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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 21:07

La maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile à Briec (29).

  Merci à René Pétillon président du Comité de sauvegarde, qui m'a accueilli durant la Journée du Patrimoine, et qui projette de faire installer (vers 2015-2016) un vitrail dans la baie 2. Les cartons en sont d'Hortense Damiron (Malakoff). Le projet a obtenu le grand prix "Pélerin" du patrimoine et une aide de 3000 €. 


Baie 0 ou Verrière du Calvaire et de sainte Cécile.

Datation : vers 1500 et 2ème quart XVIe siècle (ensemble remanié vers 1540 ?).

Quatre lancettes trilobées et tympan à 3 ajours et six écoinçons.

Hauteur :3,50 m largeur 2,50 m

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                            LES LANCETTES.

N.b la partie la plus basse est cachée par l'antependium.

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1) Lancette A ( de gauche) :

la Vierge, manteau bleu servant de voile, robe pourpre,  dans une niche à dais gothique important, socle intégrant une inscription de datation [mil] VccX (Gatouillat 2011 ; non retrouvé lors de ma visite, ni par Le Bihan en 1980). Panneaux partiellement restaurés, avec des fragments interpolés (panneau du buste vers 1500, complétement moderne en dessous).

 

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2)  lancette B :

Christ en croix (tête traitée à la sanguine), entouré de deux anges en prières* debout sur des colonettes. tertre avec des ossements d'Adam  (vers 1540, peu restauré). Le panneau inférieur est moderne.

*Ces deux anges sont accompagnés d'une pièce de verre bleu ; n'étaient-ils pas d' anges recueillant le sang du Christ, remaniés ?

— Le restaurateur J.P. le Bihan fait remarqué que les deux os du pied de la croix sont sertis "en chef d'œuvre" (sans que la pièce ne soit reliée par des plombs aux autres plombs : elle est sertie dans le verre qui la reçoit).

— Le panneau 2 (au dessus du crâne) porte une vue de paysage urbain (Jérusalem) à l'arrière-plan.

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3) Lancette C :

  saint Jean, très restauré. Notez le damassé de la robe dorée (et les deux boutons à l'échancrure), et le mantelet pourpre à col et à manches d'hermine, inhabituel. Cela suggère, fort judicieusement à mon sens, à J.P. Le Bihan qu'il s'agit du portrait d'un donateur, dans l'attitude habituelle de l'orant mains jointes.

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 La belle tête est finement peinte, la grisaille étant hachurée comme par une technique de graveur. Selon Gatouillat et Hérold, elle a été refaite au XIXe siècle Le Bihan fait remarquer la courte barbe ; il ne peut s'agir alors de saint Jean.

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                         313c

4) Lancette D :

sainte Cécile avec l'orgue portatif à sept tuyaux et la palme du martyre, debout dans un édicule identique aux lancettes A et C . Daté vers 1500, restauré au XIXe siècle, et en 1981 (date en bas à droite) notamment la tête ; instrument ancien. Manteau rouge à fermail en pierrerie bleue;  robe dorée au damassé identique à celle de saint Jean. Le fond bleu est aussi damassé.


                              287c

TYMPAN.

Trois écus modernes fantaisistes (1981). Écoinçons marqués d'un monogramme IMAS au cœur transpercé de clous, et à la croix.

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Restaurations.

— Le vitrail a été restauré vers 1840 par le verrier quimpérois Cassaigne (Le Bihan).

—La verrière n'a pas été déposée pendant la Guerre de 39-45.

— Elle a été restaurée en 1981 par le maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan qui en donne l'état avant restauration sur son blog.

Sources et liens.

— ABGRALL (Jean-Marie) 1890 "Chapelle de Sainte-Cécile, en Briec", Bulletin de la Société archéologique du Finistère t. XVII Quimper p. 260-264. 

  — ABGRALL (Jean-Marie), PEYRON, 1903, "Sainte-Cécile", « Eglises et chapelles » , Bulletin de la Société archéologique du Finistère t. XXX p. 148 

— GATOUILLAT (Françoise) HÉROLD (Michel) 2005 Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum recensement VII, Presses Universitaires de Rennes, 361p, pages 120-121.

— LE BIHAN (Jean-Pierre), 1980 ? Blog http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-7047662.html

WIKIPEDIA Chapelle Sainte-Cécile


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Published by jean-yves cordier
21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 19:54

La Communion de Judas : antependium devant d'autel du XVIIe de la chapelle Sainte-Cécile à Briec (29).

Classé au titre d'objet MH le 14 novembre 1991.

Datation : première moitié du XVIIe.

La Communion de Judas ! Je me souviens avoir découvert ce thème iconographique en avril dernier sur la maîtresse-vitre de Lanvénégen (Morbihan) puis de l'avoir retrouvé sur les stalles de la sacristie de la cathédrale du Mans. De l'avoir évoqué devant ces Cènes où Judas tend la main vers le même plat que Jésus, révélant ainsi sa trahison. Mais je le retrouve sur un antependium ("devant d'autel") du 17e siècle conservé dans la chapelle sainte-Cécile de Briec (Finistère).

 Le 'antependium devant d'autel en question est un panneau de bois polychrome de 2,20m de large sur 0,74m de haut, sculpté en bas relief et actuellement placé au dessus de l'autel, sous la maîtresse-vitre.

 Cette Cène mérite un examen détaillé (cliquez pour agrandir) ; Jésus se détache nimbé sur un linge tendu derrière lui, et Jean tel un garçonnet s'est glissé entre ses bras. A la droite du Seigneur, Pierre sans-doute en discussion avec un autre apôtres. Car les douze sont réunis en groupe de deux, sauf Jean, et sauf Judas. On voit que le groupe est surpris en pleine agitation, et les disciples font de grands gestes expressifs avec leurs grosses mains de pêcheurs ; c'est que Jésus vient de leur annoncer que l'un d'entre eux va le trahir, et chacun témoigne de sa surprise, proteste auprès de son voisin de son innocence, et évoque mezzo voce ses soupçons. Six d'entre eux ont encore la serviette autour du cou, car ils sont en plein repas comme en témoignent les coupes et les cruches ainsi que l'agneau pascal dans son plat.

 

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Mais au centre, il y a cette diagonale tracée par les bras rouges du Christ, qui isole dans un face-à-face Jésus et Judas, avec Jean entre eux deux. Jésus tend une bouchée de pain (que l'artiste a représenté rond comme une hostie), et Judas, surpris de se voir démasqué par ce geste, cache la bourse aux trente deniers derrière son dos. Devant lui, le couteau pointe sa lame vers le traître.

Plus tard, il y aura le "baiser de Judas". Deux moments complexes et troublants où le face-à-face de l'innocent et de son ami et traître s'associe avec un moment fort de l'intimité. Donner à manger. Recevoir la nourriture. Embrasser. Recevoir le baiser. Savoir, des deux cotés, que le pire est commis, et que la condamnation à mort est engagée. 

 

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Rappel :

1) à Lanvénégen (vers 1510-1525):

Voir  Le vitrail de la Passion de Lanvénégen (56). avec sa discussion iconographique.

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2) Au Mans, stalles de la sacristie (première moitié XVIe siècle):

Les stalles de la sacristie de la cathédrale du Mans.

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Published by jean-yves cordier
20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 19:36

 

La bannière de Annaïg Le Berre à la chapelle de Ty Mamm Doué, paroisse de Kerfeunteun à Quimper.

 

  Annaïg Keriven-Le Berre est une artiste aux dons multiples (illustratrices de livres, auteurs de pastels, de dessins à la mine de plomb, de poèmes illustrés et mis en musique) mais qui, par sa formation de licier à Angers en haute et basse lisse*, est particulièrement connue pour ses création de tapisseries brodées. Née le 23/03/1947 à Morlaix, elle eut longtemps un atelier d'Art sacré à Saint-Pol-de-Léon, à l'ombre de la cathédrale, et, si je comprends bien, à l'Île Callot de Carantec. Son Atelier d'Art Annaïg est désormais installé à Taulé, rue de la Corniche devant la baie de Morlaix.  

*La première technique permet un travail sur l'endroit de la tapisserie, en vertical, la seconde permet un travail sur l'envers sans voir le travail réel, à l'horizontal ; l'artiste mixte ces techniques.

« Ma technique, explique-t-elle, c'est la broderie sur lin. Je crée d'abord mon dessin, que je brode au passé-plat, puis par-dessus au point de Bayeux. Je peins les visages à l'huile, j'ai repris cette idée des bannières processionnelles. Je trouvais très difficile d'obtenir quelque chose de satisfaisant autrement ». (Ouest-France 5-12-2013)

 

 

 

Après avoir travaillé pour le Père Abjean au service de la chapelle Notre-Dame de Callot  (antépendium, chasuble, étole ..) en 2010, elle a réalisé une bannière  pour la chapelle Saint-Etienne de Monistrol d'Allier ; mais c'est en 2012-2013, à la demande du Comité d'animation de la chapelle de Ty Mamm Doué (Maison de la Mère de Dieu), qu'elle a brodé les deux faces de la nouvelle bannière de procession, qui a été inaugurée lors du pardon du 7 juillet 2013.

Mesurant 1,40m sur 0,80m, elle a demandé pas moins de six cents heures de travail !

 

1) Le recto représente SANTEZ MARI MAMM DOUÉ, la sainte Mère de Dieu (dont la forme bretonne Mamm Doué souligne la grande tendresse maternelle), une Vierge à l'Enfant librement inspiré de la statue vénérée dans la chapelle. On remarque cette technique du visage peint qui confère par ses modelés une présence et une expression presque photographique.

Mais Mamm Doué tient aussi dans ses bras les paroissiens qui mènent leur procession de Pardon du premier dimanche de juillet dans leurs beaux costumes traditionnels, portant la Croix et les Bannières. 

Cliquez pour agrandir.

                  bannieres-ty-mamm-doue 0625c

 

 

Les couleurs marient "le brun de l'Argoat et le bleu de l'Armor", avec une belle palette de bruns, ocres, vert-brun, brun-roux, etc. Mais l'oiseau est, avec le visage féminin, un motif récurrent de l'artiste, évocateur de vie, de légèreté, de chant et d'élévation.

bannieres-ty-mamm-doue 0589c

 

La bordure qui reste dans ces tons neutres d'humus en les mariant à divers gris argentés montre deux oiseaux et des feuilles de chêne ou à leurs glands, et ceux qui se sont rendus à Ty Mamm Doué comprennent bien pourquoi. 

 

2) Le verso  porte l'inscription TAD MANER.

"Tad Maner", c'est ainsi que l'on désigne en breton le père Julien Maunoir, O.P (1606-1683), l' "apôtre de la Bretagne" qui l'évangélisa au pas de charge en 400 missions. Et ces missions, que j'ai déjà décrite dans mon article sur Kerlaz  Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 1ère partie..  n'étaient pas des promenades pieuses, mais de vrais opérations concernant plusieurs paroisses, faisant appel à de très nombreux prêtres chargés de confesser en continu pendant des journées entières, utilisant le support pédagogique de tableaux présentant les tourments de l'enfer qui menaçaient les récalcitrants ( ces tableaux nommés Taolennou et testés avec succès par le père Michel Le Nobletz) et s'achevant par une dramaturgie de la Passion. 

