Iconographie de saint Christophe : la lancette de saint Christophe, baie n°1, (vers 1500-1510) à l'église Notre-Dame de Brennilis.
—–Sur l'église de Brennilis, voir :
La Baie n°1 : sainte Anne portant la Vierge en son sein ; saint Fiacre. (vers 1498-1510)
La baie n° 2 : saint Michel, le Christ et saint Jacques (1490-1495)
Notre-Dame de Breac-Ellis. La niche sculptée de la Vierge à la Démone (v. 1575)
—–Sur Saint Christophe, voir aussi :
— Saint Christophe en Bretagne :
Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. I. La baie n°113. (vers 1495-1497). Jean Le Baillif.
Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. II. La baie n°114. (vers 1495-1497). Christophe ? de Lezongar, Sr de Pratanras
Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. II. La baie n°115. (vers 1495-1497).
Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. IV. La baie n°126. (vers 1495-1497). Chanoine Jean de Kerguelenen.
Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. V. La baie n° 128. (vers 1495-1497).
Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. Une synthèse des cinq exemples étudiés. (vers 1495-1497).
Panneau de Jeanne du Pont présentée par Saint Christophe à Tonquédec (1470)
— En Espagne :
Petite iconographie de Saint Christophe à Séville. I : le retable du couvent San Benito de Calatrava. (vers 1480)
Petite iconographie de Saint Christophe à Séville. II : La cathédrale. (1584)
Petite iconographie de Saint Christophe à Séville. IV: à l'Alcazar
- Iconographie de saint Christophe : la cathédrale de Burgos.
— En France :
- Iconographie de saint Christophe : le vitrail (vers 1520) de l'église Saint-Hilaire de Clohars-Fouesnant (29).
Iconographie de Saint Christophe : les vitraux de la cathédrale d'Angers, II. La baie 117 (1451)
Iconographie de saint Christophe : Semur-en-Auxois (c.1372).
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L'église Notre-Dame est une ancienne chapelle tréviale de Loqueffret devenue église paroissiale en 1849. Une inscription en lettres gothiques à droite du maître-autel en indique la date de fondation : " Y[ves] toux procureur lan mil CCCC IIII XX + cinq [1485] : au cõmenceme[n]t de . ceste . chappele". Le terme de "procureur" indique la fonction d'Yves Toux comme fabricien, chargé de gérer le temporel d'une paroisse, c’est-à-dire ses biens et ses revenus, et de décider et surveiller les travaux de construction. Dans les petites paroisses rurales, la fabrique est constitué d’une seule personne nommé "procureur fabricien".
La verrière d'axe ou baie 0, datée vers 1500,conserve les armoiries de Louise de Berrien et de son époux Olivier de Quélen baron du Vieux-Chastel, décédé en 1521. On y trouve aussi les armoiries des parents et grands parents de Louise de Berrien, seigneurs de Brennilis : Henri de Berrien (marié à Louise du Juch) et Yvon de Berrien (père d'Henri, marié en 1443 à Jeanne de Lezongar).
La baie n°1, placée à gauche du chevet plat, était autrefois cîmée des mêmes armes de Berrien plein.
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Inscription de fondation, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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Situation de la verrière.
La baie n°1 se situe à gauche du chœur, sur le mur oriental du bras nord du transept. Elle éclaire un autel et est encadrée par une statue de saint Divy, et par le groupe de saint Yves entre le riche et le pauvre.
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Situation de la Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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Le vitrail.
La baie 1 mesure 2,50 m de haut et 0,90 m de large et est datée par Françoise Gatouillat et Michel Hérold (Corpus Vitrearum) de 1500-1510 ; ses 2 lancettes en plein cintre comportent chacune deux registres, consacrés à sainte Anne et saint Christophe à gauche, à un motif perdu et à saint Fiacre à droite. Dans le tympan, un soufflet (blason de Bretagne) est entouré de deux mouchettes (Saint Michel et sainte Marguerite). Elle a été restaurée par Gruber en 1967.
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Le panneau inférieur de la lancette A : Saint Christophe.
Dans une niche architecturée à fond rouge, le saint traverse un cours d'eau entre deux rives escarpées, par un gué figuré en gris clair. Alors qu'il se déplace de la droite vers la gauche, s'aidant de son bâton de marche, il se retourne pour observer l'enfant qu'il porte sur son épaule gauche. Celui-ci se révèle à lui comme le maître et sauveur du monde, dont il tient le globe crucifère dans la main gauche.
Lancette de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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L'inscription de donation.
