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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 19:44

La baie 40 de la Chapelle de Vendôme des

vitraux de la cathédrale de Chartres.

 

      Les vitraux de la chapelle de Vendôme de Chartres ont suscité mon intérêt après mon étude de la baie 217 du transept nord de la cathédrale du Mans, et après avoir constaté de nombreux parallèles entre les deux baies, celle de Chartres datant de 1418 et celle du Mans vers 1430-1435. L'une et l'autre célèbrent le Couronnement de la Vierge tout en faisant état du Jugement Dernier,  mettent en scène, discrètement à Chartres et théâtralement au Mans, les douze apôtres, et présentent les deux saints évêques tutélaires de la monarchie, Denis et Rémi. Dans les deux cas, la baie a été réalisée par des Armagnacs pendant que les Anglais, alliés aux Bourguignons, occupaient les villes. Les donateurs appartiennent dans les deux cas aux familles de Bourbon et de Laval. Enfin, les rapprochements stylistiques sont constatés, comme par exemple dans les fonds damassés inspirés des soieries de Lucques et parsemées de boules de couleur. Le rapprochement des deux verrières permet-elle d'approfondir la compréhension de la Rose du Mans ? Au préalable, il fallait décrire dans ses détails la baie 40 de Chartres.

Voir :  La Rose du transept nord de la cathédrale du Mans. et 

Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.

 


La chapelle de Vendôme de la cathédrale de Chartres : Vœu et donation.

Cette chapelle qui porte le nom de son fondateur est adjointe à la cathédrale suite au vœu qu’avait fait Louis de Bourbon, comte de Vendôme le 31 mai 1413 : prisonnier  de son frère Jacques de Bourbon comte de la Marche, partisan des bourguignons,  et libéré le jour de l'Annonciation le 25 mars 1413, il se rendit en pèlerinage à Notre-Dame de Chartres comme il l'avait promis. Il y arriva le 31 mai 1413; ayant rencontré la procession du Chapitre de la cathédrale du mercredi des Rogations près du lieu de Mautrou , il mit pied à terre, lui et toute sa suite, qui était composée de plus de cent chevaliers et écuyers, et convoya la procession. Le lendemain, jour de l'Ascension il se rendit à l'issue de mâtines, presque nu, en chemise et tenant un cierge à la main devant la porte royale où le clergé vint le recevoir. Il accomplit dévotement son vœu à l'autel de la Vierge-Noire et fit don au chapitre, par donation du 2 juin, de soixante livres tournois de rente sur les comtés de Vendôme et les chapellenies de Montdoubleau et d'Epernon à la charge d'une messe à chacune des cinq principales fêtes de l'année. Par acte capitulaire du 2 décembre 1414, les chanoines permirent au duc de Vendôme de bâtir la chapelle hors d'œuvre qui porte son nom.

   Les travaux ne sont réellement entrepris par Geoffroy Sevestre en style gothique flamboyant   qu’en 1417, entre les deux contreforts de la cinquième travée, alors que Louis de Bourbon a été fait prisonnier en 1415 à Azincourt. La clef de voûte de la chapelle Vendôme est décorée aux armoiries du commanditaire : écartelé au 1 et 4 d’azur  semé de fleurs de lis d’or, au 2 et 32 au lion de gueules  et à la bande de lions de gueules brochant sur le tout. Si, en 1446 le duc de Vendôme fut inhumé en l'église  saint-Georges de Vendôme, son cœur fut amené à Chartres et déposé dans sa chapelle. Celle-ci était autrefois décorée des statues du duc et de son épouse Blanche de Roucy, adossées au mur en face de l'autel.

 

 La chapelle reçut aussi le nom de Chapelle de l'Annonciation (en souvenir du jour de sa délivrance) mais aussi celui de Chapelle des martyrs, car une armoire creusée dans le mur y renfermait deux chasses avec les ossements de saint Piat et ceux de saint Taurin évêque d'Evreux, ainsi que plusieurs autres saints. De temps immémorial on invoque à Chartres, disait le guide Joanne,  saint Piat pour obtenir de la pluie, et saint Taurin pour retrouver le beau temps.

Le duc de Bourbon-Vendôme fut fait prisonnier à la bataille d'Azincourt en 1415 et enfermé dans la Tour de Londres. Mis à cent mille écus de rançon, il ne put en payer que cinquante quatre mille comptant et y demeura jusqu'en 1422. Délivré, il s'engagea auprès de Jeanne d'Arc, était présent à la première entrevue entre Jeanne d'Arc et Charles VII, participa à la libération d'Orléans, commanda le siège de Jargeau, assista au sacre du roi à Reims où il faisait fonction de pair, et était présent à la paix d'Arras en 1435. Il épousa en premières noces le 21 décembre 1414 Blanche de Roucy fille de Hugues II de Roucy et Blanche de Coucy et qui mourut le 22 août 1421 sans postérité, puis  se remaria le 24 août 1424 à Rennes avec Jeanne de Laval-Campzillon, fille de Guy XIII de Montfort, sire de Laval, dont il  eut un fils Jean VIII (1428-1477), comte de Vendôme. 

La chapelle a été restaurée – et repeinte en 1866-1873. Les vitraux étaient déjà endommagés avant le XVIIIe siècle, ils furent partiellement restaurés en 1592. Ils ont disparu en grande partie au moment de la Révolution, en particulier les membres de la famille de Louis de Vendôme. La baie fut mutilée en 1816, avec insertion de panneaux étrangers à la verrière, puis  restaurée par Coffetier de 1868 à 1872. Les personnages ont été refaits en 1920 par le peintre-verrier Albert-Louis Bonnot avec retrait des panneaux étrangers et restitution de panneaux manquants, en s'inspirant des dessins de la collection Gaignières. (François Roger de Gaignières, (1642-1715) est un généalogiste français, antiquaire et collectionneur qui commença très jeune  à constituer une collection de matériaux originaux pour servir l'Histoire, en particulier sur l'Église et la Cour de France. La plus grande partie est conservée à la Bibliothèque Nationale dans la Collection Gaignières, et à la Bodleian library d'Oxford.)  d'après les dessins de Gaignières, restaurée par Bonnot en 1918 

   Elle fut encore restaurée dans les années 1980.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                      DESCRIPTION.

 

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Verrière composée de quatre lancettes trilobées et tympan à quatorze ajours. Pour des raisons de cohérence, je décrirai  les registres inférieur et intermédiaire ensemble.

    REGISTRES INFÉRIEUR ET INTERMÉDIAIRE. DONATEUR ET SA FAMILLE.

 

Louis de Bourbon-Vendôme, donateur et fondateur de la chapelle, est représenté à droite dans la quatrième lancette, accompagné de son épouse. Ses parents Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme (portraits posthumes) trouvent place dans la deuxième lancette, son frère Jacques de Bourbon et son épouse Jeanne de Naples dans la première, et sa sœur Charlotte de Bourbon, reine de Chypre dans la troisième avec son époux Janus de Chypre. Ils sont agenouillés à leur prie-dieu et sont présentés par un saint : saint Denis, saint Jacques, saint Louis, et saint Rémi, trois de ceux-ci se référant directement à la monarchie de France.

1. Première lancette : Jacques de Bourbon et Jeanne de Naples.

1a : Armoiries 

Les armes de Jacques de Bourbon, écartelés des armes de Bourbon Blason duche fr Bourbon (moderne).svg et de Naples Armoiries André Hongrie.svg, se blasonnent écartelé en 1 et 4 tiercé en pal en 1 fascé d'argent et de gueules de huit pièces, en 2 d'argent à la croix potencé d'or et en 3 d'azur semé de fleurs de lys d'or et au lambel de gueules, et en 2 et 3 d'azur à trois fleurs de lys d'or à la bande de gueules. (Wikipédia) 

 

— Fond  damassé vert à rinceaux et oiseaux (lampas de Lucques)

—Architecture en grisaille: à gauche l'apôtre Paul ou Matthieu (un glaive) et ?

                 chapelle-de-vendome 2093c

 

1b : registre intermédiaire Jacques II de Bourbon et Jeanne de Naples présentés par saint Denis.

Jacques II de Bourbon, comte de La Marche, et son épouse Jeanne, reine de Naples, présentés par saint Denis.

Louis de Bourbon-Vendôme n'est pas rancunier et n'a pas l'esprit de parti, puisque c'est ce frère Jacques qui est responsable de sa captivité une première fois en 1407 et de 1412 à 1413. D'autre part, Jacques de Bourbon (1370-1438) avait choisi le parti des Bourguignons et s'était alliè à Jean Sans Peur, duc de Bourgogne. Il soutiendra Charles VII contre les Anglais en 1428.

Veuf de Béatrice d'Évreux (ou de Navarre) puis de Marguerite de Blois, il épouse Jeanne de Naples en 1415 et devient roi consort de Naples. Jeanne de Naples était la fille de Charles III roi de Naples, de Sicile et de Hongrie. Mais les mésententes conjugales conduisent Jacques II à regagner la France en 1419. Il se fit cordelier à Besançon où il décéda en 1438. Ne laissant pas d'héritier, la branche des comtes de la Marche s'éteint avec lui.

  Dans la longue tradition de fidélité à la royauté et de lutte contre les Anglais de la maison de Bourbon (Louis Ier, Jacques Ier de Bourbon-La Marche, Jean Ier), Jacques II dénote aussi par son alliance avec les Bourguignons.

— Intercesseur : saint Denis (inscription S DENIS). Saint Denis, premier évêque de Paris et patron de la Basilique Saint-Denis qui est la nécropole des rois de France est étroitement lié au pouvoir royal.

— Le relevé effectué par Gaignères :

Fond damassé rouge.  

— Architecture en grisaille: deux apôtres.

                                 chapelle-de-vendome 2097c

 

 

2. 2ème lancette : Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme.

2a: Armoiries

 Fond damassé vert à rinceaux et oiseaux (lampas de Lucques) 

— Architecture en grisaille: à gauche l'apôtre Pierre (la clef) et à droite un personnage (un livre).

chapelle-de-vendome 2094c

 

2b Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme présentés par saint Jacques [Sainte Catherine].

     Ce sont les parents du donateur :  Jean de Bourbon (1344-1393), comte de La Marche, avec Catherine de Vendôme (v1350-1412), comtesse de Vendôme et de Chartres, avec saint Jacques.

Comme l'indique le site cathédrale-chartres.fr, c'était sainte Catherine, avec l'épée et la palme de son martyre, qui présentait à l'origine les deux époux, comme en témoigne les relevés de Gaignères; mais pour une raison incompréhensible, Coffetier lui substitua, lors de sa restauration, ce personnage en qui on reconnaît saint Jacques parce qu'il tient un bâton, mais qui n'en détient aucun des autres attributs. A la différence de Jacques, sainte Catherine d'Alexandrie avait, comme fille de roi, sa place dans ce vitrail consacré au couronnement.

A l'inverse, Coffetier a gratifié d'une couronne Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme, alors qu'ils ne sont pas roi et reine, et alors que Gaignères les représentent sur son calque lui coiffé d'un bonnet à bords roulés en bourrelet et elle d'un hennin à cornes.

— Fond damassé rouge pourpre à larges rinceaux. 

Architecture : apôtres ? (Livre et ) et ? (hampe ou manche)

 

                                 chapelle-de-vendome 2098c

 

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3. Troisième lancette : Janus de Lusignan et de Charlotte de Bourbon.

 3a : Armoiries. 

 

L'ange de gauche tient les armoiries des rois de Chypre et de Jérusalem écartelé, en 1 et 4 d'argent, à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes du même et en 2 et 3 burelé d'argent et d'azur de huit pièces, au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout. Ce sont les armes de 1268 à 1393, car Janus de Lusignan était roi de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie et portait écartelé, en 1 d'argent, à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes du même, en 2 burelé d'argent et d'azur de huit pièces, au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout, en 3 d'or au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'azur et en 4 d'argent au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or. (Wikipédia)

   Le blason de Charlotte comporte le blason des comtes de la Marche qui est  d'azur à trois fleurs de lys d'or à la bande de gueules chargée de trois lions léopardés d'argent 

 

— Fond damassé vert à rinceaux et oiseaux.

 — Architecture : à gauche, un apôtre tenant un couteau (Barthélémy)  ou le manche d'un ?. A droite ?

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3b : registre intermédiaire : Janus de Lusignan et de Charlotte de Bourbon, présentés par saint Louis.

Janus de Lusignan (1375-1432), roi de Chypre de Jérusalem et d'Arménie se maria en 1411 avec Charlotte de Bourbon (1388-1422), sœur du fondateur.

Saint Louis a été qualifié de "figure tutélaire de la maison de Bourbon" (Françoise Perrot, Exposition Espérance, le mécénat religieux à la fin de Moyen-Âge, Souvigny 2001). En effet, la Maison de Bourbon est issue de Robert de Clermont (1257-1318), sixième fils de Louis IX, dit Saint Louis. 

D'autre part, Louis est le prénom du donateur, prénom très usité dans la famille de Bourbon à coté de ceux de Jean et de Charles.

— Fond damassé vert à motif inspiré des lampas de Lucques (oiseaux). 

— Architecture en grisaille: deux apôtres (attributs cachés par la barlotière) 

 

 

                                     )chapelle-de-vendome 2099c

 

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4. Quatrième lancette :  Louis de Bourbon-Vendôme et Blanche de Roucy.

4a Armoiries.

-Armoiries de Louis de Bourbon-Vendôme : écartelé, aux 1 et 4 de France brisé d'une bande de gueules chargée de trois lionceaux d'argent, qui est Bourbon-La Marche, aux 2 et 3 d'argent au chef de gueules, au lion d'azur brochant armé et lampassé d'or, qui est Vendôme.

 

-Armoiries de Roucy :  d'or au lion d'azur lampassé de gueules   

—Fond damassé pourpre à feuillages et oiseaux affrontés inspiré des lampas de Lucques.

— Architecture en grisaille:  personnage à gauche (tenant un livre) et apôtre Thomas à droite.

chapelle-de-vendome 2096c

 

 

4b: registre intermédiaire : Louis de Bourbon-Vendôme et Blanche de Roucy présentés par saint Rémi.

   Les fondateurs, Louis de Bourbon et sa première épouse, avec saint Rémi.

 

  Louis Ier de Bourbon-Vendôme (1376-1446), cousin du roi Charles VII, comte de Vendôme, de Chartres (titre reçu en 1425 mais jamais confirmé), de la Marche en 1438, seigneur de Mondoubleau, d'Epernon et de Rémalard, Grand Chambellan de France en 1408, souverain maître d'hôtel du roi en 1413, gouverneur de Picardie, de Champagne et de Brie, épousa le 14 décembre 1412 Blanche de Roucy, décédée sans postérité en 1421., fille de Hugues II Comte de Roucy et de Blanche de Coucy, puis en 1424 Jeanne de Laval, fille de Guy XIII Sire de Laval et de Anne de Laval, mariage dont il eut un fils, Jean III comte de Vendôme (1428-1477) et fidèle de Charles VII. Son descendant Henri de Bourbon duc de Vendôme deviendra le bon roi Henri IV.

 

  Saint Rémi est, comme évêque de Reims où les rois de France sont sacrés et oint, le principal tutélaire de la monarchie française. La présence de saint Denis, tutélaire de la nécropole des rois et de saint Rémi, tutélaire de leur sacre, place cette donation sous le signe du combat mené par les Armagnacs pour conduire le dauphin Charles au trône (ce dernier sera roi sous le nom de Charles VII en 1422).

Le dessin est entièrement du au restaurateur, y compris la sainte ampoule que présente saint Rémi, et sans-doute l'inscription S. REMY. La sainte ampoule était censée contenir l'huile qui avait sacrée Clovis et qu'une colombe avait apporté au saint.

— Fond damassé bleu à motif floral large. 

 — Architecture : apôtre André à gauche (la croix) et ? à droite.

 

                               chapelle-de-vendome 2100c

 

La relevé effectué par Gaignères : 

                                      

 

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                   REGISTRE SUPÉRIEUR . 

Couronnement de la Vierge et Christ Sauveur, entourés de saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste. Leur présence est sans-doute due au prénom du père de Louis de Bourbon-Vendôme, Jean de Bourbon la Marche.


Première lancette : saint Jean-Baptiste.


— Fond damassé bleu à fleurs larges et fleuron vert (jaune d'argent). 

 — Architecture : à gauche, l'apôtre Thomas et ? tenant un bâton ou une hampe.

                                         chapelle-de-vendome 2101c

 

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Deuxième lancette. Couronnement de la Vierge.

 

— Fond damassé vert selon le style des lampas de Lucques à oiseaux ; boules à étoiles rouges.

 — Architecture en grisaille : apôtres Jacques ?? (bâton) et Philippe (croix latine à hampe)

                                 chapelle-de-vendome 2102c

 

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Comparer avec la Rose de la baie du Mans :     

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Troisième lancette. Christ Sauveur.

— Fond : damassé vert selon le style des lampas de Lucques à oiseaux ; boules à étoiles rouges.

 — Architecture en grisaille : personnage à gauche et Jacques le mineur (bâton de foulon) à droite.

— Le Christ Sauveur qui tient le globus cruciger et trace sa bénédiction sur le Monde est couronné.

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      Comparer avec la Rose de la baie du Mans :

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Quatrième lancette : saint Jean l'évangéliste.

— Saint Jean, imberbe, nimbé de rouge, vêtu d'une robe rouge et d'un manteau bleu à revers vert tient la coupe de poison d'où sortent la tête et la queue de deux serpents. 

Fond damassé rouge à feuillages stylisés à gros motif et parsemé boules à motif d'étoile rouge.

 — Architecture : personnages non identifiés.

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Récapitulatif des apôtres :  Pierre, Paul ou Matthieu, André, Thomas, Philippe, Jacques le mineur, Barthélémy. 

 

                         TYMPAN.

Composé de douze ajours et de 18 écoinçons, il associe dans le registre inférieur les trois quadrilobes d'une Passion à des scènes d'un Jugement Dernier, et dans le registre supérieur un Christ ressuscité au sommet, adoré par la Vierge et saint Jean tandis que deux anges sonnent à droite et à gauche l'heure du Jugement de leur trompette.


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Registre inférieur.

Au centre du tympan, le Christ en croix sous le soleil et la lune et le titulus INRI : il est couronné d'épines et ceint du perizonium. Deux anges recueillent le Précieux Sang et trois autres (en bleu) le vénèrent.

A sa gauche, Marie-Madeleine et la Vierge (toutes les deux en manteau damassé) et saint Jean ainsi qu'une Sainte Femme.

Scènes de résurrection lors du Jour du Seigneur : deux hommes sortent du tombeau, mains jointes ou bras écartés. Plus près de la croix, un pape coiffé de la tiare à trois couronnes se dresse également. 

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Rose du Mans (cliquez pour agrandir): scènes de résurrection des morts :

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A droite de la croix, suite de la Passion : pas moins de neuf personnages  parmi lesquels on tente de reconnaître le Bon Centurion qui prononce les mots inscrits sur la banderole : Vere Filius Dei est hic, "Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu". Chacune des coiffures est curieuse à détailler.


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      Un cardinal, nu en dehors de la pourpre cardinalice de son galero, sort du tombeau. Une femme au longs cheveux, vêtue d'un linceul, se dresse également.

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      Le Christ ressuscité, au nimbe crucifère, assis sur un arc-en-ciel, présente les plaies de ses mains, de son flanc et de ses pieds; il  est encadré par trois anges dans la mouchette, et par quatre anges dans les ajours, dont deux présentent les instruments de sa Passion.

 

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Comparez au Christ de la Rose du Mans : là aussi le Christ porte un nimbe crucifère et est assis sur un arc-en-ciel ; il présente les plaies de ses mains.

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Mécène, donateur, commanditaire ou concepteur : le thème iconographique.    

 

S'il est bien attesté que Louis Ier de Bourbon-Vendôme est le fondateur de la chapelle, rien n'indique si d'autres donateurs ont participé à l'établissement de la verrière. Surtout, rien n'indique non plus qu'il ait choisi l'iconographie de cette dernière. En captivité depuis 1415, il n'a pu être consulté lors de la construction de la chapelle en 1417.

Il est donc probable que le choix de faire figurer à ses cotés d'autre membres de sa famille, et de consacrer la verrière au thème central du Couronnement de la Vierge complété dans le tympan à une Passion et un Jugement Dernier, soit imputable aux chanoines de la cathédrale de Chartres par leur Chapitre.

Deux interprétations au moins sont envisageables :

  Soit la famille de Bourbon-Vendôme souhaite souligner ses liens avec l'essence de la royauté comme signe de l'élection divine, rappeler qu'elle descend de saint Louis, en lequel fusionne les deux valeurs de royauté et de sainteté, ou qu'elle comprend parmi ses membres des têtes couronnées sur le royaume  de Jérusalem (nouveau lien avec le divin), de Naples, de Sicile et de Hongrie. Ce sentiment d'élection divine ou de sang royale lui impose une exigence d'excellence religieuse et morale et elle élève ses enfants à cette "escolle de vertu et de perfection" (1505, Suzanne de Bourbon). La verrière se lit alors en considérant les huit donateurs irradiés par la grâce diffusée par la scène princeps du Couronnement de Marie et du Christ-Roi, et revendiquant à travers leurs pieuses attitudes le privilège de cette proximité avec Dieu, la Vierge et ses saints.

  Soit le chapitre cathédral de Chartres décide souverainement de l'usage qu'il fait des fonds reçus par donation et choisit le thème iconographique en fonction de ses préoccupations théologiques ou de la défense de ses propres intérêts : tout en rendant hommage aux donateurs, il place au dessus d'eux le Jugement divin, rappelle la vanité des gloires mortelles, et souligne que toute royauté ici-bas n'est qu'une délégation de la Royauté divine. Plaçant les apôtres dans l'encadrement en grisaille des donateurs, il illustre la place de l'Église et le rôle des clercs comme conseillers des princes.


Datation :

La construction de la chapelle ayant débuté en 1417, et Jacques de Bourbon ayant quitté Jeanne de Naples en 1419, les verrières ont pu être réalisées en 1418-1419. 


Stylistique :

  Je ne dispose pas d'éléments bibliographiques à ce sujet. Le profond remaniement dû aux restaurations successives limitent la portée des constatations faites sur la vitre existante. Je remarque, à mon petit niveau, l'usage des fonds damassés parsemés de boules colorées, beaucoup de ces fonds comportant les oiseaux affrontés qui témoignent de l'influence des soieries de Lucques. A la différence de la baie du Mans, et d'autres vitres contemporaines de l'ouest de la France, les pupilles ne sont pas rehaussées de jaune d'argent.


Rapprochement avec la baie du transept nord de la cathédrale du Mans. 

J'ai mené au fur et à mesure ce rapprochement qui concerne la disposition des donateurs, les donations au chapitre, le contexte historique lors de la Guerre de Cent Ans et la présence des Anglais dans les villes ou le conflit entre Armagnacs et Bourguignons. La présence de saint Denis, de saint Rémi et de saint Louis à Chartres m'incite à penser que les deux saints mal identifiés au Mans à coté de saint Louis sont, là aussi, Denis et Rémi. Inversement, le Credo apostolique du Mans me fait observer avec plus d'attention la présence des apôtres avec d'autres personnages (prophètes ?) dans l'encadrement de grisaille. A Chartres, le tympan semble la copie au brouillon de la Rose du Mans, et on mesure combien le thème de la Passion fait perdre de la cohérence à l'ensemble placé sous le signe du Christ Roi, Sauveur et Juge ; mais parmi l'ensemble des couronne dorées de la baie 40, la couronne d'épine souligne le paradoxe de la Croix.

