Les yeux des plumes de paon ont un centre noir-blanc, cerclé de jaune, puis de brun, puis de gris en un jeu de couleurs assez lourd.

    La balance est faite d’un métal bleu sombre, presque noir. Aux anneaux de cuivre pendent trois cordes brunes à lumières claires, reliées aux anneaux par des floches rouges à lumières très claires et aux plateaux par trois cordelettes de même couleur que les floches. Le cuivre des plateaux est rendu par l’ocre brune et grise rehaussée de lumières jaunes. On y distingue ce qui pourrait représenter quelques reflets rosés des chairs." (N. V-V) 

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    Saint Michel,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Saint Michel,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    "Le mors [fermail de chape] est orné d’un rubis entouré de trois perles; l’or en est d’un ton différent de celui de la chape."

    Un tel bijou est attesté à la cour des ducs de Bourgogne en 1432 : " Le prix des joutes du premier jour, offert par le duc ([Philippe le Bon], était un fermail garni de trois perles et un rubis, d’une valeur de trente livres" Archives départementales du Nord  B 1948, f. 316 r°.

    Ou bien : "En 1442, Philippe offrit à son épouse pour le premier jour de l’année [...] un petit fermail pendant devant, « ouquel à une bien grosse perle et ung bon ruby dessus ». Il valait 780 livres" (S. Jolivet)

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    Fermail du manteau de saint Miichel, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Fermail du manteau de saint Miichel, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Orfrois du manteau de saint Michel : rangées de perles et succession de saphirs et de rubis ou rubis balais en alternance.

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    Bordure du manteau de Saint Michel,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Bordure du manteau de Saint Michel, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Bordure du manteau de Saint Michel,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Bordure du manteau de Saint Michel, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    PANNEAU DEUX.

    Le pape. 

    " Le visage encore jeune, tiare en tête, il est vêtu de ses ornements liturgiques: aube et amict, dalmatique et chape. Seule lui manque la chasuble, par respect pour le Christ, seul prêtre ici. La pointe d’une mule blanche apparaît au bas des vêtements. Le velours violet de la chape se poursuit au delà du cadre, sur le panneau suivant."

    "Fanons, amict, aube et mule visible sont blancs à ombres grises. Les vêtements liturgiques sous la chape sont ornés de brocart bleu et or. "

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    Panneau 2,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    La chape et ses  orfrois.

    La chape elle-même est taillée dans un riche velours violet sombre, doublé de vert clair et bordé dans le bas d’un liseré or. La bille et les orfrois sont tissés de fils d’or et présentent en des tons assourdis, brunâtres mais toujours identifiables, des personnages en des édicules dorés sur fonds rouges.

    Le mors de sa chape est rectangulaire, divisé en deux niches gothiques couleur or  décorées d’un saphir et d’un rubis.

     Sur les orfrois on reconnaît saint Pierre avec la clef, saint André avec la croix caractéristique et saint Jacques le Mineur avec la  batte de foulon .

    —On comparera avec la chape de Saint Donatien dans la Vierge du chanoine van der Paele de Van Eyck (1434-1436) , elle aussi dotée d'orfrois à personnages : la Vierge et l'Enfant , et le Christ

    http://vlaamseprimitieven.vlaamsekunstcollectie.be/en/collection/madonna-with-canon-joris-van-der-paele

    — On comparera aussi avec la chape pluviale de Luis Osorio de Acuña sur le retable de la Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, et la chape du XVe siècle conservée dans cette cathédrale. :

    http://www.lavieb-aile.com/article-la-chasuble-de-la-chapelle-de-burgos-118652151.html

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    Panneau 2,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Saint Pierre.

    Panneau 2,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Saint André.

     

    Panneau 2,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    Saint Jacques le Mineur.

    Saint Jacques le Mineur. Panneau 2,  Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

    Saint Jacques le Mineur. Panneau 2, Rogier Van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier, Hospices de Beaune. Photographie lavieb-aile.

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    DISCUSSION.

    Le souci de rendre chaque objet avec un réalisme extrême est propre à la peinture flamande initiée par Jan van Eyck, et s'exerce avec un brio sans précédent dans le Polyptyque de l'Agneau Mystique de Gand (1432). Auparavant, les artistes appliquaient de l'or et des pierres précieuses sur la surface peinte, alors que Jan van Eyck a recours à des pigments mélangés dans de l'huile. Après  une étude minutieuse de la manière dont la matière reflète ou absorbe la lumière, il s'efforce de peindre exactement ce qu'il voit et atteint alors un degré de fidélité inégalé dans l'imitation de la nature. De par ses propriétés techniques intrinsèques, la peinture à l'huile permet de restituer toutes les nuances, tons et saturations de couleurs, de l'opaque au translucide.

    Je propose d'examiner un détail du Polyptyque de l'Agneau Mystique qui comporte des pierres précieuses, des perles, des brocarts, une chape avec son fermail et ses  orfrois à personnages. :

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    Ange chanteur (détail) Van Eyck, Polyptyque de l'Agneau Mystique (1432), cathédrale de Gant, macrophoto http://vaneyck.kikirpa.be/

    Ange chanteur (détail) Van Eyck, Polyptyque de l'Agneau Mystique (1432), cathédrale de Gant, macrophoto http://vaneyck.kikirpa.be/

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    Nous voyons ici que van der Weyden est un héritier parfait de cet art de van Eyck.

    Les pigments utilisés sont (d'après S. Desprouw-Augustin) et l'analyse par la National Gallery de cinq tableaux de van der Weyden de ce musée:

    • "des pigments verts : du vert-de-gris (vert sombre), un mélange plomb-étain (vert clair/jaune). La robe de Marie-Madeleine, par exemple, est faite d'une alternance des deux pigments suivant les ombres et les parties éclairées.

    • des pigments rouges : très souvent du laque rouge (une résine), du vermillon (orangé, d'origine minérale), rarement de la garance (issue d'une plante tinctoriale, et qui met des mois à sécher. Le modelé est donné par un glacis rose mêlant laque rouge et blanc de plomb (d'autant plus épais que la zone est éclairée).

    • des pigments bleus : azurite (minérale riche en cuivre, moins précieux que le lapis-lazuli), un peu d'outremer (poudre de lapis-lazuli). Il obtient du pourpre par mélange azurite/laque rouge. Du blanc de plomb (également appelé céruse) en sous-couche ou en mélange, pour nuancer le bleu, lui donner de la profondeur.

    • En somme, il utilise les couleurs les plus courantes à l'époque. Le fait qu'il n'emploie presque pas de rouge de garance tendrait à indiquer un besoin de peindre vite pour satisfaire de nombreuses commandes. En effet, cette matière d'origine végétale met des mois à sécher."

    Par contre Nicole Veronee-Verhaegen mentionne  l'utilisation de la laque de garance pour le Polyptyque de Beaune.

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    SOURCES ET LIENS.

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    — VERONEE-VERHAEGEN (Nicole), 1973, L'Hôtel-Dieu de Beaune ; introduction de Pierre Quarré,  Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle 13, Bruxelles : Centre national de recherches Primitifs flamands. 

    http://xv.kikirpa.be/uploads/tx_news/CORPUS_13_-_BEAUNE_-_1973.pdf

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    — BILINGE (Rachel) 1997, Lorne Campbell, Jill Dunkerton, Susan Foister, Jo Kirby, Jennie Pilc, Ashok Roy, Marika Spring and Raymond White  "The Materials and Technique of Five Paintings by Rogier van der Weyden and his Workshop", National Gallery Technical Bulletin Volume 18,

    http://www.nationalgallery.org.uk/upload/pdf/van_der_weyden1997.pdf

    — Closer to van Eyck; Rediscovering the Ghent Altarpiece.

    http://vaneyck.kikirpa.be/

     

    —  DEPROUW-AUGUSTIN (Stéphanie) ,2012, La ligne droite de Rogier Van der Weyden, blog Apprendre à voir :

    https://deprouw.fr/blog/la-droite-ligne-de-rogier-van-der-weyden-2/

    —  DEPROUW-AUGUSTIN (Stéphanie) ,2012, Jan van Eyck, la grandeur au miroir de l'intime

    https://deprouw.fr/blog/jan-van-eyck-la-grandeur-au-miroir-de-lintime/

    — GONTERO (Valérie), 2006, « Un syncrétisme pagano-chrétien : la glose du Pectoral d’Aaron dans le Lapidaire chrétien », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2006, mis en ligne le 29 janvier 2010, consulté le 04 novembre 2016. URL : http://rhr.revues.org/5212 ; DOI : 10.4000/rhr.5212

    — GONTERO (Valérie), Le lapidaire chrétien. Transcription du manuscrit 164 (Res. Ms. 12) de la Bibliothèque municipale Méjanes d’Aix-en-Provence (sigle M) par Valérie Gontéro

    http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/lapidaire/Lapidairechretien.htm

    — JOLIVET (Sophie), 2003. Pour soi vêtir honnêtement `a la cour de monseigneur le duc : costume et dispositif vestimentaire à la cour de Philippe le Bon, de 1430 à 1455. Sciences de l’Homme et Société. Université de Bourgogne, 2003.

