La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage.
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Voir les autres Déplorations (classées par ordre chronologique approximatif) :
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La Déploration du calvaire (granite, Maître de Quilinen, vers 1500) de l'église de Motreff.
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Le calvaire (kersanton, vers 1500, Maître de Brasparts) de l'enclos paroissial de Brasparts.
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Le retable de la Déploration (1517) de l'église de Pencran (29). Onze personnages.
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent (1527-1577). Cinq personnages.
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La Déploration (Grès arkosique , Maître de Laz, vers 1527) du calvaire de Saint-Hernin.
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La Déploration à six personnages (chêne polychrome, XVIe siècle) de l'église de Lampaul-Guimiliau.
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L'église de Ploéven, la Déploration (pierre polychrome, 1547 ).
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Les sculptures de l'église de Bodilis : le retable de la Déploration. Neuf personnages. Bois.
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La Déploration (kersanton, Maître de Saint-Thégonnec, vers 1610) du calvaire de Saint-Thégonnec.
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La Déploration (kersanton, Roland Doré, milieu XVIIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Châteaulin.
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PRÉSENTATION.
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Cette Déploration est constituée de quatre blocs, ceux de Jean et de Madeleine étant placés sur les côtés du groupe rassemblant Marie portant le corps de son Fils. Il y a sans doute une erreur de repositionnement, Jean étant toujours à droite de Marie, et Marie-Madeleine aux pieds du Christ. En arrière et à gauche se trouve l'un des acteurs de la Descente de Croix (Joseph d'Arimathie, ou Nicodème) tenant la tenaille et les clous .
C'est une œuvre classée depuis le 12/07/1912. La notice de la base Palissy PM56000492 la décrit comme une œuvre "en pierre" (calcaire ou granite ?) de la première moitié du XVIe siècle.
Elle est attribuée par certains à un certain "Pendu", sans justification claire. G. de Rorthays a écrit en 1903 que ce nom, Pendu, est inscrit sur le manteau d'un des apôtres du porche sans préciser lequel (ce qui ne se vérifie pas), et il attribue ensuite la Vierge de Pitié au même Pendu sur des arguments faibles. M. Jurbert affirme l'attribution à un certain "Guillaume Pen Du".
Datation.
La datation que je suggère se base sur les chaussures à la poulaine, ou du moins à extrémités pointues, portées par la Vierge et Joseph d'Arimathie : elles ont cédé la place à des chaussures à bout rond à la fin du XVe/ début du XVIe siècle. Dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (1503-1508), tous les personnages chaussés ont des chaussures à bouts ronds (f.91v par exemple). Il en va de même sur toutes les enluminures peintes par Jean Bourdichon de 1457 à 1521. Comparez avec les chaussures de Joseph d'Arimathie de la Pietà de Nouans peinte par Jean Fouquet en 1470.
Un autre critère pour une datation à la fin du XVe siècle repose sur la chevelure de l'ange, aux mèches bouclées repoussées en arrière, comme dans les réalisations de l'atelier du Folgoët (1423-1468) notamment au Folgoët, ou aux porche sud de la cathédrale de Quimper ou à celui de La Martyre. De même, la coiffure aux mèches en boules bouclées de saint Jean rappelle fortement celle du même personnage dans les œuvres de l'atelier du Folgoët (calvaire de Rumengol par exemple).
- La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. I. L'Autel des anges (kersanton, vers 1445) par le Grand Atelier ducal du Folgoët (1423-1509).
- Le portail sud (1424-1433) de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper.
- L'église Saint-Salomon de La Martyre. I. L'Arc de Triomphe (vers 1520) et le Porche sud (vers 1450).
Un dernier critère, vestimentaire, est le demi-ceint porté par Marie-Madeleine (cf. infra)
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Matériau.
Il paraît important que les autorités de tutelle de cette œuvre en précise le matériau (calcaire, comme les apôtres du porche ; granite ; kersantite).
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Le thème de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse apparaît en Basse-Bretagne au XVe siècle.
