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27 septembre 2018 4 27 /09 /septembre /2018 19:48

Zoonymie des Odonates : le nom Anax ephippiger Burmeister, 1839, l'Anax porte-selle.

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 Zoonymie ? L'étude des noms des animaux (zoo). Comme dans Toponymie, Oronymie, Hydronymie, ou Anthroponymie, mais pour les bêtes. 

 

Voir aussi :

 

GÉNÉRALITÉS

ANISOPTÈRES

ZYGOPTÈRES

 

 

 

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Résumé.

—nom de genre  Anax, Lech, 1815, "Entomology". In Brewster, David. Edinburgh Encyclopaedia. Vol. 9. Edinburgh: William Blackwood. pp. 57–172 [137] (in 1830 edition) Anax vient de l'ancien grec ἄναξ anax qui signifie « seigneur », « chef [de guerre] » ou « roi [tribal] ». Il est interprété comme qualifiant le comportement dominant d'Anax imperator, la seule espèce décrite par Leach 1815 sous son genre Anax. L'auteur lui-même ne fait aucun commentaire ni sur la justification de son nom de genre, ni sur le comportement de l'espèce qu'il nomme sans la décrire. Néanmoins, les liens unissant  Anax "roi" en grec et imperator "empereur" en latin, sont évidents, comme il est évident que cette espèce est de morphologie  tout à fait royale, par sa taille , l'une des plus grandes des Libellulidae (son envergure peut atteindre 11 cm) ou par les couleurs bleu et noir de l'abdomen des mâles (vert et/ou bleu et noir chez les femelles). Le vol des mâles est également majestueux, lorsqu'ils dominent "de manière impériale un territoire allant d'une simple flaque à une zone atteignant 2400 m2, duquel ils repoussent leurs congénères. Ils patrouillent continuellement au dessus de l'eau, parfois loin des rives" (Grand et Boudot, 2006). 

— Nom de genre Hemianax Selys, 1883, Synopsis des Aeschines, Bull. acad. roy. Belg. 3, 5 : 723. L'auteur divise le genre Anax en deux sous-genre, Anax et Hemianax, qui diffère du précédent par "l'absence de carènes supplémentaires à l'abdomen". Le suffixe hemi- "demi, moitié" s'applique au nom de genre qui a été divisé en deux sous-genres.

—nom d'espèce  A. ephippiger Burmeister, 1839,  Handb. Ent. 2: 840. Du latin ephippium, "couverture ou selle de cheval" et du verbe gerere "porter", l'épithète doit se comprendre ici au sens de "porteur de chabraque, ou tapis de selle de cheval" car il se réfère à la couleur bleue  du dos du deuxième segment abdominal, et non, comme pour la sauterelle E. ephippiger, à un élément ayant une forme de selle.

— Noms vernaculaires français : L'Anax méditerranéen (Sélys-Longchamps 1839, 1840, 1850). L'Anax Porte-selle (P.-A. Robert, 1958, Dommanget 1985). Ces noms sont des adaptations littérales des noms scientifiques, doublés pour le dernier du contre-sens sur ephippium.

— Noms vernaculaires étrangers :

- Catalan l'EMPERATOR DIVAGUANT, "L'Empereur migrant".

- Néerlandais ZADELLIBEL, " la libellule-selle".

- Allemand :  DIE SCHABRACKENLIBELLE, "la libellule Chabraque",  ou SCHABRACKEN-KÖNIGSLIBELLE, "la libellule royale Chabraque".

- anglais : THE VAGRANT EMPEROR , l'Empereur migrateur.

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LE NOM SCIENTIFIQUE.

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I. LE NOM DE GENRE ANAX, LEACH, 1815.

Voir 

http://www.lavieb-aile.com/2018/01/zoonymie-des-odonates.le-nom-de-genre-anax-leach-1815.html

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Ibis. LE NOM DE GENRE HEMIANAX, SELYS, 1883

de Selys-Longchamps E. 1883 - Synopsis des Aeschnines. Première partie : Classification. - Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3me série, 5 : 712-748., pages 722- 723.

https://www.biodiversitylibrary.org/item/111256#page/746/mode/1up

E. de Sélys-Longchamps décrit le genre ANAX Leach 1815 en deux sous-genres Anax, Leach, et Hemianax Selys,  dont les espèces   se distinguent par l'absence de carènes latérales supplémentaires à l'abdomen. L'espèce-type en est H. ephippigerus Burm.

