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23 mai 2021 7 23 /05 /mai /2021 14:56

Les 8 espèces d' Odonates peintes par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575-1580). 

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— Voir dans ce blog sur Hoefnagel :

 

 

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— Voir sur l'Histoire de l'étude des Odonates et de leurs noms :

 ZOONYMIE DES ODONATES.

 Les articles précédents : 10 articles de généralités et 41 études de noms d' Anisoptères.

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ZYGOPTÈRES

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BIBLIO :

  • Bibliographie des articles de zoonymie des Odonates.


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PRÉSENTATION.

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Toute contribution participative sera la bienvenue

 

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INTRODUCTION.

La zoonymie est la science de l'étude des noms d'animaux, et la zoonymie des Odonates étudie l'origine et le sens des noms de Libellules. Or, même si cela me surprend encore, les noms des insectes ne datent officiellement que de 1758, lorsque Linné a procédé au grand baptême  zoologique dans la dixième édition de son Systema naturae, où il a créé le nom Libellula.

Bien-sûr, une démarche quasi archéologique peut retrouver quelques termes préalables, comme ceux de Libella (1550, pour une larve de libellule), et de Perla (1602, pour toutes les Libellules), mais, dissimulés dans des ouvrages savants, ils soulignent plutôt la grande aphasie  des langues du Monde pour désigner ces insectes féeriques. 

Nos ancêtres s'intéressaient-ils,  voyaient-ils même les petits animaux qu'ils ne nommaient pas ? 

Ce n'est que dans la seconde moitié du XVIe siècle, voire son dernier quart, que, dans une vaste opération de compilation des données des Anciens sur la Botanique et la Zoologie, associée à la constitution de collections thématiques systématiques, les naturalistes, souvent médecins, s'intéressèrent aux Insectes en France (Belon du Mans, Rondelet à Montpellier), en Italie (Aldrovandi à Bologne), en Suisse (Gessner à Zurich) ou en Flandres (Charles de l'Escluse). Néanmoins, la première publication, celle d'Aldrovandi dans son De animalibus insectis libri septem , attendra l'aube du XVIIe siècle, en 1602.

Dans le domaine de l'illustration, des insectes, et notamment des libellules, sont représentées sous forme d'enluminures en marge des Livres d'Heures, mais dans un but décoratif ou ludique et rarement dans un souci de rendre compte de la réalité.

Les bordures botaniques  enluminées du Grand Livre d'Heures d'Anne de Bretagne réalisé en 1505-1510 et peint par Bourdichon, contient un grand nombre de Libellules.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52500984v/f480.item

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JORIS HOEFNAGEL ET LE VOLUME IGNIS

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Ignis, Animalia Rationalia et Insecta, est le premier volume d'un ensemble de quatre, décrivant les espèces animales, dont l'homme. Ils portent en titre, dans une volonté de décrire le Vivant comme un Tout, le nom des quatre éléments, Ignis (le Feu ), Terra (la Terre) pour les animaux terrestres (Animalia quadrupedia et Reptilia),  Aqua (l'Eau) pour les animaux aquatiques (Animalia Aquatilia et Cochiliata), et Aier (l'Air) pour les animaux aériens (Animalia Volatilia et Amphibia). Dans une reliure de cuir rouge à ferrures, ils regroupent 58 à 79 feuilles de vélin numérotés, peints à l'aquarelle et à la gouache à 'intérieur d'un ovale peint à l'or.  Chaque feuille reçoit une ou des inscriptions en latin qui ne qualifient pas les animaux, mais citent des aphorismes ou des poèmes. Les feuilles mesurent environ : 14.3 x 18.4 cm, ce qui indique la précision des miniatures pour chaque insecte.

Le volume Ignis est le plus riche, avec 79 dessins, y compris la page de titre. Cette dernière comporte les initiales G HF de Joris Hoefnagel (Georg Hufnagel).

Joris Hoefnagel (Anvers 1542, Vienne 1601) est un artiste flamand qui est l'héritier de l'école des miniaturistes ganto-brugeoise (Bréviaire Grimaldi 1510-1520), de la peinture flamande de natures mortes, et des fantasmagories décoratives du grotesque italien. Son souci de fidélité à la réalité observée fait merveille dans ses travaux de vues de villes et paysages illustrant le Civitates orbis Terrarum de Georg Braun et F. Hogenberg.

C'est au service du duc de Bavière Albert V, après 1577,  qu'il réalise son encyclopédie animale. Les volumes ont probablement été présentés par Hoefnagel à l'empereur Rodolphe II en 1590, lorsqu'il rentra à son service.

Datation : certaines feuilles contiennent des dates de 1575 et de 1582 ; certaines planches peuvent être antérieures à 1575 et certaines postérieures à 1582 (RDK)

 

 

Mais s'il s'inspire de gravures et dessins puisés dans la bibliothèque impériale de Prague pour les volumes II à IV, il semble bien avoir travaillé directement en observant des spécimens naturels pour le volume Ignis, réalisant les premières illustrations entomologiques de caractère scientifique, c'est à dire reproduisant au plus près la réalité de l'insecte observé.

J'ai déjà présenté ses planches présentant des papillons (Lepidoptera). Mais les Libellules (Odonata) illustrent 12 des 78 planches et on dénombre 16 dessins, et au total 12 ou 13 espèces différentes.

En effet, la détermination des spécimens permet de définir non seulement le genre, mais le plus souvent l'espèce représentée, ce qui n'avait (presque) jamais été le cas auparavant dans l'histoire de l'illustration entomologique.

En 2014,, l'entomologiste et passionné d'histoire de l'étude des Odonates Marcel Wasscher a reconnu parmi ces Libellules l'Orthetrum brunneum  de la planche 17, le Sympétrum du Piémont Sympetrum pedemontanum de la planche 47 , et  Aeshna cyanea de  la planche 53.

En 2015, malgré mon absence de connaissances entomologiques, j'ai  mis en ligne les planches d'Ignis, j'ai traduit et donné la source des inscriptions qu'elles comportaient, et j'ai tenté de dénombrer les espèces d'Insectes, et de les identifier, en lançant sur la toile cette bouteille à la mer susceptible de provoquer des discussions et critiques. Mais, n'appartenant pas à la communauté scientifique, je ne reçus aucun correctif.

Plus tard, dans un article non daté (dernière correction 6/12/2020) de World Odonata Web, Cyril Deliry publia, sans citer mon travail ni celui de Wasscher, 12 planches des Odonates d'Hoefnagel et donne une liste de 9 espèces + Coenagrion sp. Il indique qu'il pense que les espèces dépeintes proviennent de France.

Je reprends ici mon travail de 2015, en le centrant exclusivement sur les Odonates.

Le même travail peut être fait sur deux volumes de gravures issues des peintures de Joris Hoefnagel et publiées par son fils :

Hoefnagel Jacob, 1592, Archetypa studiaque Patris :

Hoefnagel, D. I. 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam]. (N. I. Vißcher). 32 pages, 16 planches.

L'inventaire peut concerner les autres productions de Joris Hoefnagel comme son Mira calligraphiae monumenta (1591-1596), ou ses peintures conservées ici ou là.

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Liste  des espèces identifiées par M.  Wasscher  puis C.Deliry :

— Anisoptera

Aeshna cyanea, Aeshna mixta, Sympetrum depressiusculum, Sympetrum sanguineum, Sympetrum pedemontanum, Orthetrum brunneum.

— Zygoptera

Calopteryx virgo, Calopteryx splendens [non retrouvé par moi], Sympecma fusca, Coenagrion sp., 

 

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Planche 13. Libellula [depressa].

Sous réserve, détermination personnelle et du site NGA accompagnée d'un point d'interrogation.

https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69674.html

Libellula depressa est identifiable sur la gravure d'après Joris Hoefnagel .

https://rkd.nl/en/explore/images/121231

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 17. Orthetrum brunneum.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69678.html

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 18. Zygoptera.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69679.html

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 21. Coenagrion sp.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69683.html

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 34. Calopteryx virgo mâle.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69697.html

Linné cite dans sa description de Libellula virgo dans Fauna suecica de 1746 et 1761 la gravure d' Icones insectorum planche 11  donnée par Hoefnagel .

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 47. Sympetrum pedemontanum.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69711.html

 

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 49. Zygoptera sp.

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 53. Aeshna cyanea.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69718.html

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 54. Trois anisoptères.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69719.html

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Aeshna mixta.

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Sympetrum depressiusculum.

 

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Sympetrum sanguineum

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 55. Trois Calopteryx virgo femelles.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69720.html

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 63. Sympecma fusca.

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https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69729.html

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 64. Coenagrion sp.

https://www.nga.gov/collection/art-object-page.69730.html

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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II. Joris Hoefnagel  (1542-?1601; Mira calligraphiae, 1591-1596.

 

Le Livre de calligraphie  de l'empereur Rodolphe II a été enluminé en 1591-1596  par Joris Hoefnagel sur le Livre de modèle de calligraphie réalisé en 1561-62 par Georg Bocksay, secrétaire impérial de l'empereur Ferdinand I. Comportant 129 folios sur un vélin de très grande qualité, il est associé à un Alphabet, dont les folios 130 à 151 sont  également enluminés par Hoefnagel .  Ce petit volume détenu par le J. Paul Getty Museum a été édité en 1992 par Hendrix et Vignau-Wilberg, et une sélection de planches composent  deux autres publications de 1997, Nature illuminated et An Abecedarium, des mêmes auteurs.

Planches de l'Alphabet.

Planche 148 : 2 libellules imaginaires

Pl. 150 : 2 Anisoptères assez réalistes

 

folio 65 Odonata Zygoptera , Iris d'Espagne, Étoile de Bethleem (ornithogallum)

 

http://www.getty.edu/art/collection/objects/2350/joris-hoefnagel-and-georg-bocskay-damselflies-spanish-iris-and-star-of-bethlehem-flemish-and-hungarian-1561-1562-illumination-added-1591-1596/

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J. Hoefnagel, Mira calligraphiae, 1591-1596, folio 65 (détail)

 

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Folio 68 Odonata Zygoptera inidentifiable. Chenille,  Oeillet, Cerises, Mille-pattes.

http://www.getty.edu/art/collection/objects/2354/joris-hoefnagel-and-georg-bocskay-damselfly-carnation-firebug-caterpillar-carnelian-cherry-and-centipede-flemish-and-hungarian-1561-1562-illumination-added-1591-1596/

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J. Hoefnagel, Mira calligraphiae 1591-1596 folio 68

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Folio 74 Odonata Zygoptera imaginaire

http://www.getty.edu/art/collection/objects/2360/joris-hoefnagel-and-georg-bocskay-damselfly-carnation-insect-caterpillar-ladybird-english-walnut-and-marine-mollusk-flemish-and-hungarian-1561-1562-illumination-added-1591-1596/

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J. Hoefnagel, 1591-1596, Mirae calligraphiae folio 74 (détail)

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Folio 76 Odonata Anisoptera Aeshnidae Aeshna cyanea.

 

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https://img0.etsystatic.com/025/3/7677581/il_570xN.529231376_7p8o.jpg

http://www.getty.edu/art/collection/objects/2362/joris-hoefnagel-and-georg-bocskay-dragonfly-pear-carnation-and-insect-flemish-and-hungarian-1561-1562-illumination-added-1591-1596/

 

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Georg Bocksay (texte) Joris Hoefnagel (miniature), Mira calligraphiae monumenta (1561-1562 / 1591-1596), folio 76. Aquarelle, peinture d'or et d'argent, encre sur velin. J. Paul Getty Museum

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Folio 99 : Odonata Zygoptera Deux Demoiselles (accouplement imaginaire ?)

http://www.getty.edu/art/collection/objects/2386/joris-hoefnagel-and-georg-bocskay-damselflies-caterpillars-carnation-and-poet's-jasmine-flemish-and-hungarian-1561-1562-illumination-added-1591-1596/

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Joris Hoefnagel, 1591-1596, Mira calligraphiae, folio 99 (détail).

 

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III. Jacob Hoefnagel, Archetypa : 1592. 14 espèces d'Odonates.

Les 16 belles gravures représentent 302 insectes, soit 37 Coléoptères , 22 Orthoptères, 14 Odonates, 16 Névropères 72 Lépidoptères, 35 Hyménoptères, 78 diptères, 21 Hémiptères et 7 larves; du centre et du nord de l'Allemagne. Jacob Hoefnagel a utilisé les copies gravées des dessins de son père Joris.

tentative de présentation des Odonates :

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Pars I, planche 8 : Calopteryx virgo.

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Calopteryx, Joris Hoenagel, Archetypa Pars I planche 8.

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Pars I, Planche 10 : Libellulidae

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En 1840, Hagen identifie cette espèce comme Orthetrum cancellatum.

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Libellulidae, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque, 1592, Pars X planche 10.

 

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Pars I, Pl.11 : Calopteryx.

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Calopteryx, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque, 1592, pars I planche 11.

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Pars II, Pl.  3 : Aeshnidae.

Hagen proposait en 1840 Aeshna juncea .

Au vu de la similitude avec le spécimen représenté dans la planche LIII d'Ignis, identifié comme Aeshna cyanea ou Aeshne bleue par Marcel Wasscher, il parait logique de reprendre cette identification ici.

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=wasscher&start=4

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Aeshnidae, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque 1592, Pars II pl. 3

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Pars II, Pl. 6 : Zygoptera.

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Zygoptera, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque, 1592. Pars II planche 6.

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Pars II, 9 : Calopteryx.

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Calopteryx, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque 1592. pars II planche 9

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Pars III, planche 2 : Aeshnidae.

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Aeshnidae, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris, 1592, Pars III planche 2.

 

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Pars III, planche 3 : Anisoptera ??.

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Anisoptera, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris, 1592, Pars III planche 3.

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Pars III, planche 4 : Anisoptera.

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Anisoptera, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris Pars III planche 4.

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Pars III, planche 5 : Libellulidae.

H.A. Hagen a reconnu en 1840 Libellula depressa, comme Marcel Wasscher 2014 .

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Libellulidae,  gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris, 1592, Pars III planche 5.

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Pars III, planche 6 : Libellulidae.

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Libellulidae,  gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris, 1592, Pars III planche 6.

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Pars III, planche 6 : Calopteryx splendens.

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Calopteryx splendens gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris, 1592, Pars III planche 6.

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Pars  III, planche 10 : Zygoptera.

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Zygoptera, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris 1592 Pars III planche 10.

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Pars IV, planche 4 Libellulidae.

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H.A. Hagen proposait (avec un ?) Libellula Paedemontana (allioni), notre Sympetrum pedemontanum Müller in Allioni, 1766, ou Sympetrum du Piémont.  Gravée d'après Ignis planche XXXVII, dans laquelle Marcel Wasscher a reconnu en 2014  S. pedemonatum.

https://rkd.nl/nl/explore/images/120788

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Libellulidae, gravure d'après Joris Hoefnagel, Archetypa studiaque patris, 1592, Pars IV planche 4.

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IV. Jacob Hoefnagel 1630 Diversæ insectarum volatilium icones

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Hoefnagel, D. I. 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam]. (N. I. Vißcher). 32 pages, 16 planches.

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/5/mode/1up

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Planche 2 Aeshna cyanea

 

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/7/mode/1up

 

Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 6 Sympetrum pedemonatum

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/15/mode/1up

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=wasscher&start=5

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 9. Deux Zygoptères

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/5/mode/1up

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 10 : Un anisoptera

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/23/mode/1up

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).
Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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planche 11 : Libellula depressa. Calopteryx splendens

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/25/mode/1up

https://rkd.nl/nl/explore/images/121231 identification par Marcel Wasscher, 2014

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 12. Un Anisoptera

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/27/mode/1up

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 13 : Une Libellule

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/29/mode/1up

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 14. Un anisoptera, un Zygoptera

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/30/mode/1up

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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Planche 16 . Un anisoptera.

https://www.biodiversitylibrary.org/item/86576#page/35/mode/1up

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Les Odonates peints par Joris Hoefnagel dans Ignis (1575).

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SOURCES ET LIENS.

 

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OEUVRES  DE HOEFNAGEL

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— HOEFNAGEL (Joris), c. 1575/1580  Animalia Rationalia et Insecta (Ignis). 

HOEFNAGEL (Joris), 1580-1590, Missale romanum,  une copie du missel catholique romain pour l'archiduc Ferdinand II d'Autriche, comte de Tyrol (1529-1595).  658 pages Vienne,  Österreichische Nationalbibliothek (ONB) Cod. 1784

Numérisé en noir et blanc:

http://archiv.onb.ac.at:1801/view/action/nmets.do?DOCCHOICE=5091323.xml&dvs=1515513185085~814&locale=fr&search_terms=&adjacency=&VIEWER_URL=/view/action/nmets.do?&DELIVERY_RULE_ID=1&divType=&usePid1=true&usePid2=true

 

— HOEFNAGEL (Joris), 1591-1596. Mira Calligraphiae Monumenta

http://www.getty.edu/art/collection/objects/2386/joris-hoefnagel-and-georg-bocskay-damselflies-caterpillars-carnation-and-poet's-jasmine-flemish-and-hungarian-1561-1562-illumination-added-1591-1596/?dz=0.4711,0.2671,1.17

— HOEFNAGEL (Jacob.), 1592, "ARCHETYPA STUDIAQUE PATRIS/ GEORGII HOEFNAGELII / Iacobus F. Genio ... ac perbenigne communicat / Ann sal: xcii Aetat xvii"; "Cum prae: Caes: Mai.s"; 

Francofurti ad Mœnum :[Jacob Hoefnagel], Ann. sal. XCII. [i.e. 1592] Ætat. XVII.

https://www.biodiversitylibrary.org/item/234192#page/5/mode/1up

http://art.famsf.org/joris-hoefnagel

http://docnum.u-strasbg.fr/cdm/fullbrowser/collection/coll13/id/72995/rv/compoundobject/cpd/73052

HOEFNAGEL (Jacob.), 1630, Diversæ insectarum volatilium : icones ad vivum accuratissmè depictæ per celeberrimum pictorem,  [Amsterdam] : Typis[que] mandatæ a Nicolao Ioannis Visscher

https://archive.org/details/diversaeinsectar00hoef

— HOEFNAGEL  dans la National Gallery of Art

https://www.nga.gov/global-site-search-page.html?searchterm=hoefnagel&searchpath=%252Fcontent%252Fngaweb%252Fcollection-search-result&pageNumber=1

http://www.nga.gov/content/ngaweb/global-site-search-page.html?
searchterm=hoefnagel&searchpath=%2Fcontent%2Fngaweb%2Fcollection-searchresult&pageNumber=1

— HOEFNAGEL  au Rijks Museum

https://www.rijksmuseum.nl/en/search?q=hoefnagel&v=&s=objecttype&ii=0&p=1

— HOEFNAGEL  sur RKD

https://rkd.nl/en/explore/images#filters[kunstenaar]=Hoefnagel%2C+Joris

https://rkd.nl/en/explore/images/record?filters[naam]=Hoefnagel%2C+Joris&query=&start=183

— HOEFNAGEL  à la Bibliothèque Nationale Autrichienne :

http://search.obvsg.at/primo_library/libweb/action/search.do?ct=facet&fctN=facet_creator&fctV=Hoefnagel%2c+J&rfnGrp=1&rfnGrpCounter=1&fn=search&indx=1&vl(1UI0)=contains&dscnt=0&tb=t&mode=Basic&vid=ONB&ct=search&search=1&srt=rank&tab=default_tab&dum=true&vl(freeText0)=hoefnagel&dstmp=1515514348627

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BIBLIOGRAPHIE.

 

HENDRIX (Lee),  VIGNAU-WILLBERG (Théa), Nature illuminated, Flora and Fauna from the court of the emperor Rudolf II. The J. Paul Getty Museum. 64 pages.

HENDRIX (Lee),  VIGNAU-WILLBERG (Théa), An Abecedarium. Illuminated alphabets from the court of the emperor Rudolf II. The J. Paul Getty Museum. 64 pages.

HENDRIX (Lee),  VIGNAU-WILLBERG (Théa), 1992,  Mira calligraphiae monumenta,  The J. Paul Getty Museum. 412 pages.

HENDRIX (Lee),  VIGNAU-WILLBERG (Théa),  Mira Calligraphiae Monumenta: A Sixteenth-Century Calligraphic Manuscript Inscribed by Georg Bocksay and Illuminated by Joris Hoefnagel, Volume 1, Getty Publications, 13 Aug, 1992.

LECLERCQ, J., THIRION, C., 1989 -" Les insectes du célèbre diptyque de Joris Hoefnagel (1591) conservé au musée des Beaux Arts de Lille" . Bull. Ann. Soc.R. belge Ent., 125, 302-308. 

— Masterworks from the Musee des Beaux- Arts, Lille 

 https://archive.org/stream/Masterworks

— OGILVIE (Brian W.) 2012 Attending to insects: Francis Willughby and John Ray

Notes and records of the Royal Society, DOI: 10.1098/rsnr.2012. http://rsnr.royalsocietypublishing.org/content/66/4/357

— OGILVIE (Brian W.) 2013 “The pleasure of describing: Art and science in August Johann Rösel von Rosenhof’s Monthly Insect Entertainment,” inVisible Animals, edited by Liv Emma Thorsen, Karen A. Rader, and Adam Dodd, accepted by Penn State University Press in the series “Animalibus: Of animals and cultures” http://www.philosophie.ens.fr/IMG/Ogilvie,%20Pleasure%20of%20describing%20%282013%29.pdf

— ANDROSSOV (Sergey ),  1994. Two Drawings by Hoefnagel, The Burlington Magazine, 136 (1095) : 369-372.

— VIGNAU-WILLBERG (Théa) 1994, Archetypae studiaque Patris Georgii Hoefnagelii 1592. Natur, Dichtung und Wissenschaft in der kunst um 1600. München, Staatl.

— VIGNAU-WILLBERG (Théa) Lee Hendrix, Thea Vignau-Wilberg, Mira Calligraphiae Monumenta: A Sixteenth-Century Calligraphic Manuscript Inscribed by Georg Bocksay and Illuminated by Joris Hoefnagel, Volume 1, Getty Publications, 13 Aug, 1992, p. 15-28

— VIGNAU-WILLBERG (Théa) Lee Hendrix and Thea Vignau-Wilberg, Nature Illuminated: Flora and Fauna from the Court of the Emperor Rudolf II, Getty Publications, 1997

WASHINGTON, NATIONAL GALLERY OF ART.

https://www.nga.gov/collection/artist-info.2569.html?artobj_artistId=2569&pageNumber=1

DELIRY (Cyril)

http://www.deliry.net/odonata/index.php/Hoefnagel_J._1575

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Odonates Hoefnagel histoire entomologie - Hoefnagel
25 novembre 2020 3 25 /11 /novembre /2020 15:13

Le Hibou harcelé par les oiseaux des Compertementen (cartouches) de Jacques Floris en 1564.

 

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Voir les autres parties : 

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Cet article est la suite de celui consacré au vitrail Ec3 du Musée de la Renaissance, auquel je renvoie.

Résumé : le motif du Hibou harcelé par les oiseaux figure sur ce vitrail en grisaille et jaune d'argent parmi un décor grotesque au dessus d'une allégorie de l'Air. La recherche d'un modèle parmi les gravures de grotesques du milieu du XVIe siècle amène à la découverte de trois motifs semblables dans l'œuvre gravée de Jacques Floris, parmi ses Veelderhande cierlijcke Compertementen profitelijck, ou "Différents cartouches ornés à usage des peintres, orfèvres, sculpteurs et autres artistes" gravés par Harman Müller et publiés en 1564 à Anvers par Hans Liefrinck. Ce sont ces planches que j'étudie ici.

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I. LA PAGE DE TITRE ET SON HIBOU AU MIROIR.

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https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/51475-redirection

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51475/?offset=#page=5&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

http://ceres.mcu.es/pages/ResultSearch?Museo=MT&txtSimpleSearch=Cartela%20ornamental%20con%20aves&simpleSearch=0&hipertextSearch=1&search=simple&MuseumsSearch=MT%7C&MuseumsRolSearch=18&listaMuseos=[Museo%20del%20Traje.%20Centro%20de%20Investigaci%F3n%20del%20Patrimonio%20Etnol%F3gico]

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1. Le cartouche.

Cette page est centrée par un cartouche à cuirs enroulés (selon une mode lancée par l'École de Fontainebleau après 1530) dont le texte est le suivant :

Veelderhande cierlijcke Compertementen profitelijck voor schilders goutsmeden beeldtsnijders ende ander consteraren, geinuenteert duer IACQVES FLORIS . Tantwerpen bij Hans Liefrinck sijsne te coope op die Lombarde veste int gulden turckhooft anno 1564.

Le graveur est mentionné en bas de feuillet : Harman Muller fecit. Il s'agit de  Hermann Jansz von Müller, né à Amsterdam en 1540  et décédé en 1617.

Cette gravure au burin sur papier vergé mesure 134 mm de haut sur 207 mm de large.

Ce titre peut se traduire par "Différents cartouches ornés à usage des peintres, orfèvres, sculpteurs et autres artistes", inventés par Jacques Floris. À Anvers chez Hans Liefrink , à l'enseigne de la Tête de Turc en la Lombardenveste.

Hans Liefrink est un imprimeur de gravures et de cartes de géographie, installé de 1556 à 1573 à cette adresse (notée ailleurs sub insigne Capitis Turci) après avoir été successivement  Au Lieurier blanc, rue des Lombaers, puis In den Witten Hasewint, ou Witte Yshondt,  Lombaerdeveste. Cette Lombardenvest était la principale implantation des graveurs et imprimeurs. Il demeurait In Gulden Turckhooft avec son épouse Catherine Cordier. Il a aussi travaillé pour Cornelis Floris.

https://www.academia.edu/35607837/Printing_Images_in_Antwerp_The_Introduction_of_Printmaking_in_a_City_Fifteenth_Century_to_1585

 

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2. Le décor inférieur.

 

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Il est sans doute significatif pour l'interprétation du motif du hibou de constater que toute la partie inférieure de cette page de titre réunit des objets emblématiques des peintres et dessinateurs : la palette et les pinceaux, le té et la règle, l'appuie-main à tampon, des godets en forme de coquillages (moules),  des brosses, deux compas, et, autour d'une médaille, une aiguille et un burin fin. À cela s'ajoute deux écus portant les mêmes armes, à trois écussons (les armes des Floris ??). Citons pour être complet le vase et son bouquet.

Autrement dit, sur ce frontispice, nous avons une sorte d' autoportrait de l'artiste  . Le Hibou harcelé s'y réfère.

 

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3. Le décor supérieur.

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a) la lampe et le sablier.

La lampe à la flamme claire est le symbole du Jour.

Le sablier représente le Temps, bien entendu, mais il faut remarquer ses ailes, qui sont celles d'une Chauve-souris à gauche (un animal  nocturne), et d'un oiseau à droite. Il faut également voir que de sablier est suspendu à une balance. Pour notre interprétation, je renvoie à mon étude de l'Allégorie de la Vie brève de Joris Hoefnagel, qui associait deux tableaux, l'un centré sur un sablier aux ailes de Chauve-souris sur une tête de mort, et l'autre centré sur un sablier surmonté par un ange, aux ailes d'oiseaux.

 http://www.lavieb-aile.com/2015/01/les-insectes-des-deux-allegories-de-la-vie-breve-de-joris-hoefnagel-1591-au-musee-de-lille.html

Nous avons donc des symboles de l'Existence, alternant le Jour et la Nuit et la Vie et la Mort.

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b) le corbeau et le coq.

Vu le contexte, je propose d'y voir le coq réveille-matin pour le Jour, et le corbeau noir pour la Nuit.

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4. Le Hibou au miroir entre sept oiseaux.

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Ce motif est une forme atténuée du Hibou harcelé par les oiseaux où tous les oiseaux ont le bec dirigé vers le rapace, puisqu'ici seuls deux oiseaux, aux becs les plus longs, ont une attitude agressive.  Un couple d'oiseau, sur un perchoir, se bécote, un autre discute, et un passereau se penche avec curiosité vers le hibou.

Le motif principal est plutôt celui du Hibou au miroir. On retrouve cette association dans le héros allemand Till Eulenspiegel (littéralement hibou-miroir), comme sur cette gravure où Till l'Espiègle tient le hibou dans une main et le miroir dans l'autre. Ce best-seller attribué à Herman Böte  a été édité pour la première fois en haut-allemand en 1510-1512 à Strasbourg par Grüninger. Puis il a connu un succès international à travers des traductions en néerlandais (dès ca. 1525 à Anvers par Michiel Hillen van Hoochstraten), en français (à Paris en 1530), en anglais (Anvers en 1520) et en polonais. Donc Jacques Floris devait connaître cet ouvrage.

C'est le récit picaresque d'un garçon voyageant en vagabond à travers le Saint-Empire germanique et faisant des farces, souvent scatologiques, aux personnes qu'il rencontre et exposant ainsi les vices, l'hypocrisie, l'avidité et la folle absurdité de ses contemporains (y compris les nobles et le pape), se comportant  comme un voyou et menteur, avant de mourir de la peste en 1350. 

"Le nom allemand d’Eulenspiegel évoque la chouette et le miroir, objets fétiches du personnage. Par ces symboles il s'inscrit dans une tradition critique fréquente au Moyen Âge, à travers le personnage du fou ou du bouffon détenteurs de sagesse. La chouette est l'animal associé à Athena dans la mythologie grecque. Le thème du miroir renvoie à l'inversion, ainsi qu'à celui du portrait des contemporains. Ainsi, à travers ses aventures ou ses propos, le bouffon révèle une vérité sociale, mais renverse aussi, littérairement, l'ordre établi par la moquerie des puissants." (Wikipedia)

Cette chouette et ce miroir forme un rébus identitaire qui apparaît constamment dans les pages de titre.

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Page de titre de l'une des premières éditions (1515)

 

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En 1563 est publiée à Amsterdam  une édition en latin avec le titre Ulularum speculum. alias triumphus humanae stultitiae, vel Tylus Saxo, nunc primum latinitate donatus ab Johanne Nemio.  

http://digital.onb.ac.at/OnbViewer/viewer.faces?doc=ABO_%2BZ165084608

La page de titre est illustré par un hibou  se mirant dans un miroir. Une maxime est inscrite dans l'encadrement : MEMENTO VT SAPIENS FIAS CVM VLVLIS VLVLARE. Ce qui peut se traduire par "Souviens-toi que tu deviens sage en ululant (hurlant) avec les hiboux". (latin Ulula, ae, f. chat-huant, effraie, et ululo, avi, atum are, "hurler, vociférer").

 

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Ulularum speculum. alias triumphus humanae stultitiae, vel Tylus Saxo, nunc primum latinitate donatus ab Johanne Nemio. Amsterdam 1563.

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Le thème du hibou ululant devant son miroir est d'une riche polysémie, qui en explique le succès. Le hibou est une figure de la stupidité ( l'Etymologicum Teutonicae Linguae de Cornelius Kilianus Dufflaeus, publié par Plantin en 1598, donne page 677  pour le mot néerlandais " wl "  le sens ulula, noctua (hulotte, hibou) et, métaphoriquement celui de homo stolidus et improbus , "l'homme fou ou méchant". Le titre de l'ouvrage Ulularum speculum, peut se traduire par Le miroir du Hibou, mais aussi Le miroir du Fou, d'où le sous-titre  alias triumphus humanae stultitiae, "ou le triomphe de la bêtise humaine".

 

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Cette inversion spéculaire de la Folie renvoie les contemporains à la publication par Érasme en 1511 de L'Éloge de la Folie ou Stultitiae Laus  ; ou à celle de La Nef des fous (Stultifera navis) par le strasbourgeois Sébastien Brand en 1494, enrichie à Strasbourg dans une version éditée par Grüningen ; ou de l'Exorcisme des fous de Thomas Murner en 1512.  Derrière le renversement carnavalesque des valeurs et le miroir déformant du mundus inversus et perversus, se cache une sagesse paradoxale.

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Enfin, la chouette est plus anciennement l'emblème d'Athéna et de la Sagesse, et le miroir qu'elle tient peut être celui de l'introspection et du connais-toi toi-même.

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Pour en revenir au choix de Jacques Floris de couronner son cartouche de cette figure emblématique, il faut considérer que si le rôle de l'artiste est de créer une image du Monde, donc de le dupliquer, il peut revendiquer le miroir comme propre à son art ; et , par ailleurs, que les planches de grotesques introduites par cette page de titre vont introduire le spectateur dans ce monde du renversement des codes, des représentations et des hiérarchies qui a surgi tel un volcan lors de la découverte des décors de la Maison Dorée de Néron. 

L'hybridation systématique des formes, propre à l'art grotesque, crée une mise en cause de la systématisation rationnelle du monde séparant le réel en Humain, Animal, Végétal et Artefact. Ici, les visages humains deviennent des masques-feuilles, les visages féminins parent des corps de chevaux ou de chèvres, les hommes sont singés, les "cuirs" perdent leur aspect de dépouille de veau au profit de construction architecturale ; les proportions sont renversées, et un lion peut devenir plus petit qu'un papillon, etc, etc. Le Grotesque nous introduit donc bien dans un monde inversé et perverti, le monde d'Alice au pays des merveilles, celui de la distorsion des représentations et de la confusion des limites. Eulenspiegel n'est donc pas loin.

Et il est d'autant moins loin que ces dessins sont espiègles (on sait que cet adjectif provient du nom de Till Eulenspiegel), pleins de fantaisie légère, d'ironie et de dérision.

Le Hibou, ramassé sur lui-même, contemple son image dans le miroir, et cette image aux deux yeux désemparés est attendrissante et pitoyable. Les oiseaux qui l'entourent semblent moins soucieux de le harceler que de le plaindre.

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II. LA PLANCHE "DIVINITÉ MARINE AU SEIN D'UN CARTOUCHE À CUIRS DÉCOUPÉS".

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51475/?offset=#page=11&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Le cartouche circulaire renferme une divinité marine mâle assise sur un serpent de mer à gueule de dragon. Nu dans un paysage lacustre, il dresse d'un bras malhabile un voile vaguement gonflé par le vent, et son regard exprime la détresse d'un personnage mal habitué à jouer le rôle d'une Néréide. Bref, il joue faux son personnage de la mythologie , et ce désaccord est bien grotesque si ce n'est facétieux.

Le même cartouche est équipé de bras latéraux dont les épais cuirs découpés reçoivent deux pots de fleurs.

Perché sur cet appareil, un corbeau tient dans son bec un cordon où est suspendu un bivalve ; un serpent s'en échappe.

Dans la même posture, à droite, c'est un perroquet huppé qui tient suspendu une seiche qui nous fixe de ses yeux glauques.

D'autres cordons supportent les instruments du dessinateur.

Dans la partie haute, deux cygnes adoptent une posture agressive, (c'est le fameux cou "en col de cygne") .

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Le Hibou entre quatre oiseaux.

 

Il s'est installé, pour endurer son sort , sur le portique supérieur du cartouche, et il suffit de le regarder pour rire de sa pauvre mimique. Des quatre oiseaux qui l'entourent, seuls trois dirigent leur bec vers lui. L'impression de harcèlement est tempérée par le comportement désinvolte du quatrième. 

Et ces animaux semblent, tout comme la Divinité marine, ne pas bien connaître le rôle qui leur est assigné, ou n'y adhérer qu'à moitié, comme des acteurs dont le jeu comique est de laisser transparaître la duplicité de la scène et d'y figurer en abyme en laissant deviner les coulisses.

L'artiste ne s'y présente moins soucieux de s'y présenter en victime incomprise des vulgaires, que de sourire avec nous de ces mises en scènes.

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III. JACQUES FLORIS PAR COPIER-COLLER.

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Autrefois dans l'église des Récollets, à Anvers, se trouvait le tombeau de la famille Floris, où on lisait, sous l'écusson de la jurande anversoise, une longue épitaphe que je traduis du flamand :

"Ici sont enterrés Cornelis de Vrint, autrement dit Floris, marchand de pierres, mort en 1538, le 17 septembre; Et sa femme Marguerite Goos, morte en 1577, le 11 octobre;
Et son fils François Floris, peintre, mort en 1570, le 1er octobre;

Et son autre fils Cornelis Floris, sculpteur et architecte, mort en 1575, le 20 octobre; Avec sa femme Elisabeth Michiels, morte en 1570, le 23 avril;
Et Jacob Floris, peintre verrier, mort en 1581, le 8 juin; Avec Mechtel Jacobsen, sa femme, morte en 1580;

Et Suzanne, fille de Cornelis Floris, et Cornelis Floris, fils de Cornelis, peintre et sculpteur, mort en 1615, le 12 mai, et Jean Floris, fils de Cornelis le troisième, mort le 2 mai 1650.

Priez Dieu pour leurs âmes."

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1. Un peintre-verrier.

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Je débute donc par la fin la vie de Jacque Floris pour souligner qu'il était alors qualifié de peintre-verrier (glassschriver). Nous apprenons la date de sa mort le 8 juin 1581, le nom de son épouse Mechtel Jacobsen. Il est le fils de Cornelis I Floris et le frère de Cornelis II, architecte et sculpteur, et de Franz Floris, peintre.

Tous les vitraux qu'il a réalisés sont perdus.

Selon J. Helbig en 1944, 

 

"Jaekes De Vriendt dit Floris, né en 1524, franc-maître (ghelaesscriiver) en 1551, devint vers 1567 le verrier officiel de la ville d'Anvers, dont il répara les verrières, d'une part à l'église Saint-Jacques en 1569 sous le gouvernement du duc d' Albe et, d'autre part, à I'Hôtel de viIle en 1576 après la Furie espagnole. Il travaillait en 1579 à  l'abbaye Saint-Michel, alors qu'y résidait Guillaume le Taciturne. Ce prince lui fit orner ses résidences anversoises, à l'époque où Alexandre Farnèse s'efforçait de reprendre le pouvoir dans les Pays-Bas méridionaux. Des maisons de gildes militaires, la Bourse, la Citadelle, l'Engelsche Panhl eurent aussi des fenêtres historiées de sa main. En 1773, il arrivait malheur au vitrail de la Nativité, dont il avait orné la chapelle des Aumôniers à la cathédrale.  Cet artiste est au nombre des dix peintres-verriers cités par Guichardin parmi les meilleurs du XVIe siècle. Plus d'une fois on a tenté, mais sans succès, d'attribuer à Jacques Floris des verrières conservées dans notre pays."

 

Selon C. van Cauwenberghs en 1891 :

"Le peintre sur verre JACQUES DE VRIENDT, surnommé Floris, que l'ordre chronologique nous amène ensuite, mérite une sérieuse attention. Il appartient à la célèbre famille des artistes anversois de ce nom et était le plus jeune fils de l'architecte et tailleur de pierre Corneille De Vriendt le vieux, et de Marguerite Goos.

La nature qui avait admirablement doué ses trois frères le sculpteur et architecte Corneille le Jeune, le peintre François Ier et le céramiste-émailleur Jean, s'était plue à le favoriser également de ses dons. Cari Van Mander, parlant de Jacques Floris dans sa vie des peintres, range cet artiste parmi les excellents peintres sur verre de son temps. Malheureusement son œuvre étant perdue, l'éloge de Van Mander ne trouve plus autrement sa sanction que par les données insuffisantes de quelques archives et les gravures faites d'après ses ordonnances. L'examen critique auquel nous nous sommes livré, redresse plus d'une erreur d'une notice sur ce maître dans la biographie nationale et, par contre, restitue à celui-ci quelques ouvrages, secondaires si l'on veut, mais qui ont le mérite de le faire paraître sous son véritable jour.

Ses parents, mariés en 1516, habitaient depuis le 6 novembre de l'année suivante au rempart des Tailleurs de pierre, la maison « de Steenrotse » (le Rocher), aujourd'hui le N°11, qui leur appartenait. Très probablement est-ce là que Jacques Floris vit le jour, vers ou en 1524. La date de sa naissance, restée longtemps une énigme, est ici de la dernière importance, en ce qu'elle procure un argument irréfutable pour faire justice de certaines assertions controuvées. Elle est déterminée par un acte de notoriété du 1er juillet 1577, délivré devant échevins en faveur d'un ouvrier verrier nommé Arnold Snellaert, dans lequel Jacques Floris, le premier comparant, déclare lui-même être âgé en ce moment de 53 ans. Ce document décisif se trouve corroboré par un acte de vente du 29 décembre 1541, dans lequel les trois fils mineurs de Marguerite Goos, veuve de Corneille De Vriendt, sont représentés par leur frère aîné Corneille et leur oncle, le sculpteur Claude De Vriendt « in den name en als momboiren van Frans, Janne en Jacobe De Vriendt, des voirs.Cornelis bruederen, die zy hier inné vervangen by consente van de weesmeesters deser stadt ».

On ignore près de quel maître Jacques Floris reçut l'enseignement artistique ; le Liggere ne contient que sa réception comme franc-maître, arrivée en 1551, sous le décanat de Gommaire Van Eerenbroeck et de Chrétien Van den Queeckborne. Notre artiste, qui était en ce moment âgé de 27 ans, est recensé sur le registre avec l'attribution de peintre sur verre : « Jackes Floris, ghelaesscryver », de même qu'un peintre-verrier nommé François Jacops, reçu dans le courant de cette année.

Nous avons dit que les ouvrages de peinture de Jacques Floris sont tombés sous la faux du temps.

Si l'on pouvait admettre une tradition accréditée, notre artiste aurait débuté par un véritable chef-d'œuvre. Nous voulons parler du splendide vitrail du Jugement dernier qui occupe la large baie du frontispice occidental de l'église Ste.-Gudule à Bruxelles, et que des auteurs les plus autorisés ont été unanimes à lui attribuer jusqu'à ce jour. Or, un simple rapprochement de dates, fera voir que cette assertion est sans aucun fondement. Ce vitrail, un des plus importants de la Belgique, autant par son étendue que pour la combinaison savante des groupes et la beauté du coloris, fut établi en 1528, aux frais d'Erard de La Marck, prince-évêque de Liège, décédé en 1538. Le millésime de la donation se lit, en effet, entre le portrait et les armoiries et quartiers dudit prélat.

Faut-il insister beaucoup pour démontrer que notre artiste, âgé de quatre ans au moment du placement de la verrière, et de quatorze ans, à peine, au décès du donateur, soit resté parfaitement étranger à cette peinture magnifique ? A moins que l'on n'objecte que Floris, à une époque ultérieure, aurait entièrement refait le vitrail, en lui conservant la date de l'exécution primitive. Encore même cette hypothèse invraisemblable ne tient-elle en présence du style de la composition, qui trahit, à n'en pas douter, un maître ayant été témoin du déclin de l'école gothique, aux lois de laquelle son œuvre n'a pu entièrement se soustraire.

Si nous avons établi à l'évidence que ce monument ne peut raisonnablement être attribué à Jacques Floris, à plus forte raison lui contestons-nous la paternité d'un vitrail de 1471, représentant l'Adoration des bergers, qu'on voyait autrefois à l'église Notre-Dame à Anvers, près des fonts baptismaux ; et n'acceptons que sous toute réserve l'exécution qu'on lui prête d'un autre Jugement dernier, figuré dans une verrière de l'abbaye de Solesmes. Enfin, il ne faut pas être critique d'art, pour juger que la série de vitraux anciens de la cathédrale de Tournai, est évidemment bien antérieure au temps de ce maître.

De ces constatations, faites dans l'intérêt de la vérité historique, doit-on déduire que Jacques Floris, célébré par un écrivain contemporain et réputé artiste de premier ordre, ait été incapable de produire des œuvres de haute valeur ? Bien loin de là. Nous voyons, au contraire, dans ces attributions, quelque erronées qu'elles soient, un indice sérieux d'un talent supérieur, dont la tradition s'est chargée de transmettre la mémoire aux générations, et que nous regrettons vivement de ne pouvoir mettre en pleine lumière. Car, au fait, Jacques Floris, bon dessinateur et homme de génie, a certainement influencé sur le style et le goût de son époque, que porta à un si haut degré de perfection son frère aîné Corneille, le célèbre sculpteur. Ensuite, de tous les artistes de son espèce, il est, peut-être, le premier qui songea à divulguer par la gravure ses études et motifs de composition.

Un premier recueil grand in-octavo de treize compositions décoratives, gravées par Jean Liefrinck, intitulé : « Velderhande cierlijke compertimenten, parut en 1564. Il fut suivi, trois années plus tard, d'une collection de 35 feuilles du même format, portant ce titre assez bizarre : « Compertimenta pictoriis flosculis et manubiis bellicis variegata, auctore Jacobo Floris. — Hier. Coock, 1567, Pet. Merecinus, sc. » .

Vers l'époque de l'édition de ce dernier album, Jacques De Vriendt devint le verrier et le vitrier officiel de la ville [Stadtgelaesmaecker) en remplacement de Jean Ysewyns. Probablement est-ce en cette qualité qu'il restaura, en 1569, la verrière dite de la Ville, l'église St.-Jacques à Anvers, dont l'entretien aura incombé à la commune. Les comptes de cette collégiale relatent que les marguilliers, voulant témoigner leur satisfaction de l'habileté avec laquelle il s'était acquitté de sa tâche délicate, lui offrirent un petit banquet le 31 octobre, de même qu'au facteur d'orgues Ange Van der Veken, qui avait rendu des services à la fabrique.

Puis, après le violent incendie du nouvel hôtel de ville en 1576, allumé par la fureur des troupes espagnoles, le magistrat chargea Jacques Floris du replombage et de la remise à neuf de tout le vitrage du bâtiment. Le compte s'élevait à 241 livres, 10 escalins, 6 deniers artois, dont 105 livres lui avaient été payées à valoir, lorsqu'il fut soldé en 1577 en vertu d'une ordonnance collégiale du 10 décembre de l'année précédente. Deux années plus tard, il restaura les vitrages et les verrières de l'abbaye St. -Michel, où séjournait alors Guillaume, prince d'Orange et de Nassau, et ceux des deux autres résidences du Taciturne, place de Meir et à la citadelle. Il fit également, cette année des réparations pour une somme importante, aux verrières de l'Engelschen pant, rue du Prince.

L'élan nouveau donné à la décoration monumentale des constructions privées, par la réédification, en style classique, de l'hôtel de ville, trouva aussitôt écho près des gildes et serments. Ceux-ci ayant la plupart leur siège d'association dans le voisinage de la Grand'Place, se piquèrent de contribuer à l'aspect pittoresque de cette dernière, en rivalisant souvent de luxe et de richesse dans la reconstruction des façades de leurs locaux. La ville encouragea ce mouvement en intervenant dans les frais de décoration de plusieurs d'entre eux. C'est de cette époque surtout que datent ces vitraux d'appartements, que mentionnent si souvent les comptes de la ville.

L'exécution de ces ouvrages appartint naturellement de droit au peintre-verrier officiel. Nous voyons ainsi que Jacques Floris, d'après une résolution collégiale du 30 mars 1580, toucha vingt-quatre livres artois, prix de deux verrières qu'il avait faites et placées dans les fenêtres de la salle des réunions du nouveau local du Vieux Serment de l'Arc ; et, d'après une ordonnance du 6 octobre de la même année, trente livres artois, pour deux autres vitraux peints, aux armes de la ville, destinés au nouveau local des Arquebusiers. Nous pourrions multiplier ici ces citations, si nous ne craignions de fatiguer le lecteur.

Le registre des admissions de St.-Luc ne nomme qu'un seul élève de maître Floris : c'est Daniel Durtant, reçu à son atelier en 1555, qui semble être resté en-dessous des limites de son art. Jacques De Vriendt dit Floris habitait une maison des Gasthuisbemden (depuis la rue Léopold). Il avait épousé Mathilde Jacobsen, qu'il perdit en 1580; lui-même ne la survécut que jusqu'au 8 juin de l'année suivante et, comme elle, fut inhumé au couvent des Récollets, dans la sépulture de la famille De Vriendt. Six années seulement après la mort de l'artiste, la ville liquida à ses héritiers deux mémoires, l'un concernant des ouvrages faits pour la ville depuis le 1er juin jusqu'à fin mai 1581, d'une importance de 139 livres, 9 escalins, 9 deniers de gros artois ; l'autre ne s'élevant qu'à 20 livres, 4 escalins, 9 deniers, pour le placement des verrières au nouveau local de la Bourse .

Jacques Floris a, paraît-il, eu un homonyme, qui florissait à Anvers pendant la première moitié du XVIIe siècle, et laissa quantité d'ouvrages en sa ville natale. Nous en parlerons au chapitre suivant. [...]

Les artistes qui précèdent auraient eu pour contemporain un peintre-verrier nommé JACQUES FLORIS II, qu'on suppose être le fils de l'éminent artiste dont nous avons assez longuement entretenu le lecteur. Le baron de Reiffenberg, dans son mémoire précité sur la peinture sur verre dans les Pays-Bas, attribue à ce peintre douze des vingt-sept vitraux entourant jadis le cloître du couvent des Grands Carmes à Anvers. Ils furent peints de 1592 à 1619 et retraçaient l'histoire du prophète Elie."

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2. Son œuvre gravée.

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Jacob Floris de Vriendt, ou Jacques Floris (1524-1581)  s'attache particulièrement à vulgariser les types de la décoration arabesque basée sur le système des Compertimenta, ou Cartouches. Ses gravures sont signées des initiales I.F ou IA.F. .

Selon Guilmard :

"—Une suite de douze pièces en largeur, intitulée : Weelderhande cierlyke compertimenten, etc., duer laqves Floris. Anvers, Hans Liefrinck ex. Anno 1564. Et vers le bas : Hermann Muller fecit. Riches Cartouches ornés de cuirs, de découpures contournées et d'ornements, sur fond haché horizontal. — BIBLIOTH. DE BRUXELLES. — BIBLIOTH. DE PARIS, dans le volume Cartouches, H d. 46, et dans les collections Foulc et Carré.

—Une suite en hauteur, intitulée : Compertimenta pictoris flosculis manvbiis que Bellicis veriegata, autore Jacobo Floro Antuer, Michel van Lochon ex. Ces pièces représentent des Cartouches, des Trophées et des Montants, sur fond haché diagonalement de gauche à droite. 
 Nous en trouvons huit à la BIBLIOTH. DE PARIS, dans le Livre
des Cartouches, H d. 46; six à la BIBLIOTH. DE L'ARSENAL, et quatorze dans la collection Foulc.
— Une suite On lit sur une des pièces:H. Cock excvde, I56J. Cartouches moyens en largeur et en hauteur, avec figures de la Fable au milieu. Vu onze pièces. — Collection Foulc.
— Une suite Petits Cartouches dont les milieux contiennent aussi des figures de la Fable. Vu huit pièces. Collection Foulc.
—Trois petites pièces, Cartouches en hauteur. Laet. de. Cock . Coken . 1566.
—Une pièce, deux Cartouches en longueur, contenant des Trophées d'armes. 7. F.
—Une pièce, Compartiment pouvant servir à l'ornementation d'un plafond.
— Une pièce, titre contenu dans un Cartouche, même format que les deux premières suites : Compertimentorvm quod vocant mvltiplex genvs lepidissimis historiolis poetarumqve fabellis ornavtm. 1566. Ce titre ne porte pas le nom de Floris.
— Une pièce, Cartouche, même format et même genre, avec attributs de la mort et sentence latine au milieu.
Ces sept dernières pièces font aussi partie de la collection Foulc; elles sont, ainsi que celles que nous citons après la deuxième suite, sur fond haché diagonalement de gauche à droite.

Les compositions de ce Maître sont de meilleur goût et plus légères d'ornementation que celles de Corneille Floris."

Parmi les trois séries principale de cartouches, j'ai présenté déjà celle  de 1564.

Celle de 1566 porte le titre de Compertimentorvm quod vocant mvltiplex genvs lepidissimis historiolis poetarumqve fabellis ornavtm. 1566. La bibliothèque de l'INHA en publie le frontispice et 9 planches.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/51475-panneaux-cartouches-trophees

Celle de 1567 porte le titre de Compertimenta pictoriis flosculis, etc., auctore JACOBO FLORO Hier. Cock 1567, P. Merecinus sc. Elle est mise en ligne par la Bibliothèque Nationale d'Espagne.

J'étudierai une planche dite Memento mori qui se retrouve sur les deux sites : ou y trouve deux hiboux....

 

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3. La planche dite du Memento mori des Compertimenten de Jacques Floris, et ses deux hiboux.

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https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51475/?offset=#page=32&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?lang=en&id=0000008777

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Le cartouche est centré par l'inscription suivante : Accensam lucernam nemo moleste[,]  fert extinctam dolent omnes [:] Ita nasci iucundum mori inamabile P/ AVE

 

C'est une citation tirée de Parabolae sive simila d'Erasme , publiée  1515, 1525, 1528, 1540 et 1551. Elle est elle-même une adaptation des oeuvres morales de  Plutarque. Comment la traduire ? Personne ne porte tristement une lanterne allumée, et tous s'affligent de la porter éteinte. Ainsi, nais dans la joie et meurt dans l'affliction".

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Cette opposition entre la Vie et la Mort est illustrée en bas par les pelles et pioches du fossoyeur, les ossements et les crânes, ainsi que par le vase ébréché d'où s'échappe un serpent. Et en haut par les lampes suspendues, les quatre papillons et les deux flambeaux où des éphémères viennent se brûler.

L'ensemble du cartouche a l'allure d'une stèle funéraire dont le titulaire serait désigné par le médaillon supérieur. On y trouve le blason aux trois écussons, déjà mentionné sur le frontispice du Veelderhande cierlijcke Compertementen , mais ces armoiries sont timbrées d'un cimier au sablier ailé : c'est une autocitation des sabliers ailés des autres planches, et c'est la revendication par l'artiste de cet emblème.

Le médaillon s'inscrit dans une croix portant un crâne en haut, deux papillons de chaque coté (symboles de la brièveté de la vie) et des deux hiboux en bas, à coté de deux masques emplumés.

Les hiboux ont les yeux caves, pour signifier qu'ils sont aveugles (en plein jour).

Placés dans cet ensemble, ils renvoient à la Nuit et à l'Obscurité, et, par opposition à la Lumière, à la Mort.

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Cet ensemble emblématique évoque fortement la miniature de Joris Hoefnagel pour la Messe des Morts du  Missale Romanum datant de 1581-1590

 

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Missale Romanum, folio 637 Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, image in Vignau-Wilberg (1969).

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Biblioteca Nacionala de Espana

Biblioteca Nacionala de Espana

Biblioteca Nacionala de Espana

Biblioteca Nacionala de Espana

INHA

INHA

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4. Sa famille.

"Les premiers membres connus de la famille, alors appelés de Vriendt, étaient maçons actifs à Bruxelles au 15ème siècle. L'un d'eux, Jan Florisz de Vriendt, a quitté sa ville natale et s'est installé à Anvers c. 1450. Son nom patronymique «Floris» est devenu le nom de famille habituel des générations suivantes, bien que la forme originale «de Vriendt» puisse encore être trouvée dans les documents officiels jusqu'à la fin du XVIe siècle. Le petit-fils de Jan Floris, Cornelis Floris I (décédé en 1538), avait un atelier de maçon au Steenhouwersvest, à Anvers, où il se spécialisait dans la taille des pierres tombales. Au début, il a été aidé par les deux aînés de ses quatre fils, mais plus tard ils ont tous choisi une profession artistique plus distinguée: Cornelis Floris II est devenu sculpteur et architecte, Frans Floris Ier peintreJan Floris potier et Jacques Floris peintre de vitraux. Les quatre fils ont rejoint la Guilde de St Luc à Anvers. Avant cela, en 1533, leur oncle Claudius Floris (décédé après 1548), le plus jeune frère de leur père et probablement aussi le premier professeur de Cornelis II, était également devenu membre de la Guilde. Aucune œuvre de Claudius Floris ne survit, mais son nom apparaît souvent dans les archives d'Anvers, par exemple parmi les artistes qui restaurèrent et redécorèrent la cathédrale d'Anvers après l'incendie de 1533. En 1538, il utilisait apparemment déjà des motifs d'ornement de la Renaissance. Qu'il puisse même les avoir appris de première main lors d'une visite en Italie est suggéré par la forme à l'italienne de son nom, «Clauderio», qui est parfois donnée dans des documents. leur oncle Claudius Floris (décédé après 1548), le plus jeune frère de leur père et probablement aussi le premier professeur de Cornelis II, était également devenu membre de la Guilde. Aucune œuvre de Claudius Floris ne survit, mais son nom apparaît souvent dans les archives d'Anvers, par exemple parmi les artistes qui restaurèrent et redécorèrent la cathédrale d'Anvers après l'incendie de 1533. En 1538, il utilisait apparemment déjà des motifs d'ornement de la Renaissance. Qu'il puisse même les avoir appris de première main lors d'une visite en Italie est suggéré par la forme à l'italienne de son nom, «Clauderio», qui est parfois donnée dans des documents. leur oncle Claudius Floris (décédé après 1548), le plus jeune frère de leur père et probablement aussi le premier professeur de Cornelis II, était également devenu membre de la Guilde. Aucune œuvre de Claudius Floris ne survit, mais son nom apparaît souvent dans les archives d'Anvers, par exemple parmi les artistes qui restaurèrent et redécorèrent la cathédrale d'Anvers après l'incendie de 1533. En 1538, il utilisait apparemment déjà des motifs d'ornement de la Renaissance. Qu'il puisse même les avoir appris de première main lors d'une visite en Italie est suggéré par la forme à l'italienne de son nom, «Clauderio», qui est parfois donnée dans des documents. par exemple parmi les artistes qui ont restauré et redécoré la cathédrale d'Anvers après l'incendie de 1533. En 1538, il utilisait apparemment déjà des motifs d'ornement de la Renaissance. Qu'il puisse même les avoir appris de première main lors d'une visite en Italie est suggéré par la forme à l'italienne de son nom, «Clauderio», qui est parfois donnée dans des documents. par exemple parmi les artistes qui ont restauré et redécoré la cathédrale d'Anvers après l'incendie de 1533. En 1538, il utilisait apparemment déjà des motifs d'ornement de la Renaissance. Qu'il puisse même les avoir appris de première main lors d'une visite en Italie est suggéré par la forme à l'italienne de son nom, «Clauderio», qui est parfois donnée dans des documents."

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Cornelis Floris a publié en 1548-1550 à Anvers des planches de coupes, nefs et amphores

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/51312-coupes-buires-nefs-amphores?offset=7

Cornelis Floris a fait graver en 1554 et 1557 une série de planches de Cartouches réunis en recueil factice de 17 planches dans la collection Doucet  : Veelderleij niewe inuentien van antijcksche sepultueren diemen nou zeere ghebruijkende is met noch zeer fraeije grotissen en Compertimenten zeer beqwame voer beeltsniders antijcksniders schilders en alle Constenaers 1557 / libro secundo Cornelis floris inventor. 1554

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/36058-cartouches-grotesques

Voir aussi :

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51487/?offset=11#page=5&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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CONCLUSION.

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Les trois planches aux hiboux de Jacques Floris s'éclairent mutuellement, ainsi qu'elles éclairent la lecture du vitrail Ec23 du Musée de la Renaissance d'Ecouen, et forment une source possible de l'emploi des emblèmes de Joris Hoefnagel, né à Anvers.

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SOURCES ET LIENS.

— BIBLIOTHEQUE NUMERIQUE INHA

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51475/?offset=#page=11&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

 

— CAUWENBERGHS Clément van), 1891, Notice historique sur les peintres-verriers d'Anvers du XVe au XVIIIe siècle, Anvers : H.& L. Kennes.

https://archive.org/details/noticehistorique00cauw/page/34/mode/2up?q=floris

— Biblioteca Digital Hispanica Biblioteca Nacional de Espana (BNE), Jacques Floris [Compertimenta pictoriis flosculis manubiisque bellicis variegata]

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000008777

— GUILMARD 1880 Les maitres ornemanistes, v. 1 p. 478, n. sept.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6122798r/f511.item.texteImage

— HELBIG (J.), 1944, Belgisch tijdschrift, Jacques Floris va-t-il enfin se révéler ?

 

https://www.acad.be/sites/default/files/downloads/revue_tijdschrift_1944_vol_14_3-4.pdf

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f3/Print%2C_Plate_from_Compertimenta_Pictoriis_Flosculis_Manubiis_que_Bellicis_Variegata%2C_1567_%28CH_18572383%29.jpg

— HOLSTEIN, 1952, Dutch and flemish, vol. VI

—SCHOY, (Auguste), 1838-1885, Histoire de l'influence italienne sur l'architecture dans les Pays-Bas page 169

https://archive.org/details/histoiredelinflu00scho/page/168/mode/2up?q=floris

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel Vitraux Grotesques
21 novembre 2020 6 21 /11 /novembre /2020 09:37

Un nouvel exemple du Hibou harcelé par les oiseaux : un vitrail (v. 1550-1560) du Musée de la Renaissance du château d'Écouen.

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Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement
. Baudelaire, Les hiboux.

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Voir les autres parties : 

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Voir aussi sur les collections du musée national de la Renaissance d'Écouen:

 

Sur les vitraux provenant du château d'Écouen :

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Sur les grotesques et la Renaissance :

. Voir sur  l'art des grotesques de la Renaissance en Bretagne par ordre chronologique :

 etc.

 

 

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RÉSUMÉ.

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1. Je découvre sur le vitrail Ec3  du Musée de la Renaissance d'Écouen un nouvel exemple du Hibou harcelé par les oiseaux. Ce vitrail en grisaille, sanguine et jaune d'argent associe deux unités jadis distinctes, en haut L'Air ou le Vent et en bas Jupiter. Il relève des grotesques de la Renaissance, diffusées d'abord en Italie, puis en France, par Georges Ier d'Amboise à Gaillon puis par l'Ecole de Fontainebleau après 1530.

2. Je consulte la notice du Musée où je lis  "On est frappé par l'emprunt plus que probable, pour la composition d'ensemble et les motifs, aux gravures d'Androuet du Cerceau (plusieurs fois réimprimées entre 1550 et 1566) et, pour la figure de Jupiter, à une estampe de René Boyvin. Les motifs employés, animaux fantastiques, grotesques, palmes, cuirs, sont tout droit issus de l'École de Fontainebleau." Il en va de même du vitrail  Ec4 consacré à la Terre et à Mars. La provenance de ces vitraux est inconnue, "mais le château d'Écouen est une hypothèse probable". C'est de ce château que provient la série de l'Histoire de Psyché, aujourd'hui remontée au château de Chantilly et datant de 1542-1544.

3. La même notice  date ces vitraux Ec3 et Ec4 de 1550-1560, période de parution des recueils de gravure de ces deux artistes. 

4. Après avoir échouer à trouver des hiboux chez Androuet du Cerceau et René Boyvin, je les trouve sur des illustrations  de  Jacques Floris gravées par Harman Müller en 1564 . Ce frère de deux artistes mieux connus, (Cornelis et Frans), inscrit comme eux à la Guilde Saint-Luc d'Anvers, était un peintre mais aussi un peintre-verrier (dont les vitraux sont perdus). Les verriers flamands étaient réputés, tant ceux de Bruxelles que d'Anvers, et en Angleterre William Sandys commanda vers 1522-1524 à Bernard Van Orley et Pieter Coecke les vitraux de la chapelle du Saint-Esprit de Basingstock (remontés dans la chapelle The Vyne, Hampshire). Avant 1538, Anne de Montmorency avait fait appel, pour le pavement de son château de Fére-en-Tardenois, au faëncier anversois Guido Andries. Arnoult de Nimègue, actif à Rouen, Conches, Saint-Lô, Louviers  et Les Andelys (J.Lafond), est inscrit à la Guilde Saint-Luc d'Anvers à partir de 1513 et y vit jusqu'à sa mort vers 1540.

5. Doit-on placer ces illustrations de Jacques Floris parmi les sources possibles de cette verrière ? Peut-on même lui attribuer ces vitraux ? Ou, du moins, considérer que ce motif aux hiboux témoigne d'une influence nordique ?

6. De toute façon, le thème iconographique du Hibou harcelé se trouve enrichi d'une verrière et de plusieurs gravures du milieu du XVe siècle.

7. Après avoir rédigé cela, je découvre le Hibou harcelé sur un projet par Giovanni da Udine du pilastre VII des Loges de Raphaël (1517-1519), et sur le dessin du pilastre relevé en 1772 par Giovanni Volpato. Un oiseleur est au pied d'un arbre, tandis que le hibou sert d'appât. Les connaissances naturalistes de Giovanni da Udine ont été soulignées par Natsumi Nonaka 2012. Voir en annexe.

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PRÉSENTATION.

 

La verrière qui a suscité mon intérêt est l'un des deux vitraux à personnages mythologiques cote Ec3 L'Air et Jupiter et cote Ec4 La Terre et Mars. tous les deux mesurent 1,10 m de haut et procèdent  de la réunion, lors d'un remontage, de deux panneaux haut et bas.

Parmi les deux panneaux du vitrail Ec3, c'est celui dit "L'Air", soit le panneau supérieur, qui présente, en doublon, le motif du "Hibou harcelé par les oiseaux" dont je dresse peu à peu l'iconographie sur ce blog.

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Le thème iconographique.

Commençons par préciser que le Hibou se distingue de la Chouette par ses "oreilles", des aigrettes de plumes. Mais que cette distinction n'a pas grand intérêt pour notre sujet car la tradition populaire du harcèlement, ou Concert d'oiseaux, n'en tient pas compte et concerne autant le "huant" que la chouette.

Je résumerai ce motif en disant qu'il il décrit le comportement agressif fictif d'oiseaux diurnes harcelant en bandes et bruyamment un hibou isolé, et considéré comme aveugle, du moins en plein jour. Les oiseaux s'en prennent notamment à ses yeux aux pupilles d'or.

Il devient alors la figure de l'incompris solitaire et clairvoyant accablé par la foule vulgaire, avec le double versant de sa souffrance, et de son stoïcisme.

Mais la scène renvoie aussi à une technique de chasse où le rapace, attaché à un piquet sous un buisson, attire les oiseaux par son cri. Le chasseur a disposé ses pièges (filets ou glue) alentour. Cette chasse "à la pipée" devient la métaphore de la tromperie. Ainsi, dans Le Roi Modus, le Huant est la figure des grands seigneurs qui manipulent le peuple en sous-main. Les peintres du XVIIe passent de la cynégétique à la morale et  remplacent le hibou par une coquette disposée par le Diable pour attirer les galants.

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Mais à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle dans l'Allemagne du Nord et les Pays-Bas, c'est la première figure que je trouve illustrée, celle de la victime. Ainsi, sur cette gravure de Martin Schongauer. Dans la confusion des rinceaux, nous distinguons mal quatre oiseaux perchés et piaillant en partie haute, mais nous finissons par les trouver. Mais une vue de détail va nous révéler qu'un oiseau plus petit est parvenu devant le hibou et agresse ses yeux de son bec.

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Rinceau d'ornements au hibou et aux oiseaux : estampe signée MS [M. Schongauer]  Schongauer, Martin (1450?-1491), graveur.