Dans son ouvrage sur la sculpture sur pierre en Basse-Bretagne, E. Le Seac'h, après avoir décrit le calvaire de Tronoën (vers 1470) et le geste charmant des anges qui y écartent le voile de la Vierge de Pitié, consacre un paragraphe à cette gestuelle de l'ange de douceur qu'elle retrouve sur sept pietà sortis du même atelier du Maître de Tronoën (à Kerbreudeur et ossuaire de Saint-Hernin, calvaires de Béron et Moustoir à Châteauneuf-du-Faou, Croas-an-Teurec à Saint-Goazec, Collorec, Laz, Saint-Trémeur de Carhaix, Kergloff, Le Moustoir, Plusquellec, Pennanvern à Gourin).
Puis elle décrit "les héritiers de la gestuelle de l'ange", dans cinq autres piétà du Finistère à Plonévez-du-Faou, Plozévet, Penmarc'h et à Névez (chapelle de Trémorvézen )— toutes en pierre calcaire polychrome—, au Faouët (granite) et à Meslan (granite polychrome).
En Morbihan, sur les 20 Pietà dénombrées par Wikipédia, cette particularité se retrouve sur la Vierge de Pitié de la chapelle N.-D De Lezurgan, aujourd'hui dans l'église de Plescop, en pierre polychrome du XVIe siècle "d'inspiration flamande ou allemande".
Ces anges sont déjà présents sur la Grande Pietà Ronde conservée au Louvre et peinte par Jean Malouel au début du XVe siècle.
— Sur les anges de compassion, et la gestuelle de l'ange, voir :
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La Pietà de la chapelle Saint-Herbot en Plonévez-du-Faou (2 anges de douceur, calcaire polychrome, XVIe siècle)
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La Pietà de l'église Saint-Sauveur du Faou (XVIe siècle) ( 3 anges de douceur, granite polychrome,)
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La chapelle de la Trinité (An Dreïnded) de Lanridec en Pleyben. Vierge de Pitié à 1 ange de douceur, kersantite, XVIe siècle.
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La Pietà aux trois anges de tendresse (calcaire, XVIe siècle) de l'église de Plozévet.
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Chapelle de Trémorvézen à Névez (calcaire, XV ou XVIe)
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Description.
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La Déploration (on évitera de parler de "pietà" puisqu'il y a ici plus de deux personnages) est placée dans le bras sud du transept, dans un retable au décor de ciel étoilé avec astres, entre une statue de la Vierge à l'Enfant (Notre-Dame de Larmor) et un saint Roch.
La composition générale en triangle des Vierges de Pitié se retrouve ici, seulement rompue par la présence de Joseph d'Arimathie.
Marie éplorée tient son Fils sur ses genoux, enveloppée dans un manteau-voile bleu à revers rouge qui tombe en plis et en vagues et se prolonge de façon peu naturelle sous les pieds du Christ. Celui-ci est dans la position la plus habituelle, l'axe formant une diagonale orientée vers le bas et notre droite, le bras droit tombant verticalement et exposant la plaie de la paume, le bras gauche horizontale. La jambe gauche est fléchie et écartée. La tête barbue, couronnée d'épines, est tournée vers nous. Toutes les plaies sont représentées sanguinolentes.
Marie soutient le torse de Jésus par sa main droite et son bassin par son genou droit. La tête du Christ repose sur un pli du voile proche de l'épaule de sa Mère.
L'ange aux hautes ailes bleues et au visage poupin pose la main droite sur l'épaule droite du Christ et effleure la main blessée. Il porte la tunique de chœur bouffante sous l'effet d'un cordon, et à large amict, une tenue rappelant celle des anges de l'atelier du Folgoët.
Le visage de Marie laisse voir deux larmes brillantes, peintes et non sculptées. Il est peu probable que la sculpture ait conservé ses couleurs sans avoir été repeinte, il serait interessant de bénéficier d'une expertise sur ce point.
Jean est agenouillé mains jointes, vêtu d'un manteau bleu et d'une robe verte, le regard triste et pensif.
Marie-Madeleine est agenouillée mains jointes en position symétrique, son flacon d'aromates destiné à l'embaumement posé près d'elle. Ses longs cheveux sont défaits sur les épaules. Elle porte un manteau rouge agrafé par un fermail, et une robe bleue aux manches plissées aux poignets.