 Le suffixe hemi- "demi, moitié" s'applique au nom de genre qui a été divisé en deux sous-genres.

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Pour Antonio et Vegliante qui sont les seuls à avoir étudier ce nom,:

https://www.researchgate.net/publication/316791278_Derivatio_nominis_libellularum_europaearum

Hemianax - ημι = metà + Anax. Per la somiglianza al genere Anax : "pour la similitude avec le genre Anax.

 

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II. LE NOM D'ESPÈCE A. EPHIPPIGER, BURMEISTER, 1839.

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1°) Hermann Burmeister (1807-1892). D'après H. Fliedner.

"Hermann Carl Burmeister ( 1807 à Stralsund, † 1892 à Buenos Aires) était un grand zoologiste et explorateur. En 1829, il obtint un diplôme de médecin à Greifswald et un diplôme de philosophie à Halle. Après quelque temps en tant que professeur à Berlin, il fut nommé professeur de zoologie à Halle en 1837.
Alexander von Humboldt lui a permis  d’entreprendre deux
expéditions en Amérique du Sud (1850-1852, 1854-1856). En 1861, il émigra en Argentine où il participa à l'exploration du pays, de sa faune et de sa flore, en construisant le Musée national d'histoire naturelle et la section scientifique de la nouvelle université de Cordoue. Ses publications couvrent un large éventail d'études zoologiques, paléontologiques et géologiques. L’un d’eux est son Handbuch der Entomologie (ou Manuel d’entomologie), vol. 1-5, 1832-1855, qui n’a pas été achevé.
Il était bien préparé à cette tâche, car déjà, en tant qu'étudiant, il s'intéressait à la taxonomie et à l'entomologie, comme le montre le sujet de sa thèse à Halle: De insectorum systemate naturali (Du système naturel des insectes) . Probablement en raison de ces compétences spéciales en 1830-1831, il fut engagé par le banquier et négociant important en insectes Michael Christian Sommer (1775-1868), qui vivait à Altona (maintenant une partie de Hambourg, mais alors une ville rivale appartenant au royaume du Danemark), pour réviser sa grande collection entomologique. Cette collection comprenait des insectes du monde entier, que Sommer avait reçus en tant que «Kommissionär», une sorte d’agent, qui avait collecté des fonds pour permettre à quelqu'un de commencer une expédition à l'étranger ou d'émigrer. Ce crédit devait être remboursé par des «produits de la nature», c’est-à-dire des spécimens botaniques ou zoologiques - souvent des insectes - donnés aux investisseurs ou vendus aux collectionneurs .

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Le deuxième volume du «Handbuch», dans lequel sont traités les Odonates, a été
publié en 1839. A cette époque, il n'existait pas de clés détaillées de libellules et de plus, 
des descriptions suffisantes des espèces exotiques (c'est-à-dire non européennes) n'avaient pas encore été publiées. Par conséquent, quiconque devait faire face aux exigences d'une telle tâche ne pourrait pas faire sans accès aux principales collections d'insectes. Dans ses parties odonatologiques, Burmeister (1839) se repose principalement sur les collections de
Sommer, à qui il était également lié depuis qu'il avait épousé sa fille Elisa Marie en
1836, et de Wilhelm von Winthem (1799-1847), un marchand de Hambourg, qui, comme Sommer était engagé dans le commerce des insectes. Il avait probablement connu cette collection, qui était encore plus grande que celle de Sommer, lors de la révision de celle de son futur beau-père. Une autre collection mentionnée est celle de Ernst Friedrich Germar (1786-1853), un collègue de Burmeister à Halle, qui était un professeur de minéralogie, mais aussi entomologiste passionné, qui, parmi d' autres  publications sur les insectes,  a édité des revues entomologiques entre 1814-1819 et 1839-1844 . De plus Burmeister
mentionne la collection de l'Université de Halle, qu'il développait alors.
Les contributions à cette collection proviendraient d’un certain M. King à Madras, en partie
via un missionnaire nommé Schmidt, dont nous ne connaissons aucun détail, et par ailleurs  de J.C.Graf Hoffmann von Hoffmannsegg (1766-1850) de Dresde, qui était botaniste et
entomologiste et s’est rendu au Portugal pour des voyages de collecte efficaces ; mais il semble aussi avoir eu des connexions spéciales avec Java, pour lesquelles il est fréquemment cité dans le «Handbuch».

