Le vitrail de la Vigne de Jessé et la Vie de Marie (1466) à l'église Saint-Dominique de Vieux-Thann (Haut-Rhin).
Voir aussi :
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J'ai étudié dans ce blog 36 Arbres de Jessé, mais jamais je n'en n'avais rencontré un semblable à celui de Vieux-Thann, dans lequel les rois de Juda et les prophètes cèdent la place à six scènes de la Vie de la Vierge, et où les tiges et branches de l'arbre sont remplacées, au cœur du vignoble de Rangen, par des sarments de vigne.
Les sculptures :
Guimaec (29) Anne trinitaire de l'église de Guimaëc.
Priziac, Chapelle St-Nicolas (56) : Chapelle St Nicolas en Priziac.
Arbre sculpté de Locquirec : L'Arbre de Jessé sculpté de l'église de Locquirec.
Sculpture de L' arbre de Jessé de l'église de Saint-Aignan (56). : XVIe siècle.
Sculpture de L' arbre de Jessé de l'église de Trédrez (22). : 1520
Sculpture de L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec. (29) : 1610.
Sculpture de L'arbre de Jessé de la chapelle de La Trinité à Cléguerec (56). :1594
Bas-relief de Chapelle St Nicolas en Priziac. (56) : XVIe siècle.
Et les vitraux :
Vitrail de Kerfeunten à Quimper Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun : 1528-1530
Confort-Meilars (Finistère) :Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars. c.1530
Vitrail de L'arbre de Jessé de l'église de La Ferrière. : 1551.
Vitrail de L'arbre de Jessé de l'église de Beignon. : 1540-1550
Vitrail deL' arbre de Jessé de l'église de Moulins (35). : c.1560.
Les vitraux de l'église des Iffs ( seconde partie : les chapelles). Baie 12 milieu XVIe.
Le vitrail de la Passion de l'église Saint-Mériadec en Stival (56) : 1550.
Vitrail de l'église Gouesnou par Jacques Le Chevallier : L'arbre de Jessé de l'église de Gouesnou . : 1972.
L'Arbre de Jessé très stylisé de Saint-Jean-du-Doigt Les vitraux de Louis-René Petit à Saint-Jean-du-Doigt (29).
L'arbre de Jessé de Malestroit : Le vitrail de l'arbre de Jessé de l'église de Malestroit.: 1530-1540.
Vitrail de N.D de Lansalaün à Paule : 1528 : Le vitrail de l'arbre de Jessé de la chapelle N.D. de Lansalaün à Paule.
Vitrail par Chauvel à Notre-Dame de Vitré : c.1868-1870 : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Vitré.
Vitrail de l'arbre de Jessé de Moncontour : c.1530-1540 : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Moncontour.
Vitrail de l'église Saint-Armel de Ploermel : c.1550. Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Armel de Ploermel.
Vitrail de l'Arbre de Jessé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët (Morbihan) : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët (56), associé à la Passion et au collège apostolique. Verrière de la baie 4. 1450-1475.
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Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :
Vitrail de l'arbre de Jessé de Saint-Denis (1144), le premier vitrail sur ce thème. Le vitrail de l'arbre de Jessé de la basilique de Saint-Denis.
Vitrail de l'arbre de Jessé de Chartres : (1150) Le vitrail de l'arbre de Jessé de la cathédrale de Chartres.
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Pierre de Chartres.
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Soissons (1212) : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Soissons
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale du Mans (1235) : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale du Mans.
Le vitrail de la cathédrale d'Angers (1230 -1235) ; Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale d'Angers.
Le vitrail de la cathédrale d'Amiens (1242) : Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale d'Amiens.
Vitrail de la cathédrale de Moulins en Allier (vers 1480) L'étrange vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins.
Vitrail de la Baie 0 de la cathédrale d'Évreux (vers 1470) L'Arbre de Jessé de la cathédrale d'Évreux.
Sculpture de l'Arbre de Jessé de Burgos (Espagne), c1483 : L'arbre de Jessé de la cathédrale de Burgos.
Tympan sculpté de l'abbatiale Saint-Riquier : 1511-1536 L'Arbre de Jessé de l'Abbaye de Saint-Riquier (Somme).
Vitrail de l'Arbre de Jessé de Notre-Dame-du-Touchet (Manche) : Le vitrail de l'arbre de Jessé de Notre-Dame du Touchet.
Le vitrail de Chagall à Reims (1974) : L'Arbre de Jessé de Chagall à la cathédrale de Reims.
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INTRODUCTION.
Adossée à Thann, située à la sortie de la vallée de la Thur au niveau de son débouché sur la plaine d'Alsace par le cône de déjection de l'Ochsenfeld, Vieux-Thann se situe dans le vignoble de Rangen. Le Rangen est le plus méridional des grands crus d'Alsace. Montaigne en faisait déjà l'éloge :
« Vinsmes souper à Tane, quatre lieues, première ville d’Allemagne, sujette à l’empereur, très belle. Lendemain au matin, trouvâmes une belle et grande plene, flanquée à main gauche de coutaux pleins de vignes, les belles et les mieux cultivées, et en telle estendue que les Guascons qui estoient la disoint n’en avoir jamais veu tant de suite. ».
