Joris Hoefnagel et son premier Hibou au caducée: L' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) .
.
Sur Joris Hoefnagel, voir dans ce blog :
- Hoefnagel à la Solfatare (1578) Autoportrait au clou martelé par Bëtise et Malfaisance. L'homme à la tête de clou .
- Autoportrait de Joris Hoefnagel devant Cabeças (Andalousie) en 1565. Enquête sur le pont romain de Las Alcantarillas (Utrera).
- Hoefnagel et la naissance de la tauromachie à Séville. La Vue de Séville de 1598.
- La Vue de Séville de 1598 dans le volume V du Civitates orbis terrarum.
- Vue de Séville par Hoefnagel dans le volume I du Civitates orbis terrarum (1572)
- Vue de Séville par Hoefnagel dans le volume IV du Civitates orbis terrarum (1588)
- Vue de Séville par Hoefnagel dans le volume V du Civitates orbis terrarum (1598).
- Les six premières planches du Salus Generis Humani (1590) d'Égide Sadeler d'après les études d'Hoefnagel, et la typologie biblique.
- Le Hibou au caducée de Joris Hoefnagel
- Les Hermathena d'Égide Sadeler (1595) de Nicolas Stopio (1566) et de Pietro Bembo (1555) . A propos d'une inscription de Joris Hoefnagel.
- Inventaire des papillons (Lepidoptera) figurant dans Animalia rationalia et insecta (Ignis) de Joris Hoefnagel, 1575-1582.
Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel (II).
Inscriptions et insectes dans l'Ignis de Hoefnagel (III) : discussion et décomptes.
Diane et Actéon de Joris et Jacob Hoefnagel au Louvre et les Epigrammata deThéodore de Bèze.
Le théâtre de la nature de Joris Hoefnagel, et le Musée de l'innocence d'Orhan Pamuk.
La planche "Ater, Insectes et dieu du vent" de Joris Hoefnagel (Metropolitan Museum, New-York).
Joris Hoefnagel offre à sa mère pour ses 70 ans l'une des premières Natures mortes connues.
.
Dans un article précédent, Le Hibou au Caducée chez Joris Hoefnagel, je présentais
cinq peintures de Hoefnagel au Hibou et/ou au caducée:
-
Missale romanum folio 332, Deuxième Dimanche après Pâques, 39 x 28,5 cm. 1582-1590.
-
Missale romanum folio 637, Messe des Défunts, 1590
-
Schriftmusterbuch folio 20, 18 x 13,2 cm, "Hibou attaqué", 1594-1598
-
Grotesque inventaire n°1519, 17 x 13,2 cm, sans date
-
Allégorie pour l'amitié d' Abraham Ortélius, 11,7 x 16,5 cm, 1593.
.
J'ai découvert un nouvel exemple, plus précoce, sur cette Allégorie aux deux Nymphes, et je l'ai étudié dans un article séparé :
.
J'étudie maintenant l'enluminure dans sa globalité.
Il s'agit de l' Allégorie aux deux Nymphes, avec les vues de Munich et de Landshut datée de 1579. Elle est conservée au Kupferstichkabinett du Staatliche Museen de Berlin, sous le n° d'inventaire KdZ 4804 , et sous le titre de Ansicht von München und Landshut in reicher allegorischer Umrahmung .
.
On peut l'examiner en ligne sur le site de NKD :
https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11
Mais Théa Vignau-Wilberg en a donné une reproduction de bonne qualité dans son livre de 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, et c'est la photographie de ce document que j'exploite ici.
Je suis aussi redevable des 455 pages de texte de cet ouvrage dans lequel j'ai largement puisé.
.
Je la décrirai en trois registres, le registre supérieur où s'affiche la Vue de Munich ; le registre médian principal avec la scène allégorique encadrée de bordures emblématiques ; et le registre inférieur avec la Vue de Landshut. Je présenterai ensuite, en guise de fiches documentaires, la cour ducale de la Maison de Wittelsbach, et les données historiques, celles concernant les partitions de musique, etc.... Joris Hoefnagel a peint cette miniature pour le cabinet d'art (Kunstkammer) du duc de Bavière Albert V, mais celui-ci décéda le 24 octobre 1579.
Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
DESCRIPTION.
Aquarelle et gouache sur vélin de 235 x 180 mm (423 cm2) ; feuille d'or, ligne d'encadrement noire.
.
I. REGISTRE SUPERIEUR : Vue de Munich.
Le cadre. La vue de Munich apparaît dans un cadre certes formé de branches mortes, mais dont l'examen révèle la complexité. Tout en donnant l'illusion d'un encadrement vraisemblable, il est irréaliste puisque les branches traversent, en haut, les volutes d'un élément de bois ou de métal doré tandis qu'elles se métamorphosent, de chaque coté, en une chimère . En bas, elles se terminent autour de la couronne ducale.
La vue de Munich permet de voir l'Isar au premier plan, traversée à gauche par un pont : c'est grâce à ce pont et au commerce du sel, que la ville doit son développement. Parmi les nombreux clochers, on reconnaît facilement les deux tours de la Frauenkirche, la cathédrale ; les autres sont identifiables grâce à la légende de la gravure du Civitates, qui en a été tirée.
Blasons et devises.
Le panorama de la ville est encadré à gauche par le blason de la Maison des Wittelsbach fuselées en bande d'azur et d'argent. A proximité, dans l'entrecroisement en trophée d'une lance et d'une croix, un cartouche montre un lion allongé près d'un agneau avec les mots "parcere suiectis". A ce décor répond, du coté droit, les armoiries de Munich sous la forme d'un moine en robe noire et chaussures rouges tenant un livre dans sa main gauche et bénissant de la main droite : au IXe siècle, le village de « Munichen » (bei munichen,"chez les moines" en vieil-allemand) a vu le jour près d'une abbaye bénédictine du VIIIe siècle. Le médaillon contient voisin une représentation d' Hercule terrassant le lion de Némée, et porte les mots et debellare superbos. Il est placé au sein d'un trophée inspiré des cartouches de Hans Floris avec un casque de style grotesque, des armes enrubannées et autres accessoires. Les Wittesbach considéraient descendants d'Hercule ; le "lion couché" est une de leurs figures emblématiques.
.
a) Portrait (de fiançaille) du duc Albert V à 17 ans par Hans Mielich. Au deuxième collier est suspendu un lion couché, le "liegenden Löwen".
http://www.hdbg.de/portraitgalerie/gemaelde-4301-zoom.php
.
b) Portrait d'Albert V en 1555 par Hans Mielich. Un lion couché ou "liegenden Löwen" est représenté derrière lui.
.
c) armoiries des Wittesbach
http://de.wikipedia.org/wiki/Wittelsbach
.
d) Les armes des Wittesbach par Hoefnagel au dessus de la gravure représentant Landshut dans le Civitates Orbis Terrarum volume III :
e) Le blason de Munich : http://de.wikipedia.org/wiki/M%C3%BCnchen
En réunissant les deux inscriptions, on obtient une citation de l'Enéide de Virgile (VI, 853) Parcere subjectis et debellare superbos "Protéger les faibles et frapper les arrogants" (ou "pardonner aux vaincus et dompter les rebelles"), qui était l'une des devises du duc Albrecht V. Cette devise était parfois illustrée par "Un lion embrassant une brebis et un autre lion dompté par son maître", ce qui permet de comprendre le cartouche de gauche, et le lien avec l'emblème du lion couché..
.
Joris Hoefnagel, Vue de Munich, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
II. REGISTRE MEDIAN.
.
1. Le dais couronné.
La couronne ducale, frappée d'hermines, vient coiffer un dais ou pavillon dont le bandeau noir porte en lettre majuscules or les mots TV DECVS OMNE TVIS.
En 1551, Claude Parradin avait publié dans ses Devises héroïques (Lyon, Jean de Tournes er Guillaume Gazeau) cette citation Tu decus omne tuis. La figure montrait une main tenant une langue arrachée. Dans l'édition de 1557, et un épigramme l'accompagnait, faisant allusion à un geste héroïque de Lysimaque arrachant la langue d'un lion qui l'attaquait, avant de l'étrangler. L'édition de 1621 l'accompagnait de la traduction "Tu es l'honneur des tiens", et d'une allusion à Hercules dans sa victoire du lion de Némée. Une édition est parue à Anvers en 1583.
.
http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/facsimile.php?id=sm816_p149
.
La présence de cette devise est logique ici, puisque elle glorifie le courage du duc Albert V tout en faisant référence au lion de Némée et à la devise précédente.
Néanmoins, il s'agit initialement d'une citation de la cinquième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 34 (site Philippe Remacle, trad. Nisard) :
instituit; Daphnis thiasos inducere Bacchi,
et foliis lentas intexere mollibus hastas.
Vitis ut arboribus decori est, ut uitibus uuae,
ut gregibus tauri, segetes ut pinguibus aruis,
tu decus omne tuis. Postquam te fata tulerunt,
[5,35] ipsa Pales agros atque ipse reliquit Apollo.
Grandia saepe quibus mandauimus hordea sulcis,
infelix lolium et steriles nascuntur auenae;
pro molli uiola, pro purpureo narcisso
carduos et spinis surgit paliurus acutis.
"Daphnis qui nous apprit à conduire les choeurs de Bacchus, à enlacer de pampres gracieux de souples baguettes. Comme la vigne est la parure des arbres, les raisins de la vigne; comme le taureau est l'orgueil du troupeau, les moissons l'ornement des grasses campagnes; de même, ô Daphnis, tu l'étais de nos bergeries. Depuis que les destins t'ont enlevé, Palès elle-même, Apollon aussi a quitté nos champs. Souvent dans ces sillons à qui nous avions confié des grains superbes, il ne croît plus que la triste ivraie et toutes les herbes stériles; à la place de la douce violette, du narcisse pourpré, s'élèvent le chardon, et la ronce aux épines aiguës. "
on trouve aussi les traductions "Vous fûtes la gloire de nos hameaux", ou "Tu fus la gloire des tiens" (Charpentier, 1859).
Toutes ces traductions emploient le passé simple, car, dans ce dialogue , Menalque et Mopsus déplorent la mort du berger Daphnis et en chantent l'éloge. Le texte est précédé par
"Une mort cruelle avait ravi Daphnis à la lumière; les nymphes le pleuraient: coudriers, claires ondes, vous fûtes témoins de leur douleur, lorsque, tenant embrassé le misérable corps de son fils, une mère désolée accusait la rigueur et des dieux et des astres. Dans ces jours, ô Daphnis, aucun berger ne mena ses boeufs, au sortir des pâtis, se désaltérer dans les fraîches rivières; ses troupeaux ne goutèrent même pas de l'eau des fleuves, ne touchèrent pas à l'herbe des prés. Les lions mêmes de la Libye, ô Daphnis, ont gémi de ta mort; les sauvages monts, les forêts nous le redisent encore. C'est Daphnis qui nous apprit à atteler au char les tigres d'Arménie;
et il est suivi par :
"Jonchez la terre de feuillage, bergers; couvrez ces fontaines d'ombrages entrelacés: Daphnis veut qu'on lui rende ces honneurs. Élevez-lui un tombeau, et gravez-y ces vers: "Je suis ce Daphnis connu dans les forêts et jusques aux astres, berger d'un beau troupeau, moins beau que le berger."