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Rinceau d'ornements au hibou et aux oiseaux : estampe signée MS [M. Schongauer]  Schongauer, Martin (1450?-1491), graveur. Droits Gallica.

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Ou bien, dans ces deux estampes du néerlandais dit Monogrammiste M.H, le hibou figure le pauvre soldat déguenillé ou le pèlerin : seul sur la route lorsqu'il traverse les riches villages :

https://www.rijksmuseum.nl/en/search/objects?p=1&ps=12&involvedMaker=Monogrammist+MH+(graveur)&st=Objects&ii=1#/RP-P-1933-609,1

 

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Monogrammiste M.H, graveur (1500-1549).

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Voici le texte de l'inscription :

Hibou suis maulgré la canaille

De ses oyseaux grans et menuz

Qui me vexent et donne la bataille

A leur porte tant et pluz

Ce non obstant ay prins mon armeure

Et me mets en ordre comme pellerin

Qui soubs ombre de vertu pure

Pourchasse aux oyseletz la malle fin.

 

Pas sans cause me haysent les oyseaulx

Car je les attrape par manière de vertu

Et combien que meschante quelque faulx

Si est ce que le simple est prins au glu

Entre les Inocens et qui ne me congloist

Mescogneu puis prouffiter aulcunement

Mais celluy qui ma nature voit

Toujiours pour hibou me tient.

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Voici maintenant la gravure de Dürer : Der Eülen seyndt alle Vögel neydig und gramm " Tous les oiseaux sont envieux et agressifs contre le Hibou".

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Un dessin d' Albert Dürer vers 1515 Eule, von Vögeln angegriffen , Kunstsammlungen der Veste Coburg

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Et enfin, la miniature de Joris Hoefnagel pour le Schriftmusterbuch (livre de modèles d'écritures) de G. Bocksay (vers  1571-1573; 1591-1594)Kunsthistorisches Museum, Vienna , inv./cat.nr 975,  folio 20. Le hibou (emblème de Minerve, la sagesse) tenant le caducée (emblème de Mercure, le messager) devient la représentation de l'artiste anversois exilé dont la Vertu supporte l'hostilité.

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Hibou au caducée harcelé par les oiseaux, Joris Hoefnagel enlumineur, Georg Bocskay calligraphe, Schriftmusterbuch .

 

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 LE VITRAIL, DESCRIPTION.

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Il résulte de l'association après coup d'un panneau mythologique dédié à Jupiter et d'un panneau thématique sur les éléments naturels, ici l'Air.

 

 

 

 

 

 

 

 

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

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Le panneau mythologique.

Il montre Jupiter assis sur son aigle (!), tenant la foudre, sous un pavillon et un cartouche à foudre entrecroisée, dans un décor de palmes (olivier?), de guirlandes, de couronnes et de miroirs, mais aussi de deux masques de profil.

Deux hybrides tiennent les palmes : ces accortes servantes de Diane (le croissant au front) sont féminines jusqu'au ventre, au dessus d'un appendice fin, sinueux et enfeuillagé.

Cette composition rappelle beaucoup le Jupiter entre ses deux hybrides (masculins)  attribué au graveur angevin René Boyvin (1530-1598) ou plus surement à son maître Pierre Milan (actif entre 1542 et 1556) mais tiré d'un dessin de Léonard Thiry, artiste flamand (il est né à Bavay, et devint franc-maître à Anvers en 1533 ) actif à Fontainebleau en 1536 d'abord pour la galerie François Ier avec Fiorentino Rosso puis avec le Primatice. Thiry a travaillé pour des graveurs ( le Livre de la conqueste de la Toison d'or gravé par Boyvin en 1563), a dessiné des vitraux , et il a contribué à la diffusion du style bellifontain en Flandres, où il décède, à Anvers vers 1550. Son œuvre qui se compose de sujets mythologiques ou de compositions ornementales, a été largement gravée, par Léon Davent, Pierre Milan ou René Boyvin ou Jacques Androuet du Cerceau.

Le Jupiter appartient aux 16  planches des Panneaux d'ornements animés des divinités du paganisme, gravés par Boyvin, datant de 1563.

https://archive.org/details/bnf-bpt6k6557892z/page/n79/mode/2up?q=ornements

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Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

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Le panneau supérieur : l'Air.

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Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

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Le personnage allégorique, l'Air (ou le Vent).

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C'est un jeune homme vêtu d'une tunique courte et bouffant à la taille, et d'une cape qu'il tient à sa gauche comme une voile que le vent soulève. Il porte des jambières. Tourné vers sa droite, il souffle un petit nuage.

Il est entouré de créatures aériennes : passereaux, échassiers, hiboux, masque anthropomorphe ailé, ou abeilles. Des pots à feu sortent des fumées sans doute parfumées. En haut, deux hybrides de face associent la tête d'un oiseau, le tronc et les jambes humaines et des ailes de papillon. En bas, deux autres hybrides, de profil, ont la tête et le tronc d'humains (dont la chevelure est emportée par le vent), des ailes de papillons, et le bas du corps remplacé par un artéfact aux découpes métalliques.

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Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

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Les hiboux harcelés par les oiseaux.

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Les deux vignettes sont quasiment identiques : sous un pavillon,  les hiboux sont posés sur un support et déploient leurs ailes. Cinq ou six oiseaux convergent vers eux, le bec ouvert. Deux échassiers sont posés sur le toit de la tente.

Cela suffit à identifier notre thème du Hibou harcelé. Il reste à l'utiliser comme indice ou hameçon à la recherche d'autres exemples parmi les planches de grotesques du XVIe siècle.

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Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

Vitrail Ec3 (v.1550-1565) du Musée de la Renaissance d'Écouen. Photographie lavieb-aile.

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Les auteurs de planches gravées de grotesques.

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La première suggestion, proposée par les auteurs de la Notice (et du cartel) de ce vitrail est Jacques Ier Androuet du Cerceau (v.1515-1585), qui fit un séjour en Italie entre 1530 et 1534. On lui doit 20 planches de Compartiments (vers 1542-1545), des Petites arabesques ou Grotesques (Orléans, 1550) et les 60 planches du second volume des Petites Grotesques ( Paris, 1562) ; (André Welscher 1566), ajoutant 10 planches aux 50 précédentes.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/51243-jacobus-androuetius-du-cerceau-lectoribus-s-nihil-aliud-semper-cogitanti-et-molienti-mihi

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/1798-redirection

J'ai eu beaucoup de plaisir à examiner ces planches les unes après les autres, car elles mettent en scène avec une folle imagination quantité  d'animaux, de petits personnages  et d'hybrides, et leur cousinage avec notre vitrail est évidente. Mais je n'y ai trouvé ni chouette ni hibou.

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J'ai ensuite feuilleté avec la même attention le recueil factice de 24 planches de grotesques d'Enéa Vico de 1541 (avec les Trophées de Polidoro Caldara de 1581). L'avant-dernière planche montrait un hibou ailes déployées, mais non harcelé.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/21770-redirection

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J'ai continué à explorer les collections Jacques Doucet de l'INHA

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/21770/?offset=#page=27&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Le recueil factice des grotesques de Cornelis Floris proposait des planches de deux volumes de  1554  et  1557, dont le titre en néerlandais indiquait les livres premier et second d'une collection de "compartiments", c'est à dire de cartouches.

J'ai dû redoubler d'attention, car les 17 planches multipliaient les oiseaux réels ou imaginaires mais aussi mille inventions cocasses qui tentaient de me distraire. Mais non, j'en suis sûr, sur les centaines et centaines d'êtres de toute sorte, il n'y avait aucun hibou. Et moins encore de chouette.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/36058/?offset=5#page=1&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Les 45 planches de grotesques (datées de 1546 ou 1550) de Cornelis Bos (+1556) et Cornelis Metsys (+1556 ?) restaient dans la même veine. J'avait toutes mes chances. Mais toujours ni hibou ni bouhi.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/19126/?offset=1#page=5&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Parmi les 121 feuillets de  Cartouches, vases, bijoux, grotesques réunissant 8 séries différentes de Cornelis Floris et Léonard Thiry, entre 1542 et 1600, je découvre deux petites chouettes parmi les Grottesco, autour d'Héraclès, puis quatre regardant une femme tenant une corne d'abondance, puis une seule au dessus d'un cavalier:

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51487/?offset=9#page=170&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51487/?offset=#page=174&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51487/?offset=#page=187&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

 

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Sur la planche 10 des dix planches (entre 1540 et 1562) de Domenico del Barbiere (Dominique Florentin), je trouve enfin un exemple de Hibou harcelé par cinq oiseaux.

Ce peintre, graveur et sculpteur d'origine italienne entra au service de François Ier et d'Henri II.

 

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51303/?offset=12#page=14&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Grotesque planche 10, Domenico del Barbiere (entre 1542 et 1560), bibliothèque INHA

 

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Dans les 121 planches (vers 1561-1571) de Jean Delaune, deux hiboux ailes écartées, mais nullement harcelés.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/49730/?offset=9#page=77&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Je n'ai rien trouvé non plus ici :

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/52762-sculptures-et-dessins

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Bien entendu, je ne pouvais consulter l'ensemble des planches de grotesques des collections mondiales ! Je ne possédais pas le Bratsch illustré !  J'ai consulté le site Omnia, et les planches de la Bibliotheca di Archeologia e Storia dell'arte di Roma, et, revenant plus tôt dans le XVIe sicle, j'ai regardé les peintures de la Domus Aurea, les fresques de Raphaël et de Giovanni da Udine au Vatican (1517-1519), feuilleté les travaux de Nicolleta da Modena, d'Agostino Veneziano ou du Maître au Dé Bernardo Daddi. J'ai visité la Galerie François Ier de Fontainebleau, et les boiseries (1530-1535) de Francesco Scibec de Carpi , auxquelles je consacrerai un article. Et j'ai admiré la façade du château de Gaillon.

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Finalement, c'est bien sur le site de l'INHA, mais en m'écartant de l'onglet "grotesques" que j'ai trouvé mon bonheur, sous le titre  Panneaux, cartouches, trophées : recueil factice de Jacques Floris, dans le volume intitulé Veelderhande cierlijcke Compertementen profitelijck voor schilders goutsmeden beeldtsnijders ende ander consteraren, geinuenteert duer IACQVES FLORIS . Tantwerpen bij Hans Liefrinck sijsne te coope op die Lombarde veste int gulden turckhooft anno 1564. Harman Muller fecit. Le hibou harcelé apparaît sur la page de titre, et sur une planche représentant une divinité marine mâle au sein d'un cartouche à cuirs découpés et au décor de grotesques.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51475/?offset=#page=5&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/51475/?offset=#page=11&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=

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Je montre ces images, et, pour préserver votre patience, je vous retrouve dans un prochain article dédiée à ces planches de Jacques Floris, et à leur auteur.

 

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CONCLUSION.

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La scène du Hibou harcelé apparaissant dans un décor de grotesques sur la partie supérieure du vitrail Ec3 du Musée de la Renaissance d'Écouen, et provenant sans doute du château d'Écouen, propriété d'Anne de Montmorency, possède une réelle valeur d'indice, puisque ce motif iconographique est très rare dans l'ensemble des gravures de grotesques susceptible d'avoir servies de modèles, qu'elles soient italiennes, françaises ou néerlandaises.

La découverte du même motif, à deux reprises, dans des cartouches de Jacques Floris datant de 1564, incite à proposer d'une part que cet artiste d'Anvers ait fourni le modèle de ce vitrail, mais aussi d'autre part qu'il ait pu en être l'auteur, puisqu'il est connu comme peintre-verrier.

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Page de titre de Veelderhande cierlijcke Compertementen (cartouches), illustrateur  Jacques FLORIS ; graveur Harman Müller ; imprimeur Hans Liefrinck,   1564.

Page de titre de Veelderhande cierlijcke Compertementen (cartouches), illustrateur Jacques FLORIS ; graveur Harman Müller ; imprimeur Hans Liefrinck, 1564.

Cartouche à la divinité marine,  illustrateur  Jacques FLORIS ; graveur Harman Müller ; imprimeur Hans Liefrinck,   1564.

Cartouche à la divinité marine, illustrateur Jacques FLORIS ; graveur Harman Müller ; imprimeur Hans Liefrinck, 1564.

Cartouche à la divinité marine,  illustrateur  Jacques FLORIS ; graveur Harman Müller ; imprimeur Hans Liefrinck,   1564.

Cartouche à la divinité marine, illustrateur Jacques FLORIS ; graveur Harman Müller ; imprimeur Hans Liefrinck, 1564.

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ANNEXE.

Voici le Hibou harcelé sur un projet par Giovanni da Udine du pilastre VII des Loges de Raphaël (1517-1519), et sur le dessin du pilastre relevé en 1772 par Giovanni Volpato. Un oiseleur se dissimule au pied d'un arbre, tandis que le hibou sert d'appât, et que les oiseaux attirés se posent sur les branches enduites de glue. Les connaissances naturalistes de Giovanni da Udine ont été soulignées par Natsumi Nonaka 2012. qui donnent de ce pilastre deux illustrations en sa figure 4:8.

.Droits  Cambi casa d'aste

Giovanni Volpato (1733-1803) , relevé d'un pilastre des Loggia de Raphael dû à Giovanni da Udine.

 

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SOURCES ET LIENS.

— Notice du Musée de la Renaissance.

"L'Air et Jupiter Ile-de-France vers 1550 H : 1,10m EC 3

Ces deux panneaux aujourd'hui assemblés par une ligne de plomb horizontale sont de provenance inconnue. Le panneau supérieur est une représentation allégorique de l'air, tandis que le niveau inférieur figure le dieu antique Jupiter. D'un point de vue technique, le réseau de plomb a été simplifié à l'extrême : les carrés de verre peints sont juxtaposés comme des carreaux de faïence. Cette sobriété souligne bien le nouveau caractère des vitraux. Ils ne sont plus les tapisseries plus ou moins transparentes qui jouaient avec la lumière. Ils l'invitent à entrer à flots, tout en gardant un caractère éminemment décoratif. Le verrier manie d'ailleurs la grisaille, la sanguine et le jaune d'argent avec une maîtrise extraordinaire. Du point de vue du style on est frappé par l'emprunt plus que probable, pour la composition d'ensemble et les motifs, aux gravures d'Androuet du Cerceau (plusieurs fois réimprimées entre 1550 et 1566) et, pour la figure de Jupiter, à une estampe de René Boyvin. Les motifs employés, animaux fantastiques, grotesques, palmes, cuirs, sont tout droit issus de l'École de Fontainebleau. Deux autres panneaux "cousus" selon le même principe, La Terre et Mars, font également partie des collections du Musée d'Écouen.

 

Une évocation de l'art du vitrail au sein d'une histoire du Château d'Écouen ne serait pas complète si l'on ne rappelait qu'une des richesses de la demeure du Connétable de Montmorency fut jadis la série des 44 vitraux en grisaille illustrant les Amours de Psyché et de Cupidon d'après la fable d'Apulée. La galerie qui les abritait, située au 1er étage de l'aile ouest du château, en a conservé le nom : elle est la galerie de Psyché. Cet ensemble exceptionnel par son ampleur et son homogénéité, fut réalisé par un artiste sans doute parisien, mais resté anonyme et qui s'inspira d'une suite gravée par le Maître au Dé, proche de Raphaël et actif entre 1532 et 1550. Encore une fois l'estampe jouait ici un rôle majeur : celles-ci servirent aussi de modèle à Léonard Limosin pour deux séries d'émaux, à des tapisseries, à des majoliques d'Urbino des années 1540. Pour servir de légende aux vitraux, Anne de Montmorency commandera la traduction française des vers latins d'Apulée. Déplacés du Château d'Écouen en 1793, les 44 vitraux furent installés provisoirement vers 1848 au château de Chantilly, puis définitivement dans les années 1880, dans une galerie construite pour eux."

https://musee-renaissance.fr/arts-du-feu-16#:~:text=Ces%20deux%20panneaux%20aujourd'hui,figure%20le%20dieu%20antique%20Jupiter.

— BARTSCH (Adam von) Le peintre graveur, par Adam von Bartsch, vol. 13, 14 et 15 Vienne 1802-1821

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96054629.texteImage

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96054503.texteImage

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96081448.texteImage

— LES COLLECTIONS DOUCET DE LA BIBLIOTHEQUE NUMERIQUE DE L'INHA.

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—  SCHWARZ (Heinrich)/ Volker Plagemann, article »Eule«, dans: Reallexikon zur Deutschen Kunstgeschichte, Vol. VI (1970), Sp. 267–322


http://www.rdklabor.de/ w /? oldid = 88725

— SOCIÉTÉ SUISSE DE RECHERCHE EN SYMBOLIQUE Schweizerische Gesellschaft   für Symbolforschung.

http://www.symbolforschung.ch/jagd.html

—SCHOY (Auguste), 1879, Histoire de l'influence italienne sur l'architecture dans les Pays-Bas page 169

https://archive.org/details/histoiredelinflu00scho/page/168/mode/2up?q=floris

 

— MAGNE (Lucien), Les vitraux de Montmorency et d'Ecouen, Firmin Didot 1888

https://archive.org/details/lesvitrauxdemont00magn

—ROBERT-DUMESNIL, Le Peintre-graveur, vol.8 ; René Boyvin.
https://archive.org/details/bnf-bpt6k6557892z/page/n79/mode/2up?q=ornements

—Bibliothèque INHA Panneaux d'ornements.

https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/22139-panneaux-d-ornements

— Autres sources.

https://www.acbx41.com/article-l-air-et-jupiter-vitrail-chateau-d-ecouen-87343861.html

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Hoefnagel Renaissance Grotesques
8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 10:49

Le motet Mirabar solito de Rore dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich (1559). Un travail à quatre mains des flamands Nicolo Stopio, Cipriano de Rore, Johannes Pollet, et du munichois Hans Mielich .

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— Source des images :

a) Par copie d'écran de la Bibliothèque Digitale de Munich MDZ : Mus. Ms. B I

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=41&seite=275

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=39&seite=277

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=24&seite=286

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=23&seite=287

b) Images en couleur : Bildergalerie de la BSB, Bibliothèque Nationale Bavaroise, en ligne.

https://opacplus.bsb-muenchen.de/metaopac/search?View=default&db=100&id=BV035450724

c) Livre de commentaire par Samuel Quichelberg Munich, 1564

Mus. Ms. B II, CIM 209, Declaratio picturarum imaginum acquorumqumque, ornamentorum, in libro Motetorum celeberrimi musici cypriani de Rore :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=5&seite=7

— Source de documentation :

La source princeps est la thèse de Jessie Ann Owens, résumée dans son article :https://www.academia.edu/8145200/Cipriano_de_Rores_New_Years_Gift_for_Albrecht_V_of_Bavaria_A_New_Interpretation

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Petit préambule.

Cet article fait suite à (ou participe à) l'étude de l'Allégorie aux Nymphes avec vue de Munich et de Landshut de Joris Hoefnagel , Allégorie qui possède de nombreux points de convergence avec l'œuvre étudiée ici : Hoefnagel est, comme miniaturiste à la cour du duc Albert V, le successeur de Hans Mielich ; il cite indirectement Nicolo Stopio en reprenant en emblème du Hibou au Caducée l'Hermathena créée par ce dernier ; il inscrit le nom de de Rore à coté de celui de Orlando Lasso sur des partitions qui renvoient aux manuscrits enluminés Mus.Ms. A et Mus. Ms. B de la bibliothèque ducale ; il peint une vue de Munich et une vue de Landshut au sommet et au pied de son enluminure, semblables à celles que nous allons découvrir ici ; il a enluminé deux livres de calligraphie de Georg Bocksay qui sont les équivalents des manuscrits copiés par Johannes Pollet. Enfin, il appartient aussi au nombre des artistes néerlandais qui, après un séjour en Italie, sont entrés au service des ducs de Bavière.

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au Caducée-pinceau dans l' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579)

 

                                     LE MANUSCRIT MUS. Ms. B.

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Le duc Albert V de Bavière était passionné par les Arts comme mécène et comme collectionneur acharné, fasciné par tout ce qui venait d'Italie. C'était, pour ce que l'on en sait, un bon musicien, et il possédait, comme les autres ducs et empereurs, un chœur ou un orchestre pour la Chapelle de cour, Hofkapelle, dirigé par un maître de choeur. La chapelle de la Résidence ducale datait de 1630 (la chapelle actuelle date essentiellement de Maximilien II). L' Orchestre d'État de Bavière ( Bayerische Staatsorchester), qui est aujourd'hui  l'un des plus prestigieux orchestres du monde entier, est aussi des plus anciens puisque son origine remonte à l'année 1523, lorsque Ludwig Senfl fut placé à la tête du  Münchner Kantorei  . En 1563, Orlando di Lasso fut embauché en tant que chef d' orchestre de la Münchner Hofkapelle. Le répertoire se composait alors principalement de musique d'église.

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.http://www.residenz-muenchen.de/englisch/museum/hofkapel.htm .

.Orlando de Lassus menant sa formation, Hans Mielich, Mus. Ms. A II (1) image 186

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035009/images/index.html?id=00035009&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=3&seite=186

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 Le Maître des chœurs disposait de chanteurs triés sur le volet venus de toute l‘Europe et les meilleurs instrumentistes virtuoses italiens, qui constituaient la chapelle du duc.  Sur l'enluminure de Hans Mielich représentant Orlando de Lasso dirigeant sa formation de chœurs de cour à la Hofkapelle,  Bernhard Rainer, de l'ensemble Profeti della Quinta, Dolce risonanza, a pu constater que la formation se composait de six chanteurs (hommes), de deux instruments bassistes parmi les chanteurs et de 13 instruments mélodiques : 6 instruments à vent et 7 instruments à cordes :  cornemuse, cervelas, flûte et flûte basse, fifre, trombone basse, cornet à bouquin (cornetto muto, cornetto alto), et virginal, luth, violons, viole. Le violon se jouait selon la technique "sans menton", l'instrument tenu seulement de la main gauche. Le cornet à bouquin ( Zink, Cornetto) est, à la Renaissance, l'instrument roi pour l'interprétation de la partie soprano, que seul le violon parvient à en concurrencer la virtuosité ; les instruments sont de plus en plus sinueux et serpentins en allant du  cornet muet (presque droit) au cornet alto puis au cornet ténor. Avec son alter ego la sacqueboute (le trombone) ces instruments étaient considérés comme les plus aptes à imiter la voix humaine. Enfin le cervelas (Rackett), de la famile du basson, est, sous ses aspects comiques, un instrument très intéressant : la grosse anche double y est reliée à un canal replié sur lui-même neuf fois à l'intérieur d'un cylindre percé de trous unis deux à deux : la colonne d'air très longue permet d'obtenir un son grave et bourdonnant 

 

  Parmi les dépenses considérables effectuées par le duc pour sa musique de cour, figurent  trois manuscrits richement reliés et richement enluminés dont deux contiennent des œuvres de Roland de Lassus et un celle de Cipriano de Rore. Ce dernier, l'actuel Mus. Ms B de la Bibliothèque Nationale de Bavière fut le premier à être réalisé (il fut achevé en 1559) et servit de modèle précurseur aux deux volumes du Mus. Ms A (1563-1570) contenant les Psaumes pénitentiels de de Lassus. Ces livres somptueux ne servaient pas aux musiciens, mais étaient considérés à juste titre comme des trésors destinés à l'usage privé du duc, à être montrés à d'illustres visiteurs, et à participer à sa gloire pour la postérité. Le troisième manuscrit  illustré par Mielich et copié par Jean Pollet contient les Lectiones ex Propheta Job et les  Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus  aujourd'hui à la  Bibliothèque Nationale de Vienne, cote Vienna 18.444 

 

Le Mus. Ms B est un livre de chœur contenant 26 motets de 4 à 8 voix de Cipriano de Rore copiés sur vélin par Johannes Pollet ; 82 de ses 304 pages sont enluminées par l'artiste de cour Hans Mielich, soit, outre les armoiries ducales, les portraits d'Albert V et d'Anne d'Autriche, de Hans Mielich et de Cipriano de Rore,  le début des pièces musicales et le début de leurs sections. Au volume principal s'akjoute un volume de commentaires rédigé par Samuel Quickelberg.

Ces motets forment un mélange hétérogène de 20 motets sacrés et 6 motets profanes. La plupart étaient déjà connus, et la bibliothèque de Bavière — reflet de celle du duc,   conserve une premiere édition musicale de de Rore par Gardano, Venise 1544,  ses Stances de Pétrarque de 1548, le Premier livre de madrigal (Venise, 1552) et le Second livre de madrigal (Venise, 1551) ainsi que 15 autres éditions postérieures au manuscrit qui nous intéresse. 

  Parmi ces partitions, le motet à six voix Mirabar solito possède un statut particulier d'une part parce qu'il n'avait pas été connus auparavant, d'autre part parce qu'il a été écrit spécialement pour Albert V comme hommage . Pour J.A. Owens, ce serait un cadeau de nouvel an du compositeur pour le remercier de ses bienfaits. Sa place particulière lui vaut d'être le seul décrit par Massimo Troiano, le chanteur napolitain à la cour de Bavière, dans le compte-rendu qu'il donne de ce manuscrit en 1568.

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I. LE TEXTE DE NICOLAS STOPIO.

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Ce poème se compose de deux parties de huit vers en distiques élégiaques. Il a été composé par Nicolas Stopio, poète et agent d'affaire né à Alost (Aalst en néerlandais) dans les Flandres et rapidement installé à Venise où, proche des imprimeurs vénitiens, il servit les intérêts des frères  Ulrich et Hans Jacob Fugger, puis ceux d'Albert V de Bavière. Il est décédé en, ou vers, 1570. 

Argument : Un narrateur anonyme s'émerveille d'entendre les Muses chanter plus joyeusement que d'habitude, et, s'approchant, il constate que celui qui justifie cette gaieté n'est pas Apollon, mais  le duc Albert V de Bavière, que les Muses acclament. Dans la seconde partie, ce sont les Muses qui prennent la parole pour témoigner de leur admiration pour le duc, et dire combien elles se réjouissent des bienfaits qu'il leur apportera : elles l'acclament à nouveau.

En un mot, le duc Albert est comparé —avantageusement— à Apollon car il favorise les arts, représentés par les neuf Muses.

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Mirabar solito laetas magis esse Camœnas,

Atque agitare novis gaudia tanta modis.

Accede ut videam festive an Phoebus Apollo

Exultans hilares duceret ipse choros.

Ast alium video, longe Phoebo mage gratum

Cui vidi intentas advigilare Deas.

Acclamant concordi, animo, vox omnibus una,

Vivat hic Albertus Dux modo Bavariae.

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Virtutum ante alios in quo genus omne relucet,

Splendor et Heroum est, verus et unus honos.

Gratior hic nobis, Phebo ter maximus ipso

In nos haud similis, ut suus estat amor

Ornamur virtute sua tuum voce canora

Jure choragus erit, noster et ipse Deus.

Indefessem igitur laudes glomeremus ovantes

Vivat in aeternum Dux modo Bavariae


 

"Je me suis étonné de ce que les Muses étaient plus joyeuses que d'habitude

et qu'elles chantaient  avec grande joie de nouvelles chansons

Je me suis approché pour voir si Phoebus Apollon lui-même,

exultant d'une humeur festive, conduisait les chœurs joyeux.

Mais je vis quelqu'un d' autre qui m'est plus cher encore que Phoebus,

celui pour qui je voyais les déesses garder une vigilance constante.

Elles clamaient ensemble dans un seul accord et d'une seule voix:

Vive Albert, duc de Bavière.

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Les vertus brillent chez lui plus que chez tout autre,

Il a la splendeur du héros, il est le seul vrai honneur.

Lui, le trois fois plus grand, il nous est plus cher que Phoebus lui-même;

Rien n'égale son amour envers nous.

Nous sommes embellies par sa vertu; et avec sa voix harmonieuse

il va à juste titre diriger notre chœur et être notre dieu.

Par conséquent nous entonnons inlassablement ses louanges et nous l'applaudissons:

Puisse l'actuel duc de Bavière vivre éternellement."


 

Discussion. 

Il est admis que Nicolas Stopio a composé ce poème pour l'accession du duc au titre de duc, en 1550. L'adverbe modo de la formule Dux modo Bavariae a été considéré par Bernhard Meier, auteur des huit volumes de l'Opera Omnia de Cipriano de Rore,  dans son sens de "récemment, tout juste", et la formule a été traduite par "le tout nouveau duc de Bavière". Pourtant (Gaffiot) cet adverbe peut aussi signifier "maintenant" (presently en anglais). La composition de ce poème pourrait être plus tardive, et dater de 1558, année où il aurait été soumis à l'inspiration du musicien. On sait que Cipriano de Rore s'est très certainement arrêté à Munich en mars-avril 1558, où il lui a peut-être été remis ; J.A. Owens suggère qu'il a pu aussi être adressé à de Rore par Hans Jacob Fugger dans un courrier en fin 1558. Le rôle de Fugger comme superviseur et intermédiaire est probable.

Le thème d'Apollon et les Muses est exploité par Stopio depuis l'une de ses principales publications (1555),  celle qui fit sa célébrité (Conrad Gessner la mentionne), le Panegyricum de 60 folios dédié à Jeanne d'Aragon et à son fils Marc-Antoine Colonna. Certaines de ces pièces se termine par la formule Vivat [Vivat in aeternum Felix Ioanna Aragona Quae nunc luce sua fert bona puncta bonis]. On y trouve les hommages rendus à  : "Roma in Caroli V Caesaris 1536" ;   à  Marie d'Autriche (reine de Hongrie et gouverneur des Pays-Bas espagnols de 1531 à 1555) ; à  Franciscum Venerium ; à Cosme de Médicis ; à  Adrian Wyllaert (folio 39v-40r) ; à Lucrèce d'Este, fille du duc de Ferrare Hercule II ; à Ursula von Harrach, première épouse de Hans Jacob Fugger ; à Gaspara Stampae (poétesse latine installée à Venise, 1523-1554), en épicédion ; au Cardinal Petro Bembi, en épicédion*; à Ferdinand d'Autriche ; à Hans Jacob Fugger (folio 45v), au cardinal Christophorum Mardrucium ; au cardinal Ottonem Truxes ; ad amicum absentem ; à Pierre-François Contarini, Patriarche de Venise ; au médecin Julio Alessandrino (1506-1590) ; Ad desidiosos, Vecordes ; In Simulatam Amicitiam ; In Deformem, et Nasutum ; In Eos qui rationis expertes ; Elegiam ad Lauram de Zona ; Ad Detractores et id Genus. Fin folio 60v.

** Épicédion : dans la poésie grecque ou latine, poème d'oraison funèbre.

Ces recueils d'Éloges étaient fréquents et on peut rapprocher celui-ci avec les Orationes duodecim de  Girolamo Falletti, (1558) ; les  Orationes de Cynthius Jean-Baptiste Giraldi (Ferrare, 1554). 

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00002170&pimage=39&v=100&nav=&l=en

 

Il est intéressant de rapprocher l'éloge (ou encomium) d'Albert V avec celui de Stopio pour Adrian Willaert (1490-1562) pour plusieurs raisons. D'une part, cet encomion de 18 distiques élégiaques est construit sur un dialogue entre Apollon et les Muses, et se termine par   Vivat perpetuo felix cum dis ADRIANUS vivat, ut est clarum nomen et usque suum. D'autre part,  ce musicien est un des maîtres de Cipriano de Rore ; d'autre part, ce dernier lui rendit hommage funèbre dans son motet Concordes adhibete publié en 1566, qui débute par Concordes adhibete animos, Musae, inclita turba. (Constatez ensemble, Muses,foule célèbre,) et s'achève par Vive Adriane decus Musarum, Vive Adriane (Vive Adrien, héraut des Muses, vive Adrien). On voit que le parallèle entre tout artiste ou tout amateur d'art (philomusis, pour reprendre une épithète utilisée par Stopio) et Apollon, ou la présentation du récipiendaire de l'éloge comme fêté par les Muses, est un topos répandu.

Ce portrait du duc Albert en nouvel Apollon trouve son prolongement dans la décoration murale des résidences de Munich et de Landshut à la fin du XVIe siècle (Salle d'Apollon de Landshut).

Nicolo Stopio n'est nullement un inconnu à la cour d'Albert V et dans les milieux musicaux. Ce serait plutôt l'homme de plume à qui on fait facilement appel pour les panégyriques, d'autant qu'il semble connaître à-peu-près tout le monde. Il a été l'homme d'affaire de l'imprimeur Daniel Bomberghen, il s'est fait remarquer par Vésale (lettre à Oporinus de septembre 1542), il s'est chargé de l'impression par G. Scoto des œuvres du cardinal Bembo (1550-1553), il est suffisament bien introduit à Venise pour rendre visite à Titien et le conseiller des rectifications de sa Vénus et Adonis (<1553), il a été l'avviso (agent d'information, plus ou moins secret) de la couronne britannique (1562) mais surtout des frères Urich et Hans Jacob Fugger (1561-1563), il compose des poèmes descriptifs pour les cartouches des cartes géographiques des imprimeurs vénitiens comme Ruscelli (1559 ; 1563) ou sert d'intermédiaire à Nicolas Postel dans la vente de ses manuscrits arabes (1555), et, plus tard, il fournira quantités d'antiquités d'Italie au duc Albert et à son fils, et il composera en 1568 les poèmes que Roland de Lassus mettra en musique pour les somptueuses noces de Guillaume de Bavière et de Renée de Lorraine.  En 1565, il écrit le poème d'introduction des Sacrae Lectionnes. La même année, il écrivit un poème de douze lignes pour le mariage le 5 décembre d'Alphonse II de Ferrare avec Barbara d'Autriche (Lux clara exoritur). Pour l' année 1550 ou les années précédentes (puisque B. Meier propose cette date de rédaction), on ne connaît aucun lien entre Stopio et le duché de Bavière. C'est encore vrai d'ailleurs pour l'année 1558 que je suggère. Par contre, entre 1561 et 1570, les liens avec Hans-Jacob Fugger, Roland de Lassus, et Albert V sont étroits.

Stopio semble avoir  rencontré  Hans Mielich lorsque celui-ci  a rendu visite à Titien en Italie, comme il le relate dans une lettre de 1567 à Hans Jacob Fugger : il date cette visite de 1552-1554 (Hope, 1997). Voir, en bibliographie, un extrait de l'article de Jansen 1987 où Stopio apparaît  particulièrement chargé de procurer à la cour de Bavière des instruments de musique et des musiciens italiens (et sans-doute des éditions de musique).

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II. LA MUSIQUE DE CIPRIANO DE RORE.

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La présentation de Samuel Quichelberg :

Cantionus autor. Cantionum autorem esse Cyprianum de Rore, item sumptuosarum pictuarum Illustrissimus Principem Albertum Bavaria ducem extitisse necessario in ipso titulo praemissimus. Sed ex ? haec reliqua admonenda fuere, de ys quorum non poenitendus labor accessit.

Le compositeur franco-flamand Cyprien de Rore (en italien Cipriano de Rore), né à Renaix ou Ronre en 1515 et mort à Parme en 1565, est rentré au service du duc Hercule d'Este à Ferrare en 1547 et jusqu'en 1559 comme maître des chœurs. Il n'a jamais été au service du duc de Bavière.

 

Il appartient, comme Adrian Willaert, à la quatrième génération de  l'école franco-flamande,  Roland de Lassus, appartenant à la cinquième génération.

Mirabar solito est un motet de six voix. Les six voix sont notées DQB et SAT, ce qui correspondrait à Discant, Quintus, Bassus (Basse), Superius (ou soprano ?) , Alto et Tenor (ténor).

 

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III. LES ENLUMINURES DE HANS MIELICH.

 Samuel Quickelberg le présente ainsi :

Imaginus inventor. Imaginum itaque pictor inuentorque fuit Johannes Muelich Monaccesis artifex celeberrimus, qui idem vulgo Vicentz. Maler ab am fui valde usitato nomine dicebatur, cuius opera illustrissimus princeps Albertus in posterus quoque, multis animis in huius generis libris depingendis usus est.

 "Inventor d'image . Les images et les peintures sont du peintre et inventeur  Jean Mielich célèbre artiste de Munic, qui est aussi connu sous le nom courant de peintre de Vicentz [Vincent ; Zentz ] participe à la postérité de l'illustrissime prince Albert par les illustrations qu'il a peint sur ses livres [??].

Voir dans mon blog son autoportrait et sa devise :

http://www.lavieb-aile.com/2015/05/autoportrait-de-hans-mielich-ne-sutor-ultra-crepidam.html

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Hans Mielich (1516-1573) est, comme son père et son grand-père, un peintre munichois ; il se forma à Ratisbonne auprès de Albrecht Altdorfer (Ecole du Danube) ce qui explique la place donné aux paysages (ici, les deux vues de ville) dans sa peinture. Sur l'incitation du duc Guillaume IV, il séjourne à Rome en 1541 (et/ou en 1552-1553 où il rend visite à Titien), et se forme au maniérisme italien. Il s'inscrit à la corporation munichoise des peintres en 1543, et en devient le chef en 1558.  il travailla pour une clientèle privée, mais le duc Albert V lui commanda à partir de 1546 de plus en plus d'œuvres et le prit en amitié.

Le manuscrit Mus. Ms B comporte 82 enluminures de sa main, mais le Mus. Ms A est encore plus riche puisque chacune des pages y est enluminé par Mielich.

Les neuf pages de la partition comportent quatre enluminures, présentées en doubles pages à chaque début des deux sections, pages 257-258 pour Miramar solito voix DQB et voix SAT et pages 267-268 pour Virtutum ante alios voix DQB et SAT.

Le texte des motets, les inscriptions et de toutes les enluminures du manuscrits sont scrupuleusement décrites par Samuel Quickelberg. Sa description de Mirabar solito se trouve, pour les amateurs de latin,  aux pages 167-171 (page 81-84 de sa pagination) de la mise en ligne par MDZ :

— Première partie page 167-171 : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=22&seite=167

— Deuxième partie : page 172-176 : 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=23&seite=172


 

1. Première partie : Mirabar solito.

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1a. Première enluminure de la première partie, les voix DQB.

 

Dans la partie haute, Apollon conduit le char du Soleil. Au milieu, Albert V et son épouse Anna rendent visite aux Muses. En dessous, une vue de Munich.

 

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a) Le registre supérieur.

Apollon conduisant le char du Soleil.

Dans Homère, Apollon est qualifié de l'épithète  φοῖϐος / Phoibos,  littéralement « le brillant », et les Anciens assimilèrent le dieu Apollon avec le Soleil, et le désignèrent sous le nom de Phoebus. Ou bien, ayant foudroyé le dieu Soleil, il fut condamné par Zeus à en conduire le char. Nous le voyons donc mener les rênes du quadrige et stimuler les chevaux de son fouet.

Quickelberg cite Poste[r]a nocturnos Aurora remouerat ignes / Solque, pruinosas radys siccauerat herbas Ovide Metam. IV 80 . Je donne un extrait élargi pour mieux en goûter la poésie charmante : "[4,80] et s'envoyaient des baisers que retenait le mur envieux. Le lendemain, à peine les premiers feux du jour avaient fait pâlir les astres de la nuit; à peine les premiers rayons du soleil avaient séché sur les fleurs les larmes de l'Aurore, ils se rejoignaient au même rendez-vous."

Trois putti volent dans la marge haute en présentant des couronnes de lauriers, deux autres jouent ? avec un jeune homme allongé. Un cheval se cabre dans la marge droite. 

La lettre D sert de cerceau pour un putti qui la traverse.  Un homme athlétique et barbu s'entoure d'un drap vert, sorte de banderole que son homologue retient aussi du coté droit. Quickelberg nous explique qu'il s'agit de Vertumnus, dieu romain du changement des saisons et de la croissance des plantes, capable de changer de forme à volonté (par contagion avec le verbe latin vertere "tourner") : il y voit un emblème du peintre, capable de donner forme à des quantités d'objets divers.

La partie musicale est délimitée par une chaîne en or renforcée aux angles par des ferrures. La lettre capitale M de Mirabar est peinte à la feuille d'or. La lettre I est enjolivée. La portée a cinq lignes, un nombre qui n'est fixé que depuis la Renaissance. Quels sont les signes en début de portée ? Outre le bémol, je conclue à une clef d'ut puis une clef de fa, en toute incompétence. 

http://dictionnaire.metronimo.com/index.php?a=term&d=1&t=2060

 

The letter, addressed to Duke Albrecht and sent from Ferrara on 5 January 1559, contains important information about de Rore’s connections with Albrecht and the Munich court (fol. 31r ) Illustrissime princeps, et clementissime domine. Cum superioribus diebus ex flandria in Italia mad meos rediissem, inveniliteras a Viro Magnifico Joanne Jacobo fuggero ad me scriptas ex quibus intellexi, redditam fuisse celsitudini tuae Missam illamquam in discessu meo pollicitus eram, Necredditam solum, sed et gratam, et ea, quaquidem sperabam, gratiosi animi promptitu-dine acceptam fuisse, (fol. 31r "Most illustrious prince, and most merciful lord. When in the last few days Ireturned home to Italy from Flanders, I found a letter from the excellent Hans JakobFugger, from which I understood that the Mass I had promised at my departure had been delivered to Your Highness, and not only had it been delivered, but had pleased you and been received with that readiness oa gracious spirit that I had hoped for."

Magna hercle, ea me res laetitia affecit,cum quia valde cupio, in hac arte istius liberali professione, in qua hactenus non sinelabore atque industria versatus sum, ostenderecelsitudini tuae quanti faciam multa ipsius acpraeclara in me singularis benevolentiae signa:

"Truly that caused me great pleasure, both because I very much desire, in the free profession of this art, in which up to now I have been engaged with no want of effort and hard work, to show Your Highness how much I value your many outstanding "

Cipriano de Rore’s New Year’s Gift for Albrecht V of Bavaria

2(Je vous envoie ces versets fixés à l'harmonie avec leurs rythmes ou mètre poétique). Toutefois, dans sa lettre 1559, clausus »apparaît comme partie d'un ensemble de phrase -" suisque numeris absolutum "-qui signifie "complète à tous égards" . Holford-Strevens suggère que les termes ne sont pas utilisés de manière technique, mais dans un sens littéraire plus générale. Je suis d'accord avec son interprétation et pense qu'il est prudent de cesser d'essayer d'extraire l'identité de la composition de cette sentence en essayant de donner, le module ', clausus », et, le ratio harmonicae' significations techniques et d'accepter que de Rore peut tout simplement VHA e été disant en très écouler langue Ery:«Je ai mis ce texte en musique ".Une lecture attentive du reste de la lettre 1559 ainsi que d'une meilleure compréhension de certaines des caractéristiques de Mus.ms. B permet d'offrir une autre suggestion concernant l'identité de de'Rore cadeau sainsi qu'un nouvelle interprétation de son accompagne le g illuminations. Comme deviendra claire, la musique et le texte se combinent avec représentation visuelle de transmettre importants des messages sur Albrecht comme patron. Le manuscrit doit donc être considéré non seulement comme une source pour la musique de de Rore, mais dans le cadre de l'auto-façonnage de Albrecht comme un souverain

.La composition en question est le motet à six voix Mirabar solito. Ce ne est pas par hasard que cette pièce très a été distinguée par Massimo TRoiano dans sa description de la, "cose notabili" de Munich: "Une Carte 257, vi è un fatto Mottetto en lode di esso Alberto, et une Carte 267, la séconda parte "

Troiano, qui a été probablement travaillé à partir du commentaire de Quickelberg, pro-FOURNIS le texte et identifié le poète et compositeur; malheureusement, il n'a rien dit sur les illuminations de ces pages.Le poème, qui se compose de deux huit strophes en ligne distique élégiaque, a été composée par le poète flamand et l'art revendeur Nicolaus Stopius pour 'Albrecht adhésion s en 1550

.Mirabar solito laetas magis esse

Camoenas Atque agitare Novis gaudia Tanta modis.

Accedo ut videam, fête un Phoebus Apollo Exultans hilares duceret ipse Choros.

Ast alium vidéo longe Phoebo mage [Mub: magis] gratum,intentas Cui de vidi advigilare DEAS.Acclamant Concordi animo, vox omnibus una:. Vivat hic Albertus Dux modo Bavariae

(2.) pars

Virtutum ante dans aliosquo genre omne relucet

Splendor ut Heroum is veruset unus honos.

Gratior hic nobis Phoebo ter maxime ipso

,Dans nos haud similis, utsuus extat Amor.Ornamur virtutesua, tum voce Canora,Iure choragus erit noster et ipse Deus.Indefesse igiturlaudes Glomeremus ovantes:. Vivat in aeternum dux modo Bavariae

"je me émerveillais que les Muses étaient plus joyeux que d'habitude et ont chanté d'une si grande joie avecde nouvelles chansons. Je me suis approché pour voir si Phoebus Apollon lui-même, exultant dans festif humeur, a conduit les chœurs joyeux. Mais je ai vu une autre beaucoup plus cher pour moi que Phoebus, une pour qui je ai vu les déesses me maintien d'une surveillance constante. Ils ont crié ensemble dans un accord et d'une seule voix: Vive Albert de Bavière.En lui toutes sortes de vertubrille, ci-dessus tous les autres, voyant qu'il est la splendeur de héros et le seul vrai honneur. Lui, le trois fois plus grand, est plus cher pour nous que Phoebus de soi-même; il n'y a rien comme son amour envers nous. Nous sommes embelli par sa vertu; puis avec voix harmonieuse, il sera à juste titre diriger notre chœur et être notre dieu. Par conséquent nous entassons inlassablement ses louanges comme nous l'applaudissons: Que le nouveau duc de Bavière vivre éternellement ".

Le narrateur anonyme décrit à la première personne une scène qui semble incompréhensible pour lui:les Muses sont plus heureuses que d'habitude. Son explication: quelqu'un plus cher encore que Apollo les dirige. Vive Albrecht! Les quarts de seconde strophe de la première par. fils singulier au pluriel Cette voix collective est maintenant que des Muses eux-mêmes: Albrecht nous est plus cher que Apollo, il dirigera notre chœur, nous allons chanter ses louanges. Albrecht Vive t! De Rore reçu ce texte au cours de la préparation de Mus.ms. B, probablement en 1558. Le datant de 1550, l'année de l'adhésion de Albrecht, proposé par Bernhard Meier sur la base du texte ("dux modo Bavariae"), semble peu probable, étant donné la preuve codicologique discuté ci-dessous

Si de Rore avait composé un hommage à Duke Albrecht en 1550, sûrement la composition aurait été disponible à Munich et une partie des plans depuis le début; à la place, le cadre est l'une des pièces ajoutées à la fin du manuscrit. Il semble probable que Hans Jakob Fugger envoyé le poème dans la lettre que de Rore reçu quand il est retourné en Italie à la fin de 1558 ("quand, dans les derniers jours je suis rentré à l'Italie de la Flandre, je ai trouvé une lettre de l'excellent Hans Jakob Fugger, à partir de laquelle je ai compris que la messe que j'avais promise à mon départ avait été livrée à Votre Altesse [...] »). Il aurait également pu être donné à lui quand il était à Munich en 1558.

L'illuminateur, Hans Mielich, comme de Rore, face à la tâche de répondre au texte. Il a choisi de mettre en évidence les trois personnes ou groupes mentionnés dans le poème: Albrecht, Apollon et les Muses. Il a dû faire face à deux contraintes: la nécessité d'adapter les illuminations dans les vides espaces autour de six parties vocales et à intégrer les initiales qui ont identifié les voix (DQB sur la gauche, sur la droite SAT) pour les pages 257 à 258 et la lettre de capital V ("Virtutum") pour chaque voix aux pages 267 à 268. Il a choisi comme sujet principal pour la première ouverture (pages 257-258) Albrecht et les Muses. (Voir Plaques 1et 2.) Le bloc principal la gauche le montre avec Anna surrounde d parles Muses, chacun identifié par son nom. Un putto dans le Q initiale se maintient deux couronnes avec des phrases du texte: "VIVAT HIC ALBERT» et «DVX MODO Bavari". Sur l'option page composite, Albrecht se assied couronné, tandis que les Muses danser autour de lui; couronnes annoncent ses vertus: "FORTITV [DO] clementia PRVDENTIA Ivstitia LIBERALITAS BONITAS VERITAS VICTORIA MANSVETO Temperantia ". Au sommet de la page sur la gauche, est Apollon et le char du soleil, face à droite, Diana et le char de la lune. Au bas de la page, sur le territoire de Albrecht: une vue de Munich (à gauche) et l'Isar de la rivière et Landshut (À droite).la seconde ouverture (pages 267-268) présente une série de scènes mythologiques. (Voir Plaques 3 et 4.) À première vue, la liste des scènes peut sembler étrange parce que pas tous d'entre eux semblent être liées aux Muses. page 2671. Minerva visite les Muses. Les Muses lui montrer la fontaine sacrée; Pegasus3. Pegasus montres Apollo faire de la musique de l'eau se écoulant à travers un ensemble de tuyaux4. (En bas) Les géants sont vaincus par les dieux5. (Marge de gauche) Vénus et Cupidon 6. (Marge droite) Amalthée Page 2681. La bataille des dieux et des géants2. Les Muses chanteret changer le Piérides en pies3. Ceres semble agriculteurs semer leurs champs4. (En bas) Proserpina cueille les fleurs; Le Rapt de Proserpine; Ceres change le garçon qui l'avait raillé en lézard5. (Marge droite) HéphaïstosT o cette listeon pourrait ajouter une scène mythologique de la page 257: (Au milieu) Pyrenaeus chasse Muses. Mielich, et ​​peut-être un collaborateur, se il avait aider à la conception du plan pour les illuminations,conçu une structure ingénieuse pour cette ouverture qui a échappé à même le commentateur, Samuel Quickelberg. Quickelberg cite une ligne de Porphyre pour la première image, une d'Ovide pour la deuxième, celle de Virgile pour la troisième, comme se il cherchait autorité compétente. Il peut avoir été consulte un ouvrage de référence, comme à son habitude gest cette interprétation; ils comprennent Thomas 1587 ", une chanson ou à Dieu: un Psalme chanté le luth, ou une chanson chantée par à la voix "; Coote 1596 "chanson heauenlie"; Florio 1598 "un Psalme, une chanson de remerciement-giuing et de louange à Dieu, un Psalme chanté à l'psalterie, ou une chanson chantée par la voix "Mais il n'a pas reconnu que toutes les histoires se insèrent dans la grande histoire cyclique de Minerva de la visite à l'Muses, du Livre cinquième du Ovide Métamorphoses (Ll. 250-678). (Voir Figure 1.) La nécessité de s'adapter à tant d'histoires dans des espaces contraints par les exigences de notam- musicaletion signifiait que Mielich ne pouvait pas (ou choisi de ne pas) représentent la commande d'Ovide du récit par des moyens spatiaux. Mais un spectateur familier avec la structure narrative du métamorphoses d'Ovide trouverait tout ce qu'il faut pour suivre l'histoire 'Minerva visite à l'Muses s Fontaine de Pegasus Histoire de Pyrenaeus d'arrivée o - f Magpies: histoire des Sœurs Pierian - concours de chant - Sœurs Pierian: histoire de la bataille des Go ds et Giants - Muses : Histoire de Ceres viol de Propserpina la colère de Ceres aux Taunting Boyautres histoires - Les Muses gagner le contest - Les Pierian Sœurs sont transformés en pies - Minerva lea ves la Muses

Figure 1: Structure de «Minerva Visitez s àles Muses

Merci aux illuminations pour les deux ouvertures de

Mirabar solito

, Le manuscrit célébre Albrecht, avec Apollon et les Muses, des images ainsi que des mots et de la musique. Dans cette lumière, deux passages de la lettre de de 'Rore lettre semblent particulièrement saillant:1) la référence aux Muses ("ayant convoqué les Muses à mon aide") 2) l'invocation d'Apollon pour aider à l'inspiration créatrice («Pour parmi les autres œuvres que j'ai écrites à divers moments, je me permets de déclarer Votre Altesse que pendant une longue période. rien n'a sortiront de l'atelier de mon esprit qui plaît et me satisfait plus Il est donc évident que la règle de l'art, Apollo, était là pour me aider comme je réfléchissais alors; l'aide de que Dieu, comme vous le savez, ne est pas le cas généralement à un homme ou à tout moment. Si je me suis trompé dans cette affaire, et peut-être trop bien penser de moi-même,ou il est absolument vrai que je pense, Votre Altesse, quand vous avez entendu le travail, sera en mesure de juger de la bonne volonté. Car je apprécie votre jugement vif et précis, surtout dans cette forme de l'activité intellectuelle ").

Il peut être pas un hasard si de Rore invoque Apollon son inspiration et appelle les Muses tout en invitant Albrecht de juger son œuvre. Cette lettre doit sûrement être considérée comme une corroboration de Mirabar solito comme un don de de Rore. Sa déclaration "Car en effet, je ai jugé digne pour de nombreuses raisons d'être offert à la fois à vos oreilles et à vos yeux "est plus difficile à interpréter. Il est en effet prometteur Albrecht qui il aimer ce qu'il voit ainsi que ce qu'il entend. Veut-il dire qu'il a composé la pièce en utilisant "la peinture de mot"? Doit-on conclure qu'il connaissait l'illumination spécifique qui ont été prévus ou simplement qu'il était conscient de la prepartion d'un illuminé manuscrit de sa musique? Pourrait-il être décrit le plaisir de la musique Albrecht de voir venir à la vie à travers illuminations tout entendre PERFORmed

Mirabar solito est un bon candidat pour d'autres raisons aussi. Ce est la seule composition dans le manuscrit associée spécifiquement avec Albrecht. Un de seulement cinq unica en Mus.ms. B, il satisfaisantEPE la condition d'être réservé exclusivement à l'usage de Albrecht . La seule autre motet de ce type est Donec gratus eram tibi .preuves codicologique fournit un dernier argument. Mus.ms. B, à la différence du projet plus tard,impliquant la modale de Lasso commandé psaumes de la pénitence dans Mus.ms. Un ou contemporaine projet impliquant ses Leçons du Travail et de la Prophetiae Sibyllarum (Vienne, Mus.ms. 18,744), n'a pas été composé comme un ensemble. Les motets sont hétérogènes en date de composition, le nombre de voix, et le type de texte (laïque, de consécration, de dévotion, liturgique). Le contenu et la possibilitérale l'ordre des motets a connu des changements au cours de la période de création du manuscrit tion . Une composition a été enlevé:, une pièce de cinq voix non identifiée fin "et dans saecula. saeculorum Amen "Deux ont été ajoutés - Donec gratus eram tibi et Mirabar solito. Ce est clair à partir de discontinuités dans la foliation et la présence de pages blanches; Une fois qu'une page a été illusion résilié, il ne était plus possible d'ajouter de la musique de l'autre côté sans endommager la peinture.Les deux sont également écrits sous la forme plus tard, de la main de Pollet, sensiblement différente du début du formulaire utilisé ailleurs dans le manuscrit. Surtout parce que les deux sont également unica, je argue que de Rore aurait contribué deux compositions au projet de Albrecht. L'argument le plus fort contre l'identification des Mirabar solito que de nouvelle année de Rore dedon est la description de la pièce comme «psalmum modèle ISTUM", qui Lowinsky considérée comme cruciale pour identifier Beati omnes Qui timent Dominum., Psalmus »se réfère généralement à les Psaumes de David Je ai expliqué pourquoi Beati omnes Qui timent Dominum, le seul psaume en ce sens dans le manuscrit, ne semble pas un candidat probable. Pour le don d'être Mirabar solito ,, Psalmus 'doit avoir des interprétations supplémentaires. En fait, il est prouvé que cela pourrait signifier une chanson, soit sacrée ou profane. L'indication la plus claire de cette utilisation vient de l'un des principaux latinistes du XVIe siècle, Baptiste Spagnoli (Spagnoli). Dans son Apologeticon, Il écrit: «Sed quid de vocabulis is concertatio, cum eandemrem esse constat quam Graeci, psalmum 'et, Hymnum' dicunt, nos, 'appellamus et carmen, contre '? "(Mais pourquoi litige sur les termes lorsque il est de notoriété publique que ce que les Grecs nom de «psaume» et «hymne» est la même chose que nous appelons «chanson» et «versets»?) . Plusieurs des définitions trouvées dans le précoce Moderne base dictionnaires anglais (EMEDD) sug- aussi . Un exemple plus récent est la première définition donnée dans l'Oxford AngleterreDictionnaire çais:1. Dans un sens général: Toute chant sacré qui est ou peut être chanté en culte religieux; un hymne:esp. l'utilisation biblique. (En quot. C 1175 appliquée à l'Creed.) Par ailleurs, plus généralement, toute chanson ouode d'un caractère sacré ou graves .Il est également peut citer plusieurs cas précis où s, Psalmus »se réfère à un texte autre que le Livre biblique de psaumes. Par exemple, Augustin a écrit la Psalmus contra partem Donati ,décrit par Schaff comme "une chanson populaire sans polémique mètres régulière, destinée à compenser les chansons des donatistes ", Psalmus » a également été utilisé pour désigner Quicunque vult , Athanase croyance, dans les documents conciliaires en 1240 et 1255, et à des cantiques évangéliques. Ducange aussi in-inclut comme une catégorie des psaumes, des textes composés par des poètes autres que David.tions qui ont été prévus ou simplement qu'il était conscient de la prepartion d'un illuminé manuscrit de sa musique? Pourrait-il être décrit le plaisir de la musique Albrecht de voir venir à la vie à travers illuminations tout entendre PERFORmed?

https://www.academia.edu/8021841/THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE?login=jycordier@gmail.com&email_was_taken=true

https://www.academia.edu/8145200/Cipriano_de_Rores_New_Years_Gift_for_Albrecht_V_of_Bavaria_A_New_Interpretation

Music Printing in Renaissance Venice: The Scotto Press (1539-1572)

Par Jane A. Bernstein

https://books.google.fr/books?id=oAxcodFDXDAC&pg=PA206&lpg=PA206&dq=lasso+scotto&source=bl&ots=PRb0GjOCbb&sig=rYcnMAHFyd8YJDITPBLRS6fSZXs&hl=fr&sa=X&ei=AAA-VbHUHoLKaJ2ygagM&ved=0CCQQ6AEwAA#v=onepage&q=stoppio&f=false

ttps://books.google.fr/books?id=zsuFLfxg_bwC&pg=PA4&dq="ioannes+pollet"&hl=fr&sa=X&ei=XiVCVbPeAobkUb23gbgH&ved=0CFYQ6AEwBw#v=onepage&q=%22ioannes%20pollet%22&f=false

¬Orlandi ¬Lassi sacrae cantiones (vulgo motecta appellatae) quinque vocum ...

Par Orlando di Lasso

https://books.google.fr/books?id=2i77ZJwDIQwC&pg=PT2&dq=%22ioannes+pollet%22&hl=fr&sa=X&ei=widCVZPJOYOAU42bgcgF&ved=0CCYQ6AEwATgK#v=onepage&q=%22ioannes%20pollet%22&f=false

...

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

Mirabar solito laetas magis esse Camaenas,

Atque agitare novis gaudia tanta modis.

Accede ut videam festive an Phoebus Apollo

Exultans hilares duceret ipse choros.

Ast alium video, longe Phoebo mage gratum

Cui vidi intentas advigilare Deas.

Acclamant concordi, animo, xox omnibus una,

Vivat hic Albertus Dux modo Bavariae.

Virtutum ante alios in quo genus omne relucet,

Splendor et Heroum est, verus et unus honos.

Gratior hic nobis, Phebo ter maximus ipso

In nos haud similis, ut suus estat amor

Ornamur virtute sua tuum voce canora

Jure choragus erit, noster et ipse Deus.

Indefessem igitur laudes glomeremus ovantes

Vivat in aeternum Dux modo Bavariae

I marveled that the Muses were more cheerful than usual
and sang of such great joy with new songs
I approached to see whether Phoebus Apollo himself,
exultant in festive mood, led the merry choruses.
But I saw another much dearer to me than Phoebus,
one for whom I saw the goddesses maintaining a constant vigil.
They shouted together in one accord and with one voice:
Long live Albrecht, Duke of Bavaria.

In him every kind of virtue shines forth, above all others,
seeing that he is the splendor of heroes and the one true honor.
He, the thrice greatest, is dearer to us than Phoebus himself;
there is nothing like his love towards us.
We are embellished by his virtue; then with harmonious voice
he will rightly lead our chorus and be our god.
Therefore let us unwearyingly pile up his praises as we applaud him:
May the new Duke of Bavaria live forever.

Je me suis émerveillé que les Muses étaient plus joyeux que d'habitude

et a chanté de cette grande joie avec de nouvelles chansons

Je me suis approché pour voir si Phoebus Apollon lui-même,

exultant dans l'humeur festive, conduit les chœurs joyeux.

Mais je vis un autre beaucoup plus cher pour moi que Phoebus,

celui pour qui je vis les déesses le maintien d'une vigilance constante.

Ils ont crié ensemble dans un accord et d'une seule voix:

Vive Albrecht, duc de Bavière.

En lui toutes sortes de la vertu brille, ci-dessus tous les autres,

voyant qu'il est la splendeur du héros et le seul vrai honneur.

Lui, le trois fois plus grand, est plus cher que Phoebus lui-même;

il n'y a rien comme son amour envers nous.

Nous sommes embelli par sa vertu; puis avec voix harmonieuse

il va juste titre diriger notre chœur et être notre dieu.

Par conséquent nous entassons inlassablement ses louanges comme nous l'applaudissons:

Que le nouveau duc de Bavière vivre éternellement.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

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b) le registre moyen.

 

Le duc Albert et la duchesse Anne rendent visite aux Muses. Hans Mielich en a donné le portrait à la page 3 et 4 du recueil, ce qui permet de les reconnaître. Au dessus d'eux, dans la lettre Q de la voix Quintus, un ange tient deux couronnes dans lesquels sont inscrits les mots VIVAT HIC ALBERTvs et   DVX MODO BAVARIae. Face au couple ducal on compte huit Muses, car la neuvième, Terpsichore, (la Danse) est placée dans la marge droite, flottant sur deux cygnes, et tenant  sa lyre. Euterpe (la Musique) est agenouillée et joue de la viole de gambe.  Erato (la Poésie lyrique) , agenouillée également, prend avec un compas des mesures sur un globe terrestre. Derrière elles, debout, Melpomène joue de la trompette, sa voisine (Clio ?) joue de la bombarde (dont la fontanelle est reconnaissable), puis une muse (Polymnie?) joue de la sacqueboute (ou du serpent) . Thalie tient le triangle et Calliope joue de la guitare. Derrière le duc Albert, Uranie tient une sphère armillaire et un octant, alors quelle se sert de la lettre B comme d'une armoire pour y exposer un cube et un polyèdre

Quickelberg y a lu ce distique :

Clio, Thalia, Erato, Polyhynnia, Terpsichorque,

Calliope, Euterpe, Melpomene, Vrania.

Mais attention ! Deux hommes quasi nus rampent entre les deux partitions ! Ces voyeurs concupiscents sont le barbare Pyrenée et l'un des siens, qui projettent d'abuser des jeunes femmes et, comme Ovide nous le racontera dans le Livre V,290 des Métamorphoses, Pyrenée  s'en tirera mal : 

Seque jacit vecors e summae culmine turris ; Et cadit in vultus , discussique ossibus oris : tundit humum moriens scelerato sanguine tinctam

 

    "Quelque route que vous preniez, je la prendrai moi-même". Il dit, et, furieux, s'élance, se précipite, et, brisé dans sa chute, il arrose la terre de son sang odieux."

 

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

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c) le registre inférieur .

Vue de Munich.

Hans Mielich poursuit l'éloge du duc Albert comme mécène en représentant, vue de l'est,  la ville qu'il a contribué à embellir, Munich, dont on reconnaît l'Isar traversée par un pont, et les deux tours rondes jumelles (domes, 1525) de la cathédrale ou Frauenkirche, et le clocher de l'église Saint-Pierre. La ville est entourée de murailles fortifiées par des tours. Le massif bâtiment  de droite est le Neuevest, le vieux château gothique ducal, dans lequel vont être aménagés la Résidence, son Antiquarium (1568) et sa Grottenhof (1581-1586), ainsi que les Jardins ducaux (Hofgarten). Pour Quickelberg, le peintre a choisi ce point de vue précisément pour montrer ces jardins, qui sont déjà ou seront aménagés en parterres selon le style français, lui-même hérité du style italien.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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1b. Deuxième enluminure de la première partie, les voix SAT.

Cette deuxième planche fait face, sur la double page, à la précédente, et elle lui répond par symétrie. Ainsi, face à Apollon et le char du soleil se trouve Diane et le char de la nuit. Au concert donné par les Muses au duc et à la duchesse, debout, succèdent les danses des Muses devant le duc assis. Enfin la ville de Lanshut (la résidence du prince, fils du duc) prend la place de la ville de Munich. On découvre avec une satisfaction gourmande comment, de même que de Rore avait su coller au texte,  l'illuminateur, Hans Mielich a du faire face aux contraintes imposées par la présence de la partition, les vides qui séparent les trois voix, ou l'obligation de placer les lettres S, A, et T ) l'intérieur de l'image. En brillant artiste, Mielich a su dépasser ces contraintes en jouant avec elles. on remarquera avec quel brio il a transformé ces trois lettres en objets de sa peinture, sans qu'elle ne perde leur lisibilité.   

 

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a) vue générale.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

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b) registre supérieur.

Dans le ciel étoile de ce deuxième volet, Diane au front ceint du croissant lunaire mène d'une main sûre le char de la Nuit, attelé d'un cheval noir et d'un autre blanc. Le talent avec lequel la lettre S est utilisée pour former une des roues du char, et un montant en coquille servant d'accoudoir à la déesse chasseresse, fait mon bonheur. Pourtant, le dessin n'a rien d'improvisé, mais répond aux régles établies par Cesare Ripa pour la représentation du Char de la Lune (Carro della Luna), un bige tiré par un cheval noir et un cheval blanc. De même, le voile blanc qui flotte au dessus d'elle est un élément iconographique parfaitement conforme aux conventions. 

C'est sous ce même aspect que la déesse apparaît dans la Chambre de Diane du Palais de la Résidence de Landshut, dans une peinture de 1540 (G. de Tervarent).

 Un Amour lui décoche (en vain, bien-sûr) une flèche, puis, dans la marge supérieure, deux putti tendent des guirlandes portant les mots ORAM VITAS . Le coin supérieur droit est un Olympe où une déesse (Minerve ?) se penche sur le balcon de la partition, accompagnée d'autres divinités, de Mercure au casque ailé tenant le caducée, et de Zeus jouant l'équilibriste sur les ailes de son aigle noir.

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre supérieur. Droits MDZ Munich.

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre supérieur. Droits MDZ Munich.

b) le registre moyen.

