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13 février 2024 2 13 /02 /février /2024 17:06

Les gisants attribués à François du Coum (kersanton, après 1534) et à Jean Barbier (kersanton, vers 1537) au château de Kerjean.

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Voir aussi :

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Voir encore sur le château de Kerjean :

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PRÉSENTATION.

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Plusieurs gisants sont  présentés au rez-de-chaussée du château de Kerjean, à Saint-Vougay, car, jusqu'en 2000, il avait vocation à être le Musée Breton et on y a réuni des pièces remarquables. J'ai déjà décrit celui d'Olivier de la Palue. Les deux autres "sont attribués traditionnellement" l'un à Jean Barbier, dont le fils Louis fonda le château, l'autre à François du Coum. Si le premier provient de l'église de Saint-Vougay, l'autre vient du cimetière de l'église de Lannilis et sa présence n'a de sens que dans ce souci de collection.

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I. LE GISANT ATTRIBUÉ À FRANÇOIS DU COUM (KERSANTON, après 1534).

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Cette dalle, isolée de son soubassement, porte sur le côté droit un petit blason, où on peut reconnaître les armes de la famille du Coum, de Lannilis. Cela ne suffit pas pour l'attribuer précisément à François du Coum, mais cette attribution s'appuie sur le relevé et la description qu'en fit le chevalier de Fréminville dans ses Antiquités de Bretagne, en 1832.

Le tombeau de François du Coum, se trouvait originellement dans la chapelle privée du Coum (de Fréminville), puis, lors de la démolition de cette dernière, fut transféré dans l'église paroissiale de Lannilis, puis au musée d'art religieux de Saint-Louis à Brest, et enfin au château de Kerjean.

La description du chevalier de Fréminville, accompagnée d'une illustration, est la suivante :

"L'Eglise de Lannilis date du seizième siècle. Dans le cimetière qui l'environne on voit un tombeau remarquable, celui de François du Coum ou du Com, écuyer, seigneur de Kerangars. On ignore la date de sa mort , mais il vivait en 1534 ainsi que le prouve une montre datée de cette année et sur laquelle il figure. Sur ce tombeau est couchée sa statue dans l'attitude ordinaire, c'est-à-dire , les mains jointes. Elle représente ce guerrier armé de toutes pièces. Au dessous des tassettes qui sont au bas de sa cuirasse, paraît le haubergeon ou cotte de maille que beaucoup de militaires portaient alors encore par dessous leurs armures de lames ; à gauche de la statue est posée son épée et à sa droite sa dague ou miséricorde. Ses pieds sont appuyés sur un lion qui tient un os dans ses pattes de devant. La tête de François du Com est nue , elle paraît reposer sur une sorte de suaire que deux figures d'anges tiennent étendu .

Ce monument n'était pas en ce lieu , mais dans la chapelle particulière du Com d'où il fut transporté dans le cimetière de Lannilis."

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Antiquités de Bretagne, chevalier de Fréminville, 1832

 

 

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Mais il faut soumettre ce texte à notre examen critique. La Montre de l'évêché du Léon de 1534, citée par Le Guennec,  mentionne effectivement parmi les nobles de Lannilis  François du Coum sieur de Kerengars, homme d'armes, ainsi que Tangui du Coum, sieur du dict lieu. La date de 1534 portée (manifestement postérieurement) sur l'illustration n'est pas celle du monument, ni du décès du défunt.

Il resterait à comprendre ce qui a permis à Fréminville d'affirmer l'identité du défunt : est-ce la tradition populaire ? Une inscription ? Des armoiries mi-parti d'un soubassement non conservé ? Nous l'ignorons, mais nous n'avons pas d'argument non plus  pour nous opposer à cette identification et de la modifier en faveur de Tanguy du Coum.

 

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Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

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Les armoiries sculptées en bas-relief sur le côté droit de la dalle.