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00392310/document

    — Idem, Tome 2. Annexe :

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00392310/file/doc_maitre_Annexes_3.pdf

     

    — LABORDE (Léon de ) Glossaire français du Moyen Âge à l'usage de l'archéologue et l'amateur des arts précédé de l'inventaire de Louis, duc d'Anjou dressé vers 1360. Slatkine Reprints Genève 1975

    https://books.google.fr/books?id=nJDxce7BD2wC&dq=%22mors%22+fermail&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

    — MANDEVILLE (Jean de) (1300?-1372) Le lapidaire du quatorzième siècle : description des pierres précieuses et de leurs vertus magiques ([Reproduction en fac-similé]) / d'après le traité du chevalier Jean de Mandeville... ; avec notes, commentaires... [par] Isaac Del Sotto  Éditeur :  Slatkine (Genève) [diffusion Champion] (Paris) 1862  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k22335b/f39.vertical

     

    Le Lapidaire de Jean de Mandeville constitue une somme qui réunit les trois types de lapidaires : la présence du zodiaque et des planètes le rapproche du courant magique ou astrologique ; la description des gemmes et de leurs vertus le situe dans le courant scientifique ; les références aux pierres saintes et aux douze gemmes du pectoral d’Aaron sont empruntées au lapidaire chrétien. Il traite une soixantaine à une centaine de gemmes, selon les manuscrits. Léopold Pannier recense trois manuscrits du Lapidaire de Jean de Mandeville, du XVe  au XVIIe  siècle  ­ Paris, Bibliothèque nationale de France, fr.4836 ­ Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 9136 ­ Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, ms. 11058  ­ (attribution incertaine : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 14830)

    Un autre manuscrit est conservé à la Bibliothèque Méjanes d’Aix­ en Provence : il s’agit du manuscrit 1254 (1137)

    http://gsite.univ-provence.fr/gsite/Local/cuerma/dir/user-1086/Gontero-lapidaireFV.pdf

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    Published by jean-yves cordier - dans Beaune Retable
    16 septembre 2016 5 16 /09 /septembre /2016 22:53

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". II. Les visages.

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe".

    II. Les personnages et leurs visages.

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    Voir dans ce blog :

    • Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". I. Les petites fleurs.

    • La tapisserie de l'Agneau mystique des Hospices de Beaune.

    • La tapisserie de saint Antoine aux Hospices de Beaune. Les volets du Polyptyque du Jugement Dernier.
    • La tenture de la Vie de la Vierge de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

    • Les peintures murales de la chapelle Saint-Léger de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

    • La tapisserie de Saint Éloi aux Hospices de Beaune.

    • La tenture de la Vie de la Vierge de l'église Notre-Dame de Beaune.

    • ​La Vierge au buisson de roses (1473) : Martin Schongauer et les oiseaux. Comment chercher la petite bête d'un tableau.

    • Ne me touche pas : Martin Schongauer et les petits oiseaux.

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    Le polyptyque du Jugement Dernier de Rogier van der Weyde est exposé aux Hospices de Beaune dans une salle spécialement aménagé, et qu'il partage seulement avec trois tentures. C'est dire que le visiteur dispose des meilleurs conditions pour admirer ce chef d'œuvre. S'il veut en examiner les détails, une loupe de forte taille se déplace devant le retable, actionné par un moteur et une télécommande. Hélas, pour ce que j'en sais, le maniement de cette dernière est reservé aux guides patentés, qui choisissent les zones qu'ils souhaitent commenter. Loupe ou pas, télécommande ou pas, il est toujours agréable de disposer chez soi, sur son ordinateur, d'images mettant en évidence la prodigieuse technique des peintres primitifs flamands et leur maîtrise du rendu d'infimes détails. 

    C'est ce que je souhaite proposer ici, avec mes faibles moyens, basés sur les images prises sur place en dilletante avec un zoom de 400 mm.

    La précision avec laquelle ce retable a été réalisé n'a d'égale que celle avec laquelle les amateurs et les spécialistes l'ont étudié. Et ma chance a été de trouver, accessible en ligne, la publication de Nicole Veronee-Verhaegen L'Hôtel Dieu de Beaune, (1973), treizième monographie du Centre National de recherches "Primitifs Flamands" dans laquelle j'ai trouvé tous les renseignements dont je pouvais rêver. Cet article fait largement appel à ce travail, fruit des recherches du "Groupe Weyden". Les initiales N.V-V renvoient à cette publication, mais j'ai ôté de ces extraits les références bibliographiques. 

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    Les panneaux inférieurs du Polyptyque sont numérotés de la gauche vers la droite de 1 à 7. 

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    LE PANNEAU 4. LE CHRIST ET L'ANGE DU JUGEMENT.

     "C’est précisément le manteau rouge du Christ, centre de gravité du retable, qui avait échappé au badigeon de la salle Saint-Louis et qui contribua ainsi au sauvetage de l’oeuvre en attirant l’attention, en 1836, de Canat de Chizy. Des quinze panneaux, c’est le panneau central (4) seul, qui n’a été ni scié, ni transposé, et qui est de loin le mieux préservé de tous." (N. V-V)

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    L'étude infra-rouge et radiographique montre d'importants changements en cours d'exécution. a) Le Christ a été surélevé de 4 à 5 cm et saint Michel a été allongé vers le bas, d’où l’accentuation de l’axe vertical dominant la composition.b) Les modifications de la ligne d’horizon et les étrangetés dans les formes des nuages à hauteur du ciel bleu, remarquées aussi dans les deux autres panneaux du centre (3 et 5), montrent une préoccupation de mise en place de l’horizon. Celui-ci aurait été successivement abaissé pour surélever par contraste la position du Christ et augmenter l’effet dominateur de la figure de saint Michel. "

    "Une tendance à l’allongement se dessine parmi les grandes figures, surtout dans celles qui sont axiales. Le cas typique est l’axe vertical Christ-saint Michel. L’archange a été allongé par le bas, tandis que le Christ était surélevé avec l’arc-en-ciel sur lequel il est assis. Au revers, le saint Antoine est un exemple du même phénomène. En accentuant le verticalisme, le peintre a augmenté considérablement la valeur expressive de la composition."(N. V-V)

     

     

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Comparer le thème du Jugement Dernier avec :

    LES SOURCES POSSIBLES ?

    -— Le tympan du portail de la cathédrale d'Autun  (XIIe siècle) : le donateur Nicolas Rolin est né à Autun, a exercé son mécénat au profit de la collégiale d'Autun en y érigeant Notre-Dame du Châtel. Son fils, le cardinal Rolin, fut évêque d'Autun.

    —L'enluminure du Livre d'Heures de Catherine de Clèves (vers 1434).