Or, le Bienheureux (il fut béatifié en 1951), s'il parlait latin et grec qu'il enseignait au collège de Quimper, ne parlait pas le breton, car il était né en pays gallo. Il s'est donc mis à apprendre le breton avec une telle détermination qu'il deviendra bientôt l'auteur en breton  d'un catéchisme et dès 1641 d'un recueil de cantiques dont le titre seul montre les progrès accomplis : "Canticou spirituel hac instrutionou profitable evit disqui an hent da vont dar Barados. Composed gant an Tat Julian Maner Religius eus ar Gompagnunez Iesus, corriget ganta a nevez en Edition pemzegvet man".

 Où ce diable d'homme trouvait-il ces capacités ? Quel était son truc ? 

  Ici, chacun sait qu'un jour qu'il s'était rendu, quittant son Collège pour une sainte escapade, à la chapelle de Ty Mamm Doué (dont il ne savait même pas encore traduire le nom) pour confier à Marie son ambition de s'inscrire à des cours de breton, un ange apparut pour poser un angélique index sur ses lèvres : aussitôt, Julien Maunoir se sentit transformé ; et montant en chaire dans la chapelle vide, il improvisa son premier prêche en breton avec autant d'aisance qu' un apôtre ayant reçu le Paraclet. La preuve : Diapo.

                                          

 

La chapelle, qui s'enorgueillit à juste titre d'avoir été le lieu d'élection de la Mère de Notre-Seigneur pour réaliser ce miracle, se devait de rendre hommage sur sa bannière au père des Missions. Comme l'ange est remplacé dans les récits locaux par une Colombe du Saint-Esprit, c'est donc le Père Maunoir et sa colombe qui figurent, au dessus de la chapelle, sur l'autre face de la bannière. Lui aussi est entouré par la procession en drap bleu et coiffes blanches.

 

 

                    bannieres-ty-mamm-doue 0585c

 

                              bannieres-ty-mamm-doue 0588c

 

 

3) Depuis sa première participation au pardon de juillet 2013, la bannière claque fièrement au vent à chaque grande occasion, soit sur son terrain, soit en déplacement, comme ici au Pardon de Kerdévot où je l'ai admirée.

 

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                             412c

 

MG 7950c

 

Proposition 1 : Une bannière est une tapisserie brodée.

Une bannière relève, dans sa période de gestation, de la fusion de trois éléments : le travail des doigts ; celui du cœur qui y infuse l'art et l'esprit ; et le temps passé.

a) la main.

Annaïg Le Berre emploie le point passé et le point de Bayeux. Le point passé plat sert au remplissage : il peut être droit ou oblique, repiqué ou empiétant. Voyez La-boutique-du-tricot ou Marie-Claire. Le point de Bayeux semble plus compliqué bien que ce soit aussi un point de remplissage : il "se fait à trois temps après le point de tige "point lancé, barrettes et picots". N'essayez pas sans placer la trousse de pharmacie à proximité.

 Les doigts et le temps marchent de pair, et rien n'est plus beau pour en parler que notre mot d'ouvrage  : ces travaux d'aiguille de femmes au Cœur simple (Flaubert : "Madame Aubain, assise, travaillait à son ouvrage de couture") mais qui évoquent la patience de Pénélope. Quoiqu'ayant la même étymologie (le latin opus, eris —avec la tonalité musicale qu'a pour nous le mot "opus"), que le mot "œuvre",  "ouvrage" a pris une direction féminine, modeste et laborieuse ; maintenu tout près du corsage, l'ouvrage s'est naturellement allié au cœur. "Avoir le cœur à l'ouvrage".

Pour le temps, les comptables veulent toujours connaître le nombre d'heures passées. — 600 heures. — Ah, c'est beaucoup! disent ces amateurs de quantités, de kilogrammes, de kilomètres-heures et de productivité. Plusieurs mois. Mais ce temps-là ne se compte pas, et celle qui a déjà brodée sait qu'elle n'a pas vu le temps passer. Temps s'arrête et regarde par dessus votre épaule.

 

 b) Le cœur

  Le cœur, c'est précisément ce qui ne se voit pas quand le travail avance au ras du tapis, mais qui pénètre point après point. Disons que dans une bannière, le travail manuel est le fil de chaîne, et l'élan sacré son fil de trame : le motif spirituel n'est révélé que lorsque l'on lève le nez pour un recul qu'on espère salutaire.

Je n'omets pas les yeux, mais ils sont du coté du cœur, et il suffit de voir les yeux d'Annaïg Le Berre sur une vidéo pour que cela soit une évidence.

 

Proposition 2 : une bannière n'est pas une tapisserie brodée.

Sitôt échappée de l'atelier, la bannière renie son ancien statut et rentre en communauté. Elle y fera tapisserie pendant de longs mois entre les murs humides d'un sanctuaire, mais dans un état d'hibernation pendant lequel elle s'absente dans l'Ailleurs. 

 Jeune, saturée d'énergie spirituelle par sa brodeuse, elle ne pense qu'à s'élever et s'échapper vers les beaux cieux bretons et ses nuages du rêve. Il faut la dresser.

 Et on la dresse sur une forte hampe, et les porteurs la tiennent serrée par les cordons tressées de sa traverse. Il faut apprendre à voler à deux mètres du sol, s'habituer aux foules ou aux canticou du Père Maunoir. Elle doit se faire à son rôle d'étendard, devenir le point de convergence des regards et le point de ralliement d'une paroisse. Elle relève désormais de la vexillologie, c'est tout dire. Elle doit aussi apprendre "le salut des bannières" lorsqu'elle croise l'emblème d'une autre paroisse.

 Elle, une tapisserie ? Plutôt l'étrange alliance d'un cerf-volant à ailes courtes, d'une icône et d'un drapeau.

Du point de Bayeux, elle est passée au Point d'orgue. Une sacrée aventure.

 

 

 

                                        ANNEXE.

Dom Guy-Alexis Lobineau Les vies des saints de Bretagne et des personnes d'une éminente piété qui ont vécu dans cette province Rennes, 1725

  "A un quart de lieue de Quimper, assez près du chemin de Châteaulin, il y avait une chapelle dédiée à la sainte Vierge, et appelée en breton Ti-Mam-Doué, c'est-à-dire Maison de la Mère de Dieu, où les professeurs du collège menaient tous les ans leurs écoliers en pèlerinage pour les mettre sous la protection de Marie. Maunoir, allant à cette chapelle, se trouva l'esprit uniquement occupé de tout ce que le Père Bernard lui avait dit du besoin qu'avait la Basse-Bretagne d'ouvriers évangéliques. Une vue intérieure lui représenta les diocèse de quimper, de Tréguier, de Léon, et de Saint-Brieuc, comme une carrière ouverte à son zèle ; et dans le moment il sentit former dans son cœur la langue bretonne. Arrivé à la chapelle, avec ces mouvements qui lui faisaient une douce violence, il s'offrit à Dieu qui l'appelait, et le supplia, puisqu'il le destinait à l'instruction de ces peuples, de lui apprendre à parler leur langue. Il s'adressa ensuite à la sainte Vierge, et il lui dit avec confiance : « Ma bonne Maîtresse ! Si vous daigniez m'apprendre vous-même le breton je le saurais en peu de temps, et je serais bientôt en état de vous gagner des serviteurs. » Après cette prière, Maunoir rendit compte de ses dispositions au Père Bernard, et l'assura qu'il apprendrait la langue du pays, aussitôt qu'il aurait eu la permission. On la demanda pour lui : elle lui fut donnée le jour de la pentecôte, jour auquel les apôtres avaient reçu le don des langues ; après huit jours seulement d'étude, il parla l'une des langues les plus difficiles au monde, assez bien pour pouvoir faire le catéchisme à la campagne, et au bout de quelques mois il s'exprimait en breton si parfaitement q'il prêchait en cette langue sans préparation.

Comme c'était dans la paroisse de Cuzon, où est située la chapelle Ti-Mam-Doué, qu'il avait reçu les premiers mouvements de sa vocation, ce fut elle aussi qui eut les prémices de son zèle ; et pour rendre en quelque sorte hommage à la Mère de Dieu d'un bien qu'il reconnaissait tenir d'elle, il commença à catéchiser en breton dans la chapelle même. Après avoir instruit Cuzon, il passa aux chapelles voisines, et ne pouvant, à cause de sa classe, leur donner que les fêtes et les dimanches, il en instruisait deux par jour en faisant le catéchisme dans l'une le matin et le soir dans l'autre. De cette sorte, en deux mois, trois paroisses qui contenaient chacune plus de deux mille personnes, se trouvèrent suffisamment catéchisées."

 

 

Liens et sources :

— Blog du Comité d'animation :http://tymammdoue.canalblog.com/

— http://leberreannaig.blogspot.fr/2008/06/bannire-de-saintetienne.html

 

— http://leberreannaig.blogspot.fr/2010/03/art-sacre.html

 

Ouest-France 18 juin 2013 

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Published by jean-yves cordier
19 septembre 2014 5 19 /09 /septembre /2014 21:02

Les bannières, c'est comme les papillons. Le Grand Pardon de Kerdévot.

I. Les bannières d'Ergué-Gabéric.

Lorsqu'en avril dernier j'ai découvert dans l'église d'Ergué-Gabéric, ouverte à mon intention mais sombre, déserte et froide encore au début d'un timide printemps, les bannières de la paroisse adossées aux murs,   Les bannières de la paroisse d'Ergué-Gabéric (29) : Tonkin!, j'étais comme un entomologiste découvrant dans un Cabinet de curiosité les tiroirs d'une collection de lépidoptère et s'émerveillant devant des espèces rares ou non encore décrites : passionnantes, certes, mais poussièreuses, à demi-grises . Mortes entre quatre épingles.

  Imaginez le même chasseur de papillon batifolant le nez au vent et découvrant à la mi-septembre une trentaine d'Azurés Porte-queue (Lampides boeticus) butinant un massif de pois de senteur en compagnie de papillons des paroisses voisines comme la Grisette,  l'Azuré de la Bugrane ou le Collier-de-Corail, chacun dans son costume aux couleurs de son "pays" et certains en couple (le papillophile dit : "in copula"), et d'insectes invités à goûter le nectar nouvellement tiré comme la grosse abeille charpentière Xylocopa violacea, ou la non moins grosse abeille solitaire Megachile maritima

  Ce serait pour lui une toute autre fête.

  C'est exactement avec la même fébrilité festive et gourmande incapable de savoir où donner de la tête que je me suis rendu au Pardon de Kerdévot, la chapelle la plus fameuse d'Ergué-Gabric ; elles étaient toutes là, les bannières vertes de Kerdévot ou de Fatima, la bannière rouge de Saint-Michel et celle de Notre-Dame de Kerdévot, la rose bonbon d'Itron Maria Kerdevot, et, bien-sûr, la bannière cerise du Tonkin, accompagnée de formes juvéniles encore blanches pour les petits enfants.

D'abord, elles avaient été rassemblées sur un tréteau où, comme les chevaux du Palio de Sienne avant le départ de la course, elles piaffaient dans l'air chaud de l'après-midi (la Procession était prévue à 15 heures), entourées de leurs équipes qui les étrilaient ou redressaient un ruban, ajustait un flot de cannetilles rebelles. Et les Jockey se préparaient aussi, fiers d'arborer les couleurs de leur Quartier !