Nouvelle surprise et nouvelle source d'admiration : la lettre A devient ici une pavillon (une tente d'apparat) et la lettre T un portique soutenant un trône de triomphe. Albert V y est assis, sous ses armoiries, encadré par deux hommes sauvages échappés d'un blason et coiffé des caques héraldiques. Il est présenté comme un empereur romain entouré d'enseignes (comme on en voit sur l'arc de Constantin avec l'aigle romain et les lettres SPOR) et ses  couronnes de laurier clament ses vertus : J.A. Owens y a lu  "FORTITV [DO] clementia PRVDENTIA Ivstitia LIBERALITAS BONITAS VERITAS VICTORIA MANSVETO Temperantia ". 

Devant lui, les "Camènes" — formule poétique pour désigner les Muses et éviter de se répéter—  ont posé leurs instruments et leurs accessoires d'astronomie ou de géographie et se livrent, sur la musique de Terpsychore qui a gardé sa lyre, à des  danses lascives en passant si besoin derrière l'écran de la partition. On ne les reconnaît plus individuellement, mais elles sont toutes là, je les ai compté. 

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

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c) Le registe inférieur.

La rivière Isar, dont la couleur verte est caractéristique, prend sa source au nord-ouest de l'Autriche, arrose d'abord Munich, puis Freising, avant d'atteindre Landshut, puis de se jeter dans le  Danube. Landsut, à 70 km au nord-ets de Munich, a été la capitale du duché de Bavière-Landshut, avant que celui-ci ne soit  réuni avec la Bavière-Munich pour ne faire qu'un seul duché.  Landshut devient ainsi la résidence du prince héritier. Albert V et Anne d'Autriche y on vécu de 1546 à 1550, et leur fils, Guillaume y a séjourné avec sa femme Renée de Lorraine jusqu'en 1579. Albert et Guillaume, tous les deux follement passionnés par les Arts, qui conduirent leur duché à la ruine, firent du vieux chateau médiéval de Trausnitz, qui domine sur le Hofberg la ville, un palais de style italien aux murs splendidement décorés de fresque et un jardin somptueux, qui fut le cadre de représentations musicales et théâtrales de goût italien.

Le peintre montre la rivière pointant le grand V de ses rives vers la ville et vers le clocher de l'église Saint-Martin, le plus haut clocher en brique au monde. Pas de bateau sur l'Isar, mais un radeau de bois flottant, le flottage étant alors un élément important de l'économie fluviale menant le bois de Wolfratshausen jusqu'à Munich, Landshut, et le Danube. Ces radeaux sont également visibles sur les deux Vues de ville du Civitates orbis Terrarum d'après les dessins de Hoefnagel. Aujourd'hui encore, les radeaux reconstitués  attirent des quantités de touristes !

 

 

 

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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2. Seconde partie.

La seconde partie s'éloigne de la représentation littérale du texte  et choisi de s'inspirer des Métamorphoses d'Ovide dans l'épisode de Minerve chez les Muses, et du Concours de chant entre les Muses et les Piérides. http://bcs.fltr.ucl.ac.be/METAM/Met05/Met-05-250-437.htm

"Minerve quitte Persée et se rend sur l'Hélicon, où l'attire le renom de la source de Pégase. Les neuf Muses, et singulièrement Uranie, l'accueillent avec admiration. L'une d'elles se met à raconter comment Pyrénée, décrit comme un impie, voulut les violer au cours de leur voyage vers le mont Parnasse, et comment elles s'envolèrent pour lui échapper, en provoquant indirectement la mort de l'hypocrite. (5, 250-293)

Ensuite, une muse, dont le nom n'est pas cité, apprend à Minerve que les pies, dont le bavardage intrigue la déesse, étaient antérieurement les neuf filles de Piérus. Ces Piérides, fières et sûres d'elles, étaient venues défier les Muses en leur proposant un concours de chant arbitré par des nymphes, concours dont l'enjeu était la possession des sources de l'Hélicon et des plaines de l'Émathie. (5, 294-314)

La muse rapporte ensuite la prestation de la porte-parole des Piérides, laquelle chante la mise en fuite des dieux du ciel par le Géant Typhée et leur arrivée en Égypte, où diverses métamorphoses leur avaient permis d'échapper à leur agresseur. (5, 315-331)

Après une brève transition, la narratrice retrace la contribution de Calliope, représentante des Muses. Après un hommage à Cérès, déesse de l'agriculture, Calliope transporte le lecteur en Sicile : l'île écrase sous sa masse le Géant Typhée, dont les soubresauts inquiètent et attirent sur terre le roi des enfers. (5, 332-361)" (Résumé par Bibliotheca Classica Selecta).

 

Nous allons retrouver ces différents épisodes dans les deux enluminures.

 

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2a. Première enluminure de la Seconde Partie, les voix DQB.

a) Vue générale.

 

 

Hans Mielich, Mirabar solito, II. ème partie, voix DQB. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, II. ème partie, voix DQB. Droits réservés MDZ Munich.

b) registre supérieur.

Ce registre est occupé par la lettre D de la voix de Discantus, et par la partition de cette voix, limitée à Virtutum Gratior hic nobis Phebo. Minerve apparaît ici à dans la lettre D, à travers laquelle elle se penche pour s'observer elle-même à l'étage du dessous. Elle tient une lance de tournoi. Par convention, nous nous trouvons ici sur les hauteurs du mont Hélicon (en Béotie, près de Thébes), décrit par Hésiode dans sa Théogonie comme le lieu de villégiature des Muses :« Pour commencer, chantons les Muses héliconiennes, reines de l'Hélicon, la grande et divine montagne. Souvent, autour de la source aux eaux sombres et de l'autel du très puissant fils de Cronos, elles dansent de leurs pieds délicats. Souvent aussi, après avoir lavé leur tendre corps à l'eau du Permesse ou de l'Hippocrène ou de l'Olmée divin, elles ont, au sommet de l'Hélicon, formé des chœurs beaux et charmants, où ont voltigé leurs pas. »

 L'Hippocrène (du grec hippos, « cheval » et krêné, « source ») vient de jaillir sous l'effet d'un coup de sabot de Pégase, le cheval ailé de Persée, né du sang de la Méduse. Minerve, qui vient de l'apprendre, saute de la lettre D pour en savoir plus.

Elle descend prestement, puisque la voilà qui arrive dans le cadre entre les deux partitions, où elle est accueillie par le chœur des neuf Muses.  

Ovide, Les Métamorphoses V, 250-268

 

"Elle s'arrête sur ce mont, et tient ce langage aux doctes sueurs : «La Renommée a porté jusqu'à mes oreilles la nouvelle de cette fontaine que Pégase aux ailes rapides a fait jaillir de terre sous ses pieds vigoureux ; elle est l'objet de mon voyage : j'ai voulu voir cette merveille opérée par le coursier qui naquit sous mes yeux du sang de sa mère».

Uranie lui répond :

uera tamen fama est: est Pegasus huius origo  fontis' et ad latices deduxit Pallada sacros. 

«Quel que soit le motif qui te fait visiter nos demeures, ô déesse ! ta présence remplit nos âmes de joie ; la renommée dit vrai : c'est à Pégase que nous devons cette source». A ces mots, elle conduit Pallas vers l'onde sacrée. La déesse admire longtemps ces eaux que le pied de Pégase a fait sortir de la terre, et, promenant ses regards autour des bois sacrés et des antiques forêts, des grottes et des prairies émaillées de fleurs, elle trouve les filles de Mnémosyne également heureuses de ce séjour et de leurs études. "

Uranie l'emmène voir la fontaine (dans le texte d'Ovide) ou désigne (dans l'image) de la main Pégase qui cabriole —il a le sabot vif— dans la lettre Q de Quintus. Mais en même temps, on remarque la présence de pies qui jacassent derrière Minerve, ce qui n'a pas échappé à cette sagace déesse.

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Hans Mielich, Mirabar solito, II ème partie, voix DQB, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, II ème partie, voix DQB, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

c) registre moyen.

C'est l'étage de la partition Q, qui comporte le texte complet : Johannes Pollet le débute par une lettrine V de l'initiale dorée de Virtutum, suivi d'une lettre i ornementée , puis d'un texte qui fait largement usage d'abréviations: tilde abrégeant Virtutum en Virtut~u ou Spelndor en spl~edor , apostrophe abrégeant ante en ant', terminaison -us remplacé par le signe ressemblant à un 9 (gen9 pour genus, ver9 pour verus, un9 pour unus). Ces partitions n'étaient pas destinées aux chanteurs, mais j'ignore si les partitions "réelles" comportaaient l'usage de ces abréviations, qui compliquaient la lecture des chanteurs.

Virtutum ante alios in quo genus omne relucet,

Splendor et Heroum est, verus et unus honos.

Gratior hic nobis, Phebo 

Les marges latérales accueillent les armoiries de Bavière, une niche où s'abritent Vénus et son diablotin farceur de fils, et, de l'autre coté, la prude Diane (ou plutôt, selon Quickelberg, Amalthée).

Dans le cadre entre les deux voix D et B, on trouve un garçon tenant une flûte de pan, ainsi que Pégase. Ce garçon serait-il Chrysaor, le frère de Pégase (Ovide, IV, 786), ou bien Persée lui-même ? A ses pieds se voient une couronne de laurier et un livre ouvert. Jessie Ann Owens résoud l'énigme en expliquant qu'il s'agit de Pégase apprenant à Apollon à faire de la musique avec de l'eau s'écoulant à travers un ensemble de tuyaux. C'est en effet ce que signale Quickelberg, rappelant qu'Apollon est l'inventeur de la musique et du chant, et qu'il est le maître des Muses  et citant lui-même "Virgile" ...bien que ce Pseudo-Virgile soit de nos jours identifié comme étant Ausone. Vous me suivez ?

Le texte de Quickelberg est :

Apollinis fistula carminus flumina emittunt : ob id Pegasus attonitus obstupescit. Notum enim Apollinem carminus et musices inventore fuisse, et musis in Helicone praefuisse, et ad canendus excitasse. Ut apud Virg. :

 

mentis Apollineae vis has mouet undique Musas 

Le texte d'Ausonius dans son Idylle XX signifie :

"L'âme et la verve d'Apollon inspirent toutes ces Muses :[assis au milieu d'elles, il réunit en lui-seul tous leurs mérites]"

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Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

d) registre inférieur.

C'est celui de la voix B ou Bassus, bien lourde puisque la partition, comme l'île de Sicile du texte d'Ovide, écrase de tout son poids le géant Typhée.

 En marge, un double  entrelacs en nœud de carrick.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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2b. Deuxième enluminure de la Seconde Partie, les voix SAT.

Cette enluminure est consacrée au Chant des Muses et à celui des Piérides. 

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

a) registre supérieur.

Le cadre du bref texte de la voix de Soprano (même texte que pour le Discantus) est entouré d'un mélange hétéroclite rassemblant  un aigle-dragon, une vache  ou un taureau, et une chèvre. A gauche, on assiste à une scène de combat .

Tout s'éclaire si on lit le texte d'Ovide. Minerve s'étant étonnée d'entendre des oiseaux qui chantaient avec une voix humaine, les Muses lui expliquent que les neuf filles du roi Pierus les ont défié dans un concours de chant, réclamant les sources d'Hippocrène et d'Aganippe en cas de victoire.  

huc quoque terrigenam uenisse Typhoea narrat 
et se mentitis superos celasse figuris; 
"duxque gregis" dixit "fit Iuppiter: unde recuruis 
nunc quoque formatus Libys est cum cornibus Ammon; 
Delius in coruo, proles Semeleia capro,  
Ovide, Metam. V, 320-330

"Alors, se levant la première sans avoir été désignée par le sort, celle des Piérides qui proposa le défi chante la guerre des dieux, exalte injustement la gloire des géants, et rabaisse celle des immortels ; elle raconte comment Typhée, sorti des entrailles de la terre, fit trembler les habitants du céleste séjour, les mit tous en fuite, et les força de chercher un asile jusque dans les plaines de l'Egypte et sur les bords du Nil aux sept embouchures ; elle ajoute que, toujours poursuivis par ce monstrueux enfant de la Terre, les dieux revêtirent, pour se cacher, des formes mensongères. «Jupiter, dit-elle, était le chef de ce troupeau, et c'est depuis ce temps que la Lybie, lui donnant des cornes recourbées, l'adore sous le nom d'Ammon ; le dieu de Délos se changea en corbeau, le fils de Sémélé en bouc, la soeur de Phébus en chatte ; la fille de Saturne devint une blanche génisse, Vénus se cacha sous l'écaille d'un poisson, et Mercure sous les ailes d'un ibis».

Ainsi chanta la fille de Piérus en s'accompagnant de la lyre."


C'est donc le combat du géant Typhée et de ses compères contre les dieux , puis les métamorphoses de Jupiter en taureau, de Vénus en poisson, d'Apollon en corbeau (ici aux allures d'aigle), de Bacchus en bouc, qui sont ici représentés.
 

 

En dessous, un arbre anthropomorphe peut correspondre à la métamorphose de Daphné transformé en laurier.

Nous retrouvons ensuite  les Muses, réunient en chœur autour d'un pupitre dont le lutrin n'est autre que la lettre A de la voix d'Alto, décrivant à Minerve (qui me semble absente) comment les Piérides ont été transformées en pies : et le peintre les montre dans les différents aspects de leur métamorphose, les unes nues, les bras devenus des ailes ; les autres en robe longue, mais à tête d'oiseau ; ou inversement à tête humaine et à corps de pie ; ou entièrement pies tentant maladroitement de voler entre deux portées ; ou enfin à droite, en corps nu et féminin affublé d'une tête d'oiseau.

 

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

c) registre moyen.

 

 

Les Muses racontent aussi comment le barbare Pyrène les a attiré dans son palais et comment il a tenté de les abuser ; comment, poursuivies au somet d'une tour,  elles s'envolèrent, et comment le forcené, entrainé par sa fureur, se jeta dans le vide et tomba tête la première sur le sol ou il se tua.

Tandis que Minerve "s'assied  à l'ombre, sous le feuillage qu'agite un léger souffle", elles expliquent comment ce fut Calliope qui releva le défi lancé par les Piérides,au son des cordes de sa lyre plaintive, en rendant hommage à Céres : Cérès a, la première, ouvert le sein de la terre avec le fer recourbé de la charrue ; l'homme lui doit ses premiers fruits, des aliments plus doux, et ses premières lois ; toute chose est un bienfait de Cérès " : c'est la scène représentée dans la marge gauche et l'encart entre les deux partitions.

—  Calliope transporte le lecteur en Sicile : l'île écrase sous sa masse le Géant Typhée, dont les soubresauts inquiètent et attirent sur terre le roi des enfers. (5, 332-361) : c'est la scène représentée en bas de l'enluminure précédente. 

— Pluton, dieu forgeron des enfers (marge de droite)  enlève Proserpine, fille de Céres, malgré Cyané, métamorphosée en source  (5, 362-437).

— Pluton, le souverain des enfers, s'attardant en Sicile, éveille l'attention de Vénus, car ce dieu est resté célibataire. Dès lors, elle charge Cupidon de rendre Pluton amoureux de Proserpine, deux êtres qui jusque là avaient échappé à la domination de la déesse de l'amour. Cupidon aussitôt perce d'une de ses flèches le coeur de Pluton. (5, 362-384). C'est le sens de la présence de Vénus et de Cupidon dans la marge du registre moyen de l'enluminure précédente. Dès lors, sa vis-à-vis devait être Proserpine.

 

 

 


 

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

d) registre inférieur.

— Près de la ville de Henna, Pluton enleva la candide Proserpine, qui cueillait des fleurs dans un cadre idyllique. Malgré les appels désespérés de l'enfant à sa mère Cérès, le dieu l'emporta à travers la Sicile jusqu'à Syracuse. (5, 385-408).  La nymphe Cyané, qui a reconnu Proserpine, veut barrer la route au ravisseur, lui reprochant non sa passion, mais sa manière d'agir ; furieux, le dieu fend la terre avec son sceptre, et, se frayant un passage vers le Tartare, s'y engouffre avec son char. Cyané, inconsolable, ne tarit pas ses larmes, et progressivement est métamorphosée en fontaine. (5, 409-437). 

Hans Mielich a représenté à droite le tableau champêtre de la cueillette des fleurs par la fille de Céres, puis, à gauche, la scène où on voit Pluton saisir à bras-le-corps Proserpine et l'installe sur son char, tandis que Cyané, le corps à demi métamorphosé, tend vainement les bras.

 "Non loin des remparts d'Enna est un lac profond qu'on appelle Pergus ; jamais le Caystre, dans son cours, n'entendit chanter plus de cygnes sur son rivage : des arbres touffus couronnent ses eaux et les enveloppent au loin d'un rideau de verdure, qui ferme tout accès aux traits de Phébus, et répand une agréable fraîcheur ; la terre que baigne cette onde est émaillée de fleurs aussi brillantes que la pourpre de Tyr. Là règne un éternel printemps : c'est dans ce bocage que Proserpine cueille, en se jouant, la violette et le lis éclatant de blancheur ; avec toute la vivacité de son âge, elle en remplit sa corbeille et son sein ; elle se hâte, à l'envi de ses compagnes, de moissonner les plus belles fleurs. Un seul instant suffit au roi des Enfers pour la voir, l'aimer et l'enlever, tant l'Amour a de hâte ! La déesse tremblante appelle d'une voix plaintive sa mère et ses compagnes, mais plus souvent sa mère. Elle déchire les long plis de sa robe, d'où tombent les fleurs qu'elle a cueillies ; tant la simplicité accompagne sa jeunesse ! Dans son malheur même la jeune fille s'afflige de la perte de ses fleurs. Le ravisseur pousse son char, excite chacun des coursiers par son nom, et secoue les sombres rênes sur leur cou et sur leur crinière. Il franchit dans sa course les lacs profonds, les étangs de Palice, dont les eaux exhalent l'odeur du soufre, et bouillonnent au sein de la terre entr'ouverte ; il traverse les campagnes où les Bacchiades, originaires de Corinthe, que baigne une double mer, fondèrent une ville entre deux portes d'inégale grandeur."

A droite, Quickelberg interprête la présence d'une femme et d'un enfant comme la description de la colère de Céres transformant un garçon éffronté en lézard  :

Tandis que Cérès boit à longs traits, un enfant au cœur dur la regarde avec audace, s'arrête devant elle, et rit de son avidité. Cérès ne peut souffrir cette insulte et jette sur l'enfant, qui parle encore, le reste de son breuvage. Au même instant, son visage se couvre de taches légères. Ses bras amincis descendent vers la terre. Une queue termine son corps, qui se rétrécit, pour qu'il ne puisse nuire. Il est changé en lézard. La vieille en pleurs s'étonne de ce prodige; elle veut le toucher; mais il rampe, il fuit, il se cache dans des trous obscurs; et les taches sur sa peau, semées comme autant d'étoiles, lui ont fait donner le nom de Stellion.  (Ovide, Métam. V:450-460)

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

IV. LE COPISTE JOHANNES POLLET.

a) Selon Samuel Quichelberg, 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=7&seite=9,

Notarum exarator : Notarum et textus exarator nigrossatorue fuit Johannes Pollet, poeta ex Flandria ortus, inter musicos Illustrissimi principis sustentatus

"Copie de musique  : la graphie des notes de musique et des textes [à l'encre noire ??] fut faite par Jean Pollet, poète né en Flandres, soutien des musiciens de l'Illustre Prince."

Noter l'emploi d'exarator (verbe exaro, [ex-aro] "labourer profondément, creuser un sillon", et, chez Cicéron, "graver sur la cire", d'où "écrire"). le terme exarator est d'emploi rare, depuis le XIe siècle, pour désigner le rédacteur d'actes, à coté de scriptor et de notarius. Il sera repris par Linné pour un hyménoptère parasite ou ichneumon, Spathius exarator Linnaeus, 1758. Les femelles de ces Braconidae sont dotées d'une longue tarière ou ovopositeur qui a peut-être suscitée la comparaison de l'insecte avec un secrétaire de chancellerie portant sa plume. La poésie éclate avec d'autant plus de vivacité lorsqu'elle surgit à l'improviste de la collision entre la Nature, et l'imagination d'un naturaliste, à son insu.

 

Il signe ses copies ( sous 18 distiques latins de dédicace du Livre de motets ou Sacrae Cantiones de Roland de Lassus publiés à Nuremberg en 1562, puis à Venise par Gardano 1565, et du Premier livre de Motet de Lassus  publié chez Gardano à Venise en 1569) du nom de Johannes Pollet insulensis. En 1571, il est à Anvers, et signe Jean Pollet, Lillois comme l'indique sa copie des Chansons de Jean de Castro : "Chansons à quatre parties, composées et mises en musique par M. Jean de Castro ; escriptes en Anvers, par Jean Pollet, lillois, demourant audict Anvers, anno 1571 » (Gallica : http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9063641w/f4.item )

 

  Selon Bossuyt, sa femme Sara était née à Delft, et, à sa mort prématurée, Castro a composé une élégie à trois voix,  "Uxor Joannis Pollet Sara", qui fut publiée en 1574. Ignace Bossuyt a suggéré en 1997 que le motet de Lasso Praesidium Sara puisse être un épithalame pour le mariage des époux Pollet.

I. Bossuyt distingue ce Johannes Pollet insulensis de ses homonymes, le prètre Jean Pollet de Bruges, qui était zangmeester de l'église Saint-Jacques en juin 1555. Deux ans plus tard, il fut muté à l'église San-Salvador ou Saint-Sauveur, où il devint chapelain en 1558 et chanteur (hoogcanter) en 1559. Entre janvier et avril 1559, il signe comme magister cantus. Le 17 avril, il est accusé de négliger ses responsabilités envers les garçons de chœur et d'être souvent absent des offices.

 

Ignace Bossuyt signale aussi le juriste François Pollet (Douai, c.1519/20-1548 et Raphael Pollet (Courtrai 1509?-c.1563) et Jan Pollet (Courtrai c;1500 ?-Lille 1556), frère de Raphael, chanoine de la collégiale Saint-Pierre de Lille et conseiller de Philippe II.

Dans une lettre du 23 août 1563 adressée au cardinal Granvelle, Hans Jakob Fugger, alors au service du duc, demande que des sanctions soeint prises envers " certo Jhan Pollet" qui a enfreint l'interdiction de copier la musique de Roland de Lassus, propriété privée du duc. [ Cela repose pour moi la question des homonymies : si Pollet était laïc, et marié, pourquoi les sanctions passeraient-elles par un cardinal ?] Antoine Perrenot de Granvelle était archevêque d'Arras jusqu'en 1561 et archevêque de Malines de 1561 à 1584, date où il fut nommé archevêque de Besançon. L'archevêché de Malines venait d' être créé en 1561 au dépens des diocèses de Cambrai et de Liège. 

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V. ULRICH SCHNIEP.

Dans sa présentation des auteurs du manuscrit Mus. Ms. B, Samuel Quichelberg mentionne, après le musicien, le peintre et le copiste, un dernier intervenant :

Libri compacturem exornator. Librum auratis claustris (si quis hoc forte etiam quaerat) es munimentis suis artificiosis ornavit Ulricus Schniep, eiusdem principis solariorum es oricalci faber peritissimus, Monaci eo tempore civis.

Tentative de traduction :" Reliure et ornementattion extérieure du livre. Les fermoirs en or du livre sont dues à l'artiste Ulrich Schniep, le réputé fabriquant de cadran solaire en métal doré, alors bourgeois de Munich."

Le fabriquant d'instruments astronomiques Ulrich Schniep est né dans le  Wiesensteig (près d' Ulm) et fut actif à partir de 1545. Son savoir-faire a été remarqué par de riches clients comme le duc Albrecht et l'empereur Maximilien . Dès 1551, l'empereur Charles V lui a accordé le privilège d'un blason comportant un cadran solaire polyédrique Schniep et le slogan "Asteranimos und Kundtpassmacher"'. En 1554, Ulrich Schniep est venu  à Munich où il a formé des apprentis comme son fils Alexis Schniep et Markus Purmann. Plus de cinquante instruments (principalement des cadrans solaires et des instruments de  visée, mais aussi des horloges et pendules) sont connus, le premier datant de 1553 et le dernière de 1588. Pour le duc Albert V, il a fait plusieurs cadrans solaires, ainsi que des instruments de musique et des accessoires. Ses œuvres ont eu  largement  accès au  Kunstkammer du du, et dans l'inventaire de 1598 on cite un compas, une planispère, („Ain Meßing verguldt Instrument auf einer runden fläche, zu aller meßerey, auf dem Boden ein Compas, darunder ein Planispherium, oben auf mit einem Windtleuffl in form eines delphins, von Ulrich Schnieppen in München gemacht“) :http://www.kunstkammer.com/de_seiten/frameobjekt.php?idnr=102

 Ulrich Schniep est mort dans le début de l'été 1588.

Effectivement, la reliure actuelle est décrite comme la reliure d'origine, seulement restaurée en 1963 : elle est  de cuir doré estampillé rouge sur des planches de bois, renforcée de coins, décorée d' agrafes, de 5 armoiries de' Albert V, duc de Bavière, et de ses  initiales «AH» [= Albrecht Herzog] en laiton doré. Cette reliure a été faite par Kaspar Ritter, mais les ornements métalliques sont d' Ulrich Schniep. (Source : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225)

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Reliure du Mus. Ms. B, Kaspar Ritter et Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

Reliure du Mus. Ms. B, Kaspar Ritter et Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

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Le détail de la serrure montre (l'image a été renversée pour mieux la décrypter) une femme nue à demi-assise — sans doute une figure de déesse (Vénus ; Diane observée par Actéon ?) sous l'arceau du voile qui forme dais—, un masque sous un dais identique, peut-être deux autres visages en haut et en bas, et en pilastre, deux pommes de pin dont l'une manquante.

Reliure du Mus. Ms. B, : serrure (image inversée), Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

Reliure du Mus. Ms. B, : serrure (image inversée), Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

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Le coin inférieur de la reliure est renforcé par une plaque métallique ornée d'un réseau d'entrelacs centré par une étoile de David, rappel peut-être du titre d'Asteranimos qui figure dans la devise de Schniep.

Reliure du Mus. Ms. B. Coin en métal doré, Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

Reliure du Mus. Ms. B. Coin en métal doré, Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

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ANNEXE I . 

 Le poème d'éloge funèbre composé par Nicolo Stopio pour Adrian Wyllaert (1555).

Ad Musas Vos, Heliconiades, dulcissima turba, sorores, unanimes melicum condecorate chorum. Respondent Musae Calliope, Polyhymnia, Terpsichore, Urania « adsum », Melpomene, Euterpe, Clio, Thalia, Erato. Ad Musas, ut unaquaeque suofungatur officio  Gesta canens Clio, quid erat die Musica quondam ; maestà licet tua sint, die quoque, Melpomene ; lascivis parcas numeris, facunda Thalia ; hue ades, Euterpe, flatibus ede sonos ; Terpsichore, adde modos, Geticus quos repperit Orpheus ;  quidque, Erato, sit amor gestibus ede sacris ; Calliope, tua maiestas heroa nee absit ; harmoniam caeli proferet Urania ; da manibus placidos et voce, Polymnia, gestus ; Tu fer ovans Paean, Thrax citharoede, novum ;  Ut Charitesque hilari suaves dent pectore voces convoca eas Ciaria, Phoebe canore, lyra. Phoebus Vos, Heliconiades, gratíssima turba, sorores, hue properate prius quam venit atra dies. Heu nimis atra dies erit et lacrimabile fatum,  odeon linquet cum pater ipse chori.

Perpetuis vivus celebretur laudibus a quo omne decus vobis, gloria perpes adest. Spiritus et cum se carnis mole exuet ista, ducite ad Elysios muñera grata choros.  Musica iam longos varie lacerata per annos dulcis adest veris enucleata modis ; praeceptis veteres hanc involvunt tenebrosis verbaque pro factis sola relieta iacent. Iuppiter at nostri sortisque misertus acerbae  caelitus emisit dona petita suis. Randria ter felix hoc almo muñere digna sola reperta fuit quae patefecit iter. Divini sitiens puro de fonte Adriani mellifluo ardentem nectare pelle sitim. Musarum chorus concors  Vivat perpetuo felix cum dis ADRIANUS vivat, ut est clarum nomen et usque suum.

ANNEXE II. 

Mirabar solito, un cadeau de Nouvel-An pour Albert V ?

Cipriano de Rore a adressé le 9 janvier 1559 une lettre en latin au duc Albert, lui présentant ses vœux tout en lui offrant une pièce musicale de sa composition, qu'il décrit mais ne nomme pas. La lettre, en latin, a été traduite en anglais par Leofranc Holford-Strevens pour  J.A. Owens dans l'article qu'elle consacre à l'hypothèse que le cadeau en question correspond à Mirabar solito.

 "Most illustrious prince, and most merciful lord. When in the last few days I returned home to Italy from Flanders, I found a letter from the excellent Hans Jakob Fugger, from which I understood that the Mass I had promised at my departure had been delivered to Your Highness, and not only had it been delivered, but had pleased  you and been received with that readiness o a gracious spirit that I had hoped for. Truly that caused me great pleasure, both because I very much desire, in the free profession of this art, in which up to now I have been engaged with no want of effort and hard work, to show Your Highness how much I value your many outstanding manifestations of singular kindness towards me, and also because I ascertained from most certain evidence when I was still in Germany that, amongst the other mathematical disciplines, Your Highness both by nature and by choice embraced music with marvelous zeal, as being superior to the rest, and bestowed peculiar favor on its adepts. And this caused me, as soon as I had returned, to decide that I must work hardto preserve and confirm this favorable inclination of Your Highness towards the renewers of musical art by some new service. As I think, I have been successful enough in the task I undertook. For, having summoned the Muses to my aid, I have reduced this psalm to these melodies that you see, and have composed it not unpleasingly, fully complete, on the contrapuntal principle [or ‚in accordance with the laws of music’]. I send it to Your Highness, begging you over and over again to deign to think well of it, and receive it as a happy omen of this new year. For indeed I have judged it worthy for many reasons of being offered both to your ears and to your eyes. [fol. 31 v] For amongst the other works I have written at various times, I venture to declare to Your Highness that for a long time nothing has come forth from the workshop of my mind that pleases and satisfies me more. It is thus readily apparent that the ruler of the art, Apollo,was there to help me as I pondered then ; assistance from that god, as you yourself know, does not generally happen to any man or at any time. Whether I am deceived in that matter, and perhaps think too well of myself, or it is as absolutely true as I think, Your Highness, when you have heard the work, will be able to judge with good will. For I value your keen and precise judgement above all in this form of intellectual endeavor..Mean while I humbly commend myself to Your Highness, praying with all my heart to Christ Best and Greatest that he may allow you to live unscathed to as great an age as Nestor, and rule over your peoples in peace. Farewell. At Ferrara, on the Nones of January in the year of our salvation One thousand Five hundred and fifty-nine."

Your Illustrious Highness’ Most devoted Cipriano de Rore

Traduction médiocre tentée par mes soins :

"Très Illustre Prince, et seigneur très miséricordieux. Lorsque, dans les derniers jours, je rentrai chez moi des Flandres en Italie , j'ai trouvé une lettre de l'excellent Hans Jakob Fugger, à partir de laquelle j'ai compris que la messe que j'avais promise à mon départ avait été remise à Votre Altesse, et que non seulement  elle avait été livrée, mais qu'elle vous avait plu et avait été reçue avec autant d'empressssement et de grâce que je l'avais espéré. Nouvelles qui m'ont  causées beaucoup de plaisir, à la fois parce que je désire beaucoup m'engager, dans la libre profession  dans laquelle je suis jusqu'à maintenant  sans épargner les efforts et le travail acharné, pour montrer à Votre Altesse combien j'apprécie les nombreuses manifestations  de sa la bonté singulière envers moi, et aussi parce que, ayant  constaté de  preuves certaines alors je séjournais  en Allemagne, parmi les autres disciplines mathématiques, Votre Altesse a embrassé à la fois par la nature et par choix  la musique avec un zèle admirable, comme étant supérieure à tout le reste, et accordait ses faveurs particulières à ses adeptes. Et cela m'a convaincu, sitôt revenu, de me décider à travailler durement à préserver et à confirmer cette inclination favorable de Votre Altesse vers les rénovateurs de l'art musical par quelque  nouvelle production. J'ai eu, si je ne me trompe pas, assez de succès dans la tâche  que je me suis fixée. Car, avoir convoqué les Muses à mon aide, j' ai réduit ce psaume de ces mélodies que vous avez vu et j'ai composé ceci, qui n'est pas déplaisant, et est entièrement bâti  sur le principe du contrepoint [ou, dans le respect des lois  de la Musique]. Je l'envoie à Votre Altesse, vous priant, encore et encore de daigner  le considérer avec bienveillance, et le recevoir comme un heureux présage de cette nouvelle année. Car en effet je l'ai jugé digne pour de nombreuses raisons d'être offerts à la fois à vos oreilles et à vos yeux.  Parmi les autres œuvres que j' ai écrit pour vous à plusieurs reprises, je me permets de déclarer à Votre Altesse que rien n'est sorti de l' atelier de mon esprit depuis longtemps qui ne me plaît et me satisfait d'avantage. Il est donc  évident que le maître des régles  de l'art, Apollon, était là pour m' assister au moment où j'y réflechissais; une aide que ce dieu ne procure, comme vous le savez vous-même, ni à chaque homme ni en tout temps. Même si je me suis trompé dans cette affaire, et si j'ai peut-être pensé trop bien sur mon propre compte, je reste  absolument convaincu que, Votre Altesse, lorsque vous aurez entendu le morceau, sera en mesure de la juger davec bienveillance. Car j' apprécie votre jugement vif et précis, surtout dans cette forme de démarche intellectuelle Je me recommande humblement à Votre Altesse, priant  avec tout mon cœur le Christ Bon et Juste Qu'il veuille vous permettre d'atteindre indemne un âge aussi grand que celui de Nestor, et de régner sur vos peuples dans la paix. Adieu. A Ferrare, sur le neuvième jour de Janvier de l'année de notre salut et en mille cinq cent cinquante-neuf. Le plus dévoué à votre Illustre Altesse,  Cipriano de Rore"

Quelle est l'œuvre qui accompagnait cette lettre ? Puisque le compositeur parle d'un psaume, Edward Lowinski a proposé en 1989 le Beati omnes qui tement Dominum, motet du Mus. Ms. B qui reprend le psaume 128.  La phrase latine qu'il semble important de comprendre est celle-ci : 

Convocatis enim in auxilium Musis, psalmum istum in hos quos vides modulos redegi, suisque numeris absolutum, ad harmonicae  non iniucunde rationem composui.

J. A. Owens la traduisit d'abord dans sa thèse  par "For, the Muses having been assembled for assistance, I rendered this psalm in these modulos which you see, and I composed it complete with its  numeris  according to a not-unpleasing system of harmonics.", et E. Lowinski par "Having called the Muses to my aid, I have rendered that psalm into the form of these motets that you see, and when it was thematically completed, I set it to a not unpleasant harmonic idiom“. Mais numeris peut aussi être compris comme décrivant soit un rythme musical, soit un mètre poètique

 J.A. Owens écarte l'hypothèse de voir dans le "psaume" en question le Beati omnes, qui n'a rien d'extraordinaire, qui circulait déjà parmi les amateurs, dont le style ne relève pas de celui des œuvres "tardives" de de Rore, et dont l'enluminure ne fait nullement allusion au duc. Elle se penche donc sur les deux seules pièces composées seulement pour le duc Albert, l'Ode d'Horace Donec gratus eram, et l' éloge de Scopio Mirabar solito

L'un des arguments les plus convaincants est d'ordre codicoligique : l'étude de la foliation, d'une modification d'un motet qui est incomplet, et de l'insertion de pages blanches révèle que le recueil a été modifié peut avant la fin de sa réalisation, alors que les enluminures avaient déjà débutées, pour insérer ces deux dernières pièces. De même, le style graphologique du copiste diffère : une première manière est caractéristique de tous les motets du Mus. Ms. B sauf Donec gratus eram et Mirabar solito ; une seconde manière est propre d'une part à ces deux derniers motets; d'autre mart aux deux manuscrits de Roland de Lassus, Mus. Ms. A et Vienna 18.444. 

 

SOURCES ET BOITE A LIENS.

BERGQUIST (Peter) 2006,   Orlando Di Lasso Studies page 165   Google

— BOSSUYT (Ignace) 1994, "The copist Jan Pollet and the theft in 1563 of orlandus Lassus « secret »  Penitential Psalms " From Ciconia to Sweelinck: Donum Natalicium Willem Elders, ed. Albert Clement, Eric Jas (Amsterdam and Atlanta ; Rodopi) pages 261-7

https://books.google.fr/books?id=OW0ktdIxMoIC&pg=PA261&lpg=PA261&dq=Ignace+Bossuyt,+Copyist+Jan+Pollet&source=bl&ots=xyuNNQsM9B&sig=zX7FWHMqClbGVgRO2QRx7um0zmY&hl=fr&sa=X&ei=HsZMVf7TNYPjUZG0gcgI&ved=0CCYQ6AEwAQ#v=onepage&q=Ignace%20Bossuyt%2C%20Copyist%20Jan%20Pollet&f=false

— GUTKNECHT (Dieter), 2009,  Musik als Sammlungsgegenstand Die Kunstkammer Albrechts V (1528-1579) in München Wiener Musikgeschichte: Annäherungen - Analysen - Ausblicke ; Festschrift ... publié par Julia Bungardt,Maria Helfgott,Eike Rathgeber,Nikolaus Urbanek, pages 43-66.

https://books.google.fr/books?id=sh3X7YoDq2wC&pg=PA54&lpg=PA54&dq=%22johannes+milichius%22+mielich&source=bl&ots=vfaECHachT&sig=fN9eHzcVeZzB1AckNDKXukn9sU8&hl=fr&sa=X&ei=pzBPVauZL8bbU9bdgagE&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=%22johannes%20milichius%22%20mielich&f=false

— JANSEN (Dirk Jacob), 1987, "Jacopo Strada et le commerce d'art" Revue de l'Art Volume   77 pp. 11-21, traduit par Jérôme Coignard

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1987_num_77_1_347647

 "La recherche des objets merveilleux. était pour un erudii contemporain du grand antiquarius amateur et négociant du XVIe siècle la raison être de la collection la mémoire Ulrich Middeldorf. Au cours de année 1567 Titien commen peindre le portrait de l'antiquaire Jacobo Strada  Celui-ci appartenait la maison de empereur Maximilien II mais il était alors employé à acquérir une célèbre collection de sculptures antiques appartenant au pratricien vénitien Andréa Loredan pour le compte du beau-frère de empereur le duc Albrecht de Bavière . C'est principalement ce portrait avec quelques documents qui s'y rapportent publiés par Crowe et Cavalcasene qui ont amené à faire de Jacopo Strada le prototype du marchand art professionnel aussi représentatif du commerce de son temps qu'un Duveen ou un Wildenstein dans la première moitié de ce siècle. C' est le même portrait et la même idée reçue qui inspiré Sir John Pope- Hennessy un jugement extrêmement négatif sur le caractère de Strada. Ce tableau montre Strada obséquieusement penché au-dessus une table tenant une statuette de marbre et il présente avec déférence quelque mécène sur la droite ... les traits contrastent avec la splendeur du vêtement ils sont mesquins et marqués par la fourberie et par un empressement un genre particulièrement déplaisant. Ce jugement sévère explicitement attribué artiste lui-même semble se limiter au caractère de Strada mais en fait reflète plutôt le dédain de intellectuel pour qui tire profit des œuvres d' art dont la profonde valeur spirituelle ne peut et ne doit s'exprimer en termes d'argent .Toutefois on se gardera de fonder sa conception de la fonction et de importance du commerce de art au xvic siècle sur les pratiques courantes de nos jours. Une reconsidération du cas Strada pourra apporter une meilleure compréhension de ces phénomènes, reconsidération qui hélas restera incomplète puisque ses activités comme marchand art où plutôtd' agent confidentiel nous sont presque uniquement connues travers les commissions il reçut du duc Albrecht vers la fin des années 1560 c'est-à-dire sur une période ne couvrant guère que quatre ou cinq années de sa vie.

Bien on puisse formuler de séduisantes hypothèses sur importance de Strada dans la vie artistique la Cour Impériale et plus généralement au sein des Erblände des Habsbourg de telles hypothèses ne sont que des déductions tirées du rôle qu' il joua à Munich. 

I. Stoppio rival manqué de Strada.

L'empereur avait prêté pour la première fois son antiquaire au duc de Bavière en 1566 lorsque Strada fut envoyé Rome l'année suivante il allait faire plusieurs voyages à Venise. Sa principale mission était de procéder à l' acquisition de vastes quantités d'antiquités principalement des sculptures. Fortement influencé par exemple et les idées de Hans Jacob Fugger, son Hofkammerpräsident et le premier mécène important de Strada, et par des membres de l'entourage de Fugger, Albrecht réunissait à Munich un ensemble de collections qui présentait déjà un caractère institutionnel plutôt que privé Cet ensemble consistait en un Kunstkammer encyclopédique, une grande bibliothèque et une collection d'antiquités dont l' ampleur et la qualité étaient sans égal au nord des Alpes. L'installation du Kunstkammer venait de achever tandis que la bibliothèque et Antiquarium devaient être abrités dans un second bâtiment spécialement conçu à  cet effet et dont la conception revient probablement Strada.

 La source la plus importante sur ces collections consiste en plusieurs dossiers conservés au Bayerischen Hauptstaatsarchiv de Munich. Ces Libri Antiquitatum qui contiennent des correspondances des comptes et des documents variés sont connus et consultés au moins depuis la fin du xvine siècle et quelques longs extraits en ont été publiés parfois sans grande précision Les documents se rapportant directement aux commissions reçues par Strada se trouvent dans les trois premiers volumes de ses lettres au duc et à Fugger des brouillons de leurs réponses quelques comptes des listes objets disponibles etc.

L.A = Libri Antiquitatum Munich Haupststaatsarchiv Kurbayern usseres Archiv 4851-4856

 Le deuxième volume des Libri Antiquatum  contient des lettres écrites de Venise par un autre agent employé par Fugger pour le compte du duc, le poète et érudit Niccolo Stoppio, un Flamand italianisé.  Les rapports réguliers de Stoppio fournissent un écho très vivant quoique partial des occupations de Strada durant ses séjours  à Venise. Stoppio natif d'Aelst dans la Flandre mais résidant depuis longtemps à Venise envoyait Fugger des nouvelles sous forme de bulletins hebdomadaires dans esprit des Fuggerzeitungen et faisait suivre la correspondance de Fugger à Bologne, Florence, et Rome. En outre il lui fournissait des livres et des manuscrits en particulier des manuscrits de Grèce relativement faciles trouver à Venise ainsi que divers produits de luxe tels que des gants des savons et même des médecines composées après ses propres recettes. Sa véritable spécialité semble avoir été la musique.  Non seulement  il envoyait des instruments mais encore il engageait des musiciens et des facteurs instruments pour la Cour de Bavière. Bien que manifestement il ne fût pas riche ni même aisé ni par ticulièrement illustre il semble avoir été un homme de lettres respecté et avoir connu la plupart des princi paux artistes et literati vénitiens Cependant Stoppio devait profondément ressentir le contraste entre sa position et celle de Strada lequel était une vieille connaissance. Strada n'était pas un erudii comme Stoppio si même il avait pu fréquenter peut-être une université dans sa jeunesse.

Bien que sa formation principale était celle un orfèvre Strada était un aristocrate fort riche avec une position favorable et officielle reconnue la première cour séculière de la chrétienté et il était considéré du moins par certains comme le Titien Portrait de Jacopo Strada Vienne Kunsthistorisches Museum premier antiquaire Europe. On ne saurait s'étonner que Strada à cause de son caractère impérieux et de son attitude parfois arrogante ne gagna pas la sympathie de Stoppio qui en outre avait nourri quelque illusion d'obtenir pour lui-même la commission très lucrative dont Strada fut chargée. Mais l'antipathie de Stoppio se mua bientôt en une jalousie haineuse eu égard de la réussite de Strada dans ses rapports presque hebdomadaires avec Fugger. Stoppio ne taisait rien qui pût selon lui discréditer Strada aux yeux de son protecteur et ainsi indirectement à ceux du duc Albrecht Il l'accusa de payer des prix exorbitants pour les antiquités qu'il acquérait pour le compte du duc, de se conduire sans tact avec les nobles vénitiens auprès de qui il faisait ses achats et de manquer de jugement professionnel et érudition Il alla reprocher Strada une prétendue faute orthographe. Insistant enfin sur le peu estime que selon lui les Vénitiens avaient pour Strada il opposait sa réputation auprès des Allemands qui plus confiants et honorables reale di natura que les Italiens étaient par là même plus facilement bernés est ces appréciations négatives de Strada connues seulement travers les extraits de correspondance de Stoppio que font écho des condamnations comme celles de Pope-Hennessy .Cette confiance est déplacée comme le démontre le ton vindicatif de cette correspondance dans son ensemble et surtout le fait que Fugger un des mécènes les plus intelligents et les plus judicieux du siècle ait ignoré presque complètement les institutions de Stoppio. Dans une lettre du 30 mars 1569 ( L.A 4852 ff 228 et suiv.) Fugger qui séjournait alors dans la maison de Strada à Vienne réfute les accusations de Stoppio puis cesse écrire à Stoppio jusqu'à la mort soudaine de celui-ci quelques mois plus tard.

— Sur Stoppio voir  Von Busch Renate Von Busch Studien zur deutschen Antiken- Sammlungen des 16 Jahrunderts thèse Tübingen 1973 Vienne Kunsthistorisches Museum  page 116 n°48.

 

— La Biblioteca Ambrosiana de Milan conserve quelques poèmes de Stoppio (voir Paul Oskar Kristeller Iter Italicum I, Londres et Leyde 1965, pp 287 302 et 307). 

— HOPE, (Charles) 1997, " Hans Mielich at Titian's studio",  Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1997, 60. Dans la littérature concernant Hans Mielich, la notion que le peintre s'est rendu à Rome en 1541 est en grande partie considérée comme un fait établi. C. Hope cite la transcription d'une partie d'une lettre du marchand d'art Nicolò Stoppio à Hans Jacob Fugger (14 décembre 1567) qui établit que Mielich visité l'atelier du Titien à Venise entre 1552 et 1554. Cela semble également la date la plus probable pour la visite de Mielich à Rome. Dans sa lettre, Stopio signale qu'il avait vu  le  tableau Vénus et Adonis maintenant au Prado, et qu'il avait fait deux suggestions pour l'amélioration de la peinture, que Titien avait suivi. Vénus et Adonis est daté c.1553.

 

MEIER (Berhard), 1975, Cipriani Rore Opera Omnia , vol. 6: Motets , American Institute of Musicology (=CMM  14/6).

— MIELICH (Hans) 1559, Mus. Ms. B, Bayerische Staatbibliothek : motets de Cipriano de Rore Oeuvre en ligne (en noir et blanc) ici : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=ewqeayaewqfsdrxdsydxdsydenw&no=32&seite=1

— OWENS (Jessie Ann), 1978, The signifiance of Mus. Ms. B as a source for the motets of Cipriano de Rore 

https://www.academia.edu/8021841/THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE

— OWENS (Jessie Ann), 2004, Cipriano de Rore's New Year's Gift for Albrecht V of Bavaria:a new interpretation : d'après sa thése de 1979 in : Die Münchner Hofkapelle des 16. Jahrhunderts im europäischen Kontext. Bericht über das internationale Symposium der Musikhistorischen Kommission der Bayerischen Akademie der Wissenschaften in Verbindung mit der Gesellschaft für Bayerische Musikg ..., 2004, 30 p. (2004, August 2-4)

https://www.academia.edu/8145200/Cipriano_de_Rores_New_Years_Gift_for_Albrecht_V_of_Bavaria_A_New_Interpretation

— OWENS, (Jessie Ann) 1979 : An Illuminated Manuscript of Motets of Cipriano De Rore (München, Baierische Statsbibliothek, Mus. Ms. B) - Phil. D. diss. Princeton University Press, 1979 (non consulté)

— PAJUR (Astrid), 2012, Spectacular Marriages: Early Modern Festival Books and the 1568 Wedding of Wilhelm V of Bavaria and Renata of Lorraine,  History Dissertation, University of Edinburgh 

https://www.academia.edu/5774753/Spectacular_Marriages_Early_Modern_Festival_Books_and_the_1568_Wedding_of_Wilhelm_V_of_Bavaria_and_Renata_of_Lorraine

— SCHILTZ (Katelijne et N. Meeùs), 2003, "Giunto Adrian fra l'anime beate : Une quintuple déploration sur la mort d'Adrien Willaert" Musurgia, Vol. 10, No. 1 (2003), pp. 7-33.

https://www.academia.edu/7926001/Giunto_Adrian_fra_l_anime_beate_Une_quintuple_d%C3%A9ploration_sur_la_mort_d_Adrien_Willaert

— SCHILTZ (Katelijne)  2005, "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus": Cipriano de Rores Motette Concordes adhibete animos Archiv für Musikwissenschaft, 62. Jahrg., H. 2. (2005), pp. 111-136

https://www.academia.edu/6714368/_Harmonicos_magis_ac_suaves_nemo_edidit_unquam_cantus_Cipriano_de_Rores_Concordes_adhibete_animos

 

— SCHILTZ (Katelijne), 2014, "Cipriano de Rore's a voci pari Motets: Sources, Context, Style", in Cipriano de Rore  at the Crossroads, Munich, 20-21 mars 2014 (non consulté).

http://www.uni-regensburg.de/philosophie-kunst-geschichte-gesellschaft/musikwissenschaft/medien/rore-tagung/flyer_cdr.pdf

— SCHILTZ (Katelijne), 2005 "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus“: Cipriano de Rores Concordes adhibete animos,  Archiv für Musikwissenschaft 62 (2005), 111–136

https://uni-regensburg.academia.edu/KatelijneSchiltz/Articles-and-book-chapters

 

— STOPIO (Nicolo) 1556 "Nicolai Stopii In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion" in : Petri Bembi patritii Veneti, scriptoris omnium politissimi disertissimique, quaecunque usquam prodierunt, opera : in unum corpus collecta, & ad postremam autoris recognitionem diligentissime elaborata, quorum catalogum versa pagina monstrabit : Cum rerum & vocum memorabilium Indice, in operis calcem reiectoBasileae : [Michael Isengrin] 1556

http://www.e-rara.ch/bau_1/content/pageview/62975

— STOPIO (Nicolo) ou STOOP, (Nicolaas de),1555, Panegyricvm Nicolai Stopii Alostensis Flandri Carmen De laudibus diuae Ioannae Aragonae ad Illustriss. & excellentiss. eius filium Marcum Antonium Columnam Marsiae Ducem inuictiss. Florence.

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00002170&pimage=00001&suchbegriff=&l=en

—  TROIANO ( Massimo Troiano) Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147. https://books.google.fr/books?id=JtNcAAAAcAAJ&pg=RA1-PT18&dq=stopio+nicolo&hl=fr&sa=X&ei=67VAVbD_Fcfiaor6gLgB&ved=0CE4Q6AEwBw#v=onepage&q=stopio%20nicolo&f=false

— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— DIAMM, Digital Image Archive of Medieval Music : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225

— VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.

— Editions de Cipriano de Rore à la Bibliothèque Nationanle Bavaroise  :

http://www.digitale-sammlungen.de/index.html?c=autoren_index&l=de&ab=Rore%2C+Cipriano+de

A propos de Johannes  Pollet :  

 — Orlando di Lasso, Orlandi Lassi sacrae cantiones (vulgo motecta appellatae) quinque vocum ..  https://books.google.fr/books?id=2i77ZJwDIQwC&pg=PT2&dq=%22ioannes+pollet%22&hl=fr&sa=X&ei=widCVZPJOYOAU42bgcgF&ved=0CCYQ6AEwATgK#v=onepage&q=%22ioannes%20pollet%22&f=false

Pour m'initier à la musique franco-flamande :

http://classic-intro.net/introductionalamusique/Renaissance12.html

—  Profeti della Quinta, dolce risonanza, dir : Florian Wieninger

You tube : https://www.youtube.com/watch?v=uJO0NVH0D60

 

http://www.dolcerisonanza.at/cd-projekte/musica_reservata/index_fr.htm :

— The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis  Par Orlando di Lasso 

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&printsec=frontcover&dq=Lasso,+Orlando+di+-+Musica+Reservata&hl=fr&sa=X&ei=QndMVc68FYGAU7iygYAJ&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=Lasso%2C%20Orlando%20di%20-%20Musica%20Reservata&f=false

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 22:39

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au caducée: L' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) .

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Sur Joris Hoefnagel, voir dans ce blog :

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Dans un article précédent, Le Hibou au Caducée chez Joris Hoefnagel, je présentais

cinq peintures de Hoefnagel au Hibou et/ou au caducée:

  • Missale romanum folio 332, Deuxième Dimanche après Pâques, 39 x 28,5 cm. 1582-1590.

  • Missale romanum folio 637, Messe des Défunts, 1590

  • Schriftmusterbuch folio 20, 18 x 13,2 cm, "Hibou attaqué", 1594-1598

  • Grotesque inventaire n°1519, 17 x 13,2 cm, sans date

  • Allégorie pour l'amitié d' Abraham Ortélius, 11,7 x 16,5 cm, 1593.

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J'ai découvert un nouvel exemple, plus précoce, sur cette Allégorie aux deux Nymphes, et je l'ai étudié  dans un article séparé :

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au Caducée-pinceau dans l' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) . 

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J'étudie maintenant l'enluminure dans sa globalité.

Il s'agit de l' Allégorie aux deux Nymphes, avec les vues de Munich et de Landshut datée de 1579. Elle est conservée au Kupferstichkabinett du Staatliche Museen de Berlin, sous le n° d'inventaire KdZ 4804 , et sous le titre de Ansicht von München und Landshut in reicher allegorischer Umrahmung .

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On peut l'examiner en ligne sur le site de NKD :

https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

Mais Théa Vignau-Wilberg en a donné une reproduction de bonne qualité dans son livre de 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, et c'est la photographie de ce document que j'exploite ici.

Je suis aussi redevable des 455 pages de texte de cet ouvrage dans lequel j'ai largement puisé.

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Je la décrirai en trois registres, le registre supérieur où s'affiche la Vue de Munich ; le registre médian principal avec la scène allégorique encadrée de bordures emblématiques ; et le registre inférieur avec la Vue de Landshut. Je présenterai ensuite, en guise de fiches documentaires, la cour ducale de la Maison de Wittelsbach, et les données historiques, celles concernant les partitions de musique, etc.... Joris Hoefnagel a peint cette miniature pour le cabinet d'art (Kunstkammer) du duc de Bavière Albert V, mais celui-ci décéda le 24 octobre 1579. 


 

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

                                        DESCRIPTION.

Aquarelle et gouache sur vélin  de 235 x 180 mm (423 cm2) ; feuille d'or, ligne d'encadrement noire. 

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I. REGISTRE SUPERIEUR : Vue de Munich.

   Le cadre. La vue de Munich apparaît dans un cadre certes formé de branches mortes, mais dont l'examen révèle la complexité. Tout en donnant l'illusion d'un encadrement  vraisemblable, il est irréaliste puisque les branches traversent, en haut, les volutes d'un élément de bois ou de métal doré tandis qu'elles se métamorphosent, de chaque coté, en une chimère . En bas, elles se terminent autour de la couronne ducale.

La vue de Munich permet de voir l'Isar au premier plan, traversée à gauche par un pont : c'est grâce à ce pont et au commerce du sel, que la ville doit son développement. Parmi les nombreux clochers, on reconnaît facilement les deux tours de la Frauenkirche, la cathédrale ; les autres sont identifiables grâce à la légende de la gravure du Civitates, qui en a été tirée. 

Blasons et devises.

Le panorama de la ville est encadré à gauche par le blason de la Maison des Wittelsbach fuselées en bande d'azur et d'argent. A proximité, dans l'entrecroisement en trophée d'une lance et d'une croix, un cartouche montre un lion allongé près d'un agneau avec les mots "parcere suiectis". A ce décor répond, du coté droit, les armoiries de Munich sous la forme d'un moine  en robe noire et chaussures rouges tenant un livre dans sa main gauche et bénissant de la main droite : au IXe siècle, le village de « Munichen » (bei munichen,"chez les moines" en vieil-allemand) a vu  le jour  près d'une abbaye bénédictine du VIIIe siècle. Le médaillon contient voisin une représentation d' Hercule terrassant le lion de Némée, et porte les mots et debellare superbos. Il est placé au sein d'un trophée inspiré des cartouches de Hans Floris avec un casque de style grotesque, des armes enrubannées et autres accessoires. Les Wittesbach considéraient descendants d'Hercule ; le "lion couché"  est une de leurs figures emblématiques.

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a) Portrait (de fiançaille) du duc Albert V  à 17 ans par Hans Mielich. Au deuxième collier est suspendu un lion couché, le "liegenden Löwen". 

http://www.hdbg.de/portraitgalerie/gemaelde-4301-zoom.php

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b) Portrait d'Albert V en 1555 par Hans Mielich. Un lion couché ou  "liegenden Löwen" est représenté derrière lui.

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c) armoiries des Wittesbach

http://de.wikipedia.org/wiki/Wittelsbach

 

 

     

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d) Les armes des Wittesbach par Hoefnagel  au dessus de la gravure représentant Landshut dans le Civitates Orbis Terrarum volume III : 

 

e) Le blason de Munich  :  http://de.wikipedia.org/wiki/M%C3%BCnchen

 

En réunissant les deux inscriptions, on obtient  une citation de  l'Enéide de Virgile (VI, 853) Parcere subjectis et debellare superbos "Protéger les faibles et frapper les arrogants" (ou "pardonner aux vaincus et dompter les rebelles"), qui  était l'une des devises du duc Albrecht V. Cette devise était parfois illustrée par  "Un lion embrassant une brebis et un autre lion dompté par son maître", ce qui permet de comprendre le cartouche de gauche, et le lien avec l'emblème du lion couché..

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Joris Hoefnagel, Vue de Munich, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Vue de Munich, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 

 

II. REGISTRE MEDIAN.

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1. Le dais couronné.

La couronne ducale, frappée d'hermines, vient coiffer un dais ou pavillon dont le bandeau noir porte en lettre majuscules or les mots TV DECVS OMNE TVIS

En 1551, Claude Parradin avait publié dans ses Devises héroïques (Lyon, Jean de Tournes er Guillaume Gazeau) cette citation Tu decus omne tuis.  La  figure montrait une main tenant une langue arrachée. Dans l'édition de 1557, et un épigramme l'accompagnait, faisant allusion   à un geste héroïque de Lysimaque arrachant la langue d'un lion qui l'attaquait, avant de l'étrangler. L'édition de 1621 l'accompagnait de la traduction "Tu es l'honneur des tiens", et d'une allusion à Hercules dans sa victoire du lion de Némée. Une édition est parue à Anvers en 1583. 

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http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/facsimile.php?id=sm816_p149

 

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La présence de cette devise est logique ici, puisque elle glorifie le courage du  duc Albert V tout en faisant référence au lion de Némée et à la devise précédente.

Néanmoins,  il s'agit initialement d'une citation de la cinquième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 34 (site Philippe Remacle, trad. Nisard) :

instituit; Daphnis thiasos inducere Bacchi, 

et foliis lentas intexere mollibus hastas. 
Vitis ut arboribus decori est, ut uitibus uuae, 
ut gregibus tauri, segetes ut pinguibus aruis, 
tu decus omne tuis. Postquam te fata tulerunt, 

[5,35] ipsa Pales agros atque ipse reliquit Apollo. 
Grandia saepe quibus mandauimus hordea sulcis, 
infelix lolium et steriles nascuntur auenae; 
pro molli uiola, pro purpureo narcisso 
carduos et spinis surgit paliurus acutis.

"Daphnis qui nous apprit à conduire les choeurs de Bacchus, à enlacer de pampres gracieux de souples baguettes. Comme la vigne est la parure des arbres, les raisins de la vigne; comme le taureau est l'orgueil du troupeau, les moissons l'ornement des grasses campagnes; de même, ô Daphnis, tu l'étais de nos bergeries. Depuis que les destins t'ont enlevé,  Palès elle-même, Apollon aussi a quitté nos champs. Souvent dans ces sillons à qui nous avions confié des grains superbes, il ne croît plus que la triste ivraie et toutes les herbes stériles; à la place de la douce violette, du narcisse pourpré, s'élèvent le chardon, et la ronce aux épines aiguës. "

on trouve aussi les traductions "Vous fûtes la gloire de nos hameaux", ou "Tu fus la gloire des tiens" (Charpentier, 1859).

Toutes ces traductions emploient le passé simple, car, dans ce dialogue , Menalque et Mopsus déplorent la mort du berger Daphnis et en chantent l'éloge. Le texte est précédé par

 

 

"Une mort cruelle avait ravi Daphnis à la lumière; les nymphes le pleuraient: coudriers, claires ondes, vous fûtes témoins de leur douleur, lorsque, tenant embrassé le misérable corps de son fils, une mère désolée accusait la rigueur et des dieux et des astres. Dans ces jours, ô Daphnis, aucun berger ne mena ses boeufs, au sortir des pâtis, se désaltérer dans les fraîches rivières; ses troupeaux ne goutèrent même pas de l'eau des fleuves, ne touchèrent pas à l'herbe des prés. Les lions mêmes de la Libye, ô Daphnis, ont gémi de ta mort; les sauvages monts, les forêts nous le redisent encore. C'est Daphnis qui nous apprit à atteler au char les tigres d'Arménie;

et il est suivi par : 

"Jonchez la terre de feuillage, bergers; couvrez ces fontaines d'ombrages entrelacés: Daphnis veut qu'on lui rende ces honneurs. Élevez-lui un tombeau, et gravez-y ces vers: "Je suis ce Daphnis connu dans les forêts et jusques aux astres, berger d'un beau troupeau, moins beau que le berger." 

Il est donc possible que l'enluminure ait été réalisée lors, ou juste après le décès du duc Albert en octobre 1579, et que les mots Tu Decus Omne Tuis   soient un éloge funèbre "Tu fus la gloire de ton duché". Cela, bien entendu, changerait la lecture du reste de la peinture.

Ce bandeau noir est prolongé vers le bas par des draperies largement cloutées, décorées de deux aigles noirs bicéphales et des couleurs rouge et blanche des Habsbourg et donc du Saint-Empire Germanique (L'empereur est alors Rodolphe II).

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2. La scène centrale.

Dans un jardin clos (évoquant immédiatement le locus amoenus antique et ses avatars médiévaux) deux femmes aux amples vêtements tiennent des vases remplis de lys. L'une, de face, regarde le spectateur, tandis que l'autre, vue de 3/4 arrière, tourne dans une vrille son bassin vers la droite puis ses épaules et son visage vers la gauche pour se présenter en faux profil. Elles sont séparées par le tronc tortueux d'un laurier, symbole de la gloire, dont les branches sommitales supportent la lettre majuscule A qui rend hommage au nom du duc Albert V (Albrecht), voire, en même temps, à son épouse Anna. 

En arrière plan, le jardin est fermé par des claies. Il est divisé en parterres carrés délimités par des lignes de buis nains taillés, chaque carré, que l'on nommait "carreau" étant planté selon un dessin géométrique différent et centré par un  vase portant des fleurs. 

Ce type de jardin  apparu en Italie (villa de Poggio Reale), a été importé en France au début du XVIe siècle à Amboise, Blois et Gaillon par Charles VIII et Louis XII, et Jacques Androuet du Cerceau en a relevé les plans dans son Plus excellents bastiments de France en 1576-1579. Le jardin médiéval et ses quatre carrés centrés par une fontaine et plantés de simples à visée thérapeutique ou d'assaisonnement devient un espace de représentation dont les motifs ornementaux sont admirés d'un point de vue plus élevé, dans le cadre d'une promenade. C'est un décor de théâtre pour les festivités qu'on y donne. C'est aussi — surtout depuis l'entrée des bulbes exotiques, les tulipes et jacinthes — un cabinet de curiosité à ciel ouvert où le prince collectionneur de plantes rares les propose à l'admiration dans ce qui correspondrait à des armoires, des "chambrettes" et "lieux de réserve" . 

A la fin du XVIe siècle ont été inventés les "parterres à carreaux rompus" ou "parterres allemands" décrits dans le Thresor des parterres de l'univers  Genève,1629, par Daniel Loris, médecin au service des ducs de Wurtemberg.

Dans la résidence ducale de Trausnitz, Guillaume V en même temps qu'il faisait construire une aile italienne, fit agrandir en 1580 les jardins équipées de fontaines, ajouta des vergers, des cascades,  installa une volière, fit venir des animaux sauvages en liberté, etc... (B. Susan Maxwell page 99).

Mais la miniature date de 1579, elle célèbre Albert V, et il nous reste à comprendre quel est son sens allégorique. 

Les deux nymphes semblent copiées de quelque modèle antique ou de la Renaissance italienne, car les deux poses ne semblent pas harmonisées, comme si elles résultaient de la juxtaposition de deux croquis indépendants, collectés par Hoefnagel lors de ses voyages ou trouvés dans des ouvrages. L'une des femmes est pied-nus, l'autre est chaussée de sandales légères, et toutes les deux  ont le pied gauche en arrière, talon soulevé. Elles sont saisies lors de la marche ou de la danse. Comment ne pas évoquer la fameuse et chère Gradiva, héroïne de la nouvelle de  Wilhem Jensen (1903) ?  Comment ne pas entendre dans sa mémoire les lignes suivantes :

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" Cette sculpture représentait, au tiers de sa grandeur nature, une femme encore jeune en train de marcher. Visiblement, elle avait dépassé le stade de l’adolescence, mais ce n’était pas encore une adulte: c’était une vierge romaine d’environ vingt ans. Elle ne rappelait en rien les bas-reliefs si nombreux de Vénus, de Diane ou de toute autre déesse de l’Olympe, pas davantage ceux de Psyché ou d’une nymphe. [...] . Ce n’était pas par la beauté de ses formes que la jeune femme retenait l’attention , mais bien par quelque chose que l’on ne voit pas souvent dans les statues antiques, j’entends cette grâce naturelle et simple de la jeune fille qui, semblait-il, lui insufflait la vie. Sans doute cette impression provenait-elle surtout de l’attitude dans laquelle l’artiste l’avait représentée: la tête légèrement penchée en avant, la main gauche relevant un peu la robe extraordinairement plissée qui lui couvrait le corps de la nuque aux chevilles, ce qui laissait apparaître des pieds chaussés de sandales. Le gauche était en avant et le droit, prêt à le rejoindre, ne touchait à peine le sol que de la pointe des orteils, tandis que la plante et le talon se dressaient presque à la verticale. Ce mouvement évoquait l’agilité en même temps que la légèreté de la démarche chez cette jeune femme en mouvement, mais aussi une tranquille confiance en soi. Et c’est cette légèreté d’oiseau, associée à la fermeté de l’attitude, qui lui conférait cette grâce toute particulière."