"L'église Saint-Dominique de Vieux-Thann est l'un des plus anciens sanctuaires mariaux d'Alsace, fondée en 991 par l'évêque de Strasbourg. Elle était réputée en tant que lieu de pèlerinage de la confrérie des Ménétriers, des tisserands et des vignerons de Haute Alsace. L'édifice dispose de deux vitraux remarquables : celui de la baie axiale du chœur, dont la partie haute représente la Passion du Christ sous les armes d'Autriche, des Ferrette et de Bourgogne et celui de la Vierge ou de l'Arbre de Jessé (1466), sans doute le plus beau d'Alsace. Le chœur abrite une custode murale du XVe siècle servant de tabernacle. Mais le Saint-Sépulcre, en grès jaune, l'un des plus beaux d'Alsace, est le joyau de l'édifice.
Un plan daté peut être consulté dans l'église. "
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DESCRIPTION .
La verrière de 4,00 m de haut et 1,20 m de large a été offerte en 1466 en l'honneur de la Vierge Marie par Jean Müller, prévôt du chapitre de Thann et par Nicolas Wolffach, curé de Thann, après l'achèvement de la seconde reconstruction de l'église en 1444-1445. La baie, initialement à deux formes séparées par un meneau et sommées d'un trilobe a été transformée au 19e siècle (?) en une fenêtre à une forme et au sommet en arc brisé; La verrière a été restaurée en 1873 par Petit-Gérard, réparée en 1924 par Ott Frères, déposée pendant la Seconde Guerre Mondiale et restaurée en 1945. La bordure à fleur d'églantier est moderne. C. Block a publié le schéma de l'état de conservation, globalement excellent des verres, signalant ceux qui ont été remplacés, comme le visage de saint Étienne.
Elle se présente dans l'église de Saint-Dominique sous l'aspect de huit panneaux rectangulaires et de deux panneaux terminés en forme. Au-dessus des donateurs, six scènes de la Vie de la Vierge s'inscrivent dans l'enroulement des sarments de vigne, jaillis de la poitrine de Jessé : Naissance de la Vierge et Annonciation ; Nativité et Adoration des Mages ; Dormition de la Vierge et Couronnement.
Baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
Baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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PARTIE INFÉRIEURE : LES DONATEURS.
Les deux donateurs et leur patron sont tous tournés vers l'extérieur, ce qui est incohérent et fait supposer que ces deux bases des lancettes ont été interverties (celle de droite était à gauche et réciproquement). C. Block a reconstitué sur le papier la verrière logique, et a constaté que cette disposition satisfaisait alors aussi d'autres exigences, comme celles des points de fuite qui sont doubles et divergents actuellement, alors qu'ils se confondraient en un seul, central, sur l'axe médian.
Baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
1. Panneau de gauche. Jean Müller présenté par saint Étienne.
Jean Müller, prévôt de la collégiale de Saint-Thiébaut à Thann, est présenté par saint Étienne, premier martyr.
Un prévôt est un titre hiérarchique équivalent au terme de doyen : il s'agit de la première dignité dans le cas du chapitre d'une cathédrale ou d'une collégiale.
Un phylactère porte l'inscription suivante en lettres gothiques et avec abréviations par tildes :
Maria.ma~r. gr~e. Mater.
misericor~ie
–Transcription : Mater maria gratiae Mater misericordiae
–Traduction : "Marie Mère de grâce Mère de Miséricorde.
La bande inférieure porte le texte suivant :
M.Johañes müller. Ppsit9. Ecc[l]e s~ti theobaldi . Año . Dñi. Lxvi /
Transcription :Johannes Müller praepositus ecclesia sancti theobaldi . Anno 1466.
Traduction : "Jean Müller prévôt de l'église Saint Thiébault 1466."
Jean Müller avait été le dernier prévôt du chapitre de Saint-Amarin (Haut-Rhin), que le concile de Bâle transféra à Thann, le 30 juin 1442 ; il fut le premier de Saint-Thiébaut et présida celui-ci l’espace de vingt-sept ans . En tête de son nom se trouve un petit écusson d’argent, timbré de sa lettre initiale M de sable en caractère majuscule gothique.
Les deux chanoines se partagent les versets du Maria, mater gratiae, l'est l'hymne traditionnel pour le petit office de la Sainte Vierge Marie pour les Petites Heures des Heures canoniales : les deux chanoines devaient les réciter régulièrement.
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Jean Müller présenté par saint Étienne, baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Nous avons ici une belle illustration de la douillette aumusse canoniale :
Originairement, elle est une coiffure-capuchon de fourrure descendant de la tête sur les épaules. Supplantée comme coiffure par la barrette, elle se mettait généralement sur les épaules quand on pouvait se couvrir de la barrette ; on l'ôtait des épaules et on la mettait sur le bras gauche quand on devait se lever. Presque disparue, elle était très répandue jusqu'à la fin du xviiie siècle. Elle se portait avec le surplis, soit toute l'année, soit l'été seulement, au lieu de la chape choraled'hiver.
Elle se porte encore en hiver, dans certains chapitres cathédraux, au nord des Alpes, où elle a pris la forme d'une courte pèlerine de fourrure, analogue à la mosette ou au camail, agrafée sous le menton et munie d'un petit capuchon.