 

 


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Comme leurs couleurs étaient plus vives ! Comme  la Vierge s'était faite belle ! Comme la soie brillait !  Et comme le Jésus battait des mains et riait !

 


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Je découvrais des bannières que je n'avais pas vu, ou dont une face m'était restée cachée : comme cette Anne éducatrice avec son inscription D'HOR MAM SANTEZ ANNA.

Celle-ci est le titre d'un cantique D'hor Mamm Santez Anna / D'an Itron Varia / D'hor Salver benniget / Ni vo fidel bepred  "A notre Mère Sainte Anne, à Marie, Notre-Dame, à notre Sauveur béni, nous serons toujours fidèles"

 


 

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J'en retrouvais d'autres avec l'émotion des retrouvailles, parce que, une seule fois, j'avais planché à en décrypter les énigmes :


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Celle-ci, dédiée au Sacré-Cœur en souvenir de la Guerre 1914-1918, était un travail de broderie magnifique :

C'est l'envers de la bannière de Saint-Michel.


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Celle-là portait dans sa sobriété toute la souffrance des Prisonniers de la Guerre 1939-1945 :

ERGUE VRAZ ANAOUDEGEZ VAD TUR

 FND PRIZONNIER A.P 1945.

"Ergué-Gabéric Reconnaissance éternelle"

C'est l'envers de la bannière de Fatima.


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Ah ! Le Tonkin 1885 ! Toute une histoire !

 

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Et la bannière de saint Guinal, que je n'avais pas vu à l'église car elle est l'envers de celle Notre-Dame de Kerdévot :

SANT GUINAL HOR PATRON PEDIT EVIDOMP 

"Saint Guinal notre patron Priez pour nous".

La bannière porte, outre les couleurs de la Bretagne,  les armoiries d'azur à trois épis de blé d'or, tigés et à la feuille ployée d'argent de Mgr François-Virgile Dubillard (1900-1907). La devise du prelat Deus adjuvat me et son cri Qui seminat in benedictionibus n'y figurent pas.

A droite se trouvent le monogramme CS qui reste à déchiffrer (Christus ?).

 En bas, deux initiales P.N. "(probablement N comme Nédélec :  La bannière fut l'objet d'une donation de François Nédélec de Kergoant après un vœu d’intercession au début de la dernière guerre mondiale pour la protection des soldats membres de la famille." (grandterrier.net). 


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L'équipe de porteurs de cette bannière pour 2014 est composée de paroissiens aux noms bien bretons :


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Mais lorsque sur le signal d'un maître de cérémonie (le "Fabricien"), elles prirent leur envol, ah mon vieux, quel spectacle ! Poussées par la brise, battant l'air chaud de leurs ailes rutilantes, maintenues avec peine par des manœuvriers qui en tempéraient l'enthousiasme en ajustant leur orientation, elles se poursuivaient avec ferveur, s'inclinaient, bondissaient et parfois, sous l'effet d'un changement de porteur, tressautaient pour mieux repartir dans la danse, engaillardies par un cantique, ennivrées d'encens et de l'odeur mielleuse des cierges et, surtout, ivres de la sève d'une liberté nouvelle.

Les hommes, cette excitation animale et guillerette les génaient, et ils la tempéraient d'une gravité majestueuse et recueillie. 

 

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  Mais cette gravité n'atteignait ni les jeunes générations, ni les femmes de la commune.

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Outre les porteuses de bannières, il y a aussi les porteuses des brancarts des statues de la Vierge.

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Les Gabéricois et Gabéricoises ont invité bien-sûr à leur pardon les paroisses de Cornouailles : on y rencontre Elliant, Kerfeunteun avec la nouvelle bannière de Ty-Mamm-Doué, Quimperlé, Pouldavid. Etc...

Quelques photos en pêle-mêle des beaux costumes.


 

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Published by jean-yves cordier
19 septembre 2014 5 19 /09 /septembre /2014 11:55

L'Arbre de Jessé de l'Abbaye de Saint-Riquier (XVIe siècle).

 

Voir dans ce blog lavieb-aile les articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Les sculptures :

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

 

 

Vue de la façade et de la tour Wikipédia

Image illustrative de l'article Abbatiale de Saint-Riquier

  L'Arbre de Jessé de Saint-Riquier occupe le tympan du portail occidental, de l'ancienne abbaye bénédictine de Saint-Riquier, fondée dans la première moitié du VIIe siècle. L'abbaye fut incendiée en 1131, reconstruite par l'abbé Gilles de Machemont (1257-1292) ruinée successivement par les Bourguignons et par les Armagnacs en 1421, puis incendiée à nouveau en 1475 et 1487. Elle est alors reconstruite par l'abbé Eustache le Quieux et son successeur Thibaut de Bayencourt avant d'être incendiée en 1554 par le fils de Charles Quint, le futur Philippe II ; elle resta ruinée jusqu'à la seconde moitié du xviie siècle , où elle fut presque entièrement restaurée dans par l’abbé Charles d'Aligre.

   Afin de dater cet Arbre de Jessé, je retiens que la façade occidentale et sa tour sont dues  à l'abbé Thibaut de Bayencourt qui y plaça ses sculptures entre 1511 et 1536 lorsque l'ancienne façade fut remplacée. De part et d'autres de la grande accolade qui surmonte le tympan, sont figurés les deux abbés Eustache le Quieux (1479-1511) et Thibaut de Bayencourt (1511-1538), tous 2 agenouillés et priants.

J'en déduis la datation 1511-1536 pour cet Arbre. Il relève, au seuil de la Renaissance, du gothique flamboyant, sous le règne de Louis XII et de François Ier.

Afin de préciser maintenant le contexte iconographique de la façade afin de placer l'Arbre dans un programme théologique  cohérent, je prends note que sur la grande accolade qui couronne le portail central, se trouve une représentation de la Trinité sous forme d'un trône de Gloire. De chaque côté, les statues de dix apôtres sur deux registres. Au sommet du grand gâble est sculpté le Couronnement de la Vierge. En haut du clocher, Saint Michel avec à sa droite Adam et Eve et à sa gauche Moïse et Élie. 

Je note aussi que le tympan du portail sud est décoré de sculptures se rapportant à l’histoire de la Vierge Marie, on y voit Anne et Joachim, la Nativité de Marie, l’Annonciation, la Nativité, l’Adoration des Mages.

Le programme donne donc la première place à la célébration de la royauté de la Vierge (Jessé + Couronnement + ascendance davidique d'Anne et Joachim + adoration des Rois).

 

Le tympan est traité comme celui d'une verrière, l'entrelacs des branches et les personnages qui y sont installés découpant des ajours comme le remplage d'une baie. Ces jours sont comblés par des verres losangés (et jadis, selon Juls Corblet, par des vitraux peints. Ce fenestrage ajouré est, en soi, remarquable.

La dentelle de pierre était vraisemblablement peinte, et il faudrait imaginer le spectacle polychrome des manteaux rouges, bleus ou jaune, celui des parures à l'or scintillant, des carnations tendres et des cheveux blonds ou bruns parcourus par le vert déploiement des branches et des feuillages.

arbre-de-Jesse 5001c

 


II. L'axe central : Jessé / la Vierge à l'Enfant.

                            arbre-de-Jesse 4986c

Jessé.

"Suspendu devant lui un écusson aux armes de France, dont les fleurs-de-lis ont été effacées ; il ne reste que le cordon de l'Ordre de Saint-Michel".

                          arbre-de-Jesse 4987d

 

La vierge à l'Enfant.

  Elle est au centre d'une mandorle de rayons de feu, les pieds posés sur un croissant de lune : cette référence à la Femme de l'Apocalypse 12:1 ou Mulier amicta sole et luna sub pedibus ejus ("femme revêtue de soleil") confirme que cet Arbre de Jessé s'inscrit dans un culte de l'Immaculée Conception. Ce culte a été reconnue par le pape Sixte Iv en 1476 et affirmé comme dogme par les docteurs de la Sorbonne en 1496.

Malgré la corrosion de la pierre, on peut admirer la tenue vestimentaire somptueuse de la Vierge, son visage de statue antique, et sa luxuriante chevelure.

                            arbre-de-Jesse 4988c

 

Les six rois du coté droit.

Ils portent tous un collier  de chaînons rectangulaires comme emblême royal. Chacun est vêtu différement, mais souvent en seigneurs Renaissance, avec des tuniques courtes au dessus de jambes nues (ou recouvertes de chausses fines) 

Ceux-ci portent leur sceptre. 

         arbre-de-Jesse 4990c

 

arbre-de-Jesse 4991c

 

Le roi David, identifié à sa harpe, débute la série en bas et à droite de l'Arbre. Il est en position "de chevalier servant", un genoux à terre , en allégeance envers le Messie et sa Mère. Il porte une couronne.

 

arbre-de-Jesse 4992c

 

Les six rois (?) du coté gauche.

  Bien que les auteurs aient tous décrits douze rois répartis à droite et à gauche sur les ramures de l'arbre, un simple examen suffit à constater que seuls les personnages de droite portent des vêtements, des coiffures, des sabres ou les regalia propres aux rois. A gauche, les personnages portent des tenues ecclésiastiques et hébraïques antiques, des longues barbes (pour quatre d'entre eux), des aumônières, des franges rituelles, et adoptent des postures maniérés exemptes de noblesse. En un mot, ce sont des Prophètes. Bien-sûr, ils ne devraient pas apparaître sur les fleurons de l'Arbre comme des descendants de Jessé, qu'ils ne sont pas, et ils devraient se tenir à l'écart, comme dans les vitraux de Saint-Denis, Chartres, Soissons, le Mans, Beauvais du XIIe et XIIIe siècle. Mais pourtant, force est de constater la réalité des choses.

 

arbre-de-Jesse 4989c

 

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arbre-de-Jesse 4993c

 

 

 

 

Sources et liens.

 

— CORBLET (Jules) 1860  Etude iconographique sur l'arbre de Jessé, page 23.

— GILBERT (Antoine.Pierre-Marie) 1836  Description historique de l ́église de l ́ancienne Abbaye Royale de saint Riquier...page 68

 

 http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/striquier/pages/facade.html


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Published by jean-yves cordier
18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 21:12

La Vierge à la démone de la chapelle de Kerdévot.

La Bretagne est riche en statues de la Vierge terrassant une créature bestiale, et le docteur Thomas en son temps, puis  Hiroko Amemiya dans sa thèse puis son ouvrage Vierge ou démone en ont dressé un passionnant inventaire. Souvent associé à l'Arbre de Jessé, ce thème iconographique n'est qu'une des formules du culte de l'Immaculée Conception, dans lequel la Mère de Dieu apparaît en  Éve Nouvelle ayant vaincu la fatalité du Péché originel.

Voir :  Vierge et démone, et Immaculée Conception. Notre-Dame-de-Populo à Landudal.

La chapelle de Kerdévot en Ergué-Gabéric en conserve une version si policée qu'un coup d'œil trop rapide passerait à coté de la Bête écrasée sous son pied. Pourtant, elle n'est pas morte, l'infecte ophioïde aux écailles puantes, l'anguipède à la queue entortillée par les spasmes du vice : elle vous fixe de ses yeux rouge. On en admire que mieux la splendide maîtrise avec laquelle Marie, regard fier et serein, tient son Fils préservé du vert maléfice. 