Il est donc possible que l'enluminure ait été réalisée lors, ou juste après le décès du duc Albert en octobre 1579, et que les mots Tu Decus Omne Tuis soient un éloge funèbre "Tu fus la gloire de ton duché". Cela, bien entendu, changerait la lecture du reste de la peinture.
.
Ce bandeau noir est prolongé vers le bas par des draperies largement cloutées, décorées de deux aigles noirs bicéphales et des couleurs rouge et blanche des Habsbourg et donc du Saint-Empire Germanique (L'empereur est alors Rodolphe II).
.
2. La scène centrale.
Dans un jardin clos (évoquant immédiatement le locus amoenus antique et ses avatars médiévaux) deux femmes aux amples vêtements tiennent des vases remplis de lys. L'une, de face, regarde le spectateur, tandis que l'autre, vue de 3/4 arrière, tourne dans une vrille son bassin vers la droite puis ses épaules et son visage vers la gauche pour se présenter en faux profil. Elles sont séparées par le tronc tortueux d'un laurier, symbole de la gloire, dont les branches sommitales supportent la lettre majuscule A qui rend hommage au nom du duc Albert V (Albrecht), voire, en même temps, à son épouse Anna.
En arrière plan, le jardin est fermé par des claies. Il est divisé en parterres carrés délimités par des lignes de buis nains taillés, chaque carré, que l'on nommait "carreau" étant planté selon un dessin géométrique différent et centré par un vase portant des fleurs.
Ce type de jardin apparu en Italie (villa de Poggio Reale), a été importé en France au début du XVIe siècle à Amboise, Blois et Gaillon par Charles VIII et Louis XII, et Jacques Androuet du Cerceau en a relevé les plans dans son Plus excellents bastiments de France en 1576-1579. Le jardin médiéval et ses quatre carrés centrés par une fontaine et plantés de simples à visée thérapeutique ou d'assaisonnement devient un espace de représentation dont les motifs ornementaux sont admirés d'un point de vue plus élevé, dans le cadre d'une promenade. C'est un décor de théâtre pour les festivités qu'on y donne. C'est aussi — surtout depuis l'entrée des bulbes exotiques, les tulipes et jacinthes — un cabinet de curiosité à ciel ouvert où le prince collectionneur de plantes rares les propose à l'admiration dans ce qui correspondrait à des armoires, des "chambrettes" et "lieux de réserve" .
A la fin du XVIe siècle ont été inventés les "parterres à carreaux rompus" ou "parterres allemands" décrits dans le Thresor des parterres de l'univers Genève,1629, par Daniel Loris, médecin au service des ducs de Wurtemberg.
Dans la résidence ducale de Trausnitz, Guillaume V en même temps qu'il faisait construire une aile italienne, fit agrandir en 1580 les jardins équipées de fontaines, ajouta des vergers, des cascades, installa une volière, fit venir des animaux sauvages en liberté, etc... (B. Susan Maxwell page 99).
Mais la miniature date de 1579, elle célèbre Albert V, et il nous reste à comprendre quel est son sens allégorique.
Les deux nymphes semblent copiées de quelque modèle antique ou de la Renaissance italienne, car les deux poses ne semblent pas harmonisées, comme si elles résultaient de la juxtaposition de deux croquis indépendants, collectés par Hoefnagel lors de ses voyages ou trouvés dans des ouvrages. L'une des femmes est pied-nus, l'autre est chaussée de sandales légères, et toutes les deux ont le pied gauche en arrière, talon soulevé. Elles sont saisies lors de la marche ou de la danse. Comment ne pas évoquer la fameuse et chère Gradiva, héroïne de la nouvelle de Wilhem Jensen (1903) ? Comment ne pas entendre dans sa mémoire les lignes suivantes :
.
" Cette sculpture représentait, au tiers de sa grandeur nature, une femme encore jeune en train de marcher. Visiblement, elle avait dépassé le stade de l’adolescence, mais ce n’était pas encore une adulte: c’était une vierge romaine d’environ vingt ans. Elle ne rappelait en rien les bas-reliefs si nombreux de Vénus, de Diane ou de toute autre déesse de l’Olympe, pas davantage ceux de Psyché ou d’une nymphe. [...] . Ce n’était pas par la beauté de ses formes que la jeune femme retenait l’attention , mais bien par quelque chose que l’on ne voit pas souvent dans les statues antiques, j’entends cette grâce naturelle et simple de la jeune fille qui, semblait-il, lui insufflait la vie. Sans doute cette impression provenait-elle surtout de l’attitude dans laquelle l’artiste l’avait représentée: la tête légèrement penchée en avant, la main gauche relevant un peu la robe extraordinairement plissée qui lui couvrait le corps de la nuque aux chevilles, ce qui laissait apparaître des pieds chaussés de sandales. Le gauche était en avant et le droit, prêt à le rejoindre, ne touchait à peine le sol que de la pointe des orteils, tandis que la plante et le talon se dressaient presque à la verticale. Ce mouvement évoquait l’agilité en même temps que la légèreté de la démarche chez cette jeune femme en mouvement, mais aussi une tranquille confiance en soi. Et c’est cette légèreté d’oiseau, associée à la fermeté de l’attitude, qui lui conférait cette grâce toute particulière."
.
On sait que Gradiva correspond à la danseuse antérieure du bas-relief des Aglaurides, conservé au musée Chiaramonti à Rome. La belle jeune-femme qui a fait fantasmé Freud et ses cohortes d'émules autant que les vrais amateurs de littérature porte la chiton descendant aux chevilles, sans ceinture ; le "drapé mouillé" y est plus pudique que dans la statuaire du maniérisme post-classique. Hoefnagel a-t-il, comme Jensen, été inspiré par une sculpture de l'une des danseuses athéniennes, les déesses chtoniennes Aglaure, Hersé, Pandrose, dont le nom évoque la lumière et la rosée, et qui se virent), se voient confier la garde du petit Érichthonios – le « Très Chthonien » – l'enfant né du vain désir d'Héphaistos pour Athena ?
Euripide les a décrit en train de danser sur le flanc Nord de l'Acropole, non loin du Pythion, point de départ de la voie sacrée reliant Athènes à Delphes. Sur une colonne conservée au Musée de Delphes, elles entourent un acanthe, et elles apparaissent comme la personnification de la terre arable, l'acanthe symbolisant leur rôle dans la croissance des végétaux. Elles y sont habillées d'un chitoniskos (tunique courte) et portant un kalathos, vase à base étroite et à col généreux qui est un symbole traditionnel de fertilité. Les pieds nus, suspendues en l'air et le bras levé.
Certes, Hoefnagel ne s'est pas rendu en Grèce, et il n'a pu admirer la Colonne aux acanthes, de Delphes, qui a inspiré à Claude Debussy le premier de ses Préludes.
.
.
Nous pourrions aussi penser que l'artiste flamand s'est inspiré des ménades, ces prêtresses de Dionysos qui adoptent aussi des attitudes de danseuses au talon levé. Mais les transes des bacchanales ne correspondent pas à l'Allégorie étudiée ici.
Enfin, parmi cent autres exemples, nous pourrions évoquer plus simplement l'une des Nymphes du Printemps de Botticelli : ces nymphes seraient alors les Hespérides gardant le mythique jardin aux fruits d'or.
Sandro Botticelli, Primavera (détail) 1478-1482. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Printemps_%28Botticelli%29
.
Dans la peinture de Hoefnagel, les femmes portent une tunique courte sur un chiton ou une robe descendant aux chevilles, et serrée au dessus de la taille par une ceinture. Les bras ou avant-bras sont nus, l'étoffe légère et flottante, aux motifs floraux, étant fixée par une broche au dessus de l'épaule, ou maintenue par un bandeau au niveau du bras. L'une des femmes porte un bandeau dans les cheveux. Le vase qu'elle portent a la forme d'une corne d'abondance (cornucopia), et contient des lys martagon.
Revenons en arrière, allons par sauts et gambades : on va toujours trop vite pour admirer les œuvres d'art. Il faudrait, comme Daniel Arrasse, se faire enfermer dans un musée en tête à tête avec la peinture, et en laisser les ferments agir. Ou bien, comme ces amateurs de bordeaux ou de vin de Champagne, se réunir à quelques philomusis pour partager les émois de notre dégustation. Ainsi, je ne peux quitter cette nymphe qui soulève chorégraphiquement le talon sans évoquer les termes par lesquels Jensen décrit la démarche de Gradiva : lente festinans.
Cet oxymore se fâne lorsqu'on le traduit. Il perd de son bouquet lorsqu'on l'inverse en la forme plus fréquente mais impérative, et donc sêche, du Festina lente, "Hâte-toi lentement" de l'Adage d'Érasme, de la devise d'Alde Manuce accompagné de l'ancre au dauphin, ou de cet autre emblème au crabe tenant un papillon. Lente festinans est plus suave, il dit les hanches qui se balancent, le mollet qui se tend et l'allure du voilier dans la houle. J'entends ma mémoire qui chante la Passante de Baudelaire : définition exacte de lente festinans
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Festinans est le participe présent du verbe festino, "se hâter" ; cette forme en -ans crée une rime sonore interne avec lente et confère à l'expression une coloration d'arantium, celle-là même que Proust avait choisi pour le nom de Madame de Guermantes : " la lumière orangée qui émane de cette syllabe "antes"(Du côté de chez Swann - Combray - page 284).. Je le vois se presser vers la fête comme un feston orange, goûtant en gourmand l'impatience latente.
Joris Hoefnagel, Nymphes aux lys, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
En conclusion provisoire, l'examen de cette scène centrale nous permet de décrire deux personnages féminins porteuses de cornes d'abondance remplies de lys, dont la tenue évoque celles des femmes de l'antiquité grecque, dont le pied gauche soulevé avec vivacité évoque le mouvement de marcheuses (Gradiva = "celle qui marche"), peut-être lors d'une procession, ou de danseuses (Aglaurides, Ménades ou Hespérides), alors que le jardin clos, de style Renaissance tardive est la représentation idéale du locus amoenus proche de l'Eden chrétien ou du Jardin des Hespérides antiques, non sans rappeler pour l'humaniste le souvenir du Banquet religieux d'Erasme, et non sans introduire les notions de mise en ordre soigneuse et agencée de la Nature par l'Homme. Dans tous les cas, la symbolique principale est celle de la fécondité et de l'Âge d'or, la symbolique secondaire est celle de la Grâce ou de la Beauté, et la troisième celle de l'Ordre comme facteur d'équilibre. J'oubliais l'olivier pourtant central, symbole de Paix. Tout pourrait se résumer dans le mot grec de κόσμος kósmos, « le monde ordonné » , décrit par Platon dans le Gorgias comme l'état où "le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice". Un aspect féminin florissant et dansant du kósmos .
Mais la clef de l'allégorie nous attend au registre inférieur.
.
.
3. La bordure de gauche.
.
Ce hibou emblématique tenant un caducée formé d'un pinceau, et posé sur le casque de Minerve, est entourée de deux palettes de peintre. C'est donc le peintre lui-même qui s'approprie, pour lui-même ou pour sa discipline, l'emblème. Le hibou est entouré d'une couronne d'olivier, tandis qu'un serpent au corps entortillé au dessus de lui le menace, vainement, de sa gueule sifflante, et qu'un oiseau huppé au bec crochu l'attaque du coté gauche. Nous avons donc ici réuni les éléments qui réapparaitront dans les occurences iconographiques suivantes et qui font de cet animal l'expression de la volonté de paix, confronté sans cesse aux agressions de l'ignorance et du Mal, et mettant avec une persévérance obstinée au service de la paix les talents de son art.