L'une des différences est l'absence à Chartres de toute donnée épigraphique, alors qu'outre les articles du Credo, les versets des Psaumes et les prières qui sont encore déchiffrables sur les livres d'Heures commentent l'état d'âme des donateurs, et que les citations du Gloria et de l'Agnus Dei de la Rose précisent la double dimension de Gloire et de Rédemption du Christ Roi.

  Les éléments stylistiques communs que j'ai su remarquer sont ceux qui concernent les fonds damassés. L'étude des visages et des drapés, ou les techniques de peinture dépassent mes compétences, mais, là encore, les verres originaux sont trop rares pour renseigner le chercheur.  L'étude des vêtements et des coiffures dans une comparaison avec celle du Mans reste à mener.

 Sources et liens. 

— Ernest de Buchère de Lépinois - 1858 - Histoire de Chartres volume 2.

— http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm6101/ND@Chartres_40.php

http://www.cathedrale-chartres.fr/vitraux/vitrail_chapelle_vendome/index.htm

— Pages perso de Stephane Thomas : Branche des comtes de la Marche 

http://stephane.thomas.pagesperso-orange.fr/capetien/bourbon_marche.html

—  MONFAUCON (R.P. Bernard de )  Les monumens de la monarchie française qui comprennent l'histoire de France Vol. 3 Page 191

 

 

 

 

 

Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vitraux_de_Chartres#Chapelle_de_Vend.C3.B4me

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Published by jean-yves cordier
4 juin 2014 3 04 /06 /juin /2014 20:47

Les "échiquiers" ou "damiers" des vitraux de la cathédrale de Chartres . Baie 114b et baie 35.


 La Baie 114 lancette de droite : Fuite en Égypte et Nativité, Colin de la chambre royale, donateur.

 


Numérotation de la verrière :114b (Chaussé ; Deremble-Manhès) soit 105 Delaporte. Elle mesure 7,27 m par 2,09 m, et se divise en trois registres de scènes dans des médaillons octogonaux. La baie a deux lancettes a et b, une rose à 16 ajours. Les bordures ont été détruites en 1757. La baie a été restaurée en 1921 par Gaudin avec restitution de bordures.

Introduction.

  Mon but était d'examiner deux exemples (baie 114 et baie 35) de plateau de jeu à cases des vitraux de la cathédrale de Chartres, pour préciser s'il convenait de les nommer "échiquiers" ou "damiers", ou s'ils servaient de support ("tablier") au jeu de dés, très en vogue au Moyen-Âge malgré sa mauvaise réputation aux yeux de l'Église. Ces deux vitraux datent du XIIIe siècle. Véronique Chaussé et al. 1981 y décrivait "2 joueurs d'échecs" en baie 114. En réalité, j'ai eu la surprise de découvrir un autre usage de ces plateaux à carreaux comme support de comptabilité et de réfléchir à la proximité des mots "échiquier" et "chéquier".

 Cela me permit aussi de découvrir l'ensemble de la baie 114, verrière du chœur coté nord datée de 1210-1225. 


1. Registre inférieur : Colini donateur.

Inscription : VITREA COLINI : D

                      E CAM[ER]A REGIS

  Deux personnages sont assis l'un en face de l'autre devant un "tablier" ou table de jeu à damier de 8 x 8 = 64 cases bleues et blanches : c'est le nombre traditionnel des cases de l'échiquier de l'époque, mais ces plateau peuvent également, de façon plus ancienne, servir à lancer les dès (cet usage est l'origine du mot "fritillaire"). Or le personnage de gauche lance les dès  placés non pas dans un cornet, mais dans un sac, tandis que son compagnon fait un geste et une mimique de réprobation. Il faut une bonne dose d'imagination affranchie de l'observation de l'image pour voir ici des joueurs d'échecs.

 Selon l'abbé Bulteau : "Au tableau inférieur, le donateur et sa femme jouent aux dés sur un échiquier ; ils tiennent de vastes cornets rouges au fond desquels se trouvent des dés : au dessus de leurs têtes se trouvent l'inscription : VITREA : COLINI : D E CA~MA REGIS, que M. de Lasteyrie rétablit de cette manière : Vitrea Colini de camera Regis, "Vitre de Colinus de la chambre du Roi". Ce Colinus est sans-doute le même dont parle une charte de Hugues datée de 1225, laquelle fait connaître que Colinnus de Mannoi a donné à Robert Foart une terre située à Marchéville (cartulaire de Saint-Père, tome II)". Bulteau 1850 page 211

  Cette description n'est pas exacte, puisqu'il ne s'agit manifestement pas d'un couple d' homme et de femme, qu'un seul personnage tient un sac, et que les dès ne sont pas visibles, comme le souligne F. de Mély dans la Revue de l'Art chrétien 1888 ("étude iconographique sur les vitraux du XIIIe siècle" page 423). 

L'inscription elle-même a été comprise certainement à tort comme "Colin, vitrier du roi", mais le décryptage de Lasteyrie et Bulteau est plus juste : "Vitre de Colinus (Colin) de la Chambre du Roi".

  L'inscription m'incite à découvrir d'abord ce que recouvre la "chambre du roi "; la datation du vitrail correspond au règne de Philippe Auguste (1165-1223) ou au bref règne de Louis VIII (1223-1226).

   a) la Chambre du Roi.

   Cette Chambre du Roi représente ce qui deviendra La Maison du Roi, ensemble d'officiers de cour chargés de faire fonctionner le Palais sur le plan administratif et comptable mais aussi domestique. Elle trouve son origine dans la Curia regis (Cour du roi ou Conseil royal) des Capétiens et se composait alors de la famille royale, du sénéchal (chef des armées), du connétable, du chancelier (chef de la Justice), de laïcs et ecclésiastiques et divers officiers juristes ou comptables.

  Au XIIe siècle, la Curia regis a été scindé en deux, " l'hôtel-le-roi" qui gère les services domestiques, et le Conseil. À la fin du XIIIe siècle et au début du XVe siècle, le Conseil se scinda en trois sections spécialisées : le Conseil du roi, la Chambre des comptes et le Parlement. La charge de Sénéchal de France est supprimée sous Philippe Auguste et d'autres charges de grands officiers furent relégués aux rangs subalternes de chambrier, bouteiller, etc., Philippe Auguste choisissant surtout comme conseillers, après 1190, de petits nobles et des clercs obscurs. Cette Cour suivait le roi dans ses déplacements, si bien qu'en 1194, lors d'une bataille, Richard Ier d'Angleterre s'empara des coffres contenant les comptes du royaume de France et refusa de les restituer : la décision fut prise alors de rendre les comptes de la cour sédentaires, avec un embryon de Chambre des Comptes dans l'île de la Cité, le Trésor étant gardé à la Tour du Temple. 

  Il est donc probable que Colin, qui n'est pas connu comme un grand seigneur et dont qui n'a laissé quasiment aucune autre trace de son existence soit un clerc : clerico camera regis

Cette perspective incite non plus à voir dans ces deux personnages deux joueurs de dès ou de dames, mais un comptable du roi récusant les comptes que lui présente un quidam : voyez le geste de contestation du personnage de droite. En effet, il est bien connu qu'au Moyen-Âge, les plateaux quadrillés servaient soit à apprendre aux enfants à compter, soit aux adultes à faire leurs comptes.

b) De l'échiquier en comptabilité.

   Ce tapis ou ce plateau carré des banquiers médiévaux était formé de cases comprenant chacune un nombre selon une certaine loi de répartition. Cela conduit à découvrir comment s'entremêlent les mots et les sens du mot "échiquier", et de notre mot "chèque" qui lui est lié : Ouvrons le Littré et ses définitions du mot échiquier : nous y verrons que ce terme désigne certes une table divisée en carrés alternativement blancs et noirs, sur laquelle on joue aux échecs et aux dames, mais aussi "une abaque ou table à compter, dont on se servait pour la perception des impôts", et en Angleterre, la juridiction qui règle toutes les affaires des finances. ( La cour de l'Échiquier, Le chancelier de l'Échiquier : "Il y a à Londres un grand et un petit échiquier ; le Grand Échiquier est ce qu'on appelle en France Chambre des Comptes ; le Petit Échiquier est le Trésor royal.". Nous retrouvons les termes de Chambre et de Cour qui sont directement issus de la Curia regis et de la Camera regis. Le lexicographe ajoute "Quant à la signification de échiquier, pour cour de finance, trésor, elle vient de ce que cette cour tenait ses séances avec une table recouverte d'un tapis divisé en carreaux comme un échiquier. C'est ainsi que bureau, (étoffe), a pris le sens de table sur laquelle on écrit, et d'office où l'on expédie les affaires."

 

Le Trésor de la Langue Française (CNRTL) précise encore que  la première occurrence du mot date de 1160 environ sous la forme eschaquiers « dont la surface est divisée en carreaux » dans l'Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, vers 742 et vers 4030 :

Onkes ne fu plus preciose e un mantel qui molt fu chiers ;/ la penne en fut a eschaquiers d'une biche de 2 colors. (740-744)

Ses mantels furent riches et chiers, et fu toz faiz a eschaquiers / L'un tavel ert de blanc hermine et l'altre ert de gole martrine. (4029-4032)

Les deux usages du mot servent à décrire, dans l'expression "a eschaquiers" semblable dans ce pluriel à notre "à carreaux", d'abord le manteau de la reine de Carthage Didon, puis celui de Camille, fameuse reine des Volsques depuis Virgile. Donc, l'expression désigne d'abord une étoffe (ou fourrure) bicolore, privilège exorbitant réservé aux reines. Cette association Étoffe / deux couleurs opposées / Royauté sera persistante et accompagnera en sourdine le mot et la chose.

En 1170 on trouve la forme eschekier « trésor royal » (Quatre livres des rois, éd. E. R. Curtius, p. 118 [1 Rois 4, 6])

L'usage du mot pour désigner le jeu  apparaît presque en même temps, en 1176 sous la forme eschaquier dans le Cligès de Chrétien de Troyes (Cligès, éd. A. Micha, vers 2335).

L'Échiquier de Normandie.

Il s'agit d'une Cour itinérante, chargée de la vérification des comptes puis de l’instruction des affaires judiciaires, mis en place au XIe siècle par les ducs. 

Scacarii Sancti Michaelis (Plaids de l’Échiquier de Saint Michel) : © Arch. Dép. Seine-Maritime

" Le registre présenté ici est le plus ancien conservé dans le fonds de l'Échiquier de Normandie. Intitulé Placita Scacarii Sancti Michaelis (Plaids de l’Échiquier de Saint Michel), il s’agit d’un registre factice conservant la mémoire des affaires portées devant l’Échiquier de la Saint Michel (29 septembre) et de Pâques entre 1336 et 1342. Pour chaque affaire sont mentionnés le nom des parties ainsi que leurs procureurs. Rédigé tantôt en latin tantôt en français, il se distingue des autres registres de l’Échiquier qui sont intégralement rédigés en français. ADSM, fonds du Parlement de Normandie, 1 B 1. Registre parchemin)"

 

 Le CNRTL signale que c'est dans le Cartulaire de l'église de Chartres qu'en 1280 le mot eschekier est attesté dans son sens de « cour de justice, en Normandie », cour maintenue sous le nom d'Échiquier de Normandie lors de la réunion de la Normandie au domaine par Philippe-Auguste. L'article Wikipédia consacré à cet Échiquier de Normandie indique que son nom dérivait " de ce qu’il y avait sur la table où se réglait les comptes de la trésorerie, un tapis échiqueté de noir et de blanc, servant à caser les différentes monnaies ayant cours dans le duché. Les ducs emmenaient partout avec eux ce tapis et concluaient leurs décisions par ces mots : actum in scaccario ou super scaccarium.", fait en l'Échiquier ou sur l'Échiquier (Floquet page 25)

 Le terme de latin médiéval scaccarium, relevé en 1140 semble avoir précédé le nom français, et certains font dériver ce scaccarium  du saxon scata "trésor" ou eschaita "revenus" ; d'autres de l'allemand skechen, "envoyé". 

Le motif à l'échiquier, ou échiqueté apparaît comme l'emblème de cette Cour des Comptes  et de Justice, soit sous forme d'une table aux carreaux de marbre alternés ou de constructions en briques bicolores, soit surtout sous forme d'un tapis à carreaux qui devait présider à ses réunions. Ces draps échiquetés nommés scacaria étaient en usage à l'Échiquier de Londres,(terme anglais Exchequer ca 1190) fournis par les rois Henry II,  Richard-Cœur-de-Lion et Jean-Sans-Terre (Floquet citant de la Morinière). Ces tapis si essentiels trouvaient-ils l'origine de leurs motifs dans les jetons bicolores qu'on y jetait ou à la nécessité de placer dans des cases différentes les différentes monnaies "les besants, les talents, les monnaies d'Anjou et de Rouen". 

Mais on ne peut faire de cet échiquier un ornement quasi héraldique ou, comme le dit Floquet, "sacramentel" de cette Cour puisqu'il était aussi en usage chez les banquiers pour effectuer leurs comptes (eschequier, milieu du XIIIe siècle).

Dans ce contexte, notre terme chèque apparu selon le CNRTL en 1878 et 1932, fut emprunté à l'anglais check (1774) dans le sens de « talon, souche (d'un bon de trésorerie) » sens issu de celui de «contrôle, vérification, arrêt, échec » le procédé des souches étant destiné à mettre un terme aux manœuvres illégales. Check est emprunté à l'ancien français eschec, v. échec.

 Mais  je lis ailleurs que l'origine du mot anglais est compliquée et controversée. "Le "chèque" semble bien venir de l'"échec" qui, au départ, représente le jeu stratégique qu'on connaît, et qui nous vient de Perse (Shakh mat = le roi est mort = "échec et mat") .Le "jeu d'échecs" a donc donné l'"échiquier" et comme, semble-t-il, les banquiers du Moyen âge avaient coutume de compter leurs sous sur de petits tapis à carreaux, l'"échiquier" est devenu à la fois la métonymie de trésor (trésor royal anglais - chancelier de l'Échiquier) et également de vérification. D'où cette idée du "chèque", bordereau de crédit.  L'idée de vérification est encore primordiale en anglais, et le franglais, si jargonnant qu'il soit, nous en fournit des exemples : (checklist, checkpoint, etc.)".

Pour continuer à se perdre dans le dédale des associations, le mot de latin médiéval scaccus désigne le Roi, rex du jeu d'échec, lui-même nommé scacchi ou scaccarium, ou ludo scachorum. Le terme latin vient du persan shakh  شاه, le Shah ou Chah, Roi traduit sachus, i en latin. Le lien entre les échecs et le roi est indissociable.

  Jean de Vignay traduisit entre 1332 et 1350 le De ludo scacchorum [Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo scacchorum] de Jacques de Cessoles sous le titre Le jeu des échecs moralisé ou plus exactement Le livre de la moralité des nobles hommes et de gens du peuple soubz le gieu des eschés (ms. BnF, fr. 572, inc.); Le gieu des eschés (ms. BnF, fr. 572, expl.); La moralité des nobles hommes et des gens de pueple sus le gieu des eschés

Voir manuscrit Bnf 480 folio 34r  ou 35r .

Nota bene : Le manuscrit Bnf 572 est dédicacé à Jean II Le Bon (1319-1364) alors qu'il n'était pas encore roi  ...mais duc de Normandie. Roi de 1350 à 1364, et prisonnier des Anglais à Londres, il reçut d'Edouard III en 1360 un Eschiquier de musique... Les deux "échiquiers de musique" de la cathédrale du Mans.


 

 


Voir aussi le chapitre V de  Zoonymie du papillon la Mélitée du Plantain, Melitaea cinxia.

Cette excursion lexicographique permet de regarder autrement le vitrail de la baie 114 de Chartres. Certes il s'agit d'un plateau de jeu aux 64 cases traditionnelles, mais nous sommes devant une scène de contrôle des comptes par un clerc de la Chambre du Roi veillant à mettre en échec les tentatives de fraude.    

 

echiquier-donateur-colini 2220c

 

 

2. La Nativité (Luc 2:1-7, Matthieu 1:25).

 C'est une "Vierge dans son lit d'accouchée" typique, avec la pose de la veilleuse accoudée un coussin sous la tête, et l'influence byzantine dans le drapé très riche. Joseph est songeur, car le voilà dans de beaux draps! Selon la tradition iconographique, une canne montre qu'il a dépassé l'âge habituel de la paternité et qu'il pourrait être le grand-père plutôt que le beau-père du bébé.  Celui-ci, si parfaitement langé qu'il ne peut pas bouger, regarde avec inquiétude le bœuf qui, comme l'âne son compère, a placé une patte dans le berceau. Heureusement, ils sont tous les deux solidement attachés par un licol. Ces deux là illustrent la prophétie d'Isaïe 1:3, «Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne la crèche de son fabricant." et l'Évangile du Pseudo-Matthieu atteste de leur présence dans la crèche.

La structure sur laquelle est posée le berceau semble en brique surmontée d'une grille métallique : elle est assez identique à la sorte de fourneau de la voûte duquel pend deux lampes. Ces dernières évoquent celles qui, symbolisant la veille attentive du pseudo-dormeur, sont placées au dessus de tous les autres dormeurs des vitraux médiévaux, à commencer par Jessé. Même allongée et les yeux fermées, la Vierge ne s'endort pas, elle médite et elle prie.


On notera encore que Joseph n'est pas gratifié d'un nimbe : son culte ne se développera que beaucoup plus tard. L'Enfant-Jésus porte un beau nimbe crucifère rouge et or et la Vierge un nimbe rouge.


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3. La Fuite en Égypte. (Matthieu 2:1-12)

 

      (Saint) Joseph, à défaut d'auréole, a retrouvé de la vigueur, et sa canne ne lui sert plus qu'à porter son baluchon. La mère et le Fils échangent un regard complice, et Dieu touché par la scène ne peut résister à passer la main à travers les nuages pour bénir son rejeton. Quelle Sainte Famille, quoique recomposée ! Mais le plus beau, après le visage de Joseph, c'est l'âne, superbement dessiné dans sa marche rétive.

                 echiquier-donateur-colini 2219cc     

 

 

 La Baie du Fils prodigue (Baie 35, 1205-1215) et la Griesche d'hiver de Rutebeuf (ca1250).

 Une autre verrière de Chartres montre deux joueurs face à un plateau de jeu à 64 cases, abusivement nommé encore damier ou échiquier puisque le joueur de gauche tient manifestement dans un cornet trois dès dont on distingue les chiffres 5, 3 et 2. Comme le fait remarquer le site www.cathédrale-chartres.fr, son adversaire (le fils prodigue, précisément) est fort dépité, car il ne porte plus que ses braies et ses chausse vertes et a déjà été dépouillé de sa chemise. C'est donc une condamnation morale par l'Église de ce jeu.

Cette image montre bien que le tablier ou "damier" n'est pas utilisé pour ses cases, mais comme plateau de jeu. Mais au jeu nommé "dringuet", 2 joueurs se placent de chaque côté d’un échiquier ; l’un choisit les cases claires, l’autre les cases foncées, et décident d’un enjeu. Le premier à jouer lance un dé sur l’échiquier. Si le dé tombe à l’intérieur d’une case claire, le gain va à celui qui a choisit cette couleur ; c’est l’inverse dans le cas contraire ; si le dé « boit », c’est à dire si le dé est à cheval sur 2 cases, le tir est recommencé. (Daniel Onfray)

  Ce panneau semble vouloir illustre à l'avance les poèmes des Complaintes de Rutebeuf, le Dit de la griesche d’yver et le Dit de la griesche d’été dans lesquels il déplore les méfaits du jeu, qui l'ont laissé sans chemise, ayant du la laisser en gage à l'aubergiste. Car si nous connaissons la Pie griesche ou Ecorceur qui empale les insectes qu'elle capture sur des épines, nous ignorons souvent que la Griesche est le nom d'un jeu de dès venu, comme son nom l'indique, de Grèce vers 1255 : 

Dit de la griesche d'yver :

Les dés que les déciers ont fait

M’ont de ma robe tout défait ;
Les dés m’occient,
Les dés m’aguettent et épient,
Les dés m’assaillent et défient,
Ce pèse moi.

Je n’en puis mais, si je m’émeus :
Ne vois venir avril ni mai,
Voici la glace.
Or suis entré en male trace ;
Les trahiteurs de pute extrace
M’ont mis sans robe.
Le siècle est si plein de lobe !
Qui auques a, si fait le gobe ;
Et je, que fais,
Qui de pauvreté sens le fait ?
Griesche ne me laisse en paix,
Moult me dérroie,
Moult m’assaut et moult me guerroie ;
Jamais de ce mal ne garroie
Par tel marché.

...Trop ai en mauvais lieu marché ;
Les dés m’ont pris et emparché :
Je les claims quitte !
Fol est qu’à leur conseil habite :
De sa dette pas ne s’acquitte,
Ainçois s’encombre ;

 Adaptation : "Les dés que les fabricants de dés ont faits m’ont pris ma robe; les dés me tuent, les dés me guettent et m’épient. Les dés m’assaillent et me défient, cela pèse sur moi. Je n’en peux plus, je m’énerve: je ne vois venir ni avril, ni mai, voici la glace. Je suis entré dans une mauvaise voie, les traîtres de mauvaise extraction m’ont laissé sans vêtement. 

 ... Le démon du jeu ne me laisse pas en paix, il me dérange beaucoup, il m’assaille sans cesse et me fait la guerre sans arrêt, jamais je ne pourrai guérir de ce mal, par un quelconque arrangement. J’ai trop marché en de mauvais lieux, les dés m’ont pris et emprisonné: je leur demande d’être quitte. Fou est celui qui prend conseil d’eux, qui ne s’acquitte pas de ses dettes, mais s’en encombre et, de jour en jour, en accroît le nombre

Dit de la griesche d'été :

Rutebeuf y fait allusion à l'expression "Échec!" utilisée pour marquer sa victoire ; mais c'est le jeu qui gagne, et laisse le joueur "habillé d'un sac" :

La dent dit Clac / Et la griesche dit Échec. / De quoi s'habiller d'un sac. C'est le gain / du plus habile à la griesche.

 

Le "Jeu de saint Nicolas" de Bodel, et l'origine du mot "hasard".

Si l'artiste verrier de Chartres n'a pas pu, vers 1215, être influencé par Rutebeuf, il a pu l'être par le "jeu" (piède de théâtre) du trouvère Jehan Bodel qui met en scène des truands dans une taverne : il l'a écrite en 1200.

Le jeu de dès y porte le nom de "hazart", terme qui désigne aussi "un certain coup au jeu de hasard". La première occurrence du mot en français date de 1150, dans ce sens de "jeu de dés" avant de prendre la signification moderne de cause imprévisible et fortuite. Il provient de l'espagnol azar, qui le tient peut-être de l'arabe az-zahr (" dé à jouer") mais comme az-zahr n'appartient pas à l'arabe classique, on propose zahr, "fleur", "parce qu'une fleur aurait été présente sur une face du dé", ou yazara, "jouer aux dés".

Quant au mot , il proviendrait de dare, datum, "donner" ; mais on sait qu'en latin les dés se disent alea.

 

 

 

  "Le succès des dès s’explique très certainement par la simplicité du matériel utilisé (os, bois de cerf, plus rarement ivoire) ainsi que par celle des règles suivies. Même si, comme l’affirme Polydore Virgile en 1499, il existe plus de six cents manières de jouer aux dés, la plupart des parties que la documentation permet de restituer avec quelque détail se jouent avec trois dés, le but étant d’obtenir le plus grand nombre de points possible en un seul jet ou, éventuellement, en une succession de jets. Des formes de parties de dés plus complexes apparaissent néanmoins çà et là dans la littérature. D’autres jeux, comme le dringuet ou le "franc du carreau", tiennent à la fois du jeu de hasard et du jeu d’adresse puisqu’ils consistent à jeter les dés sur un damier.