                        MG 7881xc

 

 


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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 12:29

La bannière paroissiale de l'église Saint-Nicaise de Saint-Nic (29) par la maison Le Minor ; et les autres bannières. La dévotion des Trois Ave.

 

 

I. La bannière Le Minor 1990. 

Pour voir les autres bannières sorties de chez Le Minor : Les bannières Le Minor.

Cette bannière de procession a été réalisée en 1990 à l'initiative du recteur Jean-Louis Guéguen, sur un carton de l'artiste de Quimper  Pierre Toulhoat. Elle représente les deux statues placées dans le chœur de cette église.

1) On lit sur la face liée au patron de l'église "SAINT NICAISE PRIEZ POUR NOUS" ainsi que ANNO DOMINI 1990 Toulhoat à droite, PAROISSE SAINT-NIC Le Minor à gauche.

Ce saint porte la mitre, la crosse archiépiscopale et la plaque pectorale qui semble le désigner comme Saint Nicaise de Reims, alors que Saint-Nic vient du saint breton nommé Maeoc ou Mic, et que la paroisse est mentionnée dès le XIème siècle comme Plebs Sent Mic (au XIème siècle), Seinctnic (au XIVème siècle), Saint Vic (1410 à 1411),  et Saint Nic (en 1599). 

Cliquez sur l'image pour l'agrandir / Klikañ war an tresadenn evit brasaat anezhañ.

                    MG 7951c

 

      Le modèle s'en trouve à droite du chœur :

                      030c

 


2) Sur la face liée à la Vierge, on lit AVE MARIA et à nouveau A D 1990 à droite, complété par Le Minor / Toulhoat à gauche.

Le fond "bleu glazik" et les couleurs jaune et noir sont très bretonnes, de même que les motifs de broderie inspirés des costumes (cœur, arête de poisson).

La tête de la Vierge à l'Enfant est nimbée de neuf étoiles rapellalnt les douze étoiles de la Vierge de l'Immaculée Conception. L'Enfant, tenu sur le bras droit, porte un nimbe crucifère, il tient le globe (globus cruciger de la main gauche et trace une bénédiction de la main droite.

Les personnages sont entourés d'un rinceau aux fleurs de marguerite.

                     banniere 7973c

 

 

Le modèle est la statue placée à gauche du chœur :

J'y retrouve la coiffure caractéristique des Vierges bretonnes, ce voile blanc enrichi d'un filet d'or, qui plutôt que de couvrir le front, dégage au contraire cet élément d'élégance et ne recouvre que la partie occipitale de la tête ; puis, contourne la chevelure par l'avant en la rassemblant derrière la nuque. 

Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.

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Les autres bannières.

 

Bannière de Sainte Thérèse et de l'Immaculée-Conception.

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Bannière de Notre-Dame des Trois Ave Maria.

Cette bannière est très interéssante parce qu'elle témoigne de la vivacité à Saint-Nic de la dévotion mariale des Trois Ave Maria : celle-ci , déjà pratiquée par François d'Assise, remonterait aux révélations faites à Sainte Méthilde (1241-1297) et à la promesse de la Grâce de la Bonne Mort consignée dans le chapitre XLVII de la première partie du "Livre de la Grâce spéciale". A la  fin des années 1800, le Père Jean-Baptiste de Chémery, capucin du couvent franciscain de Blois, se fait l'ardent apôtre de la dévotion populaire aux " 3 Ave Maria ", qui repose sur la récitation quotidienne de trois "Je vous salue Marie" et fonde une Confrérie , approuvée en 1924 par le pape Benoit XV sous le nom de " l'archiconfrérie des 3 Ave Maria " ; néanmoins, on parle souvent  de " Notre Dame de la Trinité ", et en 1934 Pie XI utilisera ce vocable. En 1931, la construction d'une basilique est décidée à Blois : elle sera consacrée en 1949. Elle devient le Centre mondial de la dévotion aux Trois Ave Maria.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Notre-Dame_de_la_Trinit%C3%A9_de_Blois

Exista-t-il à Saint-Nic, ou dans le Finistère, des Confréries des Trois Ave Maria ? On trouve, dans La Semaine religieuse du diocèse de Quimper et de Léon 1921 page 773 le texte suivant :


 

Par un bref du 8 février 1900, Sa sainteté Léon XIII accorde une indulgence de 200 jours à tous ceux qui réciteront les Trois Ave Maria, matin et soir, en ajoutant une fois, cette invocation : « Mater mea, libera me hodie a peccato mortali » : O ma Mère, préservez-moi du péché mortel pendant ce jour, ou, le soir « pendant cette nuit ».

Par un bref daté du 5 décembre 1904, au lendemain des fêtes jubilaires du Dogme de l'Immaculée Conception, Sa Sainteté Pie X accordait 300 jours d'indulgence aux Trois Ave Maria du matin et du soir, à la condition d'ajouter après chaque Ave Maria, cette formule que saint Alphonse de Lignori recommandait spécialement aux personnes religieuses : « Per Immaculatam Conceptionem tuam, o Maria, redde purrum corpus meum et sanctam anima meam. »

Le 4 mai, le Pape Pie X accordait la bénédiction apostolique en faveur de ceux qui récitent la Neuvaine Efficace des Trois Ave Maria.

Enfin le 30 juillet 1921, Sa Sainteté Benoît XV, répondant favorablement aux vœux de 33 cardinaux, Archevêques et Evêques, élevait la confrérie au rang d'Archiconfrérie, lui conférant de précieuses indulgences et des privilèges particuliers.

L'archiconfrérie a comme organe 1°) Le « Propagateur des Trois Ave Maria »[...] 2°) Le « Petit Propagateur des Trois Ave Maria ». C'est une revue nouvelle fondée en 1905 pour instruire les enfants, les porter à la vertu, développer en eux la dévotion à la Très Sainte Vierge, leur apprendre à fuir le péché mortel, les récréer pieusement, et enfin leur faire aimer la pratique quotidienne des Trois Ave Maria, à laquelle est attachée la promesse de la persévérance finale ou de la bonne mort. 

 

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Bannière de sainte Anne.

Elle représente aussi un fort intérêt historique puisqu'elle est datée de la Mission de 1908. Elle représente Anne éducatrice et porte les inscriptions :

SANTEZ ANNA PATRONEZ BREIZH IZEL

"Sainte Anne patronne de Basse-Bretagne".

DALC'HIT . MAD . HO. PUGALE

Dalc'h mad signifie "tiens bon" : je traduis "Soutenez vos enfants".

Des croix de Mission 1908 ont été érigée à Locmélar et à Billio.

               016c

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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 21:42

La bannière Le Minor de Sainte-Anne-la-Palud.

 

Toutes les bannières Le Minor ? :   Les bannières Le Minor.

Les ateliers Le Minor de Pont-l’Abbé ont confectionné cette nouvelle bannière pour le centenaire du couronnement de la statue Sainte-Anne de la chapelle de Sainte-Anne-La-Palud à Plonévez-Porzay (Finistère). Elle mesure 1m18 par 1m60.

 

1) Recto : Anne éducatrice.

      Cliquez sur l'image pour l'agrandir / Klikañ war an tresadenn evit brasaat anezhañ.

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On sait qu'on nomme "Anne éducatrice" la représentation de la Mère de la Vierge lui apprenant à lire, le sens spirituel de cette scène trouvant son inspiration dans la lecture que font les deux femmes de l'accomplisszemnt des Écritures dont elles sont les médiatrices, dans une complicité sacrée.

Le dessin s'inspire de la statue de 1548 vénérée à Ste-Anne-La-Palud :

                           

Cette face de la bannière porte le refrain du cantique Pedenn ar Zantez Anna ar Palud :

Intron Santez Anna ni ho ped gand joa mirit tud an Arvor war zouar ha war vor.

"Madame Sainte Anne,

Nous vous prions avec joie !

Protégez vos Bretons

Sur terre et sur mer !"

On lit en dessous : 1913-2013 Centenaire du Couronnement.

Puis viennent les signatures de Dominique Passat, l'artiste rennaise qui a dessiné le carton, de la Maison Le Minor de Pont-L'Abbé, et de son brodeur  Jean-Michel Pérennec qui a passé trois mois à la réaliser.

 

2) Verso : la procession du Pardon.

 

                    255c

Les paroles du refrain se retrouvent sur cette face de la bannière, comme si le cantique se poursuivait et que son air tournait en boucle fervente pour suivre les poissons de la bordure. On lit aussi la date du Centenaire 1913-2013, et les mêmes signatures.

Sur le drap bleu caractéristique du costume "glazig",c'est la procession de Pardon qui est brodée :  un cortège d’hommes et de femmes en costumes traditionnels (les porteurs d'enseigne)     serpente depuis la chapelle vers les dunes. Au vent trois bannières : saint Miliau, patron de la paroisse, Notre Dame de la Clarté et saint Corentin, le patron du diocèse. Le tout à l’aide de tissus différents et dans des couleurs vivantes avec plusieurs tons de bleu, du jaune et du rouge. En arrière-plan, la chapelle.

  Cette nouvelle bannière a été bénie lors du petit pardon de juillet 2013 qui célèbre sainte Anne. mais sa première apparition eut lieu lors du grand pardon le 25 août,  présidé par Mgr Ravel, évêque des armées. 

 

La voici portée le 14 septembre 2014 lors du Pardon de la chapelle de Kerdévot en Ergué-Gabéric :

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246c

 

 

 

Sources et liens :

— Ouest-France :

http://www.ouest-france.fr/fete-de-sainte-anne-benediction-de-la-nouvelle-banniere-767978

http://www.ouest-france.fr/sainte-anne-honoree-par-les-ateliers-le-minor-764696

http://www.ar-gedour-mag.com/album/bannieres-de-bretagne-bannielou-breizh/page1/

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Published by jean-yves cordier
16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 17:49

La maîtresse-vitre de la chapelle de Kerdévot à Ergué-Gabéric.

Baie 0.

Cette verrière composite est datée du 4ème quart du XVe siècle, et vers 1520. Elle se compose de 6 lancettes trilobées de cinq panneaux et d'un tympan à 18 ajours principaux. Mutilée, fracassée pendant son transport vers l'atelier du vitrier Cassaigne au milieu du XIXe siècle, elle pose de délicats problèmes de lecture. 

Elle est donc contemporaine du retable flamand (1480-1490), et en partage certaines particularités (présence de la Sage Femme).

Elle mesure 7,80 m. de haut sur 4 m. de large. Les lancettes sont consacrées à des panneaux historiés qui, selon Roger Barrié dans sa thèse de 1989, appartiennent à deux séries distinctes, celle de l'Enfance du Christ et celle de la Passion. Ajoutons à cela que le coffre contenant et protégeant le retable d'autel masque les 2/3 de ces lancettes.

  Ce caractère parcellaire fait qu'elle est facilement dédaignée ; mais un examen détaillé des panneaux les mieux conservés permettent d'y découvrir des trésors.


Cliquez sur l'image pour l'agrandir / Klikañ war an tresadenn evit brasaat anezhañ.