La collection entomologique du  Zoologisches Museum  Berlin ', qui est cité comme M.B. (= Musée Berolinense, cf. CALVERT 1898: 51), joue un rôle mineur dans le chapitre sur les odonates que dans les premières parties du Manuiel, sauf  une fois, quand il est fait référence à, Graf Hoffmannsegg . C'est tout à fait naturel, car le développement et la fondation de ce musée étaient due en grande partie à son influence, et ses collections étaient largement basé sur ses dons .
D'autres références sont faites au conservateur du musée de Leiden, W. de Haan (1801-1855), à l'entomologiste suisse J.J. Hagenbach (1801? -1825), qui depuis 1823 avait été conservateur au même musée, en plus des agents de recouvrement de Sommer K.C.A. Zimmermann (1800-1867) de Caroline du Sud  et C.F. Drège, qui a recueilli dans le sud-est de l'Afrique vers 1826-1840 , en outre à G. Thorey (1790-1884), un commerçant d'insectes à Hambourg semblable à Sommer et von Winthem .
Très important pour la présentation des odonates par Burmeister dans le "Handbuch" était
Toussaint de Charpentier (1779-1847), qui était alors «Berghauptmann» à Brieg  en Silésie, c’est-à-dire l’officier minier en chef de Silésie. C'était un entomologiste passionné et spécialisé dans les orthoptères et les odonates. En 1825, il avait publié un volume comprenant 40 espèces européennes d’odonates et avait poursuivi ses études en préparant une monographie illustrée de 61 espèces bien décrites et représentées, qui devait paraître en 1840. Charpentier avait mis à la disposition de Burmeister une ébauche de son traité, ce  qui fait , que certains noms de genre que Charpentier allait introduire ont comme auteur Burmeister  (v.infra). À l'exception de Calepteryx, qu'il a transféré dans Calopteryx, Burmeister n'a pas adopté les noms de genre proposés par Leach (1815), car il ne les estimait pas fondés. Cela pourrait être dû au fait qu’il n’a pas très bien compris les descriptions de Leach, car il n’a pas vu que le genre Diastatomma de Charpentier est synonyme de Gomphus de Leach, qu’il supposait être un genre libellulide.

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Burmeister savait que son traité ne décrivait pas toutes les espèces d’odonates existantes, car il rapportait que 137 espèces d’Anisoptères étaient au musée de Leiden en 1828, alors que son «Handbuch» ne comptait que 119. De même, il écrivait que de nouvelles espèces allait être décrit par Charpentier dans sa prochaine monographie. Pour certaines espèces, il a ajouté des notes comme «des espèces apparentées se trouvent à Dongola et en Amérique du Nord»  ou «de plus, j'ai vu plusieurs espèces similaires dans les collections de von Winthem et Sommer» . Aussi les publications antérieures d'Odonata il a utilisé éclectiquement dans son «Handbuch», nous ne trouvons pas deux des 19 espèces d’odonates de Linnaeus, tandis que des 46 espèces nouvellement décrites de Fabricius 15 sont manquantes; et parmi les  20 espèces  de Drury seulement 18 sont cités, des 12 de Palisot de Beauvois il y en a six, des 40 espèces résumées par Charpentier (1825), sept sont omises, de même que huit des 37 dans Vander Linden (1825). . Cela signifie que Burmeister n’a présenté dans son «Handbuch» que les taxons , dont il était convaincu qu’ils étaient corrects. Alors qu'un catalogue complet des espèces d' odonates connues n’a pas été réalisé de cette manière, une contribution importante à leurs connaissances a été apportée et ce traité - bien qu’il ne soit pas exempt d’erreurs (cf. Hagen 1849: 141sqq.), se présentait comme un solide fondement pour des études ultérieures."

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2°) La publication originale.
 

Aeschna ephippiger, Burmeister (Hermann) 1839 - Handbuch der Entomologie. - Enslin, Berlin : Libellulina : 840.

https://www.biodiversitylibrary.org/item/34110#page/92/mode/1up

La description originale est en latin puis en allemand:

 

  1. A. ephippigera * : viridi-testacea, linea summae frontis nigra; abdominis segmento secundo macula dorsali coerulea; ultimis fuscis, gutta laterali flava; venis stigmatibusque alarum testaceis, radio solo cum sectore secundo et postcosta nigro; pedibus nigris. 