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Les seigneurs du Com, ou du Coum portaient  d’or au pélican en sa piété d’azur :  le pélican qui  est figuré sur leurs armes se déchire la poitrine pour nourrir ses petits, ce qui est un symbole  du  don de soi pour sauver les siens, et, pour la tradition chrétienne, du sacrifice du Christ pour sauver le monde, et du don du sang et de sa chair dans l'eucharistie. En réalité, les pélicans se frappent la poitrine pour régurgiter les poissons pour nourrir leurs petits.

On identifie d'autant mieux le motif (les ailes, la boucle du cou et le bec, et le nid), malgré son érosion, en le comparant aux relevés données par Michel Mauguin des mêmes armes encore visibles  en l'abbaye des anges de Landéda, fondée en 1507, sur les deux écus du bras de l'enfeu du début du XVIe siècle. Les armoiries miparti permettent, à la différence de ce gisant, d'être plus précis et de les attribuer à Tanguy du Coum en alliance avec Catherine de Coëtmenech, vivant en 1471 et décédé après 1507. L'autre écu serait celui d'un Yvon du Coum (alliance avec la dame de la Palue) ou d'Hervé du Coum décédé vers 1521 et marié à Annette de Rucat.

On les trouve aussi, selon Michel Mauguin, à l'entrée principale de la même abbaye.

Elles ornent aussi  sur des pierres armoriées parfaitement identifiées au manoir de Kerouartz. 

On voyait jadis aussi leur armoiries sur leur manoir du Coum, et leur nom serait à l'origine du toponyme "Prat-ar-coum", connu pour ses huitres.

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Résumé généalogique :

 

Le domaine du Coum faisait donc partie d’un très important ensemble de biens s’étendant entre les deux abers (Aberwrac'h et Aberbenoit), qui est ensuite passé aux seigneurs de Kerouartz. 

Un premier Tanguy du Coum, né vers 1350, épousa X de Touronce, d'où Hervé I du Coum, écuyer.

Cet Hervé du Coum (v.1375-v 1420) devint receveur ducal de Lesneven. Il épousa Mence Le Maucazre, et eut deux fils, Yves et Tanguy II.

Yves du Coum et de Kerangars à Lannilis épousa X de la Pallue, dont Tanguy  du Coum (v1430-v1507), époux de Catherine de Coëtmenec'h. Ceux-ci eurent deux fils :

  • Hervé III du Coum (v.1450-v1521) avocat à la cour de Saint-Renan, qui épousa Annette de Rucat, dont Tanguy III (v.1500- peut-être en 1547), Françoise (épouse de Guillaume de Kermeur), Isabelle (épouse de Hamon de Kergroades) et Catherine.
  • François du Coum seigneur de Kerangars et Trefily, qui fit fortune dans le commerce de la toile et qui épousa en 1511 Isabelle de Brezal. Il décéda selon André Croguennec avant 1544.

Les « montres » ou recensements des nobles de Lannilis, font effectivement mention d'un Tanguy du Coum en 1481 , d'un Hervé en 1503,  et de "François du Coum sieur de Kerangars et  Tangui du Coum sieur dudict lieu" en 1534.

"La seigneurie de Kerangar passe alors aux seigneurs de COUM et le 15 février 1513 Guyon de Belingant doit faire aveu au nouveau seigneur de Kerangar, François du Coum .C’est probablement lui qui crée en 1531 le collège de quatre Chapelains qui desservira la chapelle du manoir jusqu’à la révolution. A son décès, la seigneurie de Kerangar passe à son neveu Tanguy, puis à sa nièce Agace, au décès de Tanguy. Par le mariage d’Agace, la seigneurie de Kerangar passe dans cette famille de Penchoadic pour trois générations. Elle y reste jusqu’au mariage de Catherine de Penchoadic avec Olivier du Louet, seigneur de Coajunval." (Le manoir de Kerangar)

Il n'y a plus de " sieurs du Coum" à la montre de Lannilis en 1557. Le nom de famille disparait vers le début du XVIIe siècle.

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Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

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Comme le signale Fréminville, le lion tient dans sa gueule un os. La pointe de l'épée s'appuie sur cet os. Une coquille Saint-Jacques orne la poignée de l'épée.