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                             LANCETTES 

La partie la plus visible est le registre supérieur, où six scènes se succèdent dans des niches à socles et des dais gothiques élancés se détachant sur des fonds de couleur variées (XVe). 

1°) Lancette A (première à gauche).

a) Partie inférieure : panneau de débris, dont une figure barbue tenant un vase, et des anges, l'un provenant d'un ajour. Phylactère portant l'inscription GLORIA IN EXCELCIS DEO -M.

 Au dessus, panneau supérieur de l'Annonciation (XVe, peu restauré).

 


                     160c

 


b) Registre supérieur : La fuite en Égypte.


                             161c

 

 


2°) Lancette B.

Registre supérieur : le Portement de Croix avec sainte Véronique. La tête de la sainte est couverte d'une coiffure en turban retenu sous le menton par un voile formant guimpe. Sol traité comme une prairie aux nombreuses fleurs en rosette.

                      

 

                    MG 7852c

 

 


3°) Lancette C. 

Registre supérieur :  Crucifixion (partie supérieure) et verres losangiques.

Le Christ entre les deux larrons dont celui de droite, le Bon Larron, a le regard tourné vers lui alors que le Mauvais Larron s'en détourne.

A gauche, Marie et Jean, et deux Saintes Femmes (Salomé et Marie de Magdala selon Mc.15:40). A droite, quatre hommes, dont deux soldats (casque ou cotte) ; l'un des personnages en couvre-chef rouge lève la main est prononce les paroles inscrites sur le phylactère : Vere homo hic filius Dei erat , "Cet homme était vraiment Fils de Dieu" : c'est le centurion décrit dans Marc 15:39.


                MG 7825c

 

 


4°) Lancette D.

Registre supérieur : Mise au tombeau (partie supérieure) et verres losangiques.

Au pied de la croix, Joseph d'Arimathie soutient la tête du Christ, et Nicodème les pieds. Marie éplorée est soutenue par saint Jean. Deux Saintes Femmes (dont sans-doute Marie-Madeleine au centre) sont aussi présentes. Celle qui est à l'extrême gauche  est coiffée d'un turban retenu sous le menton, exactement comme la Sage Femme de la Nativité du retable de Kerdévot décrit par J.M. Abgrall avant le vol de 1973, et comme la Sainte Femme de la Mise au Tombeau de Rosporden, ou comme sainte Véronique de la lancette B, etc.  Le retable de Kerdévot en Ergué-Gabéric (29).


                   _MG_7826c.jpg

 


5°) Lancette E.

 

   Registre supérieur : Fragment de Nativité, restauré. En dessous, le panneau supérieur du Mariage de la Vierge, puis deux panneaux de verres losangiques.

—Nativité.

Au dessus d'un berger et de son troupeau, un ange tient une banderole : puer natus est [nobis] ("un enfant nous est né"), qui est l'Introït de l'Office de Noël.  

 Je m'intéresse au personnage de droite :  malgré des traits un peu masculins, c'est une femme (cheveux couverts d'une coiffe) ; il est difficile de dire si c'est elle, ou bien Joseph, qui tient une chandelle (flamme réalisée par gravure du verre rouge ?). Il est vraisemblable qu'il s'agisse de la sage-femme qui apparaît dans les Nativités du XVe siècle, et que les Évangiles apocryphes puis la Légende Dorée décrivent comme étant Salomé.


                 _MG_7827c.jpg

 


Nativité, détail : la Vierge.

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Le Mariage de la Vierge est un thème issu du Protévangile de Jacques (II-IVe siècle) et de ses adaptations latines par Jacques de Voragine et Vincent de Beauvais, puis de leur traductions françaises par Jean de Vignay. Joseph y est representé tenant dans la main la verge reverdie, signe de son élection divine.

 

                        MG 7850c


 

6°) Lancette F (première à droite).


a) registre inférieur : Panneau de fragments dont un évangéliste, et la Vierge assise.

Panneau au dessus : deux saints recomposés avec des fragments, dont un évêque ou un abbé dans une niche architecturée.

 

On y remarque l'inscription en lettres gothiques M xx et IX cete vistre orner estre oique ; René Couffon* y a lu la date de 1489, que Gatouillat et Hérold estiment acceptable.

*il transcrit "IIIIxx et  IX ceste vitre", mais on connaît les relevés fantaisistes de cet auteur.


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b) Registre supérieur : Résurrection : le Christ Sauveur ne porte plus le manteau pourpre rouge de sa Passion (cf Portement de croix), mais un manteau violet de sa victoire sur la mort. Il tient de la main gauche l'étendard blanc à croix (rouge) emblématique de cette victoire , et sa main droite, qui bénit,  saigne encore des clous de la crucifixion.

 

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      Résurrection (détails) :

a) L'élément remarquable de ce visage repose sur le rehaussement des pupilles au jaune d'argent, non remarqué semble-t-il par les auteurs de référence, comme à Malestroit (1401-1425), à Runan (1423), à Saint-Corentin de Quimper (1415), ou au Mans (1435). C'est donc un indice stylistique précieux.

 1) Martine Callias Bey, ‎Véronique David Les vitraux de Basse-Normandie 2006-page 119 

  "La vitrerie de Carentan s'inscrit dans un groupe d'œuvres qui réunit Le Vast et Saint-Lô autour de Coutances : des similitudes apparaissent dans l'exécution de tous ces vitraux au niveau du traitement stylistique et de la technique de représentation caractérisés par des proportions moyennes pour les figures, un dessin précis sans beaucoup de lavis pour les visages, la coloration au jaune d'argent des pupilles et des fines colonnettes engagées le long des architectures d'encadrement."

Nb :Carentan : vers 1450-1470

Saint-Lô : 1420-1425

Le Vast : 1410

 

 2) Françoise Gatouillat, ‎Michel Hérold, ‎Inventaire général du patrimoine culturel- 2005   Les Vitraux de Bretagne  page 28 :

"Ces personnages sont largement traités en grisaille et jaune d'argent sur verre blanc, avec un emploi dosé de verres teintés ... On y remarque les figurines aux pupilles teintées de jaune d'argent, manière qui s'observe dans certaines des verrières de Quimper ainsi que dans plusieurs panneaux conservés en Ille-et-Vilaine"

Influence du milieu ducal Jean V Jeanne de France (1399-1442)?

- Verrière de Runan :1423

- Verrière de Saint Gilles à Malestroit : 1401-1425. Cf Congrès archéologique de France 1986- Volume 141 - Page 125

- Cathédrale de Dol deux tympans des chapelles latérales Dol de Bretagne :Verrière de la baie 8 (verrière décorative) vers 1420 : Le Christ et le tétramorphe, anges musiciens et portant des phylactères Voir Baie 8 

-Cathédrale de Quimper (1415)

 

3) on y ajoute (Gatouillat 2003) au Mans :

-  La Baie 217 du transept nord de la cathédrale Saint-Julien du Mans. vers 1435.

-La Rose de cette Baie 217.

Au total, ce trait stylistique s'inscrit dans un créneau temporel étroit du début du XVe siècle, avec deux pôles spatiaux regroupés dans l'Ouest de la France, un pôle breton et un autre normand.

Cela n'interdit pas d'admirer aussi la finesse du dessin du nimbe, des traits du visage et de la pilosité de la barbe.

b) le second détail déside dans le damassé du fond bleu.


_MG_7828cc.jpg

 


Résurrection, partie basse, détail.

On s'émerveillera encore du traitement du sol, entièrement irradié par l'éblouissante clarté qui aveugle les soldats : le jaune d'argent est largement appliqué sur les verres blancs où sont dessinés par soustraction grâce au petit bois des fougères, des feuilles de houx ou de chêne, des rosettes. Le jaune très concentré par endroit prend des teintes intenses presque caramel.

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                                  TYMPAN

 

 

MG 7822c

 

 

Ce tympan a été partiellement décrit par Roger Barrié dans sa thèse page 96-99, et, pour la partie héraldique, détaillé de façon exaustive par Jean Coignard sur son site grandterrier.net auquel je renvoie. Je ne reprends ici que la partie historiée.

Description de quatre panneaux par Roger Barrié : Trois évangélistes et saint Christophe.

"Baie O, Tympan, Trois évangélistes et fragment d'un saint Christophe

Dimension du tympan : H. 4m30 – L. 2m90.

Biblio : 1896 Ottin page 239. 1904 Abgrall, p.324. 1932 Rayon, pl. 44.

En 1937, on a regroupé dans la baie axiale, afin d'en compléter les parties manquantes, des fragments de vitraux provenant des baies latérales : ces bouche-trous importants ont été placés dans les mouchettes du tympan et au bas des lancette ; les uns, tels les évangélistes, présentent une certaine cohérence, d'autres ne sont que des mosaïques de verres anciens où l'on peut retrouver quelques pièces d'un même sujet comme pour le saint Christophe.

Trois Évangélistes.


1. Saint Marc.

Assis sur une cathèdre dont le dossier supporte des livres à fermoirs, le saint s'apprête à écrire sur un parchemin déroulé sur ses genoux et sur lequel on lit un texte en cursive gothique : "Dm-s pm ba sum/-nlynos su saros " ; il est vêtu d'une robe bleue recouverte d'un ample manteau blanc à galon doré et coiffé d'une toque, il tient le stylet et de l'autre, un long encrier débouché. A ses pieds, le lion couché ; la tête est une restauration assez ancienne dont la maladresse se signale par l'effacement de la sanguine. La tranche des livres ainsi que les fermoirs et les clous ont été obtenus par la gravure de verres doublés rouge et verts, puis teintés au jaune d'argent.

Le lobe inférieur de la mouchette est occupé par un fleuron d'architecture gothique, antérieur au panneau.

MG 7836c

 

2. Saint Luc.

Une chasuble blanche est passée sur sa robe rouge. Le saint, assis sur un trône à dossier et accoudoirs ornés, écrit sur un pupitre porté par un pied rond à godrons ; le second battant du pupitre présente un livre. Dans le logement sous les battants inclinés, on distingue un autre livre sur lequel sont posées une pomme et une poire. A ses pieds, le taureau. Comme dans la scène précédente, les éléments métalliques du livre sont gravés sur verre rouge et teint en jaune. Le bonnet et l'auréole sont modernes.

MG 7845c

 


3. saint Matthieu.

Malgré le bouleversement de la partie supérieure, on distingue bien le manteau blanc par dessus la robe verte., le tronc et le pied du pupitre ; l'accoudoir du trône est constitué d'un motif d'acanthes liées et de petites baies, et le panneau latéral présente deux oiseaux, ailes déployées, enlaçant leur long cou. Le saint tient un encrier ouvert. A ses pieds, l'ange agenouillé, en tunique bleue, tourne la tête. Une pièce déplacée figure un livre. Les morceaux du visage de l'évangéliste proviennent d'une tête féminine ; quelques pièces de verre coloré moderne. Le clou du livre est gravé sur verre vert doublé.

Dans le lobe inférieur, comme dans la scène précédente, on lit le nom du saint sur la banderole et le sol est pareillement traité.


MG 7844c

La décoration des sièges des évangélistes, différente pour chaque scène, reprend des motifs que nous avons déjà relevés dans les architectures Renaissance de la baie axiale de Plogonnec et d'Ergué-Gabéric.