Ce hibou au caducée surmonte un blason divisé en quatre quartiers par deux équerres et une règle. les quartiers sont occupés par un canif-grattoir, un pinceau, deux burins et un maillet. Soit les outils du peintre, du dessinateur, du graveur, et de l'architecte ou, plus surement, du géographe-topographe. Hoefnagel associe-t-il ici tous les artistes des arts décoratifs, ou bien décline-t-il les différentes fonctions de peintre, de graveur, et de chorographe qu'il a exercé, notamment à coté du géographe Ortélius ?
Ce blason est entouré, en guise de collier de la Toison d'Or, des lettres du mot VIRTUS auxquelles est suspendu un vase embrasé ou pot-à-feu, symbole d'enthousiasme et de charité, lui-aussi transpercé par un pinceau. Ce pot-à feu est, à la fois, un cœur enflammé.
Plus bas, deux cornucopia débordent de fruits.
Voir l'interprétation de cet emblème dans l'article qui lui est consacré. Précisons seulement que Hoefnagel s'est inspiré du motif emblématique de l'Hermathena (union de Minerve et d'Hermés) créé par Nicolas Stopio, agent d'Albert V à Venise pour approvisionner son Antikarium d'objets d'arts en vente en Italie, mais aussi poète versé dans les épigrammes encomiastiques : nous retrouverons ce flamand aux talents multiples au chapitre "musique". Hoefnagel a su transformer la figure un peu pompeuse de l'Hermathena en celle, familière, d'un Hibou peintre aux traits plus humains que les divinités antiques.
Ajoutons –encore!– que le caducée est l'attribut des Légats (ou Ambassadeurs)
.
Le caducée, attribut de la Paix ?
Le caducée a perdu de sa force expressive depuis qu'il désigne un macaron de pare-brise, une marque d'appartenance ou de reconnaissance professionnelle des médecins (il n'y a alors qu'un seul serpent autour du bâton d'Asclepios) ou des pharmaciens, voire, de nos jours, des infirmières et des aides soignantes, des coiffeuses et, plus généralement, de tous les travailleurs à domicile.
Mais le véritable caducée, à deux serpents, "tient son nom du latin caduceus (« caducée, baguette du héraut »), lui-même emprunté anciennement au dorien καρύκιον, karukion, de même sens, qui fait κηρύκειον, kêrukeion en grec attique," (Wiktionnaire) : ce nom est dérivé de κῆρυξ, kērux (« héraut ») apparenté à κηρύσσω, kērussō (« annoncer »). Il n'en faut pas plus pour penser que Hoefnagel, en transformant son pinceau en caducée, c'est se donner comme but de faire une peinture "kérygmatique", vouée à "proclamer à haute voix" (c'est le sens du grec ancien κήρυγμα / kérugma), et d'annoncer tel un héraut (grec κῆρυξ / kêrux, le « héraut ») la profession de foi fondamentale des humanistes.
Le caducée fut, chez les Grecs, la marque distinctive des ambassadeurs et des hérauts. Les premiers apparaissent chez Homère : ils se nomment Eurybates et Talthybius et Agamemnon les envoient voir Achille et lui réclamer la restitution de la belle esclave Briseis. Uniques détenteurs de l'inviolabilité diplomatique, symbolisée par leur kerykeion, les hérauts sont appelés à remplir les fonctions d'émissaires en période d'hostilités : à ce titre ils sont préposés à déclarer la guerre et, en cas de défaite, à demander au vainqueur une trêve pour relever les morts. Par extension de son association avec Hermès, le caducée est aussi un symbole reconnu du commerce et de la négociation, deux domaines dans lesquels échange équilibré et la réciprocité sont reconnus comme des valeurs essentielles.
Quand aux deux serpents, certains les considèrent comme provenant de l'image d'un dieu à l'ère pré-anthropomorphique.
.
Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
.
4. La bordure de droite.
Cette bordure est construite en symétrie de celle de droite, et l'appareil d'arcatures, de volutes et de faux encadrement est le même. C'est un sablier qui est suspendu au portique supérieur, alors que quatre oiseaux (passereaux) se sont posés dans des branchages pour y chanter.
Plus bas, vient une tête animale (ours ? lion ?) entourée de deux ailes, puis une lyre à neuf cordes (la lyre est l'instrument d'Apollon, qui commande aux neuf Muses), puis un médaillon enrubanné décoré d'un cygne (cf. le "chant du cygne"), et enfin un vase rempli de fleurs.
On comprend que, si le coté gauche était celui des arts visuels, le coté droit est celui de la musique et du chant. C'est pourquoi la lyre est entourée d'une couronne de fleurs où s'enroulent des partitions de musique. On y lit les noms d' "ORLANDO LASSVS " et de "CIPRIANO [da] RORE"
Cyprien de Rore et Roland de Lassus sont deux compositeurs franco-flamands, célèbres pour leurs madrigaux et motets. Je fais ici une salade niçoise des articles Wikipédia :
— L'aîné est Cyprien de Rore.
Il est né à Ronse, une ville flamande de l'ouest de Bruxelles en 1515 ou en 1516 et mort à Parme, en 1565. Installé en Italie ( Brescia, Venise) , il entre au service du duc Hercule II d'Este à la cour de Ferrare comme maître des chœurs. Il compose de nombreuses œuvres non seulement pour la famille d'Este , mais aussi pour les classes supérieures religieuses et laïques de l'Europe. En Mars 1558 Rore est rendu en Flandre en passant par Munich. Il fut très apprécié à la cour du duc Albrecht V comme en témoigne de nombreuses miniatures du peintre de la cour Hans Mielich, mais n'y travailla jamais comme musicien de cour . Quand Hercule meurt en 1559, Cyprien de Rore travaille au service de Marguerite de Parme à Bruxelles et de son mari, le duc de Parme Ottavio Farnese. En 1562, il est choisi comme maître des chœurs à Saint-Marc de Venise, mais démissionne en 1564 et retourne à Parme où il décède.
.
— Roland de Lassus (ou Orlando di Lasso, Orlande de Lassus , est né à Mons en 1532 et mort à Munich le 14 juin 1594.
Il est très vite inscrit comme « enfant de chœur », c'est-à-dire comme enfant chantant dans le chœur de l'église, et sa voix exceptionnelle attirait les convoitises, si bien qu'il fut à trois reprises l'objet de tentatives d'enlèvement. À l'âge de douze ans, il quitte les Pays- Bas avec Ferdinand Ier Gonzague et se rend à Mantoue, en Sicile, et plus tard Milan, où il reste de 1547 à 1549. Il travaille à Naples en tant que chanteur et compositeur au début des années 1550, puis s'installe à Rome, où il travaille pour Cosme Ier de Médicis, grand-duc de Toscane. En 1553, à Rome, il devient maître de chapelle de la basilique Saint-Jean-de-Latran.En 1555, il retourne aux Pays-Bas et ses premières œuvres sont publiées à Anvers en 1555 ou 1556.
En 1556, il rejoint la cour d'Albert V de Bavière, qui désire s'entourer de musiciens prestigieux à l'instar des cours des princes italiens. En 1558, il épouse Regina Wäckinger, la fille d'une dame d'honneur de la duchesse . En 1563, Lassus est nommé maître de chapelle à Munich. Il demeure au service d'Albert V et son héritier, Guillaume V de Bavière, jusqu'à sa mort.
Son art fut d'emblée reconnu et Roland de Lassus était, dès le milieu du siècle, surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard, ou « Prince de la musique ». Il est annobli en 1570 par l'empereur Maximilien II, un fait rare pour un compositeur. Le pape Grégoire XIII le fit chevalier. En 1571 et en 1573, le roi Charles IX de France, grand amateur de musique, l'invita à la Chapelle royale.
À la fin des années 1570 et 1580, Roland de Lassus a effectué plusieurs voyages en Italie, où il a été en contact avec les styles et tendances les plus modernes. Dans les années 1590, sa santé commença à décliner.. Ses dernières œuvres sont souvent considérées comme majeures : le grand cycle pénitentiel de madrigaux spirituels un ensemble de 21 madrigaux spirituels connu sous le nom Lagrime di San Pietro (« Les larmes de Saint Pierre »), , et publié à titre posthume en 1595.
Lassus est décédé à Munich le 14 juin 1594, le jour même où son employeur avait décidé de se séparer de lui pour des raisons financières.
Roland de Lassus est l'un des compositeurs les plus prolifiques, polyvalents et universels de la Renaissance tardive. Il a écrit plus de 2 000 œuvres dans tous les genres en latin, français, italien et allemand. Il s'agit notamment de 60 messes complètes, une quantité considérable de Missae breves, « Messes brèves », destinées à des services de courte durée , 530 motets ( dont sa série de 12 motets intitulé Prophetiae Sibyllarum) ; 175 madrigaux italiens et villanelle ; le grand cycle pénitentiel de madrigaux spirituels de 1594, les Lagrime di San Pietro, qu'il a dédié au pape Clément VIII ; 150 chansons françaises et 90 lieder allemands, sans oublier la mise en polyphonie des mélodies du psautier catholique de Caspar Ulenberg (1588), et sa version des Psaumes de pénitence de David (Psalmi pœnitentiales Davidis, 1584) l'une des plus célèbres de toute la Renaissance. Plusieurs de ses motets ont été composés à l'occasion de cérémonies, comme on pouvait s'y attendre de la part d'un compositeur de la cour qui avait à offrir de la musique lors des visites de dignitaires, des mariages, des traités et autres événements d'État.
Pendant cette période de conflits religieux, Roland de Lassus est resté catholique, sur un mode pragmatique et tolérant. La Contre-Réforme catholique, qui, sous l'influence des Jésuites, avait atteint un sommet en Bavière à la fin du xvie siècle, aura une influence notable sur le travail de Lassus, dans sa musique liturgique de rite romain.
En réalité, ces partitions ne font pas allusion directement à ces deux musiciens (le premier n'appartenant nullement à la cour d'Albert V), mais à trois trésors de bibliophilie, trois manuscrits enluminés réalisés à la demande d'Albert V, d'une valeur inestimable, et qui devaient faire sa fierté. Des partitions de musique avaient été recopiées sur vélin par le chanoine Lillois Jean Pollet (scribe des Motets de Lassus dès 1562) puis enluminées en fonction du texte par Hans Mielich, prédécesseur de Hoefnagel. Le premier volume est composé d'œuvres de Cipriano de Rore, les deux autres d'œuvres de Roland de Lassus. Ce qui est honoré par Hoefnagel, c'est donc le rôle de mécène d'Albert V à la fois vis-à-vis de la musique, mais aussi à l'égard des peintres miniaturistes. Mais les paroles des pièces maîtresses de ces ouvrages sont des poèmes épidictiques de Nicolas Stopio, agent d'Albert V à Venise, ...l'auteur de l'Hermathena qui a inspiré à Hoefnagel son Hibou au Caducée.
L'axe horizontal passant par les deux Nymphes ne relie donc pas seulement les arts picturaux de gauche avec les arts musicaux de droite, en hommage au mécénat ducal, mais crée un riche réseau de référence et d'hommage aux artistes qui, tous, sont d'origine flamande (Cipriano de Rore, Rolland de Lassus, Ioannes Pollet, Nicolas Stopio, Hans Mielich et Joris Hoefangel).