 Tout l’intérêt de ces jeux réside évidemment dans les enjeux, qu’il s’agisse de savoir simplement qui va payer l’aubergiste ou de risquer des sommes plus importantes comme c’est le cas dans les milieux aristocratiques, où peuvent être repérés de véritables "flambeurs", capables de perdre en une soirée des sommes fantastiques." (Bnf)

 

 Le jeu de dès fait fureur depuis les Grecs et les Romains, et les dés se jettent sur des plateaux depuis l'origine (plateau de térébinthe verni). Au Forum de Rome, on a retrouvé des tables de jeu gravés sur le pavé de la basilique Julia. Antoine, les empereurs Auguste, Néron, ou Claude étaient des joueurs passionnés ; Caligula était un tricheur impérial, et Commode fit aménager des salles spéciales pour y jouer dans son palais. Verus y passait des nuits blanches. Le peuple y jouait de si gros enjeux que les magistrats en condamnèrent la pratique. 

Les Gaulois y jouaient aussi, et emmenaient leurs dés dans la tombe.

Plus près de nous, le Duc de Berry était un joueur effréné, et un jour de 1370 où il avait épuisé sa bourse, il engagea son chapelet, dont il obtint 40 francs. (Voir ici)

A Paris, au Moyen-Âge, les joueurs (ouvrier de griesche) se réunissaient Place de Grève. 

Le jeu de dès, invention diabolique : les dès ont d'autant plus mauvaise réputation pour l'Église qu'ils figurent parmi les Instruments de la Passion, les soldats romains ayant tiré au dés la tunique du Christ plutôt que de la coupée, car elle était sans couture.

 

                                                 

 

 

Source image : http://www.mjae.com/eglise.html

 

Sources et liens.

BULTEAU (  abbé M. T..) 1850 Description de la cathédrale de Chartres : suivie d'une courte notice sur les églises de Saint-Pierre, de Saint-André et de Saint-Aignan de la même ville : avec cinq planches Edit.  Garnier :Chartres  1 vol. (320 p.) : pl. ; in-8 p. 211

https://archive.org/stream/descriptiondela00bultgoog#page/n228/mode/2up

— DELAPORTE (Abbé Yves), 1926 Les Vitraux de la cathédrale de Chartres. Histoire et Description, par l'abbé Delaporte, archiviste diocésain, secrétaire de la Société archéologique d'Eure-et-Loir. Reproductions, par E. Houvet, lauréat de l'Académie des beaux-arts, gardien de la cathédrale. Texte (1 volume) et planches (3 volumes). I. (Planches en trichromie, I-IV ; planches en noir, I-XCI ; planches coloriées, I-IX.) II. (Planches en trichromie, V-VII ; planches en noir, XCII-CLXXXII ; planches coloriées, X-XVIII.) III. (Planches en trichromie, VIII-X ; planches en noir, CLXXXIII-CCLXXXIV.). impr. Durand, rue Fulbert ; E. Houvet, éditeur, 20, rue de Rechèvres, Paris 1926 (non consulté) 

 — CHAUSSÉ (Véronique) , Martine Callias Bey, Françoise Gatouillat, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire ,  Corpus vitrearum, Recensement des vitraux anciens de la France, volume II Ed. du CNRS, Paris 1981 page 38.

 

FLOQUET,( Amable) 1840  Essai historique sur l'Échiquier de Normandie Ed. E. Frère :Rouen) 1840 Gallica 

 — KURMANN-SCHWARZ (Brigitte)  "Récits, programme, commanditaires, concepteurs, donateurs : publications récentes sur l'iconographie des vitraux de la cathédrale de Chartres" Bulletin Monumental1996  Volume   154   pp. 55-71 page 63

LUCAS (Bernard) L'Église et le jeu d'échec : http://www.mjae.com/eglise.html

— STONES Alison Site Medart :  http://www.medart.pitt.edu/image/France/Chartres/Chartres-Cathedral/Windows/Nave-windows/chartres-Nave-windows-main.html

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Published by jean-yves cordier
2 juin 2014 1 02 /06 /juin /2014 13:22

 

Les deux "échiquiers de musique" de la cathédrale du Mans ... et le Gwezboel celte.


 

      L'échiquier de musique est un instrument à cordes et à clavier, comportant huit à neuf touches, apparu au XIVe siècle et qui disparaîtra peu à peu au XVIe siècle. Ses deux seules représentations au monde se trouvent dans la cathédrale du Mans, l'un sur les voûtes de la chapelle de la Vierge (1377), l'autre dans la rose du vitrail qui ferme la baie 217 du transept nord (1430-1435).

Frappées ou pincées ?

  A la différence du psaltérion, instrument à cordes pincées à l'aide de plectres, et du clavecin, ce serait un instrument à cordes frappées, comme le doulcemelle, le tympanon, le clavicorde  et plus tard le piano. Les cordes métalliques seraient frappées par un petit marteau pour produire les notes do ré mi fa sol la si. Le son en devait être assez doux et discret (cette particularité est à l'origine du nom doulcemelle, dulce melos ou chant doux), comme plus tard celui du clavicorde, qui sera un instrument d'étude et non de concert public. Il est, dès son origine historique, liée à la noblesse, voire peut-être réservé aux cours royales.

  Pourtant, des auteurs (E.L Kottick infra ;  Histoire du clavecin in Wikipédia) en font un ancêtre du clavecin, avec des cordes pincées. Frappées ou pincées ? En réalité, il est impossible de trancher.

  Ce qui est certain, c'est que l'échiquier tire son nom de la décoration de sa caisse de résonance, décoration qui n'a a priori rien à voir avec ses propriétés musicales : c'est bien cette ornementation caractéristique en damier qui va retenir notre attention.  

 I. Histoire.

Elle nous est présentée par E.L. Kottick, que je traduis ici :

 

   "En 1356, durant la guerre de Cent Ans, Jean le Bon le mal nommé fut capturé par les Anglais à la bataille de Poitiers et passa les quatre années suivantes en captivité. Le prisonnier royal ne manqua pas d'égards, et un livre de compte de 1360 de la cour de France mentionne qu'un eschequir lui fut donné par  le monarque anglais Edouard III. Il s'agit de la première mention d'un nouvel instrument nommé chekker, mais aussi eschequir, eschiquir, eschaquier, eschiquier, etc. et qui est généralement considéré comme étant une sorte d'instrument à cordes à clavier.

L'échiquier  (dans le texte : Chekker) est mentionné à nouveau vers 1367 par le poète et compositeur Guillaume de Machaut (ca 1300-1377) à la fin d'un passage de son poème La Prise d'Alexandrie dans lequel il énumère tous les instruments de musique connus au milieu du XIVe siècle. Les dernières lignes sont celles-ci :

Trompes, buisines & trompettes,

 Guiges, rotes, harpes, chevrettes,

cornemuses & chalemelles,

Muses d'Aussay, riches et belles,

Et la fretiaus, & monocorde,

Qui à tous instrumens s'acorde,

Muse de blé, qu'on prent en terre,

Trépié, l'eschaquier d'Engletere,

Chifonie, flaios de saus.

 

 Il est intéressant de noter que Guillaume de Machaut identifie l'instrument comme un eschaquier d'Engletere. Sachant que Jean le Bon reçut l'instrument d'Edouard III cela semblerait indiquer que cet instrument fut associé très tôt à l'Angleterre, mais il est attesté par des sources en Espagne, en France et en Bourgogne qu'il était largement répandu alors. Par exemple, une lettre adressée en 1388 par Jean d'Aragon à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne  se réfère à un instrument « ressemble à un orgue mais qui résonne par des cordes". Bien que le propos de Jean soit d'obtenir un musicien sachant jouer de l'organetto, l'instrument à cordes en question pourrait être un claviciytherium, ancêtre du clavecin pouvant être placé sur les genoux.

Témoignages, lettres et sources littéraires durant tout le début du XVIe continuèrent à mentionner l'énigmatique échiquier bien qu'à cette date le nom soit aisément appliqué dans un sens archaïque au harpsichord." ( Edward L. Kottick 2003, A History of the Harpsichord, Volume 1  Page 9).

Compléments d'information :

  • Le facteur ayant réalisé l'instrument d'Edouard III se nomme Jehan Perrot.
  • L'instrument apparaît dans divers inventaires du XIV au XVe siècle.
  • Johannes de Muris (Jean de Murs) mentionne un instrument de ce genre dans son traité Musica speculativa daté de 1323
  • Il est cité dans la liste des instruments à cordes du Tractatus de canticis vol.1 "du chant sensible" de  Jean Gerson en 1429. 
  •  Cet instrument, diversement orthographié, apparaît vers 1367 dans le texte de Guillaume de Machaut cité supra, puis en 1378 chez Eustache Deschamps.
  •  Le nom reste en usage, sans plus de précision, jusqu'au début du XIVe siècle : il apparaît sous les formes de Schachtbrett, cité en 1404 par Eberhard Cersne dans Der Minne Regel, et sous le nom de Scacarum vers 1426 par Jean Gerson dans son De canticorum originali ratione.
  • (Wikipédia, Histoire du clavecin)

 

Un damier de 81 cases.

  Ce qui ressort de l'examen des deux seules représentations de l'instrument, c'est que son damier comporte  9 x 9 soit 81 cases. Il diffère en cela de l'échiquier du jeu d'échec  et le damier du jeu de dame qui comportent 64 cases (8 x 8) jusqu'au début du XVIIIe siècle, puis 100 (10 x 10) (damier à la polonaise ou international).

Les damiers ou plateau de jeu de dès des vitraux de Chartres (Baie 35 du Fils Prodige, 1205-1215 et Baie 114 haute du donateur Colin, 1210-1225) comportent 64 cases. De même, les échiquiers des enluminures de la Bnf comptent 64 cases.

Pour trouver un jeu de 81 cases, il faut se rendre soit au Japon (Shogi), soit en Afrique saharienne où les Mauritaniens jouent toujours au jeu oriental du dhama (jeu de dames dans le sable avec 40 noyaux de dattes et 40 bâtonnets), soit chez les Celtes où le plateau à 81 cases sert de support à une sorte d'échecs nommé, en breton,  Gwezboel : En vogue du Ve siècle  jusqu'au 12e siècle ou jusqu’à la fin du Moyen Âge, cette sorte de jeu d’échec celtique est un concurrent du Tablut nordique. Les Celtes anciens  le nommaient Viducuestla, les gallois Gwyddbwyll,  les irlandais Fidchell, également orthographié fidhcheall , fidceall , fitchneal ou fithchill  , les bretons anciens guid- poill c'est à dire la science ou l'art du "bois", car leurs damiers étaient normalement de cette matière, ou "sens du bois". Le nom, identique en breton, en gallois et en irlandais  indique que le nom est d'une extrême antiquité et qu'il leur était connu vers le Ier siècle avant J-C.  Le jeu est revendiquée par de nombreux Irlandais comme le prédécesseur du jeu d'échecs moderne : le nom a évolué en ficheall , le mot irlandais pour les échecs , tout en gwyddbwyll est le nom pour les échecs en gallois moderne.

Il était joué entre deux adversaires qui bougeaient les pions à travers le plateau.

 Le Fidchell est mentionné souvent dans les anciennes légendes celtiques et les traditions , mais la forme exacte du jeu est ouverte à la spéculation , en raison de l'absence de détails sur les règles, les pièces et même le plateau. Ce qui est clair, c'est qu'il a été joué sur un plateau , avec des ensembles de pièces opposées en nombre égal . Il ne doit pas être confondu avec des jeux comme le tawlbwrdd ou tafl ( également appelé hnefatafl ), qui impliquaient un roi au centre et des pièces dans un rapport 2:1. Il pourrait avoir succéder au jeu de société romain nommé "petits soldats"  (latrunculi ), également joué avec des pièces de nombre égal ; les latrunculi sont connus dans la Bretagne romaine.

 Ce qui m'intéresse est que les légendes décrivent le fidchell ou goezboell comme un jeu joué par la royauté , et même par les dieux . Selon les Irlandais , il a été inventé par Lugh , le dieu irlandais de la lumière, et a été joué très habilement par son fils, le héros Cúchulainn. 

 On envisage aussi une origine viking, et la possibilité que ce jeu aurait voyagé avec les invasions des peuples nordiques; mais cela concerne plutôt le tawlbwrdd Gallois, lui-même descendant des jeux  nordiques nommés tafl  : des jeux joués sur une grille de 7 x 7 cases , avec le roi au milieu, et un nombre inégal de pièces.

 En outre, le fidchell , tel qu'il est décrit dans les légendes , présente souvent un aspect mystique ou divinatoire : le cours des batailles peuvent dépendre des aléas d'une partie de fidchell , une autre  déciderait de la survenue d'événements historiques  et ainsi de suite. Cet aspect surnaturel n'est pas aussi franc dans les jeux de tafl. 

Lavish conseils gwyddbwyll , parfois mystiques apparaissent souvent dans la littérature galloise médiévale . Dans le rêve de Rhonabwy, une histoire en prose associé à la Mabinogion, le roi Arthur et Owain Mab Urien jouer le jeu avec des pièces d'or sur une planche d'argent . Dans un autre conte en prose, le rêve de Macsen Wledig, Eudaf y joue tandis que l'empereur Magnus Maximus lui rend visite. L'échiquier de Gwenddoleu ap Ceidio est cité comme l'un des Treize Trésors de l'île de la Grande-Bretagne dans des listes datant du 15ème et 16ème siècles ; selon celles-ci, le plateau est d'or et les pions sont  d'argent, et les pièces jouent les unes contre les autres automatiquement. Un damier magique comparable à celui de Gwenddoleu apparaît dans le roman arthurien Peredur fils d' Efrawg. Et un certain nombre de versions françaises de l'histoire Graal disposent d'échiquiers similaires avec des pièces qui se meuvent elles-mêmes comme dans la Deuxième continuation  du Perceval de Chrétien de Troyes ou dans le Conte du Graal , bien que dans ce cas le héros joue seul contre des pièces qui se déplacent par magie.

Source de ce paragraphe :article Wikipédia Fidchell http://en.wikipedia.org/wiki/Fidchell

 

Deux symboliques différentes.

   Source : Bnf

   La différence entre 64 case et 81 cases n'est pas modeste, puisqu' elle est sous-tendue par une symbolique très forte. En effet, le jeu d'échec, d'origine brahmanique comporte 8 x 8 cases car huit est le nombre sacré de la cosmogonie hindoue : la somme des carrés des soixante-quatre cases explique la marche du temps et des siècles. L'échiquier primitif de l'ancien jeu indien est un diagramme unicolore de soixante-quatre cases. Dans l'Inde védique, une telle figure géométrique est déjà employée par les brahmanes pour établir les plans des temples et des cités. Les quatre cases centrales incarnent la résidence de Brahma, le dieu créateur, les soixante autres celles des dieux secondaires du panthéon hindou. Grecs et Perses perdent cet usage rituel du diagramme vers 600 av. J.-C. Ils établissent une table dite "huit carrés", support de nombreux jeux.C'est en effet le tchaturanga - l'ancien jeu indien des "quatre rois", ancêtre des échecs - qui a donné aux échecs sa table de jeu. Au cours de ses voyages, l'échiquier s'est parfois transformé. Il a pu être élargi à douze cases sur douze pour offrir aux armées un plus large champ de combat, ou au contraire réduit à six cases sur six, voire sept sur sept, ou encore former un rectangle de six cases sur huit. En fait, le nombre soixante-quatre est peu symbolique pour la culture occidentale qui aurait préféré trente-six, quarante-neuf ou soixante-douze cases. Mais la plupart des échiquiers médiévaux comptent soixante-quatre cases et forment un carré moyen de 40 x 40 cm. L'échiquier rond est une particularité byzantine qui n'a pas rencontré de succès ailleurs. Le quadrillage en damier noir et blanc est assez tardif. Indiens, Perses et Arabes jouèrent sur une table unicolore, parfois une grille tracée à même le sol. C'est pour des partis pris esthétiques, en réalisant des échiquiers luxueux pour le plaisir des aristocrates, que le damier s'est imposé. Il prend une dimension symbolique à partir du XIIIe siècle : "Le monde ressemble à l'échiquier quadrillé noir et blanc, ces deux couleurs symbolisant les conditions de vie et de mort, de bonté et de péché."

 

 

 

 

L'Échiquier d'Angleterre ou échiquier de musique : une origine celtique ?

   Le fait que les deux damiers de l'échiquier de musique représentés au Mans comportent 81 cases, d'une part,  que l'origine connue de cet instrument soit un don d'Edouard III au roi Jean le Bon captif en Angleterre d'autre part, et que l'instrument ait été désigné comme "échiquier d'Angleterre" alors qu'il était répandu en Europe, amène à s'interroger sur l'hypothèse d'une origine celtique de l'instrument, qui reprendrait à son compte à la fois le caractère royal du jeu de pions, ses liens avec la magie et la divination; et ses rapports avec la Matière de Bretagne, très en vogue parmi la noblesse.


Miscellanés :

a) Dans la légende arthurienne, Palamède est l' inventeur du jeu d'échec, et il porte des armes échiquetées. Dans le Tristan en prose il est le rival puis le compagnon du chevalier Tristan . Il se nomme Palamydes dans Le Morte d'Arthur ou encore Palomidès.  Sarrasin, fils du sultan de Babylone, Palamède s'est converti au christianisme avant de rejoindre la cour du roi Arthur. Instructeur de ses compagnons d'armes avec le jeu d'échecs qu'il a rapporté d'Orient, Palamède est un vaillant chevalier qui se couvre de gloire et finit par être reçu dans l'ordre de la Table ronde. L'héraldique littéraire lui a donné pour armoiries un écu en forme d'échiquier, échiqueté de sable et d'argent

b) Tristan est lui-même un grand joueur d'échec. C'est parce qu'il est trop captivé par ce jeu que des marchands norvégiens l'enlèvent de son pays natal. Il y joue avec la belle Yseut promise au roi Marc sur le bateau qui la mène vers le roi. 

Tristan et Yseut : échiquier de 7x7 cases.

82-1-.jpg 

 

http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/29/38/74/PDF/theseBoekhoorn.pdf  : chien page 332 

 

 

 

 

L'ange musicien de la voûte peinte par Jean de Bruges dans la chapelle de la Vierge de la Cathédrale du Mans (1377)

 

 

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      L'Ange musicien de la Rose de la baie 217 du transept nord de la cathédrale du Mans (1430-1435).

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Une reconstitution de l'échiquier de musique :

Source image : http://instrumentmusiqueoccasion.fr/lechiquier-de-musique/

 

                      echiquier de musique

 

 

 

Sources et liens.

http://en.wikipedia.org/wiki/Tawl-bwrdd

— Anges musiciens de la chapelle de la Vierge au Mans.

http://amidache72.blogspot.fr/2014/03/anges-musiciens-de-la-chapelle-de-la.html

— KOTTICK (Edward L.) A History of the Harpsichord, Volume 1  Indiana University Press 2003, 557 pp . Page 9


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Published by jean-yves cordier
1 juin 2014 7 01 /06 /juin /2014 14:10

Les œufs et la chrysalide d'Aporia crataegi le Gazé.

 

Quelques jours après avoir observé à Crozon les premiers Gazé en vol, je trouvais une chrysalide (ancienne Gare le long de l'étang de Kerloc'h) le 20 mai.

                       016


Le 1er juin, sur la falaise séparant l'Aber de Postollonec, je remarquais une femelle en train de pondre sur un prunellier  : aux jumelles, je voyais son abdomen s' arquer pointe en bas et frapper la feuille sur laquelle elle était posée, un coup toutes les cinq secondes environ. Rapidement, elle fut importunée dans son travail par un mâle qui cherchait à s'accoupler. Je repérais l'endroit et poursuivi ma promenade. Au retour, j'allais observer le résultat, mais je ne remarquais pas tout-de-suite le petit amas jaune. Comment, sans contrôle de la vue, madame Gazé avait-elle pu aligner ses œufs avec une telle précision ?  Voir une vidéo d'André Lequet sur le spectacle de frappe chirurgicale auquel j'ai assisté :  https://www.youtube.com/watch?v=i9Sjv4i3YX8

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En les regardant à la loupe, je vis qu'ils ressemblaient à de jolis bouteilles de soda-citron cannelée et  à l'opercule étoilée dont les six branches scintillaient comme en un diadème.

Une femelle pondra environ 500 œufs ; sur cette feuille, il s'en trouve près de 120.

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les mêmes, le 24 juin :

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Voir l'incomparable site Insecte.net :http://www.insectes-net.fr/aporia/aporia2.htm

 

Le 22 juin à Kerdreux, j'assiste au même spectacle : cette femelle tête en bas m'intrigue par son comportement :

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29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 18:05

Le peintre Jules Noël rétrograde ? Persiste et signe à Quimper !

  Le 1er juin 2013, j'ouvrais le débat dans ces colonnes: le peintre Jules Noël est-il délibérémment rétrograde ou emploie-t-il un N rétrograde pour signer ses œuvres par caprice passager, par égarement spéculaire ou par dysorthographie ou autre trouble de la Constellation des dys ? 

 Voir : Jules Noël à Brest, un peintre délibérément "rétrograde".  

Mes arguments pour une atteinte structurelle et durable et non pour un trouble cyclique ont du paraître particulièrement convaincants, car je n'ai reçu aucun commentaire.

  Néanmoins, je renforce ma thèse avec de nouvelles preuves, tirées d'une visite au Musée des Beaux-Arts de Quimper. En effet, ce temple de l'art a acquis  la boite de peinture de l'artiste, et, dans ce lieu intime que le peintre ne décore que pour lui même, en dehors de toute parade ostentatoire, je découvre qu'il a signé sa pochade (guère si vilaine) en commettant la faute d'inversion de la lettre capitale. 

Jules Noël (Nancy, 1810 - Alger, 1881) : Boite de peinture ayant appartenu à l'artiste. Acquisition 2000. 

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Lorsque l'on aura zoomer (cliquez pour agrandir) sur le fond de contreplaqué pour admirer la signature, ou les formes pleines de la chaloupe de Morlaix mis au sec le temps d'une marée sous un moulin pour ravauder la voile, qu'on se sera demandé si le matelot porte, ou pas, une boucle d'oreille, que l'on aura observé la planche servant d'échelle, la femme en coiffe accroupie sur la grève, ou quelqu'autre détail du gréement, il sera temps de jeter un œil aux deux toiles de Jules Noël exposées dans cette salle.

L'une est une vue du port de Brest, l'autre montre une rue de Morlaix.

Le port de Brest en 1849.

A l'instar des Vernet ou des Ozanne qui ont été séduits par la plus belle rade du monde, ses lumières, les mouvements permanents de ses navires ou le pittoresque des diverses embarcations ( Plougastel, Kerhorres aux mœurs bohémiennes), Noël a peint à plusieurs reprises le port de Brest de 1839 à 1864 : il s'agit de la quatrième vue de l'arrière-port le long des rives de la Penfeld : à vos jumelles ! Vous verrez en zoomant l'image les bagnards vêtus de rouge, dont certains se reposent au premier plan alors que d'autres gravissent la rive, sous de grands arbres.

Inutile d'ajouter que la signature du maître fait encore un pied-de-nez aux conventions.