 

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On sait que Gradiva correspond à la danseuse antérieure du  bas-relief des Aglaurides, conservé au musée Chiaramonti à Rome. La belle jeune-femme qui a fait fantasmé Freud et ses cohortes d'émules autant que les vrais amateurs de littérature porte la chiton descendant aux chevilles, sans ceinture ; le "drapé mouillé" y est plus pudique que dans la statuaire du maniérisme post-classique.  Hoefnagel a-t-il, comme Jensen, été inspiré par une sculpture de l'une des danseuses athéniennes, les déesses chtoniennes Aglaure, Hersé, Pandrose, dont le nom évoque la lumière et la rosée, et qui se virent), se voient confier la garde du petit Érichthonios – le « Très Chthonien » – l'enfant né du vain désir d'Héphaistos pour Athena ?

Euripide les a décrit en train de danser sur le flanc Nord de l'Acropole, non loin du Pythion, point de départ de la voie sacrée reliant Athènes à Delphes. Sur une colonne conservée au Musée de Delphes, elles entourent un acanthe,  et elles apparaissent comme la personnification de la terre arable, l'acanthe symbolisant leur rôle dans la croissance des végétaux. Elles y sont habillées d'un chitoniskos (tunique courte) et portant un kalathos, vase à base étroite et à col généreux qui est un symbole traditionnel de fertilité. Les pieds nus, suspendues en l'air et le bras levé. 

 Certes, Hoefnagel ne s'est pas rendu en Grèce, et il n'a pu admirer la Colonne aux acanthes, de Delphes, qui a inspiré à Claude Debussy le premier de ses Préludes. 

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Nous pourrions aussi penser que l'artiste flamand s'est inspiré des ménades, ces prêtresses de Dionysos qui adoptent aussi des attitudes de danseuses au talon levé. Mais les transes des bacchanales ne correspondent pas à l'Allégorie étudiée ici.


 

 

Enfin, parmi cent autres exemples, nous pourrions évoquer plus simplement l'une des Nymphes du Printemps de Botticelli : ces nymphes seraient alors les Hespérides gardant le mythique jardin aux fruits d'or.

 

Sandro Botticelli, Primavera (détail) 1478-1482. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Printemps_%28Botticelli%29

Sandro Botticelli, Primavera (détail) 1478-1482. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Printemps_%28Botticelli%29

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Dans la peinture de Hoefnagel, les femmes portent une tunique courte sur un chiton ou une robe descendant aux chevilles, et serrée au dessus de la taille par une ceinture. Les bras ou avant-bras sont nus, l'étoffe légère et flottante, aux motifs floraux, étant fixée par une broche au dessus de l'épaule, ou maintenue par un bandeau au niveau du bras. L'une des femmes porte un bandeau dans les cheveux.  Le vase qu'elle portent a la forme d'une corne d'abondance (cornucopia), et contient des lys martagon.

 Revenons en arrière, allons par sauts et gambades : on va toujours trop vite pour admirer les œuvres d'art. Il faudrait, comme Daniel Arrasse,  se faire enfermer dans un musée  en tête à tête avec la peinture, et en laisser  les ferments agir. Ou bien, comme ces amateurs de bordeaux ou de vin de Champagne, se réunir à quelques philomusis pour partager les émois de notre dégustation. Ainsi, je ne peux quitter cette nymphe qui soulève chorégraphiquement le talon sans évoquer les termes par lesquels Jensen décrit la démarche de Gradiva : lente festinans.

 

Cet oxymore se fâne lorsqu'on le traduit. Il perd de son bouquet lorsqu'on l'inverse en la forme plus fréquente mais impérative, et donc sêche, du Festina lente, "Hâte-toi lentement" de l'Adage d'Érasme, de la devise d'Alde Manuce accompagné de l'ancre au dauphin, ou de cet autre emblème au crabe tenant un papillon. Lente festinans est plus suave, il dit les hanches qui se balancent, le mollet qui se tend et l'allure du voilier dans la houle. J'entends ma mémoire qui chante la Passante de Baudelaire : définition exacte de lente festinans

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

 

Festinans est le participe présent du verbe festino, "se hâter" ; cette forme en -ans crée une rime sonore interne avec lente et confère à l'expression une coloration  d'arantium, celle-là même que Proust avait choisi pour le nom de Madame de Guermantes : " la lumière orangée qui émane de cette syllabe "antes"(Du côté de chez Swann - Combray - page 284).. Je le vois se presser vers la fête comme un feston orange, goûtant en gourmand l'impatience latente.

Joris Hoefnagel, Nymphes aux lys, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Nymphes aux lys, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Les deux nymphes dans le jardin.

Joris Hoefnagel, Les deux nymphes dans le jardin.

En conclusion provisoire, l'examen de cette scène centrale nous permet de décrire deux personnages féminins porteuses de cornes d'abondance remplies de lys, dont la tenue évoque celles des femmes de l'antiquité grecque, dont le pied gauche soulevé avec vivacité évoque le mouvement de marcheuses (Gradiva = "celle qui marche"), peut-être lors d'une procession, ou de danseuses (Aglaurides, Ménades ou Hespérides), alors que le jardin clos, de style Renaissance tardive est la représentation idéale du locus amoenus proche de l'Eden chrétien ou du Jardin des Hespérides antiques, non sans rappeler pour l'humaniste le souvenir du Banquet religieux d'Erasme, et non sans introduire les notions de mise en ordre soigneuse et agencée de la Nature par l'Homme. Dans tous les cas, la symbolique principale est celle de la fécondité et de l'Âge d'or, la symbolique secondaire est celle de la Grâce ou de la Beauté, et la troisième celle de l'Ordre comme facteur d'équilibre. J'oubliais l'olivier pourtant central, symbole de Paix. Tout pourrait se résumer dans le mot grec de κόσμος  kósmos, « le monde ordonné » , décrit par Platon dans le Gorgias comme l'état où "le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice". Un aspect féminin florissant et dansant du kósmos .

 

Mais la clef de l'allégorie nous attend au registre inférieur.

 

 

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3. La bordure de gauche.

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Ce hibou emblématique tenant un caducée formé d'un pinceau, et  posé sur le casque de Minerve, est entourée de deux palettes de peintre. C'est donc le peintre lui-même qui s'approprie, pour lui-même ou pour sa discipline, l'emblème. Le hibou est entouré d'une couronne d'olivier, tandis qu'un serpent au corps entortillé au dessus de lui le menace, vainement, de sa gueule sifflante, et qu'un oiseau huppé au bec crochu l'attaque du coté gauche. Nous avons donc ici réuni les éléments qui réapparaitront dans les occurences iconographiques suivantes et qui font de cet animal l'expression de la volonté de paix, confronté sans cesse aux agressions de l'ignorance et du Mal, et mettant avec une persévérance obstinée au service de la paix les talents de son art. 

Ce hibou au caducée surmonte un blason divisé en quatre quartiers par deux équerres et une règle. les quartiers sont occupés par un canif-grattoir, un pinceau, deux burins et un maillet. Soit les outils du peintre, du dessinateur, du graveur, et de l'architecte ou, plus surement, du géographe-topographe. Hoefnagel associe-t-il ici tous les artistes des arts décoratifs, ou bien décline-t-il les différentes fonctions de peintre, de graveur, et de chorographe qu'il a exercé, notamment à coté du géographe Ortélius ?

Ce blason est entouré, en guise de collier de la Toison d'Or, des lettres du mot VIRTUS auxquelles est suspendu un vase embrasé ou pot-à-feu, symbole d'enthousiasme et de charité, lui-aussi transpercé par un pinceau. Ce pot-à feu est, à la fois, un cœur enflammé.

Plus bas, deux cornucopia débordent de fruits.

Voir l'interprétation de cet emblème dans l'article qui lui est consacré. Précisons seulement que Hoefnagel s'est inspiré du motif emblématique de l'Hermathena (union de Minerve et d'Hermés) créé par Nicolas Stopio, agent d'Albert V à Venise pour approvisionner son Antikarium d'objets d'arts en vente en Italie, mais aussi poète versé dans les épigrammes encomiastiques : nous retrouverons ce flamand aux talents multiples au chapitre "musique". Hoefnagel a su transformer la figure un peu pompeuse de l'Hermathena en celle, familière, d'un Hibou peintre aux traits plus humains que les divinités antiques.

Ajoutons –encore!– que le caducée est l'attribut des Légats (ou Ambassadeurs)

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Le caducée, attribut de la Paix ?

Le caducée a perdu de sa force expressive depuis qu'il désigne un macaron de pare-brise, une marque d'appartenance ou de reconnaissance professionnelle des médecins (il  n'y a alors qu'un seul serpent autour du bâton d'Asclepios) ou des pharmaciens, voire, de nos jours, des infirmières et des aides soignantes, des coiffeuses et, plus généralement, de tous les travailleurs à domicile. 

Mais le véritable caducée, à deux serpents, "tient son nom du latin caduceus (« caducée, baguette du héraut »), lui-même emprunté anciennement au dorien καρύκιον, karukion, de même sens, qui fait κηρύκειον, kêrukeion en grec attique,"  (Wiktionnaire) : ce nom est dérivé de κῆρυξ, kērux (« héraut ») apparenté à κηρύσσω, kērussō (« annoncer »). Il n'en faut pas plus pour penser que Hoefnagel, en transformant son pinceau en  caducée, c'est se donner comme but de faire une peinture "kérygmatique", vouée à "proclamer à haute voix" (c'est le sens du grec ancien κήρυγμα / kérugma), et d'annoncer tel un héraut (grec κῆρυξ / kêrux, le « héraut »)  la profession de foi fondamentale des humanistes. 

Le caducée fut, chez les Grecs, la marque distinctive des ambassadeurs et des hérauts. Les premiers apparaissent chez Homère  : ils se nomment Eurybates et Talthybius et Agamemnon les envoient voir Achille et lui réclamer la restitution de la belle esclave Briseis. Uniques détenteurs de l'inviolabilité diplomatique, symbolisée par leur kerykeion, les hérauts sont appelés à remplir les fonctions d'émissaires en période d'hostilités : à ce titre ils sont préposés à déclarer la guerre et, en cas de défaite, à demander au vainqueur une trêve pour relever les mortsPar extension de son association avec  Hermès, le caducée est aussi un symbole reconnu du commerce et de la négociation, deux domaines dans lesquels échange équilibré et la réciprocité sont reconnus comme des valeurs essentielles.

Quand aux deux serpents, certains les considèrent comme provenant de l'image d'un dieu à l'ère pré-anthropomorphique.

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Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

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4. La bordure de droite.

Cette bordure est construite en symétrie de celle de droite, et l'appareil d'arcatures, de volutes et de faux encadrement est le même. C'est un sablier qui est suspendu au portique supérieur, alors que quatre oiseaux (passereaux) se sont posés dans des branchages pour y chanter. 

Plus bas, vient une tête animale (ours ? lion ?) entourée de deux ailes, puis une lyre à neuf cordes (la lyre est l'instrument d'Apollon, qui commande aux neuf Muses), puis un médaillon enrubanné décoré d'un cygne (cf. le "chant du cygne"), et enfin un vase rempli de fleurs.

On comprend que, si le coté gauche était celui des arts visuels, le coté droit est celui de la musique et du chant. C'est pourquoi la lyre est entourée d'une couronne de fleurs où s'enroulent des partitions de musique. On y lit les noms d' "ORLANDO LASSVS " et de "CIPRIANO [da] RORE"

Cyprien de Rore et Roland de Lassus sont deux compositeurs franco-flamands, célèbres pour leurs madrigaux et motets. Je fais ici une salade niçoise des articles Wikipédia :

— L'aîné est Cyprien de Rore.

 

Il est né à Ronse, une ville flamande de l'ouest de Bruxelles en 1515 ou en 1516  et  mort à Parme, en 1565. Installé en Italie ( Brescia, Venise) , il entre au service du duc Hercule II d'Este à la cour de Ferrare comme maître des chœurs. Il compose de nombreuses œuvres non seulement pour la famille d'Este , mais aussi pour les classes supérieures religieuses et laïques de l'Europe. En Mars 1558 Rore est rendu en  Flandre en passant par  Munich. Il fut très apprécié à la cour du duc  Albrecht V comme en témoigne de nombreuses miniatures du peintre de la cour Hans Mielich, mais n'y travailla jamais comme musicien de cour . Quand Hercule meurt en 1559, Cyprien de Rore travaille au service de Marguerite de Parme à Bruxelles et de son mari, le duc de Parme Ottavio Farnese. En 1562, il est choisi comme maître des chœurs à Saint-Marc de Venise, mais démissionne en 1564 et retourne à Parme où il décède.

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— Roland de Lassus (ou Orlando di Lasso, Orlande de Lassus , est né à Mons en 1532 et mort à Munich le 14 juin 1594.

 Il est très vite inscrit comme « enfant de chœur », c'est-à-dire comme enfant chantant dans le chœur de l'église, et sa voix exceptionnelle attirait les convoitises, si bien qu'il fut à trois reprises l'objet de tentatives d'enlèvement. À l'âge de douze ans, il quitte les Pays- Bas avec Ferdinand Ier Gonzague et se rend à Mantoue, en Sicile, et plus tard Milan, où il reste de 1547 à 1549. Il travaille à Naples  en tant que chanteur et compositeur au début des années 1550, puis  s'installe à Rome, où il travaille pour Cosme Ier de Médicis, grand-duc de Toscane. En 1553, à Rome, il devient maître de chapelle de la basilique Saint-Jean-de-Latran.En 1555, il retourne aux Pays-Bas et ses premières œuvres sont publiées à Anvers en 1555 ou 1556.

En 1556, il rejoint la cour d'Albert V de Bavière, qui désire s'entourer de musiciens prestigieux à l'instar des cours des princes italiens. En 1558, il épouse Regina Wäckinger, la fille d'une dame d'honneur de la duchesse . En 1563, Lassus est nommé maître de chapelle à Munich. Il demeure au service d'Albert V et son héritier, Guillaume V de Bavière, jusqu'à sa mort. 

Son art fut d'emblée reconnu et Roland de Lassus était, dès le milieu du siècle, surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard, ou « Prince de la musique ». Il est annobli en 1570 par l'empereur Maximilien II, un fait rare pour un compositeur. Le pape Grégoire XIII le fit chevalier. En 1571 et en 1573, le roi Charles IX de France, grand amateur de musique, l'invita à la Chapelle royale.

À la fin des années 1570 et 1580, Roland de Lassus a effectué plusieurs voyages en Italie, où il a été en contact avec les styles et tendances les plus modernes. Dans les années 1590, sa santé commença à décliner.. Ses dernières œuvres sont souvent considérées comme majeures : le grand cycle pénitentiel de madrigaux spirituels un ensemble de 21 madrigaux spirituels  connu sous le nom Lagrime di San Pietro (« Les larmes de Saint Pierre »), , et publié à titre posthume en 1595.

Lassus est décédé à Munich le 14 juin 1594, le jour même où son employeur avait décidé de se séparer de lui pour des raisons financières.

Roland de Lassus est l'un des compositeurs les plus prolifiques, polyvalents et universels de la Renaissance tardive. Il a écrit plus de 2 000 œuvres dans tous les genres en latin, français, italien et allemand. Il s'agit notamment de 60 messes complètes, une quantité considérable de Missae breves, « Messes brèves », destinées à des services de courte durée , 530 motets ( dont sa série de 12 motets intitulé Prophetiae Sibyllarum) ; 175 madrigaux italiens et villanelle ; le grand cycle pénitentiel de madrigaux spirituels de 1594, les Lagrime di San Pietro, qu'il a dédié au pape Clément VIII ;  150 chansons françaises et 90 lieder allemands, sans oublier la mise en polyphonie des mélodies du psautier catholique de Caspar Ulenberg (1588), et sa version des Psaumes de pénitence de David (Psalmi pœnitentiales Davidis, 1584) l'une des plus célèbres de toute la Renaissance. Plusieurs de ses motets ont été composés à l'occasion de cérémonies, comme on pouvait s'y attendre de la part d'un compositeur de la cour qui avait à offrir de la musique lors des visites de dignitaires, des mariages, des traités et autres événements d'État. 

Pendant cette période de conflits religieux, Roland de Lassus est resté catholique, sur un mode pragmatique et tolérant. La Contre-Réforme catholique, qui, sous l'influence des Jésuites, avait atteint un sommet en Bavière à la fin du xvie siècle, aura une influence notable sur le travail de Lassus, dans sa musique liturgique de rite romain.

En réalité, ces partitions ne font pas allusion directement à ces deux musiciens (le premier n'appartenant nullement à la cour d'Albert V), mais à trois trésors de bibliophilie, trois manuscrits enluminés réalisés à la demande d'Albert V, d'une valeur inestimable, et qui devaient faire sa fierté. Des partitions de musique avaient été recopiées sur vélin par le chanoine Lillois Jean Pollet (scribe des Motets de Lassus dès 1562) puis enluminées en fonction du texte par Hans Mielich, prédécesseur de Hoefnagel. Le premier volume est composé d'œuvres de Cipriano de Rore, les deux autres d'œuvres de Roland de Lassus. Ce qui est honoré par Hoefnagel, c'est donc le rôle de mécène d'Albert V à la fois vis-à-vis de la musique, mais aussi à l'égard des peintres miniaturistes. Mais les paroles des pièces maîtresses de ces ouvrages sont  des poèmes épidictiques de Nicolas Stopio, agent d'Albert V à Venise, ...l'auteur de l'Hermathena qui a inspiré à Hoefnagel son Hibou au Caducée. 

L'axe horizontal passant par les deux Nymphes ne relie donc pas seulement les arts picturaux de gauche avec les arts musicaux de droite, en hommage au mécénat ducal, mais crée un riche réseau de référence et d'hommage aux artistes qui, tous, sont d'origine flamande (Cipriano de Rore, Rolland de Lassus, Ioannes Pollet, Nicolas Stopio, Hans Mielich et Joris Hoefangel).

 


 

 

 

Joris Hoefnagel, les oiseaux chanteurs, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, les oiseaux chanteurs, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Lyre et guirlande aux partitions, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Lyre et guirlande aux partitions, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 

III. REGISTRE INFÉRIEUR.

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1. La clef de l'Allégorie.

Un phylactère est déroulé en dessous de la scène allégorique et porte le texte suivant : ECCE TIBI LILA PLENIS FERVNT NY[M]PHAE CALATHIS.

Ce texte est vite identifiable comme tiré des vers 45 et 46 de la deuxième Eglogue de Virgile (site Philippe Remacle) : 

2,45] Huc ades, o formose puer, tibi lilia plenis
ecce ferunt Nymphae calathis
; tibi candida Nais,
pallentis uiolas et summa papauera carpens,
narcissum et florem iungit bene olentis anethi;
tum casia atque aliis intexens suauibus herbis

[2,50] mollia luteola pingit uaccinia caltha.
ipse ego cana legam tenera lanugine mala
castaneasque nuces, mea quas Amaryllis amabat;
addam cerea pruna — honos erit huic quoque pomo —
et uos, o lauri, carpam et te, proxime myrte,

[2,55] sic positae quoniam suauis miscetis odores.
Rusticus es, Corydon; nec munera curat Alexis
nec, si muneribus certes, concedat Iollas.
heu heu, quid uolui misero mihi? floribus Austrum
perditus et liquidis inmissi fontibus apros.

 

"[2,45] Viens, ô bel enfant! Voici les nymphes qui t'apportent des lis à pleines corbeilles; pour toi une blanche naïade cueillant de pâles violettes, les plus hauts pavots, et le narcisse, les joint aux fleurs odorantes de l'anet; pour toi entremêlant la case et mille autres herbes suaves, [2,50] elle peint la molle airelle des couleurs jaunes du souci. Moi-même je cueillerai les blanches pommes du coing au tendre duvet, et des châtaignes, qu'aimait mon Amaryllis: j'y joindrai la prune vermeille; elle aussi sera digne de te plaire. Et vous aussi, lauriers, myrtes si bien assortis, je vous cueillerai, [2,55] puisqu'ainsi rassemblés vous confondez vos suaves odeurs."

Placé dans le contexte , cette phrase n'exprime que les vaines tentatives d'un amant malheureux, le berger Corydon, pour attirer le jeune Alexis qui semble mépriser les charmes de la vie champêtre en sa compagnie. Virgile a composé cet églogue à 26 ans, en s'inspirant de la 11ème Idylle du poète grec Théocrite, le Chant du Cyclope. Dans ce Chant, le cyclope Polyphème se plaint du dédain de la nymphe marine Galathée : qu'il aimerait lui offrir le lis éclatant et le rouge pavot !.

Isolé de son contexte, elle peut servir de compliment ; ainsi, sur un forum de langues anciennes, en 2006, une jeune femme qui vient de réussir l'agrégation avec un 12 en latin sur un texte de Sallustre remercie ses interlocuteurs :

"Vos conseils sur les versions latines qui parvenaient sur ce forum morcelées et analysées dans tous les sens m'ont permis de vaincre mes démons et de réussir l'agrèg ! Alors merci à tous pour votre aide, et particulièrement à Oncle Fétide et Julia. "

Et "Julia" répond :

"Euge!* Papae !**  Merci pour la bonne nouvelle !: Vous m'illuminez ma journée ! Quelle bonne idée de nous annnoncer votre succès ! Et avec un 12 en latin : à l'agreg c'est beau ! Tibi lilia plenis ecce ferunt nymphae calathis.".. 

*Hurrah !

**" interjection qui exprime l'admiration : oh, oh ! diantre ! peste !" (Gaffiot)

Nous pouvons donc dire maintenant que Hoefnagel a peint, non les Aglaurides, non les Ménades, mais des Nymphes aux bras chargés de lys dans un cadre bucolique et virgilien. Cela ne l'empèche pas d'avoir puisé ses modèles ailleurs.

S'il s'agit d'un hommage posthume, si la miniature a été réalisé après le décès du duc Albert V, et si la citation de la Cinquième églogue doit se comprendre comme "Toi qui fus notre gloire", alors, la citation de la deuxième églogue s'adresse au défunt parvenu au Paradis et accueilli par les lys de la félicité immortelle. La scène centrale est bien alors celle d'un Eden de version antique, un Jardin des Hespérides où l'élu est accueilli par les Nymphes. Si il s'agit d'un éloge ou même d'une commande du duc déjà malade, Tu decus omnis tuis célèbre son courage et sa détermination à faire taire les lions récalcitrants, tandis que Tibi lila plenis  le comble du florilège des louanges qui lui sont dues en tant que mécène des artistes (à gauche) et protecteur des musiciens (à droite) ou comme bâtisseur et embellisseur des villes de Munich (en haut) et de Landshut (en bas).

Dans tous les cas, la citation de Virgile affirme que ces Nymphes ouvrent le cortège des Récompenses, de la moisson estivale après le labeur des semaisons,  du praemium virtutis ou Récompense de la vertu. Plus tard, Hoefnagel a conçu (comme inventor) une série de gravure pour Egide Sadeler II : OCCASIO, HERMATHENA, PRAEMIUM. A l'Occasion (la bonne fortune) succède Hermathéna (le Concept mis en application grâce au savoir-faire) puis Praemium, la rayonnante et fructifère Récompense . Elle aussi a le pied léger, elle aussi est lente festinans, elle aussi est généreuse de ses formes grâce à un effet de "tunique plaquée par le vent", une version éolienne du "chiton mouillé". Elle résulte du Mérite (c'est le sens de la devise Dat Deus omne bonum, sed non per cornua taurum ).

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http://www.harvardartmuseums.org/art/241925

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2. Les Naturalia.

Hoefnagel a consacré ce registre inférieur aux insectes, d'une part, et aux animaux exotiques d'autre part. Il s'agit sans-doute là encore d'un éloge des collections de Naturalia et des Curiositas du Kunstkammer du duc. On sait qu'Albert V avait fondé en 1565 l'un des plus importants cabinets d'art d'Europe à Munich, et que ses collections de quelques 6000 pièces égalait les collections du Château d'Ambras à Innsbruck et celles de l'Electeur de Saxe à Dresde. Albert V puis Guillaume V constituèrent un trésor similaire à Landshut, rassemblant des objets d'art, des articles exotiques et des curiosités insolites dans la Jeune Chambre d'Art du chateau de Trausnitz. Lorsqu'il succéda à son père et qu'il quitta Landshut, Guillaume V l'emporta avec lui à Munich. Le musée de Trausnitz en a reconstitué quelques vitrines. 

Dans le texte de présentation de la Vue de Munich du Civitates, Georg Braun signale que  "en la vieille cour du duc sont nourris  tigres, lions, lynx, et pour le présent douze lions, dont les femelles font souvent des lionceaux"

Lorsque Hoefnagel s'interessa à l'histoire naturelle et fit des insectes l'un des sujets principaux de ses enluminures, il put donc tirer profit des naturalia rassemblés à Munich et à Trausnitz, ainsi qu'à Ambras auprès de l'archiduc Ferdinand de Tyrol.

http://www.burg-trausnitz.de/englisch/kunst/index.htm

  

 

 

  

 

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Hoefnagel rassemble donc dans la partie inférieure de son enluminure des animaux : de gauche à droite un singe, une mouche, un agrion (Zygoptera), un criquet (Caelifera, Orthoptera), une chenille "hérisonne" (Arctidae ?, Lepidoptera), deux papillons, une libellule (Libellulidae, Anisoptera, Odonata) et un perroquet. 

 

Le papillon le plus haut est très proche du Machaon représenté par Aldrovandi page 237 de son livre De Insectis.

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Aldrovandi, Insectis pl. I fig. 5 et 6 : futur papilio machaon L.

Aldrovandi, Insectis pl. I fig. 5 et 6 : futur papilio machaon L.

Joris Hoefnagel, insectes et perroquet, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, insectes et perroquet, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

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3. La Vue de Landshut, et l'inscription-signature.

 

a) La vue paysagère : la chasse au cerf.

Basée sur un dessin préparatoire qui sera décrit plus bas, elle est complétée par une scène de chasse qui se déroule sur la colline de Klausenberg : à droite, un cavalier sur un cheval blanc porte un court manteau rouge à col de fourrure. Supposons qu'il s'agit du duc Albert V. Il est rejoint par un autre chasseur vêtu de rouge, coiffé d'un chapeau à plume, qui porte des gants semblables à ceux d'un fauconnier ; il monte un cheval à robe sombre. Est-ce le prince Guillaume ? Ce n'est pas une chasse au gibier de plume, mais une chasse au cerf, et ce dernier, poursuivi sur ces pentes, a trouvé son passage barré par des baches blanches tenues par des piquets. Il s'enfuit donc vers le bas, vers les rives de l'Isar, et sera donc plus vulnérable . Malgré la petite taille du détail, on distingue ses bois imposants qui font honneur aux chasseurs.

 

 

b) la signature.

Le bord inférieur porte l'inscription  Inventio opusque Georgii Hoefnaglii natura magistra. Monaci A[nno] 1579 .

Soit "Création et œuvre de Joris Hoefnagel, natura magistra. Munich, année 1579".

 

On remarque d'une part que Hoefnagel revendique son statut d'inventor : son œuvre n'est pas une illustration, mais une véritable composition picturale mais aussi intellectuelle voire littéraire. Il crée par association de multiples éléments poétiques, iconographiques et emblématiques un produit original qui ne peut se résumer à une "peinture". C'est une fiction narrative, qui élabore un discours sur le monde et sur l'art et qui le donne à voir dans un appareil optique très singulier, où les éléments artificiels (cartouches, draperies, rubans, banderoles, portiques, tringles et anneaux, supports de laiton) forment la scène théâtrale où les éléments naturels (paysages et animaux) sont convoqués. Hoefnagel reprendra ce qualificatif d'inventor dans le Missale Romanum en se présentant comme inventor hieroglyphicue et allegoricus. Deuxièmement, il reprend la devise qu'il avait adopté dans sa Vue de Séville de 1573, Natura sola magistra, en l'abrégeant en Natura magistra, "La Nature comme Maître". Ce qui, pour un tel maître de l'artifice et de la mise en scène intellectuelle, ne peut être compris que comme une déclaration d'indépendance (dans la miniature du Forum Vulcani de 1578, il s'affirmant comme autodidactos) mais aussi comme un idéal d'imitation-recréation du Cosmos, soucieux d'enfermer dans le microcosme de ses miniatures les vérités du macrocosme.

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Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

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DISCUSSION ET DOCUMENTATION.

Une miniature de Joris Hoefnagel est, sur une surface inférieure à celle d'un format A4, d'une richesse inépuisable. C'est tout à la  fois un document chorographique (vues de villes) ; littéraire ou poétique (citations de Virgile) ; emblématique (devises, armoiries et emblèmes) ; historique ; autobiographique ou autofictionnel (signature, emblèmes, autocitations d'œuvres précédentes ou futures) ; etc. 

 

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I. LES DOCUMENTS CHOROGRAPHIQUES; le Mécénat des ducs de Bavière.

1. La vue de Munich.

La Vue dessinée par Hoefnagel a servi de modèle à la gravure publiée en 1588 dans le volume IV du  Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg,  planche 43 : 

http://historic-cities.huji.ac.il/germany/munchen/maps/braun_hogenberg_IV_43_b.jpg 

(Le Civitates avait donné dans son Volume I une première gravure de Munich : http://historic-cities.huji.ac.il/germany/munchen/maps/braun_hogenberg_I_40_1_b.jpg  ).

Elle est accompagné d'un texte descriptif de Georg Braun :

"[...] Le nouveau jardin du Duc auprès du château neuf, outre la fontaine faite de grand artifice, et la maison d'este ornée de très belles peintures et statues, a cela de singulier plaisir (car à peine le trouvera-t-on en un autre lieu) que quand le jour commence à faillir, une grande troupe de cerfs, à la fois de cent ou d'avantage, se vint présenter d'elle-même presque sous les fenêtres , desquelles on peut tirer ou avec l'arc, ou à coups d'arquebuse, celui qui plus vient à gré entre tous."

"[…] On bâtit encore un autre édifice auprès le jardin de dedans, orné de toutes sortes de gentillesses, rares et exquises, afin d'apporter au château neuf une plus grande splendeur, et commodité : joignant lequel il y a une librairie garnie d'environ onze mille livres, (desquels une grande partie est écrite à la main en diverses langues) reliés chacun à part fort gentiment et distincte par un théâtre très ample et plaisant. Au dessous de ce théâtre est la place aux statues, enrichie de monuments et images très anciennes, qu'on a fait venir de Rome et d'autres lieux avec fort grandes dépenses. Au château s'étend une salle (mais obliquement et par un détour rond) garnie de toutes sortes de délices et gentillesses, principalement celles auxquelles la nature ou l'art et esprit des hommes a mis une telle subtilité qu'elle a fait s'étonner les regardants, et semble quasi miraculeuse. A chaque fois que quelqu'un entre en cette salLe, fut-il le plus curieux homme du monde, toujours il y trouvera quelque chose de nouveau, qui le fera s'émerveiller, si grande est la variété des choses qui s'y présentent pour être regardées. En la vieille cour du Duc sont nourris de tigres, lions, lynx, et pour le présent douze lions, dont les femelles font souvent des lionceaux. 

En français page 105 partie 3 : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1

On y trouve dans la légende le nom des clochers entourant la cathédrale  : Q : Heiliger Geist und Spital

R : St Peter Pfarkirchen S : Räts Thurn T : Scön Thurn Y Unser Frawen Pfarkirch.

La gravure de 1588 est accompagnée d'un poème de 24 vers (icositetrastichon) d'Anselme Stöckel ou Stoeckel, (Anselmo Stoeckelio tyrolensis ; Anselmus Stöcklius), chevalier de l'Ordre constantinien de Saint-Georges. Celui-ci, daté de 1586, s'achève par Effigravit eam Solers Hoefnaglius , unde urbis adaugescit gloria, nomen, honor.

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http://nemzetikonyvtar.blog.hu/2011/06/09/europa_szinpadan_nemetorszag

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La "Münchner Residentz", Résidence de Munich.

En 1580, Munich abritait 20 000 habitants et était l'une des plus villes les plus peuplées d'Europe. Les peintres et artistes qui l'embellirent étaient  employés à la cour ducale. Dans le cas contraire, ils devaient être admis à la Guilde réunissant les peintres, sculpteurs,et  brodeurs sur soie, soumis au respect de la tradition et des usages locaux, et à l'obligation de posséder un logement et de payer des impôts comme bourgeois. Même comme artiste de cour, les statuts étaient différents, et un artiste comme Roland de Lassus ou Fredéric Sustris percevaient de grosses rétributions, en l'échange de commandes exigentes, alors que Hoefnagel ne bénéficiait que d'un salaire minimal, mais disposait de la liberté de travailler à la commission pour des commandes du duc ou d'autres patrons privés.

Dès 1385, à l'emplacement de la résidence actuelle, se trouvait le Neuveste, château ducal gothique, qui devint le vieux château. Le duc Albert V fit construire son Cabinet d'art « Kunstkammer» par Wilhelm Egkl dans le bâtiment des écuries. Comme la place n'était pas suffisante pour abriter la vaste collection de sculptures, d'antiquité et sa bibliothèque, il fit édifier par  Simon Zwitzel et Jacopo Starda entre 1568 et 1571 l'Antiquarium, la plus grande salle Renaissance au nord des Alpes avec ses 69 mètres de long. Le duc Guillaume V a commencé à agrandir les bâtiments et à les décorer à son installation à Munich en 1579. De 1581, il érigea un palais de style italien avec son jardin privé, Neues Gartenbaues et son Schöner Garten, et la Cour de la Grotte (Grottenhof).

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Antiquarium.

Albert V était un collectionneur et amateur d'art passionné et c'est grâce à lui que Munich est devenu une ville  artistique de renom international. Son goût du luxe lui fit contracter des dettes énormes se montant à ½ millions de florins. En 1552, Albert V  commanda un inventaire des bijoux que possédait sa femme . Le manuscrit qui en résulte, toujours détenu par la Bibliothèque d'État de Bavière, le Kleinodienbuch der Duchesse Anna von Bayern, contient 110 dessins de Hans Muelich. La collection de la bibliothèque de la cour a commencé en 1558 avec l'achat de la bibliothèque complète  de l'humaniste Johann Albrecht Widmanstetter, soit plus de 800 volumes. Ce stock a été considérablement élargi en 1560 par la succession de son oncle  Ernst Albrecht puis en 1571 en achetant la bibliothèque de Hans Jakob Fugger. Le duc était aussi un collectionneur de pièces de monnaies, possédant  plus de 6000 pièces. En 1566 Albert V a acquis par Hans Jakob Fugger, une collection de sculptures antiques provenant d'un héritage. Ils ont formé la base de la collection d'antiquités. Grâce au spécialiste de l'art et antiquaire Jacopo Starda, il put acquérir la même année à Rome plus de 50 autres sculptures antiques et acheter à Venise de nombreux bustes romains. Deux ans plus tard Starda a réussi, après de longues négociations, l'achat de la collection d'antiquités du patricien vénitien Andrea Loredan  pratiquement dans son intégralité: 120 bronzes, 2480 médailles et monnaies, 91 têtes de marbre, 43 statues de marbre, 33 reliefs et 14 curiosités diverses, pour la somme de 7000 ducats; "Ils ont tous été exportés de Venise en secret la nuit dans les grands coffres". Dans le même temps, les querelles entre les héritiers de Gabriele Vendramin ont contrecarré  sa tentative d'acheter la collection la plus importante de Venise  de peintures et d'antiquités, de dessins de maîtres et de pièces de monnaie anciennes.

Outre Jacopo Strada (Mantua, 1507-Prague, 1588), le duc bénéficiait d'un autre agent d'affaire, le flamand Nicolas Stopio, ou Nicolaus Stopius, comme en témoigne les correspondances conservées en archive entre Stopio et Albert V. Stopio, surtout en lien avec Hans Fugger, ne manquait pas de critiquer Strada pour son manque de culture et son absence de scrupules.

Pour disposer cette collection, qui avait été organisée par Samuel Quickelberg, Albert V fit construire, en dehors de l'ancien chateau pour des raisons de sécurité, un nouveau bâtiment, l'Antiquarium, la plus grande salle de la Renaissance au nord des Alpes. 

De 1581 à 1600, les successeurs d'Alber V, le duc Guillaume V  et son fils Maximilien Ier, transformèrent l'Antiquarium en une salle de banquet. 

La voûte en berceau est évidée de 17 paires de fenêtres qui assurent l'éclairage. Les voûtes au-dessus des fenêtres, et les montants de fenêtres, sont décorées avec 102 vues de villes, de marchés et de palais dans ce qui était alors le duché de Bavière. Ils sont entourés par de grotesques, un type d'ornement dérivé de l'antiquité classique.  Cette décoration, associant vedute et grotesques,  fut réalisée par différents artistes comme Hans Thonauer, Alessandro Scalzi, surnommé Padovano, et Antonio Maria Viviani. 

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Plan http://www.residenz-muenchen.de/englisch/c-yards/index.htm : L'Antiquarium est le grand rectangle sous le début du mot Puderhöfchen. La Grottenhof est indiquée Grotto Court.

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Grottenhof.

Entre 1581 et 1588, Guillaume V confia à Fredéric Sustris la réalisation  d'un palais d'été rectangulaire de style italien à coté de l'Antiquarium, et dont la partie ouest était traitée en rocaille comme l'était ou le seront les grottes des villas florentines (Jardin de Boboli , Casino de la Villa Médicis). L'intérêt de Guillaume V pour la signification symbolique et ésotérique des grottes et pour la création d'un lieu associant plaisir des sens et méditation spirituelle était partagé par Cosme de Médicis, et ils échangèrent de nombreux courriers et matériaux, ce qui explique la concommitence de leurs réalisations.

Le peintre, décorateur  et architecte Fredéric Sustris (1540-1599), d'origine néerlandaise,avait appartenu, avec son père Lambert Sustris, entre 1563 et 1567, à l'équipe de Giorgio Vasari lorsque celui-ci réalisa à Florence pour François de Médicis la décoration du studiolo du Palazzo Vecchio ou créa le Corridoio Vasariano reliant le Palazzo Vecchio et le Palais Pitti (1565). Cette équipe comportait aussi Peter Candid (ou Pieter de Witte), de Bruges. Après cet apprentissage, il a été chargé de la décoration  de la maison de Hans Fugger à Venise, puis, en 1573,  il a collaboré avec divers assistants, dont Carlo Pallago , à l'installation  de la collection d'art de Hans Fugger à Augsburg . Appelé ensuite par Guillaume V à Landshut, il a  dirigé la transformation du château de Trausnitz en palace de style italien. Il est devenu, en 1579, l'architecte en chef attitré de Guillaume V à Munich pour y introduire le maniérisme. Outre la rénovation de l'Antiquarium et la création du  Grottenhof, son œuvre la plus importante à Munich fut la construction et la décoration de  l' église des Jésuites de Saint-Michel. Il a produit des dessins pour les orfèvres, tapissiers, sculpteurs, et les travailleurs de stuc et organisé une équipe de peintres pour décorer les intérieurs de palais. Il est le membre phare de l'Ecole Maniériste de l'Europe du Nord.

La Cour de la Grotte, ou Grottenhof était le jardin secret ou réservé du duc , son lieu de retraite et de méditation dans lequel il pouvait contempler un décor qui le mettait en garde contre les dangers de l'hubris, exaltation orgueilleuse ou présomption conduisant au désastre. Ainsi, il pouvait trouver des scènes de la vie d'Apollon (figure emblématique de son père) dans lesquelles Phaéton, fils d'Apollon, empruntait le char du soleil et allait à sa perte. Ou réfléchir à la scène dans laquelle les Piérides avaient impudemment prétendu dépasser les Muses par leurs chants, ce qui conduisit à leur métamorphoses en pies.. Le thème principal du plafond disait que chacun, dieu ou humain, en toute époque, était assujetti à l'Amour. Les lunettes montraient d'autres scènes tirées des Métamorphoses d'Ovide, comme celle du Livre II où Mercure tombait amoureux de la vierge Hersé, prétresse de l'Erechtheion, et était confronté à la jalousie de sa sœur Aglauros (ceci nous ramène à la danse des Aglaurides !). , Au centre du jardin, la fontaine (dessinée par Sustris et réalisée par Hubert Gerhard) était dominée par une statue de Persée brandissant la tête de la Méduse inspirée du Persée de Cellini à Florence (1554), mais où l'eau jaillissait de la gorge tranchée. Des statues, préleveées de la collection d'Albert V, s'alignaient le long des murs. La loggia est, celle de la Grotte, était ornée de stalactites de tuff, de branches de corail, de nacre, de coquilles d'escargot, d'éponges, de cristaux,  et de stuc, mais elle était aussi dotée d'une fontaine incrustée de strass et de lapis lazuli, de feldspath et de malachite, d'obsidienne et d'ambre, ou d'améthyste, sur un bassin de marbre rouge d'où émergeait le dieu Mercure. Dans une féérie, les  coquillages et les pierreries formaient  des oiseaux exotiques et des fleurs, des vases et des obélisques, ou des masques de grotesques. Si on levait les yeux, on voyait Les dieux sur le Mont Olympe

Fredéric Sustris avait comme collaborateurs les peintres Alexandro Paduano, son beau-frère, ou Antonio Maria Viani, Peter Candid et Antonio Panzano, ou les sculpteurs Carlo del Palagio (qui avait travaillé au jardin du Pratolino des Médicis en 1580) et Hubert Gerhard.

http://www.the-silk-route.co.uk/germanyMunich.htm

En 1580-1581, le duc Guillaume V fait construire le Witwenstock (« appartement de la veuve ») pour la duchesse Anne. Entre 1581 et 1586, l'architecte Friedrich Sustris dessine les jardins de la grotte. En 1590, la Salle noire fait suite à l'Antiquarium. On entame alors, toujours sous la direction de Sustris, la construction de l'aile du prince héritier, au nord du Witwenstock. Sous le duc Maximilien Ier, futur prince-électeur, on ajoutera une chapelle (1601-1603), et, entre 1611 et 1619, des chambres pour la cour impériale, la salle et l'escalier impériaux.

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2. La vue de Landshut.

 

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a) Dessin préparatoire et scène de chasse.

Le dessin préparatoire, Vue de Landshut depuis Klausenberg est conservé à Munich, Staatliche Graphische Sammlung inv. n° 1996 :17Z. C'est un dessin à la plume sur lavis brun, avec des traces de gris-bleu, mesurant 236 x 405 mm. Inscription (à la main) :  "Landshut" au dessus  ;  "Saeldental" au centre ;  "Yser fl.» en dessous. Il a été réalisé par Hoefnagel à son arrivée à la cour d'Albert V , puisque la gravure qui en est issue porte la date de 1578.


 

Landshut est représenté depuis la colline de Klausenberg, de l'autre coté de l'Isar. A droite, le château de Trausnitz, résidence du prince Guillaume avant que ce dernier ne devienne le duc Guillaume V,  domine par son donjon, la Tour Wittesbacher, la ville sur l' éperon rocheux du Hofberg. Au 15ème siècle, il a été élargi en particulier sous Georges le Rich et fortifiée avec de hauts murs d'enceinte et des tours défensives. Au pied de la colline, on voit le le hameau d' Achdorf. Un mur réunit le chateau deTrausnitz avec la porte de la ville, la Münchnertor ou Judentor. A l'arrière se dresse le clocher de l'église collégiale gothique  Saint-Martin, avec sa tour de 130 m de haut, la plus haute tour de brique du monde. À l'extrême gauche s' étend l'abbaye de moniales cisterciennes de Seligenthal. L'Isar ou Ysar est traversée par deux ponts ; comme à Munich, des radeaux de troncs d'arbre maniés à l'aviron par deux hommes descendent le cours d'eau.

Il est bien connu que le duc Albert aimait la chasse, puisqu'il a demandé à Roland de Lassus de composer des messes brèves afin de ne pas être retenu trop longtemps par une musique  de longue haleine. La plus significative de ces Missa Brevis est d'ailleurs connue sous le nom de Messe des chasseurs (Venatorum Missa).

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Vue de Landshut depuis Klausenberg, dessin à la plume, Munich (photographié in Vignau-Wilberg 2006)

Vue de Landshut depuis Klausenberg, dessin à la plume, Munich (photographié in Vignau-Wilberg 2006)

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b) La gravure du Civitates Orbis Terrarum Volume III planche 45 de 1581.

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1 page 96 et 97.

Cette gravure est précédée du texte descriptif de Georg Braun, toujours très élogieux pour les cités qu'il décrit. Après avoir signalé que cette ville "douée de nature" produit en abondance des fruits de toute sorte, du lait, beurre et fromage, du blé, et du vin "récréant les Dieux et les hommes", ou que cette région peut  à juste titre être comptés parmi les plus belles et la plus fertile dans toute l'Europe,  il décrit 

"...le palais du duc Albert, situé dans la partie basse de la ville, nommé vulgairement l'édifice nouveau, de structure très belle, et proportionné très nettement et subtilement à l'italienne, à ornement singulier de toute la ville."

Le jardin du duc.

"A laquelle donne encore plus d'ornement le jardin très plaisant naguère érigé hors des murailles d'icelle, par l'illustrissime duc Guillaume à l'invention et industrie de jardiniers français, en contemplation de la très chère compagne fille du duc de Lorraine, où se trouvent toutes sortes de fruits et d'arbres de renom, herbes, plantes, et fleurs étranges y apportées d'Italie, d'Espagne et France. Étant dit le jardin séparé et distinct en parcs , labyrinthes, et rondeaux très plaisants, ornés de toutes sortes et variétés de fleurs et de fruits. Les haies sont entrelacées d'arbrisseaux de plusieurs sortes, et vêtues de toutes fleurs comme tendues de tapisseries., et outre ce chargées de pommes, coings, néfles, et toutes sortes de fruits étranges, orné aussi plaisamment de tous cotés de peintures et statues très artificielles. Il n'y a aussi faute de toute bonne senteur et odeur, laquelle y espard partout la Camille, Basilic, Lauriers, Mirthus, Rosmarins, et toute autre sortes de fleurs, roses, et semblables herbes. Enfin l'aménité, plaisance, beauté, auxquels ajouterez l'utilité, surpasse toute foy d'oraison, récits et écrits. De sorte qu'il faut s'émerveiller, à quelle cause ledit illustrissime duc y tient la résidence avec la très chère compagne , nonobstant qu'il a en son pays de Bavière plusieurs autres villes très plaisantes. "

Le chateau de Trausnitz.

"Mais sur tout ce qui est dit, est, y donne très grande délectation ce que le dit illustrissime duc, unique honneur de notre temps, et exemple de toute vertu, et admirateur de toutes choses étranges et plaisantes, et fauteur, et entreteneur de tous bons esprits, a commencé à faire au château, qui est en lieu plus haut de la ville, faisant exorner fort magnifiquement les principales salles et chambres dudit château de peintures et statues très belles, tant anciennes, que modernes. Et ayant choisi à la récréation certain lieu, auparavant vague et de peu d'usage, aidé à ce tant de la situation très plaisante et nature du lieu, que par l'art et l'industrie de Frédéric Sustris Hollandais d'origine, mais Italien de nation, homme très ingénieux et renommé de toute sorte d'artifice, qui orne journellement le dit lieu, a grande industrie et ses merveilleuses inventions , d'apparat exquisit, et très doux murmure de fontaines coulantes à tous cotés, de gaioles, chants, et volements d'oiseaux , de statues et de nymphes, peintures de toutes sortes d'herbes, et toutes sortes de tels délices servants à oblectation et volupté. De sorte que sont grandement à priser et louer, tant l'illustrissime Prince, que l'ingénieux inventeur et ouvreur digne d'un tel Prince, Mécénat et fauteur. La description de cette ville nous a été communiquée par Georges Hoefnagel, marchand d'Anvers, lequel né aux études de la paix et non de guerre, fuyant les troubles de la Belgie, ayant perlustré* l'Italie, s'est rendu au service du pacifique Prince Albert duc de Bavière s'employant pacifiquement en l'art miniatoire, laquelle la nature seule l'a enseigné."

*Latin perlustrare, « parcourir complètement (pour reconnaître, en éclaireur) ».

 

La gravure diffère de l'esquisse, car elle est animée de quatre personnages ; l'un est allongé à coté d'une cruche (de vin). Un homme et une femme sont précédés de leur fille, tête nue mais dont la natte atteint une longueur inusitée. Les pentes de Klausenberg sont plantées de vignobles. La carte dispose d'un indice d'orientation par la mention Oriens en haut à droite.

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L'inscription du cartouche de la gravure :

ALBERTO COM : PAL : RHENI VTRISQVE BAVARIAE DVCI. VNICO NOSTRI SECVLI MVSARVM ALVMNO A DELITIIS.

DEPING. GEORGIVS HOEFNAGLE ANTVERPIAN. VIRTVTE DVCE MAGISTRA NATURA. MONACI A° M.D.LXXVIII

"Pour Albert, comte palatin du Rhin et duc des deux Bavières, notre mécène inégalé des Muses pour son plus grand plaisir. Peint par Georges Hoefnagel d'Anvers. Guidé par la vertu, la Nature est son maître . Munich, Année 1578".

 

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http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=11357

Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg volume III pl. 45

 

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Landshut.

Louis Ier de Bavière-Landshut fonda la ville de Landshut vers 1204, dominé par le chateau de Trausnitz.. Pendant 250 ans ce fut la résidence des Wittelsbach et le siège du duché de Basse-Bavière. Au XVe siècle, les Riches Ducs de Bavière-Landshut Henri, Louis et Georges jouèrent un rôle éminent dans le développement de leur ville. Après l'établissement de la règle de primogéniture en 1504 et la réunion de la Haute-Bavière et de la Basse-Bavière sous Albert IV , son fils le duc Louis X (1516-1544) s'établit à Landshut et agrandit le château de Trausnitz. Grand collectionneur, amoureux des arts et des sciences et fin diplomate, il attira des humanistes comme le chroniqueur Johannes Aventinus, ou Pierre Apian. Il abandonna le vieux château et fit construire dans la ville une nouvelle et onéreuse résidence (Stadtresidenz) , qui reçut le nom de résidence Italienne en raison de sa façade Renaissance et de sa décoration intérieure maniériste inspirée de celle du Palais du Té à Mantoue, conçue par Jules Romains pour Frédéric II de Gonzague. Après sa mort, le duc siégea à Munich et Landshut devint la résidence du prince héritier. Ainsi Albert V y demeura avec son épouse Anne d'Autriche de 1545 à 1550, et Guillaume V, qui naquit le 29 septembre 1544 au château de Trausnitz, y séjourna après son mariage avec Renée de Lorraine jusqu'au décès de son père en 1579. Il était souvent en voyage à Prague, Vienne, Graz ou Nancy, et, notamment après le déclin de son père à partir des années 1570, il passa de moins en moins de temps à Landshut et s'établit progressivement à Munich. Pourtant, il dépensa des sommes considérables à transformer de 1568 à 1579 le château médiéval en un palais à l'italienne., désigné comme "Neue anbau". Les époux Guillaume et Renée réunirent autour d'eux une équipe d'artistes, de musiciens et de comédiens et menèrent une vie luxueuse et extravagante, animée de fréquentes festivités , de spectacles théâtraux faisant appel à la Commedia dell'Arte et de concerts. Guillaume était un amoureux des arts encore plus fou que son père, et l'excès de ses dépenses était encore plus considérable. 

L'une des plus agréables expériences est de bénéficier de la visite virtuelle du château que propose le site http://www.burg-trausnitz.de/englisch/castle/index.htm.

http://www.burg-trausnitz.de/deutsch/burg/aussen.htm

L'aile italienne et ses arcades s'étend au coin nord-ouest du château. Grâce à Hans Jacob Fugger, Guillaume V fit appel aux compétences de Frédéric Sustris, qui travaillait alors à Augsburg, et lui confia la réalisation de son aile florentine, à deux étages d'arcades, et la conception des dessins qui devaient orner les murs . Le peintre était Antonio Ponzano (pour les grotesques), le sculpteur bronzier et stucateur était Carlo del Palagio. Le beau-frère de Sustris, Alessandro Paduano, vint, de Florence, le rejoindre en 1576, ainsi que Hans Donauer. Les premiers dessins pour l'Italian Anbau furent produits en été 1578, et furent exécutés en 1580.

Au rez-de-chaussée, le Hall des Chevaliers ou Rittersaal (1) , dont les fenêtres ouvraient au nord-ouest sur Landshut, a été décoré entre 1578 et 1580. Le mur montrait L'arrestation du Chambellan de la Cour  Preysing et Graf von Törring schwört vor dem herzog Georg, beim bevorstehenden Turnier kein Zaubermittel zu verwendene. On voyait aussi sur une porte de placard, dans des niches peintes, la figure de Mars avec son épée et son bouclier, à coté d'une autre porte décorée de la Victoire portant une couronne d'olivier et une palme. Puis venait Apollon et son coq avec la devise de Guillaume V,  Vincim vim Virtus, "la Vertu a vaincu la Violence", et, et Minerve, son casque et son hibou surmontant la  devise Cynoranda duce obdurandum (présente aussi dans l'Antiquarium de Munich) "Sous ma conduite il faut persister" : cette devise qui était illustrée par un navire sous voile guidée par l'étoile polaire et poussée par un vent favorable, était l'imprese de Renée de Lorraine ( comme l'indique J. Typotius dans Symbola divina et Humania, Prague, 1601-1603). On comprend donc que le duc et la duchesse sont assimilés à Apollon (patron des Muses, donc des Arts) et à Minerve (déesse de la sage Intelligence). 

Le plafond était peint  en neuf tableaux à l'huile pour illustrer les thèmes de l'Ancien et du Nouveau Testament, ou, plutôt, du thème de la Foi Juste d'une part (Vertus,Comandements,Sacrements) et de l'Eucharistie de l'autre.


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 L'extension italienne comportait au rez-de-chaussée comportait (3) un Cabinet italien au plafond en voûte à caissons peints (l'un des seuls à échapper à un incendie de 1961). . Un escalier des Fous (cf.infra) permettait d'accéder, au premier et au second étage, à des  Cabinet Italien semblables  . Au premier étage, on trouvait aussi à proximité une Chambre des Éléments, et d'autres chambres, dont les peintures durent être refaites par Franz Joseph Geiger.

 

 

Un inoubliable "Escalier des Fous" (Narrentreppe) en spirale fut peint sur des dessins de Sustris par Alessandro Paduano de scènes burlesques en trompe-l'œil, où des personnages de la Commedia dell'Arte gravissent les degrés en jouant des sérénades, ou en se livrant à des plaisanteries d'un goût douteux, dans un décor de grotesques. Zanni, le domestique du marchand vénitien  Pantalone, administre un lavement à l'âne sur lequel son maître est juché. Une femme ouvre sa fenêtre pour vider son pot de chambre sans crier gare, juste sur votre tête. Pantalone quitte la chambre d'une courtisane ; les zanni font des gestes obscènes, ou le geste delle corna. Un homme portant une lanterne et un autre armé d'un glaive sortent brusquement d'une porte et se jettent sur leur victime qu'un complice attendait à l'étage supérieur et qui dégringole l'escalier. Des prostituées entrouvrent leur porte ou guident leur client. Ces fresques étant détériorées, Le roi de Bavière Louis Ier les fit recopier par Max Hailer en 1841. Un dramatique incendie les endommagea en 1961, mais elles sont désormais restaurées. Elle permettent d' imaginer la vie de licences dans ce chateau où logeaient, outre le couple princier, leurs domestiques, les artistes et musiciens, et les comédiens.

http://www.burg-trausnitz.de/deutsch/burg/vorplatz.htm

 

 

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II.  LA MUSIQUE A MUNICH.

voir :

 

 

La partition de musique peinte par Hoefnagel avec le nom de Cipriano de Rore renvoie au manuscrit Mus. Ms. B, et, dans celui-ci, au motet Mirabar solito. Par contre, la partition portant le nom de Roland de Lassus peut être une référence à plusieurs pièces, puisqu'il était le compositeur officiel du duc. 

 Albert V avait commandé 3 livres de chœur manuscrits, copiés sur vélin par le flamand Johannes Pollet et enluminés par  Hans Mielich. Ces véritables œuvres d'art étaient considérées comme des trésors dont l'usage était réservé au duc ou qui étaient montrés aux invités de marque, mais ne furent jamais utilisés par la Hofkapelle. Il s'agit d'un recueil de motets du flamand Cipriano de Rore et de deux recueil d'œuvres sacrées de Roland de Lassus :

  •  le Manuscrit Mus. Ms. B, conservé à la Bibliothèque Nationale de Bavière à Munich. Il est complété par un volume de commentaires descriptifs rédigé par Samuel Quickelberg en 1564 (le CIM 209). Daté de 1559, il est formé de 304 pages dont 82 sont enluminées par H. Mielich. Il contient 26 motets de 4 à 8 voix de Cipriano de Rore,  

  • Le manuscrit Mus. Ms A de deux volumes (1565 et 1570)​ soit 400 pages, contenant les Psaumes pénitentiels de Roland de Lassus. 

  • Le Ms 18.744 conservé à la Librairie Autrichienne de Vienne, petit recueil de partitions parmi lesquelles le Sacrae Lectiones ex Propheta Hiob de Roland de Lassus pour 4 voix, et son Prophetiae Sibyllarum également pour 4 voix.

​Parmi les très nombreuses autres compositions de de Lassus, Hoefnagel a pu penser à celles qui ont été composées par Nicolas Stopio, notamment pour le mariage en 1568 du prince Guillaume.

Je vais envisager les références possibles de Hoefnagel :

 

a) Le Manuscrit Musica Ms. B ou Livre de chœur de Cipriano de Rore.

 

Il rassemble les partitions de Cipriano de Rore, classées en groupes par nombre de voix, et à l'intérieur des groupes, par ordre chronologique, dans un volume enluminé par Hans Mielich (1516-1573) sur commande du duc Albert V. 

.Hans Mielich a placé à la page 304 ou folio 149r que l'on trouve le superbe portrait en pleine page du musicien et ses beaux yeux bleus.

 Portrait de Cipriano de Rore par Hans Mielich, Mus. Ms. B. Bayerische Staatsbibliothek 

Source images : Bayerische Staatsbibliothek

 

 

 

 

 

La pièce musicale la plus importante peut-être de ce recueil, parce qu'elle a été composée spécialement pour le duc Albert et offert en cadeau de Nouvel-an, est le Mirabar solito, sur un poème de Nicolas Stopio, dans lequel le duc est comparé avantageusement à Apollon, le dieu qui dirige les neuf Muses, en raison du rôle de protecteur des arts d'Albert V. Hoefnagel, en peignant en bordure la partition au nom de Cipriano de Rore, renvoie donc directement au luxueux manuscrit Mus. Ms. B qui faisait la fierté du duc comme mécène du peintre Mielich et du compositeur de Rore, mais aussi à l'hommage écrit par Stopio ; c'est une façon de reprendre à son compte la comparaison du duc avec Apollon. C'est aussi un hommage à l'enluministe prédecesseur de Hoefnagel. Son importance est aussi manifestée par le fait que c'est le seul des 26 motets dont Massimo Troiano, qui décrit ce manuscrit en 1569, donne en page 41 le texte complet. Mais en réalité, Troiano donne systématiquement, et exclusivement, les textes composés par Stopio.

 

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— Mirabar solito, Cipriano de Rore, Mus. Ms. B. page 257-276.

 

 

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b) Le Mus. Ms. A de Roland de Lassus.

Hoefnagel a pu peindre la partition De Lassus à coté de celle de Cipriano de Rore pour honorer l'ensemble des manuscrits enluminés commandités par Albert V, tout en évoquant le rôle de mécène du duc vis-à-vis de la Musique. C'est même l'hypothèse la plus probable ; mais autant les Muses du  Mirabar solito s'accordaient avec l'ambiance générale hédoniste de l'Allégorie aux deux Nymphes, autant la sévérité pécamineuse des Psaumes pénitentiels s'en éloigne; ce qui m'incite à évoquer une autre musique de Roland de Lassus.

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c) Les pièces musicales  sur des poèmes de Stopio.

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Le prince Guillaume, héritier du duché, épousa  le 22 février 1568 Renée de Lorraine, ce qui donna lieu à trois semaines de festivités. Roland de Lassus fit jouer trois motets sur des textes de Nicolas Stopio :

1) Une pièce à 5 voix, Nil mage iucundum,(Pas de joie plus grande) composée par Maddalena Mezari, dite Casulana (c.1540-c.1590).

« Orlando fit chanter une œuvre à cinq voix, de Madame Madalena Casulana, laquelle fut écoutée avec une très grande attention, et comme je ne peut vous faire écouter le concert, je peux vous dire le poème, que je suis sûr que vous apprécierez. Marinio répond : Je l'écouterai volontiers, car je ne pourrai croire sinon qu'elle soit très belles, pour avoir été faite par cette très vertueuse dame dont les vertus héroïques, les qualités, et les coutume sont dans tous les esprits de notre très heureux Etat (  Volentieri l'ascoltaro che non posso se non credere che sano bellissimi, per havervi fatto la musica quella virtuosissima signora, le cui alte virtus, qualitas et costumi, sono a tutti li spirti gentile di questa nostra felicissima Etade).»

Nil mage incundum [pour iucundum], mortalibus alma potestas

Concessit, stabili, dulci in amore, fide :

Inclyta praecipue- virtus ubi iunxit amantes,

Coniugio illustri, maxima dona Dei ;

Omnia quae possunt, connubia reddere laeta,

Summa ut nobilitas, gratia, forma, deocr ;

Sunt in Renea Lotharinga, ut lumina in orbe

Bina, et Guilhelmo Principe bavariae.

Massimo Troiano(1569) , Dialoghi page 123-124

 

Maddalena Casulana a été la première femme connue à donner des cours de chant et à composer de la musique, publiant en 1568 à Venise chez Girolamo Scotto son premier recueil de madrigal, suivi en 1570 d'un second livre de 21 madriguaux à quatre voix. Voir J.M. Bowers. Le choix fait par Roland de Lauus a pu être influnecé par Nicolas Stopio, établis à Venise et très lié avec les imprimeurs et les éditeurs de musique. 

2) Une autre pièce à 5 voix, Vas sacrae adeste tonis, fut chantée sur une composition de Caterina Willaert. Nicolas Stopio avait écrit le poème à la demande de la duchesse Anne d'Autriche, mère de Guillaume. Il n'est plus admis aujourd'hui qu'elle soit, comme l'affirme Troiano, la fille du grand compositeur Adrian Willaert (1490-1562), car on ne connaît pas d'enfant à ce dernier. Elle serait sa nièce, ou sa sœur.

"E dopo che fu finita la sopradetta harmonia fu cantato un altra opera, composta, dalla virtuosa Madona Caterina, figlivola del famosissimo messer Adriano Vuilart, et li versi ha fatti il medesimo Stopio in Lode della Serenissima Anna d'Austria, Duchessa di Baviera."

Vos sacrae adeste tonis, charisma pignora, Musae,

Laudibus hanc mecum condecorate novis ;

Haec est, quae superat virtute Heroidas omnes,

Quis non caelestem dixerit esse Deam ?

Mente Dea est, formaque Dea est, Dea vera decore,

Undique divinis dotibus aucta, micans ;

Caesaris est summi, Divorum est digna propago,

Virtutum exemplo hanc edidit almus Amor.

Faemineum decus exortum est, et gloria summa,

En Charites vobis, addita quarta Dea est.

(Massimo Troiano, 1569, page 125) 

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3) Gratia sola Dei , en trois parties, tient une place à part puisque ses vers forment un acrostiche sur les prénoms des deux époux : GVILHELMVSRENEA. La musique est composée par Roland de Lassus.

5 voix SATTB (Soprano ou Cantus, Altus, Ténor 1, Ténor 2, Bassus).

On en trouve la partition dans l'Epithalium musicae compositus Auth. Orlando di Lassus, conservé au Musiksammlung de l'Albertina de Vienne, Hs. mus. 2129, un manuscrit de 60 x 69 cm illustré à l'encre et à la plume, et copié par Richard de Genoa, copiste qui était aussi chanteur basse à la Hofkapelle  de Lassus de 1563 à c.1580, et assistant du maître de Chapelle en 1570  Selon Peter Bergquist, auquel j'emprunte ces informations, il rappelle, bien qu'il soit dessiné mais non enluminé, le Mus. Ms. A. Tous les dessins font allusion au mariage. La première partie (0v-8r) est illustré par des passages de la Genèse (Adam et Éve, Abraham, isaac, Jacob, Joseph), le second (8v-11r) par des sujets tirés du Livre de Tobie, alors que les trois ouvertures de la troisième partie (11v-14r) sont en rapport avec les aventures bibliques respectives d'Esther, de Suzanne et de Judith et Holopherne.

Selon Massimo Troianno, le motet fut chanté le dimanche 29 février, après la Messe, lors du repas devant les époux et leurs invités. La première partie pour 5 voix fut chantée par tous (da tutta la turba de i cantori), la seconde pour 4 voix par 4 voix solo (da solo  quattro scelte voci), et la troisième partie pour six voix fut reprise par tous. Et, ajoute-t-il, cela fut chanté si suavement, que le Serenissime Prince et sa Sérenissime Dame restait à écouter les harmonies inédites, le morceau immobilisé dans la bouche, et que les domestiques ne bougeaient plus de leur place jusqu'à la fin du morceau de solo (E tanto suavemente lo cantarono, e di tal forte uno presso l'altro le fughe, et artisti e belli pasti, porgenano, alle orecchie de gli ascoltanti ; che tutti li Sereni. Prencipi, e Serenis. Dame, con il boccone in bocca si fermarono ad udire, la inodita concordanza; ; et infino che non fu finito il bene contesto quarto, nissuno de i servi si mosse dal luogo, che si trovava ; dopo tutii insieme seguitarono la terza parte a sei, e di questa opera l'eccellente e famoso, Orlando, a bocca piena, da tutti ugualmente, ne fu lodato). Roland de Lassus fut chaudement félicité après ce morceau.

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http://www.musicnotes.com/sheetmusic/mtdFPE.asp?ppn=MN0035595

 

Prima parte a cinque voci.

 

Gratia sola Dei pie' in omnibus omnia adimplet

 

Virtute aeterna, cœlesti, et amore creatis.

 

In nostris almus vigeat quoque cordibus ardor,

 

Lege sacra statuit, cunctisque ; amor imperet unus,

 

Hic reduces qui nos cœlo afferat, atque beatos,

 

Efficiat, Virtus aequa almo in amore recumbit.

 

Seconda parte a quatro voci.

 

Legitimo ergo nihil natura invenit amore

 

Maius, connubii unde ferax fit copula fidi,

 

Vis sacra amicitiae rata confirmatio amoris ;

 

Solus amans, quod amare invat, feliciter ardet,

Terza parte a sei voci

 

Res mira, ignoti quod, et illaqueentur amore,

 

Emicat accensis per famam mentibus ardor,

 

Nocte silente magis, dum mutua flamma per artus

 

Erans alta trahit suspiria pectore ab imo ;

 

Amplexus taedet longum expectare iugales.

La traduction est un défi quasiment impossible à relever pour un profane tant les tournures imposées par l'acrostiche se conjuguent aux difficultés du latin poètique. Un forum allemand  a tenté l'aventure en langue germanique. Stopio rend grâce à Dieu pour avoir instituer l'amour comme vertu éternelle parmi les choses crées et l'implore de favoriser l'expression de cette loi sacrée dans nos cœurs.