    ♂ cercis triquetris, late lanceolatis, acutis, supra auritis; alis posticis nubecula fulva. Long. 2.1/2. 

    Von Madras ; ein schönes exemplar in der hallenser Sammlung aus der Sendung des herrn King an den vormaligen Missionär hrn Schmidt

Tentative de traduction :

"Anax ephippigera : vert-brun [testaceis : couleur de brique pilée], ligne noire au sommet du front ; tache dorsale bleue sur le deuxième segment de l'abdomen, le reste brun avec des taches en goutte jaunes latérales ; veines et pterostigmas couleur brique-pilée, (radio solo cum sectore secundo et postcosta nigro); pattes noires.

Mâle : cercoïdes triangulaires, larges, pointus, --- ailes postérieures avec un nuage jaune. Longueur 2 1/2.

Provient de Madras : un beau spécimen de la collection [résident] de la mission de Mr King à l'ancien missionnaire Schmidt."

Sur cette collection, voir ici.

Voir aussi Fliedner supra, et Philippe Calvert https://archive.org/stream/jstor-25076685/25076685#page/n29.

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https://www.biodiversitylibrary.org/item/34110#page/92/mode/1up

https://www.biodiversitylibrary.org/item/34110#page/92/mode/1up

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ÉTUDE DU NOM.

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Burmeister reprend ici pour cet Odonate une épithète — ephippiger — bien connue chez les Orthoptères, puisque dès 1784, Fleibnig, à Berlin,  avait baptisé ainsi une sauterelle (Tettigonidae) remarquable à son prothorax coudé en V ressemblant à une selle posée derrière la tête. En 1827, Berthold avait créé, pour les espèces semblables, le genre Ephippiger. Ephippiger ephippiger (ou E. diurnus) porte le nom vernaculaire d'Éphippigère de la vigne , mais aussi de Porte-selle ou de Porte-hotte.

Voir http://www.lavieb-aile.com/article-l-ephippigere-de-la-vigne-en-ponte-110728648.html

C'est donc certainement en ayant ce nom de sauterelle à l'esprit que Burmeister a nommé cette libellule, et il est évident pour chacun, quoique l'auteur ne le dise pas de manière explicite dans sa description, qu'il a considéré que l'emplacement de la tache  bleue proximale de l'abdomen appelait cette comparaison, d'autant qu'elle ne s'étend que sur la face dorsale, le "dos" et ne se prolonge pas sur le ventre de l'abdomen.

Burmeister décrit ensuite (1838), dans le même Handbuch vol.2 part.2 page 678-679  les sauterelles ephippiger groupés dans la sous-famille des Bradoporinae.

 

https://fr.wiktionary.org/wiki/%C3%A9phippig%C3%A8re

Le terme est formé du latin ephippium, latinisation du mot grec ephippios (« couverture ou selle de cheval ») et du verbe gerere (porter). Gaffiot ne traduit pas ephippium par "selle", mais bien par "couverture, housse" de cheval et donne des exemples chez Cicéron et César. Si, pour la Sauterelle ephippiger, la forme concave du prothorax évoque bien une selle, pour l'Odonate il est plus juste d'évoquer une couverture, de couleur bleue.

De même, Lewis & Short donnent en traduction d'ephippium "a pad-saddle, caparison, rug (as a rider's seat)".  Caparison se traduit par "une couverture ornementale pour un cheval. A saddle est " un siège généralement rembourré et recouvert de cuir pour le cavalier d'un animal (tel qu'un cheval)". A rug est "une couverture pour un animal (comme un cheval ou un chien)".

Merriam Webster indique : "New Latin, from Greek ephippion saddlecloth, saddle, from neuter of ephippios for putting on a horse, from epi- + hippios of a horse, from hippos horse."

L'ephippigium latin doit donc être distingué de nos selles de cuir  :