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Les navires sont mouillés devant les bâtiments tout en longueur de la Corderie, du Bagne (254 m) et de l'Hôpital Maritime. Le drapeau (un pavillon) tricolore a été rétabli en 1830.

                jules-noel 4273c

 

Au second plan de cette vue de détail, les petits nains se révèlent être une équipe de sept bagnards portant un lourd madrier, et suivis par un surveillant. A l'arrière-plan, je crois reconnaître les bâtiments du plateau des Capucins, construits de 1841 à 1845. Il s'agit de trois grandes halles parallèles larges de 15 mètres et longs de 150 mètres.

                         jules-noel 4274c

 

 

"Une rue à Morlaix en 1830", tableau de 1870.

Sous l'église gothique Saint-Mélaine et au pied des escaliers, l'animation bat son plein, ce qui donne l'occasion à mon auguste homonyme de multiplier les détails à observer. Mais qui pourra me donner le nom, ou m'expliquer le fonctionnement du véhicule hippomobile stationné devant le ferblantier, et qui semble dépourvu de roues, la caisse paraissant suspendue entre les deux chevaux ?

 

                        jules-noel 4237c

 

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Voir aussi  La vie cachée de Joyeux Noël le brestois, conte.

Sur l'exposition Jules Noël aux Musée des Beaux-Arts de Quimper en 2005 :http://www.latribunedelart.com/jules-noel


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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 22:28

La chenille de Depressaria daucella ([Denis & Schiffermuller], 1775).

 

Petite chenille gris foncée et orange à points blancs très abondante sur certaines inflorescences.

Ancienne gare, Crozon, 20 mai 2014.041c

 

C'est la chenille d'un elachistidae ou Oecophoridae de 21 à 24 mm de long particulièrement momôche méchante comme une teigne (Denis et Schiffermuller l'avaient nommé Tinea daucella) et dépourvu d'intérêt ; seule la chenille est plaisante à voir, et lorsqu'on la voit abonder sur les tiges et les ombelles des oenanthes safranées du bord d'un fossé, on souhaite bien apprendre son petit nom. Voilà, c'est fait.

 Mais son intérêt ne s'arrête pas là, et le site aramel.free.fr peut vous apprendre comment elle pénêtre dans les tiges creuses pour sa nymphose. 

Son nom lui vient de Daucus carota, la carotte sauvage qui n'est nullement la plante-hôte de notre bestiole. Il est préférable de ne pas confondre la carotte sauvage et l'Oenanthe safranée, qui peut "tuer une vache en une heure". 

Gratitude : au site european-lepidopteres.fr qui m'a permis d'identifier mademoiselle après une heure de recherche dans mes bouquins.

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19 mai 2014 1 19 /05 /mai /2014 08:19

    Le cri du cœur d'Enée et le papillon : Zoonymie du genre Hesperia Fabricius, 1793.

 

      Nota bene : cet article est désormais complété et modifié par :

Zoonymie de la Virgule Hesperia comma.

Hesperia

  Hesperia était le nom que les anciens donnaient à l'Italie (Hesperia proxima) et à l'Espagne (Hesperia ultima) "à cause de Hesper étoile qui est à l'Occident" (P. Danet).  "Hesperus signifie occiduus et on donnait ce nom à l'Etoile du soir , que nous nommons l'Etoile de Vénus". Mais le nom lorsqu'il apparaît dans l'Énéide de Virgile, prend une valeur très forte, celle, sans craindre l' anachronisme, d'une sorte de Terre Promise, d'un Far West (traduction presque littérale d'Hespérie), la terre qui va concrétiser tous les espoirs des Troyens en fuite de leur ville saccagée pour fonder un nouveau royaume. La première occurrence  arrive dans le Livre I vers 530 :

Est locus, Hesperiam Grai cognomine dicunt,

terra antiqua, potens armis atque ubere glaebae

Il existe un lieu que les Grecs nomment Hespérie,

terre antique, puissante par ses armes et la fécondité de son sol.

Bibliotheca Classica selecta donne en note

 

(1, 530-534). Hespérie, Oenotrie et Italie sont en fait des synonymes en poésie. Hespérie est la traduction française d'un mot grec (Hesperia), désignant « le Couchant » et donné par les Grecs aux régions occidentales (par rapport à eux). En poésie, le mot est également utilisé pour désigner l'Espagne, toujours « le Couchant », mais par rapport à l'Italie. Au sens strict, l'Oenotrie (cfr aussi en 7, 85) est une contrée située entre Paestum et Tarente, mais le terme est utilisé pour désigner l'Italie. Les Oenotriens, descendants d'Oenotrus, fils de Lycaon, roi d'Arcadie, seraient venus en Italie plusieurs siècles avant la guerre de Troie, et auraient occupé la Lucanie et le Bruttium, au sud de l'Italie, mais auraient finalement donné leur nom à l'ensemble de la péninsule. Quant à l'Italie, elle doit probablement son nom à une forme grécisée d'un mot italique Vitelia (= pays des veaux). Quoiqu'il en soit, il ne désignait à l'origine que l'extrémité sud du pays, puis s'étendit progressivement vers le nord. Pour expliquer le mot, certains Anciens lui trouvèrent un éponyme en la personne d'un certain Italus, dont on fit notamment un roi oenotrien, fils de Télégon et de Pénélope, et qui aurait ensuite donné son nom au pays.  

On le retrouve au Livre III v.503, au Livre VII vers 4, mais Hesperio et Hesperiam (III, 163 ; III, 185 ; VIII, 148 ; XII, 360) Il faut pouvoir entendre ce nom comme l'aurait fait tout lecteur de Virgile du temps de Fabricius, l'entendre sonner glorieusement comme le But, l' Etoile vers laquelle Enée et ses hommes tentent, après maints orages, maints détournements, de parvenir. Il faut le resituer au cœur de l'épopée latine pour en saisir toute la force.

  C'est pour l'Hespérie que Enée s'arrache aux bras de Didon, provoquant son suicide. C'est vers Hesperia qu'il fait voile à partir de Carthage, affrontant la colère de Neptune : 

Francesco de Murra, Le départ d'Enée, v.1740, Musée des beaux-arts de Brest.

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  Il peut être utile d'écouter les lamentations de Didon délaissée dans Didon et Enée de Purcell (When I am laid, acte III) par Simone Kermes ici pour mesurer la puissance dramatique d'Hesperia, et pour que ce nom de papillon ne soit pas seulement imagé par le bras tendu de Enée, mais aussi sonorisé.   

  Mais c'est la lecture des 12 livres de l'Eneïde qui permet réellement de voir ce nom revenir comme un leitmotiv, une hantise accompagnant, aspirant le héros et son peuple de Troie vers l'Italie.

  En même temps qu'il désigne pour Énée comme sous une forme cosmique ou astrale le sol sacré du pays à atteindre et qu'il le pare d'un nom idéal, il symbolise aussi, pour Virgile, l'Espérance qu'il formule pour Rome, celle de se dégager d'un siècle de guerres civiles et, sous la conduite d'Octave, de créer cet État paisible et prospère que chacun attend.

"Le poème [de l'Énéide] avait été conçu et commencé quelques onze ans plus tôt [que la mort de Virgile le 21 septembre de l'an 19 av. J.C], dans l'émerveillement et dans l'espoir de la paix revenue entre les Romains après un siècle de guerre civile. D'abord la victoire d'Actium et l'effacement d'Antoine[...] puis la modération d'Octave vainqueur, le rétablissement de la République." (Jacques Perret, Énéide, introduction, C.U.F; Les Belles Lettres : Paris, 1977).

Et ce poème s'ouvre ainsi :

...at nunc horrentia Martis

arma uirumque cano, Troiae qui primus ab oris

Italiam fato profugus Lauiniaque uenit

litora, multum ille et terris iactatus et alto

ui superum saeuae memorem Iuononis ob iram,

multa quoque et bello  passus dum conderet urbem,

inferretque deos Latio, genus unde Latinum,

Albanique patres, atque altae moenia Romae.

 

Je chante les combats du héros prédestiné qui  fuyant

les rivages de Troie aborda le premier en Italie, près de Lavinium ;

longtemps il fut malmené sur terre et sur mer

par les dieux puissants, à cause de la cruelle Junon, à la rancoeur tenace

il endura aussi bien des maux à la guerre, avant de fonder sa ville

et d'introduire ses dieux au Latium, le berceau de la race latine,

des Albains nos pères et de Rome au  aux altières murailles.(Trad. Boxus et Poucet).

 Cet horizon lointain et chéri qu'est l'Hesperia porte toutes les forces qu'évoquent ces premiers vers : la prédestination ; la lutte contre l'adversité ; l'exil ; l'endurance ; la fondation d'une Patrie ; la renaissance d'une terre natale.

 Curieusement, ce sens du mot Hesperia n'a pas été retenu par les auteurs qui se sont penchés sur ce qu'ils appellent "l'étymologie" du nom créé par Fabricius, et ils se sont tournés vers des personnages de la mythologie grecque, Hesperos, sa fille Hesperis, ses petites-filles les trois Hespérides :

Dans la mythologie grecque, Hespéros (en grec ancien Ἕσπερος / Hésperos), fils de Japet et de Clymène, frère d'Atlas, est un Titan.

Sa fille Hespéris est l'heure du soir, dans la mythologie grecque. Elle engendra les Hespérides avec Atlas.

Les Hespérides (en grec ancien Ἑσπερίδες / Hesperídes, « fille d’Hespéris, l’Occident, le Couchant personnifié ») sont les nymphes du Couchant, filles d'Atlas et d'Hespéris (ou de Nyx (la Nuit), ou de Phorcys et Céto selon les versions), ou même d'Hespéros.

On en compte traditionnellement trois,  Églé, Érythie et Hespérie). Elles résident dans un verger fabuleux, le jardin des Hespérides, situé à la limite occidentale du monde (probablement sur les rives océaniques de l'Espagne ou du Maroc).

Héra leur avait donné pour tâche de veiller sur les pommes d'or du jardin des Hespérides qu'elle leur avait confiées, et leur avait pour cela adjoint l'aide du dragon Ladon. (D'après Wikipédia).

Bien que Fabricius ait créé ce nom de genre en 1807, on le date de 1793, car il l'avait déjà utilisé comme nom d'espèce.

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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 14:19

 La Baie 217 du transept nord de la cathédrale Saint-Julien du Mans.

                     II. La Rose.

Voir :  Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.

 

  Il s'agit plutôt d'une marguerite : car autour d'un cœur divisé par une croix pattée, une roue de vingt-quatre rayons groupés en douze pétales  forme autant de loges que je numéroterais de 1 à 24. Comme au théâtre, chaque loge est occupé par un personnage. En périphérie, 24 trilobes séparés par des cœurs bilobés, et enfin 12 autre trilobes porteurs d'inscriptions. 

 

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Au centre : le Tétramorphe.

   "Le tétramorphe, ou les « quatre vivants », ou encore les « quatre êtres vivants », représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d'Ézéchiel (Ez 1 ; 1-14). Leur origine remonte à la nuit des temps et on les retrouve dans diverses civilisations de l'Antiquité avant de les retrouver dans la Bible avec Ézechiel d'abord puis avec saint Jean dans l'Apocalypse (Apoc 4; 7-8). Plus tard, les Pères de l'Église en ont fait l'emblème des quatre Évangélistes " (Wikipédia)

— A gauche en haut : sur fond damassé bleu, l'AIGLE de Jean, nimbé de rouge avec l'inscription JO/US.

— A droite en haut sur fond damassé rouge le LION ailé nimbé de bleu de Marc, inscription MARCA(Y)

— A droite en bas sur fond damassé rouge l'HOMME (ici ANGE) de Matthieu nimbé de rose avec l'inscription S. MATT(OI).

— A gauche en bas sur fond damassé bleu le TAUREAU ailé nimbé de rouge de Luc, inscription SANCTUS LUC...

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Deuxième cercle à 24 rayons.

 

Parmi les 24 lancettes ou pétales ainsi délimitées, la loge n°1 est réservée au Christ et la loge voisine 24 à la Vierge.

1. Loge n°1 : le Christ roi. Loge n°2 Ange thuriféraire.

Le Christ en manteau rouge et robe bleue, couronné, nimbe bleu, bénissant de la main droite, tient le globus cruciger ou orbe dans la main gauche. Il se tient assis sous un dais d'or et d'argent (blanc et jaune). Le fond est semblable à ceux des lancettes, rouge damassé constellé de couronnes jaunes serties en incrustation ou chef d'œuvre; il se prolonge dans la tête du pétale. 

Les pupilles des yeux du Christ, comme celles de tous les personnages à suivre, sont rehaussées au jaune d'argent.

La robe de l'ange est ornée de trois balles vertes (deux à feuilles et une à pois) qui semblent venir en surimpression sur le personnage plutôt que de correspondre à un motif de la robe.

080c

 

Loge 24 : Couronnement de la Vierge.

 La vierge s'incline, à genoux, mains croisées sur la poitrine vers le Christ qui la bénit. Elle porte des couleurs inverses de son Fils, manteau bleu et robe rouge, avec le nimbe vert clair. Un ange (bleu) descend poser une couronne sur sa tête. 

 

 

078c

 

      Loges n° 23 et 24 : Ange thuriféraire et Vierge couronnée.

 

079c

 

 

 La loge n° 12 est occupée par le Christ ressuscité assis sous un baldaquin et montrant les plaies de ses mains. Son nimbe rouge est crucifère. Manteau rose, robe bleue. Fond damassé vert clair à feuillage, sol en damier rouge et noir. Il est considéré par R. Barrié comme le Christ-Juge présidant au Jugement dernier, et est entouré de deux anges buccinateurs qui en annonce l'échéance. Il siège sur un arc-en-ciel (jaune -pourpre- vert-rouge) qui naît  d'un soleil.

034c

 

 

Les 21 autres loges sont occupées par des anges. 

                                             LE CONCERT SPIRITUEL

Les anges des loges 2 à 5 et 19 à 23 se livrent à un concert spirituel. Des anges, en pied, tournés vers la scène centrale, jouent de divers instruments :

  • Échiquier d'Angleterre
  • Olifant
  • Trompe.
  • Harpe
  • Double flûte
  • Cornemuse.
  • Orgue portatif.

 

— Loge n°3 : Ange jouant d'un échiquier de musique.

                       038c

 

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Chapelle de la Vierge :

instrumentarium 4474c

Deux liens pour découvrir cet instrument exceptionnel également présent dans la voûte de la chapelle de la Vierge: 

La robe blanche porte un motif rouge particulier ; il est certes possible de l'attribuer à la combinaison des plis laissant apparaître le revers de la robe, mais cet effet n'a pas la cohérence attendue. Le même motif apparaît en miroir sur l'ange n° 22, qui reprend le même carton retourné. et sur ceux des loges 16, 17 et 19. Ces motifs me semblent en réalité aussi gratuits que les balles de couleur qui décorent d'autres robes.

Les cheveux sont bouclés de manière particulière autour d'un serre-tête que l'on retrouvera aussi (agrémenté de perles) chez l'ange n° 7, et encore chez le joueur d'orgue n°23.

Loge n°4 : ange joueur de trompe (Cor ou olifant ).

Photographie précédente.

Le cor ou olifant est un instrument princier voire royal qui impressionne par sa puissance. Long de quelques 80 centimètres, il doit son nom au fait qu'il est parfois fabriqué à partir d'une défense d'éléphant, origine qui lui confère un prestige supplémentaire. Les nobles s'en servaient pour la chasse ou pour faire annoncer le repas du soir. Le plus célèbre est celui de Roland à Roncevaux, avec lequel il souffla si désespérément pour prévenir Charlemagne qu'il s'en rompit les veines du cou ou de la tempe.

  On remarquera les bandes décoratives de la robe et des manches, ornées de lettres dont certaines peuvent correspondre à des caractères latins (F, V, A ) plus ou moins contorsionnés, et d'autres à des caractères pseudo-orientaux ou coufiques : ils sont semblables à ceux qui ornent certaines bordures des draps d'honneurs des donateurs. Simple variation d'ornementation fantaisiste ou cryptographie ?  

Loge n° 5 et 6 : joueur de trompe et ange thuriféraire et naviculaire.

Les mêmes caractères "coufiques" se retrouvent sur les manches et le torse du thuriféraire, mais aussi sur la robe du musicien. 

Le thuriféraire ou porteur d'encens ( thus = encens et ferre = porter) est aussi un naviculaire ou porteur de navette, ce récipient qui contient la réserve d'encens. J'ai d'abord cru qu'il tenait une cocotte en papier ou un de ces bateaux que, dans un lointain jadis, je fabriquais dans une feuille dûment pliée ; et la comparaison n'est pas si sotte, puis que "navette", du latin navis, signifie stricto sensu "petit navire". 

Au dessus d'eux, une étoile en chef d'œuvre.

 

              084c

 

Loge 20 : harpiste.

Harpe à 12 cordes.

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Loges n°21 : joueur de flûte double.

Une observation attentive permet de voir, sur la sorte d'écu que l'ange porte à son coté, cinq fleurs de lys circonscrites dans un soleil, et des feuilles (d'érable); Ce sont les mêmes motifs qui décoraient, dans le registre inférieur des donateurs, les draps de bordure et ceux qui recouvraient les prie-dieu.

La flûte double, dont les deux tuyaux sont réunis en un seul instrument selon un angle de 45°, permet de jouer la mélodie d'une main sur un tuyau percé de six trous et le bourdon de l'autre sur un tuyau plus court et non percé. Elle est aussi représentée sur la voûte de la chapelle de la Vierge

 

 

 

 

                       097c

 

 

Loges n°22 et 23 : Cornemuse et orgue portatif.

a) Le joueur de cornemuse tient dans sa bouche l'embouchure avec laquelle il gonfle le sac. Le chalumeau de bourdon repose sur son épaule droite tandis que les doigts de ses deux mains s'activent sur les trous du chalumeau mélodique.

Cornemuse de la chapelle de la Vierge : 

                                 instrumentarium 4464c

b) L'orgue portatif dispose d'une double rangée de 15 tuyaux; il se suspend par une sangle passée à l'épaule, et l'ange —ou plus communément le musicien, qui marchait en tête des processions— peut jouer de la main droite sur le clavier, et actionner de l'autre le soufflet.

La cathédrale possède deux autres représentations d'orgue portatif, l'une, très effacée, sur la voûte de la chapelle de la Vierge et l'autre en terre cuite dans la très belle Sainte Cécile. Ce dernier qui est plutôt positif que portatif prend place sur une console.

 

045c

 

 

 

 

 

b) les anges n°7 à 10 et 14 à 18 portent les 9 instruments de la Passion ou Arma Christi.

 

De droite à gauche :

  • les dès du tirage au sort de la tunique 
  • les verges ?
  • l'éponge de vinaigre, 
  • la colonne de flagellation,
  • la lance,
  • la croix,
  • Couronne d'épines, 
  • Les clous,
  • le manteau de pourpre.

Loge n° 7 et 8 : Ange portant les dès ; portant deux bâtons .

On retrouve dans les robes blanches ces éléments graphiques bleus en bâtonnet correspondant peut-être aux plis.

Le damier sur lequel sont posés les trois dés m'intéresse puisqu'ils témoignent d'une étymologie ancienne de la fleur nommée fritillaire et des papillons fritillary (brièvement, les fritillaires, ou le groupe des Fritillary, dont les pétales ou les ailes sont en damier, tiennent ce nom du latin fritillus, "cornet à dés", les dés étant lancés sur un plateau sans-doute en damier. La preuve sur ce vitrail. Voir  Fritillaire)

Ce plateau de jeu porte trois dès pourvus chacun de leur points : 5 ; 3 et 2 pour l'un, 4 ; 3 et 2 pour l'autre et 6 ; 2 ; 1 pour le troisième.

La minutie du peintre s'observe d'avantage encore en examinant le serre-tête de l'ange, qui comporte des motifs de perles organisés en cercles de six autour d'une perle centrale. 

                    040c

 

 

 

Loge n° 9 et 10 anges portant l'éponge de vinaigre et la colonne de flagellation.

l'éponge de vinaigre est présentée au bout d'une branche d'hysope (Jean 19:29)

 

                             043c

 

Loges n° 15 à 17.

N° 15 :Ange portant la croix.

N°16 : Ange portant la couronne d'épine

N° 17 : Ange portant les clous (en bleu).

La robe de l'ange n°15 est ornée de ces boules à pois déjà observées sur celle de l'ange n°2, mais aussi dans les fonds ; et là encore, la distribution de ces boules ne respecte pas la cohérence des volumes du drapé. Elles appartiennent à la même logique que les bâtonnets bleus et les V inversés des autres robes, elles sont signes purs, graphèmes aussi dépourvus de sens que les caractères "coufiques", écriture sacrée inaccessible à nos esprits. Ou plutôt, ce sont des éléments rythmiques dans le concert des couleurs.

 

                     035c

 

Troisième cercle : Gloire en haut et  Jugement Dernier en bas.

I. La Gloire royale.

Au sommet, trois têtes du Christ au nimbe crucifère et aux cheveux réunis par une escarboucle centrale. (voir infra Inscriptions).

Illustrant les paroles du Gloria placées en périphérie, des anges présentent au sommet de la rose ce qui a été interprété comme des mitres, mais qui me semble correspondre à des triples couronnes, parfaitement cohérentes avec le thème du Couronnement, ou à la réunion de ces couronnes et de mitres. Puis viennent de chaque coté symétriquement :

  • une couronne 
  • une mitre à triple couronne
  • une couronne,
  • une mitre
  • une mitre.

Ces mitres et ces couronnes associent peut-être les évêques, le roi de France et les princes donateurs à la gloire divine.

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II. Le Jugement.

Le Jugement Dernier n'occupe que la moitié inférieure de la rose, sous forme de scènes de résurrection des morts à l'extrémité de deux pétales : "bustes d'hommes dénudés et de femmes aux chevelures ondoyantes, sortant de terre et levant les bras dans un ultime et pathétique élan. "Tous sortent de la mort comme on sort d'un songe, dira au siècle suivant Agrippa d'Aubigné." (R. Barrié p. 14).

Il intègre donc le Christ de la loge n°12, l'arc en ciel de l'ébranlement cosmique et les deux anges, dont les trompettes annoncent l'heure du Jugement.

 

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De la droite vers la gauche (pour changer) :

Pétales 9 et 10 : un pape et un évêque sortent nus du tombeau, tenant qui sa mitre, qui sa tiare ; un troisième personnage nu (féminin ?) . Fond damassé constellé de boules à pois ou de couronnes. Une nouvelle sorte de boules apparaît (en bas) divisées en quartiers alternativement vierges ou portant des pois. 

Phylactère : IE FI LI V...NTE VENITE ADOR[EMUS]

014c

 

Pétales 11 et 12 : 

Trois autres personnages émergent de terre ou du tombeau et lèvent les bras en supplication. L'un semble encapuchonné par son suaire.

Phylactère : QUI TOLLIS  MUDI INIPE DE P[er[E...M

 016c

 

Pétales 11 à 14 : 

A gauche, le personnage du bas est une reprise du carton inversé de celui de droite. Dans les boules ou cercles du fond de sa mouchette sont inscrits des carrés contenant des fleurs (de lis).

Une femme vue de face sort de terre parmi les graminées et les fleurs. Une autre femme tend les bras ; ses cheveux recouvrent son dos.

017c

 

Phylactère D[OMI]NE DE9 (DEUS) AGNUS DEI FILIUS

018c

 

 

Pétales 15 et 16 :

Un homme sort de terre et lève les bras, de même qu'une femme aux long cheveux et qu'une autre femme vue de dos.

Inscription : DO[MIN]E  DE9 RE[X] CELESTIS   US P[er] OM

019c

 

109c

 

 

                Le corpus des inscriptions.