Lors de ces noces princières furent encore chantés deux pièces sur des poèmes de Nicolas Stopio, d'une part Laeta est dia Dies, nuptis gratemur ovantes ...Illuxit pergrata dies, celebrandaque cunctis ..et d'autre part Harmonico cupiens coniunctas ordine Musas Omnisonum in terris (Enthea dona) melos, sur une musique composée par Massimo Troiano en l'honneur de la Chapelle de Cour du duc Albert V (Troiano page 147), et qui reprend le thème du Mirabar solito.

 

 

 

 

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SOURCES ET BOITE A LIENS.

 

 DEONNA (W.) 1953, « La Politique » par P. P. Rubens  Revue belge de philologie et d'histoire Volume 31 pp. 520-536

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178

— DIEMER (Dorothea & Peter) 1955, Das Antiquarium Herzog Albrechts V. von Bayern Schicksale einer furstlichen Antikensammlung der Spatrenaissance Source: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 58 Bd., H. 1 (1995), pp. 55-104 Published by: Deutscher Kunstverlag GmbH Munchen Berlin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1482747  http://fr.slideshare.net/3153657/das-antiquarium-diemer

MAXWELL ( Barbara Susan ), The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

MIELICH (Hans) 1559, Mus. Ms. B, Bayerische Staatbibliothek : motets de Cipriano de Rore Oeuvre en ligne (en noir et blanc) ici : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=ewqeayaewqfsdrxdsydxdsydenw&no=32&seite=1

— OWENS (Jessie Ann), 1978, The signifiance of Mus. Ms. B as a source for the motets of Cipriano de Rore : THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE

— OWENS (Jessie Ann), 2004, Cipriano de Rore's New Year's Gift for Albrecht V of Bavaria:a new interpretation : d'après sa thése de 1979 in : Die Münchner Hofkapelle des 16. Jahrhunderts im europäischen Kontext. Bericht über das internationale Symposium der Musikhistorischen Kommission der Bayerischen Akademie der Wissenschaften in Verbindung mit der Gesellschaft für Bayerische Musikg ..., 2004, 30 p. (2004, August 2-4)

OWENS, (Jessie Ann) 1979 : An Illuminated Manuscript of Motets of Cipriano De Rore (München, Baierische Statsbibliothek, Mus. Ms. B) - Phil. D. diss. Princeton University Press, 1979 

— PAJUR (Astrid), 2012, Spectacular Marriages: Early Modern Festival Books and the 1568 Wedding of Wilhelm V of Bavaria and Renata of Lorraine,  History Dissertation, University of Edinburgh 

https://www.academia.edu/5774753/Spectacular_Marriages_Early_Modern_Festival_Books_and_the_1568_Wedding_of_Wilhelm_V_of_Bavaria_and_Renata_of_Lorraine

— PAYA Laurent , Scénographie des jardins de « plantes et arbres curieux » 1537-1631, Curiositas,  http://curiositas.org/scenographie-des-jardins-de-plantes-et-arbres-curieux-1537-1631

— BERQUIST (Peter), 1998The Complete Motets:7: Cantiones aliquot quinque vocum (Munich, 1596); page XVII https://books.google.fr/books?isbn=0895794101

BERQUIST (Peter), 2007, The Complete Motets: Supplement: Keyboard/Vocal Score, A-R Éditions

https://books.google.fr/books?isbn=0895796090

— SCHILTZ (Katelijne et N. Meeùs), 2003, "Giunto Adrian fra l'anime beate : Une quintuple déploration sur la mort d'Adrien Willaert" Musurgia, Vol. 10, No. 1 (2003), pp. 7-33.

https://www.academia.edu/7926001/Giunto_Adrian_fra_l_anime_beate_Une_quintuple_d%C3%A9ploration_sur_la_mort_d_Adrien_Willaert

— SCHILTZ (Katelijne)  2005, "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus": Cipriano de Rores Motette Concordes adhibete animos Archiv für Musikwissenschaft, 62. Jahrg., H. 2. (2005), pp. 111-136

https://www.academia.edu/6714368/_Harmonicos_magis_ac_suaves_nemo_edidit_unquam_cantus_Cipriano_de_Rores_Concordes_adhibete_animos

— STOPIO (Nicolo) 1556 "Nicolai Stopii In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion" in : Petri Bembi patritii Veneti, scriptoris omnium politissimi disertissimique, quaecunque usquam prodierunt, opera : in unum corpus collecta, & ad postremam autoris recognitionem diligentissime elaborata, quorum catalogum versa pagina monstrabit : Cum rerum & vocum memorabilium Indice, in operis calcem reiectoBasileae : [Michael Isengrin] 1556

http://www.e-rara.ch/bau_1/content/pageview/62975

STOPIO (Nicolo) ou STOOP, (Nicolaas de),1555, : Panegyricvm Nicolai Stopii Alostensis Flandri Carmen De laudibus diuae Ioannae Aragonae ad Illustriss. & excellentiss. eius filium Marcum Antonium Columnam Marsiae Ducem inuictiss. Florence. Hommage à Marc-Antoine Colonna, puis à Jeanne d'Aragon, à divers Princes, au Cardinale (In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion), à Hans Jacob Fugger, 

Jeanne d'Aragon, femme du Vice-roi Ascagne Colonna, prince de Tagliacozzo et mère de Marc-Antoine Colonna,le futur vainqueur de la bataille de Lépante.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10335294d/f1.zoom

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00002170&pimage=00001&suchbegriff=&l=en

 

THRESOR DES PARTERRES : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856443/f2.image

—  TROIANO ( Massimo Troiano), 1569,  Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147. 

https://books.google.fr/books?id  

— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— "Schloß Trausnitz ob Landshut in Wiederbayern", in Das Königreich Bayern in seinem alterthümlichen, geschichtlichen ..., Volume 3 Munich, 1854 page 172-182 https://books.google.fr/books?id=TVxcAAAAcAAJ&dq=%22Cynosura+duce+obdurandum%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— DIAMM, Digital Image Archive of Medieval Music : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225

 

VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.

http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/landshut_engl.pdf

http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/mu-residenz_engl.pdf

Source des images :

a) illustration du catalogue de Vignau-Wilberg 2006.

b) https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

c) Civitates Orbis Terrarum :

c1) Landshut volume III planche 45 :

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Praecipuarum Totius Mundi : Liber Tertius [Material cartográfico] texte page 84 et gravure page 85 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000000713          

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Edition en français texte page 96, gravure page 97 : 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1

-- http://historic-cities.huji.ac.il/germany/landshut/maps/braun_hogenberg_III_45_b.jpg

c2) Munich volume IV planche

 

The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria

 Par Barbara Susan Maxwell,Friedrich Sustri

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

 

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 11:00

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au Caducée-pinceau dans l' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) . Une allégorie de la Paix par les arts et la sagesse ? Un message de non-réponse à la haine par la haine ?

Je dédie cet emblème à Madame Latifa Ibn Ziaten .

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Joris Hoefnagel,   Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , détail, in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , détail, in Vignau-Wilberg 2006.

Dans un article précédent, Le Hibou au Caducée chez Joris Hoefnagel, je présentais

cinq peintures de Hoefnagel au Hibou et/ou au caducée:

  • Missale romanum folio 332, Deuxième Dimanche après Pâques, 39 x 28,5 cm. 1582-1590.

  • Missale romanum folio 637, Messe des Défunts, 1590

  • Schriftmusterbuch folio 20, 18 x 13,2 cm, "Hibou attaqué", 1594-1598

  • Grotesque inventaire n°1519, 17 x 13,2 cm, sans date

  • Allégorie pour l'amitié d' Abraham Ortélius, 11,7 x 16,5 cm, 1593.

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​Depuis, j'en ai découvert d'autres. Mais le premier semble dater de 1579. Auparavant, Hoefnagel avait fait ses classes de jeune fils de riche diamantaire d'Anvers en étudiant le droit en France (Orléans et Bourges), puis en parcourant l'Espagne et notamment l'Andalousie (1563-1567) avant de séjourner en Angleterre et de revenir à Anvers. Passionné par le dessin, il avait rempli ses carnets de vues de villes et de paysages, s'était défini un mot d'ordre, Natura sola Magistra, et s'était formé aux techniques de la miniature, peignant sa première œuvre d'enlumineur en 1573 sous forme d'une fascinante Vue de Séville. En 1572, ses chorographies (vues paysagères) participèrent à la publication du premier volume du Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg, dont les gravures eurent un succès immédiat. Fuyant sa ville après le Saccage d'Anvers (1576) qui ruina partiellement son père, il partit faire son "Grand Tour" et se rendit, en compagnie de son aîné Abraham Ortelius, en Italie en passant par l'Allemagne. A Augsbourg, le banquier Fugger les recommanda au duc de Bavière, qui les reçut à Munich. Le duc Albert V était un grand amateur d'art et il fut si enthousiaste devant la Vue de Séville qu'il en fit l'acquisition immédiatement tout en engageant Hoefnagel comme peintre de cour. (Hans Mielich, le miniaturiste de la cour d'Albert V, était décédé en 1573). Après avoir parcouru l'Italie, le jeune artiste (il avait 26 ans) rejoignit la cour ducale en avril 1578. Il y peignit rapidement une autre miniature, le Forum Vulcani représentant sa visite à la Solfatare de Naples, et qu'il signait en affirmant fièrement son indépendance par l'adjectif autodidactos, "autodidacte".

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Jusque là, pas de Hibou au Caducée, mais néanmoins, sur la Vue de Séville, deux hiboux comme attribut de Minerve et, à distance, un caducée comme attribut de Mercure : les deux emblèmes sont donc présents dès 1573 avec leur référence à la déesse de la Sagesse et au dieu de l'Éloquence artistique et du Commerce. Il restait à les rapprocher et à se les approprier.

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C'est ce qu'il va faire dans une de ses premières œuvres munichoises, une Allégorie fraîche, gracieuse et festive, l' Allégorie aux deux Nymphes, avec les vues de Munich et de Landshut datée de 1579.Elle est conservée au Kupferstichkabinett du Staatliche Museen de Berlin, sous le n° d'inventaire KdZ 4804 , et sous le titre de Ansicht von München und Landshut in reicher allegorischer Umrahmung. Elle pourrait se nommer Allégorie de la Paix dans le Duché de Bavière.

On peut l'examiner en ligne sur le site de NKD :

https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

Mais Théa Vignau-Wilberg en a donné une reproduction de bonne qualité dans son livre de 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, et c'est la photographie de ce document que j'exploite ici.

Joris Hoefnagel,  Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 


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Description : L'emblème du Hibou au caducée de la bordure de gauche.

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Voici retrouvé le Hibou de Minerve / Athena tenant le caducée de Mercure et formant ainsi l'emblème de l'Hermathena, l'union de la Sagesse et de l'Éloquence artistique. Mais ici, Hoefnagel est beaucoup plus explicite que dans les cinq exemples (plus tardifs) que j'ai déjà étudié, puisque le caducée de ce hibou emblématique est formé d'un pinceau, et  que l'animal symbole de la Pensée (il s'est  posé sur le casque de Minerve), est entourée de deux palettes pleines de couleurs. C'est donc le peintre lui-même qui s'approprie, pour lui-même ou pour sa discipline, l'emblème. Surtout, le hibou est entouré d'une couronne d'olivier, tandis qu'un serpent au corps entortillé au dessus de lui le menace, vainement, de sa gueule sifflante, et qu'un oiseau huppé au bec crochu l'attaque du coté gauche. 

Ce hibou au caducée surmonte un blason divisé en quatre quartiers par deux équerres et une règle. Les quartiers sont occupés par un canif-grattoir, un pinceau, deux burins et un maillet. Soit les outils du peintre, du dessinateur, du graveur, et de l'architecte ou, plus surement, du géographe-topographe. Hoefnagel associe-t-il ici tous les artistes des arts décoratifs, ou bien décline-t-il les différentes fonctions de peintre, de graveur, et de chorographe qu'il a exercé, notamment à coté du géographe Ortélius ?

Ce blason est entouré, en guise de collier de la Toison d'Or, des lettres du mot VIRTUS  auxquelles est suspendu un vase embrasé ou pot-à-feu, symbole d'enthousiasme et de charité, lui aussi transpercé par un pinceau. Ce pot-à feu est, à la fois, un cœur enflammé. Chaleur de l'amour procurant au Hibou la force de brandir son pinceau face aux agressions auxquelles il est confronté.

Plus bas, deux cornucopia, ou cornes d'Amalthée, débordent de fruits.

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Le contexte : la miniature, une allégorie de la Paix ?

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L'enluminure de Hoefnagel est l'une des premières (peut-être la troisième après la Vue de Séville de 1573 et la vue du Forum Vulcani de 1578) et date de 1579,  la seconde année de présence d'Hoefnagel à la cour du duc de Bavière à Munich. Le duc Albert V décéda cette année là, le 24 octobre 1579, et le prince Guillaume, qui vivait avec son épouse Renée de Lorraine à Landshut, regagne alors Munich en devenant le duc Guillaume V. 

La scène médiane est une illustration d'une citation de la cinquième églogue de Virgile ("Voici les Nymphes qui t'apportent les lis à pleines corbeilles")  et montre, dans un jardin Renaissance et autour d'un olivier, deux nymphes présentant deux vases remplis de lis ; le destinataire de ces lis, symbole de la prosperité générée par la paix, est désigné par la lettre A placé dans un pavillon seigneurial : c'est bien-sûr Albert V (et éventuellement son épouse Anna, Anne d'Autriche). Au dessus se trouve une vue de la ville de Munich, capitale du Duché, entre les armoiries des Wittelsbach et celle de Munich.  L'inscription parcere subiectis  debellare superbos, tirée de l'Énéide de Virgile mentionne une devise ducale, qui est aussi un programme de gouvernement visant à "épargner ceux qui se soumettent et à abattre les rebelles". Deux médaillons montrent, à gauche, un lion allongé près d'un agneau (parcere suiectis) et, à gauche, Hercule et le lion de Némée (debellare superbos). Le lion est un animal emblématique puis héraldique pour la famille des Wittesbach, qui se réclamait de la descendance  d' Hercule. Enfin, la devise TV DECVS OMNE TVIS, provenant là encore de Virgile, était à l'époque une devise autonome illustrée par une main arrachant la langue d'un lion. Dans la partie basse, une vue du chateau de Trausnitz et de la ville de Landshut sert de cadre à une scène de chasse, où le duc et son fils poursuivent un cerf, rendant ainsi hommage à leur bravoure. Ainsi, dans cet axe vertical tracé par le tronc de l'olivier, les exploits dignes d'Hercule, la force du lion, et  et la valeur cynégétique des ducs de Bavière montrent que la prospérité des villes de Munich et de Landshut est le fruit d'une politique alliant la vaillance et la sagesse. Cet axe de l'arbre de Paix relie Landshut et Munich : les deux villes se sont longtemps opposées, comme les sièges de deux duchés séparés, celui de la Basse Bavière ou Bavière-Landshut et celui de la Haute Bavière ou Bavière-Munich. le règlement successoral adoptant en 1506 la primogéniture permit  que le duché se transmette sans partage au premier fils né de lignée masculine. Il en est resté ainsi jusqu'au XIXe siècle.

Mais ces deux villes sont aussi celles qui ont très largement bénéficié du mécénat du duc Albert V et du prince Guillaume à l'égard des arts. Passionné de peinture et de sculpture, mais aussi mélomane averti, Albert V a attiré à lui les artistes flamands et italiens, que les Fugger avaient déjà attirés à Augsburg. Par des commissionaires établis à Venise, il a réuni une extraordinaire collection d'œuvres d'arts  d'influence italienne, et a fait décoré ses résidences selon le même goût. C'est ce que rappelle l'axe horizontale reliant la bordure de gauche, dédiée aux arts graphiques, avec la bordure de droite dédiée à la musique et, précisément, aux compositeurs Cyprien de Rore et Roland de Lassus. Si la paix obtenue par le duc permet la prospérité économique des cités, elle permet aussi l'épanouissement des arts.

La paix ici célébrée est est aussi une paix religieuse : après les tentatives de répression militaire du lutherianisme par Charles Quint, la paix d'Augsbourg de 1555 a suspendu les hostilités entre les États luthériens et les États catholiques en Allemagne en imposant le principe fondamental : cujus regio, ejus religio c'est-à-dire : « tel prince, telle religion". Les ducs de Bavière ont défendu le catholicisme auquel était attaché la maison de Wittelsbach, et, malgré la tiédeur de ses convictions personnelles, Albert V puis Guillaume V sont devenus les chefs de la Contre-Réforme, faisant appel aux Jésuites pour créer dees collèges. La Bavière est à l'écart du déchaînement des Guerres de Religion.

C'est en fonction de cette lecture que je propose de voir dans cette enluminure une Allégorie de la Paix. Or, cette vertu est aussi, in fine, la valeur fondamentale de l'emblème du Hibou au Caducée.

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Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 

DISCUSSION . L'HIBOU AU CADUCEE.

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Nous aurions donc ici la première figure du Hibou au caducée de Hoefnagel, figure qui lui sert d'emblème au même titre que le clou (Nagel) qu'il emploie parfois en signature. Nous avons donc ici réuni les éléments qui réapparaitront dans les occurences iconographiques suivantes et qui font de cet animal l'expression de la volonté de paix, confronté sans cesse sans y répondre aux agressions de l'ignorance et du Mal. En bon humaniste disciple d'Erasme, Hoefnagel est convaincu que le mal est déterminé par l'ignorance, et que l'éducation en est le remède suprème. Comme Erasme aussi, il est convaincu que c'est l'Image qui est, avec l'Exemple,  le meilleur moyen d'enseignement, par sa fonction mnemotechnique et didactique. L'Emblème et l'Allégorie en sont les meilleurs outils, surtout quand on sait les truffer de citations des bons auteurs de l'Antiquité (Virgile et Ovide au premier chef), de versets de la Bible, ou de ces formules lapidaires que sont les Adages, les Devises et  les Proverbes.

On devine  combien cet artiste a pu souffrir d'être confronté à la Bêtise et à la Malveillance, et on sait combien il a pris le parti de l'affronter avec patience et détermination  (son recueil Patientia) lui qui avait pris comme devise DUM EXTENDAR, "plus ils me frappent, plus je m'accrois" et l'emblème du clou forgé par les forces adverses.

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1578, gravure du Forum Vulcani, Civitates Orbis Terrarum, III,58,  détail: http://www.lavieb-aile.com/2015/04/vue-clou-hoefnagel.html

 

 


 

Retour sur l'Hermathena.

L'Hermathena, après avoir désigné dans l'Antiquité grecque des bornes à deux faces de Hermes et d'Athéna, recherchées plus tard par Cicéron pour orner la salle philosophique de sa villa de Tusculane, était devenu au XVIe siècle un motif iconographique, l'union d'Hermes et d'Athéna (de Mercure de le Minerve) permettant de conjuguer en une même figure les attributions du dieu messager Mercure (commerce, voyage, éloquence, et donc fonction pédagogique des arts, en un mot la médiatisation) et celles de la déesse de la pensée Minerve ( intelligence, sagesse, science,incluant la combattivité propre à celle qui est sortie toute armée du cerveau de son père Zeus/Jupiter). Les valeurs humanistes s'y retrouvaient si bien que les académies, comme celle d'Achille Bocchi à Bologne (1574).  Dans mon article  L' Hermathena d'Egide Sadeler, de Nicolas Stopio et de Pietro Bembo, j'ai montré que Hoefnagel avait conçu une oeuvre emblématique CURSUS qui sera gravée par Egide Sadeler II en 1597, et que cette œuvre avait un modèle, créé par Nicolas Stopio et publié soit dans le livre d'emblème de Ruscelli (Le imprese illustri) en 1566, soit comme marque typographique des livres édités par l'imprimeur vénitien Gualtero Scoto  entre 1550 à1553, notamment dans l'édition des œuvres du cardinal Pietro Bembo. 

On peut donc considérer que l'emblème de l'Hermathena a été introduit dans les milieux humanistes de la Renaissance italienne par Nicolao Stopio (et Gualtero Scoto). Si Calepino explicitait le terme dans son Dictionarum de 1538, c'était pour en donner la définition Mercurii ac Minervae statuae conunctiae ; Vide Herma. correspondant aux hermes de l'Antiquité. Même chose avec la définition de Trebellio en 1545, ou celle du Dictionarum de Robert Etienne en 1531. L'exploration sur le mot Hermathena par un moteur de recherche entre 1400 et 1550 ne trouve aucune autre acceptation que celle liée à Cicéron ou à la statuaire antique. Entre 1550 et 1575, nous trouvons les Imprese illustri de Ruscelli (1566),  une mention par Vincenzo Cartari en 1556 dans un ouvrage publié à ...Venise (Imagi dei Dei  degli Antichi), une autre par Johannes Goropius Becanus en 1569 dans ses Origines d'Anvers, La première édition des Symbolicarum quaestionum d'Achille Bocchi est parue à Bologne en 1555 mais on trouve surtout les éditions de  Bologne 1574 et 1578. En 1581 Vincenzo Cartari donne une illustration du couple Hermes-Athena à la page 240 de Imagines deorum (Lyon, Antoine Verdier). Jusqu'à argument contraire, je me permets donc de tenir les pages de titre des ouvrages de Gualtero Scoto comme les premiers exemples iconographiques de l'Hermathena du XVIe siècle.

Or, le site italien EDIT 16 de Recensement des éditions italiennes du XVIe siècle assure que Gualtero Scoto, d'origine flamande et donc sans lien avec la fameuse famille des Scotto (principal éditeur de musique avec Guardano),  était associé avec Nicolao Stopio, lui aussi d'origine flamande . "Actif de 1550 à 1575 à Venise, éditeur et typographe ; s'associa avec le marchand et homme de lettres flamand Nicolas de Stoop pour l'impression de l'œuvre de Bembo ; la société utilisait la marque de Mercure et Minerve Z840. Noms : Gualtero Scotto; Gualtiero Scotto; Gualterus Scottus; Gualterius Scot ". La marque est cataloguée comme U440, V464 ou Z840, et U557. Elle est décrite ainsi "Mercure tenant le caducée étreint Minerve qui porte un casque à plumes, le bouclier à l'égide et deux flêches (ou lances). Ils ont chacun le pied posé sur un dé et sur un livre fermé."

On peut donc tenir Nicolas Stopio, ou Stopius, ou De Stoop, comme étant dès 1550 à l'origine de cet emblème. 

Ceci ne nous est pas indifférent lorsqu'on sait que Stopio a été l'homme d'affaire des banquiers Fugger d'Augsbourg puis / et du duc Albert V de Bavière, chargé, grâce à sa situation à Venise, d'adresser des "lettres diplomatiques" avertissant Hans Jacob Fugger des nouvelles intéressantes, mais surtout de procéder aux achats d'œuvre d'art, dans un marché où les Princes se faisaient une concurrence acharnée pour doter leurs résidences des plus belles statues antiques, pour enrichir leurs collections des tableaux des peintres italiens de renoms, pour doter leurs Cabinets de médailles et autres objets précieux. Stopio avait comme concurrent Jacobo Strada. Il travaillait aussi pour d'autres princes de la famille des Habsbourg, et pour l'empereur, et se rendait de temps en temps à Vienne, à Innsbruck ou à Munich. Il est donc vraisemblable qu'à son arrivée à Munich (ou déjà lors de son passage à Augsbourg) le flamand Hoefnagel ait entendu parler, ou ait rencontrer son compatriote Stopio.

De nombreux points sont communs aux deux hommes. 

  • Leur fonction au service du duc de Bavière et leur lien avec les Fugger. Hoefnagel entra comme peintre de cour à Munich en 1578 ; Stopio était déjà l'agent d'Albert V en 1567.

  • Le frère de Nicolas Stopio, Martin Stopius, docteur en philosophie et en médecine né à Alost (Flandres)  était installé en Autriche en 1552 ; il était Magister Sanitatis de Vienne en 1554, doyen de la faculté de Vienne le 13 octobre 1554,  recteur de l'université de Vienne en 1580,  (son portrait : http://www.bildindex.de/obj07030460.html#|home). 

  • Leur statut de marchand d'œuvre d'art : c'est comme marchand que Hoefnagel a été longtemps considéré, et il a constitué des collections de gravures d'art, en particuleir pour satisfaire des clients. Ses frères étaient marchands.

  • Leur formation de lettré et leur goût pour les lettres en général, la poésie latine en particulier. Tous les deux sont d'excellents latinistes.

  • Leur intérêt pour la musique. Celui de Hoefnagel est attesté par le tableau des Noces du peintre Hoefnagel par François Pourbus, où les convives sont rassemblés autour de divers instruments.

  • Le fait que Hoefnagel ait pris modèle sur l'emblème Hermathena de Stopio pour la gravure Cursus de Sadeler, et qu'il y ait inscrit une phrase de Térence qui est citée dans le texte accompagnant cet emblème dans le livre de Ruscelli.

  • Le fait que Hoefnagel connaissait certainement le livre d'emblème de Ruscelli, comme en témoigne les emprunts qu'il y fit pour ses différentes peintures, emprunts signalés par Théa Vignau-Wilberg 1969.

Les liens indirects de Stopio avec cette Allégorie peuvent aussi être découverts du coté droit de la bordure, là où se voient la lyre et les partitions. Nicolas Stopio a écrit les poèmes qui ont été mis en musique, tant par Cipriano de Rore  que par Roland de Lassus. Il est l'auteur de Mirabar solito laetas, pièce mis en musique pour six voix par Cipriano de Rore (cf. M. Troiano 1568 page 68) ;  dans cet éloge d'Albert V célébrant son accession, le duc est assimilé à Apollon Phoebus parmi les neuf Muses. Il est aussi l'auteur  de Nil mage iucundum,  motet de célébration pour 5 voix mis en musique par Roland de Lassus et chanté par (Mezari) Maddalena Casulana pour le mariage de Guillaume IV de Bavière et Renée de Lorraine à Munich en Février 1568. Or, ces deux pièces appartiennent aux deux manuscrits les plus prestigieux de la bibliothèque ducale, deux livres de chœur enluminés par Hans Mielich, l'un contenant des partitions de Cipriano de Rore et l'autre celles de Roland de Lassus. Ainsi, à défaut de liens directs entre Hoefnagel et Stopio, c'est tout un réseau de fils qui se révèlent  tissés entre eux. 

Enfin, l'intérêt de Hoefnagel pour la cartographie, ou pour le naturalisme scientifique (représentation exacte voire "microscopique" des insectes) se retrouve chez Nicolas Stopio, qui composa des poèmes pour les cartouches de cartes géographiques, et qui est cité par Vésale dans une des pièces liminaires de la Fabrique (1543), une lettre adressée à l'imprimeur Oporinus:

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178#

"Tu recevras bientôt, en même temps que cette lettre, par l’intermédiaire des Danoni, marchands milanais, les planches gravées pour mes livres de La fabrique du corps humain et pour leur Résumé. J’espère qu’elles arriveront à Bâle intactes et indemnes, telles que je les ai soigneusement disposées avec l’aide du graveur et de Nicolas de Stoop, qui gère ici en toute confiance les affaires des van Bomberghen et qui est un jeune homme remarquablement savant dans les études humanistes" 

 

 

De l'Hermathena au Hibou au Caducée.

Le passage de l'emblème de l'Hermathena à celui du Hibou tenant un caducée est dû au génie propre de Hoefnagel, et il suppose une belle liberté de pensée pour détacher les attributs de chaque divinité , et pour les réunir en une figure animale remarquablement condensée. Débarrassée  des accessoires de quincaillerie (bouclier, casque, lance) ou d'opérette (pétase, sandales ailées), débarrassée aussi des figures divines d'un autre temps, la chouette (le Hibou, puisqu'il porte des "oreilles" qui le distingue des chouettes]  devient un animal parfaitement familier. Hoefnagel n'est jamais académique, et ses figures sont légères, drôles, gracieuses. L'idée de faire tenir un pinceau à l'oiseau de Minerve, de remplacer, dans le caducée, le bâton d'Hermés, la verge des hérauts par un pinceau relève sinon de l'irrévérence, du moins de l'humour.  Mais cette légèreté de ton, loin d'atténuer la force emblématique, la renforce. La chouette, oiseau solitaire que Dürer avait peint houspillé par d'autres oiseaux en image christique confronté aux outrages, devient l'autoportrait touchant mais dramatique du peintre exilé. 

Ce Hibou peintre est placé dans un environnement qui accentue la portée de l'emblème et souligne son lien avec la Paix.  L'Hermathena, en mettant au service de la Pensée conceptuelle la puissance de la médiatisation, était certes un bel emblème pour les imprimeurs et éditeurs, ou pour les humanistes soucieux qu'il ne suffit pas de Savoir, et que le savant est redevable aussi du faire-savoir. Mais c'est par l'emblème de Hoefnagel, puis plus tard par la version que Rubens donnera de l'Hermathena de Sadeler (et Hoefnagel), que la paix devient la valeur principale.

Pour mieux le comprendre, laissons la chouette à ses travaux de peinture et son domptage de serpents, et intéressons-nous à l'Hermathena de P.P. Rubens. Notre guide sera W. Deonna, dont je vais recopier les extraits de son article de 1953 en le lardant de mes petits ajouts. 

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En 1618, Frédéric van Marselaer (1584-1670), magistrat et jurisconsulte belge, échevin de Bruxelles, a publié  un traité sur l'art des Ambassades, « Κηρνκειον sive Legationum insigne ; in duos libros distributum  "Le Kerykeion, [Caducée] , ou insigne des Ambassadeurs"  , qu'il a repris en 1626 sous le titre  Legatus libri duo ad Philippum IV Hispaniarum Regem , avec un frontispice dessiné par Théodore van Loon, gravé par Cornells Galle. C'était déjà un Hermathena, au beau  Mercure, avec  pétase, talonnières ailées, et caducée ; et à la mignonne  Minerve, casquée, tenant lance et bouclier au gorgoneion. Et puis : deux cornes d'abondance entrecroisées, d'où sortent un sceptre, des couronnes, des fruits, des épis. L'intérêt est de trouver cet emblème dans un livre sur les Legati, les Ambassadeurs : Mercure n'est plus seulement le messager, le voyageur, mais il est  le héraut par excellence, non seulement ambassadeur de Jupiter, mais aussi des autres Dieux,  il est le « Dieu des ambassades ». A Rome, les légats qui traitaient de la paix  portaient le caducée, et s'appelaient « Caduceatores ». Mercure, et son caducée, sont des symboles de la paix, de la concorde entre peuples, que les légats ont pour tâche de maintenir ou d'obtenir. Mais c'est aussi le dieu des sciences , de l'intelligence, de la sagesse, de la raison et de la vérité , de l'éloquence , de multiples qualités que le légat idéal doit posséder, et qui sont détaillées dans le premier livre du «Legatus ». Minerve, déesse de la sagesse, « déesse de conseil et de prudence », lui donne aussi ses avis salutaires. Les deux divinités sont associées ici, comme déjà chez les anciens, car leur union est nécessaire au légat, pour que ses qualités soient tempérées par la sagesse et la prudence . 

 

 

Première édition : https://books.google.fr/books?id=CX1bAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=kerukeion&hl=fr&sa=X&ei=c0ZCVYmQBYG4UOK3gaAG&ved=0CCIQ6AEwAA#v=onepage&q=kerukeion&f=false

Frontispice de la première édition. (remarquer la calligraphie de la date, semblable à celle adoptée par Hoefnagel)

Frontispice de la première édition. (remarquer la calligraphie de la date, semblable à celle adoptée par Hoefnagel)

Frontispice de la deuxième édition de 1626 :

 

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En 1638, Pierre-Paul Rubens a dessiné un nouveau frontispice  pour une seconde édition du « Legatus »; il fut gravé en 1656 par Corn. Galle le Fils , mais l'ouvrage ne parut qu'en 1666 après la mort de Rubens. 

 

Rubens a expliqué lui-même en latin le symbolisme de son frontispice, sur un exemplaire de celui-ci, conservé à la Bibliothèque de Bruxelles . II a maintenu les emblèmes de van Loon, en les modifiant quelque peu. Mercure, dieu des ambassades, au caducée de paix (*), est à droite, et Minerve, déesse de la sagesse et de la prudence , à gauche du cartouche central. Ils sont montés chacun sur un haut piédestal dont la face antérieure est ornée, pour Minerve, d'une couronne d'olivier traversée par une palme , pour Mercure, d'une couronne de chêne, traversée par une branche d'olivier, emblèmes de sagesse, de prudence, de victoire, qui conviennent aux ambassadeurs. Mercure est  « maître dans l'art de bien dire et de persuader, mérite à juste titre d'être le dieu tutélaire et le chef des ambassadeurs, qui, eux, sont les envoyés des princes, les représentants des dieux sur la terre, comme lui est le messager des dieux. En effet, les conseils obtenus dans le sanctuaire de Minerve doivent être traduits par le langage, pour que l'ambassadeur atteigne son but, et termine heureusement sa tâche difficile ».

Ils ont à leurs pieds leurs attributs habituels, propres aux légats : Minerve la chouette, symbole de sagesse, Mercure le coq, symbole de vigilance. Leur union est devenue plus étroite, car ils se donnent la main. L'artiste a ajouté, entre leurs piédestaux, un cartouche où des enfants nus jouent, l'un avec une corbeille de fruits, un autre avec un petit chien ; image de vie heureuse et sans souci. On retrouve, à son sommet, les attributs utilisés par van Loon, les deux cornes d'abondance, avec couronne, sceptre, fruits : " « La corne d'Amalthée, pleine de couronnes de sceptres et de fruits divers, que l'on voit sous le titre, désigne les bienfaits et les avantages que l'on peut espérer des ambassadeurs »."

Au dessus du cartouche central, le buste féminin est celui de la Politique, l'art de régner, « Politice, sive ars dominandi ». Il est posé sur un pilier carré, symbole de sa stabilité, « forma quadrata stabilitatem Imperii designans », qui est celle de la Terre, de la Nature, avec qui la Politique se confond.

Ajoutons, par référence avec ma propre description de la Nymphe de la scène centrale de l'Allégorie de Hoefnagel comme Gradiva lente festinans,  que parmi les qualités de l'ambassadeur, Marselaer compte la circonspection, qui n'agit pas à la légère, et trop rapidement, mais après mûre réflexion. Il doit être « Lente festinans », dit-il.  « Maturandum igitur : quo verbo Latini et moram celeritate et celeritatem mora corrigunt. Da cochleae alas, et lentam festinationem exprimes ».

 

 

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En 1638, Pierre-Paul Rubens a dessiné un nouveau frontispice  pour une seconde édition du « Legatus »; il fut gravé en 1656 par Corn. Galle le Fils , mais l'ouvrage ne parut qu'en 1666 après la mort de Rubens. 

 

Rubens a expliqué lui-même en latin le symbolisme de son frontispice, sur un exemplaire de celui-ci, conservé à la Bibliothèque de Bruxelles . II a maintenu les emblèmes de van Loon, en les modifiant quelque peu. Mercure, dieu des ambassades, au caducée de paix (*), est à droite, et Minerve, déesse de la sagesse et de la prudence , à gauche du cartouche central. Ils sont montés chacun sur un haut piédestal dont la face antérieure est ornée, pour Minerve, d'une couronne d'olivier traversée par une palme , pour Mercure, d'une couronne de chêne, traversée par une branche d'olivier, emblèmes de sagesse, de prudence, de victoire, qui conviennent aux ambassadeurs. Mercure est  « maître dans l'art de bien dire et de persuader, mérite à juste titre d'être le dieu tutélaire et le chef des ambassadeurs, qui, eux, sont les envoyés des princes, les représentants des dieux sur la terre, comme lui est le messager des dieux. En effet, les conseils obtenus dans le sanctuaire de Minerve doivent être traduits par le langage, pour que l'ambassadeur atteigne son but, et termine heureusement sa tâche difficile ».

Ils ont à leurs pieds leurs attributs habituels, propres aux légats : Minerve la chouette, symbole de sagesse, Mercure le coq, symbole de vigilance. Leur union est devenue plus étroite, car ils se donnent la main. L'artiste a ajouté, entre leurs piédestaux, un cartouche où des enfants nus jouent, l'un avec une corbeille de fruits, un autre avec un petit chien ; image de vie heureuse et sans souci. On retrouve, à son sommet, les attributs utilisés par van Loon, les deux cornes d'abondance, avec couronne, sceptre, fruits : " « La corne d'Amalthée, pleine de couronnes de sceptres et de fruits divers, que l'on voit sous le titre, désigne les bienfaits et les avantages que l'on peut espérer des ambassadeurs »."

Au dessus du cartouche central, le buste féminin est celui de la Politique, l'art de régner, « Politice, sive ars dominandi ». Il est posé sur un pilier carré, symbole de sa stabilité, « forma quadrata stabilitatem Imperii designans », qui est celle de la Terre, de la Nature, avec qui la Politique se confond.

Ajoutons, par référence avec ma propre description de la Nymphe de la scène centrale de l'Allégorie de Hoefnagel comme Gradiva lente festinans,  que parmi les qualités de l'ambassadeur, Marselaer compte la circonspection, qui n'agit pas à la légère, et trop rapidement, mais après mûre réflexion. Il doit être « Lente festinans », dit-il.  « Maturandum igitur : quo verbo Latini et moram celeritate et celeritatem mora corrigunt. Da cochleae alas, et lentam festinationem exprimes ».

 

 

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Legatus Frederici de Marselaer ,1666, frontispice par P.P Rubens. Numérisé par Google http://books.google.be/books?id=RgNCAAAAcAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Legatus Frederici de Marselaer ,1666, frontispice par P.P Rubens. Numérisé par Google http://books.google.be/books?id=RgNCAAAAcAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Nous voyons donc, dans ce frontispice de Rubens, l'Hermathena se mettre au service de la Politique ; et l'Olivier sous forme d'une couronne et d'une branche affirmer la valeur de la Paix. 

Cette constatation donnera plus de valeur à la couronne d'olivier qui entoure le Hibou au Caducée et qui l'isole des médisants, des persifleurs et des haineux que le serpent gueule ouverte et l'oiseau agressif symbolisent.

Dans une Allégorie toute entière consacrée à la politique pacifique du duc de Bavière et à son mécénat artistique, le Hibou brandit son pinceau en guise de caducée pour affirmer que l'artiste au service du duc est son ambassadeur kerygmatique participant à la propagation les valeurs humanistes de l' Harmonie.

Cette volonté d'apaisement et de modération dans la gestion des crises est celle qui guida les ducs de Bavière confronté au déferlement de violence des Guerres de religion. 

Illustrations  : Le duc Albert V par Hans Mielich, prédécesseur de Hoefnagel comme miniaturiste à la cour. A 17 ans, puis, en 1552, jouant aux échecs avec son épouse Anna.

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SOURCES ET BOITE A LIENS.

 

 DEONNA (W.) 1953, « La Politique » par P. P. Rubens  Revue belge de philologie et d'histoire Volume 31 pp. 520-536

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178

— MAXWELL ( Barbara Susan ), The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

— PAYA Laurent , Scénographie des jardins de « plantes et arbres curieux » 1537-1631, Curiositas,  http://curiositas.org/scenographie-des-jardins-de-plantes-et-arbres-curieux-1537-1631

— STOPIO Nicolas

1555 : Panegyricum Carmen de laudibus D. Ioannae Aragonae

 THRESOR DES PARTERRES : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856443/f2.image

—  TROIANO ( Massimo Troiano) Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147. https://books.google.fr/books?id=JtNcAAAAcAAJ&pg=RA1-PT18&dq=stopio+nicolo&hl=fr&sa=X&ei=67VAVbD_Fcfiaor6gLgB&ved=0CE4Q6AEwBw#v=onepage&q=stopio%20nicolo&f=false

— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

— VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.

SOURCES DES IMAGES :

a) illustration du catalogue de Vignau-Wilberg 2006.

b) https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

c) Civitates Orbis Terrarum :

c1) Landshut volume III planche 45 :

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Praecipuarum Totius Mundi : Liber Tertius [Material cartográfico] texte page 84 et gravure page 85 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000000713          

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Edition en français texte page 96, gravure page 97 : 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1

-- http://historic-cities.huji.ac.il/germany/landshut/maps/braun_hogenberg_III_45_b.jpg

c2) Munich volume IV planche

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
14 avril 2015 2 14 /04 /avril /2015 08:52

L'HOMME A LA TÊTE DE CLOU.

Plus contemporain que jamais, Hoefnagel à la Solfatare (1578) : autoportrait au clou martelé par Bêtise et Malfaisance. La devise DUM EXTENDAR, "Plus ils me frappent, plus je grandis".

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Sur Joris Hoefnagel, voir dans ce blog :

Joris Hoefnagel, 1578, Forum Vulcani (Détail), Civitates Orbis Terrarum III, 58.

Joris Hoefnagel, 1578, Forum Vulcani (Détail), Civitates Orbis Terrarum III, 58.

  Entre la fin  septembre 1577 et la fin mars 1578., Abraham Ortelius, le très célèbre cartographe ou éditeur du Theatrum Orbis Terrarum (1570), âgé de 50 ans, et le chorographe et peintre Joris Hoefnagel, principal auteur des vues de villes du Civitates Orbis Terrarum (vol. I, 1572), âgé de 35 ans, quittèrent leur ville d'Anvers, soit pour effectuer leur Grand Tour, soit pour établir une succursale à Venise, soit pour fuir les persécutions que les troupes espagnoles faisaient subir aux Protestants, et se rendirent en Italie. Ils choisirent la route qui passait par Francfort (20 septembre), Augsbourg (7 octobre) et Munich, et, dans cette ville, le duc de Bavière Albert V, impressionné par une miniature d'une Vue de Séville, embaucha Hoefnagel comme miniaturiste à sa cour. Poursuivant néanmoins leur trajet, les deux voyageurs se rendirent à Ferrare (30 octobre), Venise (20 décembre), Pessaro (24 décembre), Tivoli (1er février 1578),  Rome, puis, par la Via Appienne à Naples et  en Campanie, pour y visiter la Campania Felix des Romains, la "campagne fertile", car volcanique, proche de Naples. Ils se rendirent à à Pouzzoles pour voir les sources chaudes et soufrées de la Solfatare, étape incontournable du Grand Tour, et à Posillipo, et Hoefnagel fit des croquis préparatoires pour les volumes suivants du Civitates Orbis. Le 20 avril 1578, Hoefnagel était de retour à Munich. Leur visite de la région de Naples eut donc lieu en fin d'hiver.

La Vue de Posillipo fut publiée plus tard, dans le volume V, n°65, mais c'est la vue de la Solfatare qui nous intéresse ici. Publiée en 1581 dans le volume III, planche 58, elle porte la date de 1578.

Nous disposons de trois documents : l'esquisse préparatoire (1578) et la gravure monochrome du Civitates Orbis Terrarum (1581), mais aussi une miniature que Hoefnagel peint peu après son retour à Munich, donc vers 1579. Les trois œuvres sont bien différentes. Leur étude n'est pas le but, mais l'étape préalable de mon propos, qui est d'y considérer un cartouche emblématique et une devise, très révélatrice de la pensée de Joris Hoefnagel.


 

La Solfatare est la zone volcanique la plus impressionnante des Champs Phlégréens, lesquels correspondent à la caldeira d'une explosion datant de -35 000 ans. Des panaches de fumée s' élèvent de la terre tandis qu'on traverse le territoire nauséabond et étrange du dieu du feu Vulcain / Héphaïstos. Des thermes chauds libèrent des fumerolles de dioxyde de soufre, des piscines de boue bouillonnent, et de brefs geysers jaillissent hors de terre. Depuis l'Antiquité, la Bocca grande, ou Grande Bouche de la Solfatare est considérée comme le vestibule de l'enfer, menant vers le Styx, et le visiteur de ce paysage au sol brûlant blanchi comme de vieux ossements vit une expérience mystique oppressante et fascinante qui le confronte, sinon à la mort, du moins au caractère de son existence, dévalorisée par la solennité cosmique. Il aura, comme Hoefnagel, visité le site de Baïes, où l'ancienne station thermale romaine gît par dix mètres de fond sous l'effet du bradyséisme, montée ou affaissement du sol à qui on doit aussi l'apparition en quelques jours du Monte Nuovo en 1538, tandis que le sol s'élevait de six mètres. Nous sommes bien peu de chose. Mais on y tient.

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http://www.icampiflegrei.it/itinerario/inform_de.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Solfatare_(Italie) 

. Le cratère elliptique du volcan mesure 770 x 580 m :

 

I. Le dessin préparatoire : Les Sources Chaudes de Pouzzoles

Joris Hoefnagel [1578], crayon et encre brune avec trace de craie noire, taille: 18.8 x 29.3 cm : National Gallery of Art Washington.

Cette esquisse ne comporte aucun élément emblématique, ni aucun titre, mais la forme générale du cratère, et les fumées  des vapeurs chaudes de soufre, ou la zone d'ébullition au centre, portant l'inscription siedende --dr  — Thea Vignau-Wilberg lit aarde—  "foyer d'ébullition". Une autre inscription en néerlandais échappe à ma compréhension. Six petits abris en V inversé se voient à l'arrière plan, dont nous apprendrons qu'ils servent à la fabrication du soufre blanc (cf. texte de la gravure). Le lieu est peu animé, malgré la présence de deux cavaliers (Ortelius et Hoefnagel ?) et de deux piétons.

Ce document permet de comprendre comment Hoefnagel procédait : ses carnets de dessin étaient annotés en flamand, et accompagnés sans-doute de textes dans la même langue dans un carnet séparé ; l'éditeur Georg Braun faisait traduire ces annotations et  les intégrait éventuellement à la gravure.

 

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II. La miniature.

 Cette œuvre réalisée dès le retour à Munich est conservée au Kupferstichkabinett du  Staatliche Museen de Berlin, et témoigne des talents d'enlumineur de Joris Hoefnagel. Elle  est peinte à la gouache et l'aquarelle sur vélin, rehaussée d'or. Mais la seule image que j'en ai trouvé est celle, en noir et blanc, de l'ouvrage In Europa zu Hause de Théa Vignau-Wilberg (2006). On fera donc confiance à celle-ci lorsqu'elle écrit que "les couleurs de la miniature sont brillantes, séduisantes, délicates et bien conservées: le ciel est bleu, la roche rouge et brun, le sol et brun verdâtre".

Cette minaiture en forme de Tondo est entourée d'une inscription en lettres capitales disant :  "Mirabilium Sulphureorum Montium apud Puteolos [Campos Flegreos Plinius, Vulcani Forum Strabo vulgo nunc Solphatariam vocant Napolitani] genuina accuratissimaque ad vivum depicta representatio" , soit "Les admirables monts sulfureux près de Pouzzoles — Puteolos—, [nommés Campos Flegreos ou Champs Flégréens par Pline, Vulcani Forum ou Agora de Vulcain par Strabon, et communément Solfatares par les Napolitains], représentés fidélement et précisément d'après une peinture sur le vif".

La Solfatare n'est qu'un des cratères des Champs Flégréens. Hoefnagel fait référence à deux auteurs de l'Antiquité qui  l'ont décrit  :

a) Le grec Strabon (-66 à -24) est l'auteur le plus ancien, et c'est lui qui, dans sa Géographie,  a utilisé le nom de Forum Vulcani :

Strabon Livre V chapitre IV : Traduction française : Amédée TARDIEU citée par P. Remacle

« ...Les campagnes environnantes de ces fameux champs Phlégréens*, dont la fable a fait le théâtre du combat des Géants**, en souvenir apparemment des luttes auxquelles avait donné lieu la possession de terres aussi fertiles. »[[...] «  elle vit changer son nom en celui de Puteoli , soit à cause des puits (putei), qui abondent dans les environs, soit, comme certains auteurs le pensent, à cause de la puanteur des eaux, tout le pays jusqu'à Baïes et au territoire de Cume étant rempli de soufrières, de fumaroles et de sources thermales. La même circonstance, suivant quelques géographes, aurait fait donner le nom de Phlegra à toute la campagne de Cume, et il faudrait reconnaître dans ce que nous dit la fable des blessures faites aux Géants par la foudre l'effet pur et simple de ces éruptions volcaniques d'eau et de feu[...] Juste au-dessus de la ville s'élève un plateau connu sous le nom de Forum Vulcani et entouré de toutes parts de collines volcaniques, d'où se dégagent, par de nombreux soupiraux, d'épaisses vapeurs extrêmement fétides: de plus, toute la surface de ce plateau est couverte de soufre en poudre, sublimé apparemment par l'action de ces feux souterrains. »

* (Phlégréens :du grec φλεγραῖος, « brûlant »),

**Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, IV, 21, 5-7) place dans cette zone un combat entre Héraclès et les Géants. 

b) Pline l'Ancien Livre III chapitre IX,9 :

"Sur la côte sont : le fleuve Savon, le Vulturne avec la ville de même nom, Liternum, Cumes des Chalcidiens, Misène, le port de Baïes, Bauli, le lac Lucrin, le lac Averne, auprès duquel fut jadis une ville Cimmérienne; puis Putéoles, colonie, appelée jadis Dicéarchie, les champs Phlégréens [Phlegræi campi , le marais Achérusien, près de Cumes;"

Dans la partie basse de l'inscription, on lit :  Depingeb[at] Geor [ius] Hoefnagle ΑΥΤΟΔΙΔΑΚΤΟΣ Monaci A° MDLXXVIII. "Dépeint par Joris Hoefnagel [Georgius Hoefnagle] AUTODIDACTE à Munich l'année 1578". Les lettres M et D de la date sont calligraphiées de la même façon que sur la miniature de Séville (1573) par une élégante combinaison de demi-cercles et de droites, surmontés d'un tilde.

Outre l'indication précieuse de la date et du lieu d'exécution (juste après son arrivée à la cour d'Albert V), l'élément important est le qualificatif d'Autodidacte que Hoefnagel revendique, et qui a laissé supposer qu'il n'avait pas reçu de formation auprès d'un peintre, et, notamment, auprès de Hans Bol à Anvers, malgré l'affirmation contraire de son biographe van Mander. Il est intéressant de remarquer que dans notre langue, le mot apparaît comme adjectif exactement à la même époque que cette miniature, en 1557 pour  qualifier un objet inanimé, et en 1580 pour s'appliquer à une personne qui s'est instruit d'elle-même. Mais Hoefnagel utilise peut-être le grec ancien αὐτοδίδακτος, autodidaktos au sens de "qui est son seul maître", car cet emploi succède, dans la Vue de Séville de 1573 avec laquelle la Vue des Solfatare est en évidente filiation, à la devise Natura sola magistra "La Nature est mon seul maître". 

 

 

   Par rapport à son esquisse, Hoefnagel reprend les images (mieux dessinées) des deux cavaliers et des deux piétons et ajoute ici a) deux personnages en train de tremper un objet (poisson ?) dans l'eau bouillonnante ; b) deux ouvriers munis de piques et deux autres en arrière plan ; c) un chien ; d) un couple vêtu à la mode Renaissance, l'homme portant un collier de barbe, un bonnet, une fraise, une veste courte, des hauts de chausse ou plutôt une culotte bouffante sur des bas ; e) une femme en tenue princière dont la traîne est tenue par un page. Il obéit ainsi aux règles de la chorographie, qui est de décrire non seulement les paysages, mais les mœurs et les costumes des habitants (ou, ici, des touristes ou curistes). Surtout, la grande différence avec le croquis initial procède de l'inversion du sujet principal : le site paysager passe au second plan par rapport aux quatre élégants personnages. Je suggère d'y voir une mise en opposition entre la futilité de l'existence humaine (richesse des vêtements et bijoux, comportement de séduction et de paraître mondain, d'asservissement des domestiques etc..) et la lourde et sombre menace des fumées noires libérées par les bouches des enfers, qui laissent indifférents  ces visiteurs trop envahis par leur vécu pour accéder à cette leçon sur la Vanité de l'existence. Cette lecture se fonde sur les autres œuvres d'Hoefnagel, et notamment sur le corpus d'inscriptions du volume Ignis des Quatre Éléments. On sait que les peintures d'Hoefnagel ont ouvert la voie aux Natures mortes, dont le sens premier est ce contraste entre le caractère éphémère des fleurs et des papillons, mais aussi des bijoux, pièces de monnaie et autres biens précieux.

 

Le costume de l'homme évoque celui que porte le roi de France Charles IX peint par Hoefnagel entre 1582 et 1593 (illustr. infra), et qui est une copie de celui de François Clouet (Louvres, 1566, et Kunsthistorisches Museum de Vienne). On peut imaginer que sa compagne est la reine Elisabeth d'Autriche (1554-1592), qui revint à Vienne en 1576 après le décès de son mari. Si je ne peux affirmer l'identité de ces élégants visiteurs, je  peux par contre être convaincu que ce ne sont pas de riches marchands, mais des personnages princiers ; de même, je n'ai pas retrouvé de témoignage écrit sur une éventuelle visite de Charles IX, ou de quelque roi, reine ou princesse que ce soit à Pouzzoles, mais les bains de Pouzzoles sont vantés depuis le XIIIe siècle (De Balneis Puteolanis de  Pierre d’Eboli (circa 1212 ? ) et des miniatures médiévales de sources de Pouzzoles, de Cumes, et Baïes montrent les piscines et  les cabines de déshabillage. Hoefnagel a pu seulement, pour la cour ducale de Munich,  "coller" devant sa vue impressionnante des personnages de l'entourage du duc, dans une visée allégorique.

 

 

 Joris Hoefnagel, Visite à la Solfatare, Miniature,  Kupferstichkabinett du  Staatliche Museen de Berlin, image photographiée in Vignau-Wilberg 2006 page 253.

Joris Hoefnagel, Visite à la Solfatare, Miniature, Kupferstichkabinett du Staatliche Museen de Berlin, image photographiée in Vignau-Wilberg 2006 page 253.

 Joris Hoefnagel, Visite à la Solfatare, (détail), Miniature, Kupferstichkabinett , Staatliche Museen de Berlin, image photographiée in Vignau-Wilberg 2006 page 253.

Joris Hoefnagel, Visite à la Solfatare, (détail), Miniature, Kupferstichkabinett , Staatliche Museen de Berlin, image photographiée in Vignau-Wilberg 2006 page 253.

Joris Hoefnagel, Portrait de Charles IX, (1582-93) in T. Vignau-Wilberg (2006) page 278

Joris Hoefnagel, Portrait de Charles IX, (1582-93) in T. Vignau-Wilberg (2006) page 278

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III. La gravure du volume III du Civitates.

 Dans le volume III du Civitates Orbis Terrarum, publié en 1581, la gravure du Forum Vulcani (n° 58) vient après les vues de Vérone, de Pesaro (Marches), d'Orvieto (Ombrie), de Tivoli, de  Velitri et  de Terracina  (Latium), de Mola di Bari (Pouilles), et, en Campanie, de Puteoli (planche 56) et de Cumes (57). En parcourant le volume, nous nous sommes familiarisés à reconnaître les silhouettes inséparables d'Hoefnagel et de Ortelius, avec leurs hautes bottes, leur chapeau rond et noir, leur fraise, leur épée, leur manteau noir, leurs gestes expressifs et, pour Hoefnagel, son carnet de dessin. La planche 56, celle de Puteoli, est d'ailleurs consacrée à leur amitié, sous le titre Nullus in orbe locus praelucet aemonis, dans un poème émouvant (Occurebas tu solus, tu primus, tu postremus, mi orteli cui multis nominibus non solum conveniebant,...) : "Tu te présentes à ma pensée, toi le seul, le premier, mon Orteli en qui sont rassemblés non seulement tous ces noms ...".

Hoefnagel à la Solfatare (1578) : autoportrait au clou martelé par Bêtise et Malfaisance.
Hoefnagel à la Solfatare (1578) : autoportrait au clou martelé par Bêtise et Malfaisance.
Civitates, Verona

Civitates, Verona

 

a) Voici d'abord le texte accompagnant la gravure n°58 du Civitates :

"La Soulfriere nommée Forum Vulcani

Forum Vulcani est appelée par Leander Sulphararia est un lieu en la Champaigne, au bout des ruines qui se voient de Puzoli au chemin de Naples, ainsi nommé de la condition et nature du lieu : lequel Strabo appelle FORUM VULCANI, le disant être près de Puzzoli, et que c'est une plaine Champaigne close de tous cotés de collines de soufre, dont sortent à grand bruit fumées et exhalations comme d'une fournaise. Pline dit que les Anciens ont appelé la dite Champaigne CAMPI PHLEGRAEI. Ce que Solinus confirme, disent. Illic quos sulphure pingues Phlegraei legere sinus, etc.

Le naturel du lieu est du tout admirable premièrement il y a une grande place, assez en forme d'œuf mais plus longue, car elle a en longueur presque 1500 pieds, et n'est large que de 1000 pieds, environnée et enclose tellement de continuelles et hautes montagnes, comme si elles y fussent faites d'industrie qu'on n'y pouvait entrer que du coté de Puzoli. La terre de la dite place n'est que soufre, y produit de nature. Par quoi elle craquette et resonne quand on y passe, pour être pleine de cavernes : comme sont les chose creuses et caves, quand on les frappe et touche. Au bout il y a une fosse, large plutôt que d'anltre forme, pleine d'eau noire et épaisse, perpetuellement bouillante, et jetant hors à grande force fumées très épaisses, de laquelle on ne dit seulement, mais se trouve par expérience, qu'on en tire hors incontinent cuit et bouilli tout ce qu'on y plonge et met dedans, mais toujours amoindrie de quelque portion et partie : comme m'a rapporté Hieronymus Linus Bononiensis, qui y ayant mis dedans quatre œufs, affirma n'en avoir tiré que trois. L'eau n'est toujours en un lieu ni toujours de même hauteur, comme pouvons même témoigner. Car y passant pour la seconde fois dix ans après la première, la trouvâmes presque d'un tiers moindre que ne l'avions vu. Dont est cause l'épaisseur de l'eau : car comme elle amasse et endurcit le soufre aux bords, se diminue et change la dite eau. Près de la fosse se voyent à tous cotés cavernes en terre, desquelles sortent vapeurs de soufre très subtiz et très chaudes. En cette dite place il y a plusieurs ouvroirs, auxquels on fait du soufre blanc. Il fait [est] dangereux d'aller vers cette fosse à cheval, pour ce que tout y est plein de cavernes et de gouffres. Et racontent les voisins qu'il y eut un y allant à cheval, qui ne faisant compte de l'avertissement de ceux qui s'y connaissaient, fut avec son cheval abîmé en un instant, de sorte qu'on ne le vit plus. De ce soufre croissant, écrit en cette sorte Pline : En Italie, (dit-il) en la Champaigne de Naples aux montelets nommés Leucogabi se trouve soufre, lequel tiré hors des mines se parfait au feu. Ces dites collines semblent brûler de tous cotés, et jeter hors, grandes fumées avec senteur de soufre, portée des vents par toute la dite contrée, et jusques à Naples. Et combien que ladite odeur soit ennuyeuse, fâcheuse et laide, toutefois elle donne secours aux flux et cathares. L'eau de la fosse soufrière amollit les nerfs, rend la vue aigue, restreint les larmes et vomissements, conforte les douleurs de l'estomac, et rend fécondes les femmes stériles, chasse les fièvres froides, et purge les membres roigneux. Outre la colline au coté de l'Orient de cette place, est une allée où se fait l'alun en cette sorte. On cuit en fournaise les pierres de la dite montagne, puis on les mets par tas et monceaux, les arrosant par l'espace de quelques jours d'eau tirée de certains puits qui y sont, les trempant tellement qu'elles se ROsouldent en cendres : des dites cendres se fait lexiue [lessive?], laquelle on met en vaisseau de bois, où elle se congèle et solide aux bords à l'épaisseur d'une once comme cristal ou glace, d'où la faut tailler et séparer par instruments en fer ; autant en dit Leander*."

*Leandro Alberti (né le 12 décembre 1479 à Bologne et mort le 9 avril 1552 dans la même ville) est un religieux dominicain, un philosophe, un historien et un théologien italien du xvie siècle, qui fut provincial de son ordre, et un Inquisiteur. Il publia sa Description de l'Italie  en 1550, et celle-ci fut réédité 13 fois jusqu'en 1630 : Descrittione di tutta Italia, nella quale si contiene il sito di essa, l'origine et le Signorie delle Città et delle Castella, Bologna, 1550. Sa description de Terra di Lavoro, cinquième partie de son traité, débute à la page 159. La Solfatare est décrite page 181-182.

On trouvera la version originale en latin du texte ici (page 110)  : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000000713.

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b) La gravure n°58.

On remarque immédiatement qu'elle comprend un faux-cadre, parfaitement extérieur à la scène paysagère, et fait de courbes et contre-courbes. Mettons-le en réserve, car c'est mon sujet principal, et j'y viendrai bien assez tôt. Précisons néanmoins que le contenu de deux cartouches : en haut à gauche, le texte reprend celui qui courait tout autour de la miniature : "Mirabilium Sulphureorum Montium apud Puteolos [Campos Flegreos Plin. Vulcani Forum Strabo vulgo nunc Solphatariam vocant Neapolitani] genuina accuratissimaque ad vivum depicta representatio" . Celui de droite sert de légende et va donc être utile pour examiner la gravure.

L'arrière-plan n'est guère modifié. La lettre A se dissimule dans les contreforts du cratère, et renvoie à ce commentaire :"A : Ex horum montium Terra ac lapidibus Sulphur conficitur  : " De ces montagnes de terre et de pierres est fabriqué le soufre". La Lettre C indique C. Aqua hic est perennis nigra aspectu et crassa ita fervida ut ovum crudum instinctum coctum [d]etrahatur : cum mare exestuat usque ad 24 palmos ebulliens sepe attollitur. : "L'eau est ici toujours noire d'aspect et épaisse et si chaude qu'un œuf y est immédiatement cuit et diminué ; avec (la mer) jusqu'à 24 palmes [=3 mètres] bouillant ..souvent apporterait ???" L'édition Taschen a traduit : "The water here is always black, muddy and so hot that if an egg is put in it, it will come out cooked; the water bubbles like the sea and often surges up to a height of 24 handbreadths"

nb : exestuat = exeduat ; exedo = manger, consumer, dévorer.

attolitur = adtolitur ; adtulo = apporter

Autour de cette étendue d'eau, quatre hommes s'affairent ; l' un trempe par une corde une volaille dans le liquide.

La lettre B indique un chemin en pente ; elle reçoit cette légende :Ex hisce albicantibus magna sit copia aluminis "De ce grand (endroit) blanc provient l'alun".

Un chariot bâché se dirige vers le fond, tiré par quatre chevaux : il emmène sans-doute des visiteurs.

Au premier plan à gauche, nous retrouvons, en image inversée, la "Princesse" ou Reine et son page, tenant son bonnet à plume à la main. Puis, au milieu, le couple royal qui figurait sur la miniature laisse la place à deux hommes, vêtus également d'un costume princier. Ce ne peut  sans-doute pas correspondre à Ortelius et Hoefnagel, qui ne portent jamais une telle tenue sur les autres planches. Enfin, une femme arrive, dans une litière à deux porteurs, et jette un regard curieux en écartant la tenture.

Enfin, la vue chorographique est orientée grâce à la mention ORIENS placée dans sa partie haute.

Voici comment  Édouard  Fétis décrit la gravure en 1857 :

"La Solfatare, mine de soufre, près de Pouzzoles, fournit à Hoefnagel le sujet d'une composition bizarre. L'eau thermale dont il existe une source en ce lieu passe pour donner la fécondité aux femmes. Le caustique artiste y fait arriver deux dames, l'une à pied, l'autre en litière. Deux jeunes gens paraissent les attendre. C'est évidemment une allusion à la vertu de la source, sinon à celle des Napolitains." 


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http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=9244 : cliquez sur ce lien pour une image de meilleure qualité.

 

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Deux gravures colorées viendront montrer que l'on ne peut tirer de conclusion formelle des couleurs des costumes, par exemple.

http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=4190

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http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00092844&pimage=00001&suchbegriff=&l=fr

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Voilà, les trois documents sont décrits, tirez les rideaux, allumez le projecteur, j'en arrive en fin à mon sujet : le cadre de la gravure et ses cartouches. Diapo !

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DUM EXTENDAR : LE CLOU EMBLÉMATIQUE DE HOEFNAGEL CLAIREMENT COMMENTÉ PAR L'ARTISTE.

Selon un procédé qui va devenir constant chez Hoefnagel notamment pour ses Allégories, la scène est placée, comme dans une vitrine, "derrière" un cadre doré en trompe-l'œil muni de faux rivets et de fausses clavettes. Deux étonnants fers à cheval y sont intégrés en partie haute ; d'amples courbes serpentines se rejoignent sur le mot ORIENS, tandis qu'en bas, les bras de "laiton", largement décorés de foudres et de flèches, dessinent  d'amples C avant de se terminer par deux figures de forgerons. Ils travaillent autour d'une forge qui est le centre inférieur du dispositif. Sur l'enclume, un clou est posé en diagonale, tête vers nous. Il porte l'inscription GEORGIUS. Sur le flanc de l'enclume est inscrit  DVM EXTENDAR.

La lecture de ce rébus est simple. Le nom Hoefnagel, ou Houfnagel, Hunagel, provient d'un nom de métier, celui de maréchal-ferrant. Il associe Huf, "sabot" et nagel, "clou". (ce métier est aussi désigné sous le nom de Hufschmitt, "sabot-forgeron"). Hoefnagel reprend à son compte ici cette étymologie pour faire du clou son emblème, le complétant de deux fer à cheval dotés chacun de trois clous.

 

Cela ne serait qu'une façon plaisante de s'inspirer des "armes parlantes" de l'héraldique pour remplacer sa signature, si, en réalité, cet artiste, fin lettré, fin humaniste et peintre éminemment intellectuel, ne transformait cette sorte de jeu de mot en un manifeste philosophique.

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L'Âne et le Chardon.

En effet, à gauche, le forgeron qui frappe hardiment le clou est un âne aux longues oreilles, mais c'est un âne humanisé aux bras et au tronc d'un humain : c'est l'allégorie de la Bêtise.  

Le chardon qu'il mange, et dont un plant encadre l'enclume, mérite qu'on s'y attarde ; c'est le Chardon aux ânes, ou Onopordon fausse-acanthe, dont le symbolisme est ambivalent. C'est l'emblème de l'Écosse et de la Lorraine, liée à la devise "qui s'y frotte s'y pique" du duc de Lorraine, mais c'est aussi, comme l'acanthe,  le témoin des épreuves traversées, de la malédiction biblique de Dieu à Adam en  Genèse 3:18 "Le sol produira pour toi épines et chardons", sublimée par l'aspect rédempteur des épreuves. C'est donc aussi un symbole christique. Un autoportrait célèbre de Dürer à 22 ans représente l'artiste tenant un chardon, avec l'inscription   "Les choses m'arrivent comme il est écrit là-haut". En un mot, c'est autant l'aliment de l'âne participant à la symbolique de la Bêtise, et la plante épineuse renvoyant à la Passion.

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Gorgo, le Serpent et la Ronce.