     

    —Le Diptyque de la Crucifixion et du Jugement Dernier de New-York peint par Van Eyck vers 1430:

    https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8b/Jan_van_Eyck_-_Diptych_-_WGA07587%2C_right_panel.jpg

    —La lettrine R du folio 116 , Messe des morts, enluminure de Van Eyck du manuscrit de Turin Milan vers 1420-1425 :

    http://www.guides-lille.com/spip.php?article11

    MAIS pour Nicole Veronee-Verhaegen :

    "Les sources souvent citées à propos du retable de Beaune: tympans des cathédrales, monuments funéraires tournaisiens , tableaux peints par van Eyck, Lochner ou l’anonyme de Diest  restent insuffisantes. Elles intéressent l’évolution du thème mais n’expliquent pas la composition du Jugement de Beaune dont elles diffèrent en bien des points. En aucun cas, il n’y a de filiation comparable ci celle qui existera plus tard entre les compositions de Rogier et celles de Memlinc, Vrancke van der Stockt et Colyn de Coter. L’exemple de Beaune reste unique par l’emploi d’un poyptyque articulé qui permet une répartition nouvelle des éléments et une expansion du sujet toute en largeur. Une symétrie rigoureuse s’organise ici autour d’un axe vertical sévère, où la droite l’emporte régulièrement sur la gauche: le bien sur le mal, les élus sur les damnés, le :iel sur l’enfer et aussi, plus subtilement, la Vierge sur le Précurseur, saint Pierre sur saint Paul, les saints sur les saintes, l’homme sur la femme, la croix sur la colonne, le lys sur le glaive. Comparée aux compositions qui l’ont précédée, celle de Rogier est essentiellement claire et hiérarchisée. On a remarqué même qu’elle préfigurait en un certain sens des compositions aussi classiques que la Dispute de Raphaël et la Toussaint de Dürer. Cette clarté peut avoir été nécessitée par le fait que les malades de l’hôpital, répartis dans une salle de 72 m de long, devaient voir et comprendre le sujet, même à distance, au moins dans scs grandes lignes. Ceci explique aussi les vigoureux accents de couleurs et peut-être la forme particulière du panneau central qui met en évidence la figure capitale du Christ. Ces motivations pratiques ont heureusement rencontré deux caractères fondamentaux de l’art de Rogier, sa clarté et son sens religieux profond." (N. V-V)

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    LES ARTISTES INSPIRÉS PAR CE POLYPTYQUE.

    — Le Jugement Dernier (1467-1471) de Hans Memling à Gdansk, Musée Narodowe. Il s'agit d'une reprise par Memling du panneau central du Polyptyque de Beaune. Mais la balance penche du coté inverse, la "vertu" pesant plus lourd que le "péché". 

    "A part le Christ, le buste de la Vierge seul pourrait témoigner d’un rapport direct, bien que peut-être moins textuel. Saint Jean-Baptiste, les apôtres et les anges aux instruments de la Passion n’offrent plus que des analogies très vagues. Saint Michel, les anges buccinateurs, les ressuscités, le paradis et l’enfer sont tout à fait autres. Enfin, par l’esprit et par le style, ces deux retables célèbres présentent un monde de différence." (N. V-V)

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    — La peinture murale du Jugement Dernier ( 1489-1491) de Breisach par Martin Schongauer. Lorsque Martin Schongauer séjourna vers 1469 en Bourgogne, il fut émerveillé par le retable de l’Hospice de Beaune. Il en copie des parties, dont un Christ du Jugement (1469) conservé au Louvre.

    — Les tapisseries du Jugement Dernier (Tenture des Péchés Capitaux) de l'atelier de Philippe le Mol  vers 1500 :  Trois versions au moins d’après le même carton sont conservées a) à Paris, Louvre, inv. n° OA 5523, ;  b) à Worcester, Massachusetts, Art Muséum, inv. n° 1935.2, 3,66 X 8,08 ni; ; et c) à Rome, Vatican .

     

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    Le Christ.

     "L’arc-en-ciel, signe de l’alliance divine (Gn., IX, 12-17), entoure le trône de Dieu (Apoc., IV, 3; ). Le fond d’or représente la lumière éternelle, dont le Christ, Lux mundi, est l’incarnation . La nuée entoure l’apparition céleste (Dan., VII, 13; Luc., XXI, 27; Matth., XXIV, 30) et ceux qui l’accompagnent. La position éminemment surélevée de la personne du Christ n’est pas unique dans l’oeuvre de Rogier . Elle est consciemment voulue dans le retable de Beaune puisqu’elle a été encore accentuée en cours de travail ." 

    "Le Christ a les yeux d’un brun translucide; des points rouges en marquent les coins intérieurs. Les cheveux et la barbe sont châtains, le visage légèrement basané. Les plaies des mains et des pieds sont rouges avec des lumières qui donnent un effet brillant de pierres précieuses. " (N.V-V 1973)

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Le Christ, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Le Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    1) Comparer avec Hans Memling 1481 :

     

     

    https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Memling_Christ_giving_blessing.jpg

    "Le triptyque du Jugement dernier par Memlinc, conservé au Muzeum Pomörskie de Gdansk (inv. n° M/568/ MPG; Bialostocki 270 Corpus n° 120), présente une parenté évidente avec le retable de Beaune au point que l’auteur du second en date n’a pu ignorer le premier. Les rapports entre ces deux œuvres importantes ont beaucoup préoccupé les historiens d’art dès le XIXe siècle. Les Allemands surtout se sont penchés sur ce beau dossier de critique stylistique. Parmi une cinquantaine d’auteurs, au moins, qui ont discuté cette question, quelques noms doivent être cités: Waagen, Kugler, Passavant, Förster , Schnaase, Jessen, Kämmerer, Voll, Winkler, Friedländer, Panofsky, Bialostocki, McFarlane. Dans l’étude des rapports entre les deux retables, la figure du Christ-Juge occupe une place privilégiée.  Alors que l’ensemble de la composition chez Memlinc révèle de nombreuses réminiscences générales qui font supposer une connaissance indirecte ou estompée de l’œuvre de Rogier, le Christ est une reprise textuelle de l’original de Beaune impliquant une copie soit directe soit par l’intermédiaire d’une autre copie directe, peut-être un dessin. L’imitation formelle du modèle, malgré la transformation due au style personnel du second auteur, est ici parfaitement claire" (N. V-V)

    —Voir le vitrail de Véronique Ellena à  la cathédrale de Strasbourg inspiré par ce visage :

    http://www.lavieb-aile.com/2016/05/le-vitrail-des-cent-visages-2015-de-veronique-ellena-et-pierre-alain-parot-a-la-cathedrale-de-strasbourg.html.

    2) Comparer avec Rogier van der Weyden : le Triptyque Braque, (1450), Le Louvre.

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    https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fa/The_Braque_Triptych_interior.jpg

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    Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda http://www.photo.rmn.fr/archive/88-001991-2C6NU0H43VQP.html

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    L'Ange de la pesée des âmes : Saint Michel ?

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    "Saint Michel a les yeux gris-bleu et les cheveux châtain clair. Le teint est plus clair et rosé que celui du Christ. L’archange porte un diadème bleu foncé orné de cinq perles entourant un rubis."

     

     

     

    "Exactement dans le prolongement vertical de la figure du Christ, celle de saint Michel en répète l’attitude dont elle prolonge la portée jusque dans les plateaux de la balance: montée à sa droite, descente à sa gauche. Ce parallélisme  frappant est propre au Jugement dernier de Beaune. C’est une création du peintre, dont l’idée, au moins pour la balance, lui est venue pendant qu’il composait l’oeuvre . Le rôle de l’archange comme émanation et même comme personnification de la Justice divine est ainsi singulièrement accentué. Strictement frontal comme le Christ, l’archange fixe aussi le spectateur, comme pour impliquer dans le jugement non seulement les ressuscités que l’entourent, mais tout homme qui verra le tableau. C’est également pourquoi, pied gauche en avant, il semble faire un pas vers nous. Les somptueux ornements liturgiques sont ceux du diacre. Ils comportent l’amict, l’aube retenue par le cordon, l’étole et une chape de brocart attachée par un mors à motif trinitaire. La tête, sans auréole, est ceinte d’un diadème, un simple bandeau noir orné d’un bijou fait d’un rubis entouré de cinq perles.

    Bien que ses gestes fassent écho à ceux du Christ, l’ange ne bénit ni ne réprouve mais se consacre entièrement à l’acte du jugement. De la droite, il élève haut — pour que tous la voient — une grande balance à aiguille dont les bassins contiennent l’un la personnification des vertus, l’autre celle des péchés. La main gauche s’écarte du fléau en signe d’impartialité. La psychostasie, ou pesée des âmes, est une figuration qui remonte à l’antiquité égyptienne. Le fléau de la balance peut être horizontal, comme sur la mosaïque de Torcello, mais la plupart du temps, notamment dans les nombreuses figurations relevant de l’art des cathédrales (Autun, Paris, Amiens, Bourges ...), il s’incline du côté du bien, représenté comme le plus lourd. Rogier, après hésitation, a renversé le fléau de la balance: c’est le mal qui est plus lourd.