  Négligé par les auteurs qui ont décrit cette fleur ou la baie où elle s'épanouit, ce corpus est pourtant essentiel puisque c'est lui qui exprime l'intention théologique du commanditaire. Il n'est pas là pourtant pour être lu, puisqu'il tourne tout autour d'elle  à vingt métres du sol, mais il fonctionne comme un mantra, faisant tournoyer une parole sacrée dans un concert spirituel ; les chanoines à l'intention desquels la verrière avait été construite, leur apportant la lumière spiritualisée par son passage à travers le filtre coloré faisait monter leur chant dans la succession des heures canoniales rythmé par le même chiffre de 2 x 12 que les pétales de lumière. Musique et vibrations colorées se rejoignaient, mais cette musique et ces couleurs n'étaient pas dépourvus de sens, ils servaient la parole de Dieu Verbe incarné. Les mots sacrés Sanctus, Dominus, Filii et Gloria que nous allons découvrir repris par les anges étaient déjà prononcés dans le chœur, et leur inscription, loin d'être décoratifs ou superflus, étaient essentielles. 

 Ces inscriptions n'occupent (hormis, au centre, les noms des quatre évangélistes) que la périphérie, dans les douze triangles dessinés par l'interstice de la courbe des pétales. En outre, dans la demi-sphère supérieure, celle du concert spirituel, six autres inscriptions, réduites à un seul qualificatif divin, s'inscrit à la pointe des pétales. Soit dix-huit inscriptions, dont nous pouvons déjà donner le thème : le Gloria in excelcis Deo ou Grande Doxologie, chant de louange par excellence. Deux autre  cercles encadrent la base de la rose, donnant place à deux anges à phylactère, soit vingt-deux citations. 

 Je les numéroterai à partir du Midi de l'horloge de verre : la mouchette triangulaire qui occupe l'intervalle entre le pétale occupé par Marie et celui occupé par le Christ sera le numéro 1 des mouchettes M1, puis, dans le sens des aiguilles de la grande montre viendra P1 dans la pointe du double pétale, et ainsi de suite. Mais ces inscriptions ayant une cohérence, je débuterai à 21 heures là où débute la série P.

On voudra bien pardonner mes erreurs de transcription et me les indiquer.

M10 : LAUDAMUS TE ADORAMUS TE GLORIA

P10 : SANCTUS

M 11 : GLORIA IN EX CELSIS

P11 : DOMINUS

M12 : au dessus d'une tête de Christ à nimbe crucifère bleu et rouge : FILI DEI IESU CHRISTI. Fond jaune orné de rinceaux et de boules noires à points rouges comme des mûres.

M1 : Position culminante : au dessus d'une tête du Christ au nimbe crucifère rouge à croix bleue : VITA ET VIRI , référence à Jean 14:6 Ego sum Via et Veritas et Vita, je suis la Voie, la Vérité et et la Vie. Fond vert constellé d'étoiles jaunes incrustées en chef d'œuvre.

P1 : ange à tête rouge : DOMINUS

M2 : Tête du Christ au nimbe crucifère bleu et rouge : MISERERE NOBIS

P2 : Ange à tête rouge : DOMINUS

M3 :  ET ----RIA PERA VOLE LOUE ET IN TERRA 

P3 : SANCTUS

 M4 : Ange blanc nimbé de rouge :TIBI NU TUA(M) HA LIAM (Gratias agimus tibi magnam tuam...Hosanna ?)

M5 : Ange blanc aux ailes bleues : IE FILI VIN.NTE....VENITE ADOREMUS. (Domine Fili unigenite ..Venite adoremus)

M6 : QUI TOLLIS -- MU(N)DI  INIPE DE P[re]E...M (rapprocher de :  qui tollis peccáta mundi, súscipe deprecatiónem nostram)

M7 : l'inscription de cet élément central est remplacée par un ange musicien 

M8 : D[OMI]NE DE[US] AGNUS DEI FILIUS

M9 : DO[MIN]E  DE9 RE[X] CELESTIS  US P[er] OM . Domine deus rex celestis Deus pater omnipotens

 

 

Voici maintenant le texte du Gloria dont je surligne en gras les passages cités :

 

Glória in excélsis Deo et in terra pax homínibus bonae voluntátis. Laudámus te, benedícimus te, adorámus te, glorificámus te, grátias ágimus tibi propter magnam glóriam tuam, Dómine Deus, Rex cæléstis, Deus Pater omnípotens. Dómine Fili Unigénite, Iesu Christe, Dómine Deus, Agnus Dei, Fílius Patris, qui tollis peccáta mundi, miserére nobis; qui tollis peccáta mundi, súscipe deprecatiónem nostram. Qui sedes ad déxteram Patris, miserére nobis. Quóniam tu solus Sanctus, tu solus Dóminus, tu solus Altíssimus, Iesu Christe, cum Sancto Spíritu: in glória Dei Patris. Amen  

 

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065c

 

071c

 

073c

 

077c

 

 

Les inscriptions des deux cercles à la base de la rose.

 

 1. Cercle de droite : deux anges présentant l'Agnus Dei.

 a) Ange aux ailes bleues : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI

b) Ange aux ailes rouges : AGNUS DEI MISERERE NOBIS

Ces paroles  sont celles de l'Agnus Dei :

« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis. »

« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis. »
« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, dona nobis pacem. »

013xc

 

 

 

2. Cercle de gauche : deux anges présentant le Sanctus.

a) Ange aux ailes bleues :PLENI SUNT CELI ET TERRA GLORIA TUA HOSANNAH IN EXCELSIS

b) Ange aux ailes rouges : SCSUS SCS D[OMI]US DEUS SABBAOHT que je transcris en SANCTUS SANCTUS SANCTUS DOMINUS DEUS SABAOTH

Ce sont des extraits du Sanctus :

Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus, Deus Sábaoth !

Pleni sunt caeli et terra glória tua.

Hosánna in excélsis !

Benedictus qui venit in nómine Dómini.

Hosánna in excélsis !

 

                011c

 

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Les inscriptions des anges des tympans 

Ces inscriptions sont partie prenante du programme scripturaire de la rose : elles sont portées par les petites roses bilobées de l'apex des lancettes, chaque lobe renfermant un ange tenant un phylactère.

 

1. A gauche : Ange du haut : LAUDATUS IN .VENI IN UD. DU. Ange du bas :  NAM EX ELSIS AMEN

2. A droite : Ange supérieur : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI

Ange inférieur : IN MUNDI -- E.CEL.IS 

 

Les monogrammes.

a) La rose est encadrée à sa base par deux ensembles symétriques associant le monogramme du Christ et celui de Marie : IHS et M (A).

               011c   012c       

 

                                  111c

 

                         123c

 

 

Les lettres IHS sont remarquables avec leurs hampes fleuries sur fond de rinceau, mais le monogramme marial, lui aussi remarquable par le déploiement refermé sur lui-même de la lettre M est resté énigmatique et rebelle à mes efforts de déchiffrer le signe blanc (lettre A ?).

La recherche calligraphique transforme ces initiales en formes pures.

b) Monogramme IETRUS

 Dans l'écoinçon qui sépare les patriarches du tympan de gauche se loge ce monogramme que je lis IETR9 , soit IETRUS : faut-il comprendre PETRUS ? On remarque la lettre T dont la barre traverse le fût à la manière d'une croix.

                       063x

c) Le monogramme IOTES.

 En position symétrique dans le tympan de droite se trouve le monogramme IOTES.

Son sens m'échappe ; faut-il comprendre IOHANNES (Jean) ? 

                         064c

 

Une conception d'ensemble.

   Prenons un peu de recul, et, avec Roger Barrié, resituons cette baie du transept nord dans sa position, à gauche du chœur qu'occupent les stalles des chanoines (fermé par le jubé ), et dans un vis à vis avec le transept sud achevé en 1392 et où les orgues seront installées vers 1530. 

 "L'intégrité du volume intérieur du transept est d'autant plus respectée que cet espace est le lieu privilégié des vibrations physiques engendrées par le mystère de la musique et de la lumière. A l'instrument installé sur la tribune méridional en 1529, qui dut avoir un prédécesseur dès le XVe siècle, même en projet seulement, correspondent les orgues lumineuses de la grande rose sur la façade septentrionale" (Barriè in Mussat 1981).

  On sait que l'architecture romane glorifiait Dieu par le son, portant toute son attention à l'acoustique pour que les chants des clercs soient sacralisés par les phénomènes de résonnance  et transformées dans un processus ascensionnel en voix des anges se rapprochant de Dieu. L'architecture gothique, au contraire, a donné la première place non plus au son, mais à la lumière, et il est significatif que l'on doive à l'abbé Suger l'un des premiers édifices gothiques à Saint-Denis (1135), mais aussi les premiers vitraux connus en France, dans une illustration de la pensée du Pseudo-Denis l'Aréopagique, Dieu est lumière.

   En 1377, l'évêque du Mans avait fait peindre le magnifique ensemble des anges musiciens sur les voûtes de la chapelle axiale dédiée à la Vierge ; près de 50 ans plus tard, l'évêque Chastelain fait figurer les anges musiciens jouant des mêmes instruments, mais ils sont irradiés par la lumière solaire et leur musique spirituelle se met au service de la glorification de la royauté du Christ et de Marie. Les paroles sacrées des phylactères sont elles-mêmes spiritualisées et transformées en mantras (je n'ai pas de nom équivalent pour le catholicisme) scandant les mots Sanctus et Dominus ou récitant les formules du Gloria, du Sanctus et de l'Agnus Dei qui, pour les chanoines rompus au latin, sont prononcées "de cœur et de bouche". Plus encore, les monogrammes transforment les lettres des mots Marie et Jésus en formes pures, en chorégraphie vibrantes de lumière.

  A ce concert de couleur et de lumière ("orgues lumineuses") déployant la gloire et la puissance de la royauté divine est associée la représentation de l'espérance du pardon des péchés et de la ressurection des morts au Jugement Dernier, selon le dogme énoncé par les douze articles de la Foi (Credo apostolique) : c'est dans cette espérance que les huit donateurs (trente-deux à l'origine dans tout le transept) sont agenouillés, tête levée vers la Source, VITA et VERI, la Voie, la Vérité et la Vie.

Sources et liens : 

 

 

Je place en tête de cette liste l'article principal, que j'ai cité sans modération :

— GATOUILLAT (Françoise) "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans " in Bulletin Monumental    2003 Volume   161 pp. 307-324 J'en donnerai le résumé : 

  "Seule la rose nord de la cathédrale du Mans a conservé des vitraux figurés ; les trois fenêtres qui l'entourent comprenaient également à l'origine un rang de portraits accompagnés d'armoiries, décrites dans un manuscrit de 1798 qui relate un état plus ancien. Le texte permet d'identifier la plupart des personnages représentés et de restituer le programme de l'ensemble. Autour de la rose offerte par le roi de- France Charles VII - dont le portrait existe encore - et sa belle-famille d'Anjou, les autres verrières étaient des dons de Jeanne de Laval, veuve de du Guesclin, du clergé local, et d'Anglais parmi lesquels Edmond Beaufort, régent de France après 1435. L'étude de cette surprenante série conduit à nuancer la perception que l'on avait des relations entre les deux camps dans la phase finale de la guerre de Cent ans. Non seulement le chantier fut mené à terme dans la ville occupée de 1425 à 1448, mais des œuvres d'art chargées d'un message de propagande politique en faveur des Valois n'en furent pas bannies."

 

— BARRIÉ (Roger) 1981 "Les vitraux" in MUSSAT (A), La cathédrale du Mans, Paris p. 139-146.

 — BERGEOT (Karine ) 2009 "Les conflits internationaux dans le vitrail en Sarthe". La foi dans le siècle, Mélange offert à Brigitte Waché. Collectif, Presses Universitaires de Rennes cf. En ligne 3 décembre 2009

— BOUTTIER (Michel), 2000,  La cathédrale du Mans, Ed. de la reinette, 151 p.

BRASSY (Christian), Anges musiciens du Moyen-Âge site en ligne. http://www.apemutam.org/instrumentsmedievaux/articles/anges.pdf

— CHARLES (Abbé Robert) 1880 Guide illustré du touriste au Mans page 39 https://archive.org/details/GuideIllustrDuTouristeAuMans

— Monographie de la Cathédrale du Mans en ligne http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005402304.pdf 

— CHANTELOUP (Luc) 2009 Les Anges musiciens de la cathédrale du Mans, un concert céleste. Editions de la Reinette 32 pages.

— ESNAULT (Abbé Gustave ) "Le Transept septentrional de la cathédrale du Mans, architectes et bienfaiteurs (1393-1430)", Bulletin monumental, 1879, p. 63-79, Gallica

— FLAMAND Jean-Marie 2010 Les écoles de grec à Paris au XVe siècle Conférence donnée par Jean-Marie Flamand dans le cadre du séminaire d’histoire des bibliothèques anciennes : "Livres pouvoirs et réseaux savants à l’origine de l’Europe moderne (14e -17e siècles)", animé par Donatella Nebbiai, Paris, IRHT (26 mars 2010) http://www.europahumanistica.org/?Les-ecoles-de-grec-a-Paris-au-XVe-siecle  [ concerne Guillaume Fillastre]

—FLEURY (Gabriel) La Cathédrale du Mans page 75-76.

— FÖRSTEL Christian, Guillaume Fillastre et Manuel Chrysoloras: le premier humanisme français face au grec. [paru dans : Humanisme et culture]  http://hal.inria.fr/docs/00/90/74/28/PDF/Guillaume_Fillastre_et_Manuel_Chrysoloras_2002.pdf

— GATOUILLAT (Françoise) "Les verrières de la cathédrale du Mans" in 303. Arts, Recherches et Créations, 3e trimestre 2001, n. 70 pp 168-175.

 — GATOUILLAT (Françoise) 2005 "L'épiphanie de la gloire des Valois : le vitrail au service de la propagande royale" [Charles VI à Évreux et Charles VII au Mans] in Glasmalerei im Kontext. Akten des XXII. internationalen Colloquiums des Corpus Vitrearum - Nürnberg : Germany (non consulté)

— HASENOHR (Geneviève)1993, "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge, premières approches" in Pensées, images et communications en Europe médièvale,Asprodic  1993p.178).

— HUCHER (Eugène) 1848 « Études artistiques et archéologiques sur le vitrail de la rose de la cathédrale du Mans » Bulletin monumental p. 345-372 Gallica 

— LEDRU  (Abbé Ambroise) "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)",  Union historique et littéraire du Maine 1ère série  t.2 n°5 mai 1874 page 82-91.

 — LEDRU  (Abbé Ambroise)  1879 "Le transsept septentrional de la cathédrale du Mans",  Bulletin monumental  T.7 vol. 45  pp. 63-79 en ligne sur Gallica

 — LEDRU  (Abbé Ambroise) Chavanon (Jules) "La Cathédrale Saint-Julien du Mans, ses évêques, son architecture, son mobilier", Bibliothèque de l'école des chartes  1900 Volume 61 pp. 536-545 (non consulté)

 — MÂLE (Emile) Le Credo des apôtres in L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France page 246.

 — MERLETTE (Abbé Pierre) « Guillaume Fillastre, ami de Pierre d'Ailly et l'humaniste au concile de Constance » http://www.histoire-compiegne.com/imageProvider.asp?private_resource=11094&fn=33-17.pdf

 — RENOUARD (P), 1811 Essai historique sur la ci-devant Province du Maine, Le Mans, 1811, Tome 1 . 

TAPIA Nahmias (Rachel) "Le transept de la cathédrale du Mans : histoire et architecture", Mémoire de Master 2010 ?, thèse en cours à Paris 4 sous la direction de Dany Sandron: "Étudiante en archéologie médiévale à Paris IV Sorbonne, Rachel Tapia a réalisé son mémoire de Master 2 sur le transept Nord de la cathédrale Saint-Julien au Mans. À l’évidence, une étude exhaustive de l’intégralité de ce transept permettrait de déterminer les différentes étapes de sa construction, d’en analyser les influences et également de reconsidérer au profit du chapitre la maîtrise d’ouvrage jusqu’alors considérée comme « l’œuvre du roi ». Rachel Tapia propose de réaliser des études physico-chimiques pour enrichir ses recherches. Sa thèse de doctorat Histoire de l’art et Archéologie devrait permettre de sortir de l’ombre ce monument incontournable de l’architecture médiévale de la région du Maine."

 — THOMASSY Raymond. 1842  "Guillaume Fillastre considéré comme géographe à propos d'un manuscrit de la Géographie de Ptolémée", Bibliothèque de l'école des chartes Volume 3  pp. 515-516

 

  

— Photographies :  http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm5601/eg_StJulien_217.php

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Published by jean-yves cordier
18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 13:57

Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.  I. Les lancettes : Credo apostolique et donateurs.

 

 

Liens internes à mon blog lavieb-aile :

 — la partie II de cet article:  La Rose du transept nord de la cathédrale du Mans.

Voir aussi  :

— Les stalles de la sacristie de la cathédrale du Mans.

— Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale du Mans.

Concernant les Credo apostoliques, voir :

— La maîtresse-vitre de l'église de Quemper-Guezennec (22).

Pour le rapprochement avec la baie 40 de Chartres :

— La baie 40 ou Chapelle de Vendôme des vitraux de la cathédrale de Chartres.

 

  L'amateur de vitraux découvrira vite que la cathédrale Saint-Julien du Mans ne le cède en rien avec sa voisine de Chartres pour l'intérêt et la beauté de ses verrières du XIIe siècle (nef), XIIIe siècle (chapelles rayonnantes)  et XVe siècle (transept nord), cette diversité suivant les aléas des campagnes de construction, des destructions par intempéries ou des agrandissements.

        Si les vitraux du XIIe siècle avec la fameuse Ascension sont bien connus, et si ceux du XIIIe viennent de faire l'objet d'une thèse remarquable de Maria Godlevskaya (Poitiers 2013), ceux du XVe, certainement parfaitement étudiés et scrutés par les spécialistes, ne font pas l'objet de descriptions complètes disponibles en ligne. Pour la baie qui nous concerne, Françoise Gatouillat a publié une étude approfondie sur ses donateurs, ses liens avec le contexte historique (guerre de Cent ans) et les cartons du Maître de Barthélémy, mais cela ne couvre pas l'ensemble de la baie, (qui comporte 124 ou 126 sujets au total) mais seulement sa partie inférieure. Le Corpus Vitrearum dans son Recensement II Centre Pays de la Loire y consacre moins d'une page, n'identifie pas les apôtres ou les patriarches et ne décrypte pas les inscriptions. De même, ces inscriptions, parce qu'elle date du XVe, n'ont pas été colligés et étudiés dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale (vol. 24 de 2010) comme ceux du XII et XIIIe siècle. Roger Barrié, dont j'ai déjà exploité avec admiration la thèse dans mes articles sur les Passions du Finistère,  y consacre (in Mussat 1981) 7 pages remarquables qui donnent la meilleure synthèse générale sur cette baie. Au XIXe siècle, l'abbé Ledru avait déjà effectué un travail d'archive considérable, et Eugène Hucher, qui  a donné les calques des vitraux du Mans, avait exercé sa perspicacité sur certains détails.

(Post-scriptum : lorsque j'ai écrit ceci, je n'avais pas encore eu accès à la publication de J.B. de Vaivre 1993)

  J'ai fait mon miel de leurs travaux, et je les ai complété de mes petites découvertes.

— localisation : transept nord, baie du pignon nord. Baie 217 placée au dessus du triforium royal (fleurdelisé).

— Composition : une rose au dessus de deux arcatures jumelles de quatre lancettes

— Datation : entre 1430 et 1435.

— Contexte historique : guerre de Cent ans (1337-1453) et guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs (1407-1435). Folie de Charles VI, régence de Philippe le Hardi, l'épopée de Jeanne d'Arc (1428-1430), le règne de Charles VII à partir de 1422 et son sacre à Reims en 1429.

— Contexte religieux : Le Grand Schisme d'Occident (1378-1417), l'affrontement du pouvoir royal et pontifical, le concile de Constance (1414-1418), la Pragmatique sanction de Bourges (1438).

— Surface totale : plus de 110 m2.


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Ci-dessous : Image Commons.wikipedia.org

                     File:Le Mans - Cathedrale St Julien Rose.jpg

 

 


Préambule :  La construction du transept nord et son vitrage.    

 

Ledru 1879 p.69 ; Barriè 1981 p. 136 et 139.

La construction du chœur de la cathédrale s'était achevée en 1254 mais laissait l'ancien transept mal raccordé à la hauteur des voûtes. Ce transept s'appuyait sur deux tours nord et sud, dont la dernière servait de clocher au faubourg. Le chapitre cathédral du Mans décida d'abord la reprise du transept sud qui fut achevé en 1395, avant d'organiser le chantier du transept nord. Il dut alors rechercher des donateurs, aidé pour cela par une décision de l'évêque Pierre de Savoisy d'accorder des indulgences aux fidèles généreux. 

 

   Le 3 août 1392, en expédition vers la Bretagne, le roi Charles VI fut pris de sa première crise de folie en traversant la forêt de  l’Augonay et tua de son épée quatre chevaliers qui l'accompagnaient.  Ramené au Mans ligoté, il retrouva ses esprits. Il s’intéressa à la cathédrale dont on achevait le bras sud du transept et fit un don pour la reconstruction du bras nord du transept de l’édifice ;  de retour à Paris, il offrit des terres parce que : « Voulons et ordonnons, pour la grande et spéciale dévotion que nous avons à monsieur saint Julian, que pour faire la croisée de l’église, soit baillés  et délivrés dix-mil francs que nous y donnons ».  La somme était importante et permit de maintenir l’activité du chantier, le roi expédiant tous les mois des sommes dont les chanoines tenaient le compte exact.  Les crises de folie se répéteront et, lucide entre ses «absences», le malheureux roi délègue le gouvernement à son frère cadet Louis d'Orléans et la tutelle de son fils aîné, le Dauphin, à la reine Isabeau de Bavière et à ses trois oncles.

  Les fidèles contribuèrent aussi à la construction, et une commission fut nommée pour récolter les dons. En 1398, Adam Chastelain succéda comme évêque à Pierre de Savoisy, nommé évêque de Beauvais ; il obtint en 1402 du pape des indulgences spéciales favorisant les dons. Le don royal et les nombreuses contributions permirent à l’archidiacre de Sablé de bénir la première pierre en 1403, tout en offrant six écus d'or. En mars 1405, Adam Chastelain fit un don de mille livres, et obtient de nouvelles indulgences de Benoit XIII. Le Chapitre s'impose en 1406  un prélèvement du dixième du gros de leurs prébendes. En 1419, la construction menace de tomber en ruine, et des prêtres, chanoines et archidiacre amènent leurs offrandes ou effectuent des legs. En 1421, traversant la ville avec son armée, le dauphin (futur Charles VII l'année suivante) promet un don de mille livres et en verse 500 dès le mois de septembre suivant. En 1423, le chapitre sollicite la générosité "des dames de Laval" (sans-doute Jeanne de Laval-Tinténiac, décédée en 1437, et Anne de Laval 1385-1466 ). En juin 1424 débutent les dons conséquent (plus de 200 écus d'or) du cardinal Guillaume Fillastre, cumulard de divers bénéfices dont les prébendes du canonicat du Mans. 

C'est ainsi qu'au début du XVe siècle fut réalisée la construction du bras nord du transept de la cathédrale du Mans dont les deux travées furent édifiées entre 1403 (première pierre) et 1429 (charpente en 1425) sous la direction initiale de l'architecte Nicolas de l' Escluse puis à partir de 1421 de Jean de Dampmartin,* qui deviendra en 1432 architecte de Saint-Gatien de Tours. Ces dates permettent de dater les verrières qui s'y trouvent vers 1430-1435, la guerre de Cent Ans (1337-1453) n'étant pas encore achevée et les anglais occupant encore Le Mans. En janvier 1420 ou en 1424 le chapitre obtiendra un sauf-conduit des anglais pour faire venir les pierres et matériaux du chantier.