L'aumusse est seulement en vair - blanc nuancé de gris -, en petit-gris, ou en fourrure noire ou brune, l'hermine ou les autres fourrures blanches n'étant pas admises car considérées comme marques des dignités supérieures. De son bord inférieur pendaient souvent de petites queues de la même fourrure. (Wikipédia)
Par contre, j'ignore la signification du cordon à deux brins pendants par devant, deux fois noués ensemble avant de retomber et de se terminer par des glands .
Saint Étienne porte, comme il se doit comme premier diacre de l'Église, la dalmatique (damassée bleue) sur le surplis, et l'étole . Les deux marrons posés sur sa tête tentent de représenter des pierres, celles qu'il a reçu lors de sa lapidation. C'est le premier martyr de la Chrétienté, un protomartyr. Il en porte la palme.
"L'application de grisaille au revers [à l'extérieur] des pièces est très limitée : comme au XIIIe et XIVe siècle, elle permet parfois de tracer les motifs décoratifs des étoffes, ce qu'on fit dans le damas de la dalmatique de saint Étienne."
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Jean Müller, baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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2. Nicolas Wolfach, curé de Vieux-Thann, présenté par saint Jérome.
Nicolas Wolfach est présenté par le docteur de l’Église, saint Jérôme, portant le costume des cardinaux et accompagné d’un lion.
Nicolas WOLFACH , originaire du pays de Bade, et précédemment chanoine de Saint-Amarin, était curé (Vicarius perpetuus) de Vieux-Thann et de son annexe de Thann en 1443, il devint le premier curé-chanoine de Thann en 1457, et Prévot du chapitre à partir de 1471. C’est le chanoine Wolfach qui aurait, selon Lempfrid, constitué l'Historia et Légendea St. I Thobaldi, rassemblé et écrit la suite des Tomus miraculorum Sancti Theobaldi, relatant, à partir de 1405, 215 miracles attribués à Saint-Thiébaut. Il est mort le 12 mars 1488 (Inventaire de 1682, p. 8 ; 1573, p. 25, 37 ; archives départementales Colmar, Stift Thann, boîte 15, Gr. Thanner 668), ou le 22 mars 1486 selon M. Tschamser cité par C. Block. Il est accompagné de ses armes d’azur au loup ravissant d’argent, tenant entre les dents un oison de même.
L'inscription indique :
Tu nos. ab. Hoste ptege. i.
hora . Mortis. Suspice
–Transcription : Tu nos ab hoste protege et hora mortis suspice.
– Traduction : "Protège moi de l'ennemi et reçois moi à l'heure de ma mort. "
La bande inférieure porte le texte suivant :
Nicola9 wolfach plbñus et canon/cus hui eccle . Año. Dñi lxvi
–Transcription : Nicolaus Wolfach plebanus et canonicus hui ecclesia. Anno Domini 1466.
–Traduction : "Nicolas Wolfach plébane et chanoine de l'égise. Année du Seigneur 1466.."
Le terme Plebanus "pléban" issu de plebs "peuple" et signifiant d'abord "paroissial" désigne un chanoine en charge d'un clergé paroissial vivant en communauté selon la même règle, en tant que prêtre séculier.
Note : Il apparait aussi sur un vitrail du bas-coté nord de Saint-Thiébaut à Thann, antérieur d'une dizaine d'années à celui-ci (vers 1455). Présenté également par saint Jérôme, Nicolas Wolfach tient un phylactère où est inscrit O Mater Dei Mis-- (ou pour les experts du Patrimoine O Maler der mich). Il est accompagné par l'inscription [Wolf]ach plebanus huius ecclesie . Il était placé agenouillé à droite du vitrail de la Vierge à l'enfant sur lequel se trouve le début de l'inscription : ANNO DM mccccl (V) NICC (I) AUS, ce qui donne pour le texte complet Anno domini 1450 ou 1455 Nicolaus Wolfach plebanus huius ecclesiae , "[offert en ] l'année du Seigneur 145[5] par Nicolas Wolfach, pléban de cette église".
Nicolas Wolfach présenté par saint Jérôme,, baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Les visages masculins de saint Jérome et des deux donateurs contrastent avec les visages féminins qui seront décrits plus bas :
"Ces visages, aux traits vigoureux, sont fortement expressifs et individualisés ; leur contour est ondulé de manière à suggérer les pommettes, le creux de la joue, l'enflure du pli qui se forme autour de la bouche. Le visage est modelé par des lumières "enlevées", et les ombres sont posées en hachures fines, très souvent verticales. enfin on n'hésite pas à tracer par des lignes les traits du visage : plis des paupières et de la bouche. Les cous sont inexistants, les chevelures assez libres" (C. Block)
Les nuances du verre sont obtenues par une application de grisaille :
"...une application de grisaille sur la face interne du verre, application sûre sans jamais être sêche. C'est une grisaille au ton chaud de gris-brun, plus opaque dans les traits pleins ; elle prend quelquefois un ton presque rosé, comme il apparaît dans la cape de Nicolas Wolffach. Son application se distingue nettement de celle de la seconde moitié du XIVe ou du début du XVe siècle en Alsace ; elle sert ici de demi-teinte raffinée, posée au blaireau et enlevée au putois, ce qui ne permet plus de cerner, ou de tracer au trait, des poches d'ombre délimitées. Les traits nécessaires sont fins dans les grandes lignes, doublés par d'autres traits fins si besoin est, qui se multiplient et se rapprochent pour former une ombre . Les ombres modelantes sont rarement couvrantes : elles sont obtenues par des hachures parallèles très souvent verticales à la manière de la technique du dessin (visage de saint Jérôme).". (C. Block)
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Nicolas Wolfach , baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Nicolas Wolfach, église Saint-Thiebaut de Thann :
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REGISTE INFÉRIEUR. JESSÉ ET SA VIGNE ; NAISSANCE DE LA VIERGE ET ANNONCIATION.