    Les damnés étant, dans son retable, plus nombreux que les élus, on peut croire qu’il s’agit d’une vision pessimiste de l’humanité.

    Panofsky s’est préoccupé de cette question. Il s’agit aussi, pour cet auteur, d’un retour à une notion dont il voit la racine dans l’antiquité: le côté favorable correspond à une élé vation, le côté défavorable à un abaissement . Ceci fut approuvé par Held, tandis que Villette et McFarlane  en retiennent surtout la vision pessimiste: c’est le mal qui l'emporte. Veronee-Verhaegen proposera d’expliquer l’élévation du bien et l’abaissement du mal chez Rogier à la lumière du texte de l'Elucidarium d'Honorius d'Autun. Cette conception explique aussi un autre trait caractéristique du retable de Beaune, l’absence de démons. Le poids des péchés sur la conscience suffit pour faire tomber en enfer les damnés rendus lourds comme du plomb.  

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    Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Les ailes ocellées.

    "Les ailes sont ocellées, comme faites de plumes de paon. Ce motif n’est pas isolé. On le trouve notamment chez l’un des anges thuriféraires devant l’autel de l’Agneau sur le retable de Gand. Il laisse place à trois interprétations. Comme il est l’attribut des chérubins, l’ange, ici, pourrait être un chérubin. C’est l’avis de Clément de Ris. Pour McFarlane, il s’agit d’une allusion au paon, emblème de vie éternelle. Saint Augustin, dans le De Civitate Dei, raconte comment il expérimenta la résistance à la putréfaction de la chair de paon et conclut qu’ainsi les damnés résisteront pour toujours, corps et âme, aux tourments de l’enfer . D ’autre part, les ocelles de Beaune semblent bien faites pour représenter des yeux: elles ressemblent à des pupilles avec des reflets lumineux . Sans être nécessairement une allusion à la légende d’Argus — puisque les chérubins et les animaux de l’Apocalypse étaient également couverts d’yeux (Apoc., IV, 6 et 8) — elles peuvent signifier la justice suprême basée sur la connaissance totale: rien n’échappera aux yeux de Dieu. " (N. V-V)

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    Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    L'identité de l'ange .

    L'identité de l'ange qui procède à la pesée des âmes (psychostasie)  n'est pas précisée par le peintre, 

    "Pour Künstle, l’ange chargé de la pesée des âmes n’est pas nécessairement saint Michel. Memlinc, le premier, indiquera clairement qu’il s’agit de l’archange, en le revêtant de son armure . On peut croire pourtant que Memlinc suivait une tradition et que pour lui l’ange de Beaune était déjà saint Michel. Une confirmation a posteriori se trouve peut-être dans un volet de retable conservé à la Bob Jones University Collectioti of Religions Paintings, Greenville, S.C. . Il représente saint Michel à la fois comme vainqueur du démon et comme peseur d’âmes; il porte les vêtements liturgiques comme à Beaune. Le tableau, attribué à Colyn de Coter, est postérieur de quelque cinquante ans au polyptyque, mais il est l’œuvre d’un peintre bruxellois qui dut beaucoup à Rogier van der Weyden et qui semble avoir connu la composition créée pour Nicolas Rolin. En dehors de la peinture flamande, on peut d’ailleurs citer quelques exemples de ce type, antérieurs au retable de Beaune, remontant même à la seconde moitié du XlVe siècle."

    "De toutes façons, la psychostasie semble n’avoir été confiée que tardivement à saint Michel lui-même. Un texte apocryphe d’origine égyptienne, le Testament d’Abraham, décrit un autre ange, Dokiel, balance en main, pesant les bonnes et les mauvaises actions; l’archange Michel est néanmoins le responsable des morts. Peu à peu, il aurait cumulé toutes les fonctions funéraires. Rappelons que chez les musulmans, c’est l’archange Gabriel qui tient la balance. La contamination du culte de saint Michel par celui de Mercure serait d’origine gnostique et pendant longtemps suspecte à l’Eglise. Une raison d’accepter l’identification de saint Michel dans le retable de Beaune, malgré les réticences de certains , c’est précisément ce rôle funéraire de l’archange, rôle de psychagogue — ou psychopompe — qui ne semble pas avoir été suspect celui-là. La liturgie y fait de nombreuses allusions (e.a. l’offertoire et l’épître de la messe des morts, l’antienne des vêpres de l’office de saint Michel et l’alleluia de la messe, le 29 septembre) de même que la Légende dorée . C’est à l’archange qu’est dévolu l’appel des âmes et leur conduite en paradis. A Beaune, le sens funéraire global du sujet — dont il sera question plus loin — peut contribuer à expliquer l’importance exceptionnelle donnée sur le retable à saint Michel, l’ange des morts. Enfin, saint Michel était invoqué contre la peste, selon la légende de son apparition à Rome au sommet du Château-Saint-Ange pendant l’épidémie de 580. Or l’Hôtel-Dieu a été fondé à la suite d’une épidémie de peste et, à l’extérieur du retable, les donateurs vénèrent deux autres saints protecteurs souvent invoques contre ce fléau, Sébastien et Antoine l’Ermite. " (d'après N. V-V)

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    Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Dans la balance : Virtutes et Peccata.

    "Les deux petites figures masculines dans les bassins de la balance ré­pondent aussi à cette caractéristique bien qu’elles ne soient pas des ressuscités mais des allégories du bien et du mal. Suivant une convention fréquente les carnations des hommes sont plus hâlées que celles des femmes. Pendant près d’un demi-siècle, au moment de la découverte et des premières études du retable, les nus étaient tous couverts de robes brunes ou de flammes depuis le cou jusqu’aux chevilles et aux poignets. Bien qu’ils aient été dégagés par la suite , leur état de surface déficient a peut-être continué à empêcher qu’ils ne reçoivent l’attention méritée à la fois par leur grande valeur expressive et par leur aspect «classique » . Avant le dégagement, certains auteurs ont pris pour une femme rayonnante de bonheur, la figurine personnifiant les vertus."

     

    Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Virtutes, la Vertu s'élève dans le plateau de l'ange psychostase. Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Virtutes, la Vertu s'élève dans le plateau de l'ange psychostase. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    PANNEAU 3 : LA VIERGE.

    "La lumière dans le manteau gris-bleu est faite d’un glacis jaune clair avec petites touches transversales. Ces matières ont les cratères minuscules caractéristiques de l’émulsion. Le contour marqué du visage de la Vierge est original. Les auréoles sont gravées, et il y a souvent décalage entre la gravure et l’exécution. Les rayons, comme ailleurs, sont faits d’une couche blanche en relief, dorée."

    "Les deux intercesseurs de la Deèsis, la Vierge Marie et saint Jean-Baptiste, sont reliés au Christ par l’arc-en-ciel dont ils occupent chacun une extrémité. Leur prière s’exprime par les mains jointes, le regard levé et l'agenouillement. Celui-ci n’est pas encore complet; en fait, ils glissent de leur siège pour tomber à genoux.

    Tous deux portent la même grande auréole d’or garnie de rayons. Marie est vêtue d’une robe de velours (?) bleu foncé dont le bas et les manches sont garnis d’une double rangée de perles interrompue, toutes les cinq perles — ou toutes les dix si l’on compte les deux rangées — par un rubis rehaussé de quatre petits grains d’or. Ce décor peut être une allusion au rosaire: les perles seraient les Ave et les rubis, les Pater. "

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    "Un manteau plus foncé bordé d’un léger liseré d’or, est retombé sur les épaules, dégageant la guimpe à mentonnière. La beauté du visage et des mains a frappé nombre d’auteurs. Il est difficile de lui donner un âge mais, portant la guimpe, elle ressemble plus à la mère du Christ de la Passion qu’à la jeune femme de Nazareth ou de Bethléem."  (D'après N. V-V)

     

    La Vierge, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 3  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    La Vierge, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 3 Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Comparaison : Détail du  Triptyque Braque, (1450), Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda 

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    PANNEAU 5. SAINT JEAN-BAPTISTE.