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Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

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Les deux anges de tendresse déploient un oreiller aux plis radiants en éventail. Leur visage est intact, ce qui est rare.  Celui du sieur du Coum est également préservé, avec sa coupe de cheveux caractéristique du début du XVIe siècle, mais il n'est pas barbu, comme tant de seigneurs prompts à imiter François Ier. C'est, comme toujours, un portrait idéalisé, et un costume de chevalier théorique et funéraire.

Un détail remarquable, et déjà présent lors de la visite de Fréminville, est que seules les mains jointes ont été, très soigneusement, martelées : tenaient-elles un indice héraldique que les révolutionnaires ont voulu faire disparaitre, alors qu'ils préservaient tout le reste du monument?

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Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant attribué à François du Coum (kersanton XVIe siècle). Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

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II. LE GISANT ATTRIBUÉ À JEAN BARBIER. Kersanton, vers 1537.

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Jean Barbier est le père de Louis,  constructeur du château de Kerjean. Les Barbier, venus probablement du Morbihan  avec les Rohan, s'installent dans le Léon et entrent en possession de Kerjean au début du XVIe siècle 

Jean Barbier, fils d'Yves Barbier et de Marguerite de Kersulguen, figure parmi les nobles hommes de Saint-Vougay à la montre de l'évêché de Léon en 1534. Il épousa en 1512 Jeannne de Parcevaux et en 1523 Jeanne de Kersauzon (décédée le 5 novembre 1537) : cette dernière est la mère de Louis Barbier qui épousa Françoise de Morizeau puis Jeanne de Gouzillon. Ce sont les armoiries de Louis Barbier et de Jeanne de Gouzillon qui accueillent le visiteur à l'entrée du château.

Il est étonnant de constater que les armoiries de la famille Barbier, d'argent à deux fasces de sable, ne sont pas visibles sur le gisant, qui provient de l'église de Saint-Vougay. Le défunt est représenté en armure, l'épée posée à sa gauche et les mains jointes, selon la tradition établie. Il porte une barbe taillée en pointe et des cheveux courts, et il semble âgé. Deux anges (tête brisée) tiennent de chaque côté de sa tête les extrémités plissée du coussin. Deux autres anges, également à la tête brisée, sont agenouillés de part et d'autre de son bassin, sur un prie-dieu. Ses pieds reposent sur le dos d'un lion.

Alors que François du Coum portait, sous son armure, un haubert ou cotte de maille, la partie inférieure fait se succéder les lames horizonales de tassettes et de la braconnière.

Les pieds chaussées de solerets viennent se poser sur un lion identique au gisant précédent, mais qui  au lieu de ronger un os, tire une large langue.

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Sur quoi se fonde la date qui accompagne ce gisant sur le cartel du château ou sur les légendes de ses photographies ? Sur la date estimée de Jean Barbier ? Sur celle de sa seconde épouse? Par prudence, j'accompagne mon titre de "vers 1537"?

 

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Gisant (kersanton XVIe siècle)  attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant (kersanton XVIe siècle) attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant (kersanton XVIe siècle)  attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant (kersanton XVIe siècle) attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant (kersanton XVIe siècle)  attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant (kersanton XVIe siècle) attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant Gisant (kersanton XVIe siècle) attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

Gisant Gisant (kersanton XVIe siècle) attribué à Jean Barbier. Château de Kerjean. Photographie lavieb-aile 2018.

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SOURCES ET LIENS.