Joris Hoefnagel, les oiseaux chanteurs, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
Joris Hoefnagel, Lyre et guirlande aux partitions, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
III. REGISTRE INFÉRIEUR.
.
1. La clef de l'Allégorie.
Un phylactère est déroulé en dessous de la scène allégorique et porte le texte suivant : ECCE TIBI LILA PLENIS FERVNT NY[M]PHAE CALATHIS.
Ce texte est vite identifiable comme tiré des vers 45 et 46 de la deuxième Eglogue de Virgile (site Philippe Remacle) :
2,45] Huc ades, o formose puer, tibi lilia plenis
ecce ferunt Nymphae calathis; tibi candida Nais,
pallentis uiolas et summa papauera carpens,
narcissum et florem iungit bene olentis anethi;
tum casia atque aliis intexens suauibus herbis
[2,50] mollia luteola pingit uaccinia caltha.
ipse ego cana legam tenera lanugine mala
castaneasque nuces, mea quas Amaryllis amabat;
addam cerea pruna — honos erit huic quoque pomo —
et uos, o lauri, carpam et te, proxime myrte,
[2,55] sic positae quoniam suauis miscetis odores.
Rusticus es, Corydon; nec munera curat Alexis
nec, si muneribus certes, concedat Iollas.
heu heu, quid uolui misero mihi? floribus Austrum
perditus et liquidis inmissi fontibus apros.
"[2,45] Viens, ô bel enfant! Voici les nymphes qui t'apportent des lis à pleines corbeilles; pour toi une blanche naïade cueillant de pâles violettes, les plus hauts pavots, et le narcisse, les joint aux fleurs odorantes de l'anet; pour toi entremêlant la case et mille autres herbes suaves, [2,50] elle peint la molle airelle des couleurs jaunes du souci. Moi-même je cueillerai les blanches pommes du coing au tendre duvet, et des châtaignes, qu'aimait mon Amaryllis: j'y joindrai la prune vermeille; elle aussi sera digne de te plaire. Et vous aussi, lauriers, myrtes si bien assortis, je vous cueillerai, [2,55] puisqu'ainsi rassemblés vous confondez vos suaves odeurs."
Placé dans le contexte , cette phrase n'exprime que les vaines tentatives d'un amant malheureux, le berger Corydon, pour attirer le jeune Alexis qui semble mépriser les charmes de la vie champêtre en sa compagnie. Virgile a composé cet églogue à 26 ans, en s'inspirant de la 11ème Idylle du poète grec Théocrite, le Chant du Cyclope. Dans ce Chant, le cyclope Polyphème se plaint du dédain de la nymphe marine Galathée : qu'il aimerait lui offrir le lis éclatant et le rouge pavot !.
Isolé de son contexte, elle peut servir de compliment ; ainsi, sur un forum de langues anciennes, en 2006, une jeune femme qui vient de réussir l'agrégation avec un 12 en latin sur un texte de Sallustre remercie ses interlocuteurs :
"Vos conseils sur les versions latines qui parvenaient sur ce forum morcelées et analysées dans tous les sens m'ont permis de vaincre mes démons et de réussir l'agrèg ! Alors merci à tous pour votre aide, et particulièrement à Oncle Fétide et Julia. "
Et "Julia" répond :
"Euge!* Papae !** Merci pour la bonne nouvelle !: Vous m'illuminez ma journée ! Quelle bonne idée de nous annnoncer votre succès ! Et avec un 12 en latin : à l'agreg c'est beau ! Tibi lilia plenis ecce ferunt nymphae calathis."..
*Hurrah !
**" interjection qui exprime l'admiration : oh, oh ! diantre ! peste !" (Gaffiot)
Nous pouvons donc dire maintenant que Hoefnagel a peint, non les Aglaurides, non les Ménades, mais des Nymphes aux bras chargés de lys dans un cadre bucolique et virgilien. Cela ne l'empèche pas d'avoir puisé ses modèles ailleurs.
S'il s'agit d'un hommage posthume, si la miniature a été réalisé après le décès du duc Albert V, et si la citation de la Cinquième églogue doit se comprendre comme "Toi qui fus notre gloire", alors, la citation de la deuxième églogue s'adresse au défunt parvenu au Paradis et accueilli par les lys de la félicité immortelle. La scène centrale est bien alors celle d'un Eden de version antique, un Jardin des Hespérides où l'élu est accueilli par les Nymphes. Si il s'agit d'un éloge ou même d'une commande du duc déjà malade, Tu decus omnis tuis célèbre son courage et sa détermination à faire taire les lions récalcitrants, tandis que Tibi lila plenis le comble du florilège des louanges qui lui sont dues en tant que mécène des artistes (à gauche) et protecteur des musiciens (à droite) ou comme bâtisseur et embellisseur des villes de Munich (en haut) et de Landshut (en bas).
Dans tous les cas, la citation de Virgile affirme que ces Nymphes ouvrent le cortège des Récompenses, de la moisson estivale après le labeur des semaisons, du praemium virtutis ou Récompense de la vertu. Plus tard, Hoefnagel a conçu (comme inventor) une série de gravure pour Egide Sadeler II : OCCASIO, HERMATHENA, PRAEMIUM. A l'Occasion (la bonne fortune) succède Hermathéna (le Concept mis en application grâce au savoir-faire) puis Praemium, la rayonnante et fructifère Récompense . Elle aussi a le pied léger, elle aussi est lente festinans, elle aussi est généreuse de ses formes grâce à un effet de "tunique plaquée par le vent", une version éolienne du "chiton mouillé". Elle résulte du Mérite (c'est le sens de la devise Dat Deus omne bonum, sed non per cornua taurum ).
.
http://www.harvardartmuseums.org/art/241925
.
2. Les Naturalia.
Hoefnagel a consacré ce registre inférieur aux insectes, d'une part, et aux animaux exotiques d'autre part. Il s'agit sans-doute là encore d'un éloge des collections de Naturalia et des Curiositas du Kunstkammer du duc. On sait qu'Albert V avait fondé en 1565 l'un des plus importants cabinets d'art d'Europe à Munich, et que ses collections de quelques 6000 pièces égalait les collections du Château d'Ambras à Innsbruck et celles de l'Electeur de Saxe à Dresde. Albert V puis Guillaume V constituèrent un trésor similaire à Landshut, rassemblant des objets d'art, des articles exotiques et des curiosités insolites dans la Jeune Chambre d'Art du chateau de Trausnitz. Lorsqu'il succéda à son père et qu'il quitta Landshut, Guillaume V l'emporta avec lui à Munich. Le musée de Trausnitz en a reconstitué quelques vitrines.
Dans le texte de présentation de la Vue de Munich du Civitates, Georg Braun signale que "en la vieille cour du duc sont nourris tigres, lions, lynx, et pour le présent douze lions, dont les femelles font souvent des lionceaux"
Lorsque Hoefnagel s'interessa à l'histoire naturelle et fit des insectes l'un des sujets principaux de ses enluminures, il put donc tirer profit des naturalia rassemblés à Munich et à Trausnitz, ainsi qu'à Ambras auprès de l'archiduc Ferdinand de Tyrol.
http://www.burg-trausnitz.de/englisch/kunst/index.htm
.
Hoefnagel rassemble donc dans la partie inférieure de son enluminure des animaux : de gauche à droite un singe, une mouche, un agrion (Zygoptera), un criquet (Caelifera, Orthoptera), une chenille "hérisonne" (Arctidae ?, Lepidoptera), deux papillons, une libellule (Libellulidae, Anisoptera, Odonata) et un perroquet.
Le papillon le plus haut est très proche du Machaon représenté par Aldrovandi page 237 de son livre De Insectis.
.
Joris Hoefnagel, insectes et perroquet, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
.
3. La Vue de Landshut, et l'inscription-signature.
a) La vue paysagère : la chasse au cerf.
Basée sur un dessin préparatoire qui sera décrit plus bas, elle est complétée par une scène de chasse qui se déroule sur la colline de Klausenberg : à droite, un cavalier sur un cheval blanc porte un court manteau rouge à col de fourrure. Supposons qu'il s'agit du duc Albert V. Il est rejoint par un autre chasseur vêtu de rouge, coiffé d'un chapeau à plume, qui porte des gants semblables à ceux d'un fauconnier ; il monte un cheval à robe sombre. Est-ce le prince Guillaume ? Ce n'est pas une chasse au gibier de plume, mais une chasse au cerf, et ce dernier, poursuivi sur ces pentes, a trouvé son passage barré par des baches blanches tenues par des piquets. Il s'enfuit donc vers le bas, vers les rives de l'Isar, et sera donc plus vulnérable . Malgré la petite taille du détail, on distingue ses bois imposants qui font honneur aux chasseurs.
b) la signature.
Le bord inférieur porte l'inscription Inventio opusque Georgii Hoefnaglii natura magistra. Monaci A[nno] 1579 .
Soit "Création et œuvre de Joris Hoefnagel, natura magistra. Munich, année 1579".
On remarque d'une part que Hoefnagel revendique son statut d'inventor : son œuvre n'est pas une illustration, mais une véritable composition picturale mais aussi intellectuelle voire littéraire. Il crée par association de multiples éléments poétiques, iconographiques et emblématiques un produit original qui ne peut se résumer à une "peinture". C'est une fiction narrative, qui élabore un discours sur le monde et sur l'art et qui le donne à voir dans un appareil optique très singulier, où les éléments artificiels (cartouches, draperies, rubans, banderoles, portiques, tringles et anneaux, supports de laiton) forment la scène théâtrale où les éléments naturels (paysages et animaux) sont convoqués. Hoefnagel reprendra ce qualificatif d'inventor dans le Missale Romanum en se présentant comme inventor hieroglyphicue et allegoricus. Deuxièmement, il reprend la devise qu'il avait adopté dans sa Vue de Séville de 1573, Natura sola magistra, en l'abrégeant en Natura magistra, "La Nature comme Maître". Ce qui, pour un tel maître de l'artifice et de la mise en scène intellectuelle, ne peut être compris que comme une déclaration d'indépendance (dans la miniature du Forum Vulcani de 1578, il s'affirmant comme autodidactos) mais aussi comme un idéal d'imitation-recréation du Cosmos, soucieux d'enfermer dans le microcosme de ses miniatures les vérités du macrocosme.
.
Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.
.
DISCUSSION ET DOCUMENTATION.
Une miniature de Joris Hoefnagel est, sur une surface inférieure à celle d'un format A4, d'une richesse inépuisable. C'est tout à la fois un document chorographique (vues de villes) ; littéraire ou poétique (citations de Virgile) ; emblématique (devises, armoiries et emblèmes) ; historique ; autobiographique ou autofictionnel (signature, emblèmes, autocitations d'œuvres précédentes ou futures) ; etc.
.
I. LES DOCUMENTS CHOROGRAPHIQUES; le Mécénat des ducs de Bavière.
1. La vue de Munich.
La Vue dessinée par Hoefnagel a servi de modèle à la gravure publiée en 1588 dans le volume IV du Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg, planche 43 :
http://historic-cities.huji.ac.il/germany/munchen/maps/braun_hogenberg_IV_43_b.jpg
(Le Civitates avait donné dans son Volume I une première gravure de Munich : http://historic-cities.huji.ac.il/germany/munchen/maps/braun_hogenberg_I_40_1_b.jpg ).