A droite, nous trouvons Gorgone, au tronc féminin, mais dont la chevelure est faite de serpents qui, gueule ouverte, semblent siffler avec colère. On la considère (Vignau-Wilberg, Fétis) comme l'allégorie de l'Envie, mais  dans la mythologie Méduse représente une puissance malfaisante bien plus radicale, infernale,  pétrifiant celui qui la voit par la terreur paralysante qu'elle provoque. Et, dans la tradition judéo-chrétienne, le Serpent est, bien-sûr, le Mal en personne, le Diable. Ces serpents sinueux et agressifs vont être omniprésents dans les miniatures d'Hoefnagel, tant dans le Missale Romanum que dans les deux Livres de modèles de G. Bocksay, ou dans ses allégories. Mais ils y figurent aussi sous une forme maîtrisée dans la même tradition de Persée tranchant la tête de Méduse : dans l'égide au gorgoneion de Minerve/Athéna (gravure d'Hermathena par Sadeler sur un concept de Hoefnagel) d'une part, et affrontés autour du bâton de Mercure dans l'emblème du caducée, d'autre part. Le Mal surmonté par l'Intelligence et par l'Art. On voit combien, déjà, dans le choix de ce motif de 1581, s'enracine toute l'emblématique personnelle de l'artiste, centrée sur la chouette d'Athéna et le caducée d'Hermés qui se réuniront dans la figure de l'Hermathena.

La Ronce (les mûres sont clairement dessinées) participe de la même symbolique : plante épineuse et envahissante, elle est la cause du mal, et évoque la Couronne d'épines de la Passion du Christ. Mais ses fleurs sont blanches, liées à la pureté, à la virginité ou à l'absence de péchés (pétales immaculés), et ses fruits sont rouges, témoins de la souffrance subie, du sang versé, mais aussi de la Vie. Encadrant l'enclume et son clou, elle contribue à la valence négative de la Méduse et du Serpent, mais aussi au message positif affirmé par la devise. La Ronce se divise ici en deux branches, et si l'une entoure la taille de la Gorgone, l'autre forme une sorte de couronne autour de la tête du clou.

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Le clou.

 C'est aussi un objet ambivalent puisqu'il tient son utilité de son caractère contondant, pour ne pas dire blessant. Il est fait d'une pointe, et d'un corps mais aussi d'une tête, qui reçoit les coups. C'est aussi l'un des Instruments de la Passion, mentionné par Jean 19:17.

Hoefnagel, qui dispose de cet emblème dans la structure de son nom, peut donc s'approprier tout ou partie des significations auxquelles il renvoie.

Ici, le clou ,"Georgius" étendu sur l'enclume et frappé tour à tour par la Bêtise et par le Mal, semble témoigner du fait que l'artiste a traversé de rudes épreuves et qu'il souffre encore d'être confronté à ces Vices. Il suffit, pour comprendre à quoi il fait allusion, de savoir que, depuis la répression par les Espagnols du mouvement lié à la Réforme Protestante dans les Pays-Bas et depuis le début de la Guerre de Quatre-Vingt Ans (1568-1609), son père qui était un riche diamantaire a été ruiné, sa ville d'Anvers a été mise à sac en 1576, et il a été obligé de s'exiler en Allemagne. Sa famille et ses amis ont été concernés. Il faut aussi se rappeler du déchaînement de violence qui ont accompagné, en France, les Guerres de Religion (la mise à sac de la cathédrale du Mans par les "Huguenots" date de 1562, le massacre de la Saint-Barthélémy date de 1572, pour ne choisir que deux exemples) pour comprendre ce qu' à l'époque, chacun peut deviner dans cette alliance de la Bêtise et du Mal.

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Dum extendar.

  Je n'ai pas trouvé, par le moteur de recherche, cette devise avant son emploi, et peut-être sa création, par Hoefnagel. Une traduction littérale donnerait "pourvu que je m'allonge" ou "Aussi longtemps que je m'étire" (dum signifie "tandis que, aussi longtemps que" , et extendo - étirer.) La traduction du verbe laisse le choix, selon Gaffiot, entre trois sens : 1 : étendre, allonger, élargir ; 2 : étendre à terre, coucher tout du long ;  3 : allonger, agrandir, augmenter. Ce sont notamment les emplois postérieurs à Hoefnagel qui vont permettre de confirmer que cette devise utilise le sens "grandir" et qu'il faut la traduire par "Pourvu que j'en soit aggrandi", "pourvu que je m'allonge" (pour le clou en train d'être martelé) ou "pourvu que j'en sorte grandi" (pour celui qui adopte cette devise). 

a) Hoefnagel a employé cette devise à deux reprises au minimum. On l'a trouve d'abord au dessus de son portrait de 1592  par Sadeler, accompagnée du clou et de l'enclume. 

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http://webapps.fitzmuseum.cam.ac.uk/explorer/index.php?qu=flemish%20painting&oid=145901

 

b) On la trouve aussi dans le cartouche de la carte de Cadix de la planche 31 du Teatrum Orbis Terrarum (1584) d'Abraham Ortelius. Ce cartouche porte l'indication  [Cadiz Vrbs] Hanc Insvlam perlvstrabat, et sva manv depingat Georgivs Hoefnaglivs Antverpian Belga. Dum Extendar. : " La ville de Cadiz. Cette île a été explorée et dessinée de la main de Joris Hoefnagel d'Anvers, Belgique. Dum extendar." Les autres cartouches indiquent la date de 1584 : Cum priuilegio Imp. et  Belgico, ad decennium". Carpetani Ae partis Descr. 1584. Vardulorum, sive Gvipuscoae Regionis Typus .

Pour voir la gravure avec précision, cliquez sur ce lien vers Gallica

 

 

 

c) Comme je l'ai signalé, cette devise n'apparaît pas avant que Hoefnagel ne la crée, mais a été reprise au XVIIe siècle, dans une acceptation religieuse que son premier auteur n'avait pas engagée. En effet, le poète néo-latin allemand Gabriel Rollenhagen a repris ce motif et cette devise (motto ou imprese) en 1611 dans son recueil d'emblèmes publié à Cologne  Nucleus emblematum. La planche XVII  montre, dans un médaillon cerclé par la devise DVM EXTENDAR, la main de Dieu sortant des nuages et frappant un clou posé sur une enclume. En arrière plan, un cavalier s'éloigne de ce qui doit être son pays natal, puisqu'il se retourne vers ses parents, qui le saluent. Cette vignette est  accompagnée de l'épigramme DVM EXTENDAR, duros ictus tot perfero, nomen / ob clarum cur quis ferre recuset idem? : "Pourvu que je grandisse, je supporte tous les coups ..." 

 Dans une édition de 1611 mise en ligne sur an openlibrary.org, , la devise est accompagnée de cet épigramme en français

L'accort ouvrier prenant une masse difforme,

Par maint coup de marteau luy va donnant sa forme.

Ainsi Dieu, grand ouvrier, de maux nous martelant,

Nous rend temples sacrés de l'Esprit consolant.

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Rollenhagen

Dum extendar, duros ictus tot perfero; nomen
ob clarum cur quis ferre recuset idem?

Till God hath wrought us to his Will,
The Hammer we shall suffer still.

Although Rollenhagen's epigram does not mention God, you can see the hand of God reaching out with the hammer!

Dum Extendar

Dum Extendar, duros ictus perfero morts; nom

si Clarum actu quis ferre recuset idem?

 

Jusqu'à ce que Dieu nous a forgé sa volonté,

Le marteau doivent nous souffrir en silence.

 

 

 

Voici le vocabulaire:

 

dum - tandis que, aussi longtemps que

extendo - étirer

durus - disque

ictus - coup

morts - tant

perfero - portent endurer,

nomen - nom

si - en raison de

clarus - claire, lumineuse, brillante, célèbre

cur - pourquoi

quis - qui, ne importe qui

fero - ours, effectuer

recuso - refuser

idem - le même

 

 

Rôle Hagen a visité l'école secondaire 1558-1560 à Prenzlau et Magdebourg. 1560, il se inscrit à Wittenberg, où il a obtenu son doctorat en 1567 pour le Maître de la Divinité. Il a ensuite travaillé à l'école Magdeburg. De 1575 il était recteur de l'école, dont il a conduit à une importance nationale. De 1573 à 1609 rôle Georg Hagen a également occupé le poste de prédicateur à l'église Saint-Sébastien à Magdebourg. 1583 était son fils, qui est né pas moins célèbres poètes et le rôle Emblematiker Gabriel Hagen. De ses environs immédiats presque inaperçue, Georg rôle Hagen est devenu un important écrivain et dramaturge de son école de temps. Sous le pseudonyme (Marcus Hüpfinsholz de Meusebach), il a publié plusieurs ouvrages. Le plus connu est le 1595 publié Froschmeuseler. Dans ce travail, civile et didactique, il illustre l'âge de la Réforme sous la forme d'un animal de poème épique dans laquelle Luther comme la grenouille "Elbmarx" apparaît. Le Froschmeuseler tourne anti-guerre satirique et soutenir une éthique civique.

Gabriel Rollenhagen, auch: Rollenhagius (* 22. März 1583 in Magdeburg; † 1619 ? in Magdeburg) war ein deutscher und lateinischer Dichter, Schriftsteller und Emblematiker.

Als Sohn des bekannten Magdeburger Predigers und Pädagogen Georg Rollenhagen erfuhr er eine ausgezeichnete Erziehung, zuerst an der vom Vater geleiteten Gelehrtenschule. Gabriel Rollenhagens hier 1602gehaltene lateinische Valediktionsrede Promulsis Magdeburgensis wurde 1620, offenbar kurz nach seinem frühen Tod, im Druck veröffentlicht. Im Jahre 1602 immatrikulierte er sich in Leipzig, wo er bis 1604juristische Studien verfolgte, die er ab 1605 an der Universität Leiden fortsetzte. Die Bekanntschaft mit Daniel Heinsius ermöglichte ihm den Zugang zu berühmten humanistischen Gelehrten wie Hugo Grotius undJoseph Scaliger.

Schon in Leipzig hatte Gabriel Rollenhagen seine oft aufgelegten, fiktiven Jndianischen Reysen veröffentlicht, die in allen Drucken von einem Anhang populärer Münchhausiaden unter dem Titel Warhaffte Lügenbegleitet sind. 1606 nach Magdeburg zurückgekehrt, gab er die wohl noch in Leiden entstandenen Juvenilia heraus. Mit einer ebenfalls oft gedruckten derben Liebeskomödie Amantes amentes, z. T. inplattdeutscher Sprache, erzielte er ebenfalls einen großen Erfolg, doch sein bleibender Nachruhm beruht auf dem Nucleus emblematum von 1611, dem prachtvollsten unter all den Tausenden von Emblembüchern der Barockzeit.

Werke (Auswahl)[Bearbeiten]

  • Amantes amentes, das ist ein sehr anmutiges Spiel von der blinden Liebe. Magdeburg 1609

  • Nucleus emblematum. Hildesheim 1985 (Ndr. d. lat. Erstausgabe v. 1611; 1613 von Crispin de Passe dem Älteren veröffentlicht in Utrecht). Dt. Übs. u.d.T. Sinn-Bilder, hrsg. Carsten-Peter Warncke. Dortmund 1983

  • Vier Bücher wunderbarlicher biss daher unerhörter und ungleublicher Jndianischer Reysen. Bötcher, Magdeburg 1603 (Digitalisat und Volltext im Deutschen Textarchiv)

Ndr. d. Ausg. 1605 hrsg. v. Gerhard Dünnhaupt. Stuttgart 1995. ISBN 3-7772-9424-1

 

Gabriel Gabriel Rollenhagen , y compris: Rollenhagius (* 22 Mars, 1583 à Magdebourg , † 1619  ? à Magdeburg ) était un Allemand et latins poètes , écrivains et Emblematiker .Comme le fils du célèbre prédicateur et enseignant Magdeburg rôle George Hagen il a appris une excellente éducation, d'abord à l'école de chercheurs dirigée par le père. Gabriel rôle Hagens ici en 1602 a tenu latine Valediktionsrede Promulsis Magdeburgensis était en 1620 , publié dans la presse, apparemment peu de temps après sa mort prématurée. En 1602 , il se inscrit à Leipzig, où il resta jusqu'en 1604 études juridiques poursuivi, il partir de 1605 à l' Université de Leiden continué. La connaissance avec Daniel Heinsius lui a permis d'accéder aux célèbres humanistes savants tels que Hugo Grotius et Joseph Scaliger .

Déjà à Leipzig Gabriel rôle Hagen avait son souvent émis fictive Jndianischen Reysen publié, dans tous les tirages en annexe populaire Münchhausiaden sous le titre mensonges Warhaffte sont accompagnés. 1606retourné à Magdebourg, il a probablement été causé plus de souffrance dans juvenilia sur. Avec un aussi souvent imprimés rugueuses comédie romantique amentes Amantes tels. T. bas allemand langue, il a également obtenu un grand succès, mais sa renommée durable est basé sur le noyau Emblematum de 1611 , la plus belle parmi tous les milliers de livres emblème de la période baroque.

Travaux (sélection) [ modifier ]

  • Amantes amentes, ce est un jeu très gracieuse de l'amour aveugle. Magdeburg 1609

  • Nucleus Emblematum . Hildesheim 1985 (d Ndr latine édition v 1611; .... En 1613 par Crispin de Passe l'Ancien publié dans Utrecht ). Dt. UBS. UDT sens-images , éd. Carsten-Peter Warncke. Dortmund 1983

  • Quatre livres wunderbarlicher donc mordaient scandaleux et ungleublicher Jndianischer Reysen. BOTCHER, Magdeburg 1603 ( texte numérisé et plein de Text Archive allemande )

Ndr. D. Ed. 1605 éd. v. Gerhard Dünnhaupt . Stuttgart 1995e ISBN 3-7772-9424-1

http://diglib.hab.de/drucke/21-2-eth-2/start.htm

 

Ortelius Map No. 31

 

Title: "Cum priuilegio Imp. et| Belgico, ad decennium". CAR:|PETANI:|Æ PARTIS | DESCR. | "1584" - "Vardulorum, sive" | GVI:|PVSCOAE | REGIONIS | TYPVS. - [Cadiz Vrbs] HANC INSVLAM | PERLVSTRABAT, | ET SVA MANV DE:|PINGAT GEOR:|GIVS HOEFNAGLI:|VS ANTVERPIAN. | BELGA. | "Dum extendar".

[With an Imperial and Belgian Privilege for ten years. Depiction of a part of Carpetani 1584 - A Map of the Varduli or the region of Guipuscoa - The City of Cadiz. This island has been explored and drawn in his own hand by Georgius Hoefnaglius of Antwerp, Belgium, as it presents itself.]

(Top left:) "Glycerisæ maximus | hic proventus" [Here is a great supply of glycerine.] Top left: "Leganes. Separum | hic magnus | prouentus". [Leganes. Here are many hedges.]

(Top left:) "Torejon. | Salsamentorum pis:|cium emporium". [Torejon, a market for salted fish.]

(Top left:) Esqujvias|nobiliß.hinc|vinum. [Esqujvias. The wine from here is excellent.]

(Top left:) "La mar. pis:|cina est". [La mar. This is a swimming pool.]

(Top left centre:) "Hic multa antiqua | monumenta effodiuntur". [Here many ancient monuments are dug up.]

(Lower left centre:) "Hic olim fuiße | vrbem, indicant|ruinæ ingentes". [Here was once a city, as extensive ruins indicate.]

(Centre:) "Ocaña. Olcades hic olim habitas:|se credit Nebrißensis". [Ocaña. Here lived the Olcades once, as Nebrißensis believes.]

(Centre:) "Puntal. Hic saburram exonerant | naues sal recepturæ". [Puntal. Here ships ballasted with sand load salt.]

(Bottom centre:) "Nobilißima Hispaniæ | vina hic nascuntur". [Here grow the most noble wines of Spain.]

(Bottom centre:) "Torres de | Hercules: Almedraua. Hic thynno:|rum captura a Calendis | Maij ad XVII. vsque|Calend. Iulij". [Almedrava near the pillars of Hercules. Here they catch tuna fish from the 17th of May until the beginning of July].

Plate size: 392 x 488 mm. For sizes of each map, see below. Three maps on one plate.

 

Cartographic sources: very accurate source of unknown nature. The names of Carolus Clusius and Georg Hoefnagel have been suggested (Meurer p. 89).

 

Rollenhagen

Dum extendar, duros ictus tot perfero; nomen
ob clarum cur quis ferre recuset idem?

Till God hath wrought us to his Will,
The Hammer we shall suffer still.

Although Rollenhagen's epigram does not mention God, you can see the hand of God reaching out with the hammer!

Dum Extendar

Dum Extendar, duros ictus perfero morts; nom

si Clarum actu quis ferre recuset idem?

 

Jusqu'à ce que Dieu nous a forgé sa volonté,

Le marteau doivent nous souffrir en silence.

 

 

 

Voici le vocabulaire:

 

dum - tandis que, aussi longtemps que

extendo - étirer

durus - disque

ictus - coup

morts - tant

perfero - portent endurer,

nomen - nom

si - en raison de

clarus - claire, lumineuse, brillante, célèbre

cur - pourquoi

quis - qui, ne importe qui

fero - ours, effectuer

recuso - refuser

idem - le même

 

 

Rôle Hagen a visité l'école secondaire 1558-1560 à Prenzlau et Magdebourg. 1560, il se inscrit à Wittenberg, où il a obtenu son doctorat en 1567 pour le Maître de la Divinité. Il a ensuite travaillé à l'école Magdeburg. De 1575 il était recteur de l'école, dont il a conduit à une importance nationale. De 1573 à 1609 rôle Georg Hagen a également occupé le poste de prédicateur à l'église Saint-Sébastien à Magdebourg. 1583 était son fils, qui est né pas moins célèbres poètes et le rôle Emblematiker Gabriel Hagen. De ses environs immédiats presque inaperçue, Georg rôle Hagen est devenu un important écrivain et dramaturge de son école de temps. Sous le pseudonyme (Marcus Hüpfinsholz de Meusebach), il a publié plusieurs ouvrages. Le plus connu est le 1595 publié Froschmeuseler. Dans ce travail, civile et didactique, il illustre l'âge de la Réforme sous la forme d'un animal de poème épique dans laquelle Luther comme la grenouille "Elbmarx" apparaît. Le Froschmeuseler tourne anti-guerre satirique et soutenir une éthique civique.

Gabriel Rollenhagen, auch: Rollenhagius (* 22. März 1583 in Magdeburg; † 1619 ? in Magdeburg) war ein deutscher und lateinischer Dichter, Schriftsteller und Emblematiker.

Als Sohn des bekannten Magdeburger Predigers und Pädagogen Georg Rollenhagen erfuhr er eine ausgezeichnete Erziehung, zuerst an der vom Vater geleiteten Gelehrtenschule. Gabriel Rollenhagens hier 1602gehaltene lateinische Valediktionsrede Promulsis Magdeburgensis wurde 1620, offenbar kurz nach seinem frühen Tod, im Druck veröffentlicht. Im Jahre 1602 immatrikulierte er sich in Leipzig, wo er bis 1604juristische Studien verfolgte, die er ab 1605 an der Universität Leiden fortsetzte. Die Bekanntschaft mit Daniel Heinsius ermöglichte ihm den Zugang zu berühmten humanistischen Gelehrten wie Hugo Grotius undJoseph Scaliger.

Schon in Leipzig hatte Gabriel Rollenhagen seine oft aufgelegten, fiktiven Jndianischen Reysen veröffentlicht, die in allen Drucken von einem Anhang populärer Münchhausiaden unter dem Titel Warhaffte Lügenbegleitet sind. 1606 nach Magdeburg zurückgekehrt, gab er die wohl noch in Leiden entstandenen Juvenilia heraus. Mit einer ebenfalls oft gedruckten derben Liebeskomödie Amantes amentes, z. T. inplattdeutscher Sprache, erzielte er ebenfalls einen großen Erfolg, doch sein bleibender Nachruhm beruht auf dem Nucleus emblematum von 1611, dem prachtvollsten unter all den Tausenden von Emblembüchern der Barockzeit.

Werke (Auswahl)[Bearbeiten]

  • Amantes amentes, das ist ein sehr anmutiges Spiel von der blinden Liebe. Magdeburg 1609

  • Nucleus emblematum. Hildesheim 1985 (Ndr. d. lat. Erstausgabe v. 1611; 1613 von Crispin de Passe dem Älteren veröffentlicht in Utrecht). Dt. Übs. u.d.T. Sinn-Bilder, hrsg. Carsten-Peter Warncke. Dortmund 1983

  • Vier Bücher wunderbarlicher biss daher unerhörter und ungleublicher Jndianischer Reysen. Bötcher, Magdeburg 1603 (Digitalisat und Volltext im Deutschen Textarchiv)

Ndr. d. Ausg. 1605 hrsg. v. Gerhard Dünnhaupt. Stuttgart 1995. ISBN 3-7772-9424-1

 

Gabriel Gabriel Rollenhagen , y compris: Rollenhagius (* 22 Mars, 1583 à Magdebourg , † 1619  ? à Magdeburg ) était un Allemand et latins poètes , écrivains et Emblematiker .Comme le fils du célèbre prédicateur et enseignant Magdeburg rôle George Hagen il a appris une excellente éducation, d'abord à l'école de chercheurs dirigée par le père. Gabriel rôle Hagens ici en 1602 a tenu latine Valediktionsrede Promulsis Magdeburgensis était en 1620 , publié dans la presse, apparemment peu de temps après sa mort prématurée. En 1602 , il se inscrit à Leipzig, où il resta jusqu'en 1604 études juridiques poursuivi, il partir de 1605 à l' Université de Leiden continué. La connaissance avec Daniel Heinsius lui a permis d'accéder aux célèbres humanistes savants tels que Hugo Grotius et Joseph Scaliger .

Déjà à Leipzig Gabriel rôle Hagen avait son souvent émis fictive Jndianischen Reysen publié, dans tous les tirages en annexe populaire Münchhausiaden sous le titre mensonges Warhaffte sont accompagnés. 1606retourné à Magdebourg, il a probablement été causé plus de souffrance dans juvenilia sur. Avec un aussi souvent imprimés rugueuses comédie romantique amentes Amantes tels. T. bas allemand langue, il a également obtenu un grand succès, mais sa renommée durable est basé sur le noyau Emblematum de 1611 , la plus belle parmi tous les milliers de livres emblème de la période baroque.

Travaux (sélection) [ modifier ]

  • Amantes amentes, ce est un jeu très gracieuse de l'amour aveugle. Magdeburg 1609

  • Nucleus Emblematum . Hildesheim 1985 (d Ndr latine édition v 1611; .... En 1613 par Crispin de Passe l'Ancien publié dans Utrecht ). Dt. UBS. UDT sens-images , éd. Carsten-Peter Warncke. Dortmund 1983

  • Quatre livres wunderbarlicher donc mordaient scandaleux et ungleublicher Jndianischer Reysen. BOTCHER, Magdeburg 1603 ( texte numérisé et plein de Text Archive allemande )

Ndr. D. Ed. 1605 éd. v. Gerhard Dünnhaupt . Stuttgart 1995e ISBN 3-7772-9424-1

http://diglib.hab.de/drucke/21-2-eth-2/start.htm

 

Ortelius Map No. 31

 

Title: "Cum priuilegio Imp. et| Belgico, ad decennium". CAR:|PETANI:|Æ PARTIS | DESCR. | "1584" - "Vardulorum, sive" | GVI:|PVSCOAE | REGIONIS | TYPVS. - [Cadiz Vrbs] HANC INSVLAM | PERLVSTRABAT, | ET SVA MANV DE:|PINGAT GEOR:|GIVS HOEFNAGLI:|VS ANTVERPIAN. | BELGA. | "Dum extendar".

[With an Imperial and Belgian Privilege for ten years. Depiction of a part of Carpetani 1584 - A Map of the Varduli or the region of Guipuscoa - The City of Cadiz. This island has been explored and drawn in his own hand by Georgius Hoefnaglius of Antwerp, Belgium, as it presents itself.]

(Top left:) "Glycerisæ maximus | hic proventus" [Here is a great supply of glycerine.] Top left: "Leganes. Separum | hic magnus | prouentus". [Leganes. Here are many hedges.]

(Top left:) "Torejon. | Salsamentorum pis:|cium emporium". [Torejon, a market for salted fish.]

(Top left:) Esqujvias|nobiliß.hinc|vinum. [Esqujvias. The wine from here is excellent.]

(Top left:) "La mar. pis:|cina est". [La mar. This is a swimming pool.]

(Top left centre:) "Hic multa antiqua | monumenta effodiuntur". [Here many ancient monuments are dug up.]

(Lower left centre:) "Hic olim fuiße | vrbem, indicant|ruinæ ingentes". [Here was once a city, as extensive ruins indicate.]

(Centre:) "Ocaña. Olcades hic olim habitas:|se credit Nebrißensis". [Ocaña. Here lived the Olcades once, as Nebrißensis believes.]

(Centre:) "Puntal. Hic saburram exonerant | naues sal recepturæ". [Puntal. Here ships ballasted with sand load salt.]

(Bottom centre:) "Nobilißima Hispaniæ | vina hic nascuntur". [Here grow the most noble wines of Spain.]

(Bottom centre:) "Torres de | Hercules: Almedraua. Hic thynno:|rum captura a Calendis | Maij ad XVII. vsque|Calend. Iulij". [Almedrava near the pillars of Hercules. Here they catch tuna fish from the 17th of May until the beginning of July].

Plate size: 392 x 488 mm. For sizes of each map, see below. Three maps on one plate.

 

Cartographic sources: very accurate source of unknown nature. The names of Carolus Clusius and Georg Hoefnagel have been suggested (Meurer p. 89).

 

.

 

d) En 1635, Georges Wither compose des distiques en anglais pour les plaques gravées de Crispin van Passe et publie A collection of emblemes, ancient and moderne quickened with metricall illustrations, both morall and divine : and disposed into lotteries , Henry Taunton, London. Emblème Withers 1635 :

Till God hath wrought us to his Will

The Hammer we shall suffer still.

.

 

https://archive.org/stream/collectionofembl00withe#page/16/mode/2up

 

 

.e) En 1675, Romano Müller intègre cette devise dans une prière de son Sympatheticae Orationes Christo Homini Deo, Salzbourg, page 126.

f) En 1683, on retrouve cette devise citée par le pére jésuite Claude-François Menestrier dans son Les Devises des princes,...ou La Philosophie des images, composée d'un ample recueil de devises , page 96 :   "Dum extendar : Pourvû que je m'étende, pour une personne résolue à souffrir pourvu qu'elle pût avancer". 

Dans ce recueil, les devises sont regroupées par thèmes, et celle-ci figure dans le chapitre " Les Forges, Fournaises, et le fer dans le feu, ou sur l'enclume". La figure de la lame de fer frappée sur l'enclume suscite les devise In melius vertet, "Il lui fera prendre une meilleure forme", Non sine fabro, "Rien sans le forgeron", Vis contuso major "Plus on le bat, plus il a de force", Quanto battuto piutanto piu indura "Il s'endurcit plus il est battu",  Rubigo consummitur "ainsi s'en va la rouille", et pour une barre de fer qu'on trempe toute ardente, Firmius ad opus " Elle sera plus forte pour agir.". Toutes ces devises illustre  l'endurance et la vertu renforcée par l'adversité. Mais la même figure peut être utilisée dans un sens presque inverse : Format vertis in omnes, "pour lui donner la forme qu'on veut".

.

En définitive, la devise initiale de Hoefnagel possède bien plus de vigueur et d'à propos que les reprises qui en sont faites par Rollenhagen et de Wither dans un sens religieux différent. Chez Hoefnagel, les souffrances ne sont pas envoyées par Dieu pour éprouver le fidèle, mais elles sont affrontées par l'artiste et par le savant en butte avec l'ignorance, la bêtise et la méchanceté : selon la grande pensée humaniste depuis Érasme, c'est par l'éducation, par l'enseignement, par l'exemple et par la fonction pédagogique de l'image (par l'éloquence artistique à laquelle préside Mercure) que le Mal et la Bêtise seront combattus. Combattants de première ligne, les imprimeurs, les éditeurs, les cartographes et topographes, les poètes et les artistes, se serrent les coudes, dans une émulation et un encouragement mutuel. 

L'image dans laquelle il se peint lui-même comme un clou se fortifiant et se forgeant le caractère sous les coups reçus doit être placée dans un corpus morcelé dont les fragments, réunis, définissent une pensée humaniste et néo-stoïque associant la vertu (virtus romaine), l'endurance, l'opiniâtreté face aux adversités, aux valeurs évangéliques où le Christ confronté aux bourreaux sert de modèle.

.

UN CORPUS ICONOGRAPHIQUE ET LE CONTOUR D'UNE PENSÉE.

J'ai déjà signalé ces indices, ces emblèmes dispersés dont l'assemblage fait sens. Ce sont :

-En 1563, à Séville, le dessin d'un mari cocu qui doit endurer la honte publique d'une punition exemplaire.

- Dans la même gravure, le dessin des taureaux de l'abattoir qui doivent affronter les dogues et les employés armés de piques.

-En Angleterre en 1569, le recueil Patientia destiné, non à la publication, mais à son ami Radermacher afin de l'aider à supporter l'exil et les difficultés que lui valent sa  confession calviniste. Son titre est "Traité de la Patience, Par Emblêmes Inventées et desinées par George Hoefnagel à Londres, L’an 1569". Ses 24 dessins accompagnés de poèmes en flamand  sont autant de situation, où les protagonistes doivent, avec patience, attendre des jours meilleurs et endurer leur sort avec confiance.

- Dans le Missale Romanum (1581-1590), le folio 332 du Second Dimanche après Pâques où le parallèle est établit entre, en haut, la Passion du Christ, et, en bas un clou fiché en terre servant de perchoir au Hibou d'Athena /Minerve tandis que deux serpents s'y enroulent pour former un caducée de Mercure.

- Dans le Missale Romanum,  la page de la Messe des défunts, où Hoefnagel représente sa propre tombe sur lequel un clou est planté, servant là encore d'axe à deux serpents affrontés, alors que le Hibou de la sagesse de Minerve est posé sur une pelle voisine.

- Dans le Schriftmusterbuch (1594-1598) folio 20, la reprise en autoportrait d'une gravure de Dürer où un hibou est confronté à l'agressivité de quatre autres oiseaux : Hoefnagel lui fait tenir un caducée, dont l'axe est un pinceau, et deux serpents ouvrent leur gueule en dessous. 

- l'Allégorie de l'amitié envers Abraham Ortelius, (1593), où est repris la figure en autoportrait du hibou tenant un pinceau-caducée aux deux serpents, avec l'inscription Ars neminem habet osorem nisi ignorantem "L'art n'a pas d'autre ennemi que l'ignorance". Cette devise exprime la même chose que la figure du clou Georgius frappé par l'Âne Bêtise et la Méduse Malfaisance.

En explorant son œuvre, je retrouve bien d'autres exemples dans lesquels Hoefnagel a placé des clous (barrant le monogramme G de Georgius par exemple), des serpents agressifs, des hiboux patients, ou des citations exhortant à l'endurance face aux épreuves. Le contexte est à chaque fois différents, comme chez un créateur sachant décliner son thème principal en mille facettes qui se renvoient leurs reflets et leurs résonances. Le but de cet article est de faire partager le plaisir éprouvé lorsque, comme Marcel reconnaissant la petite phrase de Vinteuil, on jubile de déceler ces clins d'œil à peine cachés par Hoefnagel.

.

CONCLUSION.

  Partant de son esquisse dessinée lors de sa visite à la Solfatare, Hoefnagel crée d'abord une miniature où il anime le paysage, placé en arrière plan, par des personnages princiers qui n'ont pas l'air de prendre conscience de la leçon de Vanité que leur donne ce site, où pèse le risque d'un ébranlement sismique majeur et où l'histoire parle de temples engloutis. Puis, par sa gravure du Civitates Orbis Terrarum, il ajoute un cadre doré dont la visée dépasse celle d'une signature par jeu de mot sur Nagel, "clou". De manière plus ambitieuse et novatrice, il fabrique un réel appareil de vision où les fumerolles, la terre blanchie et l'eau brûlante et noire de l'Antre de Vulcain (Forum Vulcani) le dieu forgeron des volcans, du métal et du feu servent de décor aux marionnettes princières au luxe dérisoire, tandis qu'un cadre doré, comme l'enseigne d'un maréchal-ferrant, s'orne de fers à cheval. La cohérence vis-à-vis du thème principal qui est celui du Feu et du monde souterrain, est ici totale, et cette cohérence n'est pas brisée par le motif emblématique du clou allongé sur l'enclume. Au contraire, le spectateur déjà ébranlé par les sombres perspectives du lointain est conduit à partager la réflexion métaphorique de l'artiste qui se présente comme battu par la Bêtise et par le Mal, mais enrichi, endurci et grandi par les coups reçus. C'est le Monde qui devient une forge, c'est  l'existence qui devient un feu, ce sont les épreuves qui apparaissent comme des coups de marteau, et ce sont les Vices qui sont les forgerons. On passe ainsi d'un discours digne de l'Ecclésiaste ou de Bossuet sur la Vanité et la Mort à un discours stoïcien sur la nécessité de "sculpter sa propre statue"* (ici, "forger son clou"). La visite touristique d'un site réputé des Champs Phlégréens de Naple devient ainsi l'occasion de l'un de ces exercices spirituels dont Pierre Hadot (La Philosophie antique) a montré qu'ils étaient communs au stoïcisme, au néoplatonisme et à l'épicurisme.

*"Ne cesse pas de sculpter ta propre statue jusqu'à ce que l'éclat divin de la vertu se manifeste." Ennéades, I, 6, 9 Plotin.

Si l'observateur reste assez longtemps devant la gravure, s'il sépare mentalement les trois parties Cadre / Marionnettes /Décor comme si un éclairagiste les illuminait successivement, s'il imagine Vulcain au travail, s'il s'identifie au clou, s'il revient à la tête de l'âne pour constater qu'il a une gueule bien sympathique, s'il ré-examine Méduse et sa poitrine qui fait pitié, cette dispersion des idées lui permettra peut-être  de considérer la scène emblématique bien autrement  : 

L'Âne et la Vieille échevelée qui frappe l'artiste couché sur l'enclume sont-ils les Autres, ses ennemis, les Catholiques de l'Inquisition, les Espagnols, les Intransigeants de tout poil, ou bien ne sont-ils pas les représentants  de sa propre Bêtise et de sa propre tendance au Mal ? N'est-il pas pire épreuve que la reconnaissance de ces deux Bêtes en soi, et n'est-il pas plus amère mais plus grande victoire que cette reconnaissance? Si on partage cette lecture de l'emblème d'Hoefnagel, le Dum extendar prend un sens infiniment plus profond que dans les Emblemata confits de moraline. C'est en moi-même que le brave âne mange ses chardons, en moi encore qu'une part gorgonéenne que je ne peux fixer du regard  fait siffler ses serpents, mais chaque coup qu'ils me portent affine ma pointe, agrandit ma conscience et endurcit ma tête, pour peu que je les détecte. "Pourvu que j'en grandisse". Rien n'étant pire, bien-sûr, que d'ignorer leur présence.

 

Hoefnagel procède donc à une ré-élaboration du souvenir, et les gravures du Civitates ont un autre rôle que celui d'un guide géographique, touristique ou économique : elles acquiert un statut narratif et dramatique par lequel Hoefnagel dresse, planche après planche, les scènes d'un théâtre singulier dans lequel il révèle (tacitement) un travail psychique intérieur. Un bestiaire et un arsenal d'accessoires se mettent en place,  dont chaque animal, chaque article va devenir un Personnage qui sera reconnu plus tard. Neutre s'il est considéré sur une seule planche, il acquiert une identité propre par l'histoire qui se raconte au fil des planches. Dans la première enluminure connue, celle de Séville en 1573, la chouette, le caducée, le singe, l'escargot, la lampe (bougeoir), le brûle-parfum, la rose tiennent leur premier rôle à coté de Minerve et de Mercure. Dans l'enluminure de la vue de la Solfatare de 1578, le clou et le serpent font leur entrée, comme le chardon et la ronce. Le corpus d'inscription, toujours riche chez Hoefnagel, fait office de didascalie. 

  

SOURCES ET BOITE A LIENS.

 

— Sur Hoefnagel, voir : http://www.lavieb-aile.com/2015/03/ma-bibliographie-sur-joris-et-jacob-hoefnagel.html

 

CHMELARZ (Eduard)   :http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/jbksak1896/0304

FÉTIS (Édouard Louis François) 1857  Les Artistes belges à l'etranger: Etudes biographiques ..., Volume 1 page 109-110.

KROGT (Peter van der) Krogt, 2008 « Mapping the towns of Europe: The European towns in Braun & Hogenberg’s Town Atlas, 1572-1617 », http://belgeo.revues.org/11877  Belgeo, 3-4 | 2008, 371-398.

LEANDRO ALBERTI, Borgaruccio Borgarucci, Campania Felix Cumani, Terra di lavoro Descrittione di tutta l'Italia et +& isole pertinenti ad essa: nella quale ...

https://books.google.fr/books?id=tTRhAAAAcAAJ&pg=PA180-IA1&lpg=PA180-IA1&dq=leucogabi&source=bl&ots=og-EzXclGd&sig=JClS4Pr2xnF_sZKI1vPP_pCjH6s&hl=fr&sa=X&ei=DXwtVY28HIOY7gabjoFg&ved=0CCMQ6AEwAA#v=onepage&q=leucogabi&f=false

 VIGNAU-WILBERG (Thea), 2006, In Europa zu Hause, Niederländer in München um 1600 / Citizens of Europe, Dutch and flemish Artists in Munich c. 1600, Hirmer Verlag München, 455 pages, pages 252-254

— — SOURCE DES IMAGES :

—Theatrum Orbis Terrarum (1570), Abraham Ortelius :

- Gallica : édition de 1603 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550061290/f1.image

- Carte de Cadix 1584  : http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550061290/f114.zoom

 

— Civitates Orbis Terrarum (1572-1617)

-- http://historic-cities.huji.ac.il/mapmakers/braun_hogenberg.html

-- Civitates vol. i : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000001344

-- Civitates version allemande vol. 3 1582 Heidelberg http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1582bd3/0002?sid=f345481cb53e9f4c9764c42ec96646b3

--Planche 56 Texte :Puteoli oder des Glückseligen ; Campaniae Wollust :http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1582bd3/0126?sid=f345481cb53e9f4c9764c42ec96646b3

--Planche n°58 :Texte : Von den Schwefelbergen in Campania / auff Lateinisch Forum Vulcani gemeinglich aber Slofataria genandt. http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1582bd3/0130?sid=f345481cb53e9f4c9764c42ec96646b3

--  Institut Cartogràfic de Catalunya

-- University of South Carolina. Irvin Department of Rare Books and Special Collection :

-- sanderusmaps : http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=9244

-- Internet Culturale: http://iccu01e.caspur.it/ms/internetCulturale.php?id=mag_GEO0000246&teca=GeoWeb+-+Marciana

-- Biblioteca Riccardiana Firenze  :http://www.istitutodatini.it/biblio/images/it/riccard/10939/dida/41-10a.htm

-- Edition française du Civitates Orbis Terrarum  : National Library of Spain Biblioteca Digital Hispanica

http://catalogo.bne.es/uhtbin/cgisirsi/0/x/0/05?searchdata1=binp0000281545{001}

t. 1. Théâtre des cités du monde. Premier volume 

http://catalogo.bne.es/uhtbin/cgisirsi/6tRit3lVyR/BNMADRID/132080028/18/X001/XTITLE/a4303555

-- t. 2. Théâtre des principales villes de tout l'univers. Second volume --

t. 3.Théâtre des cités du monde  Livre troisième des principales villes du monde 1581

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1

-- t. 4.Théâtre des cités du monde Livre quatrième des principales villes du monde. 1583

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1

-- Theatre des Principales Villes de tout L'Univers Material cartográfico : Cinquième Volume :

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1

 --Theatre des Principales Villes de tout L'Univers Material cartográfico : Sixieme Volume http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069188&page=1

 

 

-- La Bnf possède la version française à la bibliothèque de l'Arsenal : magasin
FOL- H- 165 

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
6 avril 2015 1 06 /04 /avril /2015 22:20

Autoportrait de Joris Hoefnagel devant Cabeças (Andalousie) en 1565. Enquête sur le pont romain de Las Alcantarillas (Utrera).

Le Volume V du Civitates Orbis Terrarum.

En 1598 paraît à Cologne, sous la direction de Georg Braun, le cinquième volume de son Civitates Orbis Terrarum, sous le titre cette fois-ci de Urbium Praecipuarum Mundi Theatrum Quintum. Cette édition latine est suivie de sa traduction en français, le Theatre des Principales Villes de Tout L'Univers : Cinquieme Volume. Le premier volume était paru en 1572 et mentionnait Frans Hogenberg, dans les feuillets liminaires, comme graveur, mais ce n'est plus le cas pour le volume V.

Dans l'édition française, cet atlas in folio de plans, vues et profils de villes débute par une page de titre à frontispice gravé, suivi d'une préface ( "George Le Brun, de Coloigne, au lecteur debonnaire, salut." ) et d' un poème de Guillaume Sallsmannus . Les cartes sont présentées sur une double page et accompagnées d'un texte explicatif au verso. Elles sont au nombre de 69, numérotées et répertoriées par un index de six folios à la fin du tome, avec des petites notices des lieux cités. Ce sont :

n°1 : Palatium regiumin Angliae regno, 2 : Lisbone, Olisipo, 3 : Bracarae Augustae, 4 : Conimbria, 5 : Gades ab occiduis Insulae partibus, 6 : Gades, 7 : Hispalis, 8 : S. Juan del Foratche, Jerenna, 9 : Archidona, 10 : Palacios, Alcantara, Cabecas, 11 : Hardales, Cartama, 12 : Bornes, Zahara, 13 : Granata, 14 : Castri Granatensis, 15 : Toletum, 16 : Mons et Crypta, 17 : Xaintes, 18 : Pictavium, 19 : Lugdunum, Vienna, 20 : Turonum, Angiers, 21 : Cameracum, 22 : Calesium, 23 : Luxemburgum, 24 : Cochmensis et monasterii, urbium Trevirensium, 25 : Berncastellum, Manderschet, 26 : Sarburum, Palatiolum, 27 : Antwerpia, 28 : Flissinga, 29 : Herder Wicia, 30 : Otonium, 31 : Ekelenforda, 32 : Coldinga, 33 : Helsingorum, Ripae, 34 : Tundera, Oitinum, 35 : Toninga, Frisiae, Husum, 36 : Plona, 37 : Thietmarsia, 38 : Heida, Meldorpium, 39 : Visbia Gothorum, 40 : Stada, 41 : Brema, 42 : Lunaeburga, 43 : Razeburgum, 44 : Bardowicum, 45 : Bardum Pomeraniae, 46 : Wismaria, 47 : Topographia urbis Rostochii, 48 : Halla Saxonum, Hildesheimium, 49 : Praga, 50 : Suibusium, 51 : Ratispona, 52 : Lintz, 53 : Gmunda, 54 : Jaurinum Raab, 55 : Comara, 56 : Owar, Vicegradum, 57 : Strigonium Grain, 58 : Oenipontis parte orientali, 59 : Prospectus... vallis oeniponticae, 60 : Augusti apud Venetos Templi D. Marci, 61 : Caprarola, 62 : Fundi, 63 : Tarvisium, Aquapendens, 64 : Nuceria, Castellum novum, 65 : Mare Tyrrhenum..., 66 : Calatia, 67 : Gallipolis, 68 : Novae Palmae civitas, 69 : Catana.

Parmi d'autres vues d'Espagne, notamment en n°7 celle de Séville déjà étudiée ici, la planche n° 10 présente trois vues superposées, portant les noms de PALACIOS (Los Palacios y Villafranca), ALCANERILLA ( Las Alcantarillas, de l'arabe el kantara, "le pont") , et CABEÇAS (Las Cabezas de San Juan) , deux villages et un pont au sud de Séville près de l'estuaire du Guadalquivil. La planche mesure 41.5 x 55 cm, et les trois gravures mesurent respectivement 10,5 x 49 cm ; 11 x 49,5 cm et 14 x 48,5 cm.

Ces gravures monochrome ne sont colorées secondairement que dans quelques cas, par un artiste différent de l'auteur du dessin original, et le choix des couleurs lui est laissé : on ne les considérera pas, notamment dans l'étude des costumes, comme des critères "pris sur le vif" et fidèle à la réalité observée. Quelques exemples d'images trouvées en ligne le montreront.

Voici l'image disponible en ligne grâce à Sanderus Antique Maps :

http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=7330

Art.value.com

Adina Sommer 

 

 

 

 

 


Bien que, dans les deux vues supérieures du premier document, nous remarquions deux cavaliers dont l'un porte un manteau bleu et l'autre un manteau jaune, et que nous pouvons penser que ces deux voyageurs sont Joris Hoefnagel et son compagnon Nicolas de Maleperte (un jeune marchand flamand à qui est dédicacé la vue de Séville de ce volume V), ce n'est que dans la vue inférieure que nous sommes certains d'avoir affaire à un autoportrait de l'artiste en train de dessiner sur son album de croquis le paysage. 

 

Il est vu de dos, vêtu d'un manteau bleu et d'un pourpoint jaune, le col ceint d'une fraise. On croit deviner une moustache, crée sans-doute par un artefact. Il porte l'épée, arme qui était bien visible lorqu'il la brandissait dans les vues supérieures. 

 

Le dessin préliminaire, de 1565, est conservé à l'Albertina de Vienne :

 

 

 

Cabecas est un bourg de l'espagne Baetique tout proche du pont d'Alcantara, siz sur la croupe des montagnes qui s'estendent du cosét de midy iusques a Malaga, les vestiges de ses ruines font paroistre que ça esté autresfois une grande ville, aujourd'huy que les habitants de ce lieu se nourrissent des terres qu'ils cultivent, & des fruicts que la terre leur produit, comme auiis des passants qui y passent en grand nombre, tirants par ce chemin depuis Seville a Calis & a sainct Luc. Et pource que Cabecas veut dire chef, les habitants de ce lieu se glorifient de ce commun dire Non se hase nada nel Conseio del rey sesnsa cabecas, qu'ils interpretent en ceste sorte a leur avantage comme s'ils disoient que le Roy ne tient jamais son conseil sans chefs, c'est à dire, sans prudence & iugement, lesquelles vertus sont contenues dans le chef.

 

3 vues : gravures, col. ; 10,5 x 49 cm ; 11 x 49,5 cm et 14 x 48,5 cm 

trois villes ou villages espagnols : 

 

 Pl. 10

L'alguazil, de l'espagnol alguacilillo1, diminutif de l'espagnol alguacil (officier de justice) dont l'origine du mot est arabe (āl-wazir) est le « policier » de l'arène pendant la corrida. Alguacil est le nom que portaient en Espagne les agents de police qui remplissaient à la fois les fonctions d'huissier, de sergent de ville et de gendarme.

Del análisis realizado en las vistas de las ciudades castellanas de Hoefnagel y Van den Wyngaerde, podemos extraer varias conclusiones de gran interés; por un lado debemos señalar cómo los diferentes criterios de elección del punto de vista en los dos autores, han producido imágenes urbanas radicalmente opuestas: en los casos de Valladolid y Toledo la intencionada elección de Wyngaerde le permite mostrar la nueva arquitectura del siglo XVI de la ciudad, y por ello la imagen urbana resultante es mucho más moderna, más acorde con los momentos de cambio edificatorio y transformación tipológica que las ciudades castellanas atraviesan en ese momento; en Toledo la fachada Norte, la que mira hacia Madrid, experimenta los grandes cambios representados por la Puerta de Bisagra y los nuevos palacios de formas renacentistas, en Valladolid los bordes del río Pisuerga son el escenario de importantes obras palaciegas. De igual modo en Burgos apreciamos esta sensibilidad de Wyngaerde hacia las nuevas arquitecturas, pues, pese a la coincidencia del punto de vista elegido con Hoefnagel, se ve un mayor esfuerzo en la representación de las nuevas arquitecturas del XVI, que aparecen perfectamente identificables. En acusado contraste, Hoefnagel demuestra un mayor interés en la descripción del ambiente urbano y paisajístico, con la introducción de escenas pintorescas y costumbristas, que se convirtieron en una de las señas de identidad de las vistas de ciudades del Civitates Orbis Terrarum; tal vez la diversa orientación de ambos autores deba relacionarse con los distintos intereses y experiencias de los dos artistas flamencos:

L'analyse dans la vue des villes castillanes de Hoefnagel et Van den Wyngaerde, nous pouvons tirer plusieurs conclusions de grand intérêt ; d'une part il faut noter comment les différents critères de la vue dans les deux auteurs sélection ont produit radicalement différentes images urbaines: en cas de Valladolid et Toledo choix délibéré de Wyngaerde vous permet d'afficher la nouvelle architecture du XVIe siècle ville, et donc l'image urbaine résultant est beaucoup plus moderne, plus en ligne avec les temps de edificatorio de changement et de transformation typologique traverser les villes castillanes à ce moment; Toledo Façade nord, face à Madrid, subit des changements majeurs représentés par la charnière de porte et de nouvelles formes de palais de la Renaissance à Valladolid Pisuerga bords de rivière sont la scène d'œuvres grandioses importants. De même à Burgos Wyngaerde apprécient cette sensibilité à de nouvelles architectures, parce que, malgré la coïncidence de vue choisi Hoefnagel, est un effort majeur dans la représentation de nouvelles architectures XVI, qui sont parfaitement identifiable. À l'opposé, Hoefnagel montre plus d'intérêt dans la description de l'environnement urbain et naturel, avec l'introduction de pittoresque et scènes, qui est devenu l'une des caractéristiques des paysages urbains de Civitates Orbis Terrarum; peut-être l'orientation différente des deux auteurs devrait porter sur les différents intérêts et les expériences des deux artistes flamands: si Hoefnagel, encore en formation, est attiré à la plus frappante et distinguer l'Espagne des aspects de temps, concentrant ses visites en Andalousie, Wyngaerde veulent réfléchir sur l'expérience de son âge avancé l'esprit de changement qui devrait certainement la couronne de Philippe II . Gauche et la note finale inexcusable la constatation de la nature différente du travail de deux auteurs qui est venu jusqu'à nous; dessins Wyngaerde ne est jamais venu à enregistrer, préserver toute la fraîcheur d'une œuvre manuscrite, évidente dans ses notes et études partielles; dans Hoefnagel cependant, seulement connaître les perspectives des villes castillanes travers gravures, ayant perdu cette partie de la fraîcheur primitive, sans être en mesure d'établir le degré de perte de détails dans le dessin original de l'étape de gravure . Cette réflexion sur la façon dont la ville et comment 500 artistes ont offert leur image ne est qu'une approche partielle à un sujet que, dans les villes espagnoles encore nous devons offrir des surprises intéressantes. Dans Burgos le processus de construction d'une image dans laquelle la ville est identifié est paradigmatique, atteindre le point d'identification se produisent entre ce point de vue de la ville depuis le Sud et le bouclier de la ville, reliant la tradition de Caput Castellae Chef de Castille, avec les images de toits de la ville du XVIe siècle ont été établis. Compte tenu Toledo de la ville du sud deviendront les périodes ultérieures les plus répandues, sans aucun doute le plus pittoresque; Greco cependant, leur obsessions ville autour de l'année 1610, sera toujours représenter la ville du nord; une analyse de ses interprétations très singuliers de la ville nous permet d'intéressantes réflexions sur l'image de la ville que l'expérience et l'interprétation de son sens ; pas de place ici, cependant, de développer ce sujet

— HAVERKAMP-BEGEMANN, (Egbert) Las vistas de España de Anton van den Wyngaerde en Ciudades del siglo de oro español, in Ciudades del Siglo de Oro : las vistas españolas de Anton Van den Wyngaerde, ed. Richard L. Kagan (Torrejon de Ardoz)Madrid 1986, pp. 65-67.

Hoefnagel was principally interested in composing a dramlatic landscape, illustrated by local customs and dress alors que Van den Wynngarerde était concentré sur la description de l'architecture urbaine.

Kagan, Cuidades del Siglo de oro, in Cuidades, : comparaison entre Van den Wyngaerde et Hoefnagel voir page 225

E. Haverkamp-Begemann, Master Drawings 7, nr. 4 (winter 1969), p. 375 e.v., afb. 5

A. Stix (red.), Beschreibender Katalog der Handzeichnungen in der Graphischen Sammlung Albertina, Band 2: O. Benesch, Die Zeichnungen der Niederländischen Schulen des XV. und XVI. Jahrhunderts, Wenen 1928, nr. 327, afb.

G. Braun en F. Hogenberg, Civitates Orbis Terrarum etc., 1572-1593, vol. 5, fol. 10 https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+sevilla&start=1 signed and dated lower centre: Depingeb: Georgius Houfnaglius / Anno 1565 :

  • inscription lower centre: non se haze nada nel / consejo del Rey senza / CABEÇAS

    Opschrift staat vermeld op rotsblok

  • Entre 1562 et 1570 le peintre et illustrateur flamand Anton van den Wyngaerde réalisée, commandée par Philippe II, plusieurs voyages en Espagne pour augmenter la topographie de ses grandes villes et villes vues. Son but était refléter fidèlement tout ce qu'il a vu et, grâce à ses compétences en tant que "géomètre" et artiste, laissant obtenu des preuves tangibles d'une importance exceptionnelle. En outre, son souci du détail nous donne une reconstruction visuelle de nombreux monuments aujourd'hui disparus ou sensiblement modifiés uniques.

Ces dessins ont finalement été dispersés dans différents musées européens et oublié, sont reproduits dans ce volume complets premiers tests accompagnés par les historiens les plus prestigieux de notre or qui ont analysé de différents points de vue: Jonathan Brown et l'étude de Richard Kagan dans le cadre des activités de Philippe II que les clients intéressés par les arts et la géographie; Haverkamp-Begemann fournit des données sur l'artiste et son art; Kagan écrit sur les villes espagnoles de l'époque; et Fernando Marias donne une introduction à l'espagnol du XVIe siècle urbanisme.

En outre, chaque vue est accompagnée d'un commentaire détaillé qui aide à comprendre le caractère unique de chaque.L'édition, conscients de la valeur documentaire de ces dessins, reproduits en grand format présente, par pop up cinq corps, de sorte que le lecteur peut se permettre une observation attentive que le même artiste a voulu donner au roi.

Non, se, haze, nada, nel, con scio, del rey , senza CABEçASDepingebat Georgius Houfnaglius – Anno 1565.

Les habitans ont pour devise, Non se haze nada nel Consejo del Rei senza Cabeças : la pointe consiste en ce que le nom de leur ville signifie la tête ou la Caboche ; comme s'ils voulaient dire que , rien ne fait au conseil du roi sans Caboche. Les délices de l'Espagne et du Portugal où on voit une descrition exacte des Antiquitez, ..par Juan Alvarez de Colmenar 1715 page 457.

Theatre des Principales Villes de Tout L'Univers Cinquieme Volume 1 atlas ([2] h. , 57 h. de lam., [8] h., [1] h. en bl.) : 59 planos grab., col ; 44 cm

Théâtre des Cités du Monde, Cologne, G. Van Kempen, 1579, 2t. En 1 vol. Bnf Res. G. 639

: Les figures apparaiseent sur près des trois quarts des cartes environ, et généralement au premier plan, par couple, par trois, ou encore par groupes, plus féminines que masculines, comme dans le recueil d'habits.(p. 263). Le graveur Hoefnagel excelle dans la mise en scène de ces contrastes. L'élégance du caballero de Jerez de la Frontera, maintenu bien droit adsn son pourpoint, ses hauts-de-chausse et sa cape courte, contraste avec la chemise, les jambes nues et le dos voûté du paysan, sous le poids du porc qu'il mène à la ville.

Guillaume Blaeu (Atlas Novus) W Blaeu et J. Blaeu, Theatrum Orbis Terrarum, Amsterdam, 1635. Les Blaeu, père et fils, éditent un premier volume en 1635 et le 6e en 1655. Plus de 600 cartes. Edition en français des quatre premiers volumes : B.U Lille, Fonds patrimonia 908 : Le Théatre du Monde ou Nouvel Atlas contenant les chartes et descriptions de tous les pais de la Terre mis en luù!mière par Guillaume et Jean Blaeu, Amsterdam, 1649.

Edition augmentée = Atlas Maior

Deux types de mise en page des figures : soit en ornementation des cartouches, soit en bandeaux latéraux, d'apparition plus tardive vers 1610 (Petrus Kaerius), epmloyé pour les cartes de continents et de pays.

Restitution « au vif »

Figures définissant l'urbanité par leurs postures, témoins d'une sociabilité de la promenade, de la conversation, de la courtoisie (dames saluées en chemin, mains tendant des fleurs, chapeau bas, mais d'une femme tenue pour marcher) , de la tendresse amoureuse, ou de la sociabilité musicale.

Edition tardives du Civitates après 1598 s'intitulent : livre V : Urbium praecipiuarum Mundi Theatrum quintum

Volume 3 (1582) : http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1582bd3?sid=29bc7f0a84104ab5e3c59bd1bb15d862


Antique map with three views by Braun and Hogenberg: 
Engraved after drawings by Georg Hoefnagel. 

LOS PALACIOS Y VILLAFRANCA 

COMMENTARY BY BRAUN: "Los Palacios, a small town in Hispania Baetica, lies beside an ancient castle five miles from Seville, on the road that you take to Cadiz or San Lucar. In summer this road is so dusty that you can hardly find your way, but you need a compass like a seafarer in order not to get lost and suffocate from the great heat." 

The view shows Los Palacios, situated south of Seville on the road to Jerez de la Frontera, with its fortress complex from the Moorish era. It was conquered by Ferdinand III of Castile (St Ferdinand) in the mid-13th century. One hundred years later Peter I of Castile, called the Cruel, built an new castle on the ruins of the fortress. In the 18th century Los Palacios merged with the neighbouring commune of Villafranca de la Marisma, hence its present name of Los Palacios y Villafranca. Hoefnagel and Maleparte can be seen riding past in the foreground. 

LAS ALCANTARILLAS 

COMMENTARY BY BRAUN: "Alcántara, in Spanish Las Alcantarillas, is a place with a bridge over the Palacios marshes. [...] This bridge was built by the Romans, to make it easier to cross the wet and boggy ground, and is famed for its height and wonderfully skilful construction. On one side of the bridge stands a mosque or an old heathen temple belonging to the Moors, which is now consecrated and always closed." 

Hoefnagel's travel sketch shows Las Alcantarillas amidst marshland (Marisma) created by the Guadalquivir. The mosque (Mesquita) is visible on the far left, while the centre of the picture is dominated by the Roman stone bridge. Beyond the inn on the right is a glimpse of the large lake then still in existence. The name Las Alcantarillas derives from the Arabic "al-Qantara", meaning "bridge". In the left-hand background lies the goal of Hoefnagel and Maleparte's journey, Las Cabezas. 

LAS CABEZAS DE SAN JUAN 

COMMENTARY BY BRAUN: "Las Cabezas de San Juan is a small town in Hispania Baetica and lies very near the above-named bridge of Las Alcantarillas at the foot of the mountains that run south towards Málaga. That it was formerly a large city is still amply demonstrated by its ruined walls." 

On a hill not far from Lebrija, between Seville and Jerez de la Frontera, lies the small town of Las Cabezas de San Juan. The mountain on the left, captioned Sierras de Ronda, in fact lies substantially further away. The ruins mentioned in the text may well represent remains from the Iberian period: Hannibal built a number of defensive towers in Las Cabezas in the 3rd century BC. The artist has immortalized himself at work, seated on a rock in the foreground. (Taschen) 

Signed and dated at bottom centre: Painted by Georg Hoefnagel in the year 1565. 

Date of the first edition: 1596 
Date of this map: 1623 

Copper engraving 
Size: 36.5 x 49cm (14.2 x 19.1 inches) 

Urbium praecipuarum mundi theatrum quintum. Auctore Georgio Braunio agrippinate planche 10

Hoefnagel, Dessin préliminaire de la planche 10, autoportrait de l'artiste devant Cabeças, Albertina, Vienne (sur le site NKD)

Hoefnagel, Dessin préliminaire de la planche 10, autoportrait de l'artiste devant Cabeças, Albertina, Vienne (sur le site NKD)

Joris Hoefnagel, 1565, Cabeças (détail) Cabeças University of South Carolina. Irvin Department of Rare Books and Special Collections.

Joris Hoefnagel, 1565, Cabeças (détail) Cabeças University of South Carolina. Irvin Department of Rare Books and Special Collections.

Bien que nous disposions d'un portrait de Hoefnagel par Sadeler, datant de 1592, et bien que le peintre ait signé plus tard ses œuvres non seulement de son nom, mais aussi de rébus ou de sortes d'armoiries parlantes faisant appel au clou (Nagel en flamand), ou d'emblèmes comme le Hibou associé au Caducée, je crois qu'il ne s'est jamais représenté lui-même physiquement ailleurs que dans cette planche (si on omet les voyageurs de ses diverses planches) . Ce choix, pour un volume qui paraît alors qu'il est proche de la fin de sa vie (il meurt en 1600 ou 1601), est certainement riche de sens.

.

La Nature observée "sur le vif".

Si Hoefnagel se peint face à ce paysage, c'est certainement en rapport avec la devise qu'il avait adopté dans sa vue de Séville de 1573, Natura sola Magister. L'objectif (le terme est approprié) du peintre est de copier fidélement la nature, suivant la règle qu' Antoine du Pinet avait fixé aux chorographes (ceux qui dressent des vues de ville et non des cartes) : 

  "Mais la Chorographie sert à representer au vif les lieux particuliers, sans s’amuser à mesures, proportions, longitudes, latitudes, ny autres distances Cosmographiques : se contentant de montrer seulement à l’œil, le plus près du vif qu’elle peut, la forme, l’assiette, & les dependances du lieu qu’elle depeint : comme seroyent les Fortz, Cittadelles, Temples, Rues, Colysees, Arenes, Places, Canaux, Viviers, Havres, Moles, & autres bastimens de marque qui pourroyent estre en une ville, avec le païsage d’alentour, & les traffiques d’icelle. De sorte qu’on pourra prendre la Geographie pour celle qui represente un corps en general : & la Chorographie pour celle qui espluche toutes les parties du corps, iusques au moindre poil de barbe. Antoine du Pinet, Plantz, pourtraitz et descriptions de plusieurs villes et forteresses" (Lyon, 1564), pp. 13-14.

Copier le paysage "à l'œil, le plus prés du vif qu'il peut" ..."jusqu'au moindre poil de barbe", c'est ce que veut faire Hoefnagel, et il nous en donne la démonstration en se montrant face à son sujet, comme un artiste d'atelier face à son modèle.

Pourtant, rien n'est moins "naturel", rien n'est plus construit et plus pensé que ses Vues. Pour lui, comme pour Léonard de Vinci, la peinture est une affaire cérébrale, la pittura e cosa mentale. D'une part, ses dessins réunissent dans le même cadre plusieurs anecdotes, plusieurs observations qui n'ont certainement pas eu lieu au même moment, mais qu'il a regroupé. D'autre part, ces observations sont choisies, afin de ne retenir que celles qui témoignent soit des costumes, soit des techniques professionnelles, soit de la découverte d'antiquités. Enfin, ces regroupements sont stéréotypés, ils obéissent aux exigences des attentes du public ou de la pratique des collègues. 

.

Une inscription significative ?

Sur la roche sur laquelle il s'est installé, notre dessinanteur a inscrit, en imitant une épitaphe ancienne, le texte suivant  :

Non, se, haze, nada, nel, con /seio, del Rey , senza CABEÇAS / Depingebat Georgius Houfnaglius / Anno 1565.

La deuxième moitié du texte se traduit bien-sûr par "peint par Georges (Joris) Hoefnagel, Année 1565". 

La première partie serait mystérieuse si elle n'était pas expliquée dans le texte qui accompagne le dessin en son verso :

 "Cabecas est un bourg de l'Espagne Baetique tout proche du pont d'Alcantara, siz sur la croupe des montagnes qui s'estendent du costé de midy iusques a Malaga, les vestiges de ses ruines font paroistre que ça esté autresfois une grande ville, aujourd'huy que les habitants de ce lieu se nourrissent des terres qu'ils cultivent, & des fruicts que la terre leur produit, comme aussi des passants qui y passent en grand nombre, tirants par ce chemin depuis Seville a Calis & a sainct Luc. Et pource que Cabecas veut dire chef, les habitants de ce lieu se glorifient de ce commun dire Non se hase nada nel Conseio del Rey sensa Cabecas, qu'ils interpretent en ceste sorte a leur avantage comme s'ils disoient que le Roy ne tient jamais son conseil sans chefs, c'est à dire, sans prudence & iugement, lesquelles vertus sont contenues dans le chef."

Cette devise est attestée (ou reprise) en 1715 par Juan Alvarez de Colmenar :

"Les habitans ont pour devise, Non se haze nada nel Consejo del Rei senza Cabeças : la pointe consiste en ce que le nom de leur ville signifie la tête ou la Caboche ; comme s'ils voulaient dire que, rien ne fait au conseil du roi sans Caboche." Les délices de l'Espagne et du Portugal où on voit une descrition exacte des Antiquitez, .. page 457.


 

 Si on accepte de considérer que Hoefnagel n'a pas accompagné par hasard son autoportrait et sa signature de cette devise, mais qu'en se peignant au dessus de cette phrase il se l' ait approprié, on m'accompagnera peut-être dans ma proposition de l'interprèter ainsi : "Rien ne se fait dans ma peinture sans Caboche", "Rien ne se fait chez moi qui ne soit pensé". Et s'il adopta plus tard le clou comme emblème-signature, c'est peut-être aussi parce que cette "petite pièce métallique pointue,  utilisée dans les métiers du bâtiment pour fixer ou décorer" (CNRTL) est "généralement pourvue d'une tête"  (idem).

Joris Hoefnagel est né à Anvers en 1542 : il a donc alors 23 ans. Fils d'un riche diamantaire converti au protestantisme, il a reçu la meilleure éducation inspirée de l'idéal de la Renaissance, notamment lors d'un séjour à Orléans et à Bourges entre 18 et 20 ans (de 1560 à 1562). A Poitiers, il peint en 1561 la Pierre Levée, sur la voie romaine Lemonum: Un an auparavant, Gérard Mercator, Abraham Ortelius, les graveurs  Philippe Gall et Franz Hogenberg y avaient gravé leur nom, et on peut imaginer que Hoefnagel connaissait leurs travaux de cartographie et s'y intéressait ( Carte du monde de Mercator en 1538 ; planisphère de l'Europe de Mercator en 1554 ; Ortelius est inscrit comme enlumineur de cartes à Anvers depuis 1547 et a publié sa première carte, Typus Orbis Terrarum en 1564, gravée par Franz Hogenberg), mais aussi qu'en y gravant son nom, il s'inscrivait dans leur filiation. En effet, quoique cela fut une tradition pour les "Bitards" (étudiants) de Poitiers de s'y rendre et d'y grimper, les noms correspondent soit à des cartographes (dont l'auteur du Civitates Orbis Terrarum) et graveurs, soit aux camarades flamands d'Hoefnagel et de leur précepteur : "Georgius Houfnaglius, Obertus Gyfanius Buranus paedagogus 1561 Guilhelmus Mostaert 1561, Robertus van Haften 1561, Ioannes A Blõmedael, Philippus Gallius A° 1560,  Henrius Goltzius.1577, Georgius Braun Coloñ 1580, Gerardus Mercat[or] A° 1560 Johannes Sadeler, Abrahameus Ortelius, Bartholomeus xx 1569."