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    "Saint Jean-Baptiste a la barbe et les cheveux châtain foncé, abondants et bouclés. Il est vêtu de sa traditionnelle tunique en peau de chameau, à longues manches, recouverte d’un grand manteau boutonné sur l’épaule droite. Ce manteau est bordé d’inscriptions d’or non encore déchiffrées." 

     

     

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    "Saint Jean-Baptiste porte une tunique en peau de chameau de couleur brune, plutôt claire, beige rosé à l’intérieur. Son manteau, face et revers, est d un gris légèrement violacé. Des inscriptions et un liseré d’or en décorent la bordure. Le saint a les cheveux, la barbe et les yeux brun foncé. Du rouge marque le coin intérieur des yeux. Le banc derrière lui est d’une couleur gris-blanc, dite « pierre de France », semblable à celui de la Vierge qui lui fait face."

     

     

     

     

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    Saint Jean-Baptiste, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5,   Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Saint Jean-Baptiste, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Comparer avec le volet du Triptyque Braque (1450) de Rogier van der Weyden.

    http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PKMXKDNT7&RW=1600&RH=755 Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda 

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    PANNEAU 2. ASSEMBLÉE DES SAINTS.

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     Derrière les apôtres, mais s’agenouillant comme la Vierge et le Précurseur dont ils répètent la prière d’intercession, des saints nimbés se divisent en deux groupes: quatre hommes à la droite du Christ et trois femmes à sa gauche.

    "Le premier saint est un pape. Le visage encore jeune, tiare en tête, il est vêtu de ses ornements liturgiques: aube et amict, dalmatique et chape. Seule lui manque la chasuble, par respect pour le Christ, seul prêtre ici. [...]. A la gauche du pape, un roi, jeune également, porte une couronne à fleurs de lys sur ses cheveux bouclés. Sa somptueuse pelisse de brocart vert et or est doublée de fourrure brune, apparemment de la martre. Entre ces deux personnages, en recul et peu visible, un évêque est reconnaissable à sa mitre décorée, comme la tiare et la couronne, de pelles, de rubis et de saphirs alternés. Le quatrième personnage Le quatrième saint est plus énigmatique. Son vêtement sombre est indiscernable. Peut-être s’agit-il d’une bure monacale ? Le visage est âgé, le front chauve, les cheveux blancs. Le regard un peu vague semble se diriger vers le spectateur. Deux auréoles derrière la sienne semblent indiquer la présence d’autres saints invisibles." (N. V-V)

    "Trois de ces personnages ont les traits individualisés comme s’il s’agissait de portraits: le pape, le roi et le vieillard. Aussi ces deux groupes de saints ont-ils fait couler beaucoup d’encre. Dès 1836, lors de la première publication véritable du polyptyque, Billardet reconnaissait dans les personnages couronnés le duc et la duchesse de Bourgogne, dans le pape, celui « de cette époque » et dans l’évêque, « probablement Jean Rolin, évêque d’Autun, fils du chancelier ». Cette opinion reflétait sans doute la tradition  locale. La même année un autre auteur identifia le pape avec Eugène IV, reprit l’identification de Philippe le Bon, et précisa celle de la duchesse: Isabelle de Portugal, troisième épouse du duc. Waagen vit dans le vieillard Nicolas Rolin et Eastlake, en 1861, rapporta la tradition qui reconnaissait en plus, du côté féminin, Guigone de Salins dans la sainte à la torsade, en pendant obligé de son mari le chancelier."(idem)

     

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    "Le premier saint est un pape. Le visage encore jeune, tiare en tête, il est vêtu de ses ornements liturgiques: aube et amict, dalmatique et chape. Seule lui manque la chasuble, par respect pour le Christ, seul prêtre ici. [...]. A la gauche du pape, un roi, jeune également, porte une couronne à fleurs de lys sur ses cheveux bouclés. Sa somptueuse pelisse de brocart vert et or est doublée de fourrure brune, apparemment de la martre. Entre ces deux personnages, en recul et peu visible, un évêque est reconnaissable à sa mitre décorée, comme la tiare et la couronne, de pelles, de rubis et de saphirs alternés. Le quatrième personnage a les carnations plus pâles et plus roses que les autres, les cheveux gris-blanc, les yeux sombres, gris-brun, le vêtement noir. Les carnations de la femme ressuscitéc sont légèrement plus claires que celles de l’homme. Tous deux ont les yeux brun clair et les cheveux châtains. L’homme qui sort de terre a les yeux et les cheveux brun sombre." (N. V-V)
    Un pape, un évêque, un roi et un moine, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Un pape, un évêque, un roi et un moine, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    "Une soixantaine d’auteurs, au moins, reprendront ou disputeront ces dits « personnages historiques », allant jusqu’à s’en servir pour dater le retable. Parmi ceux qui voient en eux des portraits de contemporains, la majorité suivra les identifications suivantes, de gauche à droite: Eugène IV, Jean Rolin, Philippe le Bon, Nicolas Rolin, Guigone de Salins, Isabelle de Portugal et Philipote Rolin. Citons Passavant,, Boudrot , Auhertin et Bigame, Gonse , Mély  et bien d’autres. Hirschjeld  et Blum  y reviendront encore, la dernière avec quelque hésitation. Latour vit dans le personnage chauve le peintre lui-même . "

    "En face de ces opinions se dressent celles des auteurs qui refusent de voir ici des portraits de personnages contemporains. Il s’agit simplement pour eux des saints intercesseurs qu’on trouve parfois derrière les apôtres notamment dans l’art italien, chez Fra Angelico par exemple. ... Le premier d’entre eux, X.B. de M. (Barbier de Montault), proposa un nom pour chacun des saints, à titre d’hypothèse: saint Grégoire, saint Augustin ou saint Nicolas, saint Louis, saint Benoît. Du côté des saintes: une veuve, sainte Monique, une princesse, sainte Catherine ou sainte Ursule, et une vierge, sainte Agnès ou sainte Marguerite. Saint Louis ralliera plusieurs suffrages : sa couronne est en effet royale et non ducale, et fleurdelisée (Rubbrecht 122 24; Verhaegen 173 332). Il faut avouer que la diffé­rence entre les deux camps s’atténue quand on constate que même les plus catégoriques admettent parfois qu’un saint ait les traits d’un personnage important. Le roi, précisément, serait un saint Louis sous les traits de Philippe le Bon."

     

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    Un pape, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Un pape, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    PANNEAU 6 : QUATRE APÔTRES ET TROIS SAINTES.

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    Les douze apôtres.

    "Autour de la Deèsis, formant un grand demi-cercle ouvert en son milieu, les douze Apôtres siègent, six de chaque côté. Ils sont assis sur des chaises curules, emblèmes de leur fonction d’assesseurs du Juge suprême. Ils n’ont pas d’attributs. Trois seulement sont identifiables avec certitude: au premier plan à la droite du Christ, saint Pierre, et en pendant à la gauche du Christ, saint Paul. A la gauche de saint Pierre, saint Jean. 

    Les gestes des apôtres sont divers; la plupart ont les mains ouvertes. Seuls deux d’entre eux ont les mains jointes en prière, Jean et son pendant à côté de Paul. C’est que les apôtres ne sont pas là pour prier mais pour juger (Matth., XIX, 28; c’est aussi ce que dit Honorius d’Autun dans l’Elucidarium, III, 58. Ils sont tous nimbés, pieds nus et vêtus de tuniques et de manteaux de couleurs très vives et contrastées. Ces accents de couleur sont peut-être voulus pour rendre le retable lisible à distance, nécessité déjà mentionnée plus haut. Mais ils peuvent aussi — et de nombreux auteurs ont ainsi compris la chose — se référer à la symbolique des couleurs et aider à identifier les Apôtres."

    "A l’extrême gauche, l’apôtre imberbe porte tunique et manteau d’un bleu assez clair sur lequel jouent des glacis de garance violacés. Le col est lie-de-vin. Les cheveux sont châtain très foncé, les yeux bruns (sans points rouges). "

    Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Les trois saintes.

    "Du côté féminin, les visages sont tous les trois jeunes et idéalisés. Les longs cheveux répandus sur les épaules indiquent des saintes vierges. Les têtes sont légèrement inclinées.

    La première sainte porte une robe à décolleté carré où apparaît le bord d’une chemise blanche. Un peu de fourrure blanche s’observe aux manches. La traîne d’un grand manteau dont un pan est rejeté sur le bras gauche se prolonge sur le panneau suivant. Le diadème est noir, rehaussé de perles, de pierres et de grains d’or.