Ipsa die (XXIe januarii 1420 v.s.), receptimus in magistrum operum ecclesie nostre Johannem de Dampmartin, oriundum de Gergeau, Aurelianensis diocesis (G. Esnault 1879)

Les territoires (rose) occupés en 1429 (Wikipédia) :  220px-Trait%C3%A9_de_Troyes.svg.png

 


   A l'origine le programme de verrière du transept  s'étendait dans les quatre baies (trois fenêtres latérales et pignon) numérotées 213, 215, 217, 219, 221, chacune équipées de 8 lancettes larges de 78 cm et comportait au registre inférieur 32 donateurs agenouillés et tournés vers la grande rose et les apôtres de la baie centrale 217, qui va retenir notre attention. 

Mais  les quatre fenêtres hautes des murs latéraux : baies 213, 215, 219 et 221 ont perdu leurs vitraux, dont quelques panneaux ont été replacés dans la baie  217. Les fenêtres des parties basses, les deux baies jumelles 87 et 89 ont conservé quelques panneaux très mutilés.

  Au centre de ce bras nord se trouve donc l'immense verrière du pignon nord (17 m x 7 m), avec la rose  consacrés pour la rose au couronnement de la Vierge et au Jugement dernier, et sa galerie de huit lancettes à un Credo apostolique et dix donateurs. La rose culminant à une vingtaine de mètres, il faudra lever la tête.

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  I. LE CREDO APOSTOLIQUE.

Registre supérieur et intermédiaire des lancettes.   

   Les apôtres sont pieds nus comme il se doit, et portent (ou sont enrubannés par) un phylactère où est inscrit l'article du Symbole des apôtres qui leur est attribué par une tradition qui connaît d'ailleurs des variantes. Ils sont debout sous une niche gothique flamboyante aux montants hérissés de pinacles et dont le fond, le cul-de-four et les arches ont des couleurs différentes pour chacun. Sous la clef de voûte est suspendu une boule parfois ovoïde au dessus de la tête de l'apôtre et rappelant peut-être la langue de feu du Saint Esprit. Au dessus, dans le registre supérieur, un dais sur deux reçoit deux personnages coiffés d'un chaperon, la main à la ceinture, et tenant sur l'épaule un objet à manche. Dans le registre intermédiaire, dans des architectures crénelées, d'autres personnages sont logés et encadrés de clercs nimbés et orants. 

   La formulation du Symbole des apôtres, sa division en douze articles et l'attribution de ceux-ci à chacun des douze apôtres date d'une tradition qui remonte au Ve siècle, époque où Rufin d'Aquilée (ca.400) fait du Symbole un texte élaboré par les disciples sous l'inspiration de l'Esprit Saint et au VIe siècle, où le Pseudo-Augustin attribue chaque article à un apôtre dans son Sermo 241. Au XIIe siècle se développe parmi les prédicateurs le goût pour les images classificatrices et les séries numériques autour des chiffres sept, dix et douze dans des diagrammes didactiques ; la classification des douze articles et des douze apôtres peut s'enrichir de douze prophètes et de leurs versets.  Ce thème apparaît dans de luxueux manuscrits enluminés comme le Verger de Soulas à la fin du XIIIe siècle. En 1330, dans le Bréviaire de Belleville un verset des épîtres de Saint Paul est associé à chacun des douze articles, lesquels accompagnent la succession des douze mois du calendrier. Ces calendriers sont adoptés dans des Psautiers et Livres d'Heures comme ceux du duc de Berry (Psautier de Jean de Berry en 1380-1400 ; Petites Heures du duc Jean de Berry  en 1385-1390 ; Grandes Heures du duc de Berry en 1400-1410 ) et le Credo apostolique figure dans les vitraux de la Sainte-Chapelle du duc Jean de Berry de Bourges, construite de 1392 à 1397 par Drouet de Dammartin et investie en 1405. Il figurait aussi dans la Sainte Chapelle de Riom élevée entre 1395 et 1403 pour le compte de Jean de Berry par Guy de Dammartin, mais qui ne reçut ses verrières que vers 1445-1455.

 Jean de Dampmartin, architecte du transept nord du Mans à partir de 1421, était le fils de Drouet de Dampmartin bâtisseur de la Sainte-Chapelle de Bourges, et le neveu de Guy de Dampmartin, maître général des œuvres de Jean de Berry depuis 1360. Il est autorisé de penser qu'il avait bénéficier de l'impulsion artistique crée à Bourges par Jean de Berry (mort en 1416) autour de l'enlumineur Pol de Limbourg et des sculpteurs Beauneveu et Jean de Cambrai. Ces influences venant de Bourges et du duc de Berry sont l'une des raisons expliquant le choix du Credo des apôtres au Mans vers 1435.

Les autres vitraux consacrés à ce thème se trouvaient en Bretagne (à Quemper-Guezennec 1460-1470  et à Kergoat en Quéméneven 1475-1499), à Rouen (vers 1500) ou à Jumièges. (voir liste complémentaire en annexe). Seul Quemper-Guezennec a conservé, comme ici au Mans, sa verrière complète, après restauration.

Mais le vitrail du Mans possède une originalité : saint Paul y figure à la seconde place. Comme il ne tient pas un article du Credo, l'ordonnancement du Symbole des apôtres n'est pas décalé pour autant.

 

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Ce Credo se décrit de haut en bas et de gauche à droite.


Les huit apôtres du registre supérieur.

 

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Saint Pierre

— Fond damassé bleu à motif des tiges se divisant régulièrement. Cul-de-four bleu clair, absidioles jaunes. 

— Attribut : La clef ; le livre qui porte l'inscription : Domine ne in furore tuo argas me neque in, "Éternel! ne me punis pas dans ta colère, Et ne me châtie pas dans ta fureur", premier verset du psaume 38 de David que nous retrouverons inscrit sur le livre de prière d'Adam Chastellain au registre des donateurs. ( de Vaivre 1993 ).

— 1er Article :  Credo in Deum, Patrem omnipotentem, Creat[orem] celi et terrae. ( "Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,")

— paléographie : sans être compétent, l'écriture gothique semble de type textura avec des lettres droites (sans aucune courbe sauf pour des portions au tracé très fin), très uniforme, aux empattements en losange. Chaque trait étant de même largeur que le vide qui suit, d'où l'effet régulier de trame ou tissu (textura), le texte est difficile à déchiffrer lorsqu'il est mal conservé. Ici, on détaillera par exemple le mot patrem, bien lisible, au A, R, E très élégants.

—Manteau rouge et robe verte. Au lieu de la calvitie caractéristique, on note des cheveux bouclés et une barbe qui ressemble à deux longs favoris. 

— Le culte des apôtres en général, et de saint Pierre en particulier, sur le plan spatial (au Mans) et sur le plan temporel (hic et nunc, au début du XVe, puis après les remises en cause des Huguenots) reste à mener, mais je remarque le nombre des églises qui leur sont très tôt consacrées : abbaye bénédictine de Saint-Pierre-et-Saint-Paul de la Couture (ca 605), chapelle Saint-Pierre dès 865 devenant la Collégiale Saint-Pierre-la-Cour, église Saint-Pierre-le-Réitéré, cimetière des Douze Apôtres, église de Saint-Pierre-l'Enterré pour ne citer que les sites les plus faciles à dénombrer. De même, les apôtres tiennent une place importante à l'intérieur même de la cathédrale, dans le vitrail de l'Ascension (XIIe s) ou sur les stalles du Chapitre, mais cette place leur revient de droit.

Plus significatif, le transept, édifié par l'évêque Innocent, de la cathédrale du VIe siècle comportait deux autels, l'un dédié à la vierge et l'autre à saint Pierre. (Mussat, 1981)

 

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Saint Paul

— Fond damassé pourpre à motif de feuilles nervurées, constellées de couronnes jaunes serties en chef d'œuvre. Voûte bleu clair et rouge. Emploi du jaune d'argent pour la bordure du phylactère (comme pour les suivants), la garde et la poignée de l'épée (le pommeau et les quillons), la barbe et les cheveux. Son regard est tourné vers la droite, dans la direction de saint Pierre.

— Manteau vert à revers blanc, nimbe bleu se confondant avec un capuchon de même couleur.

— Attribut : l'épée de sa décapitation. La calvitie fronto-pariétale respectant un toupet.

— Article : saint Paul ne présenta pas d'article de foi, mais une inscription non déchiffrée EGO SUM...IN NPOL. Hucher y a lu EGO SUM A POCTE UM GRÃ DEI que je déchiffre sur son calque peut-être Ego sum min.. apost..grã dei : 

Je propose d'y voir une version abrégée de la Ière épître aux Corinthiens 15:9 Ego enim sum minimus apostolorum, qui non sum dignus vocari  apostolus, quoniam persecutus sua ecclesiam dei, "Oui, je suis le moindre des apôtres; je ne mérite pas de porter le titre d'apôtre, puisque j'ai persécuté l'Eglise de Dieu."

 

 

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Saint André.

— Fond damassé vert à feuilles et oiseaux affrontés (visible près du pied droit) caractéristique des lampas de Lucques ; on retrouve les couronnes jaunes répartis sur le fond. Voûte pourpre et jaune. Jaune d'argent pour les cheveux et la barbe, les couronnes.

— Roger Barrié fait remarquer l'emploi de la technique des pièces en incrustation dites en chef d'œuvre pour le sertissage des couronnes jaunes. 

— Manteau bleu à revers blanc, robe rouge.

— Attribut : la croix en X ou croix de Saint-André.

 — Deuxième article : Et in IHM X~PM, Filium eius unicum, Dominum nostru[m] (et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur,)

— Notez en zoomant les deux personnages nimbés dans l'architecture en grisaille.

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Saint Thomas.

— Fond damassé à motif de fleurs proche de la fleur de lis. Voûte bleue et rouge. Jaune d'argent pour la hampe de la lance. Nimbe blanc au décor complexe.

— Premier exemple d'un carrelage : c'est ici un damier alternant les épreuves en positif et en négatif blanc-noir et noir-blanc du même motif, sur fond vert. 

— Thomas ne porte pas un manteau, mais une sorte de chasuble (sans ouverture antérieure)  bleue à revers blanc descendant bas sur les  manches et à capuche.

— Attribut : la lance.

 .— Troisième article :  qui co[n]cept[us] est de Spiritu S[an]c[t]o, nat[us] ex Mari[a Virgine], (qui a été conçu du Saint-Esprit, (et) qui est né de la Vierge Marie ). (Paléographie : emploi de l'abréviation 9 remplaçant -us, "nat 9" se lisant natus)

— Ordre des apôtres : bien que la lance identifie clairement le personnage comme saint Thomas, celui-ci est très généralement responsable du cinquième article, alors que le troisième revient à Jacques le Majeur sans exception dans la littérature française du Moyen-Âge (G. Hasenohr, in Pensées, images et communications 1993) et dans les vitraux connus. 

De fait, Jean-Bernard de Vaivre a identifié cet apôtre comme étant saint Jacques le mineur.

 

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Les quatre apôtres suivants.

 

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Saint Jean.

— Fond damassé bleu clair à rinceau sous forme de deux tiges montantes dont les grandes feuilles aux échancrures rondes délimitent des serpentins noirs. Voûte vert clair et jaune.  Jaune d'argent pour les cheveux, la coupe, les anneaux des serpents.

— Manteau rouge (la couleur propre à Jean), robe verte.

— Carrelage : sur le verre vert, dessin à la grisaille de carrés divisés en six triangles. 

— Attribut : la coupe de poison (qu'il but sans dommage pour témoigner de son élection divine), le poison étant représenté par les six têtes d'un dragon (ou six serpents) annelé. Le visage imberbe, beau et jeune comme un Apollon est aussi un attribut propre au disciple préféré du Christ. Noter ici les cheveux longs et blonds renforçant l'aspect androgyne habituel.

— Quatrième article : pass[us] sub Põcio Pilato, cruci[fixus], mort[uus], et ..pu[ltus],(a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, ). Paléographie : l'inscription sans doute très restaurée mais sans-doute aussi avec fidélité permet d'admirer de nombreuses caractéristiques comme le deux-points initial ;  la forme de la lettre P en Y carré évitant les boucles; l'abréviation "mort 9" pour mortuus, etc.

  — Les quatre personnages du sommet de la niche de l'étage du dessous sont bien visibles ici.

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Saint Philippe ?. 

— Fond damassé pourpre à motif de rinceaux, fleurs et cercles, constellé de couronnes jaunes serties en chef d'œuvre. Voûte rouge et bleue, boule centrale bleue. Nimbe bleue

— carrelage sur verre bleu : carreaux divisés en quatre triangles dont deux noirs.

— Manteau vert à revers blanc (manche) et robe rouge. Remarquez les pupilles soulignées au jaune d'argent.

— Attribut : néant . Il existe donc un doute sur l'identification. (l'attribut habituel de Philippe  est la croix à hampe) Mon identification repose sur le fait que dans quelques textes littéraires et de pastorales Philippe se voit attribuer cet article (G. Hasenohr, in Pensées, images et communications 1993 p.178).

 — Cinquième article : Descendit ad inferna ter cia die a nnortuis (sic) soit  descendit ad inferostertia die resurrexit a mortuis, ( est descendu aux enfers, le troisième jour, est ressuscité des morts ;)

—Je l'ai dit, ce cinquième article est traditionnellement celui porté par saint Thomas, ou parfois par saint Philippe. Jean-Bernard Le Vaivre identifie cet apôtre comme saint Thomas.

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Saint Jacques le Majeur.

— Fond damassé Voûte bleue et rouge. Nimbe bleu clair.

— Carrelage blanc et noir sur verre bleu, les carreaux noirs portant un dessin serpentin.

— Notez les mains en pince de crabe, que de Vaivre considère comme des moufles à deux doigts..

— Attributs : le chapeau à larges bords rabattu sur le devant, le rabat portant une coquille ; le bourdon, ici équipé de bagues ; la besace ou panetière, elle aussi ornée d'une coquille ; la pèlerine, décorée d'une douzaine de coquilles. 

— Sixième article : as[cen]dit ad celossedet ad dexter[am] Dei Patris [omnipotentis], (est monté au ciel, est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant ). Paléographie : le texte commence en bas à droite, tourne autour de la tête et du bourdon et revient devant la main droite, les lettres n'étant lisibles que si on tourne autour du personnage pour suivre les circonvolutions. Le texte n'est donc pas inscrit pour être lu et déchiffré par un fidèle, censé connaître parfaitement son Credo. Le mot PATRIS peut être comparé au PATREM du phylactère de Pierre pour constater quelques différences de style.

 

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Saint  Jacques le Mineur ?.

— Fond damassé à motif de fleurs stylisées (refait à droite)  Voûte bleue et pourpre. "La terrasse comporte un gironné de pourpre et de sable" selon de Vaivre qui emploie un langage propre à l'héraldique pour désigner un motif pourpre et noir divisé en plusieurs parties triangulaires opposées par la pointe. 

— Nimbe rouge. Manteau rouge à revers blanc formant de savantes ondulations géométriques. Robe verte. Visage refait.

— Attribut : néant. Jacques le Mineur se charge d'habitude du sixième article ; son attribut est le bâton à foulon.

— Septième article : inde venturus est iudicare vivos et mortuos. (d'où Il viendra  pour juger les vivants et les morts.). Paléographie : l'inscription débute à gauche au dessus de la main droite du saint.

De Vaivre est prudent dans son identification : "Un saint, tourné vers la gauche, que l'on dit être Philippe bien qu'il ne soit présenté aucun de ses attributs classiques".

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Les cinq apôtres du registre intermédiaire.

 

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Saint Barthélémy.

— Fond damassé vert à feuillages et oiseaux de type lampas de Lucques. Voûte bleu et rouge, nimbe rouge.

—  carrelage : losanges noirs sur verre bleu.

— Pupilles soulignées au jaune d'argent.

— Attribut: une croix et un couteau, le "coutelas" par lequel il fut dépecé. La croix peut s'expliquer par ce commentaire de Jacques de Voragine dans sa Légende dorée :  « Sur le genre exact du martyre de saint Barthélémy les avis diffèrent : car saint Dorothée affirme expressément qu'il a été crucifié. Et il ajoute que son supplice eut lieu dans une ville d'Arménie nommée Albane, comme aussi qu'il fut crucifié la tête en bas. D'autre part, saint Théodore assure que l'apôtre a été écorché vif ; et il y a encore d'autres historiens qui prétendent qu'il a eu la tête tranchée. Mais, au fait, cette contradiction n'est qu'apparente : car rien n'empêche de penser que le saint a d'abord été mis en croix, puis, pour plus de souffrances, écorché vif, et enfin décapité." Bien-sûr.

— Huitième article : Credo in Spiritu[m S]anctum, ( Je crois en l'Esprit-Saint)

 

 

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Saint Matthieu.

— Fond damassé rouge à feuillages. Voûte  verte et bleue.  Sol à carreaux rose et noir.

 — Nimbe verte ornementée ; manteau bleu et pourpre. Robe verte. Pupilles soulignées au jaune d'argent. Emploi du jaune à l'argent pour les cheveux et la barbe, le manche de la hache

— Attribut : la hache 

— Neuvième article : [sanct]am Ecclesiam catholicamsanctoru[m] communione[m],  ( à la sainte Église catholique, à la communion des saints,)

 

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Saint  Simon.

 

— Fond damassé bleu à feuillages et oiseaux imitant les lampas de Lucques. Voûte vert clair et rouge. Nimbe bleu clair ornementé.

— Notez les pupilles soulignées au jaune d'argent .

— Carrelage : verre jaune à carreaux noirs.

 — Attribut : épée. J'ai hésité en me demandant s'il ne s'agissait pas d'un artefact dû à un revers du manteau, mais on distingue la poignée jaune quadrillée. L'épée est l'attribut de Paul, et parfois aussi de Mathias, mais ce dernier est toujours lié au 12ème article.  L'attribut de Simon est souvent une scie.  

— Dixième article : remissionem peccatorum, (à la rémission des péchés,). Paléographie : la seule fraction lisible de l'inscription est PRI, forme abrégée peut-être de peccatorum.

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Saint  Jude Thaddée .

— Fond damassé rouge constellé de couronnes jaunes serties en chef d'œuvre. Voûte rouge. Nimbe bleue.

— Manteau vert à revers blanc, robe rouge. Cheveux, barbe et pupilles partiellement rehaussés de jaune d'argent.

— Attribut : néant. J'attribue cet article à Jude en raison de la fréquence avec laquelle il lui est imparti traditionnellement, et après avoir attribué les autres articles à ses collègues. J.B. de Vaivre écrit : "Saint difficile à identifier dans lequel on a voulu voir saint Thaddée" .

— Onzième article : carnis resurrectionem, (à la résurrection de la chair)

 

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Saint Mathias.

— Fond damassé ocre constellé de boules rouges serties en chef d'œuvre. Nimbe bleue

— Manteau vert à revers blanc, venant recouvrir la tête ; robe rouge.

— Carrelage à carreaux noirs sur verre bleu.

— Attribut : néant. (habituellement, la hallebarde)

— Douzième et dernier article : vitam aeternam. (et à la vie éternelle.)  

 

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II. LES TYMPANS. 

Chacune des baies jumelles de quatre lancettes qui composent la galerie de la Baie 127 sous la rose est coiffée d'un tympan de deux quadrilobes et d'une rosace à deux compartiments. Dans les quadrilobes sont représentés des personnages de l'Ancien Testament enrubannés d'inscriptions, et dans les rosaces deux anges eux-aussi porteurs d'inscriptions. Deux autres rosaces latérales appartiennent à cet ensemble mais seront visibles sur la photographie de la rose. 

Ces tympans s'intègrent dans le programme comme des représentations intermédiaires entre l'Ici-bas des donateurs suivi du Dogme de l'Église ( représentée symboliquement par saint Pierre, premier évêque, et par les douze articles du Credo) et la Rose du Christ glorieux et Juge : Abraham, Noé et Moïse sont les témoins d'une Alliance renouvelée par le Christ en un Salut, et David roi, mais aussi auteur des psaumes pénitentiels et roi coupable et racheté (Bethsabée) fait la transition entre le Jugement Dernier, et les supplications des donateurs. Les anges qui sont associés à ce programme présentent le Gloria et sa double fonction, célébrer la gloire divine, et implorer pour le pardon.

Je reprends les identifications donnes par l'abbé Charles en 1880.

I. Le tympan de la baie de gauche :

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1. Abraham.

— Fond damassé bleu à feuilles "de chêne", déjà observé dans les lancettes pour saint Jean.

— Le plus admirable, ce sont bien-sûr les splendides pupilles jaunes. Je les ai mentionné à propos des apôtres.

— Inscription : ABRAHAM VOCA ATRO. IMI ....

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2. "Noé".

 

— Fond rouge à feuilles de fougères.

— Personnage coiffé d'un chaperon et vêtu de bleu et de jaune. Pupilles rehaussées au jaune d'argent.

— Inscription : NOE  NUI RFFUICI :  IT INIÃMI 

 


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3. Couple d'anges présentant le GLORIA.

— Fond damassé bleu d'un coté et rouge de l'autre.

— Robes blanches. Cheveux, emmanchure et bord de phylactère traités au jaune d'argent.

— Inscription : on distingue selon les boucles du phylactère des fragments qui composent un Gloria :  NAM EX ELSIS AMEN

 

 

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4. Monogramme IETRUS

Dans l'écoinçon qui sépare les trois groupes précédents se loge ce monogramme que je lis IETR9 , soit IETRUS : faut-il comprendre PETRUS ? On remarque la lettre T dont la barre traverse le fût à la manière d'une croix.

 

II. Le tympan de la baie de droite.

 

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1. Moïse. (Très restauré)

Il est identifié avec certitude par les langues de feu (qui ont été à l'origine du fait que l'un des attributs de Moïse soit les cornes). Celles-ci, qui "préfigurent" celles reçues par les apôtres à la Pentecôte, trouvent leur origine dans le texte biblique de l'Exode 34 :29-34 où Moïse reçoit les tables de la Loi sur le Sinaï :

 "Puis Moïse redescendit du mont Sinaï, tenant en main les deux tablettes de l'acte de l'alliance. Il ne savait pas que la peau de son visage était devenue rayonnante pendant qu'il s'entretenait avec l'Éternel. Aaron et tous les Israélites regardèrent Moïse, et s'aperçurent que la peau de son visage rayonnait. Ils eurent peur de s'approcher de lui. Alors Moïse les appela. Aaron et tous les chefs de la communauté s'avancèrent vers lui, et il s'entretint avec eux. Après cela, tous les Israélites s'approchèrent de lui et il leur transmit tous les commandements que l'Éternel lui avait donnés sur le mont Sinaï. Quand il eut terminé de leur parler, il se couvrit le visage d'un voile." (Trad. Bible du Semeur).

Ses pupilles sont également rehaussées de jaune d'argent, et, associé à ce visage rayonnant, cela prend encore plus de signification.

Les deux Tables portent des inscriptions riches en initiales dans une disposition énigmatique ; le nom Moïs(e) y figure.


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2. David.

Il est aussi facilement identifiable par sa couronne. 

— Fond rouge à feuilles de chêne. 