Elle se poursuit sur le registre inférieur de la lancette B et doit se lire : RO ...DE BERYEN PECTR DE PLEYBEN OD FAG ...C VITRARE ISTAS FENESTRZ
soit "Roland de Beryen, recteur de Pleyben fit faire vitrer cette fenêtre".
Lecture de 1849 : No. de Bezyen Prestre de Pleyben O faict vitrare istas fenestras
La mention "Ro ... de Bezien" est extrapolé "Roland de Bezien" car l'existence d'un vicaire perpétuel, c'est-à-dire recteur de Pleyben portant ce nom est attestée pour la période de 1492 à 1498, sous les orthographes Rolland de Berryen ou Beryen." Il eut des démêlés avec les fabriciens de Pleyben touchant l’attribution des offrandes, dons et legs faits à l’église, qu’il voulait se réserver. Une bulle d'Alexandre VI, conservée aux archives paroissiales, en date du 19 Février 1498, confirme pour 25 ans un accord survenu entre Rolland et ses paroissiens à ce sujet. Ce fut sous le rectorat de Berryen que fut construite, en 1490, la chapelle de Lannélec" (H. Pérénnes, 1939). On notera que le recteur de Pleyben qui lui succéda en 1512-1519 sera Hervé de Lezongar, dit le Jeune, également recteur de Ploaré, Clohars-Fouesnant, et Penhars.
Panneau de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
Panneau de saint Fiacre, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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Or, l'un des vitraux de la chapelle de Lannelec, dans la paroisse de Pleyben, porte une inscription comparable à celle-ci : il s'agit de la baie n°2 , où, à coté les armoiries de la famille Berrien, d'argent à trois jumelles de gueules au franc-canton d'or chargé d'un loin de sable l' ange de droite porte un phylactère avec l'inscription RO O DE B[E]RIEN. Ce vitrail est daté par les auteurs du Corpus Vitrearum de 1500.
http://www.lavieb-aile.com/article-vierges-allaitantes-vii-lannelec-a-pleyben-100361239.html
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Saint Christophe et le Christ;
Le saint présente un visage fort, barbu, avec des cheveux cours et drus . Son front est ceint d'un bandeau. Il porte un manteau mauve pâle dont les pans sont fixés par un fermail, et une tunique bleue au dessus d'un pagne blanc. Il s'appuie d'une main sur la hanche, tandis que la main gauche tient le bâton de marche. Celui-ci, une branche écotée inclinée selon une diagonale supérieure droite, se termine par une courte fourche mais n'est pas fleuri.
L'Enfant bénit l'univers de la main droite et tient le globus cruciger de la main gauche. Il se tient de face et regarde devant lui, la tête inclinée vers la gauche. Mais la tête et le nimbe sont dus à une restauration récente.
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Lancette de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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La tête de saint Christophe est une belle réalisation de peinture sur verre associant un dessin par apport de grisaille, une soustraction de peinture noire par "enlevé" (cheveux), et des rehauts de sanguine sur les pommettes et les lèvres.
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Saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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La partie basse du panneau permet d'observer comment le peintre a traité le motif de la rivière. On n'y trouve aucun poisson, aucune créature aquatique, mais quelques plantes, et, sur la rive verte, peut-être une libellule.
Saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
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DISCUSSION.
Étude iconographique.
Par rapport au schéma traditionnel complet, nous retrouvons :
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les deux rives escarpées
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la progression de la droite vers la gauche;
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les jambes orientées vers la rive de gauche, mais la rotation du tronc présenté de face, poursuivi par la rotation de la tête vers le haut et la droite,
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la stature de géant du saint (peu soulignée)
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le caractères de sauvagerie du personnage : barbe et cheveux drus.
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le bandeau "de (futur) martyr" autour du front
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L'Enfant porté sur l'épaule gauche, bénissant et tenant le globe.
Par contre sont ici absents :
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l'ermite guidant le saint par sa lanterne sur la rive de gauche
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les poissons et monstres aquatiques dans la rivière,
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l'échange de regards entre Christophe et le Christ.
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la représentation du fleurissement miraculeux du bâton de marche.
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les couleurs rouge et verte des vêtements.
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l'axe en diagonale supérieure gauche du bâton (et de l'effort de progression).
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Iconographie comparée.
J'ai décrit précédemment 12 autres vitraux dédiés à saint Christophe en France, dont 8 en Bretagne. Ils ont été réalisés entre 1451 et 1550, et, pour les exemples bretons, dans l'étroite fourchette de 1470 et 1497. Celle-ci correspond, partiellement et sans corrélation directe, avec la période où Anne de Bretagne était duchesse de Bretagne (1589) et reine de France comme épouse de Charles VIII (1491-1598). Celle-ci correspond aussi, pour le diocèse de Quimper, au programme de vitrage des baies hautes de la cathédrale où les principales familles de la noblesse se firent représenter, puis au programme de vitrage des chapelles et églises, où les mêmes familles veillèrent à placer leurs armoiries et à affirmer leurs privilèges.