4. Saint Christophe.

Dans deux mouchettes voisines, nous avons relevé, parmi des pièces très diverses, notamment de beaux fragments d'architecture gothique, une tête de saint Christophe et celle de l'Enfant ; c'est la comparaison avec le même sujet conservé à Clohars-Fouesnant qui nous a permis d'établir ce rapprochement non seulement iconographique mais stylistique.

—Tête de saint Christophe.

La position du visage levé donne une sorte de raccourci sur le nez qui paraît épaté. Les cheveux forment une boucle continue du front jusqu'à la nuque. Si la grisaille a très bien tenu, il n'en va pas de même de la sanguine si effacée que le verre incolore apparaît nettement.

—Tête de l'Enfant.

Les yeux baissés semblent regarder vers la droite. D'après la direction des regards des personnages, on peut conclure que l'enfant était assis sur l'épaule droite du saint selon la formule courante et à l'inverse de Clohars-Fouesnant. Le rayonnement et les cheveux de l'Enfant sont obtenus par application du jaune d'argent sur verre incolore qui semble ici épais et assez attaqué."

 

Outre ces scènes décrites par Roger Barrié, le tympan conserve aussi :

1) une Adoration des Mages :

On y remarque sur le plan tecnique l'étoile traitée en chef-d'œuvre.

   MG 7834c

 

 

2) Deux saintes femmes. 

René Couffon toujours inventif y voit "une curieuse iconographie de sainte Anne apprenant à lire à la Vierge. Les deux femmes, nimbées, sont de même taille, et ont chacun un livre sur leurs genoux". Mais ce serait un bien rare exemple où sainte Anne aurait les cheveux détachés et non dissimulés sous une guimpe. Je crois que je ne serais pas mieux inspiré en proposant d'y voir une Visitation, car Marie et Élisabeth ne se rendent pas visite avec leur livre de prière. 

                  _MG_7838c-copie-1.jpg

Sources et liens.


—COIGNARD (Jean), La maîtresse-vitre de la chapelle de Kerdévot, site grandterrier.net 


— GATOUILLAT (Françoise) HÉROLD (Michel) 2005 "Les vitraux de Bretagne", Corpus vitrearum recensement VII, Presses Universitaires de Rennes, page 128.

— BARRIÉ Roger  (Roger), 1978,  Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle, Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper, Thèse de troisième cycle, Université de Haute Bretagne, Rennes, 180 pages.


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Published by jean-yves cordier
16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 10:41

Le retable flamand de la chapelle de Kerdévot en Ergué-Gabéric (29).

Datation : dernier quart du XVe siècle.

Origine : mixte, ateliers d'Anvers et de Malines, Brabant.

 

 Ce remarquable retable est difficile à photographier car, ayant été pillé par des voleurs en 1973, il est désormais à l'abri derrière une vitre. Ces photos sont seulement destinées à faire partager l'admiration qu'il suscite. Sur son histoire, sa description, sa restauration, le site de Jean Coignard comble toutes les attentes. http://grandterrier.net/wiki/index.php?title=Retable_flamand_de_Kerd%C3%A9vot

 

  Comme tous les retables d'Anvers, il adoptait jadis une forme en T, avec ses quatre scènes, le Couronnement de la Vierge en haut, et  l'Adoration des bergers (le plus dégradé par les voleurs), la Dormition et les Funérailles de la Vierge en bas. Deux autres panneaux sont venus le compléter en haut au XVIIe siècle , l'Adoration des Mages en haut à gauche et la Présentation au temple à droite. Il mesure désormais 3,12 m sur 1,70 m.

Après avoir été "restauré" de façon discutable et souvent regrettable à la fin des années 1970, il  a été restauré en 2010-2013 par l' Atelier Régional de Restauration de Kerguéhennec, avec radiographies,  étude dendrochronologique et étude des bois par le C2RMF des Musées de France.

On distingue ce qui est attribué à Anvers de ce qui vient de Malines, notamment les statues des colonnades inter-scènes de sainte Agnès avec son agneau, sainte Cécile — statue d'une essence de bois différent —  et d'une autre sainte. 

J'ai surtout été séduit par le Couronnement et son Concert des anges.

 

L'Adoration des bergers.

Avant le vol de 1973, on y voyait la Vierge "à genoux, les mains jointes et la tête penchée, les mains jointes, en adoration et en contemplation devant son fils divin qui vient de naître. Ses cheveux divisés en tresses nombreuses descendent sur ses épaules et jusqu'à ses reins ; elle est couverte d'un manteau dont les bords s'étalent sur le sol. La bordure de ce manteau est composée d'une inscription gothique en lettres d'or sur fond vermillon et donnant tout le texte de la salutation angélique : Ave Maria. Gratia Plena. Dominus tecum. Benedicta tu in mulieribus...

De l'autre coté de l'Enfant-Jésus, saint Joseph, appuyé sur un bâton, enlève son chapeau de la main droite et se dispose à s'agenouiller devant l'enfant dont il sera le père, le nourricier  et le gardien. Il est vêtu d'une robe et d'un long manteau, et porte au coté une besace ou une sorte d'aumônière.

Selon Abgrall, un berger joueur de cornemuse, chaussé de guêtres se trouvait au premier plan à droite ; on lisait sur le capuchon du musicien (qui jouait selon lui de la cornemuse) l'Ave maria. 

Il y avait encore au premier plan à gauche, une femme qui portait une lanterne ;

"Son costume est riche. Les manches très courtes de son corsage terminées par des franges laissent échapper des manches  longues aux plis très amples, sous lesquels on en distingue d'autres très étroites qui serrent les poignets. Sa tête est couverte par une coiffure semblable à un turban, retenue par un ruban formant mentonnière, noué sur le sommet du chef et retombant sur le dos. Cette femme rappelle un personnage à peu près identique dans une mise au tombeau sculpté dans l'autel u bas-coté nord de l'église de Rosporden, et sa coiffure se trouve reproduite dans une statue de sainte Barbe à Guengat et dans une des Saintes-Femmes de la descente de croix de Quilinen" [et dans la sainte Marthe de Penmarc'h)"

Rosporden : La Mise au tombeau de l'église de Rosporden (29) : barbette et chaperon.

 Guengat :L'église de Guengat II : Statues, sablières et inscriptions.

retable-Mise-au-tombeau 1248c     sculptures-et-sablieres 0470c 

DSCN3011c

Je regrette de ne pas pouvoir voir cette "femme à la lanterne", car elle évoque fortement Salomé ou Anastaise, la Sage-femme qui, sur la demande de Joseph, vint s'assurer de la virginité de Marie après la naissance ; voir mon article  Livres d'Heures de Rennes (2) : La Sage-femme : sainte Anastaise? et particulièrement le Livre d'Heures de Philippe le Bon (pour le turban), celle de Valence (pour la chandelle) et les Nativités de Robert Campin et de Jacques Daret (pour le turban).

Je peux néanmoins en voir une photographie sur le site grandterrier.net à la page 5 de l'article de Gildas Durand.

143c

 

Les bergers, dont un joueur de musette.

Un berger  portait encore une houlette lors de la visite de Jean-Marie Abgrall.

MG 8052c

 

La Dormition (détail).

MG 7874c

 

 

La Présentation au Temple.

MG 8039c

 

 

Le Couronnement de la Vierge.

      Je remarque la sobriété de la polychromie dominée par le bleu azurite et l'or, les carnations rehaussées du rose des joues, le noir des pupilles.

      MG 8040c

 

 

      MG 8057c

 

 

Ange jouant de la harpe.

                                MG 8047c

 

 

Anges jouant de l'orgue portatif et de la flûte (hautbois).

                              MG 8048cc

 

J'avoue que je suis tombé amoureux de cet ange au regard inspiré si typique de celui d'une musicienne accordant son jeu à celui des autres joueurs. 

    MG 8057c

 

Ange jouant de la guitare.


                 MG 8050c

 

Technique : sgraffite et brocarts appliqués.

a) Le sgraffite : le décor a sgraffito est remarquée sur les bordures des vêtements dorés : la technique consiste à peindre une surface préalablement dorée, puis à faire réapparaître l'or en grattant la peinture de façon à former des motifs.

On la trouve dans l'Adoration des Bergers sur les vêtements des bergers ; sur la robe de la Vierge du Couronnement ; sur le galon du manteau de l'apôtre à gauche de la Vierge, autour du voile de la Vierge et sur la manche ou sur le galon d'un autre apôtre dans la Dormition,  et sur le galon d'un apôtre central des Funérailles.

 Détail de la robe de la Vierge : décor a sgraffito et inscription.

Je lis : ----SIRMDNI (domini). Ce galon bleu est surmonté d'une double ligne de pointillés en creux (tracés sans-doute à la roulette) dans laquelle court une frise de cuvettes frappés au poinçon.

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Brocarts appliqués.

Il s'agit de faux brocarts faits sur matrice, moulés puis collés ; leur présence avait été suspectée face aux descriptions du chanoine Abgrall en 1898, mais elle a été confirmée par les restauratrices de Kerguéhennec. Je ne les ai pas repérés.

 


Documentation sur les retables d'Anvers.

glanée sur le web. Le texte emprunté est en retrait. On n'oubliera pas que le retable de Kerdevot témoigne aussi de la participation d'un atelier de Malines pour la huche, les statues inter-scènes de sainte Agnès, sainte Cécile et une sainte non identifiée.

I. Les marques de corporation.

1) MARQUES D’ANVERS ET TAFEREELMAKERS


Particularités des panneaux flamands, les marques au feu nous donnent, lorsqu’elles sont complètes, la mention de l’origine du panneau et le nom du fabricant : le tafereelmaker.
On trouve ce type de marques sur les panneaux fabriqués à Anvers, Bruxelles et Malines.

Les plus connues sont celles d’Anvers constituées de deux mains et d’un château, c'est-à-dire les armes de la ville. Le nombre et la disposition des cernes, ainsi que la coupe sur quartier ont été étudiés sur 209 échantillons de retables provenant de différentes collections de musées en Belgique. Les sculpteurs médiévaux d'Anvers étaient obligés de devenir membres de la Guilde de Saint-Luc, et devaient en respecter les règlements. Lorsque les jurés constataient que les exigences étaient remplies, un poinçon en fer imprimait une marque en creux dans le bois : la qualité des bois était attestée par une marque ayant la forme d'une main simple, alors que la qualité de la polychromie était certifiée par le poinçon à la double main.

   

  

 

2) Site de Jean Coignard Grandterrier.net :

Les quatre scènes d'origine en T inversé du retable de Kerdévot sont très certainement passées par les mains des artisans flamands des 15 et 16e siècles. À cette époque-là la production des retables flamands représentait en fait une véritable industrie.

La concurrence entre les centres de production de Bruxelles, Anvers, Malines poussa chaque atelier à utiliser des marques spécifiques pour authentifier leur travail aux différentes étapes : sculpture, polychromie, dorure.

Sur le retable, les restaurateurs de Kerguehennec ont inventorié :

  • 8 marques représentant les fameuses mains coupées des ateliers d'Anvers dans les scènes du Couronnement, de la Nativité et de la Dormition.

  • 1 marque sous forme d'une lettre qui n'a pas été identifiée dans la scène du Couronnement.

  • une empreinte à étudier sur le sol de la scène des Funérailles.