"Ce ne fut que vers le milieu du quatrième siècle, en 340, qu'apparut la selle proprement dite, si préférable et si commode pour le cavalier, non moins avantageuse pour le cheval, et dont le résultat indispensable, complétée par les étriers, était une équitation plus commode, plus sûre, plus solide et plus perfectionnée. Jusqu'alors l'arçon avait été inconnu, et on ne saurait donner le nom de selles à ces siéges d'étoffe rembourrés, ou à ces peaux de bête, en plusieurs doubles, qu'employaient les anciens. Xénophon parle de housses, dont le siége doit être entendu de manière à donner au cavalier une assiette plus ferme sans blesser le cheval. Chez les Romains, cette selle informe, ou plutôt ce panneau, qui était assujetti au moyen de trois sangles, au poitrail, à la queue et au ventre du cheval, portait le nom d'Ephippium, et l'on en voit la forme sur différentes médailles et d'anciens monumens, notamment sur les colonnes trajane, antonine et sur l'arc de Constantin. Toutefois, les fiers Germains, dont le sang se mêla avec celui des Gaulois, par les Francs de race germanique, pour former la nation française, plus attachés aux habitudes guerrières, que disposés à adopter les inventions dues à l'amour de la commodité, méprisaient les adversaires qui se présentaient à eux de la sorte; ils montaient leurs chevaux à nu, comme on le fit dans l'origine, et CÉSAR nous apprend qu'ils jugeaient l'usage de l'éphippium si mou, si lâche et si honteux, que leur mépris pour les cavaliers qui s'en servaient était tel, qu'ils ne craignaient pas de les attaquer, quelques supérieurs en nombre qu'ils fussent ( Commentaires de César, Guerre des Gaules, livre Iv.). En rendant justice aux motifs qui dirigeaient nos braves aïeux, nous les trouvons beaucoup plus mâles que raisonnés, et quelqu'informe que fut l'éphippium auprès de la selle, il offrait encore de grands avantages. Si la position était plus commode, évidemment elle était plus sûre, le cavalier étant plus fixe sur le milieu du dos du cheval, et pouvant mieux se servir de ses armes. Quelqu'habiles cavaliers que fussent les Germains, ils ne pouvaient manquer, dans les brusques mouvemens de la guerre, de se déplacer et d'arriver en glissant sur un poil lisse, trop près du garrot, et surtout de la croupe; de plus, le dos du cheval était plus ménagé, ainsi que le cavalier. L'expérience démontre, en effet, que de longues routes meurtrissent la colonne vertébrale du cheval, monté à nu, et que le cavalier lui-même en est blessé, surtout si l'épine dorsale est aiguë et décharnée; ainsi, tout mâles qu'étaient les motifs de ces braves d'Outre-Rhin, ils n'en étaient pas moins erronés, mais admirons cependant un peuple, qui en agissait de la sorte pour de pareils motifs. L'éphippium en usage ne présentant aucun moyen de suspension solide, il n'est pas étonnant que les anciens ignorassent encore l'usage des étriers ; mais si les exercices du Champ-de-Mars leur faisaient trouver les moyens de triompher de cette difficulté, s'ils parvenaient à s'élancer à cheval et à terre, tout armés, avec la plus grande adresse, il n'en était pas de même, quant au manque des étriers pour les marches; aussi Galien fait-il remarquer, dans plusieurs endroits de ses ouvrages, que la cavalerie romaine était sujette à plusieurs maladies des hanches et des jambes, faute d'avoir ses pieds soutenus à cheval. Environ six siècles avant, Hippocrate avait aussi fait l'observation, que les Scythes qui allaient beaucoup à cheval, étaient incommodés de fluxions aux jambes pour la même cause, et ces affections dûrent être communes à tous les peuples cavaliers." (F. d'Aldéguier 1843, Des Principes qui servent de base et d'instruction à la cavalerie p. 31)

 

 Le terme latin était connu de Linné, puisqu'il l'a utilisé pour le bivalve Anomia ephippium L. 1758,  ou Anomie Pelure d'oignon ou Common saddle-oyster : sans-doute a-t-il choisi ce nom car la bestiole était pliée (rugoso-plicata ...plicis), une valve recouvrant l'autre.

Linné a aussi créé pour un autre bivalve le nom d'Isognomon ephippium L. 1758.

On notera qu'en zoologie, les ephippia sont les œufs produits, toujours par paire, par les Daphnies en reproduction sexuée. Le Poisson-clown à selle se nomme Amphiprion ephippium.

Il ne faut donc pas assimiler, dans la compréhension de l'épithète ephippiger, la coloration bleue de la portion dorsale du deuxième segment de l'abdomen de cette libellule avec une selle, mais bien à un tapis de selle, tapis que je n'hésiterai  pas à qualifier de son nom en usage dans la cavalerie, celui de chabraque ou schabraque. Issu de l'allemand schabraque ou schaberacke, lui-même emprunté au turc  čaprak « couverture de selle".