La liste des vitraux bretons, avec les donateurs, est la suivante :
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cathédrale de Quimper, baie n°113. (vers 1495-1497). Le chanoine Jean Le Baillif.
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cathédrale de Quimper,baie n°114. (vers 1495-1497). Un membre de la famille de Lezongar, Sr de Pratanras présenté par saint Christophe
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cathédrale de Quimper, baie n°115. (vers 1495-1497).
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cathédrale de Quimper, baie n°126. (vers 1495-1497). Un seigneur de Kerguelenen présenté par saint Christophe.
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cathédrale de Quimper, baie n° 128. (vers 1495-1497).
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Vitrail de saint Christophe (1480), église de Ploermel. Seigneur de Botigneau.
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Panneau de Jeanne du Pont présentée par Saint Christophe à Tonquédec (1470)
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la baie 2 (vers 1520) de l'église Saint-Hilaire de Clohars-Fouesnant (29).
La comparaison se fait aisément entre le panneau de Brennilis, et les baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant, car dans ces 5 cas, le donateur n'est pas représenté, et saint Christophe apparaît "en pied".
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Saint Christophe dans les baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant
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On peut conclure qu'en Cornouaille, suivant l'exemple du duc de Bretagne Jean II, principale mécène de la cathédrale de Quimper, et de sa fille la duchesse Anne, une vive émulation amena les seigneurs des différentes paroisses à se faire représenter en donateurs sur les vitrails couronnés de leurs armoiries afin d'imposer la marque de leur pouvoir, de défendre leurs droits prééminenciers dans les lieux de culte, de s'assurer, par leurs dons, de garanties pour leur vie dans l'au-delà. Face aux dangers du corps (foudre, guerre, maladie, et —pour les épouses— dangers de l'accouchement) et de l'âme (mort en état de péché), ils puisèrent dans leurs Livres d'Heures pour bénéficier du patronage des saints réputés protecteurs de ces périls, l'un des 14 saints auxiliateurs comme Acace, Blaise, Christophe, Denis, Eustache (bientôt remplacé par saint Hubert), Gilles, Georges, Sébastien ou, pour les femmes, Barbe, Catherine et Marguerite. Mais aussi sainte Anne, sainte Ursule, sainte Madeleine, sainte Hélène ; et saint Nicolas, saint Antoine, saint Hervé, saint Julien saint Fiacre ou saint Éloi.
Voir ici le Livre d'Heures de Charles VIII folio 106r
Dans ce seul vitrail, nous trouvons évoqué saint Christophe et saint Fiacre, mais aussi saint Anne et son époux, sainte Marguerite, alors qu'en baie 2 sont invoqués saint Michel et saint Jacques (ou saint Roch).
Mais que parmi les saints et saintes invoqués, saint Christophe fut choisi bien plus souvent que tous les autres, du moins en la cathédrale de Quimper (6 fois). Est-ce comme figure mythique du géant protecteur des voyageurs et pèlerins ? Est-ce comme grande figure de la foi portée au Christ ?
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Saint Christophe et la famille de Lezongar.
Dans la baie 114 de Quimper, saint Christophe présente un seigneur portant les armoiries d'azur à la croix d'or cantonnée à dextre d'une fleur de lys de la famille de Lezongar, seigneurs de Pratanras.
Or, Roland de Berrien, recteur de Pleyben et donateur du vitrail que nous étudions, est selon les généalogistes le fils d'Yvon de Berrien et de Jeanne de Lezongar, elle-même fille de Rolland II de Lezongar, seigneur de Pratanroz en Penhars (ca 1400-1440).
Roland de Berrien est donc le frère d'Henri de Berrien, seigneur de Coatanezre, et il est l'oncle de Louise de Berrien, donatrice de la maîtresse-vître (et petite-fille de Jeanne de Lezongar).
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SOURCES ET LIENS.
—Blog du maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan. mars 2007
http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6197893.html
— Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :
http://www.infobretagne.com/brennilis.htm
— Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf
— ABGRALL, Notices, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 et 318-319. :
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf
— COMBOT (recteur de Brennilis) Note sur l'église de Brennilis, 1856, cité dans BDHA— COUFFON (René) , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf
— PÉRÉNNES (Henri), 1939, Pleyben le Clergé, BDHA
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1939.pdf
—PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.
— Bulletin Société archéologique du Finistère 1993.
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