"La fenêtre est consacrée à la sainte Vierge et présente l’arbre de Jessé, mais d’une manière toute différente de celle que l’iconographie sacrée a adoptée depuis le douzième siècle. Au lieu de porter les ancêtres du Christ et de terminer par la fleur traditionnelle qui s’épanouit dans la figure de Marie avec l’Enfant, l’arbre, qui est ici un cep de vigne, issant de la poitrine du vieillard Jessé, forme avec ses ramifications le cadre des principaux événements de la vie de la Vierge. Se détachant du pied,
les sarments chargés de fruits et riches en feuillages viennent entourer comme autant de médaillons la naissance de Marie, l’annonciation faite par l’ange, la naissance du Verbe, l’adoration des mages, la mort ou la dormition de la Vierge et son couronnement dans le ciel. Dans les rinceaux supérieurs, on aperçoit des anges qui agitent des encensoirs." (Straub, 1876)
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La Vigne de Jessé , baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Jessé, le Riesling et le Gewurtzstraminer ? Ou le Pressoir Mystique ?
Jessé est figuré avec une couronne, alors que le propriétaire de troupeaux de brebis à Béthléem n'est nullement roi : c'est son fils David, puis son petit-fils Salomon, son arriere-petit-fils Roboam et une dynastie de quinze rois de Juda qui accédèrent au trône, jusqu'à la déportation à Babylone. Cette couronne est ici metonymique de cette royale descendance qui, dans les Arbres de Jessé, placent trois, six ou douze de leurs membre sur les branches de l'arbre généalogique qui mène à Joseph "de la maison de David" et à Jésus, ou, par une approximation théologiquement louable, à la Vierge portant son Fils.
Car c'est à cette aventure spirituelle qui va donner au monde, à partir de sa semence, de son ventre, un Sauveur, que pense Jessé allongé sur son coude droit, à demi endormi, laissant filer les développements de son songe comme les surgeons de ses nombreux rejetons.
Fils d'Obaz, lui-même fils de Boaz (celui de Booz endormi !) et de Ruth la Moabite (l'émigrée, l'étrangère), il est le contemporain du prophète Samuel, mais il est sans-doute dotée d'une solide préscience puisqu'il devine ce qu'un autre prophète dira à l'un de ses lointains descendants, le bon roi de Juda Ezechias (-716/-687) , 13e du rang, et à son fils le vilain, impie et impénitent Manassé. Ce prophète se nomme Isaïe et, c'est drôle, il porte le même nom que lui (Jessé ou Iessé = en hébreu יִשַׁי = Išaï), et ce qui est encore plus drôle, c'est qu'il annoncera dans ses prophéties exactement ce qu'il est en train de voir en songe :
"Puis un rameau sortira du tronc d'Isaï [c'est lui, Jessé], Et un rejeton naîtra de ses racines. L'Esprit de l'Éternel reposera sur lui: Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l'Éternel. Il respirera la crainte de l'Éternel; Il ne jugera point sur l'apparence, Il ne prononcera point sur un ouï-dire. Mais il jugera les pauvres avec équité, Et il prononcera avec droiture sur les malheureux de la terre; Il frappera la terre de sa parole comme d'une verge, Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant. La justice sera la ceinture de ses flancs, Et la fidélité la ceinture de ses reins. Le loup habitera avec l'agneau, Et la panthère se couchera avec le chevreau; Le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble, Et un petit enfant les conduira. La vache et l'ourse auront un même pâturage, Leurs petits un même gîte; Et le lion, comme le boeuf, mangera de la paille. Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère, Et l'enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. Il ne se fera ni tort ni dommage Sur toute ma montagne sainte; Car la terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, Comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent. En ce jour, le rejeton d'Isaï Sera là comme une bannière pour les peuples; Les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure. Dans ce même temps, le Seigneur étendra une seconde fois sa main, Pour racheter le reste de son peuple, Dispersé en Assyrie et en Égypte, A Pathros et en Éthiopie, A Élam, à Schinear et à Hamath, Et dans les îles de la mer. Il élèvera une bannière pour les nations, Il rassemblera les exilés d'Israël, Et il recueillera les dispersés de Juda, Des quatre extrémités de la terre."
Wouah, que du bon, il va engendrer un Sauveur, mieux, LE Messie, et il se forge déjà une félicité qui lui fait voir le loup embrassant l'agneau, la panthère couché avec le chevreau, et tout ça.
A-t-il abusé du Silvaner ? Nous allons le voir.
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La Vigne de Jessé, baie n°7, Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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En effet, l'artiste a représenté Jessé entouré de feuilles de vigne, de pampres et de juteuses grappes de raisin. Ce réseau des sarments crée des médaillons réguliers, symétriques, qui se réunissent sur l'axe médian en deux parenthèses ou mandorles, dans une ordonnance opposant le fond bleu des médaillons et le rouge de la vigne.