 

Voir J. Jarry page 125

 

Voir Sanderusmaps : http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=7669.

 

 

Hoefnagel, Pierre Levée de Poitiers, Urbium Praeipuarum Mundi Theatrum Quintum Auctore Georgio Braunio Agrippinate. Part 5. Köln, 1598 (Sanderusmaps)

Hoefnagel, Pierre Levée de Poitiers, Urbium Praeipuarum Mundi Theatrum Quintum Auctore Georgio Braunio Agrippinate. Part 5. Köln, 1598 (Sanderusmaps)

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Destiné comme ses frères à poursuivre les affaires commerciales familiales, notamment par la création d'un réseau dans les grandes villes d'Europe (les membres de sa famille seront à Londres, Hambourg, Stade, Francfort, Nuremberg,  Vienne ou Prague), il a rejoint à Séville les marchands néerlandais comme Louis de Malaperte, et devint ami du jeune Nicolas de Malaperte, avec lequel on imagine qu'il voyage en Andalousie. Mais son intérêt le porte surtout vers le dessin et la peinture, et il s'exerce depuis son séjour en France à des vues de paysage et de ville. Sa manière de procéder montre qu'il ne suit pas son inspiration, mais qu'il obéit, comme nous l'avons vu, aux règles de la chorographie. Or, l'un des principaux théoriciens de cet art, Pierre Apian (Petrus Apianus, 1495-1552, astronome et imprimeur d'Ingolstadt), a publié sa Cosmographie à Anvers en 1544 ; le folio 4r définit la Chorographie ou Topographie en opposition avec la géographie (la cartographie) comme la science qui ...

...consydere ou regarde seulement aulcuns lieux ou places particulieres en soymesmes, sans avoir entre eulx quelque comparaison, ou samblance avecq lenvironnement de la terre. Car elle demonstre toutes les choses & a peu pres les moindres en iceulx lieux contenues, comme sont villes, portz de mer, peuples, pays, cours des rivieres, & plusieurs aultres choses samblables, comme edifice, maisons, touyrs, & aultres choses samblables, Et la fin d'icelle sera acomplie en faisant la similitude daulcuns lieux particuliers, comme si ung painctre vouldroit contrefaire ung seul oyel, ou une oreille. Pierre Apian, La Cosmographie, Anvers, Grégoire, Bonte, 1544, Ière Partie, chap. I : Géographie, Chorographie et la similitude d'icelles. Bnf http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6335840k/f17.image

Une image valant mieux qu'un long discours, Apian compare la Géographie à un visage (l'ensemble de la tête vue de profil), et la Chorographie au seul œil, ou à la seule oreille de cette tête.  

 

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En Espagne, Hoefnagel a pu aussi entre en relation ou apprécier les travaux d' Alonzo de Santa Cruz ( Séville , 1505 - Madrid , 1567 ),  fils d'un riche homme d'affaires de Séville, cosmographe de la Casa de la Contratacion de Séville en 1536, cosmographe de Charles Quint puis de Philippe II. Dans son  "Livre des Longitudes"  Libro de las longitudines y manera que hasta agora se ha tenido en el arte de navegar, con sus demostraciones y ejemplos rédigé en 1554, il précise les différences entre cosmographie et chorographie.

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En résumé, le jeune fils de diamantaire Joris Hoefnagel se dépeint en 1565 face à la ville andalouse de Cabéças en tant que chorographe attentif à tracer le portrait d'une ville dans son paysage et dans la réalité anthropologique de ses mœurs. En adoptant sa devise basée sur le jeu de mot Cabeças / Caboche, il réclame pour sa peinture le statut d'œuvre intellectuelle participant à l'inventaire du Monde menée par les scientifiques depuis la Renaissance. Forme de l'imitation, comme la cosmographie, elle s'impose le respect fidèle de son modèle, la Nature, mais elle la recrée et elle l'ordonne en y inscrivant un sens. Les mêmes principes ameneront Hoefnagel, devenu peintre de cour à Munich et Innsbruck, à devenir un précurseur du "naturalisme scientifique" ou représentation scrupuleuse quasi microscopique des objets de la Botanique et de la Zoologie (insectes notamment), tout en plaçant ces objets naturels au cœur d'un réseau d'inscriptions, d'emblèmes, d'épigrammes et de références religieuses ou ésotériques qui l'amèneront à se définir comme "inventor hieroglyphicus et allegoricus". 

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J'ai terminé ma réflexion sur cet autoportrait et son inscription, mais, puisque je suis là et vous aussi, examinons les deux autres vues pour les situer géographiquement, et retrouver des éléments d'histoire.

Les trois vues ne sont pas orientées de la même façon, mais le chorographe prend soin d'indiquer les points cardinaux. 

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PALACIOS.
La premiere, celle de Palacios, est orientée ("Occidens -Septentrion") selon un axe Sud-sud-ouest / Nord-nord-ouest, soit selon l'axe Palacios-Séville. Les voyageurs viennent du sud, et donc  de Cabeças, ou du moins de Cadix par Jerez de la Frontera   puisqu'une inscription indique Camino de Cadix para Sevilla. Ils sont accompagnés d'un écuyer (à pied, brandissant une épée) et d'un soldat portant une lance. Outre un berger, une haute maison (Meson), l'église et son clocher, une croix de calvaire, et Séville en arrière-plan (Sevilla), on remarque surtout un chateau entouré de remparts. La ville correspond à l'antique Searus puis Searotinus, sur l'ancienne route  reliant les villes romaines de Gades (Cadix) et d' Hispalis (Séville).  Les musulmans la nommaient Saracatin devenu Saracatino et y établir une foretersse maure appellée Al-mudeyns ("petit village"). Elle fut conquise par Ferdinand III de Castille  dans le milieu du 13e siècle. Cent ans plus tard Pierre Ier de Castille, dit le Cruel, construit un nouveau château  ("Al Atalayuela") sur les ruines de la forteresse pour disposer d'une résidence pendant les saisons de chasse. Ce palais (palacios) est à l'origine du nom de la ville. Au début du XVe siècle, la propriété appartient au Duc d' Arcos.  Au 18ème siècle, Los Palacios a fusionné avec la commune voisine de Villafranca de la Marisma (des Marais), d'où son nom actuel de Los Palacios y Villafranca. 

Hoefnagel en donne la description suivante :

PALACIOS : "Palentia vulgairement Palacios est une petite ville de l'Espagne baetique ou Andalouse, au costé de laquelle est un château fort antique situé à cinq lieues de Séville sur le chemin qui tire en l'isle de Calis* & à Sainct Lucar**, les habitants s'entretiennent & se nourrissent du labourage, & du passage qui est fort fréquenté de ceux qui veulent aller à Labissa***, par le bas chemin, à l'entour duquel ne sont que marécages, lieux humides et aquatiques qui durent cinq lieues, que les Espagnols appellent Marisma****, si que en hyver on n'y sauroit passer, & est-on contraint de prendre le haut chemin du costé d'Alcatara & de Lubecas. Au contraire en esté le chemin est si couvert de poussière que l'on n'y peut bonnement aller, mais tout de mesme les mariniers se munissent d'un compas : pour affin qu'ils puissent mieux tenir leur route, de mesme il faut aussi que ceux qui vueillent aller par ce chemin icy, s'ils ne vueillent mourir de soif (car ce n'est pas chose nouvelle d'y voir des passants gisants morts, estouffez de l'ardeur du soleil et de soif) de prendre du vin avec soy dans des bouteilles de cuir, & les pendre à l'arçon de la selle de leurs chevaux (les Espagnols appellent ces bouteilles Borateias*****) car sur le chemin qui dure cinq lieues on n'y trouve point d'ostelerie, ce lieu estant inhabitable, en hyver à cause de l'abondance des eaux, & en esté à cause de la trop grande ardeur du soleil, & partant de lieu est tout entier desert & enfusche, voire il n'y a pas un seul arbre soubs lequel on se puisse mettre à l'ombre pour se refraischir."

* Cadix. ** Sanlucar de Barrameda, à l'embouchure du Guadalquivir, escale des galères  au XVe siècle et point de départ de l'expédition de Magellan en 1519. *** Lebrija . ****actuel Marismillas. *****Boratejos au XVIIe siècle ; voir l'espagnol Borracho.

 

ALCANERILLA

Cette vue est orientée avec le sud (meridiens) à gauche et l'ouest (occidens) à droite : l'observateur dirige donc son regard vers le sud-ouest,  entre les hauteurs de Cabeças à gauche et les marécages de Marisma à droite. On lit aussi les indications Mesquita (Mosquée), Aestuarium vulgo Marisma. Les voyageurs sont sur la route de Palacios et de Séville, Camino para Palacios y Sevilla, et se dirigent vers Cabéças. La venta désigne l'auberge. Alcantara se situerait donc à peu de distance au nord-est de Cabéças. Cette fois-ci, les voyageurs accompagnent une Espagnole qui monte sa mule en amazone. La description est la suivante :

ALCANTARA

  "Alcantara que les Espagnols appellent Alcantarilla, est un pont qui est basty dessus ces marécages de Palacios quelque peu esloingnée de la rivière de Bætis du main gauche, vers le midy en un lieu qui est haut & un peu eslevé. La magnificence de sa structure monstre que les Romains l'ont faict bastir , l'on void encore des deux costez de la plus grosse tour, les bases & chapiteaux des piliers qui estoyent de iaspe vert, lesquels ont esté transportéz en l'Eglise cathedrale de Séville pour servir d'ornement au grand autel. Ce pont qui n'a esté à autre subject basty sinon pour pouvoir passer aisement ces marécages ensemble celuy de Segovie sont grandement louez par Lucius Marineus de Séville au livre I de Reb. Hisp. Au chap. des fleuves du Royaume , & ce à cause de sa hauteur, œuvre & artifice remarquable . De l'un des bouts de ce pont est une Mosquée (Mesquita) qui estoit autresfois un temple des Mores, maintenant dédié à la religion Chrestienne qui est tousiours fermé. De l'autre bout est Venta une hostelerie, selon qu'on en void plusieurs semblables dans toutes l'Espagne. Au Royaume de Castille l'on pourra voyager deux ou trois iours sans trouver ny ville ny village, mais seulement de telles ventas ou hosteleries, où on est contrainct de se retirer pour se reposer & refraischir. Les hostes de ces quartiers & des villages & bourgs d'alentours qu'ils appellent Messones ont une correspondance par ensemble qu'ils nomment hermandat : c'est que s'il y a quelques voleurs sur les chemins qui detroussent et volent les passants, tout aussi tost qu'ils en sont advertys ils montent à cheval & en font ensemble une diligente recherche. Estant ceste louable police exactement observée, si que quasi par toute l'Espagne on peut voyager seurement en tout temps."

 

C 'est la gravure la plus intéressante sur le plan historique. Débutons par la géographie, inséparable de l'Histoire. Nous sommes ici dans ce qui est devenu aujourd'hui  le Parc Naturel du Bras Est du Guadalquivir,  l'un des bras les plus anciens de la rivière Guadalquivir , qui se ramifie pour former un marais . Cette zone humide est formée par des sédiments quaternaires où se chevauchent alluvions de gravier, de sable, de limon et d'argile, avec une ceinture de végétation naturelle. Cette région est caractérisée par de vastes zones planes et basses, où  pousse une végétation palustre et méditerranéenne. Les espèces dominantes de la végétation sont les roseaux, les "Castañuela" (Bunium incrassatum) et les joncs.

Hoefnagel a parfaitement représenté les oiseaux des marécages : quatre canards prennent leur envol, eà coté de trois échassiers.  En plus de nombreux autres oiseaux aquatiques, les espèces les plus intéressantes aujourd'hui sont le  Héron cendré et le Héron pourpré, le Blongios , les poules sultanes, les  oies , et les cigognes blanches, qui trouvent ici un lieu de repos proche des rizières voisines de Los Palacios, Puebla del Rio et Isla Mayor. Les colonies d'ardeidae , principalement de Crabier chevelu Ardeola ralloides et de hérons s'y sont établis entre les roseaux et les phragmites.dans les années 2000  existaient encore dans cet écosystème d'importantes colonies de cigognes noires , qui ont maintenant presque complètement disparues. (Wikipédia)

Après cette Sortie nature, plongeons-nous dans les cartes et dans les livres, car Hoefnagel nous offre ici un témoignage unique d'un monument d'antiquité, le Pont Romain, situé sur la célèbre Via Augusta qui reliait Cadix à ...Rome, sur 1500 km. Prévoyez le casse-croûte, la route sera longue.

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II.  ENQUÊTE SUR LE PONT ROMAIN DE LAS ALCANTARILLAS (UTRERA).

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J'ai largement emprunté à l'article de Pierre Sillières.

L'Andalousie, peuplée d'Ibères, a été colonisée par les Phéniciens, qui y établirent le royaume de Tartessos, (13e-6e siècle av. J.C), puis par les Carthaginois. Aux Tartessiens succédèrent, dans la basse vallée du Guadalquivir,  les Turdétans ou Turdules.

La Via Heraclea 

a précédé la Via Augusta. C'était une route historique importante qui parcourait  la péninsule ibérique depuis le sixième siècle avant JC. Elle a été utilisée principalement pour le commerce entre les colonies grecques de l'est de l'Espagne, Carthage, et les territoires de Turdetani( Bétique , Andalousie ), basé sur l'exploitation des mines de plomb argentifères de la Sierra Morena, et des mines de cuivre (Huelva), la culture de la vigne, de l'olivier et des céréales, l'élevage d'ovins, de bovins et de chevaux, et la fabrication de garum. Lire  Strabon, Géographie,III,2,9.

 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230x_1972_num_8_1_2780

 

 Pendant la première guerre punique des Romains contre Carthage, le général carthaginois Hamilcar Barca, pour prendre le contrôle des mines,  débarqua à Cadix et établit dans le sud de la péninsule sa base d'opérations contre les Romains de 237 à 228. Les chefs turdétans Istolacio et son frère Indortes furent vaincus, torturés et crucifiés. Lors de la deuxième guerre punique, menée par son fils Hannibal, celui-ci consolide ses possessions hispaniques,et, à cette occasion, il dote la ville de Las Cabezas (alors Cvnbaria, qui frappait sa monnaie) de nombreuses tours défensives : on pense que l'une d'entre elle apparaît sur la gravure de Hoefnagel. En 204 av. J.C, les Romains s'emparent de Cadix ; Scipion l'Africain crée près de Séville la ville d'Italica pour accueillir les anciens combattants de la bataille d'Ilypa, et la voie romaine passe donc par Italica (Santiponce). 

Sous Jules César est constituée la province de la Betica, placée sous le contrôle du Sénat.  Mais ce n'est qu'en 40 av. J.C sous l'empereur Auguste que débutera vraiment l'intégration de l'Hispanie.

La navigation sur le Guadalquivir.

Le Guadalquivir était navigable jusqu'à Hispalis ( Séville) pour des navires de haute mer, jusqu'à Illipa Magna (Alcala del Rio) pour des bateaux de charge moyenne, et jusqu'à Corduba (Cordoue) et Astigi (Ecija) pour de petites embarcations. En été, le régime des basses-eaux limite les possibilités.

La Via Augusta.

Pour favoriser le déplacement des troupes (la riche vallée du Guadalquivir continuait à attirer la convoitise des tribus celtibères de la Sierra Morena et de la Meseta) et le commerce avec la métropole (vins, métaux, huile et salaisons ou garum), il fallut transformer les pistes de l'Andalousie pré-romaine et la Via Heraclea en de véritables voies de communication. 

 

"La route qui paraît avoir reçu tous ses soins fut la grande artère interprovinciale reliant Rome à Cadix par la côte méditerranéenne et la vallée du Guadalquivir. Elle passait par les plus importantes cités de l'Occident romain, Narbonne, Tarragone, Cordoue, Cadix et reliait tous les centres administratifs de la province de Bétique, Cordoue la capitale, Ecija, Seville, Cadix, les chefs-lieux de conventus. Par elle venaient les fonctionnaires impériaux et les courriers apportant ordres et nouvelles. C'était l'axe de direction et de gestion de la Bétique." (P. Sillières)

Les sources de documentation :

a) Les quatre Gobelets de Vicarello : ces quatre gobelets d'argent du Ier siècle, en forme de bornes milliaires, énumèrent sur quatre colonnes les étapes (mansiones) et les distances d'un itinéraire allant de Gadès (l'actuelle Cadix, en Espagne) à Rome en passant par le sud de la Gaule et le col de Montgenèvre. Ainsi nous savons qu'à partir de Gades, les distances étaient Distance de Gades : Ad Portum 24 milles romains , Hastam 16 M, Ugiam 27 M., Orippum 24 M., Hispalim 9 M., Carmonem 22 M., Obuclam 20 M., Astigim 15 M., Ad Aras X12 M., Cordubam 23M. 

b) L'Itinéraire d'Antonin, rédigé sous Dioclétien (IVe siècle) donne les distances de 372 itinéraires des routes romaines, dont 37 en Hispania.

 

 

c) La carte de Peutinger est une copie d'une carte du monde datant du IVe siècle (mais basée sur celle de M.V. Agrippa, ami de l'empereur Auguste. Mais elle ne peut être utilisée ici, ma partie la plus occidentale étant perdue.

Les bornes milliaires. Le nom de Via Augusta est attestée sur un milliaire de Cordoue, et sur une stèle de marbre noire conservée au Musée archéologique de Séville, datées des Flaviens en 70-90 ap. J.C.. 

"Dans la Rome antique, les bornes milliaires étaient des bornes routières en pierre généralement en forme de colonne portant une inscription et destinées à marquer les distances sur le tracé des principales voies romaines d'Italie et des provinces romaines. Comme leur nom l'indique, les distances étaient mesurées en milles romains, soit environ 1 460 mètres.

Les milliaires, le plus souvent, se présentent comme des colonnes cylindriques ou ovalisées, parfois parallélépipédiques, de calcaire, de grès, de granit ou de basalte, dont la base est cubique et en saillie pour permettre un enracinement plus solide, et dont la hauteur varie de 2 à 4 m.

Contrairement à ce que leur nom pourrait laisser croire, les bornes milliaires étaient élevées non pas de mille en mille mais simplement pour rappeler les travaux d’entretien des voies romaines, ordonnés par l’Empereur ou par le fonctionnaire placé sous son autorité." (Wikipédia)

A l'entrée de la Bétique, un Arc du Janus Augustus (attesté déjà en -2 av. J.C), portait peut-être une dédicace à l'empereur. Il se trouvait  sans doute à l'entrée ou à la sortie d'un pont franchissant le Guadalquivir non loin de Mengibar . Les distances des bornes étaient complétées depuis le Janus jusqu'à l'Océan Atlantique , Les voies de communication antiques de l'Andalousie.

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Les relais. 

Des haltes étaient aménagées le long de cette voie. Les mansiones, étapes pour la nuit, étaient éloignées de 30 à 35 milles environ (45 km) , tandis que les mutationes, simples relais pour changer de monture, se trouvaient tous les 8 à 12 milles (15 km). Les étapes — Astigi-Carmo, 35 milles; Carmo-Hispalis, 22 milles; Hispalis-Ugia, 33 milles; Ugia-Hasta Regia, 27 milles —  correspondent au rythme de la marche dans l'Antiquité.

 1) Mansiones. Le tracé de la Via Augusta étant établi avec précision, il paraît possible de fixer le site des stations romaines : Cordoue, Astigi ou Ecija (Astigi),  Carmona, Séville, Las Mesas de Asta ("Hastia Regia"), Las Torres de Alocaz  ("Ugia"), et  Cadix.

2) Mutationes. Les itinéraires antiques en mentionnent très peu; seules ont été indiquées celles qui se trouvaient dans des agglomérations importantes. Mais les relais en rase campagne, avec le plus souvent un établissement sommaire, ont été oubliés. Alors que les positions d'Ad Aras, Obulcula, Orippo et Ad Pontem ne présentent guère de difficultés, l'emplacement de Portus Gaditanus est plus controversé.

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Les ponts. 

Voie romaine de première importance, la Via Augusta comportait certainement un grand nombre de ponts pour être praticable en toutes saisons. II devait en exister sur toutes les rivières et même sur de nombreux ruisseaux car le moindre ruisselet totalement sec les trois-quarts de l'année peut, en quelques heures, devenir un dangereux torrent et couper la route. Sur la portion Cordoue-Cadix, il ne persiste que les ponts de  Cordoue ; le «Puente Viejo à sept arches sur le Guadajoz ; le pont d'Ecija ; le pont de Carmona ; le pont d' Alcantarillas qui est celui qui nous intéresse ici ;  Le pont de Suazo ; Le pont sur le Guadalmazan ; le Pont sur le Guadalete à Puerto de Santa Maria. Le pont romain de Cordoue, édifié en 45 av. J.C, doté de seize arches, est particulièrement célèbre . On notera qu'il était encadré par une porte romaine, puis maure, et sur l'autre extrémité par la Tour de Calahorra édifiée par les Almohades au XIIe siècle et dont la porte est encadrée de deux tours carrées. Cela peut fournir un élément de comparaison avec le pont fortifié que représente Hoefnagel.

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La voie   La Via Augusta est le plus souvent une route de plaine avec un tracé rectiligne sur d'assez longs tronçons: par exemple, entre Carmona et Seville, il y a 20 km de ligne droite; de même de Seville au pont d'Alcantarillas, où les rares changements de direction se font par des tournants à grand rayon de courbure. Elle est  formée de cinq couches, et était installée sur un remblai dominant les champs de 0,60 à 1 m. Cet "agger" (levée de terre)  devient même la règle dans les zones basses de la Ribera du Guadalquivir ou des Marismas, où il servait à la fois à fonder plus fermement la route et à la mettre à l'abri des eaux.  Chaussée et remblai ont une épaisseur de 1,20 m.  La largeur de la voie, bas-côtés compris, variait de 8 à 10 m mais elle diminuait sensiblement au passage des ouvrages d'art ( pont d'Alcantarillas 4 m), sur lequel deux charrettes pouvaient cependant encore se croiser .

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© Sémhur / Wikimedia Commons 

http://es.wikipedia.org/wiki/V%C3%ADa_Augusta#/media/File:Via_Augusta_map-fr.svg

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Le parcours de Cadix à Cordoue, et les distances depuis Cadix:

 Gades (Cádis) - Porto Gaditano, 22 à 24 milles  -   - Úgia (Torre Alocaz, ), 36 milles - Hasta Regia (Las Mesas de Asta) , 42 milles - Óripo (Dos Hermanas) - Híspalis (Seville) - Carmo (Carmona ) - Óbucla ou Obúlcula (La Monclova, Fuentes de Andalucía) - Colônia Augusta Firma Ástigis (Écija ) - Córduba (Córdoba)

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Son devenir.

Avec l'installation des Arabes, la Via Augusta conserva une grande importance comme liaison entre les opulentes cités de Seville et de Cordoue et comme axe des possessions musulmanes à partir de la capitale d'Al-Andalus vers le Levant et la Catalogne. Mais elle perdit son nom, les Arabes l'appelant seulement al rasif, c'est-à-dire "la chaussée construite et surélevée" .

Après la Reconquête la route conserva son nom arabe, à peine transformé en arrecife  (ou Récifé).

"Par la suite, le Sud de l'Espagne connut deux grands bouleversements politiques, l'occupation arabe et la Reconquête, qui s'accompagnèrent de modifications du réseau urbain avec, en particulier, la disparition de quelques vieilles cités comme Hasta Regia ou Ugia. Aussi la voie antique qui était adaptée au réseau urbain romain fut-elle, sur certains tronçons, abandonnée ou doublée par des chemins nouveaux.

La première partie de la voie à être délaissée fut le trajet de la Venta del Cuervo à Puerto de Santa Maria, et ceci peut-être à la fin du Califat de Cordoue ; mais, déjà, elle n'était plus beaucoup fréquentée puisque aucune réparation arabe n'y a été faite . Cet abandon précoce peut s'expliquer par un déclin rapide de la colonie romaine Hasta Regia au profit de Jerez de la Frontera. Ce tronçon est également le seul pour lequel le nom d' arrecife n'apparaisse nulle part, ni dans des documents anciens ni dans la toponymie.

Mais c'est pendant la période moderne que la Via Augusta fut la moins utilisée: entre Cordoue et Seville, les voyageurs passaient par Alcazar, Ecija, Fuentes de Andalucia, et Carmona et l'ancienne voie romaine n'était empruntée qu'en temps de pluie ; au Sud de Seville, c'était la même chose, on suivait un chemin qui traversait toutes les petites villes, Dos Hermanas, Los Palacios, Las Cabezas de San Juan, Lebrija et continuait par Jerez vers Cadix . Le moment de l'abandon se place sans doute après la Reconquête." (P. Sillières)

On déduit de ce qui précède que Joris Hoefnagel dans son séjour en Andalousie en 1563-1565 n'a du emprunter la voie romaine que lorsqu'elle rejoignait le chemin (camino) reliant les villes contemporaines.

Sous Philippe II, un chemin reliant (entre autre) Utrera et Palacios et longeant le canal de Los Presos reçut le nom de Vereda La Armada, car il fut employé par les contingents militaires rejoignant les ports d'embarcation en venant du nord de la province. Il est aussi désigné sous le nom de Cañada Real de la Armada : voir le tracé sur Google.

On parle aussi du Camino del Romano, et de Camino Real.

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La reconstitution de la Via Augusta dans le secteur parcouru par Hoefnagel.

Si nous voulons suivre Joris Hoefnagel et Nicolas de Maleperte lors du trajet pendant lequel les trois vues de Palacios, Alcanerilla et Cabeças furent dressées, il est possible d'utiliser les travaux de Pierre Sillières qui lui permirent de reconstituer l'ancienne voie romaine, l'Arrecife médiévale. 

Pour cela, il a retrouvé à la Bibliothèque du Palais Royal à Madrid douze plans au 1/220.000 environ, levés lorsque Floridablanca était surintendant des chemins c'est-à-dire vers 1785. Trois routes y figurent : la route nouvelle construite à la fin du 18e s. représentée à trait continu (actuelle N.IV), le Camino Real (Chemin Royal)  en gris, et « l'arrecife antiguo» en tirets. Mais, lorsque le tracé de la route nouvelle reprend celui du Camino Real ou de l'arrecife, c'est seulement la première qui apparaît . 

 

"De Cordoue à Cadix, la Via Augusta était une route de plaine et jamais elle ne rencontrait de grand obstacle. Après avoir quitté la plaine alluviale du Guadalquivir immédiatement au Sud de Cordoue, elle s'installait sur les terrasses du fleuve jusqu'à Séville en touchant à peine l'extrémité septentrionale des Alcores à Carmona. Ensuite de Séville à Cadix, elle empruntait assez longtemps la Ribera du Guadalquivir avant de s'aventurer dans les Marismas.

 Au Sud de Séville, il n'y a plus de relief notable: la route antique parcourait d'abord la Ribera du Guadalquivir puis rejoignait les basses collines à l'Est du fleuve. Mais elle était obligée de les quitter pour atteindre Hasta Regia (Las Mesas de Asta), puis Gades et devait alors surmonter le seul obstacle naturel, l'eau et la marée, au franchissement des bras de la Marisma , puis du Guadalete et du Cafio Sancti Pétri."

 

Le plan levé par ordre de Floridablanca qui représente l' arrecife antiguo passant par Dos Hermanas, le pont d'Alcantarillas et se dirigeant vers Las Torres de Alocaz :  la voie antique ne passait pas par Las Cabezas de San Juan. La photographie aérienne permet de corriger une légère erreur du plan de Floridablanca : la voie antique ne passait pas par Los Palacios y Villafranca mais 1 km à l'Est de cette localité. Ensuite une ligne blanche parallèle à la route nationale IV rejoint le pont d'Alcantarillas . 

"La voie romaine est bien connue, puisque le Camino y arrecife viejo de Câdiz a Sevilla est appelé calzada romana sur la carte au 1/50.000 (feuille de Dos Hermanas, n° 1.002). Elle est en fort agger au-dessus de la plaine basse. Mais elle ne passe pas dans Los Palacios y Villafranca qu'elle laisse à l'Ouest , avant de se diriger vers le pont d'Alcantarillas en restant à peu près parallèle à la route nationale IV . Après ce pont antique, leurs tracés se rejoignent et la voie romaine, comme la route actuelle, se dirigeait vers Las Torres de Alocaz en s'installant sur les basses collines à l'Est des Marismas, puis obliquant vers le Sud-Ouest, elle atteignait la Venta del Cuervo. Là, elle s'orientait nettement vers l'Ouest, tandis que la route nationale IV continue droit vers le Sud, vers Jerez. A cet endroit, réapparaissent les traces de la voie antique à travers les collines de Montegilillo, d'Espartinas et dans la Marisma de Las Mesas de Asta. Passée l'antique Hasta Regia, la voie se dirigeait vers Tabajete, rejoignait les collines couvertes de vignobles au Cortijo de Barrosillo, continuait par la gare de Las Tablas (au kilomètre 11 de la voie ferrée San Lucar- Bonanza désaffectée aujourd'hui) pour suivre enfin le Camino de Los Romanos. Elle passait entre deux étangs, puis, par le Camino del Pinillo et la Vereda de la Cereria, elle arrivait à Puerto de Santa Maria. Après avoir franchi le Guadalete, elle s'engageait sur le cordon littoral entre Puerto de Santa Maria et Puerto Real. [...] Là elle faisait sa jonction avec une autre grande voie romaine, celle de la côte méridionale 8 et ensemble, elles atteignaient Cadix en longeant la plage face à l'océan.

 

Un des intérêts de ce plan est de nous permettre de mieux nous représenter les reliefs de cette région. Là où se tient le pont d'Alcantrillas, le cosmographe a indiqué deux bâtiments : l'un est nommé V. diesa L. Oran et l'autre V[en]ta de l'Alcantarilla, qui correspond la la venta de la gravure d'Hoefnagel. Le toponyme Oran est employé par J.F. Peyron en 1778, et par Santoago Lopez en 1809, dans les deux cas sous la dénomination de Venta de Oran, sur la Camino de Ruedas.

 

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Voies  Séville-Cadix, plan levé par Floridablanca, 1785 (in P. Sillières, 1976). En rouge, position possible de Hoefnagel lors des levées des croquis.

Voies Séville-Cadix, plan levé par Floridablanca, 1785 (in P. Sillières, 1976). En rouge, position possible de Hoefnagel lors des levées des croquis.

Puis, Pierre Sillières donne un plan de sa reconstitution de la Via Augusta dans l'est du Bas-Guadalquivir. Là encore, j'y ai pointé en jaune les trois sites qui donnent leur titres aux gravures du Civitates, et en rouge la position possible d'un observateur dessinant les gravures 

Les points d'observation possibles de Hoefnagel ajoutés à une carte de P. Sillières, "La via Augusta de Hispalis à Gades"

Les points d'observation possibles de Hoefnagel ajoutés à une carte de P. Sillières, "La via Augusta de Hispalis à Gades"

Puisque nous avons planté le décor, il est temps de s'intéresser au pont d'Alcanerilla. Est-il bien connu ? Sous quel nom ? Quelle est son histoire ? . 
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                                        LE PONT D'ALCANTARILLAS.
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I. Descriptions scientifiques.
— La première description est donné par Pierre Sillières :

 Le pont d' Alcantarillas .

"Voilà le mieux conservé de tous les ouvrages d'art de la Via Augusta malgré plusieurs restaurations, la plus maladroite l'ayant, récemment, encombré d'un parapet en ciment. Pont de deux arches identiques, légèrement surbaissées, il a conservé une partie de son parement à bossage, surtout aux voussoirs de l'arche de rive gauche, qui paraît avoir été moins touchée par la grande réparation de la deuxième moitié du 18e s.. La pile médiane est très forte, sans avant-bec, mais des photographies anciennes permettent de reconnaître un oeil-de-pont. L'intrados des voûtes est formé de claveaux en parpaings et boutisses régulièrement alternés. Le profil est en très léger dos d'âne et le tablier supportait une chaussée d'environ 4 m de largeur. Outre son assez bon état, ce pont présente un autre privilège essentiel, celui d'être daté par l'inscription qui se lit encore sur la face aval de la pile centrale : AVGVSTVS PONTEM AV ...OC"

 

— Une autre description est donnée par Bonneville & al. 1991 page 154 :

 

Alcantarillas (Pont)

"Au croisement de la Vereda de la Armada et de la Vereda Real de las Cabezas de san Juan, au nord de la ligne du chemin de Cordoue à Cadix, au P.K. 578,2 et à la hauteur du P.K 32,100 de la Nationale IV de Los Palacios à Cadix, se trouve un pont romain dénommé aussi Puente de san Rafael*. Il enjambe l'Arroyo del  Salado de Morón . C'est un pont à deux arches qui fut construit pour le passage de la Via Augustia entre Orippo et Ugia. Une inscription permet de dater sa construction de l'époque d'Auguste. Il est bâti en blocs de grand appareil, l'intrado des voûtes est formé de claveaux en parpaing et boutisse régulièrement alternées. Le profil est en très léger dos d'âne et le tablier supportait une chaussée d'environ quatre mètres de largeur. Outre son assez bon état, ce pont présente une autre particularité essentielle, celle d'être daté par une inscription qui se lit encore sur trois lignes, dont la première porte la mention AUGUSTUS PONTEM. Ce pont, dont l'historique a été établi par R. Thouvenot, est encore utilisé. C'est un point stratégique important qui n'a jamais cessé de l'être."

* C'est aussi le nom du pont romain de Cordoue.

Ces auteurs décrivent aussi, à l'est du pont, la Venta de san Rafael :

« zone importante de vestiges antiques, fragments de briques et de tuiles romaines sur plus d'un hectare, briques, céramique peinte de type ibérique, et, de l'ancienne venta encore en place, une longue salle principale présentant une poutre maîtresse, soutenue par une série de voûtes reposant sur des colonnes de pierre et des chapiteaux composites de type wisigothique. L'importance de ce site, à une croisée des chemins (Vereda de la Armada et de la Vereda Real de la Cabeza de San Juan), et le long de la Via Augusta, incite à penser à une mansio plutôt qu'à une villa, dont l'occupation se serait prolongée jusqu'à l'époque médiévale. »

Il est bien entendu très tentant de la rapprocher de la Venta figurée sur la gravure de Hoefnagel. Mais on constate que ni Sillières ni Bonneville ne font allusion aux tours qui encadrent le pont sur la gravure de Hoefnagel : j'en ai conclu, à tort, qu'elles n'étaient plus visibles, même sous forme de vestiges. Mais ces auteurs ne mentionnent pas non plus la gravure du Civitates. Est-ce possible qu'ils la méconnaissent ? 

 

Ce qui semble certain, c'est que ces fortifications du pont ne datent pas des Romains, mais qu'elles ont été construites lors de la conquête par les musulmans. Je poursuis mon enquête.

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II. Les descriptions des voyageurs du XVII-XVIIIe siècle.

a) Juan Alvarez de Colemar 1741 

"On trouve un assez beau chemin de Séville jusqu'à la Venta, qu'on appelle de Récifé, qui est à six lieues ; en y allant on passe par un Bois de palmiers qui est fort agréable. Prés de là est Alcantara, qu'on appelle autrement d'un nom diminutif Alcantarilla, pour la distinguer d'Alcantara, que nous avons vue dans l'Estramadoure, est un bourg un peu élevé, où les Romains ont bâti autrefois un pont d'une structure merveilleuse, pour passer les marais de Palacios, ou plutôt le Guadalquivir. On pouvait le fermer, par les deux bouts, & aux deux cotés, d'une vieille Tour, qu'ils y ont élevée, on voit encore les piedestaux et les chapiteaux de belles colonnes de jaspe vert, qu'ils y avaient mises, & qui ont été transportées dans l'Eglise cathédrale de Séville, pour l'ornement du grand autel. Ce pont est grand & fort élevé, mais il n'est pas néanmoins comparable à celui de Ségovie, comme l'a prétendu un Géographe d'ailleurs très habile. On voit aussi dans Alcantara une vieille mosquée bâtie par les Maures, qui aujourd'hui sert d'Eglise aux Chrétiens". page 234.(les illustrations page 232 sont copiées sur les gravures de Hoefnagel).

b) J.F. Peyron, 1777-1778.

– Route Utrera-Las Cabezas- Alcantarilla- Jerez de Frontera page 235-236 :

" D'Utrera jusques à Las Cabezas, mêmes plaines que la veille [D'Ossuna à la Puebla de Cazalla et El Harrahal], mais elles sont beaucoup plus dangereuses, surtout si on voyage en hiver, par les profonds marais dont elles sont couvertes. Sur le faux rapport d'un guide, j'ai été embourbé pendant trois heures, il a fallu décharger la voiture pour pouvoir la remettre en bon chemin. Les hommes qui travailloient à la dégager, avoient de la boue jusqu'à mi-cuisse ; comme le chemin n'est pas tracé, il arrive tous les jours qu'on donne dans un bourbier, sans avoir le temps de s'en apercevoir.

Cabezas est un assez grand village, bâti sur un côteau à l'entrée d'une chaîne de montagne peu élevées. On y voit plusieurs autres ruines qui attestent que c'étoit autrefois une grande ville. La devise de ce village est : non se hace nada nel consejo del rey senza Cabezas ; il ne se fait rien au conseill du roi sans de bonnes têtes, mot qui n'est pas toujours vrai, & qi fait allusion au nom que porte le village. Après en être sorti, on trouve un chemin assez agréable tracé dans un bois ; mais l'on revient bientôt dans une triste plaine, jusqu'à la Venta de Alcantarilla, auberge isolée où il faut s'arrêter. Aux environs de cette Venta, est un petit hameau qui lui donne son nom, où les Romains avoient bâti un pont qui existe encore, pour passer le marais que forme le Guadalquivir, il se fermoit aux deux extrémités. Les portes sont surmontées de deux tours élevées ; il étoit, dit-on, orné de superbes colonnes de jaspe verd, qui ont été transportées à Séville pour décorer le maître-autel de la cathédrale.

 

A deux lieues de Alcantarilla, on perd de vue les marais immenses, qu'on a traversés pendant toute cette route, & l'on voyage das un pays fertile et bien cultivé jusqu'à Xerès de la Frontera. »

 

– Route d'été : de Cadix à Séville : Cadix -pont de Suazo – Jerèz – Lebrija – Alcantarilla -Séville :

«  C'est la route que l'on suit en été, quoiqu'elle soit plus longue d'environ deux lieues"

– Route d'hiver Jerèz -Venta Viscagna- Cabezas - Venta de Oran- Séville.

 " ...en hiver, on va de Xerès à la Venta Viscagna [Viczaina], ensuite à Las Cabezas, de là à la Venta de Oran, & après à Séville, qui est à vingt lieues de Cadix » (p. 269)

– lire : F. J. Barragan de la Rosa, 2014, Camino antiguo entre Sevilla y Jerez (puente de la Pólvora y las ventas del Río Guadaira)

c) J.A. Taschereau, 1838

"Un vilain petit endroit, nommé Los Moralès, […] A six heures du soir, il nous fallut quitter cette maison, et après une route fatigante, à travers des marais en partie desséchés, nous arrivâmes à une venta, ou auberge, située à deux cents pas de Los Cantarilla, dont elle porte le nom. Pour entrer dans ce bourg, on passe sur un pont que les romains ont construit pour traverser les marais que forment les débordements du Guadalquivir. Cette bâtisse en ciment et cailloux amalgamés, qui forment une pierre factice très dure, . A l'extrémité de ce monument, du coté du village, sont deux vieilles portes surmontées de tours fort hautes. Au sommet de l'une d'elles est une cage en fer, renfermant les débris d'une tête humaine. J'appris que c'était celle d'un brigand qui habitait ces masures, où il se réfugiait avec sa proie, et qui fut pendu et traîné sur la claie à Séville. On dit aussi que le pont, du temps des Romains".

Le bandit en question se nomme Diego Corrientes Mateos (Utrera, 1757 - Séville, 30 mars 1781), surnommé El Bandito Generoso ou El señor del Gran Poder .  C'est une sorte de Robin des Bois andalou devenu légendaire car il restituait aux pauvres ce qu'il prélevait aux riches. Prototype du héros romantique, il fut, à partir de 1778, un chef de brigands d'une rare audace combinée à une force et une vivacité d'esprit remarquable au service des pauvres. Son activité principale, dans les provinces de Séville et de Badajoz, était le vol de chevaux et de jument qu'il vendait au Portugual   Sa rivalité avec  Francisco de Bruna et Ahumada  était célèbre. Francisco de Bruna et Ahumada (31 Juillet 1719, Granada- 27 Avril 1807, Séville), le Régent de Séville, était Oidor doyen de la Real Audiencia de Séville (Auditeur, ou Juge, du Tribunal de seconde instance), adjoint au maire de l'Alcazar de Séville, membre de l'Académie Royale des Lettres, membre du Conseil des Finances et le Conseil de Castille, collectionneur et bibliophile.

La rencontre d'Alcantarillas.

Cette rivalité devint une haine féroce lorsque Diego rencontra, au pont de Las Alcantarilla qui lui servait de refuge,  le Régent qui arrivait  dans son carrosse. Diego avait juré de ne tuer personne, et accepta de laisser passer son persécuteur à condition qu'il s'abaisse à lacer sa botte gauche  ; Francisco de Bruna fut bien contraint de  s'humilier ainsi.  Après cette histoire, il offrit en 1780 cent pièces d'or à quiconque le capturerait mort ou vif. Diego, déguisé, se présenta lui-même et réclama la récompense, sous la menace et la protection de son arme. Farouchement persécuté, il fut d'abord capturé  à Cobillán (Badajoz) après une dénonciation,, mais  les gardes portugais qui tenaient le laissèrent bientôt s'échapper. Enfin, il fut découvert par une femme dans une ferme d'Olivenza (Portugal), où le Régent envoya une centaine d'hommes dirigée par le capitaine Arias pour le faire faire prisonnier. Conduit à Séville, il fut jugé et condamné à mort par pendaison le 30 mars 1781, le Vendredi Saint, sur la Plaza san Francisco . Plus tard, son corps a été démembré à la Mesa Real, près de la Porte de Camona à Séville, où se trouvait la table de décement public des cadavres des condamnés. Ses bras et ses jambes ont été fixés par des crochets et exposés en avertissement exemplaire à la vue du public. La tête fut accrochée dans une cage à l'endroit même où il avait humilié Francisco de Bruna, au pont de l'Alcantarillas, dans la tour qui porta depuis le nom populaire de Torre de Diego Corrientes.. Le tronc  fut  enterré dans l'église de San Roque. La tête y  a été retrouvée  à la fin du XXe siècle, au cours  des opérations de restauration :  un crochet était enfoncé dans son crâne.

Cf Museo del Bandolero à Ronda.

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José María Gutiérrez de Alba (1822-1897): a écrit en 1848 une pièce de théâtre, Diego Corrientes o El bandido generoso, où il écrit  : "Aquel que en Andalucía/ Por los caminos andaba/ El que a los ricos robaba/ Y a los pobres socorría." "er que robaba a los ricos y a los probes se lo daba"/" Celui qui en Andalousie/ Sur la route marchait /celui qui volait les riches / et  donnait aux pauvres" 

 

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III. Les descriptions au XXe siècle.

 

Ce pont et sa tour font l'objet de nombreuses descriptions et photographies sur le net.  Il en découle que le pont romain fut fortifié par deux tours pendant l'occupation musulmane (art mudéjar ??). Celles-ci étaient en ruine, mais debout, au XVIIIe siècle et jusqu'au XXe siècle.La tour placée au Nord-est permettait le passage du pont par une arche ouverte à sa base. En 1857, la société des chemins de fer qui construisait la ligne entre Jerez et Séville a demandé l'autorisation de démolir la tour pour en utiliser les matériaux. Une  station de cette ligne Jerez-Séville a été construite à cet endroit. Sur le plan de la ligne, on constate qu'une station de télégraphe optique était installée sur la tour restante, mais ce système a été remplacé en 1557 par le télégraphe électrique.   Au XXe siècle, elle a disparu pour permettre le passage de gros véhicules. L'autre tour, située sur le côté opposé, et qui est aujourd'hui conservée, porte le nom de Castillo de la Alcantarilla, servait comme moyen de défense pour bloquer le passage du pont. Seul le premier des deux étages est maintenant préservé et on peut  voir le début de la voûte en brique. La tour a une superficie d'environ 155 m2. Une porte  est ouverte sur la face nord-ouest, .Sur le côté nord, on voit les restes d'un bâtiment rattaché , peut-être utilisé comme corps de garde pour contrôler le passage des personnes et des marchandises lors du paiement des péages. La tour restante a été construite sur une base de blocs de pierre bien taillées, qui renforcent également les coins. Le reste est fait de terre, de cailloux et de débris de céramique. Trois marques de maçon de conception différente sont visibles, ainsi qu' un curieux croquis sur le côté ouest, que certains identifient comme une représentation du Castillo de San Marcos, El Puerto de Santa María, tandis que d'autres croient que c' est un croquis fait par le maître d'œuvre qui a dirigé les travaux. Dans les coins se trouvent les emplacements  d'environ trois mètres de haut,  des colonnes signalées comme déjà absentes au XVIe siècle. Ce pont est déclaré "Bien d'intérêt culturel et Monument historique et artistique" depuis 1931.

http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=7330

Les différents sites :

–Il faut commencer par le blog de José Luis Gonzales :

http://www.palaeohispanica.hol.es/castillos/utrera/alcantarillas/alcant-puente.html

http://www.palaeohispanica.hol.es/castillos/utrera/alcantarillas/intro2-alcantarillas.html

– puis il faut lire le récit d'une randonnée cycliste par José Manuel Oneto Mariscal : ce dernier, qui a lu l'article de Pierre Sillières,  s'attache à retrouver les traces de la Via Augusta pour créer une piste cyclable Cadix-Séville. http://blogdruta.com/2010/08/08/via-augusta-puente-de-las-alcantarillas-torre-de-los-herberos/

— Sur la suggestion de ce dernier blog, on peut visiter l'exposition en ligne  : "Andalousie, la cartographie de l'Antiquité jusqu'à nos jours" et y examiner deux cartes de 1579 et de 1606 :

http://www.bibliotecavirtualdeandalucia.es/ 

  • Hispalensis conventus delineatio Jerónimo de Chaves, Amberes, 1579. http://www.bibliotecavirtualdeandalucia.es/catalogo/exposicion/expovirtual/2_02.htm
  • Andaluziæ nova descript. Jodocus Hondius, Ámsterdam, 1606. http://www.bibliotecavirtualdeandalucia.es/catalogo/exposicion/expovirtual/2_03.htm

Sur la première carte (1579) je remarque que les marécages sont désignés comme "Aestuarium, vulgo la Maresma", qui correspond exactement à ce que Hoefnagel a écrit sur sa Vue d'Alcenarilla.

 

— Quatre photographies ici : http://www.iaph.es/imagenes-patrimonio-cultural-andalucia/thumbnails.php?album=3545

— Carte de l'I.G.N. : Puente de las Alcantarillas :  à côté de la N-IV en direction de Cadix, à la jonction avec le SE-427 en direction de Utrera

— Image Google Maps  : cliquez.

— Torre de las Alcantarillas  :http://bandamoriscautrera.blogspot.fr/p/torre-de-las-alcantarillas.html 

— http://enbuscadelhadazul.blogspot.fr/search/label/%3BCastillo%20de%20la%20Alcantarilla%3B

— Photographie des vestiges de la Tour en 1930-1940 : http://www.alhambra-patronato.es/ria/handle/10514/8165

et http://www.alhambra-patronato.es/ria/bitstream/handle/10514/8165/F-%208033.jpg?sequence=1

—Castillo de la Alcantarilla : site Monumentalnet

http://www.monumentalnet.org/andalucia/sevilla/utrera/utrera/castillo_de_la_alcantarilla.php

 

Image : http://telegrafiaoptica.wikispaces.com/Venta+de+las+Alcantarillas

 

— http://www.artehistoria.com/v2/monumentos/173.htm

 

http://www.monumentalnet.org/andalucia/sevilla/utrera/utrera/castillo_de_la_alcantarilla.php

 

http://monumentales.blogspot.fr/2011_07_01_archive.html

 

 


 

 

Les ponts romains et les ponts fortifiés.

a) Les ponts romains sont nombreux en Espagne, et   Wikipédia  en donne une liste de onze sites : 

Liste des ponts romains : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_ponts_romains

Parmi ceux-ci, certains comportaient des arcs de triomphe, et certains des temples, ces deux éléments pouvant, pour le pont d'Alcantarillas qui nous concerne, être à l'origine partielle des deux tours. C'est le cas du Pont du Diable de Martorell, sur la Via Augusta ( arc de triomphe à l'entrée gauche),  du Pont Romain de Cordoue, du Pont d'Alcantara de Cáceres,(Estrémadure, sur le Tage :petit temple romain annexe), du Pont d'Alcantara de Tolède

D'autres datent de l'époque médiévale, mais peuvent servir de point de comparaison car ils sont fortifiés, comme le Pont San Martin de Tolède

Les Romains ne fortifiaient pas leurs pont, mais au Moyen Âge, un grand nombre de ponts étaient fortifiés soit à leurs extrémités, soit sur le pont lui-même et, en France, étaient communément appelés châtelets, comme les grand Châtelet et le petit Châtelet de Paris qui gardaient la Seine. En Espagne, les exemples les plus manifestes sont les ponts de Besalú  et de Cordoue.

http://cdn.ipernity.com/126/52/91/29155291.4276785e.240.jpg?r2

Le pont fortifié  de Besalú (Catalogne) fut érigé au XIIe siècle sur le fleuve Fluvià. Il servait de péage pour entrer dans la Garrotxa pyrénéenne. 

Le Pont romain de Cordoue fut doté durant la deuxième moitié du XIIe siècle par les Almohades d'une tour défensive, la tour de la Calahorra . Elle était constituée initialement d'une porte en forme d'arc outrepassé brisé encadrée de deux tours carrées.

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RETOUR SUR LE PONT.

  Après ce long détour, retour sur les deux tours et le pont d'Alcanerilla. Je comprends désormais mieux son fonctionnement (j'ai le cerveau lent). La Tour actuellement conservée en partie est celle de gauche sur la gravure, et j'y remarque bien maintenant , à chaque angle externe, les emplacements des colonnes de jaspe, en demi-niche. Il serait interessant de retrouver ailleurs cet usage (Arc de triomphe d'Auguste à Suse). La tour y est encore intacte, avec son couronnement crénelé, et un œil-de-bœuf éclairant l'étage. Elle ne permet pas l'accès au pont, et celui-ci se fait par un escalier ou une rampe (mieux visible sur la gravure du XVIIIe Puente Romano) qui en longe la façade. En effet, le tablier est considérablement  surélevé par rapport à la route ; deux soldats y déambulent, le bas du corps dissimulé par le parapet. A l'autre extrémité, la chaussée traverse (par une autre rampe vraisemblable) la seconde tour qui est percée d'une porte voûtée. Cette tour, elle aussi dotée d'un œil-de-bœuf, est déjà, en 1565, partiellement en ruine; elle est de taille inférieure. Les deux tours n'avaient donc pas la même fonction, la première étant un corps de garde, et la seconde un arc de passage, fortifié. De meilleures compétences permettraient sans-doute de préciser si ces tours relèvent bien du style mujédar et d'une construction par les Almohades (donc antérieure à 1248, prise de Séville par les catholiques, et 1236, prise de Cordoue). D'autres recherches permettraient peut-être aussi de savoir si elles étaient destinées à controler un point de passage stratégique (point de convergence des différentes voies antique et médiévale) ou, également, à percevoir un droit de passage ou un impot. La tour de gauche était peut-être initialement percée d'une porte, car les photographies intérieures montrent un arc de plein cintre en (briques), et le comblement de l'espace correspondant par un mélange de terre.

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Les colonnes de jade sont signalées, au nombre de 850, à l'intérieur de la cathédrale de Cordoue, qui est une ancienne mosquée (Mesquita) ; dans l'église de l'Escurial, sous le maître-autel ; accessoirement à Saint-Jacques —Pilar de Saragosse—.

 

   Quoiqu'il en soit, je constate que c'est cette vue dressée par un voyageur flamand en 1565 qui me donne la meilleure compréhension du pont, de sa fonction, de sa surélévation liée aux marées et aux crues hivernales du fleuve, de son environnement naturel (oiseaux aquatiques), de son rôle d'étape grâce à la Venta proche : une fois de plus, Hoefnagel a laissé un document d'une valeur documentaire inestimable et non dépassée. Un vrai boulot de chorographe : quelle Cabeças !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hoefnagel, Civitates V,10 : Pont d'Alcanerilla (Alcantarillas), détail. http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=7330

Hoefnagel, Civitates V,10 : Pont d'Alcanerilla (Alcantarillas), détail. http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=7330

SOURCES ET LIENS.

 


 

 


 


Sur Hoefnagel, voir : http://www.lavieb-aile.com/2015/03/ma-bibliographie-sur-joris-et-jacob-hoefnagel.html

http://belgeo.revues.org/11877 Peter van der Krogt, « Mapping the towns of Europe: The European towns in Braun & Hogenberg’s Town Atlas, 1572-1617 », Belgeo, 3-4 | 2008, 371-398.

— http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230x_1976_num_12_1_2218

Via Augusta Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Via_Augusta

— http://fr.wikipedia.org/wiki/Voie_romaine

— ALVAREZ DE COLMENAR (Juan) 1741 "Description et délices de l'Espagne et du Portugual", Annales d ́Espagne et de Portugal,  Amsterdam, II Volume 5, page 251.

 — BONNEVILLE ( Jean-Noël ),DARDAINE ( Sylvie ), LE ROUX ( Patrick), 1991 ,Belo 5. L'épigraphie: Les inscriptions romaines de Baelo Claudia in Michel Ponsich, Implantation rurale antique sur le Bas-Guadalquivir, Madrid

 — BOTREL (J.F) "Diego Corrientes ou le bandit généreux : fonction et fonctionnement d'un mythe". In : Culturas populares. Diferencias, divergencias, conflictos, Madrid, Casa de Velázquez, Editorial Universidad Complutense, 1986, p. 241-266. (cf. J. Caro Baroja, Ensayo sobre la literatura de cordel, Madrid, Ed. Istmo, Madrid, 1991, p. 9 ; C.R. : Gaceta de Antropología, Granada, n° 3 (1984), 72).

  JARRY(Jacques) 2011, Corpus des inscriptions latines et étrangères du Poitou, période Renaissance (1453-1643) et Moderne (1643-1789) Ed. Adane

https://www.academia.edu/9887890/Corpus_des_inscriptions_latines_et_%C3%A9trang%C3%A8res_du_Poitou_p%C3%A9riode_Renaissance_1453-1643_et_Moderne_1643-1789_par_Jacques_Jarry

LE ROUX ( Patrick), DOMERGUE ( Claude), 1972,  "Rapport entre la zone minière de la Sierra Morena et la plaine agricole en Guadalquivir à l'époque romaine [Notes et hypothèse]", , Mélanges de la Casa de Velázquez, Volume   8 pp. 614-622

 — LESTRINGANT (Frank) 1988, "Chorographie et paysage", in Yves Giraud Le Paysage à la Renaissance, Editions Universitaires de Fribourg Suisse https://books.google.fr/books?id=zf7lsbdiIQQC&pg=PA14&lpg=PA14&dq=chorographie+antoine+pinet&source=bl&ots=w2Ph1EXkeS&sig=8_tHcQLmDszWgAGHc0iMVfSfVh0&hl=fr&sa=X&ei=mSkqVaWrMYPxUoX4gNAG&ved=0CD8Q6AEwBg#v=onepage&q=chorographie%20antoine%20pinet&f=false

 ONETO (José Manuel) 2010, "Via Augusta : Puente de las Alcantarillas – Torre de Los Herberos.", Blog druta.com 

http://blogdruta.com/2010/08/08/via-augusta-puente-de-las-alcantarillas-torre-de-los-herberos/

—  PEYRON (Jean-Franc̜ois), 1782,  Nouveau voyage en Espagne, fait en 1777 & 1778, Londres, Paris.

 https://books.google.fr/books?id=YCBnD7uKRhcC&pg=PA269&dq=Alcantarilla+s%C3%A9ville&hl=fr&sa=X&ei=nZklVZnRNMveUbjBgfgI&ved=0CCoQ6AEwAA#v=onepage&q=Alcantarilla%20s%C3%A9ville&f=false

 PINET (Antoine Du Pinet de Noroy), 1564, Plantz, pourtraitz et descriptions de plusieurs villes et forteresses,. https://books.google.fr/books?id=znYJ3pjvTIEC&pg=PR17&dq=chorographie+antoine+pinet&hl=fr&sa=X&ei=Ni0qVc7LGoGN7Qbw84GgBQ&ved=0CEYQ6AEwBg#v=onepage&q=chorographie%20antoine%20pinet&f=false

 

 

 QUAD ( Matthias),  1604, Deliciae Hispaniae et index viatorius indicans itinera ab urbe Toleto page 51  

https://books.google.fr/books?id=YB5YAAAAcAAJ&pg=PA50&lpg=PA50&dq=borateias&source=bl&ots=sHGuEPw4y2&sig=jRofZyqzfLLVJ_rSArKu7vbqT8c&hl=fr&sa=X&ei=5d4mVduXHpHaaLePgagM&ved=0CCMQ6AEwAA#v=onepage&q=borateias&f=false

 SILLIÉRES (Pierre) 1976,  "La Via Augusta de Cordoue à Cadix (Documents du XVIII s. et photographies aériennes pour une étude de topographie historique)" , Mélanges de la Casa de Velázquez Volume   12  pp. 27-67

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230x_1976_num_12_1_2218

— SILLIÉRES (Pierre), 1977, Prospection le long de la voie Augustia.

file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Dialnet-ProspectionsLeLongDeLaViaAugusta-653552.pdf

— TASCHEREAU ( Jules Antoine), 1838,  Revue retrospective, ou bibliotheque historique contenant des memoires et ...page 68 

https://books.google.fr/books?id=TwdYAAAAcAAJ&pg=PA68&lpg=PA68&dq=colonne+de+jaspe+vert+s%C3%A9ville&source=bl&ots=C_m9w_c6z1&sig=uCNJ8DPz-PW5HDnTG2WTRfAzZBc&hl=fr&sa=X&ei=ZAkoVbiGNczgarCGgfAD&ved=0CCMQ6AEwAA#v=onepage&q=colonne%20de%20jaspe%20vert%20s%C3%A9ville&f=false

— R. Thouvenot, 1940, Essai sur la province romaine de Bétique, Paris, 1940 (non consulté)

http://blogdruta.com/2010/08/08/via-augusta-puente-de-las-alcantarillas-torre-de-los-herberos/

 

— — Source des images :

Civitates : http://historic-cities.huji.ac.il/mapmakers/braun_hogenberg.html

Dessin préparatoire : Albertina, Vienna : https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+sevilla&start=1

Planche du Civitates III pars 5 (1582) :

--  Institut Cartogràfic de Catalunya : http://cartotecadigital.icc.cat/cdm/ref/collection/vistes/id/572

-- University of South Carolina. Irvin Department of Rare Books and Special Collection : http://digital.tcl.sc.edu/cdm/ref/collection/braunhogen/id/109

-- sanderusmaps : http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=9166

-- Internet Culturale: http://iccu01e.caspur.it/ms/internetCulturale.php?id=mag_GEO0000246&teca=GeoWeb+-+Marciana

-- Biblioteca Riccardiana Firenze  :http://www.istitutodatini.it/biblio/images/it/riccard/10939/dida/41-10a.htm

-- Version française : National Library of Spain : Biblioteca Digital Hispanica :

Theatre des Principales Villes de Tout l'Univers Cinquieme Volume : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1

La planche 10 : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1

-- La Bnf possède la version française à la bibliothèque de l'Arsenal : magasin
FOL- H- 165 

 


 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
6 avril 2015 1 06 /04 /avril /2015 16:59

La Vue de Séville du volume V du Civitates orbis terrarum (1598) : généralités.

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Introduction.

La Vue de Séville de Joris Hoefnagel, planche 7 du cinquième volume (1598) du Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun, retient surtout l'attention par la peine de justice affligée à un mari trop complaisant envers les infidélités de son épouse. Mais elle peut être considérée plus largement, comme le "contexte" ou le décor de cette scène du Cornudo patiente.

On pourra se reporter pour cette étude de l'image au site

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1

pour la gravure monochrome, et au site

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1599bd5/0044?sid=999579e6819b6d3dcdf252e7cc3f7210

pour la gravure colorée.

J'indique d'emblée la conclusion de cet article, qui lui sert de fil rouge : Hoefnagel ne s'est-il pas placé à l'endroit le plus sordide de Séville et n'-t-il pas dépeint sa face cachée et vulgaire pour faire comprendre à ses amis ce qu'il ressentait face à cette scène d'humiliation d'un mari cocu, équivalent civil des jugements de l'Inquisition sur le plan religieux? Ou pour exprimer le sentiment d'oppression des néerlandais face au pouvoir espagnol ?

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DESCRIPTION.

Cette vue comporte la vue paysagère proprement dite, vue piétonnière (à hauteur d'homme) et un appareil descriptif .

L'appareil descriptif ou "paracarte".

Il correspondrait, en critique littéraire, au paratexte.   On peut y trouver la dédicace, la signature, la date, le titre, la légende, l'orientation (rose des vents), l'échelle (pour une carte géographique mais non pour une chorographie), une légende, divers éléments décoratifs et un corpus d'inscriptions. Ici, nous avons :

1. quatre indications cardinales placées aux quatre coins, et permettant l'orientation : l'ouest (occidens) est en haut à gauche, le sud (meridiens) en bas à droite : l'observateur, placé globalement à l'est de Séville, fait face à l'ouest, mais selon ses indications, sa visée suit un axe nord-ouest. Si on s'amuse, selon les techniques de navigation marine, à placer sur une carte l'amer de la Giralda entre San Juan de Aznafarache (lettre F de la vue) et Castilleja de la Cuesta (Lettre LL), dans un rapport 2/3-1/3 comme l'artiste l'indique, l'axe de visée correspond  à un cap ouest--sud-ouest de 250 °...environ, comme s'il était assis un peu au nord... de la station de métro de San Bernardo..

2. Une dédicace à Nicolas de Malepart,dans sa partie inférieure,  faisant office de signature et de datation. J'y consacre un article à part :

http://www.lavieb-aile.com/2015/03/nicolas-de-malepert-ami-de-joris-hoefnagel-a-seville-elements-biographiques-les-vues-de-seville-par-hoefnagel-volume-v-du-civitates

3. Un cadre formé par trois lignes rapprochées, incluant un cadre inférieur pour la dédicace, et supportant un cartouche supérieur où est inscrit le titre : SEVILLA. Le blason de Séville est suspendu à ce cartouche.

4. Deux arbres latéraux (appartenant au paysage), dont deux branches longent le bord supérieur du cadre et reçoivent chacun un cartouche qui y est suspendu par son anneau. Ces cartouches portent les légendes de l'illustration. A l'extrémité de chaque branche est nouée une banderole, qui va rejoindre le cartouche centrale et s'y suspendre par un de ses trous. Elles portent l'inscription Qui non ha visto , à gauche, et non a visto maravilla, à droite.

On voit là combien Hoefnagel ne respecte pas la convention de vraisemblance entre dessinateur et spectateur, mais qu'il mélange les éléments extérieurs au paysage (cadre, cartouches, légendes, inscriptions) aux éléments naturels, dans ce qui relève à la fois de l'art de l'illusion et du trompe-l'œil, et à la fois des réflexions baroques sur les frontières floues entre réalité et fiction, réalité et rêve, ou, sur une scène théâtrale, entre la pièce qui est jouée, les didascalies, et la présence de la salle.

La devise Qui non ha visto Sevilla non a visto maravilla ("qui n'a pas vu Séville n'a pas vu de merveille") est ainsi coupée entre ce qui est censé être suspendu sur la banderole entre les arbres, dans le paysage, et le cartouche qui est extérieur au paysage.

Cela relève, dès la fin du XVIe siècle, de ce que Laurence Sterne mettra plus tard en œuvre dans Tristram Shandy, brisant les codes narratifs et rompant l'illusion référentielle, ou de ce que Cervantes introduit dans la seconde partie du Don Quichotte en effaçant les frontières du songe (sueño), de l'artifice du conteur et de la fiction, ou encore de ces  limites troublées invention, rêve, croyance et réel dont s'amusera  Pedro Calderón dans La vida es sueño (1635). Hoefnagel se moque-t-il de nous ? Non, mais il joue plutôt en virtuose des ambiguïtés de son art, et de ses capacités.

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La vue paysagère : je la diviserai en quatre registres de l'arrière plan vers le premier plan :

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1. Un arrière-plan montagneux qui fait se succéder les courbes douces de collines aux pentes marquées de bosquets, de champs et de rares habitations. Séville est dessinée depuis un point-de-vue situé en hauteur à l'est de la ville. L'observateur voit donc le Rio Guadalquivir à sa gauche (Lettre E: "rio guadalquevir") qui coule sous les hauteurs de San Juan de Aznalfarache (lettre F : "St Juan del Foratce"), puis les reliefs des localités actuelles de Tomares, Camas, et de Castilleja de la Cuesta (Lettre LL). Le fleuve qui s'écoule du nord au sud, donc de la droite vers la gauche de l'image, dessinait juste après San Juan de Aznalfarache un méandre très marqué qui compliquait la navigation, après avoir reçu les eaux du Tagarete (Lettre CC : Rio Tagarette) au niveau de la Torre del Oro, puis celle du Tamarguillo (hors image).

http://personal.us.es/alporu/fabricatabaco/tagarete_fabrica.htm

 

Sur cette carte de Séville au XVIIe s; , emprunté au site ...

 http://personal.us.es/alporu/fabricatabaco/tagarete_fabrica.htm

...la position de Hoefnagel correspond au nord du faubourg San Bernardo "arrabales San Bernardo". On y repère aussi le Quemadero Inquisicion, ainsi que l'Alcantarilla San Bernardo, qui figure sur l'illustration de Hoefnagel..