— Inscription : SUSTINUI QUI SIMUL CONTRISTARETUR ET NON FUIT ET QUI CONSOLARETUR:

Psaume 69 (68) : 21-23 :  in conspectu tuo sunt omnes qui tribulant me inproperium expectavit cor meum et miseriam et sustinui qui simul contristaretur et non fuit et qui consolaretur et non inveni  et dederunt in escam meam fel et in siti mea potaverunt me aceto  fiat mensa eorum coram ipsis in laqueum et in retributiones et in scandalum:

"L'insulte m'a brisé le cœur, jusqu'à défaillir. J'espérais la compassion, mais en vain, des consolateurs, et je n'en ai pas trouvé.  Pour nourriture ils m'ont donné du poison, dans ma soif ils m'abreuvaient de vinaigre."

Commentaire : cette citation évoque la Passion et fait de David une figure annonçant prophétiquement le Christ (Jn 19:29), ce qui justifie la lecture de ce passage le Jeudi saint, Ier nocturne dans le paroissien romain.

Mais il est possible d'imaginer que cela soit une allusion politique aux difficultés de Charles VII dont la royauté était contesté. Le psaume décrit l'extrême détresse d'un homme persécuté pour sa piété. Le psalmiste commence par exposer à Dieu l'horreur de sa position car s'il ne nie pas ses fautes, il  constate que c'est pour la cause de Dieu qu'il souffre ; il supplie Dieu de le délivrer, puis sa requête se change en malédiction contre ses ennemis nombreux et implacables; il se décrit, pour avoir obéi à l'Éternel, couvert d'outrages et renié par les siens.

 

On verra que, dans la partie basse de la baie (dans sa nouvelle organisation après restauration) ou dans l'ensemble du transept, on assiste à une sorte d'office religieux où sous l'égide de trois saints, les Princes et prélats de ce monde prient et méditent aux thèmes de la mort, de la culpabilité et du pardon en utilisant les psaumes du roi David : il existe une circulation verticale où les prières des Patriarches et leurs figures résonnent tantôt comme préfiguration du Christ, et tantôt comme porte-paroles des donateurs. 


 

 

3. Le couple d'anges : le Gloria.

Même disposition qu'à gauche avec un fond bleu et des ailes rouges et inversement.

Inscription des phylactères : Ange supérieur : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI

Ange inférieur : IN MUNDI -- E.CEL.IS 

Plutôt qu'un extrait de l'Agnus Dei, "Agneau de Dieu toi qui enlève les péchés du monde, prends pitié de nous", il s'agit de la partie pénitentielle du Gloria, qui inclut ce passage.

 

 

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4. Le monogramme central : IOTES.

Son sens m'échappe ; faut-il comprendre IOHANNES ?  

 

 

 

III. REGISTRE INTERMÉDIAIRE  : LES TROIS SAINTS .

 

Apôtre Mathias ; saint pape ; saint évêque ; saint Louis.

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Je les décrirai de gauche à droite après l'apôtre Mathias qui termine le Credo par son article Vitam eternam. Un seul à été identifié formellement, le roi Saint Louis.

1. Saint René (ou saint Rémi).

 

— Fond damassé vert clair à feuillages et oiseaux comme un lampas de Lucques.

— Sol carrelé noir sur verre bleu.

—Dais rouge et jaune.

— Le saint (nimbe rouge) porte une mitre et une sorte de férule papale en forme de croix qui le désignent comme un pape, mais aucun indice ne permet une identification. La liste des papes canonisés ne permet pas de désigner un pape plutôt qu'un autre, et aucun de ceux-ci n'est en relation avec le Mans. Ce vitrail étant daté de 1430-1435, ces dates correspondent au pontificat de Eugène IV (1431-1447) qui a succédé à Martin IV (1417-1431), la chrétienté sortant avec ce dernier de la crise pontificale nommé Grand Schisme d'Occident. Pour J.B. de Vaivre, la croix "patriarcale" est celle d'un archévêque (saint Bonaventure, saint Claude ?).

—Il trace une bénédiction d'une main non gantée mais qui porte deux anneaux d'or, l'un à l'auriculaire et l'autre à l'index.

Il est vêtu d'une dalmatique (fermée sur le devant) à manches longues et larges, en étoffe blanche brodée de fleurs aux pétales contournées de digitations insolites, sur laquelle est cousue une bande bleue antérieure et sans-doute dorsale divisée en un Y sur les épaules, les clavi

 

   Les auteurs plus autorisés (R. Barrié) que moi l'identifient comme Saint René. Il faut comprendre Saint René d'Angers (424-450), saint légendaire qui doit son nom (le jeu de mot re-né) à ce qu'il avait été ressuscité par l'évêque d'Angers saint Maurille, avant de devenir lui-même évêque d'Angers puis de Sorrente (Wikipédia). Il est fêté le 12 novembre comme saint René d'Angers, et le 16 novembre comme Saint René de Naples. Voir sa biographie.

René...Anjou...Naples... inutile de chercher loin pour penser au bon roi René d'Anjou ou René Ier de Naples, né le 16 janvier 1409 à Angers et mort le 10 juillet 1480 à Aix-en-Provence, fils de Louis II d'Anjou et de Yolande d'Aragon, les donateurs du registre sous-jacent. Saint René serait ici comme puissance tutélaire de l'Anjou, particulièrement à l'honneur dans cette baie. Il avait été élevé à Angers avec son cousin le futur Charles VII, de six ans son aîné.

Pourtant, le rapprochement avec la baie de la Chapelle de Vendôme de Chartres m'incite plutôt à y voir Saint Rémi : cette baie 217 est toute entière consacrée au thème de la royauté, et l'évêque de Reims, qui a reçu du Saint-Esprit la sainte ampoule qui a servi à l'onction lors du sacre de tous les rois de France, tient un rôle essentiel aux yeux du roi Charles VII et de ses alliés, après l'héroïque sacre du roi à Reims sous la conduite de Jeanne d'Arc. La croix qu'il tient est la même qu'à Chartres.


 

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2. Saint évêque (saint Denis ?).

Saint Julien, 1er évêque du Mans ? 

A l'époque, l'évêque du Mans était Adam Chastelain (cf infra) de 1398 à 1439, mais il ne s'agit pas ici de lui.

J'ai pensé un moment à  Saint Louis d'Anjou évêque de Toulouse, fils de Charles II roi de Naples, petit neveu de saint Louis, puisque nous verrons que le registre inférieur est en bonne partie consacrée à la famille d'Anjou.

Roger Barrié suggérait  plus judicieusement Saint Maurille "objet d'une dévotion attentionné de la part de René d'Anjou" et dont nous avons vu qu'il avait, comme évêque d'Angers, ressuscité saint René.

Mais le rapprochement avec le vitrail de la Chapelle de Vendôme de la cathédrale de Chartres suggère d'y voir saint Denis. La basilique Saint-Denis est la nécropole des rois de France, et le premier évêque de Paris est, avec saint Rémi, le saint qui a le lien le plus étroit avec la monarchie française. En outre, le trio Saint Louis, Saint Denis et saint Rémi est parfaitement cohérent. 

Fond damassé pourpre à motif de feuillage. Chape bleu orfroyée, mitre orfroyée, crosse à crochets et fleuron ; robe verte et surplis. Pas de gants ni de bagues.

Le jaune d'argent des yeux n'est que légèrement perceptible.

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3.  Le roi Louis XI ou Saint Louis roi de 1226 à 1270 est la caution principale, l'Ancêtre revendiqué de cette verrière, mais aussi le bâtisseur de la Sainte-Chapelle (1248). Il apparaît en surcot à ses armes, d'azur semées de fleurs de lis d'or.

   J-B. de Vaivre en donne une belle description : "Saint Louis enfin, en armure dont on distingue les grèves et les solerets en écaille de fer ainsi que l'un des gantelets à garde, le brassard de fer et une coudière de fer damasquinés d'or dépassant d'un manteau d'azur semé de fleurs de lis d'or, doublé d'hermines. De la main droite il tient un sceptre au bâton d'argent virolé d'or. La main gauche est appuyé sur une épée dont on ne voit que la fusée d'or et le fourreau bleuté. Le visage du roi est tourné vers la gauche. Ses cheveux blonds sont longs. Le bas du visage porte une fine barbe. La couronne d'or est à cinq fleurons."

— Fond damassé rouge à ramages, sol bleu uni. 

                       

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"Ainsi la dynastie angevine rappelait, au moyen de ces trois figurations, son origine royale, ses prétentions aux royaumes méditerranéens de Naples et de Sicile et sa place dans la diplomatie européenne" (R. Barrié, 1981).

 

 IV. LES DONATEURS DES LANCETTES DE LA BAIE 217.

Par le jeu des recompositions liées à différentes restaurations, notamment après les dévastations des huguenots en 1562, ils sont désormais au nombre de huit, certains regardant à droite et d'autres à gauche dans le désordre de leur réunion. Ce sont eux qui ont été magistralement étudiés par Françoise Gatouillat. 

"Au transept nord de la cathédrale du Mans, bâti autour de 1425, s'alignaient 32 portraits répartis en quatre fenêtres. Huit seulement ont survécu sous la rose, mais une description ancienne des armoiries permet de restituer le programme global. Dans la galerie nord, le roi Charles VII, dont l'image est conservée, accompagnait sa belle-famille d'Anjou. A l'est, une série rétrospective à la gloire de la dynastie angevine était un don de la veuve de Du Guesclin, morte en 1433. A l'ouest enfin, à côté d'une verrière offerte par le clergé local, étaient représentés des donateurs anglais, dont Edmond Beaufort, régent de France à partir de 1435. Le Maine étant sous domination anglaise depuis 1425, l'occupant a non seulement admis la mise en place de vitraux exaltant la légitimité des Valois, mais il a lui-même contribué à l'achèvement du chantier entre 1435 et 1448." (Abstract, Gatouillat 2003)

 

Lancettes de gauche, registre inférieur : je les nommerai 1, 2, 3, 4.

1 :Chanoine; 2 : l'évêque Adam Chastelain ; 3 : Louis II de Bourbon ; 4 : le cardinal Fillastre.

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Lancettes de droite, registre inférieur : 5, 6, 7, 8.

5 : Charles VII; 6 : Louis II d'Anjou 7 : Marie de Blois-Bretagne ; 8 : Yolande d'Aragon.

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Je puiserai dans ce jeu de carte selon ma fantaisie :

 

N° 5 : Le roi Charles VII. Roi de 1422 à 1461. 

      Il porte un surcot aux nouvelles armes de France d'azur à trois fleurs de lis d'or (depuis 1376) et se tient agenouillé à son prie-dieu dans la posture du donateur. Dès le 13 mai 1393, Charles VI avait donné mille écus pour ce travail qui prit alors les noms d'ouvrage du roi, d'ouvrage nouveau, d'ouvrage de la forge, et que plus tard, en 1421, Charles VII, alors dauphin, avait promis mille livres au chapitre pour le même usage au mois de mai, et en versa 500 dès septembre au chapitre (Hucher 1848 p. 369 et F. Gatouillat note 26). Cette cotte est doublé de rouge, ce qui a pu faire croire qu'il s'agissait de Louis III (Hucher) ou Louis Ier d'Anjou (de Vaivre). 

Les caractéristiques de l'armure, dont on distingue surtout les solerets à plaque de recouvrement articulées, confirment J.B.de Vaivre dans une datation de 1435-1440.

 

— Sol à grands carreaux à fleurs jaunes. Le fond est somptueux, royal, sous forme d'une tenture (un "drap d'honneur") au centre ponceau damassé de motifs de feuillages et à la bordure jaune et blanche évoquant une soierie de fils d'or et d'argent ornée de feuilles de chêne et quatrefeuilles dorées. 

— Le visage aux traits fortement soulignés du roi frappent immédiatement le spectateur : nous verrons qu'ils sont caractéristiques de l'auteur présumé des cartons, le Maître de Barthélémy.

Les yeux aux pupilles soulignées de jaune d'argent ne sont pas réservés aux apôtres et patriarche et ils aiguisent aussi le regard de Charles VII. 

 — Sur son  livre de prière se lit le verset domine salvum fac regem et exaudi nos in die qua invocaverimus te (Éternel, sauve le roi ! Qu’il nous exauce, quand nous l’invoquons !) est l'un des psaumes davidiques (Psaume XIX) attachés à la liturgie royale : on lira avec intérêt l'article Wikipédia Domine salvum fac regem concernant cette affirmation de la royauté de droit divin. Ce détail commence à préciser la cohérence de la verrière puisqu'il justifie la présence, dans le tympan, du roi David. L'article Wikipédia précise que "dès le VIIe siècle, on priait pour le roi en invoquant Abraham, Moïse et David", les trois personnages qui sont représentés au tympan (il me reste à identifier le soi-disant "Noé"). Le but de cette verrière serait d'affirmer la légitimité de Charles VII comme roi dans la lignée de Louis XI et selon l'élection du droit divin, et de souligner que sa puissance temporelle est en relation avec les puissances religieuses et divines. Un axe se dessine débutant par le Couronnement de Marie dans la Rose, passant par David couronné dans le tympan, traversant le bloc des Articles du Credo en équivalent de la force des Dogmes de l'Église dans la partie supérieure des lancettes, se prolongeant par la présence du Roi-Saint en registre intermédiaire au coté des évêques, et s'achevant par enfin Charles VII prononçant l'hymne davidique constitutif de la royauté, accompagné d'autres seigneurs et dames lisant dans leur Livre d'Heures d'autres psaumes de David.

Nous pouvons donc visualiser le massif horizontal des treize apôtres et des douze articles du Credo, traversé comme dans une croix par l'axe vertical d'une filiation royale et divine à la fois reliant le Christ-Roi et la Vierge couronnée à David, Saint Louis et Charles VII. Cette appropriation de l'espace de l'église et du dogme de l'Église  par le pouvoir royal s'exprime aussi par la clef de voûte aux armes de France couronnée en haut de la travée que ferme la rose, par les lis et fleur de lis ou par les cerfs ailés qui se retrouvent dans l'édifice. Il s'agit aussi d'une appropriation du Temps, si on songe que les douze articles du Credo apostolique ont été associés aux douze mois de l'année dans les Calendriers des Livres d'Heures.

Charles VII et Bourges.

Le  vitrail le plus illustre représentant le thème du Credo des apôtres était celui de la Sainte-Chapelle de Bourges et les manuscrits de Jean de Berry en portent les plus belles représentations. J'ai réalisé un collage d'informations issue de Wikipédia pour montrer que Charles VII, le "roi de Bourges" et duc de Berry a pu contribuer au choix de ce Credo du Mans et lui donner comme modèle celui de Bourges, dont le style était reconnu au Mans par Louis Grodecki. Mais au-delà du choix d'images pieuses, il s'agit peut-être d'une volonté, comme je viens de le dire, de reprendre le contrôle de l'Église, ce qui sera l'objet de la Pragmatique Sanction de Bourges de 1438. Pour aiguiser encore mon hypothèse, je dirai que cette baie de 1433 (F. Gatouillat), par la place qui est donnée à la royauté divine et de droit divin est un préalable de cette Sanction et de son gallicanisme, et qu'elle dérive elle-même des débats du Grand Schisme d'Occident (1378-1417) sur la supériorité des Conciles sur le Pape:

Ses fiançailles avec Marie d'Anjou sont célébrées au Louvre en décembre 1413 : les enfants, n'ont respectivement que dix et neuf ans. La mère de Marie, Yolande d'Aragon, ne souhaitait pas, depuis la sanglante Révolte des Cabochiens survenue au printemps 1413 à Paris, laisser les jeunes fiancés dans la capitale, les hôtes royaux de l'hôtel Saint-Pol étant notamment menacés par les Bourguignons. Elle réussit à emmener sa fille et son futur gendre en Anjou le 5 février 1414. Puis, au début de l'année 1415, sa belle-famille emmène Charles en Provence au château de Tarascon. Il revient en Anjou à la fin de l'année. Aussi, le prince peut-il passer, avec sa fiancée, quelques heureuses et paisibles années, jusqu'en 1417. Pendant son séjour, le dauphin Charles est instruit par les meilleurs maîtres et il leur doit d'être le prince le plus cultivé de son époque, comme son grand-père, Charles V. Charles devient dauphin de France, à l'âge de 14 ans, à partir du 5 avril 1417. À l'initiative d'Yolande d'Aragon, il était rentré à Paris au début de l'année 1417 en compagnie de son mentor, Jean Louvet, président de Provence, pour assister au Conseil de Régence. Le dauphin prend part à la régence du royaume avec ses conseillers Armagnacs. Il est fait duc de Touraine, duc de Berry et comte de Poitou . En mai 1417, il est nommé lieutenant-général du royaume, chargé de suppléer son père en cas d'empêchement. Pour échapper aux manœuvres du duc de Bourgogne Jean sans Peur, Charles VII quitte Paris dans la nuit du 29 mai 1418 et se réfugie à Bourges, capitale de son duché de Berry, entouré des fidèles officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac, qui deviendront ses premiers conseillers. C'est dans cette ville de Bourges qu'il se proclame régent du royaume de France. Le dauphin Charles établit le Parlement à Poitiers et la Cour des Comptes à Bourges et prend les armes pour reconquérir son royaume.  Au XIVe siècle la ville avait été la capitale du duché de Berry, qui avait été donné en apanage à Jean de Berry ; celui-ci y avait développé une cour fastueuse et y avait attiré  de nombreux artistes parmi les plus brillants de son temps.. Son plus grand ouvrage sera la construction d’un palais ducal (grand palais) bâti sur les restes de la muraille gallo-romaine, et en continuité des restes d’un palais plus ancien appelé le petit palais (ancien palais des vicomtes de Bourges dont la construction primitive remonterait à Pépin le Bref). Ce palais sera rattaché par une galerie (galerie du cerf) à la Sainte-Chapelle (ou chapelle palatine). Le dauphin, futur Charles VII de France, ayant trouvé refuge à Bourges, va utiliser l’administration mise en place par son grand-oncle, le duc de Berry, pour pouvoir reprendre le contrôle de son royaume (hôtel des monnaies, cour de justice, siège épiscopale). Son fils futur Louis XI naîtra d’ailleurs dans le palais des archevêques en 1423. Charles VII y promulgua la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438.

 

 


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N° 8 : Yolande d'Aragon.

Yolande d'Aragon (1381-1442), fille du roi Jean Ier d'Aragon) duchesse d'Anjou et comtesse du Maine, donatrice de la rose. Elle est identifiée par ses armoiries qui peuvent se lire parti au premier de Jérusalem et d'Anjou, au second d'Aragon qui est d'or à quatre pals de gueules, les armes de Jérusalem étant  d'argent à la croix potencée d'or cantonnée de quatre croisettes du même. 

—Fond damassé bleu à fleur de lis stylisée, encadré par un drap d'honneur d'or et d'argent (blanc et jaune) où se lisent entre des lis de France des lettres latines imitant les caractères coufiques.

—Le livre à fermoirs porte une inscription sur laquelle je vais revenir.

—Damas vert sur le prie-dieu.

— Couronne posée sur une coiffure à coques derrière laquelle flotte un voile où s'inscrit des caractères graphiques séparés par un deux-point. Pupilles soulignées au jaune d'argent. Vêtement blanc à ornementation jaune, robe rouge.

Yolande d'Aragon est surnommé la Reine des quatre royaumes en raison de ses prétentions aux trônes de Sicile, de Naples (ou de Hongrie), de Jérusalem et d'Aragon, mais elle préféra tenir sa cour à Angers et Saumur. Son mariage avec Louis II d'Anjou en Décembre 1400, à Arles , faisait partie d'un effort , réalisé dans les mariages antérieurs , pour résoudre les réclamations contestées sur le royaume de Sicile et de Naples entre les deux maisons d'Anjou et d'Aragon. Ils eurent six enfants  dont Louis III d'Anjou (1403 † 1434) - duc d'Anjou, comte de Provence, roi de Naples ; Marie d'Anjou (1404 † 1463) épouse du roi de France Charles VII, et donc mère de Louis XI ; René d'Anjou (1408 † 1480) - duc d'Anjou, duc de Bar, duc de Lorraine (par alliance), comte de Provence, roi titulaire de Sicile et de Naples, le fameux  " bon Roi René" ; Yolande (1412 † 1440), épouse de François Ier, duc de Bretagne, et Charles (1414 † 1472), comte du Maine dont le fils fut duc d'Anjou. Elle est veuve en 1417 

      Pendant toute sa vie, elle soutient la cause de cette grande maison féodale qu’est l’Anjou et cherche à la fortifier et à asseoir son influence pendant que son époux se ruine et s’épuise à conquérir le lointain royaume de Naples. Elle fait ainsi de l'Anjou un des bastions de la résistance française contre les Bourguignons et contre les Anglais. En effet, pendant  la seconde période de la guerre de Cent Ans, Yolande d’Aragon a toujours pris le parti de la France contre les Anglais et les Bourguignons. Devenue la belle-mère du Roi de France Charles VII, elle joue un  rôle important à ses côtés pendant de nombreuses années.  Après 1429,  Yolande aide le comte Arthur de Richemont de Bretagne qui combat les Anglais, qu'il chasse d'une partie de la Guyenne et de la Normandie et elle finit par secouer l'apathie de Charles VII.

Rappel : 

  • 1415 :Victoire des Anglais sur les Français à Azincourt (1415 ).
  • 1419 : Assassinat de Jean sans Peur à Montereau : le fils de Jean, Philippe le Bon lui succède et avec Henri V d'Angleterre force Charles VI à signer le traité de Troyes (21 mai 1420) qui désigné Henry comme « régent de France » et l'héritier du trône français.
  •  En 1421 , le dauphin Charles est déclaré comme déshérité .

Yolande protège  et  soutient Charles VII alors qu’il n’est encore sous le nom de Charles de Ponthieu que le fiancé de sa fille Marie, puis lorsqu’il devient Dauphin du royaume de France, alors que son trône est convoité par le Roi d’Angleterre et le Duc de Bourgogne et que sa propre mère Isabeau de Bavière est alliée aux anglais.  Entourant le Dauphin puis le jeune roi de conseillers et domestiques issus de la Maison d’Anjou et usant de son réseau d’influence, elle joue pendant de nombreuses années, le rôle de conseillère occulte de Charles VII. Elle facilite aussi l’arrivée de Jeanne d’Arc à la cour du Roi, l'impose à son gendre et devient son plus fidèle soutien et finance son armée lorsque la Pucelle part au secours de la ville d’Orléans assiégée par les Anglais. 

Sa présence au coté de Charles VII est donc un manifeste anti-anglais, pro-Anjou qui se trouve complété dans la baie 215 offerte par Jeanne de Laval en faveur du camp breton qui tente de se libérer des anglais.

Le chroniqueur contemporain Jean Juvénal des Ursins décrivit Yolande comme « la plus belle femme du royaume ». Charles de Bourdigné, chroniqueur de la maison d'Anjou, dit d'elle « Elle était considérée comme la plus sage et la plus belle princesse de la chrétienté ». Plus tard, le roi Louis XI affirma que sa grand-mère avait « un cœur d'homme dans un corps de femme ».  

 

 

 

 

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http://xenophongroup.com/montjoie/yolande.htm

 

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L'inscription du livre de prière de Yolande.

Après de nouvelles photographies au 400 mm et plusieurs heures d'effort, j'obtiens (mais J.B de Vaivre en donnait le résultat !):

DOMINE IESU / X[ST]E FILI DEI VI/ VI PONE PASSI/ONEM CRUCEM ET / MORTEM

TUAM INT[ER] IUDICI... / TUUM ET --  /INA[N]S[US] -IUNC-- IN HORA M ~ --/ NRE 

 

Domine Jesu Christe Filii Dei vivi, pone passionem crucem et mortem tuam inter judicium tuum et animam meam nunc et in horam mortis meae. 