Première solution : ce vitrail est offert par le syndicat des vignerons de la vallée de Thur pour assurer la promotion de leurs crus. Chacun sait que les vins d'Alsace portent les noms des sept cépages : le Silvaner aux grains jaune d'or, le Riesling blanc aux reflets verts, le Muscat blanc ou rose, le Pinot blanc aux baies blanches, le Pinot gris aux baies brun-violacé ( avec des reflets gris, si on veut), le Gewurtzstraminer aux fruits roses ou rouges, et le Pinot Noir dont les grains violets presque noirs se voilent de pruine.
Effectivement, du bas en haut du vitrail, les sarments (d'ivrogne ?) produisent des grappes blanches, jaunes, rouges ou noires.
Objection : les donateurs, nous les connaissons. Pas plus portés sur la bouteille que tous les autres chanoines, mais, par contre, éminents par leurs pieuses qualités spirituelles et par leur dévotion à la Vierge et à son Fils.
Deuxième solution, qu'il faut adopter sans barguinage. La vigne représente l'Eucharistie, et même, le Christ, qui a dit "Je suis la vigne, et vous les sarments" (Jn 15:5), ou "Je suis la vraie vigne, et mon Père le Vigneron" (Jn 15:1).
Ah, mais le vitrail prend alors une ampleur extraordinaire ! Cette sève qui s'élève et nourrit les six épisodes de la Vie de Marie, Jean Müller et Nicolas Wolfach l'assimileraient au sang du Christ versé lors de la Passion, mais aussi au vin de l'Eucharistie qui par transubstantiation devient le sang du Rédempteur. La pensée théologique sous-jacente est foisonnante, dites-moi ! Cela rejoint le grand thème du Pressoir Mystique, celui de l'Agneau Mystique du polyptyque de Gand, celui de la Fontaine de Vie ! C'est le Torculus Christi dans sa version dyonysiaque !
— Le quoi ?
— Le Torculus Christi, la Croix comme Pressoir ! Voyez ici :
–Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche (Eure).
http://www.lavieb-aile.com/2016/04/le-vitrail-du-pressoir-mystique-baie-n-14-de-l-eglise-sainte-foy-de-conches-en-ouche-eure.html
– Ou bien le vitrail de la Fontaine de la Déïté souveraine de Beauvais :
http://www.lavieb-aile.com/2016/04/les-vitraux-anciens-de-l-eglise-saint-etienne-de-beauvais-baie-n-12-la-fontaine-de-vie.html
— Allo, allo, ici, c'est le prophète Isaïe. Vous ne pouvez omettre de parler ici de mes versets Is. 63:2-3. Car lorsque j'interroge ": Pourquoi donc vos vêtements sont-ils rouges, comme les habits de ceux qui foulent le vin dans le pressoir au temps de la vendange ? (Is 63, 2), le Seigneur répond : « J'ai été seul à fouler le vin; aucune homme ne s'est trouvé avec moi » (Is 63, 3).
— Si vous voulez, Isaïe, mais je vais conclure par ce vers de Venance Fortunat, mieux approprié à notre vitrail :
« Entre tes bras s'enlace la vigne, d'où coule pour nous en abondance le doux vin qui a la rougeur du sang » (Venance Fortunat,Poèmes II, 1)
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Retour à nos moutons.
La tête de Jessé est posée sur un coussin bleu au beaux damas, damas à rinceaux et feuillages qui se retrouvent sur son manteau mauve. Son manteau se referme sur une confortable fourrure.
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La Vigne de Jessé, baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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La Vigne de Jessé, baie n°7 , Arbre de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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La Naissance de la Vierge.
La Vierge, virgo en latin, se rapproche de virga "rameau" et appelle la citation d'Isaïe 11:1 : Egredietur virga de radice Iesse, et flos de radice ejus ascendet : "Puis un rameau sortira du tronc d'Isaï [Jessé], Et un rejeton naîtra de ses racines.". Cela n'a pas échappé à Fulbert, chanoine puis évêque de Chartres dans son poème pour la Nativité : Stirps Iesse virgam produxit, virgaque florem ; et super hunc florem requiescit Spiritus almus. Virgo Dei Genitrix virga est, flos Filius eius. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto. : "La souche de Jessé a poussé une tige, et la tige une fleur, et sur la fleur l’Esprit fécond s’est reposé ! La tige, c’est la Vierge, la Mère de Dieu, et la fleur, c’est son Fils. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. "
Comment ces vers pourraient-ils ne pas s'imposer dans l'esprit des deux chanoines de Thann alors qu'ils sont intégrés, sous forme de repons, à la liturgie de la Nativité et à celle de l'Assomption, lorsqu'ils regardent ces panneaux où toutes les scènes sont entourés — comme dans des lettrines d'enluminures— par l'orbe parfait d'un sarment, d'une tige, d'un rameau vert, en un mot une verge : virga.
Pour l'anecdote, virga "verge" a donné virgula, notre virgule, "petite verge".
"La scène de la naissance de Marie offre quelques gracieux costumes et des particularités à remarquer pour la literie, le mobilier, etc." "L"artiste s'est beaucoup attaché aux petits détails décrivant les galons dorés des coussins, les fibres du bois de lit, les carreaux du sol, les belles nuances dans le rouge de la couverture (C. Block).