 


 

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2. La ville elle-même, encadrée à gauche de la rive gauche du fleuve, où est établie (lettre A) la sinistre Quemadero de Tablada, lieu d'exécution des décisions de justice de l'Inquisition depuis 1481. A coté, (lettre B : "Nuestra Seignora de abondanza"). Puis serpentent les murailles ouest de Séville, rythmées par leurs tours, et par leurs portes fortifiées : Postigo del Carbon, Puerta de Jerez, Puerta de San Fernando, Puerta Osario, Puerta del Carne, et Puerta de Camora, correspondant à l'aqueduc (Lettre O : "Cannos de Carmona").

Intra-muros, Hoefnagel signale les points remarquables comme la Torre del Oro (lettre G),  l'Alcazar (lettre H : El Alcaçer Casa Real), la cathédrale et la Giralda (Lettre I : La yglesia maior), l'église Santa Cruz (Lettre L : Santa Crouz) qui était une ancienne mosquée et ancienne synagogue, l'église Saint Marcos, du XIVe siècle avec son clocher-minaret mudéjar (Lettre M : St Marcos), et le couvent San Agustin (Lettre N : St Augustin)   Le point extrême de la ville, à droite, est le Couvent de la Sainte-Trinité ou Convento de la Santissima Trinitad ( lettre Q :"Ste Trinitad"), qui deviendra un couvent de Carmes.

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3. En avant des murailles de Séville, la campagne s'étend de San Elmo, à gauche, jusqu'à l'aqueduc des Caños de Camora. Ce second-plan permet de découvrir successivement :

  • Les bâtiments du Quemadero

  • Les bâtiments de "St Elmo" (Lettre C), correspondant assez bien au futur emplacement du palais de San Telmo, bâti en 1682 sur des terrains appartenant au Tribunal de l'Inquisition.

  • le pont traversant le Tagarete : l'Alcantarilla San Bernardo

  • une tour ou une fortification sur la rive de cette rivière.

  • les lavandières battant le linge sur des tréteaux au bord de l'eau,

  • en arrière de celle-ci, des barrières correspondant à la Lettre KK : Quartos

  • une route menant à une porte (Puerta de San Fernando?)

  • Les Abattoirs (Lettre K : El Mattadero).

  • Une route, sur laquelle des taureaux sont confrontés à des dogues et à des lanciers.

  • Un ruisseau contournant une propriété entourée d'un jardin avec des palmiers et des plates-bandes (ou champs) ; deux personnes s'y trouvent.

  • Le Muladar (Lettre R), sur lequel nous allons revenir,

  • Les "Cannos de Carmona" et la Puerta de Camona.

  • La route de Grenade (Lettre P, Camino para Granada), correspondant au tracé de l'actuelle A92 vers Grenade.

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AncreAncre ​4. Le premier plan, où figurent 17 personnages. 12 s'entre eux sont les protagonistes de l'exécution de justice du mari cocu (Lettre S : Execution de justicia de los cornudos patientes), et du chatiment de l'entremetteuse publique (Lettre T : execution d'alcaguettas publicas). Un article sera consacré à cette scène, dont on peut dire qu'un officier de justice, à cheval, suivi de deux assesseurs, surveillent l'exécution d'un jugement condamnant un mari cocu à déambuler en public, affublé de branches en guise de cornes, et fouetté par l'épouse volage, tandis que l'entremetteuse, enduite de miel, subi les assauts des abeilles ; la foule se moquent d'eux et font le geste de la corne.

Les autres personnages sont :

  • Une femme porteuse d'eau,

  • Deux hommes élégants en qui on s'accorde  à reconnaître Hoefnagel et Nicolas de Maleperte,

  • Deux sevillanas à voile et cape noire, portant leur chapelet, l'une tenant une rose.

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Description complémentaire. San Bernardo et le Muladar.

Ancre ​Joris Hoefnagel nous montre Séville sous un angle très inhabituel, un peu comme si un publicitaire donnait une vue d'un grand hôtel en photographiant l'entrée de service, ou une présentation touristique de Paris en montrant La Villette ou la déchetterie, ou d'une autre cité en montrant sa zone industrielle . En effet, la visée choisie nous montre les commodités de la ville, le coté par lequel elle reçoit l'eau (aqueduc) et la viande (abattoir). Les rois faisaient leur entrée par la Porte de Macarena (au nord) sauf Philippe II qui pénétra par la Porte de Goles (au nord-ouest), mais le point-de-vue le plus avantageux de Séville et presque opposé à celui qui est choisi ici, il se situe à l'ouest face à la Torre del Oro et la Torre del Plata , là où toutes les richesses du Nouveau Monde débarquaient pour enrichir l'Espagne.

Le site http://personal.us.es/alporu/fabricatabaco/tagarete_fabrica.htm signale le coté insalubre du Tagarete 

 

Este riachuelo, del que ya Spannochi decía que "tiene tan poca agua que se queda casi seco, dexando a trechos unos charcos de agua podrida y hedionda, causa de corrupción de aire y mala salud para las casas que le están vecinas..."

"Ce cours d'eau, dont  Spannochi dit  quil " a si peu d'eau qui reste presque à sec, se réduisant par périodes à quelques flaques d'eau croupie et nauséabl=onde, cause de corruption de l'air et d'insalubrité pour les maisons du voisinage" ".

L'auteur de ce site ajoute : 

La insalubridad del arroyo se debía a que, desde hacía siglos, transportaba los residuos industriales que vertían el Matadero, las curtidurías y lavaderos de lana de los barrios de La Calzada y San Bernardo, varias tahonas y la misma fundición de Artillería. Para colmo, los numerosos mosquitos que crecían durante los meses calurosos extendían, en ocasiones, el paludismo. 

"L'insalubrité du cours d'eau était liée au fait que, pendant des siècles, il transportait des déchets industriels que déversait le Matadero,les tanneries et les quartiers de lavage de laine de La Calzada et San Bernardo,  de diverses minoteries et   la [même distribution de l'Artillerie]. Pour aggraver les choses, beaucoup de moustiques  y prospéraient  pendant les mois chauds et propageaient  parfois le paludisme."

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Une ville close par ses murailles n'était pas construite au hasard, mais, dès le Moyen-Âge ou surtout au Moyen-Âge,  selon des règles d'hygiène destinées à tenter d'éviter les épidémies : les vents dominants devaient emporter les miasmes, et l'eau devait être polluée par les industries en aval de la ville. La place des cimetières et des hôpitaux tenaient compte de ces impératifs. les flux de l'air et flux des eaux  faisaient l'objet de réflexions dans le choix des implantations des structures urbaines. Parmi les activités les plus polluantes pour l'eau, les auteurs citent la tannerie et la mégisserie ; la boucherie et la poissonnerie ; la blanchisserie ; sans compter les hôpitaux et les cimetières. Les bouchers intra-muros lorsqu'ils tuaient les bêtes, le faisaient en pleine rue, et le sang ou les déchets stagnaient.

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San Bernardo.

L'est de Séville est le coté où l'Abattoir a été implanté extra-muros. Juste à gauche, nous voyons les blanchisseuses lavant le linge (et polluant ainsi le Tagarete). Mais nous  avons vu aussi  que le faubourg San Bernado  était le siège des tanneries et du lavage de la laine.

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Le Muladar.

Il suffit d'examiner la partie de l'illustration correspondant à la lettre R, Muladar, pour y dénombrer cinq cadavres d'animaux et divers ossements, tandis qu'un homme déverse un panier d'immondices, et qu'un autre y mène son âne chargé, sans-doute, d'ordures. Le mot Muladar est défini ainsi  en 1737:  El lugar o sitio donde se echa el estiercol o basura que sale de las casas. Algunos le llaman Muradal, y aunque es más conforme a su origen, por estar regularmente fuera de los muros, ya más comúnmente se dice Muladar. (Dicc. RAE Autoridades 1734) : "L'endroit où sont jetés le fumier ou des déchets venant les maisons . Certains l'appellent Muradal,  plus conforme à son origine, étant régulièrement situé en dehors des murs, mais le plus souvent Muladar ".

 Le site suivant  http://personal.us.es/alporu/histsevilla/limpieza.htm#notas est consacré au thème de la saleté de Séville au XVIe siècle (La Limpieza de Sevilla en el siglo XVI ). Il signale que la saleté de Séville intra-muros était légendaire : les activités urbaines et artisanales généraient divers déchets. Les rejets des tanneurs, des teinturiers mais aussi des bouchers, des poissonniers... stagnaient dans les rues en attendant que la pluie les emporte. Les rues de la ville médiévale étaient étroites et ne recevaient pas le soleil. Certes, à la Renaissance, sont venues  d'italie des conceptions de rues larges et droites et de perspectives aérées. Le XVIe siècle ea été le siècle d'or pour les monuments de  Séville; et les bâtiments les plus importants du centre historique datent de cette période: la cathédrale (achevé en 1506), la Lonja / Archivo de Indias (1584-1598), la Giralda (clocher et Giraldillo: 1560-1568), Hôtel de ville (1527-1564), Hôpital des Cinq Plaies (1544-1601), l'église de l'Annonciation (1565-1578), l'Audiencia, (1595-1597), la Maison de la Monnaie (1585-1587) ... Les normes esthétiques d'une nouvelle architecture urbaine permirent des ouvertures plus larges dotées de balcon contribuant à lutter contre l'humidité et à introduire le soleil dans les artères urbaines. Mais les rues étroites de Séville étaient encore pleines de piétons, de chevaux, parmi les ordures, les débris, d'excréments, etc. Il était difficile de marcher dans les rues et des commerces, bordée d'échoppes, d'auvents et des sièges portatifs.

La propreté de la ville laissait beaucoup à désirer, tant par l'absence d'un service public de nettoyage que par le comportement des habitants.  Les gens avaient l'habitude de jeter des ordures dans la rue aussi bien que les tas de fumier et les cadavres d'animaux, laissant les restes de matériaux de construction, faisant des trous sans les combler, déversant des eaux usées, etc, et les marchands laissaient les aliments invendus, notamment le poisson, sur place. Les immondices qui ne pouvaient être laissées dans les rues étaient jetées de l'autre coté des murailles, sur des emplacements délimités par des poteaux, ce qui n'empêchait pas les décharges sauvages. et le volume en était si considérable, formant de véritables buttes. Le jardin de Fernando Colon, ainsi que sa maison, ont été construit sur une ancienne décharge près de la Puerta Goles, mais l'instabilité du terrain ont conduit à l'éffondrement du terrain.

A Séville,  les flaques en hiver laissaient place, en été, à la poussière et à la puanteur. Les habitants combattaient celle-ci, dans les maisons, avec une végétation luxuriante. Peraza, le célèbre chroniqueur du temps, a pu compter jusqu'à 210 vergers et jardins, dont ceux des palais et les couvents, occupant de grandes parcelles de la zone urbaine.Le village a un total de 12 000 maisons en briques, équipées de patios, des portails et des puits; dans les chantiers ne manquent pas de pots de fleurs odoriférantes ou dans les pergolas de jasmin, rose, citron, orange, plantes de myrte et d'autres et jardins fleuris. L'eau qui parvenait des Caños de Carmona et d' un certain nombre de sources à proximité alimentait de nombreuses fontaines.

DISCUSSION.

Le point de vue que Hoefnagel a choisi pour dépeindre Séville dans l'un des derniers volumes du Civitates, 26 ans après la première Vue du Volume I (1572) se révèle très étonnant, puis qu'il correspond au cours du Tagarete, ruisseau marécageux et malsain qui recevait les émanations d'un dépotoir public (Muladar), d'un abattoir (Matadero), de tanneries et de blanchisseries : le pire endroit, ou, du moins, peut-être le plus pittoresque pour l'amateur de senteurs locales, mais le plus déplaisant. Ce choix est singulier, puisqu'il n'a été précédé ou suivi par aucun des autres peintres de Séville*, et que, plus tard, c'est la vue urbaine surplombant le pont de Triana face à la Torre del Oro (donnée par Hoefnagel dans le volume III du Civitates) qui a été copiée et mise à jour par ses successeurs.

* parmi ces peintres :

a) Pedro de Medina, 1549 qui montre l'embouchure du Tagarete dans le Guadalquivir près de la Torre del Oro et de la Puerta de Jerez, deux ponts sur le Tagarete, et la machine à mâter (el Ingenio) :

http://www.lahojadelmonte.es/vistas/mesa_sevilla.GIF

b) Ambrosio Brambilla 1585 Biblioteca Nacional de España :

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sevilla_Ambrosio_Brambilla.jpg

c) Anonyme, longtemps attribué à Alonso Sánchez Coello : vue de la fin du XVIe siècle http://es.wikipedia.org/wiki/Flota_de_Indias#/media/File:La_sevilla_del_sigloXVI.jpg

d) Antoine van der Wyngaerde , 1567 : vue de Séville, National Bibliotheck de Viena: le point de vue est original, puisqu'il représente le quartier de Triana et le pont sur barques de Triana, depuis Séville.

 

 

 Le site suivant  http://personal.us.es/alporu/histsevilla/limpieza.htm#notas est consacré au thème de la saleté de Séville au XVIe siècle (La Limpieza de Sevilla en el siglo XVI ). Il donne des indications sur le Muladar.  

Antoine van der Wyngaerde, 1567, Vue de Triana depuis Séville, National Bibliotheck, Vienne., in Alcazar & Moreno, http://www.uclm.es/ab/humanidades/pdfs/1314/curso_carto/Las%20vistas%20de%20Wyngaerde%20versi%C3%B3n%20para%20pdf.pdf

Antoine van der Wyngaerde, 1567, Vue de Triana depuis Séville, National Bibliotheck, Vienne., in Alcazar & Moreno, http://www.uclm.es/ab/humanidades/pdfs/1314/curso_carto/Las%20vistas%20de%20Wyngaerde%20versi%C3%B3n%20para%20pdf.pdf

 e) Séville en 1740 : http://sites.cardenalcisneros.es/ciudadarte/2012/05/

 

 

 

Mon hypothèse est que ce choix témoigne d'une volonté d'exprimer tacitement un jugement moral sur la scène principale, celle du Cornuda Patientes, et éventuellement sur la scène de tauromachie. En outre, elle peut témoigner aussi d'un revirement des sentiments de Hoefnagel, en particulier, ou des Flamands, en général, à l'égard de la ville espagnole et à l'égard de Philippe II. Il est quasiment certain que le choix de cet angle de vue aussi peu aimable, et de cet ensemble de sujets, ne relève pas du goût pour les éléments ethnographiques pittoresques (goût néanmoins prononcé chez Hoefnagel) et qu'il témoigne d'une prise de position intellectuelle.

Si c'est le cas, la devise Qui non ha vista Sevilla : non ha vista maravilla pavoisée en couronnement de la gravure devient extrêmement ironique, la "merveille" consistant, sur le plan humain, en des mœurs judiciaires inhumains (cornuda patientes), en un rappel de la cruauté de l'Inquisition (lettre A : Quemadero) et accessoirement en l'exercice de la cruauté à l'égard des animaux (Matadero), et, sur le plan urbain, en une vue des bas-fonds où pourrissent des cadavres (Muladar).

Michel Boeglin et Vincent Parello semble partager mon avis dans leur article du Lexique de l'Espagne Moderne consacré à cette gravure : http://meticebeta.univ-montp3.fr/lexique/index.php?option=com_content&task=view&id=643

Mais — et c'est un trait constant d'Hoefnagel— cette ironie et cette dénonciation inscrite dans l'image n'est pas confirmée par des éléments de certitude : seule une lecture attentive les décèle, mais l'artiste s'abrite derrière le statut de "témoin visuel neutre et objectif". Cette ambiguïté solidement construite ne peut être levée, d'autant que le texte de présentation rédigé par Georg Braun est un éloge lisse et poli de la ville, patch-work de textes d'historiens espagnols, et semblable aux descriptions en forme de dithyrambe des autres villes. En voici un extrait :

 

"Nous ne voulons ici faire mention du havre de cette ville qui est grand et large et capable pour recevoir plusieurs vaisseaux, ni de la beauté de la rivière de Baetis, ni de l'étendue et longueur de ses aqueducs, ni quelles richesses et trésors perçoivent les habitants pour les navigations qui se font tous les ans aux Indes qu'on appelle le Nouveau Monde ni avec quelle somptuosité et dépense royale l'on y prépare et accommode les vaisseaux du Roi, ni quelles et combien de marchandises et d'autres riches et précieuses choses l'on amène tous les ans en cette ville qui viennent de pays étrangers des Indes, du Brésil, d'Ethiopie, d'Arabie et d'Afrique. Nous ne voulons disie [ici] faire aucune mention de tout cela, seulement nous sortirons un peu hors de la ville de Séville pour contempler les champs d'alentour ; auxquels on trouve tant de marques et de monuments antiques que l'on tire de dehors des entrailles de la terre, que c'est une merveille à raconter, le portrait desquelles nous t'avons ici représenté en une planche à part. Le terroir des faubourgs est fertile, où il y a des métairies, des jardins plaisants et de grand profit, des vergers plantés d'oliviers si épais et touffus que le soleil en plus ardente chaleur ne les saurait transpercer ; qui fait que l'on s'y va souvent promener à l'ombrage et s'y prendre toute sorte d'ébats et de récréation. En une place toute proche de la ville se voit une grande maison appelée El Mattadero, ou par bonne police l'on tue les bœufs, les moutons et autres bêtes, la chair desquels on rend aux habitants de Séville et à ceux alentour. Au devant de cette maison il y a du plaisir de voir s'entrebattre les taureaux qui sont forts et robustes qu'on engraisse là, contre lesquels on agace de gros chiens qui devant que les assommer les mettent tellement en furie (étant sans cela déjà assez furieux et farouches) jetant du feur par leurs narines, et frappant la terre du pied, faisant sauter de sablon en l'air, se ruent d'une grande impétuosité sur ces chiens, leur présentant toujours leur front, et les offensant de leurs cornes avec si grande rudeur qu'ils les jettent en l'air bien haut, et les reçoivent avec leur cornes quand ils retombent en bas.

Finalement on peut dire tant de choses de cette belle ville, que cela a donné l'occasion au vieux proverbe commun qui dit : « Qui non ha vista Sevilla : non ha vista maravilla. Il est écrit dans un livre intitulé le Renfort de la Foi, que Ferdinand II, huitième roi de Castille considérant que la ville de Séville était l(une des principales villes de tout le monde, pour autant que c'était le magasin de la terre et de la mer, et que pour ce il souhaitait grandement qu'elle fut remise sous l'obéissance des chrétiens. Ayant donc appelé à soi Raymond Boniface qui pour lors était amiral Lui fit commandement d'accommoder des vaisseaux pour aller par mer contre ceux de Séville, lui les assaillit par terre avec une grande armée, et ainsi la ville fut faite en état de siège par mer et par terre dix sept mois durant et finalement les Sarrazins qui étaient dedans ayant été défaits fut prise l'an 1.90 le jour de S . Clément et plusieurs villes d'Espagne alentour. Le curieux lecteur trouvera une plus ample description de cette ville de Séville en l'indice de ce livre.."

 

 

SOURCES ET BOITE A LIENS.

 http://personal.us.es/alporu/histsevilla/sevillasiglo16.htm

Muladar Sevilla : http://personal.us.es/alporu/histsevilla/limpieza.htm

 http://www.sevilladesaparecida.com/2012/12/la-huerta-de-hernando-colon-y-el-zapote.html

IMAGES :

Civitates orbis terrarum :

http://fondosdigitales.us.es/fondos/libros/3415/11/civitates-orbis-terrarum-liber-primus/

Carte de Séville :

http://www.oshermaps.org/search/zoom.php?no=32.0001#img0

http://meticebeta.univ-montp3.fr/lexique/images/stories/demoimage/zoom/hoefnagel_sevilla_color_recadre.jpg

Patientia :

http://www.spamula.net/blog/i32/hoefnagel12.jpg

Ortelius, Le Théatre de l'Univers, 1587 http://www.wdl.org/en/item/8978/view/1/1/

— Civitates Orbis Terrarum (1572-1617): 

— Les six volumes (images) numérisées :

http://www.istitutodatini.it/biblio/images/it/riccard/10939/htm/elenco.htm

— Civitates orbis terrarrum, G. Braun Cologne 1572-1617 : une centaine de vues de villes sont dues à Hoefnagel. 

http://historic-cities.huji.ac.il/mapmakers/braun_hogenberg.html

——  Civitates orbis terrarum :

– Volume I (1572) : Civitates Orbis Terrarvm Köln, 1593

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1593bd1?sid=76019c283bf2f282186232215e3ae3de

ou bien vol. i : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000001344

– Volume II (1575?) : Civitates orbis terrarvm (2): De Praecipvis, Totivs Vniversi Vrbibvs Liber … Köln, [1575?]

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1593bd2?sid=76019c283bf2f282186232215e3ae3de

— Volume III (1593) : Biblioteca Hispanica digitalica :http://bdh.bne.es/bnesearch/CompleteSearch.do?lengua=&text=&field2Op=AND&field1val=braun&showYearItems=&numfields=3&fechaHdesde=&field3Op=AND&completeText=off&fechaHhasta=&field3val=&field3=todos&fechaHsearchtype=0&field2=todos&field1Op=AND&fechaHen=&exact=on&advanced=true&textH=&field1=todos&field2val=1593&pageSize=1&pageSizeAbrv=10&pageNumber=2

— Volume III : version allemande vol. 3 1582 Heidelberg http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1582bd3/0002?sid=f345481cb53e9f4c9764c42ec96646b3

Volume V : Civitates orbis terrarvm (5): Vrbivm Praecipvarvm Mundi Theatrvm Qvintvm: [Coloni[a]e Agrippin[a]e. 20. die Septemb. Anno M.DC.XVII.][Coloniae Agrippinae], [1599?]

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1599bd5?sid=76019c283bf2f282186232215e3ae3de

– Volume VI : Civitates orbis terrarvm (6): Theatri Praecipvarvm Totivs Mvndi Vrbivm Liber Sextvs: [Coloni[a]e Agrippin[a]e. 20. die Septemb. Anno M.DC.XVII.] [Coloniae Agrippinae], 1618

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/braun1618bd6?sid=76019c283bf2f282186232215e3ae3de

 

 

-- Biblioteca Riccardiana Firenze  :http://www.istitutodatini.it/biblio/images/it/riccard/10939/dida/41-10a.htm

-- Edition française du Civitates Orbis Terrarum  : National Library of Spain Biblioteca Digital Hispanica

http://catalogo.bne.es/uhtbin/cgisirsi/0/x/0/05?searchdata1=binp0000281545{001}

t. 1. Théâtre des cités du monde. Premier volume 

http://catalogo.bne.es/uhtbin/cgisirsi/6tRit3lVyR/BNMADRID/132080028/18/X001/XTITLE/a4303555

-- t. 2. Théâtre des principales villes de tout l'univers. Second volume --

t. 3.Théâtre des cités du monde  Livre troisième des principales villes du monde 1581

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1

-- t. 4.Théâtre des cités du monde Livre quatrième des principales villes du monde. 1583

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1

-- Theatre des Principales Villes de tout L'Univers Material cartográfico : Cinquième Volume :

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1

 --Theatre des Principales Villes de tout L'Univers Material cartográfico : Sixieme Volume http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069188&page=1

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
4 avril 2015 6 04 /04 /avril /2015 20:06

La Vue de Séville de 1598 dans le volume V du Civitates orbis terrarum.

La Vue de Séville que Georg Braun publia dans le volume V du Civitates orbis terrarum (Cologne, 1598) est bien connue en raison de la scène que son auteur, le chorographe et miniaturiste flamand Joris Hoefnagel, avait placé au premier plan, et qui représentait la punition infligé à un mari cocu, coupable de ne pas surveiller la conduite de son épouse. C'est la scène fameuse de L'Execution de Justicia de los cornudos Pacientes.

Mais à l'arrière de cette scène, un petit détail procure aux historiens la première représentation des Abattoirs (Matadero) de Séville en 1563 et le premier témoignage sur les luttes organisées entre taureaux, dogues et porteurs de lances, soit la donnée la plus précoce sur l'histoire de la tauromachie.

Cet article s'appuie sur la carte proposée en ligne ici :

http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_V_7_b.jpg

Les détails donnés en illustration proviennent de cette image.

La vue de Séville de ce volume publié en 1598 porte une dédicace qui porte la date de 1593, mais on sait qu'elle a été dessinée en 1563. Le dessin sur lequel est basé la gravure est conservé à Vienne et disponible en ligne, ce qui permet de s'assurer que les détails décrits ici y sont déjà présents, et que leur interprétation doit tenir compte de cette datation de 1563.

uromachieVVVVVVVV

http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_V_7_b.jpg

 

La vue correspond à celle que pouvait avoir un observateur placé sur les hauteurs  du quartier de San Bernardo, au nord-est de la ville. Il voit au loin la Giralda et la haute et massive cathédrale ; à sa droite l'aqueduc des Cannos de Carmona ainsi que la décharge publique. A peine à sa gauche, un grand bâtiment est vu en enfilade : les abattoirs de Séville ou Matadero. Ce sont eux qui nous intéressent.

En-effet, dans la Vue de Séville du volume IV, qui est une vue d'oiseau,  Hoefnagel avait représenté à mi-pente de la colline de San Bernardo, au nord-est de la ville, un groupe de bâtiments dont la légende indiquait sous le n°10 Mattadero (sic), et j'avais alors donné le commentaire suivant :

Mattadero...(de verbe matar, tuer): il s'agit des abattoirs (Matadero), judicieusement placés en dehors de la ville : une route mène à la Porte de la Viande, Puerta de la Carne, puis à la Carnecerias (Boucherie) (cf. Morgado page 158). En 1757, Antoine Bruzen de la Martinière signale qu'on y égorgeait chaque jour soixante-dix bœufs non sans les avoir fait combattre au préalable contre le Dogues, "afin que leur viande en soit plus tendre". La tauromachie trouve ici ses origines, le puntillero chargé de donner le coup fatal dans une corrida étant initialement un employé du macelo (boucher)   « Les premiers et les plus anciens toreros à pied dont on ait des données documentaires proviennent dans leur immense majorité de l'abattoir sévillan. » 

Ce n'est qu'en examinant la planche du volume V que j'ai constaté que cette scène du combat des taureaux et des dogues décrite en 1757 était déjà illustrée par Hoefnagel et donc déjà observée en 1563. Cela fait de ce document le témoignage historiquement le plus précoce de cette pratique. En 1587, l'historien de Séville Alonso Morgado y consacre une allusion dans sa description des abattoirs, puis Cervantes en témoigne à son tour dans sa nouvelle du Colloque des chiens publiée en 1613. Ce sont ces documents que je vais présenter, dans cet ordre.

.

I.   La première observation de tauromachie par Joris Hoefnagel en 1563.

L'illustration montre un bâtiment vue en biais, tout en longueur, où une porte donne accès à un couloir extérieur et à une douzaine de boxes : il s'agit donc du corral. A son extrémité se voient une tour haute et une tour hexagonale plus basse.

 

 

  Carte V :

 

http://personal.us.es/alporu/histsevilla/sevillasiglo16.htm

Muladar Sevilla : http://personal.us.es/alporu/histsevilla/limpieza.htm

Ancre http://www.sevilladesaparecida.com/2012/12/la-huerta-de-hernando-colon-y-el-zapote.html

 

On sait que « los jiferos » étaient la gent la plus vile de l'abattoir de Séville. 

http://losmitosdeltoro.com/el-perro-en-los-toros/

 

XII Le Colloque des Chiens.

 

El colloquios de los perros : Las Novelas ejemplares écrit entre 1590 et 1612 et publié en 1613 à Madrid par Juan de la Cuesta (Novela y coloquio que paso entre Cipion y Berganza, perros del hospital de la Resurrección que está en la ciudad de Valladolid, fuera de la puerta del Campo, á quien comúnmente llaman los perros de Mahudes.)

 

[Deux chiens de garde à l'hôpital de la Résurrection de Valladolid dialoguent, entendus par l'alférez Gampuzano, pendant deux nuits consécutives : Berganza dans la première, et Scipion dans la seconde. Mais, en dépit de la promesse faite dans la nouvelle du « Mariage qui trompe » nous ne possédons pas la réponse de Scipion.

 

 

 

1. L'abattoir de Séville.

Berganza :

Il me semble que la première fois que j'ai vu le soleil, ce fut à Séville, et à l'abattoir, qui est hors de la porte de la Viande, d'où j'imaginerais, n'était ce que je dirai plus tard, que mes parents durent être des dogues, de ceux qu'élèvent les éxécuteurs de ce lieu de confusion, auxquels on donne le nom de boouchers [Jiseros. Ce n'est pas précisément le mot de bouchers, mais un nom de mépris qu'on applique aux gens de cette profession, et qui n'a point de corrélatif en français.N.d.T.] Le premier que je connus pour maître fut un certain Nicolas le camus, garçon robuste, trapu et colérique, comme le sont tous ceux qui exercent la boucherie. Ce Nicolas m'apprenait, à moi et à d'autres jeunes chiens, à attaquer les taureaux, en compagnie de vieux dogues, et à les saisir par les oreilles. Je devins, avec une facilité singulière, un aigle dans ce métier.

Scipion.

Je ne m'en étonne point, Berganza. Comme faire le mal vient de notre fond naturel, on apprend sans peine à mal faire. [Trad. Louis Viardot 1838]

Berganza.

https://books.google.fr/books?id=JdANAAAAQAAJ&pg=RA1-PA260&lpg=RA1-PA260&dq=cervantes+berganza+nicolas+abattoirs&source=bl&ots=7iFsjxJ9_m&sig=t_thI84IS625871RpRA1AUkN-OI&hl=fr&sa=X&ei=YEQgVdP7CMjtaOr1gKAL&ved=0CCkQ6AEwAQ#v=onepage&q=cervantes%20berganza%20nicolas%20abattoirs&f=false

Que te dirais-je, Scipion mon frère, de ce que j'ai vu dans cet abattoir et des choses exorbitantes qui s'y passent? Sache d'abord que tous ceux qui y travaillent, du plus petit au plus grand, sont gens à conscience large, sans âme, sans crainte du roi ni de sa justice, et vivant pour la plupart en marge du mariage. Ce sont des oiseaux de proie carnassiers, se nourrissant, eux et leurs amies, de ce qu'ils volent. Chaque matin des jours de viande, avant l'aube, se réunissent à l'abattoir une grande quantité de filles et de gars, tous avec des sacs qui, venus vides, repartent pleins de morceaux de viande, et les filles avec les filets et les lombes presque entiers[las criadas

con criadillas]. Il n'est point de bête tuée dont ces gens ne prélèvent la dîme et les prémices dans la partie la plus savoureuse et la mieux parée; et comme à Séville il n'y a point de fournisseur municipal de la viande, chacun peut apporter la bête qu'il veut, et celle que l'on tue d'abord est taxée de la première ou de la dernière qualité. De cette façon, il y a toujours grande abondance de chair. Les maîtres se recommandent à ces bonnes gens dont j'ai parlé, non pour n'en être pas volés (car cela est impossible), mais pour qu'elles se modèrent dans les coupes et subtilisations qu'elles opèrent dans les bêtes mortes, qu'elles émondent et taillent comme si c'étaient des saules ou des treilles. Mais rien ne me surprenait tant et ne me paraissait pire que de voir que ces bouchers vous tuent avec la même facilité un homme qu'une vache; en un clin d'oeil et en un tour de main, ils plongent un coutelas à manche jaune dans la bedaine d'une personne comme s'ils saignaient un taureau. C'est miracle si un jour passe sans rixes ni blessures, et, parfois, sans meurtres. Tous se piquent d'être vaillants et même ont leur grain de rufiénisme, nul ne manque d'avoir son ange gardien sur la place de Saint-François, qu'il achète avec des filets et des langues de bœuf.[C'est-à-dire un protecteur parmi les bas-officiers de justice, escribanos, alguaziles et corchetes, note de L. Viardot] Finalement, j'ai ouï-dire d'un homme avisé que le roi avait trois choses à gagner à Séville : la rue de la Caza, la Costanilla et l'Abattoir. [Trad. Henri Collet] https://archive.org/stream/oeuvreschoisies00cerv#page/100/mode/2up

 

[Il en échappe un jour et devient chien de bergers, non plus de ces pâtres charmants que Cervantes nous fit connaître dans sa Galathée mais de vrais bergers que l'auteur maintenant nous peint de son pinceau réaliste, et qui sont plus voleurs que les loups. Berganza, outré, s'enfuità Séville où il sert un riche marchand, puis un alguizil.]

 

 

3. Il y avait la Caza Grande et la Caza Chica, deux rues grouillantes qui se succédaient entre Confiteri­as et la plaza de San Isidro. — La Costanilla était une petite place montante près de l'église de San Isidro.

 

 

«Paréceme que la primera vez que vi el sol fue en Sevilla y en su Matadero, que está fuera de la Puerta de la Carne; por donde imaginara (si no fuera por lo que después te diré) que mis padres debieron de ser alanos de aquellos que crían los ministros (encargado) de aquella confusión, a quien llaman jiferos (matarife). El primero que conocí por amo fue uno llamado Nicolás el Romo, mozo robusto, doblado (recio, fuerte) y colérico, como lo son todos aquellos que ejercitan la jifería. Este tal Nicolás me enseñaba a mí y a otros cachorros a que, en compañía de alanos viejos, arremetiésemos a los toros y les hiciésemos presa de las orejas. Con mucha facilidad salí un águila en esto“.

Il est vrai que la sensibilisation et la formation de ces chiens, destinés à lutter contre les taureaux, ont eu lieu principalement dans la viande de l'abattoir municipal. À cet égard Alonso Morgado, dans son " Histoire de Séville "(1587), décrit le massacre de Séville:" Lors de cette même partie du sud, en dehors de la ville, la Puerta de la Carne, l'abattoir est aussi grande la chasse avec leurs stylos, et des navires, et toutes les dépendances. Et certains points de vue pour trouver un bon endroit où vous êtes et Spear taureaux de combat et les chiens, généralement l'été ". Alonso Morgado, en su “Historia de Sevilla” (1587), nos describe el matadero hispalense: “Por aquella misma parte del Mediodía, fuera de la ciudad, a la Puerta de la Carne, está el matadero en forma de gran casería con sus corrales, y naves, y todas dependencias. Y unos miradores que descubren una buena plaza donde se corren y alancean y luchan toros con perros, de verano ordinariamente”.

Dans ce enregistré une vue panoramique de Séville extra-muros montré du sud-est, en soulignant dans le centre de l'image de l'abattoir, une arcade nef allongée. À côté du bâtiment attire Hoefnagel une scène dans laquelle plusieurs hommes armés de lances et aidés par des chiens, se préparent à chasser certains taureaux lâches. Attachés à la feuille étaient certains commentaires de l'auteur lui-même: " A côté de ce bâtiment, vient un spectacle hilarant, chasse taureaux, qui sont extrêmement robustes; Ils y sont engraissement et sont remarquables par la force de leurs tête et la poitrine; contre eux des chiens grands et courageux attisent ce, déjà si farouche et terrible, prennent habituellement avant d'être tué, donc se précipiter contre les chiens avec une grande férocité, la respiration du nez le feu, touchant le sol avec sabots et sauter le sable dans l'air, montrent toujours les leurs fronts et blessé ennemis avec ses cornes et de les attaquer si fortement que ses cornes blessantes sont jetés en l'air et de recueillir les conseils des cornes quand tomber ".

Historia de Sevilla: La ciudad del Quinientos

 publié par Francisco Morales Padrón

De los campos tabladeños el ganado pasaba al Matadero, edificio integrado por un caserio con naves, corrales, miradores y una plaza donde se corrian y alanceaban toros en verano. El conocido grabado de Jorge Hoefnagel constituye un plastico testimonio de la grandiosidad de este conjunto, –con oratorio proprio–, donde vivian un alcaide, un casero y un fiel encargados, respectivamente, de mantenerlo limpio e impedir la presencia de gente ajena al negocio, cuidar del corral y registrar el numero de cabezas ingresadas y el nombre de sus duenos. Un caballero veinticuatro, un Jurado y un Fiel ejecutor iban diariamente al matadero a partir de las tres de la tarde con el fin de presenciar la matanza, fijar los precios y controlar la entrada y salida de las recuas.

 

Des champs, le bétail passe à l'abattoir, composé d'une ferme avec des corrals, des chantiers, des miradors et un endroit où les taureaux courent et sont tués dans la courant de l'été. La célèbre gravure de Joris Hoefnagel est un témoignage iconographique de la grandeur de cet ensemble — avec un oratoire — , où vivent un alcade (gouverneur), une maison et un fidèle chargés,, respectivement, pour le garder propre et d'interdire la présence de personnes en dehors de l'entreprise, d'entretenir les corrals, et d'enregistrer le nombre de tête de bétail entrées et le nom de leur propriétaire Un homme de vingt ans, un juré, et un exécuteur sont présents chaque jour à partir de trois heures du soir pour abbattre les bêtes, fixer les prix et contrôler l'entrée et la sortie des troupeaux.

 

Vue de Séville, Joris Hoefnagel, Civitates orbis terrarum V,7 1598, détail: les Abattoirs (Matadero).

Vue de Séville, Joris Hoefnagel, Civitates orbis terrarum V,7 1598, détail: les Abattoirs (Matadero).

Sur la route qui mène vers Séville, deux taureaux se défendent contre les attaques de trois gros chiens, stimulés ou aidés par quatre hommes armés de piques (les varilarguero (« porteur de longue lance »), ancêtres des picaros qui sont à cheval.). Un autre homme les rejoint avec deux chiens qu'il lance à leur tour dans la bagarre. 

La planche du Civitates est accompagnée d'un texte descriptif écrit par G. Braun, mais sans-doute inspiré en réalité par Hoefnagel : le voici dans l'édition en français parue en 1610

"Le terroir des faubourgs est fertile, où il y a des métairies, des jardins, plaisants & de grand profit, des vergers emplantés d'oliviers si épais et touffus que le soleil en sa plus ardente chaleur ne les sauroit transpercer, qui faict que l'on sy va souvent promener à l'ombrage & s'y prendre toute sorte d'esbat & récréation."

 "En une place toute proche de la ville se void une grande maison appellée Al Mattadero, où par bonne police l'on tue les bœufs, les moutons & autres bestes, la chair desquels on rend aux habitans de Séville et ceux d'alentour. Au devant de ceste maison, il y a du plaisir à voir s'entrebattre les Taureaux qui sont fort robustes qu'on engraisse la, contre lesquels on agacent (sic) de gros chiens, qui devant que les assomer les mettent tellement en furie (estant sans cela assez furieux & farrouches) iettants du feu par leurs narines, & frappants la terre du pied, faisants saulter de sablon en l'air, se ruent d'une grande impetuosité sur ces chiens, leur presentant toujours leur front, & les offençant de leurs cornes avec si grande rudeur qu'ils les jettent en l'air bien haut, & les recoivent avec leur cornes quand ils retombent en bas. ". 

 

 

Vue de Séville, Joris Hoefnagel, Civitates orbis terrarum V,7 1598, détail: tauromachie. http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_V_7_b.jpg

Vue de Séville, Joris Hoefnagel, Civitates orbis terrarum V,7 1598, détail: tauromachie. http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_V_7_b.jpg

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II. Description des abattoirs par  Alonso Morgado.

Alonso Morgado,  “Historia de Sevilla” (1587) :

--" p.135 : Al Matadero, y Arrabal Collacion de San Bernardo" : "L'Abattoir, et le quartier  paroissial de San Bernardo".

--Chapitre 12 page 158-165

page 159 :  “Por aquella misma parte del Mediodía, fuera de la ciudad, a la Puerta de la Carne, está el matadero en forma de gran casería con sus corrales, y naves, y todas dependencias. Y unos miradores que descubren una buena plaza donde se corren y alancean y luchan toros con perros, de verano ordinariamente.. Bive dentro un Alcayde con cargo...y tenerlos siempre limpio, y al tanto sus corredores, donde ay una Altar, y Oratorio con una devota Imagen de nuestra Señora...// Ay en los Corredores unos asientos para los juezes del jusgado, que hazen presencia, a ver repértir el ganado, que esta ya junto, y que se ha de matar para el dia siguiente, en un corral sobre que caen los tales corredores »"

Traduction à améliorer : "Lors de cette même partie du sud*, en dehors de la ville, et de la Porte de la Viande, l'abattoir est une grande métairie  avec son corral, et des [nefs] ..., et toutes les dépendances. Et des points de vue [tribunes ? ]  pour disposer d'un bon endroit pour assister à  la course des taureaux  affrontant les lances et  les chiens, généralement en été ".

*Sur la carte, les abattoirs, et la Puerta de la Carne, me semblent être situés au nord-est, et non au sud.

 

 

 

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III. La description de Cervantes dans Le Colloque des Chiens (1613).

—  Je débuterai par deux emprunts à Wikipédia :

"Nommé commissaire aux vivres par le roi Philippe II lors de la préparation de l'attaque espagnole de l'Invincible Armada contre l'Angleterre, Cervantès séjourna à Séville entre 1585 et 1589. Mais, en 1589, il fut accusé d'exactions, arrêté et excommunié. L'affaire le mettait aux prises avec le doyen et le chapitre de Séville. Au cours de ses réquisitions à Écija, Cervantès aurait détourné des biens de l'Église. Un peu plus tard, en 1592, le commissaire aux vivres fut arrêté de nouveau à Castro del Río, dans la province de Cordoue pour vente illicite de blé. Il fut de nouveau emprisonné pour une courte période et accepta un emploi à Madrid : il fut affecté au recensement des impôts dans la région de Grenade. C'est vers cette époque qu'il commença à rédiger Don Quichotte. Il eut l'idée du personnage probablement dans la prison de Séville, peut-être dans celle de Castro del Río. Cervantès se retrouva de nouveau en prison à Séville de septembre à décembre 1597 où il retourna encore en 1602 et 1603. En 1601, le roi Philippe III s'établit avec sa cour à Valladolid qui devint pour un temps la capitale de l'Espagne. Cervantès s'y installa en 1604 dans une maison près de l'hôpital de la Résurrection qui lui inspira le décor du Colloque des chiens, et de Scipion et Berganza."

On comprend que les fonctions de Commissaire des vivres ont amené Cervantes à fréquenter l'Abattoir de Séville.

"Le Colloque des chiens (El coloquio de los perros) est une des 12 nouvelles des Nouvelles exemplaires de Miguel de Cervantes. L'examen de cette pièce comme récit autonome au sein des Nouvelles Exemplaires est problématique car le colloque est en fait la suite d'une histoire intitulée El casamiento engañoso (Le Mariage trompeur) qui représente un prétendant dépouillé de ses biens par sa jeune épouse. Cette affaire mène le prétendant à l'hôpital où, vraisemblablement dans un délire, il voit et entend deux chiens qui commencent à parler sur le coup de minuit. C'est l'occasion pour Cervantès de faire avec humour la satire de la société dans laquelle il vit et pour les chiens de discuter de leurs expériences avec leurs maîtres et autres considérations. Scipion et Berganza qui gardent l'hôpital de la résurrection à Valladolid se sont aperçus pendant la soirée qu'ils ont acquis la capacité de parler. Berganza décide de raconter à Scipion ses expériences avec différents maîtres en visitant des lieux tels que Séville, Montilla, Cordoba et Grenade."

— Voici maintenant l'extrait du Colloque des Chiens" :

«Paréceme que la primera vez que vi el sol fue en Sevilla y en su Matadero, que está fuera de la Puerta de la Carne; por donde imaginara (si no fuera por lo que después te diré) que mis padres debieron de ser alanos de aquellos que crían los ministros (encargado) de aquella confusión, a quien llaman jiferos (matarife). El primero que conocí por amo fue uno llamado Nicolás el Romo, mozo robusto, doblado (recio, fuerte) y colérico, como lo son todos aquellos que ejercitan la jifería. Este tal Nicolás me enseñaba a mí y a otros cachorros a que, en compañía de alanos viejos, arremetiésemos a los toros y les hiciésemos presa de las orejas. Con mucha facilidad salí un águila en esto“. etc...

(Je réunis deux traductions pour m'économiser le travail de copie...)

"1. L'abattoir de Séville.

–Berganza :

Il me semble que la première fois que j'ai vu le soleil, ce fut à Séville, et à l'abattoir, qui est hors de la porte de la Viande, d'où j'imaginerais, n'était ce que je dirai plus tard, que mes parents durent être des dogues, de ceux qu'élèvent les exécuteurs de ce lieu de confusion, auxquels on donne le nom de bouchers [Jiseros. Ce n'est pas précisément le mot de bouchers, mais un nom de mépris qu'on applique aux gens de cette profession, et qui n'a point de corrélatif en français. On sait que « los jiferos » étaient la gent la plus vile de l'abattoir de Séville. N.des T.] Le premier que je connus pour maître fut un certain Nicolas le camus, garçon robuste, trapu et colérique, comme le sont tous ceux qui exercent la boucherie. Ce Nicolas m'apprenait, à moi et à d'autres jeunes chiens, à attaquer les taureaux, en compagnie de vieux dogues, et à les saisir par les oreilles. Je devins, avec une facilité singulière, un aigle dans ce métier.

–Scipion.

Je ne m'en étonne point, Berganza. Comme faire le mal vient de notre fond naturel, on apprend sans peine à mal faire. [Trad. Louis Viardot 1838]

–Berganza.

Que te dirais-je, Scipion mon frère, de ce que j'ai vu dans cet abattoir et des choses exorbitantes qui s'y passent? Sache d'abord que tous ceux qui y travaillent, du plus petit au plus grand, sont gens à conscience large, sans âme, sans crainte du roi ni de sa justice, et vivant pour la plupart en marge du mariage. Ce sont des oiseaux de proie carnassiers, se nourrissant, eux et leurs amies, de ce qu'ils volent. Chaque matin des jours de viande, avant l'aube, se réunissent à l'abattoir une grande quantité de filles et de gars, tous avec des sacs qui, venus vides, repartent pleins de morceaux de viande, et les filles avec les filets et les lombes presque entiers[las criadas con criadillas]. Il n'est point de bête tuée dont ces gens ne prélèvent la dîme et les prémices dans la partie la plus savoureuse et la mieux parée; et comme à Séville il n'y a point de fournisseur municipal de la viande, chacun peut apporter la bête qu'il veut, et celle que l'on tue d'abord est taxée de la première ou de la dernière qualité. De cette façon, il y a toujours grande abondance de chair. Les maîtres se recommandent à ces bonnes gens dont j'ai parlé, non pour n'en être pas volés (car cela est impossible), mais pour qu'elles se modèrent dans les coupes et subtilisations qu'elles opèrent dans les bêtes mortes, qu'elles émondent et taillent comme si c'étaient des saules ou des treilles. Mais rien ne me surprenait tant et ne me paraissait pire que de voir que ces bouchers vous tuent avec la même facilité un homme qu'une vache; en un clin d'oeil et en un tour de main, ils plongent un coutelas à manche jaune dans la bedaine d'une personne comme s'ils saignaient un taureau. C'est miracle si un jour passe sans rixes ni blessures, et, parfois, sans meurtres. Tous se piquent d'être vaillants et même ont leur grain de rufiénisme, nul ne manque d'avoir son ange gardien sur la place de Saint-François, qu'il achète avec des filets et des langues de bœuf. [C'est-à-dire un protecteur parmi les bas-officiers de justice, escribanos, alguaziles et corchetes, note de L. Viardot]. Finalement, j'ai ouï-dire d'un homme avisé que le roi avait trois choses à gagner à Séville : la rue de la Caza, la Costanilla et l'Abattoir. [Trad. Henri Collet

[Il en échappe un jour et devient chien de bergers, non plus de ces pâtres charmants que Cervantes nous fit connaître dans sa Galathée mais de vrais bergers que l'auteur maintenant nous peint de son pinceau réaliste, et qui sont plus voleurs que les loups. Berganza, outré, s'enfuità Séville où il sert un riche marchand, puis un alguizil.]

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IV. Les chiens en tauromachie :  un témoignage de Goya.

Goya créa en 1815-1816 une série de gravures intitulées  Tauromachia : la gravure 25 est cionsacrée à l'attaque par les chiens lors d'une corrida :

http://www.torolibre.fr/122823252 : « C'était une coutume quelque peu barbare, à laquelle on avait recours pour les taureaux couards. On dit que les Maures de Grenade la pratiquait déjà. D.Jose de la Tixera dit que ce procédé était de mise lorsque les taureaux avaient déjà été "courus", ce qui non seulement évitait aux acteurs d'exposer leur vie, mais amusait le public, le réjouissait du spectacle d'une lutte fort plaisante et qui, de temps immémorial, est tenu pour annexe et inséparable des fêtes de taureaux. » (selon les explications de M. Conde de la Viňaza, dans son catalogue de l'œuvre de Goya ).

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COMMENTAIRES.

   La description de l'Abattoir de Séville par Cervantes s'accompagne d'un jugement dissimulé et par procuration — ce sont les propos de chiens, et non ceux de l'auteur— des mœurs des bouchers, mais aussi de la cruauté infligée aux taureaux soumis à l' attaque des chiens : comme le dit Scipion, "Comme faire le mal vient de notre fond naturel, on apprend sans peine à mal faire". Bien que le but de l'auteur ne soit pas de juger les chiens, mais plutôt les habitants des bas-fonds de Séville, il exprime clairement son sentiment vis-à-vis de cette scène, dont il a été certainement un témoin oculaire.

Par contre, Alonso Morgado se contente, en historien, de livrer une information sur la lutte des taureaux et des chiens, sous le contrôle des porteurs de lance.

 

Alors que Georg Braun devrait lui-aussi rapporter, en bon chorographe, des éléments d'observation visuelle avec la même neutralité de géographe que celle de l'historien, son texte fait état du plaisir éprouvé devant le coté spectaculaire du combat. L'accent y est mis, non bien-entendu sur le ressenti des animaux, mais sur les éléments qui crée l'excitation du spectateur : les nasaux qui fument, le sable qui vole sous les sabots, et, clou du spectacle, les chiens — des dogues ! — qui sont projetés en l'air et retombent sur les cornes

 

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Du plaisir éprouvé à voir un chien sauter en l'air, ou de berner autrui.

Ce moment plein de vérité a été saisi  en 1835 par l'artiste Pharamond Blanchard dans sa série Tauromachie (Prado) :

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Cette scène évoque celle où, dans El Pelele, un tableau de Goya (1791, Prado), quatre jeunes-filles font valser "pour jouer" un pantin masculin.

 

https://www.museodelprado.es/goya-en-el-prado/obras/ficha/goya/el-pelele/

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Or, le plaisir cruel consistant à faire sauter un individu dans une couverture porte un nom en français, c'est l'action de berner. "Berner", c'est selon le Trésor de la Langue Française,  "Molester quelqu'un", le faire sauter dans une "berne" c'est-à-dire une "grande pièce d'étoffe et particulièrement de laine". Deux personnes ou personnages ont témoigné de ce châtiment agrémenté de moqueries. Le premier est Vincent Voiture dans sa Lettre n° IX à Mademoiselle de Bourbon (1668). Je ne résisterais pas au plaisir de faire découvrir de brefs extraits de cette fiction :

Je fus berné vendredi après diner, pour ce que je ne vous avais pas fait rire dans le temps que l'on m'avait donné pour cela. [...]J’eus beau crier et me défendre, la couverture fut apportée, et quatre des plus forts hommes du monde furent choisis pour cela.[...] A tous coups ils me perdoient de vue et m’envoyoient plus haut que les aigles ne peuvent monter. Je vis les montagnes abaissées au-dessous de moi, je vis les vents et les nuées cheminer dessous mes pieds, je découvris des pays que je n’avois point imaginés[...] Ce que je vous puis dire, mademoiselle, c’est que jamais personne ne fût si haut que moi, et que je ne croyois pas que la fortune me dût jamais tant élever. Voiture, 1630.

L'autre personnage n'est autre que Sancho Panza, écuyer de Don Quichotte (I, XVII, Trad. et Note de Louis Viardot) :

"La mauvaise étoile de l’infortuné Sancho voulut que, parmi les gens qui avaient couché dans l’hôtellerie, se trouvassent quatre drapiers de Ségovie, trois merciers de Cordoue et deux marchands forains de Séville, tous bons diables et bons vivants, aimant les niches et la plaisanterie. Ces neuf gaillards, comme poussés d’un même esprit, s’approchèrent de Sancho, le firent descendre de son âne, et, l’un d’eux ayant couru chercher la couverture du lit de l’hôtesse, on jeta dedans le pauvre écuyer. Mais, en levant les yeux, ils s’aperçurent que le plancher du portail était trop bas pour leur besogne. Ils résolurent donc de sortir dans la basse-cour, qui n’avait d’autre toit que le ciel ; et là, ayant bien étendu Sancho sur la couverture, ils commencèrent à l’envoyer voltiger dans les airs, se jouant de lui comme on fait d’un chien dans le temps du carnaval *"

"*Note : Le supplice de Sancho était dès longtemps connu. Suétone rapporte que l’empereur Othon, lorsqu’il rencontrait, pendant ses rondes de nuit, quelques ivrognes dans les rues de Rome, les faisait berner… distento sagulo in sublime jactare. Et Martial, parlant à son livre, lui dit de ne pas trop se fier aux louanges : « Car, par derrière, ajoute-t-il : Ibis ab excusso missus in astra sago. ». Les étudiants des universités espagnoles s’amusaient, au temps du carnaval, à faire aux chiens qu’ils trouvaient dans les rues ce que l’empereur Othon faisait aux ivrognes."

http://www.gutenberg.org/files/39405/39405-h/39405-h.htm

 

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On voit ce que cette amusante plaisanterie infligée à la vedette de son choix doit aux chiens, qui en furent les premières victimes.

Voici maintenant l'argument de mon exposé. J'ignore qui est l'auteur du texte de 1598 (Hoefnagel, à 56 ans, allait mourir en 1600), mais je sais qui est l'auteur du dessin préparatoire de la gravure du volume V du Civitates : c'est bien Joris Hoefnagel. Or, il a choisi un angle de vue parfaitement insolite pour représenter Séville, et que ne reprendront pas ses successeurs. Un point de vue non seulement ingrat , mais aussi défavorable puisqu'il donne à voir le dépotoir (on voit à droite de la planche des cadavres d'animaux, et un homme déchargeant des immondices). Ce "Muladar" est indiqué dans la Légende par la lettre R. En outre, le sujet de premier plan n'est pas, comme c'est alors la coutume chez les topographes, consacré à montrer des habitants de Séville dans leur costume traditionnels faisant montre de leur civilité en se saluant, en se promenant main dans la main ou en se livrant à la dans et à la musique, mais il est réservé à une scène de dérision, l'Exécution par un officier de justice de la peine infligée à un mari cocu (Légende, lettre S). Ce mari a été encorné de branchages, et il est promené sur un âne, fouétté par l'épouse infidèles, alors que les passants, avertis par le son d'une trompette et par les cloches suspendues aux "cornes", lui lancent de la boue et lui font le signe des cornes (le "cabrón", le bouc de fornication). Cette scène d'humiliation est doublée de "l'Execution d'alquaguettas publicas" (lettre T) où l'entremetteuse, sans-doute enduite de miel, est assaillie par les abeilles.

Enfin, on sait que cette scène du Cornudos pacientes est reprise sur le mode emblématique en 1569 dans un recueil, le Patientia, destiné à exhorter son ami Radermacher à la patience face à l'exil et aux épreuves que connaissaient alors les néerlandais partisans de la Réforme.

On peut donc penser que le choix de ce point de vue n'est pas fortuit, pas plus que l'association sur une planche d'une vue morbide sur une décharge de cadavres animaux, de l'exécution de deux sentences humiliantes du tribunal Civil, et d'une scène de violences envers des animaux, présentée comme un spectacle ludique.

Le Quemadero de Seville.

La liste des lieux indexés dans la Légende va de A à T, de Quemadero à Execution d'alcaguettas publicasQuemadero, dont la consonnance se rapproche de celle de Matadero, vient de l'espagnol quemado participe passé de quemar "brûler". Quemadero signifie donc, comme adjectif, "qui doit être brûlé" , et comme nom, "bûcher",  "incinérateur", "four crématoire". Le Quemadero de Séville, installé à Tablada (et détruit en 1809) fut le lieu d'exécution des hérétiques et des sorcières construit par les premiers inquisiteurs en 1481. On en décrit surtout ses quatre statues représentant les prophètes. C'est lui dont Victor Hugo a écrit « Ce "quemadero" démesuré a couvert le Monde, sa fumée a été pendant trois siècles le nuage hideux de la civilisation, et, le supplice fini, le brûlement achevé, on a pu dire : cette cendre, c'est le peuple.» Selon l'historienne Maria Lara –"Au total, entre 1481 et 1524, il y avait 5 000 et 20 000 convertis brûlés dans la ville.Dans la Séville du XVIe siècle, en Espagne, il y avait un immense intérêt pour tout ce spectacle macabre, les auto da fé ont été suivies massivement et ont réveillé une passion. Aller voir les exécutions était quelque chose de similaire à aller assister à une farce théâtrale. ...Le Castillo de San Jorge à Triana, a accueilli le Tribunal Espagnol de l'Inquisition, certainement le premier en Espagne." 

 

Rappel (Wikipédia) 

I  En Espagne, dans le contexte de la reconquête des territoires musulmans par les chrétiens espagnols et la construction d'une identité nationale fondée sur la foi catholique, les nouveaux chrétiens faisaient l'objet, depuis le début du xive siècle, de persécutions soutenues par les autorités. Ce sont au premier chef les « marranes » (« porcs » en espagnol), c'est-à-dire les juifs convertis au christianisme, dont le nombre fut particulièrement élevé après les répressions anti-juives de 1391, qui furent suspectés de ne pas être sincères dans leur nouvelle foi chrétienne .

Comme les évêques demandaient aux souverains de pouvoir prouver la vigueur de leur engagement en pourchassant les « nouveaux chrétiens », les ambassadeurs espagnols à Rome firent pression pour obtenir l'Inquisition. Le Pape accéda à leur requête à contrecœur, ne pouvant contrôler cette institution.

Le 17 septembre 1480, les premiers inquisiteurs dominicains, Miguel de Morillo et Juan de San Martín, sont nommés par l'État. Ils prennent leurs fonctions à Séville où la communauté marrane menacée échoue dans une tentative d'insurrection. Le siège de l'Inquisition est établi au Château de San Jorge, qui lui servira également de prison. Six personnes sont brûlées vives. L'Inquisition commence ainsi sa longue carrière.

II. De 1483 à 1498, l'Inquisiteur Général Torquemada donna à l'Inquisition espagnole une importance et une puissance sans précédent. Particulièrement dirigée, à cette époque, contre les juifs et musulmans convertis (marranes et morisques), elle laissa un souvenir terrifiant (d'une source à l'autre les chiffres sont très variables, les plus conservatrices estiment à environ 2 000 le nombre de personnes brûlées sous le gouvernement de Torquemada). La répression qui eut lieu entre 1480 et 1500, sous l'impulsion de Torquemada, fut si efficace que la traque aux judaïsants devint par la suite moins fructueuse et plus difficile.

Les successeurs de Torquemada et de Deza furent, pour la plupart, plus modérés. 

Est mise en place, en Espagne puis au Portugal, une structure de surveillance systématique et de délation généralisée, non seulement à l'encontre des convertis, mais aussi de leurs descendants, et de tous les chrétiens d'ascendance même très partiellement juive, baptisés « nouveaux chrétiens ».

III. À partir de 1525, les tribunaux se tournent vers les morisques, c'est-à-dire les Maures pratiquant l'islam en secret.

IV. Puis ils s'intéressent aux protestants, et à partir de 1530, aux délits divers tels que la bigamie, la fornication ou le blasphème.

Un tour de vis est donné par le carriériste Fernando de Valdés y Salas, inquisiteur général de 1547 à 1566 et archevêque de Séville, avec l'intensification de la persécution contre les foyers luthériens et le terrible autodafé de 1559. La même année, il publie le premier index espagnol des livres interdits, où figurent plusieurs centaines de titres. C'est aussi durant son mandat que l'Inquisition commence à délivrer des « limpiezas de sangre » (« certificat de propreté du sang ») aux personnes ne possédant pas d'ancêtre juif ou musulman. Ces certificats sont non seulement exigés pour l'accès à l'armée, aux charges du Saint Office, pour l'entrée aux universités, mais également réclamés par les familles à la veille des mariages.

Le séjour de Joris Hoefnagel , dont le père est protestant, a lieu entre 1563 et 1565 et correspond à cette focalisation de l'Inquisition contre les protestants. 

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CONCLUSION.

Dans l'ensemble de son œuvre Joris Hoefnagel s'est montré très prudent et rien ne permet de connaître ses sentiments. Dans cette Vue de Séville, rien n'indique que le choix de ses sujets "pittoresques" en premier plan de sa présentation de la grande ville commerciale de l'Espagne ne témoigne d'un jugement de valeur sur ce qu'il dépeint. Rien n'indique qu'il éprouve une compassion pour les trois victimes de la condamnation contre leur inconduite morale alléguée ; rien n'indique non plus qu'il ne considère pas la lutte des taureaux contre les chiens comme un spectacle attrayant. Nul n'est  censé, face aux cadavres des animaux sur le dépotoir du Muladar, développer des considérations sur le caractère éphémère de la vie. Et personne n'est fondé à établir un lien entre le Quemadero de l'Inquisition, et le Matadero de Séville.

 

 

 

 

 

SOURCES ET LIENS 

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Bibliographie générale sur Hoefnagel , voir :  http://www.lavieb-aile.com/2015/03/ma-bibliographie-sur-joris-et-jacob-hoefnagel.html.

 

 BESSE (Jean-Marc) 2005 . « Vues de ville et géographie au XVIe si`ecle : concepts, démarches cognitives, fonctions ». F. Pousin. Figures de la ville et construction des savoirs. Architecture, urbanisme, géographie, CNRS Editions, pp.19-30, 2005.

 BUCHER (Bernadette J. ),1992, America: Bride of the Sun : 500 Years Latin America and the Low Countries : Royal Museum of Fine Arts, Antwerp

— DESPREZ (François) 1562 Recueil de la diversité des habits, Paris, Richard Breton, (1562) copiée par :

— SILVIUS (A. Bosch, dit) et SLUPERIUS, Anvers 1572 Omnium fere gentium nostraeque aetatis nationum habitus et effigies, Anvers, J. Bellerus, 1572

--La Tondue d'Espagne : http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/consult.asp?numfiche=65&numtable=B372616101_3540_1&ecran=0&mode=3&offset=76

-- L'espagnolle et l'espaignol : http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/consult.asp?numfiche=65&numtable=B372616101_3540_1&ecran=0&mode=3&offset=82

--L'Espaignole rustique : http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/consult.asp?numfiche=65&numtable=B372616101_3540_1&ecran=0&mode=3&offset=86

 

— FREIRE (Antonio Albardonedo) - ‎2005 -La génesis de la tauromaquia moderna : la presidencia de la autoridad y la construccion de tribyunas -Laboratorio del Arte http://institucional.us.es/revistas/arte/18/33%20albardonero%20freire.pdf

 

NERLICH (Michael), 2005, Le Persiles décodé ou la "Divine comédie" de Cervantes , Presses Universitaires Blaise pascal, 743 pages, page 324

https://books.google.fr/books?id=D2J2a_ANq_8C&dq=%22civitates+orbis+terrarum%22+%C3%A9dition+en+fran%C3%A7ais&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

ORTELIUS (Abraham), 1570, Theatrum orbis terrarum, Anvers

:https://archive.org/stream/theatrumorbister00orte#page/n3/mode/2up

 — Iconografía de Sevilla Tomo primero, 1400-1650 / María Dolores Cabra Loredo ; con la collab. de Elena María Santiago Páez / Madrid : Ediciones El Viso , 1988 page 66

— PADRON (  Francisco Morales) : Historia de Sevilla: La ciudad del Quinientos

PARESY (Isabelle),  2008, Apparences vestimentaires et cartographie de l'espace en Europe occidentale aux XVIe et XVIIe siècles, in Paraître et apparences en Europe occidentale: du Moyen Âge à nos jours pp. 253-270, Septentrion (Presses Universitaires du), 397 pages, https://books.google.fr/books?id=stMX3ujLEQoC&dq=%22civitates+orbis+terrarum%22+%C3%A9dition+en+fran%C3%A7ais&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale des ducs de Bourgogne, Bruxelles et Leipzig, 1842 ..., Volume 1 page CXIX : numérisé par Google.

— Gravures de Séville dans  la Cartoteca digital : 

http://cartotecadigital.icc.cat/cdm/search/collection/vistes/searchterm/sevilla/order/nosort

Sites sur la Tauromachie :

--   http://www.elcotodecaza.com/blog/eduardodebenito/perros-caza-del-toro-cinegetica-tauromaquia-120412

--  http://losmitosdeltoro.com/el-perro-en-los-toros/

— La Justice en Espagne lors de l'Inquisition :

http://meticebeta.univ-montp3.fr/lexique/index.php?option=com_content&task=view&id=582&Itemid=31

— Sur les crimes de l'Inquisition au Quemadero:

http://personal.us.es/alporu/histsevilla/inquisicion.htm

http://elcorreoweb.es/tablada-fue-el-quemadero-principal-de-brujas-de-sevilla-CDEC413256

—Le Civitates orbis terrarum dans son édition française :

-- Livre quatriesme des principales villes du monde : 

 http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1

--Theatre des Principales Villes de Tout L'Univers Cinquieme Volume, 1610 :

http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=10024

— La carte de la province de Séville dans le Theatrum Orbis Terrarum d'Ortelius (1570) et son texte :

http://www.orteliusmaps.com/book/ort_text28.html

 

 

Sources des images :

— http://cartotecadigital.icc.cat/cdm/ref/collection/vistes/id/591

http://cartotecadigital.icc.cat/cdm/singleitem/collection/vistes/id/1115/rec/4

Séville 1573

 http://www.presscenter.org/fr/pressrelease/20141126/des-dessins-de-maitres-anciens-montres-pour-la-premiere-fois-a-l-expo-entre--0

Séville1572   Civitates I,2 :

http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_I_2_1_b.jpg

Séville 1588 IV,2 

-- http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_IV_2_b.jpg

-- http://www.sanderusmaps.com/en/our-catalogue/detail/165353/%20antique-map-of-sevilla-by-braun-and-hogenberg/

-- en français (avec le texte) : © Biblioteca Nacional de España  http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1

Séville 1598 Civitates V,7 :

--  http://historic-cities.huji.ac.il/spain/seville/maps/braun_hogenberg_V_7_b.jpg

-- http://digital.tcl.sc.edu/cdm/singleitem/collection/braunhogen/id/247/rec/4

Edition en français :

-- © Biblioteca Nacional de España  http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1

-- http://www.sanderusmaps.com/en/our-catalogue/detail/166496/antique-map-panoramic-view-of-seville-by-braun-and-hogenberg/shoppingcartadded/ (avec le texte en français)

--Texte Hispalis vol. V  : http://www.oshermaps.org/search/zoom.php?no=32#img1

— Aux environs de Séville 1598 Civitates V,8 , et la Giralda :

-- http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=5779

Edition française, © Biblioteca Nacional de España : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000068788&page=1



 

 

 

 

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