Elle est accompagné d'un texte descriptif de Georg Braun :
"[...] Le nouveau jardin du Duc auprès du château neuf, outre la fontaine faite de grand artifice, et la maison d'este ornée de très belles peintures et statues, a cela de singulier plaisir (car à peine le trouvera-t-on en un autre lieu) que quand le jour commence à faillir, une grande troupe de cerfs, à la fois de cent ou d'avantage, se vint présenter d'elle-même presque sous les fenêtres , desquelles on peut tirer ou avec l'arc, ou à coups d'arquebuse, celui qui plus vient à gré entre tous."
"[…] On bâtit encore un autre édifice auprès le jardin de dedans, orné de toutes sortes de gentillesses, rares et exquises, afin d'apporter au château neuf une plus grande splendeur, et commodité : joignant lequel il y a une librairie garnie d'environ onze mille livres, (desquels une grande partie est écrite à la main en diverses langues) reliés chacun à part fort gentiment et distincte par un théâtre très ample et plaisant. Au dessous de ce théâtre est la place aux statues, enrichie de monuments et images très anciennes, qu'on a fait venir de Rome et d'autres lieux avec fort grandes dépenses. Au château s'étend une salle (mais obliquement et par un détour rond) garnie de toutes sortes de délices et gentillesses, principalement celles auxquelles la nature ou l'art et esprit des hommes a mis une telle subtilité qu'elle a fait s'étonner les regardants, et semble quasi miraculeuse. A chaque fois que quelqu'un entre en cette salLe, fut-il le plus curieux homme du monde, toujours il y trouvera quelque chose de nouveau, qui le fera s'émerveiller, si grande est la variété des choses qui s'y présentent pour être regardées. En la vieille cour du Duc sont nourris de tigres, lions, lynx, et pour le présent douze lions, dont les femelles font souvent des lionceaux.
En français page 105 partie 3 : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1
On y trouve dans la légende le nom des clochers entourant la cathédrale : Q : Heiliger Geist und Spital
R : St Peter Pfarkirchen S : Räts Thurn T : Scön Thurn Y Unser Frawen Pfarkirch.
La gravure de 1588 est accompagnée d'un poème de 24 vers (icositetrastichon) d'Anselme Stöckel ou Stoeckel, (Anselmo Stoeckelio tyrolensis ; Anselmus Stöcklius), chevalier de l'Ordre constantinien de Saint-Georges. Celui-ci, daté de 1586, s'achève par Effigravit eam Solers Hoefnaglius , unde urbis adaugescit gloria, nomen, honor.
.
http://nemzetikonyvtar.blog.hu/2011/06/09/europa_szinpadan_nemetorszag
.
La "Münchner Residentz", Résidence de Munich.
En 1580, Munich abritait 20 000 habitants et était l'une des plus villes les plus peuplées d'Europe. Les peintres et artistes qui l'embellirent étaient employés à la cour ducale. Dans le cas contraire, ils devaient être admis à la Guilde réunissant les peintres, sculpteurs,et brodeurs sur soie, soumis au respect de la tradition et des usages locaux, et à l'obligation de posséder un logement et de payer des impôts comme bourgeois. Même comme artiste de cour, les statuts étaient différents, et un artiste comme Roland de Lassus ou Fredéric Sustris percevaient de grosses rétributions, en l'échange de commandes exigentes, alors que Hoefnagel ne bénéficiait que d'un salaire minimal, mais disposait de la liberté de travailler à la commission pour des commandes du duc ou d'autres patrons privés.
Dès 1385, à l'emplacement de la résidence actuelle, se trouvait le Neuveste, château ducal gothique, qui devint le vieux château. Le duc Albert V fit construire son Cabinet d'art « Kunstkammer» par Wilhelm Egkl dans le bâtiment des écuries. Comme la place n'était pas suffisante pour abriter la vaste collection de sculptures, d'antiquité et sa bibliothèque, il fit édifier par Simon Zwitzel et Jacopo Starda entre 1568 et 1571 l'Antiquarium, la plus grande salle Renaissance au nord des Alpes avec ses 69 mètres de long. Le duc Guillaume V a commencé à agrandir les bâtiments et à les décorer à son installation à Munich en 1579. De 1581, il érigea un palais de style italien avec son jardin privé, Neues Gartenbaues et son Schöner Garten, et la Cour de la Grotte (Grottenhof).
.
Antiquarium.
Albert V était un collectionneur et amateur d'art passionné et c'est grâce à lui que Munich est devenu une ville artistique de renom international. Son goût du luxe lui fit contracter des dettes énormes se montant à ½ millions de florins. En 1552, Albert V commanda un inventaire des bijoux que possédait sa femme . Le manuscrit qui en résulte, toujours détenu par la Bibliothèque d'État de Bavière, le Kleinodienbuch der Duchesse Anna von Bayern, contient 110 dessins de Hans Muelich. La collection de la bibliothèque de la cour a commencé en 1558 avec l'achat de la bibliothèque complète de l'humaniste Johann Albrecht Widmanstetter, soit plus de 800 volumes. Ce stock a été considérablement élargi en 1560 par la succession de son oncle Ernst Albrecht puis en 1571 en achetant la bibliothèque de Hans Jakob Fugger. Le duc était aussi un collectionneur de pièces de monnaies, possédant plus de 6000 pièces. En 1566 Albert V a acquis par Hans Jakob Fugger, une collection de sculptures antiques provenant d'un héritage. Ils ont formé la base de la collection d'antiquités. Grâce au spécialiste de l'art et antiquaire Jacopo Starda, il put acquérir la même année à Rome plus de 50 autres sculptures antiques et acheter à Venise de nombreux bustes romains. Deux ans plus tard Starda a réussi, après de longues négociations, l'achat de la collection d'antiquités du patricien vénitien Andrea Loredan pratiquement dans son intégralité: 120 bronzes, 2480 médailles et monnaies, 91 têtes de marbre, 43 statues de marbre, 33 reliefs et 14 curiosités diverses, pour la somme de 7000 ducats; "Ils ont tous été exportés de Venise en secret la nuit dans les grands coffres". Dans le même temps, les querelles entre les héritiers de Gabriele Vendramin ont contrecarré sa tentative d'acheter la collection la plus importante de Venise de peintures et d'antiquités, de dessins de maîtres et de pièces de monnaie anciennes.
Outre Jacopo Strada (Mantua, 1507-Prague, 1588), le duc bénéficiait d'un autre agent d'affaire, le flamand Nicolas Stopio, ou Nicolaus Stopius, comme en témoigne les correspondances conservées en archive entre Stopio et Albert V. Stopio, surtout en lien avec Hans Fugger, ne manquait pas de critiquer Strada pour son manque de culture et son absence de scrupules.
Pour disposer cette collection, qui avait été organisée par Samuel Quickelberg, Albert V fit construire, en dehors de l'ancien chateau pour des raisons de sécurité, un nouveau bâtiment, l'Antiquarium, la plus grande salle de la Renaissance au nord des Alpes.
De 1581 à 1600, les successeurs d'Alber V, le duc Guillaume V et son fils Maximilien Ier, transformèrent l'Antiquarium en une salle de banquet.
La voûte en berceau est évidée de 17 paires de fenêtres qui assurent l'éclairage. Les voûtes au-dessus des fenêtres, et les montants de fenêtres, sont décorées avec 102 vues de villes, de marchés et de palais dans ce qui était alors le duché de Bavière. Ils sont entourés par de grotesques, un type d'ornement dérivé de l'antiquité classique. Cette décoration, associant vedute et grotesques, fut réalisée par différents artistes comme Hans Thonauer, Alessandro Scalzi, surnommé Padovano, et Antonio Maria Viviani.
.
.
Plan http://www.residenz-muenchen.de/englisch/c-yards/index.htm : L'Antiquarium est le grand rectangle sous le début du mot Puderhöfchen. La Grottenhof est indiquée Grotto Court.
.
Grottenhof.
Entre 1581 et 1588, Guillaume V confia à Fredéric Sustris la réalisation d'un palais d'été rectangulaire de style italien à coté de l'Antiquarium, et dont la partie ouest était traitée en rocaille comme l'était ou le seront les grottes des villas florentines (Jardin de Boboli , Casino de la Villa Médicis). L'intérêt de Guillaume V pour la signification symbolique et ésotérique des grottes et pour la création d'un lieu associant plaisir des sens et méditation spirituelle était partagé par Cosme de Médicis, et ils échangèrent de nombreux courriers et matériaux, ce qui explique la concommitence de leurs réalisations.
Le peintre, décorateur et architecte Fredéric Sustris (1540-1599), d'origine néerlandaise,avait appartenu, avec son père Lambert Sustris, entre 1563 et 1567, à l'équipe de Giorgio Vasari lorsque celui-ci réalisa à Florence pour François de Médicis la décoration du studiolo du Palazzo Vecchio ou créa le Corridoio Vasariano reliant le Palazzo Vecchio et le Palais Pitti (1565). Cette équipe comportait aussi Peter Candid (ou Pieter de Witte), de Bruges. Après cet apprentissage, il a été chargé de la décoration de la maison de Hans Fugger à Venise, puis, en 1573, il a collaboré avec divers assistants, dont Carlo Pallago , à l'installation de la collection d'art de Hans Fugger à Augsburg . Appelé ensuite par Guillaume V à Landshut, il a dirigé la transformation du château de Trausnitz en palace de style italien. Il est devenu, en 1579, l'architecte en chef attitré de Guillaume V à Munich pour y introduire le maniérisme. Outre la rénovation de l'Antiquarium et la création du Grottenhof, son œuvre la plus importante à Munich fut la construction et la décoration de l' église des Jésuites de Saint-Michel. Il a produit des dessins pour les orfèvres, tapissiers, sculpteurs, et les travailleurs de stuc et organisé une équipe de peintres pour décorer les intérieurs de palais. Il est le membre phare de l'Ecole Maniériste de l'Europe du Nord.