Le fond bleu est découpé par un damas foliaire. Le point de fuite du sol carrelé est, très approximativement, centré par la Vierge. Sainte Anne porte la guimpe (elle est âgée, la naissance de Marie tient du miracle). Sa voisine est la matrone, qui a aidé à l'accouchement. Elle porte ses longs cheveux blonds ramassés dans la couronne d'un coquet touret noué sous le menton. Une troisième, en mauve et qui porte un voile, prie (ou s'émerveille). La petite Marie, nimbée, riche déjà de sa chevelure d'or, les mains jointes, prie.
Verre rouge : trop dense pour être utilisé dans les mêmes épaisseurs que les autres verres colorés (il ne laissserait plus passer la lumière et semblerait noir), il doit être très fin, mais doublé d'un verre blanc pour assurer sa solidité :
"Les verres rouges sont généralement utilisés doublés, la pellicule colorée tantôt tournée vers l'intérieur (auquel cas le verre blanc présente une forte attaque de l'extérieur), tantôt vers l'estérieur (la péllicule rouge est alors très bien conservée ; cf. la cape de Dieu le Père dans le Couronnement, la couverture dans cette Naissance). "
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Naissance de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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"Le type de visage le plus caractéristique dans cette verrière est celui des faces féminines et poupines, aux joues bien rondes et tirées au dessus de l'œil avec un petit menton rond pointant au bout, saillant et bien dessiné ; les yeux ronds, mais non globuleux, sont vus dans leur plastique avec une paupière inférieure toujours marquée d'une lisière de lumière ; la distance entre la bouche et le nez est généralement grande ; la bouche, souriante par les deux fossettes latérales, offre une lèvre supérieure qui mord avec un petit V au mileiu d'une lèvre inférieure bien arrondie et dessinée. Le cou est généralement très fin, rond et modelé, avec une fossette centrale. Le nimbe est rond. Ce type de visage est traité à la grisaille douce, éclaircie au putois pour arrondir les volumes ; quelques traits marquent les sourcils fins, la paupière supérieure, le nez, la bouche. Les ombres, données par de toutes petites hachures parallèles, se situent au dessus de la paupière supérieure et sous l'inférieure, le long du nez, de la bouche et du cou. Les lumières ourlent la paupière inférieure, les deux lignes entre nez et bouche, un peu le contour de la bouche." (C. Block)
"Les coloris choisis, s'ils sont denses et contrastés, apparaissent rarement à l'état pur. Les surfaces du verre sont soigneusement choisies de manière à faire correspondre les nuances claires, ou les hasards d'un verre doublé, par exemple, avec les parties saillantes des images. C'est ainsi que l'on a obtenu un effet de grande subtilité dans les dégradés de la couverture de sainte Anne" (id.)
"Le plus souvent, la grisaille est appliquée en fonction des "enlevés" par lesquels on désire faire vibrer la lumière des images. Dans la grisaille opaque, ils servent à décrire les rinceaux du fond, les damas des coussins ; dans les couvertes plus fines, les enlevés à l'aiguille rappellent les recherches d'effets de la gravure pour le tracé des carreaux au sol, des fleurs, des fibres du bois, ; ces enlevés deviennent, quand le sujet s'y prête, plus libre (pour les barbes et les chevelures par exemple), voire nerveux (pour le sol et les bergers de la Nativité)" (ibid.)
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Naissance de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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L'Annonciation.
Nous ne sommes plus dans une chambre, mais devant un gazon égayé de rosettes d'ancolies. Le fond bleu reste le même que dans la chambre de sainte Anne. L'archange Gabriel, au front ceint et orné d'une gemme, porté par ses ailes aux ocelles de paon, s'est agenouillé devant Marie. Tenant un bâton fleurdelysé (la pureté du lys, l'attestation du pouvoir divin, mais aussi un rappel de la racine de Jessé qui fleurit en Marie), et lui tend un parchemin muni de trois sceaux. Cette façon de s'exprimer est très rare pour Dieu, qui préfère la parole (fécondation par l'oreille), ou les phylactères, ou les lettres gothiques allant en pont ou en volute de l'ange à la Vierge, mais il doit avoir ses raisons impénétrables (allusion aux sept sceaux de l'Apocalypse ??). Comme d'habitude, Marie est à la fois surprise dans sa lecture pieuse, ravie par l'apparition du beau messager, et très émue par le rayon lumineux qui la frappe ou par la colombe de l'Esprit qui lui vient. Elle s'exclame : "je suis la servante du Seigneur". Entre les deux protagonistes, le vase, saturé de symboles sur la conception immaculée et la naissance sans blessure, et le lys, dans sa blancheur immaculée.
C. Block a retrouvé le motif du parchemin muni de sceaux "dans les régions plus orientales du Tyrol, ou de la Bavière" : retable de Schloss, Tyrol, vers 1370 ; Innsbruck, Fernandeum ; Annonciation du Maître de Saint-Sigmund (Jakob Sunter) vers 1420, où l'ange agenouillé tient un pli fermé à trois sceaux ; Annonciation du Maître de l'autel de la Vierge d'Unterlimpurg à Saint-Urban, vers 1460, Stuttgart, Landesmuseum.
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L'Annonciation, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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L'Annonciation, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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REGISTRE MOYEN. NATIVITÉ ET ADORATION DES MAGES.