 

La couleur bleue de la chabraque était, selon Alexandre Dumas, celle du duc d'Aumale :

"Monseigneur, dit une voix à son oreille , il a une chabraque rouge ! Le duc d'Orléans respira à pleine poitrine. Le cheval du duc d'Aumale avait une chabraque bleue. Il se retourna et jeta ses bras au cou de celui qui l'avait si bien compris. " (Les morts vont vite, 1861)

  Il faudrait traduire ephippiger par "Porte-chabraque", ce serait conforme à la réalité entomologique et à l'histoire,  et cela aurait beaucoup de gueule. 

Ma proposition me paraissait extravagante. Mais quelle surprise lorsque, parvenu à mon dernier chapitre sur les noms vernaculaires étrangers, je découvrais le nom allemand ! Ah, je n'en dis pas plus ! Voir infra !

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LES AUTEURS PRÉCÉDENTS EN ZOONYMIE.

 

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POITOU-CHARENTE NATURE

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http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/anax-porte-selle/

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Ephippiger de ephippion (gr) = selle et ger (um) (lat) = porter, soit porte-selle : les mâles arborent une tache bleu azuré sur le 2e segment abdominal, dont la forme rappelle celle d’une selle de cheval.

 

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DRAGONFLYPIX

http://www.dragonflypix.com/etymology.html

 

"Anax ephippiger (Burmeister, 1839) from Grk. ἐφίππιον = (pad) saddle + Lat. -ger, -gera, -gerum = -bearing for the (light-blue) saddle on S2."

 

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D'ANTONIO & VEGLIANTE.

https://www.researchgate.net/publication/316791278_Derivatio_nominis_libellularum_europaearum

"ephíppiger (Hemianax) - ephippium, ii = sella + gero, ere = portare in sè; che porta in sé una sella. Per la colorazione distintamente blu dei primi segmenti addominali che li fanno somigliare ad una sella. ."

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H. FLIEDNER, 2009

https://www.entomologie-mv.de/download/virgo-9/Virgo%200902%20Die%20wissenschaftlichen%20Namen%20der%20Libellen%20in%20Burmeisters.pdf

http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_Burmeister_Fliedner.pdf

"-- ephippiger [gr. ephippion - saddle; l. -ger - bearing] has a saddle-like blue mark on the second abdominal segment.."

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VAN HIJUM, 2005.

http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document&docid=555521

"Hemianax Zadellibellen (Hemi = halve; anax = heerser duidt op gelijkenis met de keizerlibellen) Zadellibel Hemianax ephippiger Sealglêzebiter, Sealkeizer ephippiger — ephippion — zadel, gerere dragen Anax Keizerlib "

 

 

 

 

 

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RÉCEPTION.

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https://books.google.fr/books?id=IaEgAAAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

https://books.google.fr/books?id=IaEgAAAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

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LES NOMS VERNACULAIRES.

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I. LES NOMS VERNACULAIRES FRANÇAIS.

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1°) L'Anax méditerranéenne. Sélys,  1840 et 1850.

 

— SELYS-LONGCHAMPS ( Michel Edmond, Baron de) 1840 - Monographie des Libellulidées d'Europe. - Roret, Paris ; Muquardt, Bruxelles, 220 pages, page 120.

En 1839, la même année que Burmeister pour A. ephippiger,  Sélys-Longchamps avait décrit Aeshna (Anax)  mediterranea.  
 

Selys Longchamps, E. (de) 1839. Description de deux nouvelles espèces d'Aeshna du sous-genre Anax (Leach). Bulletin de l'Académie royale des Sciences de Belgique, 6(2): 386-383 page 391 https://www.biodiversitylibrary.org/page/15829405#page/415/mode/1up

En 1840, il reprend certes description dans sa Monographie des Libellulidées d'Europe avec un nom français, simple traduction de son nom scientifique : l' Anax méditerranéenne. 

 

https://books.google.fr/books?id=NaI-AAAAcAAJ&dq=Monographie+des+Libellulid%C3%A9es+d%27Europe.&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

https://books.google.fr/books?id=NaI-AAAAcAAJ&dq=Monographie+des+Libellulid%C3%A9es+d%27Europe.&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

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En 1850 Sélys-Longchamps écrit  dans la Revue des Odonates ou Libellules d'Europe:

 

"Le genre ne comprend plus authentiquement que deux espèces  européennes, le formosus Vandert. qui est commun dans tout le centre et le midi et parait étranger aux parties boréales, et le Parthénope de Selys qui n'a été observé jusqu'ici que dans certaines localités de l'Italie, de la France et de la Prusse. Le formosus se trouve dans le nord de l'Afrique. 