 

Par contre les statues frontales entre les scènes inférieures de la Nativité, de la Dormition et des Funérailles, attribuées aux ateliers de Malines [1]ne portent aucune marque.


3) Forum http://conservateurs-restau.meilleurforum.com/t279-tafereelmakers


On a d’abord les deux mains apposées au dos du panneau vierge, puis le château frappé une fois l’œuvre achevée.
Selon les statuts de la Guilde Saint-Luc (corporation des peintres), l’obligation de marquage était en vigueur depuis 1470. Toutefois, il est plus fréquent de rencontrer ces marques sur des œuvres du XVII et XVIII° siècle. Bien que le marquage des mains soit celui du panneau vierge et le fer du château la certification du panneau achevé, il n’est pas rare de constater que les marques ne soient pas apposées successivement mais bien avec un même fer chaud.

A proximité, des marques de la ville, se trouve le poinçon du « tafereelmaker », c'est-à-dire du menuisier qui a réalisé le panneau.
Ces marques sont assez peu nombreuses et se trouvent le plus souvent sur des panneaux anversois.

Ici, il s’agit de Lambrecht Steens actif à Anvers entre 1608 et 1638. (voir aussi le quiz 6)
Mais l’on connaît également Michiel Claessens actif entre 1590 et 1367 dont la marque est un trèfle, Guilliam Aertssen actif pour sa part entre 1612 et 1626, ou encore Guilliam Gabron passé maître en 1609 et actif jusqu’en 1620.

  

Ces marques sont frappées à la croisée des diagonales du panneau (au revers bien sûr).

cf.Jorgen Vadum, l’un des meilleurs spécialistes sur cette question, et Jean-Albert Glatigny, le "monsieur support bois" des Belges.


II. Présentation des retables d'Anvers.

Le retable :http://lili.butterfly.free.fr/page%20web/retables.htm

Origine et évolution des retables

Les retables apparaissent au XIème siècle suite à la modification de la place du prêtre lors de l'office. Celui-ci avait coutume de se placer derrière la table d'autel, face aux fidèles. A partir du XIe, le prêtre se place entre l'autel et les fidèles, tournant le dos à ces derniers. Le regard du prêtre et de ses ouailles se porte donc derrière la table (retro tabula). C'est pourquoi on estime alors utile de faire apparaître des décorations derrière l'autel. 
Lorsque la consécration des églises commence à être étroitement liée à la présence de reliques, des retables reliquaires apparaissent. A la fin du XIVe siècle, les caisses deviennent plus profondes pour recevoir des sculptures et construire un espace en trois dimensions. L'axe du retable (partie centrale) est surélevé. 

La structure des retables

La réalisation d'un retable met en jeu la collaboration de nombreux artisans (peintres, ébénistes, sculpteurs, menuisiers...) pour créer les trois parties qui le composent : la caisse, la prédelle et les volets. Les volets ont une signification religieuse. Lorsqu'il sont fermés, on ne voit que leur revers, peint en grisaille : c'est la face quotidienne, mais aussi celle du deuil et du carême. Lorsque les volets sont ouverts, ils laissent voir des scènes richement colorées, qui ont un caractère plus festif. La prédelle à une fonction pratique : elle permet de fermer des volets sans avoir à ôter les objets qui reposent sur l'autel. 
La caisse, aussi appelée huche, est la pièce la plus importante. Elle se compose de trois compartiments, dans lesquels reposent des sculptures produites par groupes qu'il est ensuite possible d'étager pour donner de la profondeur à l'ensemble. La structure des retables anversois est constante. Verticalement, on trouve trois travées, avec une partie centrale surélevée. Horizontalement, l'espace est composé de deux registres. Dans le registre supérieur se déroule la scène principale. Le registre inférieur est généralement découpé en 3 ou 6 petites scènes (1 ou 2 par travée).


La production anversoise

A la renaissance, deux centres de production de retables se distinguent en Flandres, Bruxelles et Anvers. Si Bruxelles domine au XVe, Anvers semble prendre le dessus au XVIe. A cette époque, Anvers devient le premier port européen et la plaque tournante d'un commerce dont l'une des composantes essentielles est le marché d'objets d'art et de luxe. Vers 1500, la production de retable devient massive. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D'une part, les sculpteurs et les peintres anversois, contrairement aux bruxellois, appartiennent à la même corporation, la guilde de Saint Luc, ce qui facilite leur collaboration. D'autre part, la production anversoise ne se fait pas sur commande mais en série, à l'avance, pour être ensuite mise sur le marché. Cela permet une plus grande liberté mais aussi une standardisation permettant d'accroître le nombre de modèles produits. Enfin, les sculpteurs et les peintres appartiennent à des entrepreneurs, qui se chargent de vendre les oeuvres en gros à des coursiers. Ce sont ces intermédiaires qui s'occupent ensuite de placer les oeuvres, partout en Europe. 
La production anversoise se reconnaît à son emblème, une petite main (Handwerpen, main détachée) imprimée au fer rouge dans le bois. Ce symbole se réfère à une légende, celle d'un géant coupeur de mains, qui terrorisait la population avant d'être vaincu par le héros local, Brabant. Cette marque est une garantie non de la qualité du travail (comme c'est le cas à Bruxelles, mais de la qualité des matériaux utilisés. Il s'agit avant out de rassurer les coursiers, qui ne sont pas nécessairement de grands amateurs d'art. Dans l'ensemble, la production anversoise, contrairement à la production anversoise, se situe dans une logique plus quantitative que qualitative.

Deux thèmes dominent la production anversoise, la Passion du Christ et la vie de Marie. L'avantage du thème de la Passion est de pouvoir concilier les scènes du sacrifice avec celles de l'enfance du Christ, qui font apparaître le personnage de Marie.

 

III. Fabrication et commercialisation des retables.

 

1) Jan Tromp  Méthode de production et l'organisation du travail.

Traduction/adaptation.

 Cette description du processus de production et de l'organisation du travail associé a trait à la production de retables en 1500 Vers cette époque, le retable était devenu un tel produit populaire dans de nombreuses parties de l'Europe, qu' une production quasi industrielle devait être mis en place.

L'objectif de production est passée de Bruxelles à Anvers, non seulement parce que Anvers est devenu le principal port de l'Europe, mais aussi parce que la guilde d'Anvers a profité d'une manière beaucoup plus pratique de la forte demande. En 1434 peintres et sculpteurs tous unis dans une seule et même guilde Saint-Luc. Ceux qui avaient gagné le titre de maître, pourrait obtenir le contrôle du processus de production et donc acquis le droit de vendre.

Toutefois, les peintres et les sculpteurs ne sont pas les seules personnes qui ont collaboré à la mise en place d'un retable. 

Les huchiers (schrijnwerkers)

Les caisses de retables étaient souvent en série fabriqué par des huchiers  Dans les règles de la guilde il a été clairement documenté que le chêne ou le noyer seulement en bonne santé et bien séchés peuvent être utilisés sans aubier ou nœuds tant pour la caisse que pour les sculptures

Le côté de la boîte était estampillé avec la main d'Anvers pour assurer la qualité du bois : la recherche dans les archives a montré que le chêne était presque toujours issus de la Baltique, et les analyses dendrochronologiques [= la recherche sur l'âge des arbres] ont précisé cette origine.

[Les études dendrochronologiques et anatomiques ont montré que les retables du Brabant étaient fabriqués en bois de chêne Quercus robur provenant du nord de la Pologne, bois dont des quantités importantes étaient effectivement expédiés des Baltiques vers les Pays-Bas au cours du Xve et XVIe siècle. Les règlements de la Guide de Saint-Luc prescrivaient que les essences de bois nécessaires devraient être en chêne sans défaut (« ...Eyken hout sonder fu) ou en noyer (« ...Nootboemen.. ») : le bois d'aubier devait donc être exclu. Les mêmes études indiquent que le séchage durait entre un et quatre ans (Haneka et al. 2005).]

Les sculpteurs ciseleurs ?? ou Metselriesnijders.

Ils rivalisèrent de talent pour découper le bois en entrelacs des bordures en lames très fines pour réaliser un décor composé de vignes et / ou  d'ornements architecturaux .  

 

 Les sculpteurs (Beeldsnijders).

 Le principal exécuteur d'un retable est bien sûr le sculpteur. 

 

Les Polychromeurs (Verguilder ou stoffeerder)

Habituellement, la polychromie a été réalisée par le peintre, mais à Anvers était aussi un travail pour un spécialiste en dorure comprend beaucoup plus que l'application d'une couche d'or ou par bol rouge.

 Le retable va être maintenant être monté trois fois :

Lors de la première assemblage, lorsque les statues sont encore non peinte, des corrections peuvent être faites et la composition améliorée en coupant sur le dos ou ailleurs des morceaux de bois à ajouter.

Avant le traitement par une couche de préparation de la craie et de colle [gesso], certaines statuettes sont marqués de la main d'Anvers sur la tête ou à la base. Au cours de ce processus, le retable a été démonté et après la mise à jour et le lissage de la couche appliquée de la préparation d'un bol rouge est appliquée sur les points où l'or est poli ensuite mixtion où la feuille d'or est laissée rugueuse.

 NDT :[Il existe deux sortes de dorure, dorure à l'eau ou dorure par mixtion ou à l'huile ; dans la dorure à l'eau, la feuille d'or est posée sur une assiette argileuse ("bol d'Arménie" rouge ou orangé) ; elle peut être brunie ou polie à la pierre d'agate. Dans la dorure par mixtion, la feuille est posée sur une sous-couche huileuse qui ne permet pas le polissage. La dorure reste donc mate. La couche de préparation par gesso est beaucoup plus épaisse pour les parties dorées que pour les carnations par exemple].

  Après la deuxième installation de pièces non visibles sont en gris parce que l'or précieux ne doit pas être gaspillé. Le retable est deuxième fois démonté afin que tous les éléments puissent être peints, dorés et polis, le cas échéant. Mais polychromeurs sont également maîtres en diverses techniques pour embellir encore la décoration

Outre  l'estampage , qui modèles récurrents pourraient être appliqués sur les vêtements de la technique de décoration le plus distinctif dans retables anversois était le »  sgraffito ». 

 

Le retable est maintenant en cours d'assemblage pour la troisième fois. Toutes les pièces détachées sont déposés avec des clous en fer forgé, et les doreurs et peintres viennent accomplir les dernières retouches. Une fois que la pièce est terminée et approuvée par le Juré, la dernière marque, combinant le  château et les deux mains est apposé au fer rouge  sur le côté de la caisse.

 

Sur la base d'un répertoire des retables anversois,, il y en aurait (J. Tromp) trente en Belgique, 70 en Allemagne et 7 aux Pays-Bas.