"Pour le technicien, il peut être intéressant de savoir qu’une tête, mais une seule dans tout le vitrail, celle de saint Joseph dans la scène de la nativité du Sauveur, accuse le passage de la pierre ponce, avec laquelle l’artiste a enlevé l’émail du verre rouge, pour pouvoir supprimer un plomb." (Straub, 1876)
Le verre doublé permet des effets de gravure : le visage de Joseph ressort en clair sur la pièce de verre doublé dont le rouge a été conservé pour le capuchon.
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Nativité et Adoration des Mages, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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La Nativité
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Nativité, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Nativité, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Les bergers jouant à la "soûle à la crosse" ("choule" en Normandie).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soule_(sport)#cite_note-7
Ce motif est fréquent parmi les bergers de la Nativité dans les enluminures. On le trouve aussi en sculpture sur le tympan de La Martyre, dans le Finistère. Les crosses sont souvent confondues avec des houlettes, dont la tenue serait fort bizarre. Ce jeu, le soûle à la crosse, est à l'origine du golf, du croquet ou du criket. Le roman de Renart en fait état au XIIe siècle : Li vilein qui sont à la çoule...
N.B : à la réflexion, des bâtons et houlettes sont représentées ainsi avec un partie inférieure élargie et arrondie (par exemple le bâton d'un berger sur le vitrail de la Nativité de Spézet (29)) .
Bergers jouant à la soûle, Nativité, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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L'Adoration des Mages.
Adoration des Mages, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Parmi les trois mages, Melchior, le plus âgé, est vêtu de vert ; agenouillé, sa couronne posée dans l'herbe, il offre une cassette pleine d'or, vers lequel l'Enfant tend les bras. Ce présent symbolise la puissance royale.
Gaspard attend, debout, son tour tout en désignant du doigt l'étoile. Il tient un objet d'orfevrerie semblable à un vase, mais auquel est suspendue une corne. Je suggère d'y voir une lampe à encens, un encensoir. L'encens honore la divinité de l'Enfant. Le visage, la couronne posée sur un turban et surtout la barbe mal taillée et drue du mage et sa chevelure en crinière de lion accentue l'aspect exotique du roi venu d'Arabie.
Balthasar est un jeune poupin vêtu d'une tunique au dessus d'une pelisse. Il n'a pas ni le visage noir ni la boucle d'oreille habituelle au roi d'Asie ou d'Afrique. Il tient un vase rempli de myrrhe, qui honore le Christ comme Rédempteur victorieux de la mort.
"On emploie beaucoup le jaune d'argent, au revers des pièces, pour ponctuer d'or les surfaces très blanches des vêtements, ou de l'architecture, pour colorer les cheveux et barbes, détailler les objets (cordelettes des coussins, orfèvrerie, livres), pour fixer une couleur supplémentaire sur les supports bleus (gazons fleuris d'ancolies et de violettes, cordelettes des coussins) ou mauves (boutons du costume de Jessé). Le degré d'intensité du jaune d'argent varie de manière à offrir trois variantes de tons." (C. Block)
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Adoration des Mages, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Adoration des Mages, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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REGISTRE SUPÉRIEUR. DORMITION ET COURONNEMENT.
Dormition et Couronnement de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Dormition
A la mort de la sainte Vierge, les douze apôtres sont présents; saint Pierre asperge le corps d’eau bénite, saint Jean tient la palme .
La conservation particulièrement mauvaise de la cape mauve de l'apôtre laiise penser que ce verre a été doublé, le verre blanc tourné vers l'extérieur. (C. Block)
Dormition de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Dormition de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Christiane Block tente de décrire un style propre à un "Maître de la Dormition de Vieux-Thann" :
"Visage, cou, auréole étirée vers le haut, sont généralement décrits sur la même pièce de verre et détaillés par la seule grisaille ou le jaune d'argent. Les traits féminins sont plus durs que ceux du groupe précédent (Naissance de la Vierge) ; l'ensemble est moins rond, les yeux moins saillants ; la bouche, aux lèvres bien séparées par une ligne horizontale, prend une expression plus virile. Les ombres sont principalement indiquées par des hachures verticales. L'artiste qui exécute ces visages séduit surtout par la diversité des expressions qu'il prête aux Apôtres, l'observation de leurs gestes : les Douze sont tous différents, avec des visages familiers comme ceux de Jean et de Pierre, mais d'autres aussi, inattendus et intrigants, comme celui de l'apôtre dont on ne voit plus guère qu'une paire de sourcil, celui de l'extrême droite aux yeux d'ascète et à la bouche immense, celui enfin qui enfouit son visage dans ses mains. L'artiste révèle son goût pour les profils. Sans aucun doute exécuta-t-il aussi le groupe des rois mages : on y retrouve son penchant pour la description fine d'un ensemble d'éléments importants réunis sur une même pièce de verre, son attirance aussi pour les gestes inhabituels, (profils comme dans la Dormition), ou intimes, voire même son goût pour l'insolite peut-être, si l'on veut bien se laisser aller à contempler l'étrange visage du mage montrant l'étoile."
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Dormition de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Couronnement de la Vierge.
"Au couronnement, Dieu le Père et Dieu le Fils reposent les pieds, chacun sur un globe transparent comme du cristal, dans lequel on distingue des rochers émergeant de la mer. " (Staub
Couronnement de la Vierge, baie n°7, Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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Couronnement de la Vierge, baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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SOMMET DE LA LANCETTE.