On doit supprimer la junia (spiniferus Rambur), qui appartient à l'Amérique septentrionale, et le Mediterraneus de Sélys dont l'existence en Provence et en Sardaigne est plus que douteuse et qui parait ne se trouver réellement que dans l'Afrique tropicale. "

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k26769q/f139.image.texteImage

 

2°) Anax porte-selle, Paul-André Robert 1958 puis d'Aguilar et Dommanget 1985.

Paul-André Robert 1958, Les Libellules (Odonates), Delachaux & Niestlé. Il écrit page 198 : "signification du nom : ephippiger = porte-selle.. Ce nom fait allusion à la splendide tache bleu de ciel qui recouvre le 2ème segment du mâle. Cette tache fait un grand contraste avec tout le reste du corps et ressemble à une plaque d'émail posée sur le dos de la bête, comme une selle.".

Ce nom apparaît à partir de 1983 dans une série de guides sur les Odonates d'Europe, qui reprennent tous les mêmes noms vernaculaires : il semble logique de considérer que les auteurs à l'origine du nom d'Anax Porte-selle sont les premiers auteurs français mentionnés, Jacques d' Aguilar et Jean-Louis Dommanget, en 1985. Comme cela a été le cas pour les Lépidoptères, c'est la parution de ces guides de vulgarisation, d'abord étrangers, qui a contraint les entomologistes français à combler la grande carence de notre langue en zoonymes vernaculaires.

The Dragonflies of Great Britain and Ireland , Cyril Oswald Hammond, ‎Richard Robinson Askew, ‎Robert Merritt - 1983 

Guide des libellules d'Europe et d'Afrique du Nord , Jacques d' Aguilar, ‎Jean-Louis Dommanget - 1985, 

A field guide to the dragonflies of Britain, Europe and North Africa, Jacques d'. Aguilar, ‎Jean-Louis Dommanget, ‎René Préchac - 1986 - 

..— Étude faunistique et bibliographique des Odonates de France , Jean-Louis Dommanget - 1987 -

—  The Dragonflies of Europe - Harley Books, 1988 -

 

Le nom d'Anax  porte-selle est désormais adopté par tous les ouvrages de vulgarisation, ainsi que par l'INPN pour Anax ou Hemianax ephippiger. La comparaison avec les noms vernaculaires catalan, anglais et allemand permet de constater, une fois de plus, combien notre langue a laissé passer sa chance de se doter de noms créatifs, poétiques et signifiants, au lieu de se contenter de traductions littérales des noms scientifiques, et, ici notamment, d'une réflexion critique et philologique  sur le danger des traductions trop rapides. Le contre-sens sur ephippiger et ephippium aurait pu être évité.

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II. LES NOMS VERNACULAIRES DANS D'AUTRES LANGUES.

- Catalan l'EMPERATOR DIVAGUANT, "L'Empereur migrant".

- Néerlandais ZADELLIBEL, " la libellule-selle".

- Allemand :  DIE SCHABRACKENLIBELLE, "la libellule Chabraque",  ou SCHABRACKEN-KÖNIGSLIBELLE, "la libellule royale Chabraque".

- anglais : THE VAGRANT EMPEROR , l'Empereur migrateur.

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SOURCES ET LIENS.

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Bibliographie générale de ces articles de zoonymie des Odonates : voir ici.

http://www.lavieb-aile.com/2018/01/la-bibliographie-de-mes-articles-de-zoonymie-des-odonates.html

 

 

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OUTILS DE  ZOONYMIE.

— http://www.dragonflypix.com/etymology.html

 — PRÉCIGOUT (Laurent), PRUD'HOMME (Eric), 2009, Libellules de Poitou-Charentes, Ed. Poitou-Charentes Nature, 255 pages, 

— POITOU-CHARENTE NATURE (Association) / Philippe JOURDE & Olivier ALLENOU

http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/leucorrhine-a-front-blanc/

— ANTONIO (Costantino D’), VEGLIANTE (Francesca ) "Derivatio nominis libellularum europæarum"(PDF) (en Italien) Étymologie de 197 noms de Libellules européennes.

https://www.researchgate.net/publication/316791278_Derivatio_nominis_libellularum_europaearum

 