La Cour de la Grotte, ou Grottenhof était le jardin secret ou réservé du duc , son lieu de retraite et de méditation dans lequel il pouvait contempler un décor qui le mettait en garde contre les dangers de l'hubris, exaltation orgueilleuse ou présomption conduisant au désastre. Ainsi, il pouvait trouver des scènes de la vie d'Apollon (figure emblématique de son père) dans lesquelles Phaéton, fils d'Apollon, empruntait le char du soleil et allait à sa perte. Ou réfléchir à la scène dans laquelle les Piérides avaient impudemment prétendu dépasser les Muses par leurs chants, ce qui conduisit à leur métamorphoses en pies.. Le thème principal du plafond disait que chacun, dieu ou humain, en toute époque, était assujetti à l'Amour. Les lunettes montraient d'autres scènes tirées des Métamorphoses d'Ovide, comme celle du Livre II où Mercure tombait amoureux de la vierge Hersé, prétresse de l'Erechtheion, et était confronté à la jalousie de sa sœur Aglauros (ceci nous ramène à la danse des Aglaurides !). , Au centre du jardin, la fontaine (dessinée par Sustris et réalisée par Hubert Gerhard) était dominée par une statue de Persée brandissant la tête de la Méduse inspirée du Persée de Cellini à Florence (1554), mais où l'eau jaillissait de la gorge tranchée. Des statues, préleveées de la collection d'Albert V, s'alignaient le long des murs. La loggia est, celle de la Grotte, était ornée de stalactites de tuff, de branches de corail, de nacre, de coquilles d'escargot, d'éponges, de cristaux, et de stuc, mais elle était aussi dotée d'une fontaine incrustée de strass et de lapis lazuli, de feldspath et de malachite, d'obsidienne et d'ambre, ou d'améthyste, sur un bassin de marbre rouge d'où émergeait le dieu Mercure. Dans une féérie, les coquillages et les pierreries formaient des oiseaux exotiques et des fleurs, des vases et des obélisques, ou des masques de grotesques. Si on levait les yeux, on voyait Les dieux sur le Mont Olympe,
Fredéric Sustris avait comme collaborateurs les peintres Alexandro Paduano, son beau-frère, ou Antonio Maria Viani, Peter Candid et Antonio Panzano, ou les sculpteurs Carlo del Palagio (qui avait travaillé au jardin du Pratolino des Médicis en 1580) et Hubert Gerhard.
http://www.the-silk-route.co.uk/germanyMunich.htm
. En 1580-1581, le duc Guillaume V fait construire le Witwenstock (« appartement de la veuve ») pour la duchesse Anne. Entre 1581 et 1586, l'architecte Friedrich Sustris dessine les jardins de la grotte. En 1590, la Salle noire fait suite à l'Antiquarium. On entame alors, toujours sous la direction de Sustris, la construction de l'aile du prince héritier, au nord du Witwenstock. Sous le duc Maximilien Ier, futur prince-électeur, on ajoutera une chapelle (1601-1603), et, entre 1611 et 1619, des chambres pour la cour impériale, la salle et l'escalier impériaux.
.
2. La vue de Landshut.
.
a) Dessin préparatoire et scène de chasse.
Le dessin préparatoire, Vue de Landshut depuis Klausenberg est conservé à Munich, Staatliche Graphische Sammlung inv. n° 1996 :17Z. C'est un dessin à la plume sur lavis brun, avec des traces de gris-bleu, mesurant 236 x 405 mm. Inscription (à la main) : "Landshut" au dessus ; "Saeldental" au centre ; "Yser fl.» en dessous. Il a été réalisé par Hoefnagel à son arrivée à la cour d'Albert V , puisque la gravure qui en est issue porte la date de 1578.
Landshut est représenté depuis la colline de Klausenberg, de l'autre coté de l'Isar. A droite, le château de Trausnitz, résidence du prince Guillaume avant que ce dernier ne devienne le duc Guillaume V, domine par son donjon, la Tour Wittesbacher, la ville sur l' éperon rocheux du Hofberg. Au 15ème siècle, il a été élargi en particulier sous Georges le Rich et fortifiée avec de hauts murs d'enceinte et des tours défensives. Au pied de la colline, on voit le le hameau d' Achdorf. Un mur réunit le chateau deTrausnitz avec la porte de la ville, la Münchnertor ou Judentor. A l'arrière se dresse le clocher de l'église collégiale gothique Saint-Martin, avec sa tour de 130 m de haut, la plus haute tour de brique du monde. À l'extrême gauche s' étend l'abbaye de moniales cisterciennes de Seligenthal. L'Isar ou Ysar est traversée par deux ponts ; comme à Munich, des radeaux de troncs d'arbre maniés à l'aviron par deux hommes descendent le cours d'eau.
Il est bien connu que le duc Albert aimait la chasse, puisqu'il a demandé à Roland de Lassus de composer des messes brèves afin de ne pas être retenu trop longtemps par une musique de longue haleine. La plus significative de ces Missa Brevis est d'ailleurs connue sous le nom de Messe des chasseurs (Venatorum Missa).
.
.
b) La gravure du Civitates Orbis Terrarum Volume III planche 45 de 1581.
http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1 page 96 et 97.
Cette gravure est précédée du texte descriptif de Georg Braun, toujours très élogieux pour les cités qu'il décrit. Après avoir signalé que cette ville "douée de nature" produit en abondance des fruits de toute sorte, du lait, beurre et fromage, du blé, et du vin "récréant les Dieux et les hommes", ou que cette région peut à juste titre être comptés parmi les plus belles et la plus fertile dans toute l'Europe, il décrit
"...le palais du duc Albert, situé dans la partie basse de la ville, nommé vulgairement l'édifice nouveau, de structure très belle, et proportionné très nettement et subtilement à l'italienne, à ornement singulier de toute la ville."
Le jardin du duc.
"A laquelle donne encore plus d'ornement le jardin très plaisant naguère érigé hors des murailles d'icelle, par l'illustrissime duc Guillaume à l'invention et industrie de jardiniers français, en contemplation de la très chère compagne fille du duc de Lorraine, où se trouvent toutes sortes de fruits et d'arbres de renom, herbes, plantes, et fleurs étranges y apportées d'Italie, d'Espagne et France. Étant dit le jardin séparé et distinct en parcs , labyrinthes, et rondeaux très plaisants, ornés de toutes sortes et variétés de fleurs et de fruits. Les haies sont entrelacées d'arbrisseaux de plusieurs sortes, et vêtues de toutes fleurs comme tendues de tapisseries., et outre ce chargées de pommes, coings, néfles, et toutes sortes de fruits étranges, orné aussi plaisamment de tous cotés de peintures et statues très artificielles. Il n'y a aussi faute de toute bonne senteur et odeur, laquelle y espard partout la Camille, Basilic, Lauriers, Mirthus, Rosmarins, et toute autre sortes de fleurs, roses, et semblables herbes. Enfin l'aménité, plaisance, beauté, auxquels ajouterez l'utilité, surpasse toute foy d'oraison, récits et écrits. De sorte qu'il faut s'émerveiller, à quelle cause ledit illustrissime duc y tient la résidence avec la très chère compagne , nonobstant qu'il a en son pays de Bavière plusieurs autres villes très plaisantes. "
Le chateau de Trausnitz.
"Mais sur tout ce qui est dit, est, y donne très grande délectation ce que le dit illustrissime duc, unique honneur de notre temps, et exemple de toute vertu, et admirateur de toutes choses étranges et plaisantes, et fauteur, et entreteneur de tous bons esprits, a commencé à faire au château, qui est en lieu plus haut de la ville, faisant exorner fort magnifiquement les principales salles et chambres dudit château de peintures et statues très belles, tant anciennes, que modernes. Et ayant choisi à la récréation certain lieu, auparavant vague et de peu d'usage, aidé à ce tant de la situation très plaisante et nature du lieu, que par l'art et l'industrie de Frédéric Sustris Hollandais d'origine, mais Italien de nation, homme très ingénieux et renommé de toute sorte d'artifice, qui orne journellement le dit lieu, a grande industrie et ses merveilleuses inventions , d'apparat exquisit, et très doux murmure de fontaines coulantes à tous cotés, de gaioles, chants, et volements d'oiseaux , de statues et de nymphes, peintures de toutes sortes d'herbes, et toutes sortes de tels délices servants à oblectation et volupté. De sorte que sont grandement à priser et louer, tant l'illustrissime Prince, que l'ingénieux inventeur et ouvreur digne d'un tel Prince, Mécénat et fauteur. La description de cette ville nous a été communiquée par Georges Hoefnagel, marchand d'Anvers, lequel né aux études de la paix et non de guerre, fuyant les troubles de la Belgie, ayant perlustré* l'Italie, s'est rendu au service du pacifique Prince Albert duc de Bavière s'employant pacifiquement en l'art miniatoire, laquelle la nature seule l'a enseigné."
*Latin perlustrare, « parcourir complètement (pour reconnaître, en éclaireur) ».
La gravure diffère de l'esquisse, car elle est animée de quatre personnages ; l'un est allongé à coté d'une cruche (de vin). Un homme et une femme sont précédés de leur fille, tête nue mais dont la natte atteint une longueur inusitée. Les pentes de Klausenberg sont plantées de vignobles. La carte dispose d'un indice d'orientation par la mention Oriens en haut à droite.
.
L'inscription du cartouche de la gravure :
ALBERTO COM : PAL : RHENI VTRISQVE BAVARIAE DVCI. VNICO NOSTRI SECVLI MVSARVM ALVMNO A DELITIIS.
DEPING. GEORGIVS HOEFNAGLE ANTVERPIAN. VIRTVTE DVCE MAGISTRA NATURA. MONACI A° M.D.LXXVIII
"Pour Albert, comte palatin du Rhin et duc des deux Bavières, notre mécène inégalé des Muses pour son plus grand plaisir. Peint par Georges Hoefnagel d'Anvers. Guidé par la vertu, la Nature est son maître . Munich, Année 1578".
.
.
http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=11357
Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg volume III pl. 45
.
Landshut.
Louis Ier de Bavière-Landshut fonda la ville de Landshut vers 1204, dominé par le chateau de Trausnitz.. Pendant 250 ans ce fut la résidence des Wittelsbach et le siège du duché de Basse-Bavière. Au XVe siècle, les Riches Ducs de Bavière-Landshut Henri, Louis et Georges jouèrent un rôle éminent dans le développement de leur ville. Après l'établissement de la règle de primogéniture en 1504 et la réunion de la Haute-Bavière et de la Basse-Bavière sous Albert IV , son fils le duc Louis X (1516-1544) s'établit à Landshut et agrandit le château de Trausnitz. Grand collectionneur, amoureux des arts et des sciences et fin diplomate, il attira des humanistes comme le chroniqueur Johannes Aventinus, ou Pierre Apian. Il abandonna le vieux château et fit construire dans la ville une nouvelle et onéreuse résidence (Stadtresidenz) , qui reçut le nom de résidence Italienne en raison de sa façade Renaissance et de sa décoration intérieure maniériste inspirée de celle du Palais du Té à Mantoue, conçue par Jules Romains pour Frédéric II de Gonzague. Après sa mort, le duc siégea à Munich et Landshut devint la résidence du prince héritier. Ainsi Albert V y demeura avec son épouse Anne d'Autriche de 1545 à 1550, et Guillaume V, qui naquit le 29 septembre 1544 au château de Trausnitz, y séjourna après son mariage avec Renée de Lorraine jusqu'au décès de son père en 1579. Il était souvent en voyage à Prague, Vienne, Graz ou Nancy, et, notamment après le déclin de son père à partir des années 1570, il passa de moins en moins de temps à Landshut et s'établit progressivement à Munich. Pourtant, il dépensa des sommes considérables à transformer de 1568 à 1579 le château médiéval en un palais à l'italienne., désigné comme "Neue anbau". Les époux Guillaume et Renée réunirent autour d'eux une équipe d'artistes, de musiciens et de comédiens et menèrent une vie luxueuse et extravagante, animée de fréquentes festivités , de spectacles théâtraux faisant appel à la Commedia dell'Arte et de concerts. Guillaume était un amoureux des arts encore plus fou que son père, et l'excès de ses dépenses était encore plus considérable.