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Sommet de la baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
Anges thuriféraires, sommet de la baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
Ange thuriféraire, sommet de la baie n°7 , Vigne de Jessé et Vie de la Vierge (1466), église Saint-Dominique, Saint-Thann. Photographie lavieb-aile.
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ÉTUDE ICONOGRAPHIQUE (C. BLOCK).
1. Recherche des Sources :
a.Le vitrail du chœur de la Collégiale de Berne (1448- 1451)...
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/67/Berne_cath%C3%A9drale_verri%C3%A8re_du_choeur.jpg
... est comparable à celui de Vieux-Thann par le fait que les sarments d'une vigne de Jessé entourent des épisodes de la Vie de Jésus (et, par la même, certains épisodes de la Vie de Marie). Mais il en diffère par un traitement typologique qui les mets en parallèle, de chaque coté de chaque médaillon, à des scènes de l'Ancien Testament.
b. La vigne de Jessé se retrouve au XIIIe :
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dans les vitraux des Dominicains de Strasbourg replacés dans la chapelle Saint-Laurent de la cathédrale.
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dans la fenêtre axiale de Saint-Dionys d'Esslingen.
c. Enluminures représentant Jessé :
http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_2=SUJET&VALUE_2=JESSE
d. Pour la Dormition :
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Note personnelle :
Cette originalité du vitrail de Vieux-Thann, qui consiste à remplacer, au dessus de Jessé endormi, les rois de Juda, et latéralement, les prophètes, par des scènes de la vie de la Vierge trouve une origine précoce (troisième quart du XIIe siècle) dans la verrière de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Tours, qui associe aux rois David et Salomon dix scènes de la Vie de Jésus et de Marie.
http://www.lavieb-aile.com/2016/06/la-verriere-de-l-arbre-de-jesse-de-la-cathedrale-de-tours.html
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2. L'analyse technique et stylistique de Christiane Block.
Le style de cette verrière n'est pas homogène. Christiane Block y a reconnu le style de deux artistes :
—De l'un dépendent la conception générale de l'œuvre et donc probablement les cartons. Sa composition reste archaïque et traditionnelle et son style se situe dans la lignée de certaines peintures sur bois du milieu du xve siècle, marquées par l'influence de Conrad Witz. Elle le désigne comme le "Maître principal de la Vie de la Vierge du Vieux-Thann".
— De l'autre, relève principalement l'expression d'un style plus affirmé et plus original, dans lequel nle dessin tient une place importante pour tout ce qui touche aux contours, aux attitudes, à la technique Collaborateur du Maître principal, il lui fut réservé, en raison de son habileté supérieure, les personnages aux attitudes plus tourmentées et les portraits. On pourrait l'appeler le « Maître de la Dormition ».
Le style de cette verrière développe les tendances apparues en 1455 dans les vitraux du bas-côté nord de la collégiale de Thann. En fait les parentés stylistiques les plus évidentes s'établissent avec un vitrail typologique de la collégiale de Berne (1448- 1451) et celui de la Genèse, à Zetting (1434-1447). Le « Maître principal » est très proche de l'artiste qui exécuta le retable Lösel (Musée historique de Mulhouse) : la scène de la Dormition de la Vierge en est une transposition si fidèle que Christiane Block se demande si le peintre du Retable n'a pas conçu le vitrail de Thann. Quant au « Maître de la Dormition », il s'identifie peut-être avec l'artiste qui exécuta la Dormition de la Vierge entre 1464 et 1466 pour l'église de Bourguillon (aujourd'hui au Musée historique de Bâle).
Ainsi "le peintre du retable Lösel a conçu tout le vitrail de la Vie de la Vierge qu'il exécuta en grande partie. Il fut aidé dans sa tâche par le « Maître de la Dormition » qui travaillait à la même époque aux vitraux de Bourguillon, que l'on a souvent attribués à Michel Glaser"
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La Dormition du Retable Lösel (Musée historique, Mulhouse) volet droit Photo Claude Menninger:
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SOURCES ET LIENS.
— BLOCK (Christiane), 1970, "Le vitrail de la Vie de la Vierge de Vieux-Thann et sa place dans la peinture du Rhin supérieur, au XVe siècle", Revue de l'art, 1970, n°10, p. 15-29, 19 fig.
— ERLANDE-BRANDENBURG (Alain), 1971, . "Le vitrail de la Vie de la Vierge de Vieux-Thann". In: Bulletin Monumental, tome 129, n°3, année 1971. pp. 209-210; http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1971_num_129_3_7145
— ROUGE (Charles), Vitrail à Vieux Thann 1466 -- 1909 -- images. ... Image; Vitrail à Vieux Thann 1466 Rouge, Charles. Illustrateur
—STRAUB (A), 1876, "L'église du Vieux-Thann et ses vitraux". Bulletin de la Société pour la Conservation des Monuments Historiques d'Alsace — 2.Sér. 9.1874/75(1876)
http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/bmha1874_1875/0243?sid=34baebc67984a814e45186a9fe9c5b33
— Base Palissy : http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palsri_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=IM68001346
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http://www.ville-thann.fr/Culture-Tourisme-Patrimoine/Histoire/Personnalites-illustres/WOLFACH-Nicolas/(language)/fre-FR