    La sainte du milieu est couronnée; c’est donc une fille de roi. Le gris très pâle de sa robe et de son manteau pourrait représenter le blanc, symbole de pureté.

    La troisième sainte semble porter, comme la première, une robe bleu sombre sur la chemise blanche, mais on n’en peut dire davantage. Sa torsade épaisse est brodée de perles, de rubis et de grains d’or. Du point de vue de la composition, le quatrième saint et la troisième sainte sont des additions. Leur présence rend confuse la division entre les apôtres - juges et les saints - intercesseurs. Ils s’insèrent mal et tendent à trop se rapprocher du premier plan. Peut-être cette modification intempestive a-t-elle été exigée après coup pour des raisons d’iconographie ou de convenances ? 

     On voyait aussi, dans la sainte au diadème, la soeur de van Eyck, car le tableau fut longtemps attribué à ce peintre . En 1875, Boudrot proposa d’identifier plutôt la sainte au diadème à Marie de Landes, la deuxième femme de Rolin, ou Philipote, une de ses filles. Carlet  et Blum mentionneront encore ces deux possibilités. "

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    Mon hypothèse préférée : sainte Marguerite, sainte Catherine et sainte Barbe.

    "On peut y voir des patronages appropriés à la fonction du retable: la sainte au diadème rappelle Marguerite d’Antioche par l’attitude; le manteau semble mis en évidence. Sainte Marguerite «yssant du dragon», invoquée pour les naissances, est aussi — comme Jonas — un symbole de résurrection. La sainte couronnée pourrait être Catherine d’Alexandrie, fille de roi, et la sainte à la torsade, Barbe, patronne de la bonne mort. Ces trois vierges martyres sont souvent associées. Elles font partie des quatorze « intercesseurs ». Catherine comme Barbe, protège les mourants. De plus, Barbe et Catherine figurent la vie active et la vie contemplative dans lesquelles les religieuses hospitalières pouvaient retrouver leurs aspirations. Ce sont elles qu’on vénérait au maître-autel d’un autre hôpital, celui des Saints-Jean à Bruges. Rappelons que le vieillard et la sainte à la torsade ne font pas partie du programme primitif ."

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    Sainte Marguerite :

    "La sainte au diadème a le manteau rouge vif avec revers vert, dont le liseré d’or est très usé. La robe bleue complètement assombrie est garnie aux poignets de fourrure blanche. Une chemise blanche dépasse au cou. Les cheveux châtain clair sont retenus par un diadème noir garni de bijoux de perles et de pierres bleues et rouges serties d’or. Les yeux sont brun clair (avec points rouges)."

    Sainte Catherine d'Alexandrie :

    "La sainte couronnée porte robe et manteau assortis, gris clair bleuté. Une chemise blanche dépasse le décolleté. Sur ses cheveux roux elle porte une couronne d’or garnie de perles, de rubis et de saphirs. Les yeux sont bruns, opaques (restaurés)."

    Sainte Barbe :

    "La sainte à la torsade a les cheveux châtains avec des reflets dorés. Son teint est plus basané. Le manteau peu visible semble être noir. Le blanc de la chemise se devine au cou. Les yeux sont brun clair (avec points rouges). Quant à la torsade, sur un fond bleu foncé, elle est brodée de deux rangées, l’une de perles à reflets bleutés, l’autre de rubis bordés de chaque côté de perles d’or."

     

     

     

     

     

    Saintes Barbe, Catherine et Marguerite, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  Hospices de Beaune, panneau 6,  photographie lavieb-aile.

    Saintes Barbe, Catherine et Marguerite, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, panneau 6, photographie lavieb-aile.

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    Un ange buccinateur.

     

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    Ange buccinateur, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Ange buccinateur, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    LES ANGES PRÉSENTANT LES INSTRUMENTS DE LA PASSION. 

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    "Vus dans une perspective légèrement plafonnante, quatre anges en blanc apparaissent dans le ciel, de part et d’autre du Christ. Ils présentent les instruments de la passion, ou Arma Christi . Trois d’entre eux ont leur longue tunique retenue à la taille par une ceinture. Deux des anges portent un diadème et ont les ailes bleues; les deux autres ont les ailes rouges. Tous sont munis d’un voile blanc dont ils se couvrent les mains par respect pour les reliques précieuses qu’ils tiennent. Un moment précis de la Passion est représenté par chacun, dans un ordre qui n’est pas chronologique. De gauche à droite: le premier ange, avec la croix et les trois clous, représente la Mise en croix; le deuxième, avec la couronne d’épines et le roseau de la dérision, les Outrages; le troisième, avec la lance, l’éponge et le seau à vinaigre, la Mort sur la croix; le quatrième, avec la colonne, les fouets et les verges, la Flagellation. La présentation des Arma Christi est également un motif traditionnel dans la scène du Jugement "

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    Le panneau 8 : les anges à la croix.

    "Le fond d’or est guilloché comme aux panneaux 2, 3, 4, 5 et 6.  Les quatre anges sont vêtus de même: aube, amict et huméral blancs, avec des ombres gris-bleu. Les couleurs des ailes se répondent deux à deux, en oblique: l’ange supérieur gauche et l’ange inférieur droit ont les ailes d’un bleu-vert très foncé, l’intérieur étant blanchâtre avec des ombres graduées du même ton bleu-vert. L’ange inférieur gauche et l’ange supérieur droit ont des ailes d’un ton rouge-violet presque bordeaux, avec l’intérieur blanc-rose à ombres rose violacé. Les cheveux sont châtain clair. Ceux des deux anges aux ailes bleues sont retenus par un diadème noir. Les carnations sont rosées, les yeux bruns. Le bois brun foncé de la croix est marbré de veines plus sombres. Dans la pancarte, le brun s’éclaircit et les caractères sont jaunes. La pancarte est fixée à la croix par trois petits clous gris-noir. Les trois clous de la Passion sont gris-noir à reflets clairs. Le sceptre de roseau est brun clair à lumières gris-blanc. Sur la couronne d’épines grise, légèrement verdâtre, les pointes des épines sont teintées de rouge sang.  " (idem)

     

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    Anges à la croix, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 8,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Anges à la croix, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 8, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Le panneau 9 : Les anges à la colonne.

    "Une éponge brune est fichée sur un roseau brun à reflets clairs; la hampe de la lance est faite d’un bois brun fonce et supporte un fer gris foncé à reflets clairs. Les trois fouets sont de différents gris, beiges, noirs et bruns. Le seau de cuivre a des reflets tantôt jaune clair, tantôt brun-rouge. La colonne est jaspée de vert clair sur du vert sombre. La base et le chapiteau sont en pierre d’un ton gris clair chaud."  (idem)

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    Anges à la colonne, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Anges à la colonne, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Anges à la colonne, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Anges à la colonne, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Anges à la colonne, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Anges à la colonne, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    L'HUMANITÉ EN JUGEMENT. 

     

    "Tout le registre inférieur est consacré à l’humanité en jugement. Les morts ressuscitent et se séparent, lentement d’abord et espacés, puis de plus en plus vite en groupe compact. Certains sont à peine éveillés, crevant la surface de la terre qui se fendille. Les gestes variés marquent la surprise, la prière, la terreur ou la joie. La division irrévocable se fait au bas de l’axe central, c’est-à-dire aux pieds de saint Michel. Le contraste se marque dès le milieu: côté favorable, un homme, plus haut; côté défavorable, une femme, plus bas. Derrière eux, de nouveau un homme et une femme, à mi-corps, bras levés: l’auteur du retable semble insister sur la malédiction d’Eve. Après deux hommes seuls, de part et d’autre, viennent deux couples. A partir des volets mobiles, la symétrie se rompt. Ici, c’est un pessimisme général qui l’emporte: les élus sont rares, les damnés nombreux (Matth., XXII, 14). Dans la pé­nombre de l’enfer, on distingue difficilement plusieurs têtes supplémentaires. Les morts ressuscitent tous à l’âge parfait de trente-trois ans, comme le Christ, selon l'Elucidarium d'Honorius d'Autun ."

     

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    A. LES ÉLUS.