L'une des plus agréables expériences est de bénéficier de la visite virtuelle du château que propose le site http://www.burg-trausnitz.de/englisch/castle/index.htm.
http://www.burg-trausnitz.de/deutsch/burg/aussen.htm
L'aile italienne et ses arcades s'étend au coin nord-ouest du château. Grâce à Hans Jacob Fugger, Guillaume V fit appel aux compétences de Frédéric Sustris, qui travaillait alors à Augsburg, et lui confia la réalisation de son aile florentine, à deux étages d'arcades, et la conception des dessins qui devaient orner les murs . Le peintre était Antonio Ponzano (pour les grotesques), le sculpteur bronzier et stucateur était Carlo del Palagio. Le beau-frère de Sustris, Alessandro Paduano, vint, de Florence, le rejoindre en 1576, ainsi que Hans Donauer. Les premiers dessins pour l'Italian Anbau furent produits en été 1578, et furent exécutés en 1580.
Au rez-de-chaussée, le Hall des Chevaliers ou Rittersaal (1) , dont les fenêtres ouvraient au nord-ouest sur Landshut, a été décoré entre 1578 et 1580. Le mur montrait L'arrestation du Chambellan de la Cour Preysing et Graf von Törring schwört vor dem herzog Georg, beim bevorstehenden Turnier kein Zaubermittel zu verwendene. On voyait aussi sur une porte de placard, dans des niches peintes, la figure de Mars avec son épée et son bouclier, à coté d'une autre porte décorée de la Victoire portant une couronne d'olivier et une palme. Puis venait Apollon et son coq avec la devise de Guillaume V, Vincim vim Virtus, "la Vertu a vaincu la Violence", et, et Minerve, son casque et son hibou surmontant la devise Cynoranda duce obdurandum (présente aussi dans l'Antiquarium de Munich) "Sous ma conduite il faut persister" : cette devise qui était illustrée par un navire sous voile guidée par l'étoile polaire et poussée par un vent favorable, était l'imprese de Renée de Lorraine ( comme l'indique J. Typotius dans Symbola divina et Humania, Prague, 1601-1603). On comprend donc que le duc et la duchesse sont assimilés à Apollon (patron des Muses, donc des Arts) et à Minerve (déesse de la sage Intelligence).
Le plafond était peint en neuf tableaux à l'huile pour illustrer les thèmes de l'Ancien et du Nouveau Testament, ou, plutôt, du thème de la Foi Juste d'une part (Vertus,Comandements,Sacrements) et de l'Eucharistie de l'autre.
.
L'extension italienne comportait au rez-de-chaussée comportait (3) un Cabinet italien au plafond en voûte à caissons peints (l'un des seuls à échapper à un incendie de 1961). . Un escalier des Fous (cf.infra) permettait d'accéder, au premier et au second étage, à des Cabinet Italien semblables . Au premier étage, on trouvait aussi à proximité une Chambre des Éléments, et d'autres chambres, dont les peintures durent être refaites par Franz Joseph Geiger.
Un inoubliable "Escalier des Fous" (Narrentreppe) en spirale fut peint sur des dessins de Sustris par Alessandro Paduano de scènes burlesques en trompe-l'œil, où des personnages de la Commedia dell'Arte gravissent les degrés en jouant des sérénades, ou en se livrant à des plaisanteries d'un goût douteux, dans un décor de grotesques. Zanni, le domestique du marchand vénitien Pantalone, administre un lavement à l'âne sur lequel son maître est juché. Une femme ouvre sa fenêtre pour vider son pot de chambre sans crier gare, juste sur votre tête. Pantalone quitte la chambre d'une courtisane ; les zanni font des gestes obscènes, ou le geste delle corna. Un homme portant une lanterne et un autre armé d'un glaive sortent brusquement d'une porte et se jettent sur leur victime qu'un complice attendait à l'étage supérieur et qui dégringole l'escalier. Des prostituées entrouvrent leur porte ou guident leur client. Ces fresques étant détériorées, Le roi de Bavière Louis Ier les fit recopier par Max Hailer en 1841. Un dramatique incendie les endommagea en 1961, mais elles sont désormais restaurées. Elle permettent d' imaginer la vie de licences dans ce chateau où logeaient, outre le couple princier, leurs domestiques, les artistes et musiciens, et les comédiens.
http://www.burg-trausnitz.de/deutsch/burg/vorplatz.htm
.
.
.
II. LA MUSIQUE A MUNICH.
voir :
- Autoportrait de Hans Mielich (suite) et portraits de Roland de Lassus : le Mus. Ms. A. I et II
-
Mirabar solito dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich.
La partition de musique peinte par Hoefnagel avec le nom de Cipriano de Rore renvoie au manuscrit Mus. Ms. B, et, dans celui-ci, au motet Mirabar solito. Par contre, la partition portant le nom de Roland de Lassus peut être une référence à plusieurs pièces, puisqu'il était le compositeur officiel du duc.
Albert V avait commandé 3 livres de chœur manuscrits, copiés sur vélin par le flamand Johannes Pollet et enluminés par Hans Mielich. Ces véritables œuvres d'art étaient considérées comme des trésors dont l'usage était réservé au duc ou qui étaient montrés aux invités de marque, mais ne furent jamais utilisés par la Hofkapelle. Il s'agit d'un recueil de motets du flamand Cipriano de Rore et de deux recueil d'œuvres sacrées de Roland de Lassus :
-
le Manuscrit Mus. Ms. B, conservé à la Bibliothèque Nationale de Bavière à Munich. Il est complété par un volume de commentaires descriptifs rédigé par Samuel Quickelberg en 1564 (le CIM 209). Daté de 1559, il est formé de 304 pages dont 82 sont enluminées par H. Mielich. Il contient 26 motets de 4 à 8 voix de Cipriano de Rore,
-
Le manuscrit Mus. Ms A de deux volumes (1565 et 1570) soit 400 pages, contenant les Psaumes pénitentiels de Roland de Lassus.
-
Le Ms 18.744 conservé à la Librairie Autrichienne de Vienne, petit recueil de partitions parmi lesquelles le Sacrae Lectiones ex Propheta Hiob de Roland de Lassus pour 4 voix, et son Prophetiae Sibyllarum également pour 4 voix.
Parmi les très nombreuses autres compositions de de Lassus, Hoefnagel a pu penser à celles qui ont été composées par Nicolas Stopio, notamment pour le mariage en 1568 du prince Guillaume.
Je vais envisager les références possibles de Hoefnagel :
a) Le Manuscrit Musica Ms. B ou Livre de chœur de Cipriano de Rore.
Il rassemble les partitions de Cipriano de Rore, classées en groupes par nombre de voix, et à l'intérieur des groupes, par ordre chronologique, dans un volume enluminé par Hans Mielich (1516-1573) sur commande du duc Albert V.
.Hans Mielich a placé à la page 304 ou folio 149r que l'on trouve le superbe portrait en pleine page du musicien et ses beaux yeux bleus.
Portrait de Cipriano de Rore par Hans Mielich, Mus. Ms. B. Bayerische Staatsbibliothek
Source images : Bayerische Staatsbibliothek
La pièce musicale la plus importante peut-être de ce recueil, parce qu'elle a été composée spécialement pour le duc Albert et offert en cadeau de Nouvel-an, est le Mirabar solito, sur un poème de Nicolas Stopio, dans lequel le duc est comparé avantageusement à Apollon, le dieu qui dirige les neuf Muses, en raison du rôle de protecteur des arts d'Albert V. Hoefnagel, en peignant en bordure la partition au nom de Cipriano de Rore, renvoie donc directement au luxueux manuscrit Mus. Ms. B qui faisait la fierté du duc comme mécène du peintre Mielich et du compositeur de Rore, mais aussi à l'hommage écrit par Stopio ; c'est une façon de reprendre à son compte la comparaison du duc avec Apollon. C'est aussi un hommage à l'enluministe prédecesseur de Hoefnagel. Son importance est aussi manifestée par le fait que c'est le seul des 26 motets dont Massimo Troiano, qui décrit ce manuscrit en 1569, donne en page 41 le texte complet. Mais en réalité, Troiano donne systématiquement, et exclusivement, les textes composés par Stopio.
.
— Mirabar solito, Cipriano de Rore, Mus. Ms. B. page 257-276.
.
.
b) Le Mus. Ms. A de Roland de Lassus.
Hoefnagel a pu peindre la partition De Lassus à coté de celle de Cipriano de Rore pour honorer l'ensemble des manuscrits enluminés commandités par Albert V, tout en évoquant le rôle de mécène du duc vis-à-vis de la Musique. C'est même l'hypothèse la plus probable ; mais autant les Muses du Mirabar solito s'accordaient avec l'ambiance générale hédoniste de l'Allégorie aux deux Nymphes, autant la sévérité pécamineuse des Psaumes pénitentiels s'en éloigne; ce qui m'incite à évoquer une autre musique de Roland de Lassus.
.
c) Les pièces musicales sur des poèmes de Stopio.
.
Le prince Guillaume, héritier du duché, épousa le 22 février 1568 Renée de Lorraine, ce qui donna lieu à trois semaines de festivités. Roland de Lassus fit jouer trois motets sur des textes de Nicolas Stopio :
1) Une pièce à 5 voix, Nil mage iucundum,(Pas de joie plus grande) composée par Maddalena Mezari, dite Casulana (c.1540-c.1590).
« Orlando fit chanter une œuvre à cinq voix, de Madame Madalena Casulana, laquelle fut écoutée avec une très grande attention, et comme je ne peut vous faire écouter le concert, je peux vous dire le poème, que je suis sûr que vous apprécierez. Marinio répond : Je l'écouterai volontiers, car je ne pourrai croire sinon qu'elle soit très belles, pour avoir été faite par cette très vertueuse dame dont les vertus héroïques, les qualités, et les coutume sont dans tous les esprits de notre très heureux Etat ( Volentieri l'ascoltaro che non posso se non credere che sano bellissimi, per havervi fatto la musica quella virtuosissima signora, le cui alte virtus, qualitas et costumi, sono a tutti li spirti gentile di questa nostra felicissima Etade).»
Nil mage incundum [pour iucundum], mortalibus alma potestas
Concessit, stabili, dulci in amore, fide :
Inclyta praecipue- virtus ubi iunxit amantes,
Coniugio illustri, maxima dona Dei ;
Omnia quae possunt, connubia reddere laeta,
Summa ut nobilitas, gratia, forma, deocr ;
Sunt in Renea Lotharinga, ut lumina in orbe
Bina, et Guilhelmo Principe bavariae.
Massimo Troiano(1569) , Dialoghi page 123-124
Maddalena Casulana a été la première femme connue à donner des cours de chant et à composer de la musique, publiant en 1568 à Venise chez Girolamo Scotto son premier recueil de madrigal, suivi en 1570 d'un second livre de 21 madriguaux à quatre voix. Voir J.M. Bowers. Le choix fait par Roland de Lauus a pu être influnecé par Nicolas Stopio, établis à Venise et très lié avec les imprimeurs et les éditeurs de musique.
2) Une autre pièce à 5 voix, Vas sacrae adeste tonis, fut chantée sur une composition de Caterina Willaert. Nicolas Stopio avait écrit le poème à la demande de la duchesse Anne d'Autriche, mère de Guillaume. Il n'est plus admis aujourd'hui qu'elle soit, comme l'affirme Troiano, la fille du grand compositeur Adrian Willaert (1490-1562), car on ne connaît pas d'enfant à ce dernier. Elle serait sa nièce, ou sa sœur.
"E dopo che fu finita la sopradetta harmonia fu cantato un altra opera, composta, dalla virtuosa Madona Caterina, figlivola del famosissimo messer Adriano Vuilart, et li versi ha fatti il medesimo Stopio in Lode della Serenissima Anna d'Austria, Duchessa di Baviera."