Une ceinture dorée forme un V à pointe médiane, retenant une chainette en or : c'est un "demi-ceint". On y suspendait un pendant ou pomme de senteur contenant un parfum précieux comme l'ambre gris. On voit ce détail représenté sur une enluminure du Livre d'Heures réalisé entre 1426 et 1438 pour Marguerite d'Orléans, épouse de Richard, comte d'Etampes, Horae ad usum romanum BnF latin 1156B folio 58r. Tant Marie que sa cousine Elisabeth porte ce type de ceinture. Voir aussi sur le même manuscrit l'enlumonure f.173v, et la servante de la Présentation au temple des Heures de René d'Anjou roi de Sicile (1434-1480) f.58v du BnF latin 1156A. Ou la jeune Vierge Marie peint par Jean Bourdichon en 1480 BnF fr.2829 f.85r.
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Joseph d'Arimathie (ou Nicodème) est représenté comme juif membre du Sanhédrin par son bonnet conique, sa longue barbe bouclée et ses longs cheveux. Il porte une houppelande serrée par une ceinture de cuir à long passant. Il tient une tenaille et les clous de la Croix. Et des chaussures à bouts pointus.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Marie-Madeleine.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Joseph d'Arimathie.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Les chaussures à bout pointu.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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SOURCES ET LIENS.
— BONNET (Philippe), 2000, Iconographie de la Mise au tombeau en Bretagne, Coop-Breizh
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère.( Revue bilingue breton-français Minihy-Levenez n°69 de juillet-août 2001)
http://patrimoine.du-finistere.org/art2/ypc_pieta.html
— COUFFON (René), 1958, Iconographie de la Mise au tombeau en Bretagne, SHAB
https://www.shabretagne.com/scripts/files/63d185fba515a3.55783169/1958_01.pdf
— LE DEUNFF (Roger), 2011, Les pietà en Basse-Bretagne éditions Label.
— LE SEAC'H (Emmanuelle) 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle. PUR éditions.
— ROSENZWEIG 1859, Ploemeur, monuments religieux, STATISTIQUE ARCHEOLOGIQUE DE L'ARRONDISSEMENT DE LORIENT ,Bulletin de la Société archéologique du Morbihan page 123
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207505r/f127.item
https://archive.org/details/bub_gb_UPkWAAAAYAAJ/page/n347/mode/2up
—Bulletin archéologique de l'Association bretonne, Classe d'archéologie, Volume 5 mpr.-libr.-lithographie L. Prud'homme, 1854 page 68, Saint-Brieuc.
https://books.google.fr/books?id=hyotAAAAYAAJ&pg=PA68&lpg=PA68&dq=%22dom+alan+le%22&source=bl&ots=C_zzDyqOrE&sig=ACfU3U3px_d1C5hNlKBo8tBW-Nqv0BqYLw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiU5MrGx8eAAxUoUqQEHbuMBM4Q6AF6BAgJEAM#v=onepage&q=%22dom%20alan%20le%22&f=false
—RORTHAYS (G. de ), 1903, . The Burlington magazine for connoisseurs VIII 1903
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/6e/The_Burlington_magazine_for_connoisseurs_%28IA_burlingtonmagazi34unse%29.pdf
—JOHAN (Vincent) 2008, L'église de Larmor-Plage, Dossier IA56006359 , Laboratoire GÉOMER, UMR LETG 6554 - CNRS ; (c) Inventaire général -
https://patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-notre-dame-de-larmor-actuellement-eglise-place-notre-dame-larmor-plage/c1b52caa-361b-4e2a-a9b8-5c59a8853109
— JURBERT (M.), 1992. L'église Notre-Dame de Larvor, brochure par l'office municipal d'action culturel de Larmor-Plage
https://bibliotheque.idbe.bzh/data/cle124/LEglise_Notre-Dame_de_Larmor_.pdf
— WIKIPEDIA
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Notre-Dame_de_Larmor-Plage
— WIKIPEDIA, Les Pietà du Morbihan
https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Statues_of_Piet%C3%A0_in_Morbihan
— LIENS DIVERS
http://www.infobretagne.com/larmor-plage.htm
https://larmor-plage.fr/index.php/patrimoine/eglise-n-d-de-larmor/l-eglise
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00091359
https://monumentum.fr/monument-historique/pa00091359/larmor-plage-eglise-notre-dame
https://www.larmor-plage.bzh/medias/2019/03/depliant_eglise_francais.pdf