     

     

     

     

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    Un clerc élu, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Un clerc élu, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    Les élus, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Les élus, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    B. LES DAMNÉS.

     

    Les Damnés,  Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.
    Les Damnés,  Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Les Damnés, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    "Le souci de l’expression, si propre à Rogier, se marque fortement dans les visages comme dans les attitudes, surtout chez les damnés. La violence de leurs réactions s’y prête mieux, peut-être, que la joie des bienheureux. Cette violence atteint un paroxysme certainement voulu par le peintre et bien proche des symptômes de la folie. Ainsi l’homme en dessous de saint Jcan-Baptiste se mord la main et s’arrache l’oreille. Au moyen âge, la folie était considérée comme une possession par le démon. Quoi de plus naturel alors que d’évoquer la possession démoniaque définitive des damnés par la représentation d’un aliéné pratiquant l’automutilation . Peut-être l’expression « se mordre les doigts » signifiait-elle déjà un regret sans espoir. Le motif reviendra deux fois dans l’oeuvre du successeur de Rogier, Vranckc van der Stockt, dans le contexte du Jugement dernier. Mais chez Rogier, la main est vraiment mordue et l’oreille vraiment arrachée, comme le prouve le sang qui coule sur la tempe et sur le dos de la main. "

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    Un damné, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Un damné, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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     "Certains manifestent une aggressivité qui semble exprimer une complicité passée: comme ils se sont entraînes dans le péché, ils s’agrippent maintenant, se tirant, se poussant, se griffant, empoignant les longs cheveux des femmes. Plusieurs ont les yeux exorbités, l’iris n’atteignant pas la paupière supérieure. Les pupilles sont parfois nettement dilatées, le front ridé. Une femme, tombant dans l’enfer, a les yeux mi-fermés, crispés de douleur. La bouche ouverte, ils hurlent, ou bien, mâchoires crispées, ils ouvrent les lèvres sur des dents violemment serrées, allusion peut-être aux « pleurs et aux grincements de dents » (Matth., XXII, 13) ?

    Un détail anatomique curieux: les dentures ne présentent jamais de canines, toutes les dents ont l’apparence d’incisives. D ’autres encore tirent la langue, ou serrent les poings, lèvent les bras, se tordent les mains.  On peut dire que les réprouvés sont figurés ici dans un état d’hystérie collective très exactement observé."

     

    Deux damnés, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Deux damnés, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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     Des larmes ? Pourtant Nicole Veronee-Verhaegen écrit "Il n'y a pas de larmes, comme Memlinc en fera couler sur les visages. Les larmes, pour Rogier, seraient presque une détente."

     

    Une damnée, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Une damnée, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    SOURCES ET LIENS.

    — VERONEE-VERHAEGEN (Nicole), 1973, L'Hôtel-Dieu de Beaune ; introduction de Pierre Quarré,  Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle 13, Bruxelles : Centre national de recherches Primitifs flamands. 

    http://xv.kikirpa.be/uploads/tx_news/CORPUS_13_-_BEAUNE_-_1973.pdf

    — PÉRIER-D'IETEREN (Catheline),1982,  L'Annonciation du Louvre et la Vierge d'Houston sont-elles des œuvres autographes de Rogier van der Weyden, Annales d'Histoire de l'Art et Archéologie (Université libre de Bruxelles, T. 4, 1982). 

    http://www.koregos.org/fr/catheline-perier-d-ieteren-l-annonciation-du-louvre-et-la-vierge-de-houston/

    http://digistore.bib.ulb.ac.be/2015/DL2472117_1982_000_04_f.pdf

     

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    Published by jean-yves cordier - dans Beaune Retable
    15 septembre 2016 4 15 /09 /septembre /2016 17:47

    Le polyptyque du Jugement Dernier de Beaune à la loupe. I. Les petites fleurs.

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe".

    I. Les petites fleurs.

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    Voir dans ce blog :

    Le polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450) de Rogier van der Weyden aux Hospices de Beaune "à la loupe". II. Les personnages et leurs visages.

    • La tapisserie de l'Agneau mystique des Hospices de Beaune.
    • La tapisserie de saint Antoine aux Hospices de Beaune. Les volets du Polyptyque du Jugement Dernier.
    • La tenture de la Vie de la Vierge de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

    • Les peintures murales de la chapelle Saint-Léger de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

    • La tapisserie de Saint Éloi aux Hospices de Beaune.

    • La tenture de la Vie de la Vierge de l'église Notre-Dame de Beaune.

    • ​La Vierge au buisson de roses (1473) : Martin Schongauer et les oiseaux. Comment chercher la petite bête d'un tableau.

    • Ne me touche pas : Martin Schongauer et les petits oiseaux.

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    Introduction.

     

    Le polyptyque du Jugement Dernier de Rogier van der Weyde est exposé aux Hospices de Beaune dans une salle à part, qu'il partage seulement avec trois tentures. C'est dire que le visiteur dispose des meilleurs conditions pour admirer ce chef d'œuvre. S'il veut en examiner les détails, une loupe de forte taille se déplace devant le retable, actionné par un moteur et une télécommande. Hélas, pour ce que j'en sais, le maniement de cette dernière est reservé aux guides patentés, qui choisissent les zones qu'ils souhaitent commenter. Loupe ou pas, télécommande ou pas, il est toujours agréable de disposer chez soi, sur son ordinateur, d'images mettant en évidence la prodigieuse technique des peintres primitifs flamands et leur maîtrise du rendu d'infimes détails. 

    C'est ce que je souhaite proposer ici, avec mes faibles moyens, basés sur les images prises sur place en dilletante avec un zoom de 400 mm.

    La précision avec laquelle ce retable a été réalisé n'a d'égale que celle avec laquelle les amateurs et les spécialistes l'ont étudié. Et ma chance a été de trouver, accessible en ligne, la publication de Nicole Veronee-Verhaegen L'Hôtel Dieu de Beaune, (1973), treizième monographie du Centre National de recherches "Primitifs Flamands" dans laquelle j'ai trouvé tous les renseignements dont je pouvais rêver. Cet article fait largement appel à ce travail, fruit des recherches du "Groupe Weyden". 

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    Les panneaux inférieurs du Polyptyque sont numérotés de la gauche vers la droite de 1 à 7.  

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    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

    Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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    LES PLANTES DU POLYPTYQUE DE BEAUNE.

    Les experts en ont dressé un inventaire assez complet, en se basant sur les publications de l'abbé Boudrot en 1875, de Joseph Carlet en 1884, de Paul-André Genty, directeur du Jardin botanique de Dijon, en 1925, et sur les identifications  qu'ils ont demandées à  André Lawalrée, chef de département au Jardin botanique de l’Etat à Bruxelles ( liste dressée en 1966 et 1968) et de Henri Poinsot, directeur du Jardin botanique de Dijon (liste en 1969). Ces identifications, comme c'est le cas général dans l'étude d'œuvres picturales, où les plantes sont toutes plus ou moins stylisées, peuvent affirmer le genre botanique avec précision, mais ne peuvent souvent proposer, pour l'espèce, que des hypothèses. P.A Genty prend ainsi l'exemple des nombreuses violettes : "Ce sont incontestablement des violettes (genre Viola) mais l’absence de stolons, de capsules, de stipules, etc., organes caractéristiques des espèces de ce genre, ne permet pas de préciser à quelle violette le peintre avait affaire ». 

    N.B quand plusieurs propositions étaient faites pour une plante, j'ai privilégié celle d'Henri Poinsot.

    Au total, 17  plantes sont identifiées, auxquelles il faut ajouter des fougères, diverses graminées. Et le Lis blanc Lilium candidum tenu par le Christ dans la main droite.

     

    • Aquilegia vulgaris "Ancolie"
    • Bellis perennis "Pâquerette"
    • Borrago officinalis "Bourrache officinale"
    • Centaurea jacea  "Centaurée jacée": 
    • Chrysanthemum leucanthemum "Marguerite commune".
    • Convallaria majalis "Muguet de mai".  
    • Dianthus "Oeillet"
    • Eupatorium cannabinum  "Eupatoire à feuilles de chanvre",
    • Fragaria  vesca "Fraisier des bois"  
    • Plantago lanceolata  "Plantain lancéolé"
    • Plantago media "Plantain bâtard (ou intermédiaire)"
    • Ranunculus  acris . "Renoncule âcre"
    • Silene latifolia alba « Compagnon blanc »
    • Trifolium  pratense: Trèfle des prés, "Trèfle des prés"
    • Trifolium  repens. "Trèfle blanc".
    • Veronica chamaedrys "Véronique petit-chêne"
    • Viola  odorata "Violette odorante"

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    La plupart de ces plantes sont des plus courantes dans la peinture flamande contemporaine, et dans les tapisseries dites "mille-fleurs" : elles sont régulièrement interprétées par les auteurs à travers leur symbolique, notamment liée à leur couleur (blanc = pureté, bleu = Marie, rouge = Passion du Christ), ou à leur forme (Ancolie = colombe du Saint-Esprit).