Vos sacrae adeste tonis, charisma pignora, Musae,
Laudibus hanc mecum condecorate novis ;
Haec est, quae superat virtute Heroidas omnes,
Quis non caelestem dixerit esse Deam ?
Mente Dea est, formaque Dea est, Dea vera decore,
Undique divinis dotibus aucta, micans ;
Caesaris est summi, Divorum est digna propago,
Virtutum exemplo hanc edidit almus Amor.
Faemineum decus exortum est, et gloria summa,
En Charites vobis, addita quarta Dea est.
(Massimo Troiano, 1569, page 125)
.
3) Gratia sola Dei , en trois parties, tient une place à part puisque ses vers forment un acrostiche sur les prénoms des deux époux : GVILHELMVSRENEA. La musique est composée par Roland de Lassus.
5 voix SATTB (Soprano ou Cantus, Altus, Ténor 1, Ténor 2, Bassus).
On en trouve la partition dans l'Epithalium musicae compositus Auth. Orlando di Lassus, conservé au Musiksammlung de l'Albertina de Vienne, Hs. mus. 2129, un manuscrit de 60 x 69 cm illustré à l'encre et à la plume, et copié par Richard de Genoa, copiste qui était aussi chanteur basse à la Hofkapelle de Lassus de 1563 à c.1580, et assistant du maître de Chapelle en 1570 Selon Peter Bergquist, auquel j'emprunte ces informations, il rappelle, bien qu'il soit dessiné mais non enluminé, le Mus. Ms. A. Tous les dessins font allusion au mariage. La première partie (0v-8r) est illustré par des passages de la Genèse (Adam et Éve, Abraham, isaac, Jacob, Joseph), le second (8v-11r) par des sujets tirés du Livre de Tobie, alors que les trois ouvertures de la troisième partie (11v-14r) sont en rapport avec les aventures bibliques respectives d'Esther, de Suzanne et de Judith et Holopherne.
Selon Massimo Troianno, le motet fut chanté le dimanche 29 février, après la Messe, lors du repas devant les époux et leurs invités. La première partie pour 5 voix fut chantée par tous (da tutta la turba de i cantori), la seconde pour 4 voix par 4 voix solo (da solo quattro scelte voci), et la troisième partie pour six voix fut reprise par tous. Et, ajoute-t-il, cela fut chanté si suavement, que le Serenissime Prince et sa Sérenissime Dame restait à écouter les harmonies inédites, le morceau immobilisé dans la bouche, et que les domestiques ne bougeaient plus de leur place jusqu'à la fin du morceau de solo (E tanto suavemente lo cantarono, e di tal forte uno presso l'altro le fughe, et artisti e belli pasti, porgenano, alle orecchie de gli ascoltanti ; che tutti li Sereni. Prencipi, e Serenis. Dame, con il boccone in bocca si fermarono ad udire, la inodita concordanza; ; et infino che non fu finito il bene contesto quarto, nissuno de i servi si mosse dal luogo, che si trovava ; dopo tutii insieme seguitarono la terza parte a sei, e di questa opera l'eccellente e famoso, Orlando, a bocca piena, da tutti ugualmente, ne fu lodato). Roland de Lassus fut chaudement félicité après ce morceau.
.
http://www.musicnotes.com/sheetmusic/mtdFPE.asp?ppn=MN0035595
Prima parte a cinque voci.
Gratia sola Dei pie' in omnibus omnia adimplet
Virtute aeterna, cœlesti, et amore creatis.
In nostris almus vigeat quoque cordibus ardor,
Lege sacra statuit, cunctisque ; amor imperet unus,
Hic reduces qui nos cœlo afferat, atque beatos,
Efficiat, Virtus aequa almo in amore recumbit.
Seconda parte a quatro voci.
Legitimo ergo nihil natura invenit amore
Maius, connubii unde ferax fit copula fidi,
Vis sacra amicitiae rata confirmatio amoris ;
Solus amans, quod amare invat, feliciter ardet,
Terza parte a sei voci
Res mira, ignoti quod, et illaqueentur amore,
Emicat accensis per famam mentibus ardor,
Nocte silente magis, dum mutua flamma per artus
Erans alta trahit suspiria pectore ab imo ;
Amplexus taedet longum expectare iugales.
La traduction est un défi quasiment impossible à relever pour un profane tant les tournures imposées par l'acrostiche se conjuguent aux difficultés du latin poètique. Un forum allemand a tenté l'aventure en langue germanique. Stopio rend grâce à Dieu pour avoir instituer l'amour comme vertu éternelle parmi les choses crées et l'implore de favoriser l'expression de cette loi sacrée dans nos cœurs.
Lors de ces noces princières furent encore chantés deux pièces sur des poèmes de Nicolas Stopio, d'une part Laeta est dia Dies, nuptis gratemur ovantes ...Illuxit pergrata dies, celebrandaque cunctis ..et d'autre part Harmonico cupiens coniunctas ordine Musas Omnisonum in terris (Enthea dona) melos, sur une musique composée par Massimo Troiano en l'honneur de la Chapelle de Cour du duc Albert V (Troiano page 147), et qui reprend le thème du Mirabar solito.
.
SOURCES ET BOITE A LIENS.
— DEONNA (W.) 1953, « La Politique » par P. P. Rubens Revue belge de philologie et d'histoire Volume 31 pp. 520-536
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178
— DIEMER (Dorothea & Peter) 1955, Das Antiquarium Herzog Albrechts V. von Bayern Schicksale einer furstlichen Antikensammlung der Spatrenaissance Source: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 58 Bd., H. 1 (1995), pp. 55-104 Published by: Deutscher Kunstverlag GmbH Munchen Berlin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1482747 http://fr.slideshare.net/3153657/das-antiquarium-diemer
— MAXWELL ( Barbara Susan ), The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria
https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false
— MIELICH (Hans) 1559, Mus. Ms. B, Bayerische Staatbibliothek : motets de Cipriano de Rore Oeuvre en ligne (en noir et blanc) ici : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=ewqeayaewqfsdrxdsydxdsydenw&no=32&seite=1
— OWENS (Jessie Ann), 1978, The signifiance of Mus. Ms. B as a source for the motets of Cipriano de Rore : THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE
— OWENS (Jessie Ann), 2004, Cipriano de Rore's New Year's Gift for Albrecht V of Bavaria:a new interpretation : d'après sa thése de 1979 in : Die Münchner Hofkapelle des 16. Jahrhunderts im europäischen Kontext. Bericht über das internationale Symposium der Musikhistorischen Kommission der Bayerischen Akademie der Wissenschaften in Verbindung mit der Gesellschaft für Bayerische Musikg ..., 2004, 30 p. (2004, August 2-4)
— OWENS, (Jessie Ann) 1979 : An Illuminated Manuscript of Motets of Cipriano De Rore (München, Baierische Statsbibliothek, Mus. Ms. B) - Phil. D. diss. Princeton University Press, 1979
— PAJUR (Astrid), 2012, Spectacular Marriages: Early Modern Festival Books and the 1568 Wedding of Wilhelm V of Bavaria and Renata of Lorraine, History Dissertation, University of Edinburgh
https://www.academia.edu/5774753/Spectacular_Marriages_Early_Modern_Festival_Books_and_the_1568_Wedding_of_Wilhelm_V_of_Bavaria_and_Renata_of_Lorraine
— PAYA Laurent , Scénographie des jardins de « plantes et arbres curieux » 1537-1631, Curiositas, http://curiositas.org/scenographie-des-jardins-de-plantes-et-arbres-curieux-1537-1631
— BERQUIST (Peter), 1998, The Complete Motets:7: Cantiones aliquot quinque vocum (Munich, 1596); page XVII https://books.google.fr/books?isbn=0895794101
— BERQUIST (Peter), 2007, The Complete Motets: Supplement: Keyboard/Vocal Score, A-R Éditions
https://books.google.fr/books?isbn=0895796090
— SCHILTZ (Katelijne et N. Meeùs), 2003, "Giunto Adrian fra l'anime beate : Une quintuple déploration sur la mort d'Adrien Willaert" Musurgia, Vol. 10, No. 1 (2003), pp. 7-33.
https://www.academia.edu/7926001/Giunto_Adrian_fra_l_anime_beate_Une_quintuple_d%C3%A9ploration_sur_la_mort_d_Adrien_Willaert
— SCHILTZ (Katelijne) 2005, "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus": Cipriano de Rores Motette Concordes adhibete animos Archiv für Musikwissenschaft, 62. Jahrg., H. 2. (2005), pp. 111-136
https://www.academia.edu/6714368/_Harmonicos_magis_ac_suaves_nemo_edidit_unquam_cantus_Cipriano_de_Rores_Concordes_adhibete_animos
— STOPIO (Nicolo) 1556 "Nicolai Stopii In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion" in : Petri Bembi patritii Veneti, scriptoris omnium politissimi disertissimique, quaecunque usquam prodierunt, opera : in unum corpus collecta, & ad postremam autoris recognitionem diligentissime elaborata, quorum catalogum versa pagina monstrabit : Cum rerum & vocum memorabilium Indice, in operis calcem reiecto, Basileae : [Michael Isengrin] 1556
http://www.e-rara.ch/bau_1/content/pageview/62975
— STOPIO (Nicolo) ou STOOP, (Nicolaas de),1555, : Panegyricvm Nicolai Stopii Alostensis Flandri Carmen De laudibus diuae Ioannae Aragonae ad Illustriss. & excellentiss. eius filium Marcum Antonium Columnam Marsiae Ducem inuictiss. Florence. Hommage à Marc-Antoine Colonna, puis à Jeanne d'Aragon, à divers Princes, au Cardinale (In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion), à Hans Jacob Fugger,
Jeanne d'Aragon, femme du Vice-roi Ascagne Colonna, prince de Tagliacozzo et mère de Marc-Antoine Colonna,le futur vainqueur de la bataille de Lépante.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10335294d/f1.zoom
http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00002170&pimage=00001&suchbegriff=&l=en
— THRESOR DES PARTERRES : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856443/f2.image
— TROIANO ( Massimo Troiano), 1569, Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147.
https://books.google.fr/books?id
— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi ...Montano page 67-68 et 165
https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— "Schloß Trausnitz ob Landshut in Wiederbayern", in Das Königreich Bayern in seinem alterthümlichen, geschichtlichen ..., Volume 3 Munich, 1854 page 172-182 https://books.google.fr/books?id=TVxcAAAAcAAJ&dq=%22Cynosura+duce+obdurandum%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— DIAMM, Digital Image Archive of Medieval Music : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225
— VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.
http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/landshut_engl.pdf
http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/mu-residenz_engl.pdf
Source des images :
a) illustration du catalogue de Vignau-Wilberg 2006.
b) https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11
c) Civitates Orbis Terrarum :
c1) Landshut volume III planche 45 :
-- Biblioteca Hispanica : Urbium Praecipuarum Totius Mundi : Liber Tertius [Material cartográfico] texte page 84 et gravure page 85 :
http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000000713
-- Biblioteca Hispanica : Urbium Edition en français texte page 96, gravure page 97 :
http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1
-- http://historic-cities.huji.ac.il/germany/landshut/maps/braun_hogenberg_III_45_b.jpg
c2) Munich volume IV planche
The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria
Par Barbara Susan Maxwell,Friedrich Sustri
https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false