2) John Michael Montias 1993 

(Texte légerement modifié et coupé, voir l'original en ligne)

 Abordons maintenant deux types d'objets d'art classiques : le retable et le tableau d'autel. Ces objets de grand prix pouvaient facilement coûter trois fois autant que le salaire annuel moyen d'un ouvrier au xve et au xvie siècle.Les clients étaient dans la plupart du temps une collectivité et , sur une étude de 70 retables, on trouve 30 églises, 9 monastères ou couvents, 21 confréries ou corporations associées à des églises paroissiales, et une seule municipalité, 2 hôpitaux et 7 particuliers. l'historienne américaine Lynn Jacobs s'est particulièrement intéressée aux procédés « quasi industriels » qui permet­taient de diminuer les prix de revient de ces ensembles. Il faut tout d'abord citer la division très poussée du travail entre les charpentiers (schrijnwerkers), responsables de la « caisse » du retable, les sculpteurs et deux sortes de peintres : ceux qui peignaient les volets et les prédelles incorporés dans le retable et ceux qui en polychromaient les parties sculptées (nommés beeld-verwers). Un examen attentif des retables qui ont été conservés démontre, dans certains cas, que plusieurs sculpteurs et peintres ont dû participer à l'élaboration d'un seul retable. Cette division du travail pouvait avoir lieu soit à l'intérieur d'un seul atelier, soit être le fait de la collaboration de plu­sieurs ateliers spécialisés dans des travaux de peinture ou de sculpture. En second lieu, les artistes utilisaient souvent des pièces préfabriquées pour les insérer dans n'importe quel retable. On s'en aperçoit au fait que ces pièces s'emboîtent souvent mal dans les ensembles où elles ont été introduites. Certaines de ces pièces préfabriquées provenaient, estime-t-on, d'ateliers spécialisés. Parfois aussi, les prédelles de plusieurs retables sont si semblables qu'elles semblent avoir été peintes en série, surtout lorsqu'elles cadrent mal avec les proportions du corps principal. Il convient de mentionner enfin les personnages exécutés d'après des modèles standard dont on disposait dans les ateliers, telles les figures identiques de saint Jean ou du Christ que l'on retrouve dans diverses parties de la même œuvre ou d'œuvres différentes.

A part certaines œuvres, la majorité étaient réalisés à l'avance et proposés tout faits aux clients : un nombre important portent des traces de production standardisée ou de travail en série.

Les foires et les « pants »

Anvers eut très tôt aussi ses deux foires annuelles de six semaines chacune. Mais vers la moitié du xve siècle, le commerce des objets de luxe avait pris une telle envergure à Bruges et à Anvers que des mesures spéciales pour le promouvoir ont semblé souhaitables. Les dominicains d'Anvers prirent les devants en 1445 en fondant un « Pant », nommé « pant des prêcheurs » (Predik-heerenpandt), dans une partie de leur couvent. (Le mot pant ou pandt désigne généralement un cloître ou un enclos pourvu de galeries utilisées pour exposer ou vendre des objets, mais il en est graduellement venu à dénoter n'importe quel local — halle, maison ou autre — approprié à de semblables fins). Le pant des dominicains comprenait un certain nombre d'éventaires (stallen) qui étaient loués pendant la durée de la foire à des artistes et à des artisans, membres de plusieurs corporations résidant non seulement dans la cité mais dans d'autres villes des Pays-Bas. On comptait parmi eux les membres de plusieurs guildes d'Anvers : celles de Saint-Éloi (orfèvres), de Saint-Nicolas (bijoutiers et tapissiers), et celle de Saint-Luc d'Anvers (peintres et sculpteurs). Le pant des dominicains réussit si bien qu'il fallut l'agrandir, une première fois en 1460, la seconde en 1479, à la demande des peintres de Bruxelles (dont le nombre dépassait celui des peintres d'Anvers). Comme l'a justement fait remarquer Daniel Ewing, la réussite de ce pant et l'origine des artistes qui y présentaient leurs ouvrages démontrent que le commerce avait devancé la production à Anvers. La ville, en effet, lors de la création du pant et pendant le demi-siècle suivant devait rester un centre artistique secondaire ; la ville ne devint véritablement importante qu'au XVIe siècle, tant pour la sculpture que pour la peinture.

Des querelles s'étant élevées entre les frères dominicains et les peintres exposant au pant des prêcheurs, les guildes de Saint-Luc d'Anvers et de Bruxelles quittèrent ce pant en 1480 pour louer des éventaires à celui de Notre-Dame (Onse Lieve Vrouw Pana), ouvert vingt ans auparavant par l'église du même titre. La construction de cette gigantesque église, qui devint la cathédrale de la ville en 1559, ayant requis des fonds, très impor­tants dès le début du xve siècle, le chapitre avait eu recours à diverses sources de financement. La location d'étals à des artisans de divers métiers, y compris des gantiers, des fourreurs et des merciers, dans des propriétés que l'église possédait en divers lieux de la ville, était déjà une de ses princi­pales sources de revenus quand il fut décidé de construire un nouveau pant spécialisé dans la vente de biens artistiques pour accroître encore ces res­sources. Le bâtiment construit en 1560 était situé hors du périmètre de l'église, tout près de la halle de la guilde de Saint-Luc. Il comprenait quatre vastes galeries entourant un enclos. C'était le premier édifice spécialisé dans l'exposition et la vente de produits artistiques en Europe. Il y avait là de la place pour cent étals que l'église louait pendant la durée des deux foires annuelles à des peintres, à des sculpteurs, à des imprimeurs, à des vendeurs de livres et des charpentiers (schrijnwerkers). A partir de 1484, le pant de Notre-Dame eut le droit exclusif de la vente de « panneaux, images, taber­nacles, sculptures polychromes ou non, de bois ou de pierre ».

Les seuls comptes du pant de Notre Dame précisant le métier des artistes et des artisans locataires qui nous soient parvenus datent des années 1530-1560. Ils nous apprennent que les imprimeurs et les vendeurs d'images déta­chées contribuaient pour un peu moins de la moitié des loyers perçus dans les années 1531-1543, les peintres et les sculpteurs pour environ un tiers (avec un maximum de 47 % en 1543), et les charpentiers pour le reste. On estime d'autre part que, pendant la période 1543-1560, 54 artistes (peintres ou sculpteurs) y compris cinq veuves et une fille d'artiste37, 7 imprimeurs, et 79 charpentiers ont loué des étals dans le pant de Notre-Dame. N'allons pas croire pour autant que tous les artistes vendaient leurs œuvres à travers le pant. On peut estimer qu'au maximum 5 à 10 % des artistes actifs à l'époque dans la ville d'Anvers y louaient un espace. La liste des noms de peintres conservés dans les comptes de location est surtout notable par l'absence des artistes les plus réputés de l'époque. Dans les années 1540-1550, il y manque les noms de Jan van Hemessen, Pieter Aertsen, Frans Floris, Pieter Brueghel et de Pieter Coecke qui figuraient parmi les plus éminents. Ces artistes devaient avoir des ateliers suffisamment bien achalandés pour pou­voir se passer des débouchés offerts par le pant. Ce sont sans doute eux qui recevaient les commandes les plus importantes. Les locataires d'éventaires étaient probablement pour la plupart d'entre eux des artistes assez médiocres qui dépendaient surtout d'une clientèle anonyme. On sait cependant que certains retables et tableaux d'autel très coûteux ont parfois été vendus au pant ou même ont servi de modèles pour des ouvrages de commande. La qualité de ce tableau exposé à la foire était donc suffi­sante pour qu'un commanditaire veuille s'en procurer un semblable.

A partir de la moitié du XVIe siècle, l'importance du pant de Notre-Dame décline, en partie à cause de la concurrence de nouveaux pants mieux placés.

Les pants ont joué un rôle primordial dans les exportations des Pays-Bas. Si au XVc siècle les objets d'art les plus chers, y compris les tableaux des maîtres néerlandais les plus fameux, étaient déjà exportés, surtout vers l'Ita­lie, au siècle suivant les ventes à l'étranger acquirent un caractère plus massif et de nombreux produits de demi-luxe étaient exportés. Pour la seule année 1553, les bateaux quittant Anvers en direction de l'Espagne et du Portugal transportaient quatre tonnes de tableaux et 91414 aunes (environ 70 000 mètres) de tapisseries. D'après les estimations de W. Brûlez, les tapis­series représentaient 4,4 % des exportations totales des Pays-Bas vers cette époque48. Au XVIe siècle, Anvers exportait aussi de nombreux retables et tableaux d'autel vers l'Angleterre et la Suède ainsi que dans les pays médi­terranéens. D'après les registres d'impôts, presque chaque bateau en départ vers l'Espagne transportait au moins un retable brabançon. En 1525, le marchand Mateo de Nasar offrit au duc de Mantoue 300 tableaux flamands, parmi lesquels le duc en acheta 120.

 

 

 

 

 

Sources et liens.

— En tout premier, le site de Jean Coignard grandterrier.net :

 http://grandterrier.net/wiki/index.php?title=Les_marques_de_fabrique_des_ateliers_flamands_du_16e_sur_le_retable_

de_Kerd%C3%A9vot#_note-Malines

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1894 « Le Retable de Kerdévot (paroisse d'Ergué-Gabéric) ». Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1894, t. XXI, p. 94-101.

 

ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1909 "[Notices sur les paroisses] Ergué-Gabéric", Bulletin de la commission diocésaine d'histoire et d'archéologie, Quimper, 9e année, 1909, p. 32-48, 71-87.  

— HANEKA et al.  2005 "Les retables de Brabant- source d'information sur le bois utilisé en. XV et XVI siècle" IAWA Journal, Vol. 26 (3),: 273–298.

— HANEKA  (K), 2005, Tree-ring analysis of European oak : implementation and relevance in (pre) historical research in Flanders Ghent University

MONTIAS (John Michael) 1993   "Le marché de l'art aux Pays-Bas, XVe et XVIe siècles"  Annales. Économies, Sociétés, Civilisations  Volume   48 Numéro 6 pp. 1541-1563

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1993_num_48_6_279231#

— "La chapelle de Kerdévot retrouve son retable", ErguéCom, Magazine de la commune d'Ergué-Gabéric juin 2013 http://www.ergue-gaberic.fr/pdf_ergue_com_32.pdf

— Ouest-France 27 juillet 2012 : http://www.ouest-france.fr/la-restauration-du-retable-de-kerdevot-sexpose-1284243

Courrier des Amis du Musée de Quimper, article de Marie Pincemin :

 http://www.mbaq.fr/fileadmin/user_upload/Amis/Le%20courrier%20des%20Amis%20du%20mus%C3%A9e%20N%C2%B027-mai%202012.pdf

—Retable de la Passion de Dijon :  http://mba.dijon.fr/sites/default/files

/Collections/pdf/les_retables_sculptes_de_la_fin_du_moyen_age.pdf

Nederlands'out of drips : 2009 Vitruvius 2 n° 6, janvier 2009   http://www.vakbladvitruvius.nl/vakbladvitruvius/pdfs/vitruvius_1237969646.pdf

http://www.materiauxrenouvelables.ca/files/content/sites/crmr/files/Quoi%20de%20neuf

/Colloque%20annuel%20CRMR-2014/Stevanovic_La%20formation%20du%20personnel%20hautement%20qualifi%C3%A9.pdf

— TROMP Jan , Le Retable de la Passion de la cathédrale Saint-Jean à Amsterdam  http://www.jantromp.nl/pages/Sint%20Jan.html

— Le retable :http://lili.butterfly.free.fr/page%20web/retables.htm

— Retable de Vaumain fabriqué à Beauvais (passionnante lecture du dossier de restauration) :

file:///C:/Users/jean-yves/Downloads/Plaquette+le+retable+du+Vaumain,+collection+Patrimoine+

restaur%C3%A9+en+Picardie+n2.pdf

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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