    Le peintre les a réparties dans la partie gauche, celle des élus accueillis dans le Paradis, alors que le sol qui s’étend  à droite jusqu’au bord du gouffre infernal est de plus en plus aride et ponctué de fissures, fumerolles et flammèches. Les fleurs participent, ici comme ailleurs, à composer un lieu idéal, un locus amoenus renvoyant aux jardins clos et aux strophes printanières de la poèsie amoureuse, ou à l'hortus conclusus où se tient la Vierge. Nicole Veronee-Verhaegen cite un passage de   l'Elucidarium, qui les décrit, à la fin des temps: « La terre, que les martyrs ont arrosée de leur sang, se couvrira de fleurs immarescibles ».

    Je ne les ai pas toutes cueillies, les fleurs de ce tapis  d'un éternel printemps, et comme dit le poète,  "J'ai laissé les plus jolies pour celui qui viendra demain". Je reprends par contre l'inventaire panneau par panneau de N. Veronee-Verhaegen.

     

    Panneau I

    Il est utile de rappeler que les plantes du panneau 1 sont situées en zone restaurée.

    a. Aquilegia vulgaris "Ancolie" 

    b. Bellis perennis "Paquerette"

    c. Viola  odorata "Violette odorante"

    d.  Dianthus (Henri Poinsot) ou Lychnis githago ? [ =  Agrostemma githago] : "Nielle des prés".

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    Panneau 2

    e. Viola  odorata. "Violette odorante"

    f. Fragaria  vesca "Fraisier des bois" 

    g. Ranunculus  acris . "Renoncule âcre"

    h. Bellis  perennis "Pâquerette" ou Chrysanthemum leucanthemum "Marguerite commune".

    i. Trifolium "Trèfle"

    j. Centaurea jacea  "Centaurée jacée": 

    k.   Eupatorium cannabinum  "Eupatoire à feuilles de chanvre",  ou inspiré de Valeriana officinalis "Valériane officinale" ou aussi de Lychnis chalcedonica ? . Selon Genty, « C’est peut-être la plante la plus remarquable du tableau, ce qui ne l’empêche pas d’être indéterminable ». De son côté, en observant que cette plante est peut-être inspirée de Lychnis chalcedonica, Lawalrée engage à poser la question de son symbolisme: est-ce par hasard qu’on l’appelle aussi « Croix de Jérusalem » ?

    1. Borrago officinalis "Bourrache officinale" [ ou inspiré de  Omphalodes verna "Petite bourrache"]

     

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    Panneau 2 : Violette odorante, Fraisier des bois, Renoncule, Pâquerette. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2 : Violette odorante, Fraisier des bois, Renoncule, Pâquerette. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 2. Bourrache (bleue), Renoncule âcre (blanche), Eupatoire à feuilles de chanvre (rose pourpre), violette odorante (bleue). Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2. Bourrache (bleue), Renoncule âcre (blanche), Eupatoire à feuilles de chanvre (rose pourpre), violette odorante (bleue). Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 2.  Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 2, Bourrache officinale.  Photographie lavieb-aile.

    Panneau 2, Bourrache officinale. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 3

    m. Viola  odorata. "Violette odorante".

    n. Plantago lanceolata  "Plantain lancéolé"

     

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    Panneau 3,  coin inférieur gauche. Violette odorante. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 3, coin inférieur gauche. Violette odorante. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 3. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 3. Photographie lavieb-aile.

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     Panneau 4

     

    o. Ranunculus  acris: "Renoncule âcre" .

    p. Melandryum rubrum  "Compagnon rouge", ou  Silene alba

    q. Viola  odorata: "Violette odorante"

    r. Trifolium  pratense: Trèfle des prés, "Trèfle des prés"

    s. Trifolium  repens. "Trèfle blanc".

    t. Plantago media "Plantain bâtard (ou intermédiaire)"

    u. Chrysanthemum leucanthemum "Marguerite commune".

    v. Fragaria ...  vesca ? "Fraisier des bois".

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    Panneau 4, angle gauche.  Photographie lavieb-aile.

    Panneau 4, angle gauche. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 4.  Photographie lavieb-aile.

    Panneau 4. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 4.  Photographie lavieb-aile.

    Panneau 4. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 4. Violette odorante . [Orchis tachetée ?]. Photographie lavieb-aile.

    Panneau 4. Violette odorante . [Orchis tachetée ?]. Photographie lavieb-aile.

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    Panneau 5

    w. Veronica chamaedrys "Véronique petit-chêne"

    x. Convallaria majalis "Muguet de mai". 

    Genty signale encore Potentilla, Primula auricula L. var., Gladiolus (?) et Orchis maculata L. (?). Il ne les situe pas sur le tableau. Les schémas de Poinsot comprennent encore Ranunculus repens, Viola reichenbachiana (?), Orchis... 

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    CONCLUSION.

    Les 17 ou 20 plantes de ce polyptyque ne sont remarquables ni par leur nombre (on en dénombre une centaine sur les tapisseries —84 identifiées sur la Tenture de la Licorne des Cloîtres de New-York—), ni par la présence d'espèces rares, ni par la précocité de leur représentation (les œuvres de Van Eyck forment un précédent d'un naturalisme et d'une maîtrise exceptionnels),  ni même sans-doute par la technique picturale. Elles ne semblent pas exprimé un message allégorique crypté ; ce sont toutes des plantes indigènes, couvrant le sol comme les gazons métaphoriques des rencontres amoureuses, mais ne comportant aucune fleur cultivée métaphorique  comme la Rose, la Pivoine ou l'Iris, si on excepte le Lys placé ici à part. Parmi les plantes courantes, je m'étonne de ne pas voir mentionné le Pissenlit Taraxacum officinale, la Pensée Viola tricolor, la Pervenche Vinca major ou minor  l'Anémone Anemone coronaria, le Souci Calendula officinalis, la Sauge Salvia officinalis, la Primevère Primula , le Myosotis Myosotis scorpioïdes, etc...

    Pas remarquables, ces petites fleurs de Rogier de la Pasture ? Mon œil ...,

    ...mon œil ne partageait pas cet avis, lorsqu'il les a photographiées.

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    SOURCES ET LIENS.

     

    — BOUDROT (Abbé Jean-Baptiste ) 1875, Le Jugement dernier, retable de l' Hôtel-Dieu de Beaune, Beaune, 1875 page 22 :

    https://archive.org/stream/frick-31072000963266/31072000963266#page/n25/mode/2up

    — CARLET (Joseph) 1884 , Le Jugement dernier. Retable de l'Hôtel-Dieu de Beaune (suivi d'une notice sur les triptyques de Dantzig et d'Anvers), Beaune, 1884; paru également dans Société d'Histoire, d'Archéologie et de Littérature de l'arrondissement de Beaune. Mémoires. Année 1883 (Beaune), 1884, 153-186.

    —FETTWEIS (Geneviève ) Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique  Les fleurs dans la peinture des XVe , XVIe et XVIIe siècles Dossier pédagogique http://www.extra-edu.be/pdf/GF_Fleurs_10nov.pdf

    — GENTY (P.), 1925, "La Flore du retable de Rogier van der Weyden à l'Hôtel-Dieu de Beaune", dans Bulletin de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon (Dijon ), 1925, 47-51. 

    — VERONEE-VERHAEGEN (Nicole), 1973, L'Hôtel-Dieu de Beaune  ; introduction de Pierre Quarré,  Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle 13, Bruxelles : Centre national de recherches Primitifs flamands . 

    http://xv.kikirpa.be/uploads/tx_news/CORPUS_13_-_BEAUNE_-_1973.pdf

     

     

     

     

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