— ENDERSBY (IAN D. ), 2012,  : Watson and Theischinger: the etymology of the dragonfly (Insecta: Odonata) names which they published  Journal and Proceedings of the Royal Society of New South Wales, vol. 145, nos. 443 & 444, pp. 34-53. ISSN 0035-9173/12/010034-20 34

https://royalsoc.org.au/images/pdf/journal/145_Endersby.pdf

— ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, Etymology of the Dragonflies (Insecta: Odonata) named by R.J. Tillyard, F.R.S. Proceedings of the Linnean Society of New South Wales 134, 1-16.

https://openjournals.library.sydney.edu.au/index.php/LIN/article/viewFile/5941/6519

— ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, The Naming of Victoria’s Dragonflies (Insecta: Odonata,  Proceedings of the Royal Society of Victoria 123(3): 155-178. 

https://www.academia.edu/28354624/The_Naming_of_Victoria_s_Dragonflies_Insecta_Odonata_

— ENDERSBY (IAN D. ), 2015, The naming's of Australia's dragonflies.

https://www.researchgate.net/publication/283318421_The_Naming_of_Australia%27s_Dragonflies

 http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_origine_noms_odonates_Australie_Endersby_2015.pdf

— FLIEDNER (Heinrich), 2009, Die wissenschaftlichen Namen der Libellen in Burmeisters ‘Handbuch der Entomologie’ Virgo 9[5-23]

http://www.entomologie-mv.de/download/virgo-9/Virgo%200902%20Die%20wissenschaftlichen%20Namen%20der%20Libellen%20in%20Burmeisters.pdf

— FLIEDNER (Heinrich), "The scientific names of the Odonata in Burmeister’s ‘Handbuch der Entomologie".

http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_Burmeister_Fliedner.pdf

— FLIEDNER (Heinrich),  1997. Die Bedeutung der wissenschaftlichen Namen Europaischer Libellen. Libellula, supplement I. Sonderband zur Zeitschrift der Gesellschaft deutschsprachiger Odonatologen (GdO) e.V. Fliedner, Bremen.

— FLIEDNER (H.), 2012, Wie die Libelle zu ihrem Namen kam Virgo, Mitteilungsblatt des Entomologischen Vereins Mecklenburg 15. Jahrgang (2012).

https://www.entomologie-mv.de/download/virgo-15/virg%2015104%20Libelle_Namensherkunft.pdf

— HIJUM (Ep van ), 2005, Friese namen van libellen , TWIRRE natuur in Fryslan jaargang 16, nummer 4 page 142-147

http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document&docid=555521

— STEINMANN (Henrik), World Catalogue of Odonata, Walter de Gruyter, 6 févr. 2013 - 650 pages . Numérisé Google.

https://books.google.fr/books?id=IaEgAAAAQBAJ&dq=world+catalogue+odonata&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

 

 

EXTRAIT DE LA BIBLIOGRAPHIE : 

 

 

— Burmeister H. 1839 - Handbuch der Entomologie. - Enslin, Berlin .

— CHARPENTIER (Toussaint von) , 1840, Libellulinae europaeae descriptae ac depictae. L. Voss, 180 pages,.

https://books.google.fr/books?id=DoIwvgAACAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— DELIRY (Cyrille) : Bibliothèque des Odonates

http://www.deliry.com/index.php?title=Biblioth%C3%A8que_Odonatologique

— DELIRY (Cyrille)  Monographie Anax ephippiger

http://www.deliry.com/index.php?title=Hemianax_ephippiger

 

— SELYS-LONGCHAMPS ( Michel Edmond, Baron de) 1840 - Monographie des Libellulidées d'Europe. - Roret, Paris ; Muquardt, Bruxelles, 220 pages.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k370057n/f148.image.r=selys.langFR

— SELYS-LONGCHAMPS ( E.de), 1840b - Enumération des Libellulidées de Belgique. - Bull. Ac. r. Bruxelles, Sér. 1 (7) : 31-43. -
— SELYS-LONGCHAMPS ( E.de),1850 - Revue des Odonates ou Libellules d'Europe. - Bruxelles, Paris.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k26769q.texteImage

— SELYS-LONGCHAMPS ( E.de), 1883, Synopsis des Aeschines, Première partie : Classification. - Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3me série, 5 : 712-748 : 722-723

https://www.biodiversitylibrary.org/item/111256#page/745/mode/1up

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Odonates

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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