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—ABGRALL (Jean-Marie), BDHA 1919, notice de Lannilis page 73

https://www.diocese-quimper.fr/wp-content/uploads/2021/01/bdha1919.pdf

"Notre-Dame du Coum ou du Tàvay. Chapelle dépendante de la seigneurie du Coum, distincte de la chapelle de Tavajoc, voisine, mais située dans la paroisse de Brouennou,aujourd'hui en Landéda; elle appartenait, au xvIIe siècle, aux seigneurs de Coatjunval. En 1686, on y desservait une chapellenie dont était titulaire Mathieu Le Gall, prêtre de Cornouaille, en remplacement de M. Jean Guiriec, chanoine de Sainte-Anne de Lesneven ; les présentateurs étaient primitivement les seigneurs du Coum. La pierre tombale d'un de ces seigneurs a été dernièrement transportée de Lannilis au Musée de Saint-Louis de Brest"

 

—CROGUENNEC (André), site  : le Chevalier de Fréminville.

https://pontchristbrezal.fr/29/freminville.htm

 

— FRÉMINVILLE (Chevalier de) Antiquités de Bretagne 1832 page 218 et figure 66

http://arkaevraz.net/wiki/images/1/12/Fr%C3%A9minvilleAntiquit%C3%A9sBretagneFinist%C3%A8re.pdf

 

— FRÉMINVILLE (Chevalier de) Antiquités de Bretagne vol 1,  1832 page 267.

http://arkaevraz.net/wiki/images/1/12/Fr%C3%A9minvilleAntiquit%C3%A9sBretagneFinist%C3%A8re.pdf

 

— LE GUENNEC (Louis), "Brest et sa région"

https://backup.diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eacd0a2ed3929e4b775beec287004c84.pdf

"Lannilis : Dans l'ancien cimetière qui entoure l'église on voyait naguère la pierre tombale à effigie de François du Coum ou du Corn, écuyer, seigneur de Kerengarz. Cette pierre tombale est aujourd'hui déposée au musée Saint-Joseph à Brest (François du Coum était homme d'armes à la montre de 1534). Du manoir du Coum, ne subsiste plus qu'une jolie porte gothique en arc surbaissé, à triple rang de voussures et contrecourbe fleuronnée timbrée d'un écusson portant le pélican héraldique de la famille du Coum. Tanguy du Coum, sieur dudit lieu, comparut en archer à deux chevaux à la montre de 1534. Une autre branche de cette maison avait en Lannilis le manoir plus important de Kerengar, dont le seigneur, François du Coum, se présenta en homme d'armes à la même montre. Son tombeau, avec effigie de chevalier armé de toutes pièces, s'est vu longtemps, comme nous l'avons dit, dans le cimetière de Lannilis, et il se trouve aujourd'hui au musée d'art religieux de Saint-Louis à Brest. En 1674, ces deux terres du Coum et de Kerengar appartenaient à Madame du Louët de Coëtjunval et elles passèrent par mariage aux du Harley et Montmorency."

— MAUGUIN (Michel) les armoiries de Kerouartz

https://www.finistherald.fr/Les-armoiries-de-Kerouartz.pdf

https://www.abbayedesanges.com/histoire/documents-historiques/

— MAUGUIN (Michel), 2018, "Landéda héraldique : l'abbaye des anges"

https://patrimoinedesabers.fr/PdA/patrimoinedesabers.fr/images/stories/landeda/LANDEDA_HERALDIQUE_Mauguin.pdf

—WIKIPEDIA : les clichés de Marc Faujour :

-Cliché de Marc Faujour en 2009 : "Gisant en pierre de François du Coum, seigneur du Com [Coum] et de Kerangar (en Lannilis), qui se trouve dans la chapelle du château de Kerjean."

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Com,_Gisant_des_Sr_du_Com.JPG

-Cliché de Marc Faujour en 2009 : "Gisant en pierre de Olivier de la Palue, seigneur de la Grande Palue (St Houardon en Finistère). Déposé au château de Kerjean (St Vougay, Finistère)"

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Palue,_Gisant_d%27Olivier_de_la,_Sr_de_la_Palue.JPG

-Cliché de Marc Faujour en 2009 : "Gisant en pierre attribué à Jean Barbier, Sr de Kerjean (+ 1537) (St Vougay en Finistère). Chapelle du château de Kerjean."

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Barbier,_Gisant_de_Jean,_Sr_de_Kerjean.JPG

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Published by jean-yves cordier - dans Gisants Monument funéraire Kersanton Sculptures

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