L'oraison se poursuit par : et mihi largiri digneris gratiam et misericordiam: vivis et defunctis requiem et veniam: Ecclesiae tuae pacem et concordiam, et nobis peccatoribus vitam et gloriam sempiternam. Qui vivis et regnas cum Deo patre in unitate spiritus sancti Deus, Per omnia saecula saeculorum.

Traduction proposée :

 Seigneur Jésus-Christ Fils du vrai Dieu, interpose (pono, posui "poser") ta Passion de la Croix et ta mort entre ton jugement et mon âme, maintenant, et à l'heure de ma mort ;  et daigne m'accorder la grâce et de la miséricorde ; le pardon et la paix pour les vivants et les défunts ;  la paix et la concorde pour ton Église ; et la vie et la gloire éternelle pour nous, pauvres pêcheurs. Toi qui vis et règnes avec Dieu le Père dans l'unité du Saint-Esprit,  Dieu saint pour les siècles des siècles.

 

On trouve cette oraison :

  • dans un Livre d'Heures de la Sainte Vierge Marie à l'usage de la Sarre publié par Antoine Vérard à Paris en 1503-1505 (folio 56v) Hore beate virginis marie ad usum Sarum, dans l'Office de la sainte Croix (Horae Sancta Crucis). 
  • Dans le Livre d'heures de Maubruny, vers 1523, également pour l'Office de la Croix. Mémoires des antiquaires du Centre page 109 . Ces Heures sont d'origine inconnue mais une influence bretonne y est décelée.
  • Dans le Livre d'Heures (cf image infra)de l'University of West Ontario.
  • Dans le Livre d'Heures de l'University of South California,
  • Récitée quotidiennement par le comte Jean d'Angoulême (1399-1467).
  • dans le testament de 1410 du chanoine de Nantes Jean de la Rive.
  • etc.

Hucher l'avait trouvé dans les Heures à l'usage du Mans jusque dans l'édition imprimée en 1510

 

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Source image suivante :University of South California 

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6. Le duc Louis II d'Anjou.

(1377-1417) Roi titulaire de Naples, comte de Provence, et duc d'Anjou

On reconnaît la couronne ducale et, sur la cotte, les armoiries de Jérusalem et d'Anjou.

L'armure dont on distingue les cuissards, genouillères et jambières est "d'un type en usage vers 1435-1440" (de Vaivre, 1993).

Hucher ne distinguait déjà sur le livre que les mots nos nosti.

— Fond damassé vert à motifs de petites fleurs serrées (et d'oiseau ,) portant quatre cercles rose contenant des étoiles et des perles. Drap d'honneur à bordure orné de trois fleurs de lys et de caractères coufiques ou latins à allure coufique. Replis rouge. Sol blanc et jaune. Mains restaurées. Visage aux traits fortement soulignés propre au style du Maître de Barthélémy l'anglais.

Eugène Hucher voyait dans les caractères "coufiques" une manière exotique d'écrire des caractères latins pour rappeler que les princes figurés ici étaient souverains à Jérusalem ; il déchiffrait ici, sur la partie droite, les lettres L.R.I.I., comprises comme Louis II Roi ; Roger Barrié n'y voyait que de simples fantaisies ornementales suivant un modèle oriental incompris. On retrouve ces ornementations sur les anges de la Rose.


                       donateurs 9311c

 

 

      Calque par Hucher (1848) Gallica

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7.  Marie de Blois-Bretagne

Marie de Blois, comtesse de Provence, reine de Naples et mère de Louis II d'Anjou. Le portrait de son époux Louis Ier d'Anjou figurait certainement, selon Françoise Gatouillat, à ses cotés.

      A six ans elle fut mariée à Charles d'Espagne Le 9 juillet 1360 eut lieu le second mariage de Marie. Elle épousa Louis d'Anjou, fils du roi Jean II et de Bonne de Luxembourg et lui apporta Guise en dot. Ils eurent trois enfants : Marie (1370-v1383), Louis II (1377-1417), duc d'Anjou, comte de Provence et roi de Naples et Charles du Maine (1380-1404), prince de Tarente. (Wikipédia)

— Fond damassé rouge. Bordure blanche et jaune à motifs de feuilles (chêne, acanthe) et fleurs. Replis verts. Sol rouge foncé.

— Tête restaurée (couronne, coiffure et coiffe inspirées de celle de Yolande d'Aragon). Tunique blanche aux manches brodées d'or. Robe jaune à traîne blanche (fourrure ?). reprise du carton utilisé pour Yolande d'Aragon.

— Livre à pattes et fermoirs dorés, à la tranche dorée, entre-baillé de telle sorte que la lecture des deux pages centrales est difficile : ---LLEN---.

— armoiries parti  Jérusalem d'Anjou et de et de Bretagne (d'hermine plain) : les deux armoiries sont identiques 

 

                           donateurs 9312c

 

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N° 3 : Louis II de Bourbon.

  Portrait rétrospectif de Louis II de Bourbon (1337-1410) : tourné vers la droite, il provient de la baie  voisine 215, à l'est du transept. Les motifs de cette identification (il fit fondation annuelle à la cathédrale en hommage au corps de saint Julien , fondations attestées en 1396 et jusqu'à 1468 ; il fit partie du conseil de régence de Charles VI avec Jean de Berry et le duc d'Anjou, etc.) sont détaillés par F. Gatouillat, qui n'écarte pas la possibilité d'y voir à défaut le duc Jean Ier de Bourbon (1381-1434).

Son rôle de donateur est attesté par Ledru 1879 qui signale un don de cinq florins or.

— Fond damassé rose à motifs de fleurs contenant quatre boules vertes circonscrivant une fleur à cinq pétales. Drap d'honneur blanc et jaune à feuilles de chêne, rameau, fleur inscrite dans un cercle ; plis latéraux verts. 

— Le seigneur, aux cheveux coupés court, est agenouillé, l'épée ceinte, en armure, à son prie-dieu ; un livre est ouvert mais son inscription n'est plus lisible. Son surcot est aux armes d'azur aux trois fleurs de lys d'or à la bande de gueules. 

Jean Ier imita Charles V et remplaça sur ses armoiries le semé de lys par trois fleurs de lys

                                  donateurs 9308c

 

 


LE CLERGÉ.


N° 4 : Le cardinal Guillaume Fillastre.

  C'est l'un des donateurs les plus généreux* pour la construction du transept (il effectua des dons successifs au profit de l'ouvrage de 1423 à 1427), ce qui lui a valu cette place, ainsi que de voir ses armes placées à la première clef de voûte du croisillon septentrional du transept à coté de celles de Charles VII. Plus exactement, il n'occupait pas cette place, mais la baie 221 de la partie ouest du transept, d'où il tournait le regard vers la rose.

* Dons du cardinal Fillastre de 200 écus en 1424, de 100 écus, de 200 écus. (En 1428, il offrit 400 écus pour terminer la tour septentrional de la cathédrale de Reims, dont il avait été le doyen en 1392).

Le cardinal est agenouillé, tourné vers la gauche, à son prie-dieu devant un livre où un texte est inscrit. Il porte une chape rouge à revers blanc et se détache sur un fond damassé bleu encadré par un drap d'honneur identique aux précédents, blanc à "broderies" d'or mêlant les caractères coufiques à trois fleur de lis inscrites dans un cercle. Ce drap retombe en plis verts sur le coté. Devant lui est posé son chapeau de cardinal (galero cardinalice), et j'ai pris d'abord un gros pompon  comme  l'un des glands (houppes ou fiocci), mais ceux-ci apparaissent au premier  plan, à l'extrémité de neuf des quinze cordons. Ce galero coiffe l'écu aux armes De gueules, au massacre d'or, à la bordure bordée de même

      On ne voit pas hélas sa belle devise Liement (avec joie) qu'il avait fait inscrire dans sa maison de Cloître à Reims.

Le prie-dieu est recouvert d'une étoffe blanche à fleurs d'or. Il me resterait à déchiffrer le texte que porte le livre, mais je ne lis qu'un douteux domine ...mihi..canbr..ã. L'attentif Roger Barriè n'avait pu déchiffrer sur l'ensemble des livres des donateurs que "ici ou là un mot indiquant que le livre est ouvert à l'office des morts".

                                         


                        donateurs 9309c

 

Biographie  (P. Merlette; Wikipédia)

 Attention de ne pas le confondre avec son homonyme Guillaume Fillastre le Jeune, (1400 ou 1407-1473) peut-être son "neveu" ou fils, abbé de Saint-Bertin à Saint-Omer, évêque de Verdun de Toul et de Tournai et auteur d'un traité sur la Toison d'or. 

Guillaume Fillastre (l'Ancien) (né en 1348 à La Suze, dans le Maine - mort le 6 novembre 1428 à Rome) était un ancien chanoine du chapitre de Saint-Julien, cardinal français, canoniste, humaniste et géographe. Après un diplôme de doctor juris utriusque obtenu à Angers  où il fut maître quelques années, il gagne l'université de Paris et, comme beaucoup d'autres clercs et universitaires, il se met en ce moment là à cumuler les bénéfices, les canonicats, dans différentes églises. Il est chanoine à Angers, au Mans, chanoine et archiprêtre à Laval qui n'est pas un diocèse mais qui comporte un chapitre important, et il prend place dans le clergé de Reims, d'abord comme doyen de Saint-Simphorien, ensuite comme chanoine du chapitre cathédral de Reims, l'un des plus puissants de France. A quarante-cinq ans, il est élu doyen du chapitre cathédral et va le rester vingt-deux ans. Fillastre enseigna la jurisprudence (et les mathématiques) à Reims et, en 1392, fut nommé doyen de son chapitre métropolitain. Pendant le Grand Schisme d'Occident, il montra au début beaucoup de sympathie pour Benoît XIII . En 1409, cependant, il prit part à la tentative de réconcilier les factions au sein du concile de Pise. L'antipape Jean XXIII lui conféra ainsi qu'à son ami Pierre d'Ailly la dignité de cardinal (1411), et en 1413 il fut nommé archevêque d'Aix.

   Fillastre joua un rôle très important au concile de Constance où lui et son ami le cardinal d'Ailly furent les premiers à soulever la question de la renonciation des prétendants rivaux (février 1415). Il acquit un grand renom par les nombreux problèmes juridiques sur lesquels il donna des décisions. Le pape Martin V, à l'élection duquel il avait beaucoup contribué, le nomma légat a latere en France (1418), où il devait promouvoir la cause de l'unité de l'Église. En reconnaissance des succès qu'il avait obtenus dans cette fonction, il fut nommé archiprêtre de la basilique du Latran. En 1421, il démissionna du siège d'Aix, et en 1422 fut affecté à l'évêché de Saint-Pons de Thomières. Il mourut à Rome dans sa quatre-vingtième année, comme cardinal-prêtre de San Marco.

 Pour ma part, c'est comme humaniste bibliophile que Guillaume Fillastre m'intéresse, surtout après la lecture de Quattrocento de Stephen Greenblatt qui raconte la chasse aux manuscrits grecs encore conservés dans de vieilles bibliothèques de couvent par Poggio Bracciolini dit Le Pogge, et son sauvetage du Rerum Naturae de Lucrèce.  Le Pogge était secrétaire de la Curie employé par Jean XXIII et participa au Concile de Constance tout comme Fillastre, et c'est lorsque le pape (et désormais antipape) fut condamné et prit la fuite qu'il voyage alors pour écumer les bibliothèques plus ou moins lointaines, et pour y redécouvrir les textes de l’Antiquité classique copiés à l’époque de la Renaissance carolingienne, allant à Saint-Gall (à partir de 1416), puis à Einsiedeln, à Fulda et à Murbach, ou jusqu’à Cluny, Langres et à Cologne.

 De même, Guillaume Fillastre, grand collectionneur de manuscrits, a veillé à la constitution de la bibliothèque du chapitre cathédral de Reims en se faisant copier des livres ou des manuscrits qu'il y  adressait : l’inventaire de cette bibliothèque, qui date du XVe siècle, mentionne un recueil de discours de Cicéron, qui contient aussi des discours d’Eschine et de Démosthène ; les notes marginales de lecture laissées par Guillaume Fillastre montrent son intérêt pour les ouvrages philosophiques de Cicéron, mais aussi pour le Gorgias et le Phédon de Pllaton qu'il traduisit du grec en latin. C'est ainsi qu'il avait copié la traduction latine de la Géographie de Ptolémée (sans les cartes), qui avait été terminée par Jacopo d'Angelo da Scarperia en 1409, un manuscrit qu'il avait beaucoup de difficulté à obtenir de Florence. En même temps que ce précieux codex de Ptolémée, il fit copier à Constance et il envoya en 1418 à la bibliothèque du chapitre de Reims, qu'il avait lui-même fondée et déjà dotée de nombreux manuscrits de valeur, une grande carte du monde tracée sur peau de morse, et un codex de Pomponius Mela (Cosmographie ; Ethicus. Cosmographie ; Itinéraire dit d’Antonin. Ms 1321 de Reims).

 Ainsi Guillaume Fillastre figure, avec Jean Gerson, chancelier de l'Université de Paris, Pierre d'Ailly (Petrus de Alliaco, chancelier de l’Université de Paris et maître de Gerson), parmi les principaux membres du mouvement humaniste français sous Charles VI et Charles VII. A Constance, capitale de la chrétienté de 1414 à 1418 en même temps que capitale européenne du livre et de l’écrit,  durant les trois ans et demi de délibérations entrecoupés d'interruptions, il put rencontrer les membres de la Florence des humanistes (Poggio Braciolini ou Leonardo Bruni, mais aussi un personnage comme le Grec Manuel Chrysoloras (décédé chez les Dominicains de Constance en 1415).


 

 

 

N° 2 : L'évêque Adam Chastelain, évêque du Mans de 1398 à 1438.

Portrait  provenant de la baie 221, à l'ouest de celle-ci.

a) Des informations données par A.R. Le Paige, (1777) j'extrais ceci qui illustre les liens entre les personnages de cette verrière: La reine de Jérusalem, Yoland, comtesse du Maine, etc. permit en 1417 à l'évêque Adam de bâtir à ses frais une tour en la partie de son palais épiscopal, sur les fossés de la ville, vis à vis l'église des Cordeliers. Cette tour était destinée à protéger le palais face à l'arrivée des anglais  et forme le début d'un système fortifié  au sud de la cathédrale.

b) De la biographie de Julien Remi Pesche, (1828) ceci : La province était alors occupée par les Anglais. L'évêque Chastelain, du consentement du gouverneur de la ville pour le roi de France, alla trouver le duc de Bedford qui les commandait, pour l'exhorter à épargner les églises et les ecclésiastiques, ce que le duc lui promit.

c) de l'abbé Ambroise Ledru "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)",  Union historique et littéraire du Maine 1ère série  t.2 n°5 mai 1874 page 82-91., j'emprunte cette description du panneau :

Le personnage chapé, nu-tête, mains jointes, est à genoux devant un prie-Dieu garni d'un tapis vert ; sur ce tapis est posé une mitre blanche à fanons rouges, rehaussée d'or, et à coté un livre sur lequel on lit Domine, ne in furore arguas me, etc. Son manipule est rouge et sa crosse très finement ornementée, est appuyée sur son bras gauche. Son écusson, surmonté d'une mitre et d'une crosse, est d'argent à trois chevrons de sable (voir la planche).

[A. Ledru analyse ensuite le texte de Hucher qui, dans ses Calques des vitraux du Mans », y voyait Pierre de Savoisy dont la famille porte De gueules à trois chevrons d'or à la bordure engrelée d'azur, et attribue cette erreur à celle des armoriaux du Maine, dont les auteurs donnaient pour Adam Chastelain, à la suite d'une mauvaise interprétation de l'Histoire des Evêques du Mans de Le Corvaisier, d'azur au château d'argent couvert et girouetté de trois girouettes de même. ] La preuve de cette erreur est apporté par l'abbé Ledru grâce à un document du 30 novembre 1400 conservé dans les archives de la fabrique de Requeil et scellé par l'évêque du Mans : ce sceau porte un écu chargé de trois chevrons et la devise DEO GRATIAS.

Le psaume 6  du livre des psaumes est attribué au roi David d'après l'indication du premier verset et fait partie des sept psaumes pénitentiels. Il est appelé en latin Domine ne in furore. Ce psaume est probablement destiné à quelqu'un qui a été frappé par la maladie, à moins qu'il n'exprime les sentiments d'Israël souffrant de l'oppression d'un autre peuple.  Dans la liturgie des Heures, le psaume 6 est récité ou chanté à l’office des lectures du lundi de la première semaine. (Wikipédia) :

 

  1 in finem in carminibus pro octava psalmus David

2 Domine ne in furore tuo arguas me neque in ira tua corripias me  Éternel! ne me punis pas dans ta colère, Et ne me châtie pas dans ta fureur.

3 miserere mei Domine quoniam infirmus sum sana me Domine quoniam conturbata sunt ossa mea   Aie pitié de moi, Éternel! car je suis sans force; Guéris-moi, Éternel! car mes os sont tremblants.

4 et anima mea turbata est valde et tu Domine usquequo  Mon âme est toute troublée; Et toi, Éternel! jusques à quand?

5 convertere Domine eripe animam meam salvum me fac propter misericordiam tuam  Reviens, Éternel! délivre mon âme; Sauve-moi, à cause de ta miséricorde.

6 quoniam non est in morte qui memor sit tui in inferno autem quis confitebitur tibi  Car celui qui meurt n'a plus ton souvenir; Qui te louera dans le séjour des morts?

7 laboravi in gemitu meo lavabo per singulas noctes lectum meum in lacrimis meis stratum meum rigabo   Je m'épuise à force de gémir; Chaque nuit ma couche est baignée de mes larmes, Mon lit est arrosé de mes pleurs

8 turbatus est a furore oculus meus inveteravi inter omnes inimicos meos   J'ai le visage usé par le chagrin; Tous ceux qui me persécutent le font vieillir.

9 discedite a me omnes qui operamini iniquitatem quoniam exaudivit Dominus vocem fletus mei  Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal! Car l'Éternel entend la voix de mes larmes;

10 exaudivit Dominus deprecationem meam Dominus orationem meam suscepit  L'Éternel exauce mes supplications, L'Éternel accueille ma prière

11 erubescant et conturbentur vehementer omnes inimici mei convertantur et erubescant valde velociter Tous mes ennemis sont confondus, saisis d'épouvante; Ils reculent, soudain couverts de honte.

On le trouve attesté dans un Livre d'Heures à lusaige du Mans folio xx publié par Vostre en 1510, mais aussi dans les Heures du XVe :

BM Toulouse Ms 2842, Livre d'Heures d'Yvon de Cugnac, XVe :

 

                                            David

Heures de Béthune 

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Je ne parviens pas à déchiffrer les inscriptions des livres ouverts devant les autres donateurs, mais cet exemple suggère que leurs textes correspondent aux pages habituelles des Livres d'Heures. 

      De quelle faute l'évêque fait-il pénitence ? Collective ou personnelle ? de ses arrangements avec l'occupant ? d'une faute secrète (rappelant l'adultère de David avec Bethsabée) ?

La prière des donateurs s'élève vers la Rose et son Christ-Juge.

 

Pour compléter la description de l'abbé Ledru, je ferai remarquer l'inscription IHS en lettres jaunes sur le capuchon de la chape, monogramme du Christ semblable à ceux que l'on trouve inscrits dans les écoinçons du tympan. Ici, la lettre centrale est surmontée d'un tilde, comme dans l'exemple suivant (Wikipédia) mais le tilde traverse ici  la hampe du H.

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                                  donateurs 9307c

 

 


 

 

 

N° 1 : Chanoine non identifié.

Ce chanoine anonyme a remplacé à une date indéterminée le portrait du comte d'Arundel Jean Fitz Alan, lieutenant du roi d'Angleterre et du duc de Bedford pour la guerre de France, mort le 12 mai 1434, et dont la présence dans cette verrière est insolite.

Sa présence ne sera pas jugée accessoire au moment même (2014) où Rachel Tapia prépare une thèse tendant à démontrer l'importance du rôle joué par le chapitre des chanoines du Mans dans la construction du transept nord.

« Librement restitué à partir des restes d'amusse en 1909 », il pourrait être celui décrit dans un manuscrit de 1798 dans la baie 215, accompagné d'armoiries d'argent à six losanges de sable placés trois, deux, un qui semblent être celles de la famille poitevine Fumée ou Fumé ( homonyme de celle du médecin de Charles VII originaire de Tours) (Gatouillat  ). Le blason est signalé plus tard à propos de Nicolas Fumée de la Perrière, maire de Poitiers en 1546, écuyer d'une famille originaire d'Anjou.

Grâce à Jean-Bernard de Vaivre, je distingue ou devine l'aumusse aux cinq queues de petit-gris que le chanoine bien fourré porte sur le bras gauche. Elles se voient mieux sur le calque de Hucher reproduit par de Vaivre dans sa figure 18.

  Comme le chaperon, l'aumusse, signe distinctif du chanoine, était initialement une coiffure et un capuchon couvrant les épâules, pour devenir un triangle porté sur le bras gauche lorsqu'on est assis, et sur le dos en position debout. Elle est de vair ou de petit-gris.  

 


                        donateurs 9306c

 

Au total, 

a) la baie 217, telle que Françoise Gatouillat la reconstitue, associait à l'origine  trois générations des ducs de la seconde maison d'Anjou associées aux souverains. Ils se succédaient dans la verrière selon l'ordre généalogique, chacune des figures étant tournés vers la gauche : depuis la droite de la galerie Marie de Bretagne agenouillée derrière Louis 1er d'Anjou, puis Yolande d'Aragon et Louis II précédés  d'u frère de marie d'Anjou ( Louis III d'Anjou et sa troisième épouse  ou René d'Anjou et de d'Isabelle de Lorraine) et en tête du cortège le roi Charles VII et la reine Marie d'Anjou : le roi et la reine étaient donc suivis de la famille d'Anjou sur trois générations :

— Yolande d'Aragon : sa fille Marie d'Anjou (1404-1463) épousa Charles VII et devint mère de Louis XI. Il manque ici son portrait (perdu).

—Son époux depuis 1399 Louis II duc d'Anjou (1377-1417), roi en titre de Naples et comte de Provence

—Les parents de Louis II : le duc Louis Ier mort en 1384 et Marie de Blois-Bretagne morte en 1404.

b) Cette verrière 217 voisinait la baie 215 où se trouvait, toujours selon la reconstitution de F. Gatouillat d'après un manuscrit de René Anselme Négrier de la Crochardière (>1562 et < 1798) :  

  • le pape Clément VII au centre (Robert de Genève devenu en 1378 Clément VII, dont l'élection par le collège des cardinaux principalement français fut à l'origine de grand schisme d'Occident. C'est grâce à lui que Louis Ier fut adopté par la reine Jeanne Ier de Naples en 1381 ; il soutint financièrement la reconquête du royaume en 1382 ; et c'est de ses mains que Louis II reçut la couronne de Naples en 1389 à Avignon.)
  • l'évêque Gontier de Baigneux, évêque du Mans de 1367 à 1385, ses armes d'or à l'orle de sable se trois pièces étant reprises 18 fois dans les peintures murales de la chapelle axiale. 
  • Jeanne de Laval-Chatillon  aux armoiries d'or à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'argent et cantonnée de seize alérions d'azur.épouse de Guy XII après avoir épousé Bertrand du Guesclin ; elle est entourée de ses deux époux :
  • Bertrand du Guesclin (7e lancette) dont le portrait était encore conservé au début du XIXe siècle : « On voit la figure de Duguesclin sur un des vitraux de l’église Saint-Julien au-dessus des fonts baptismaux. Ce connétable est représenté mains jointes. Sur son manteau sont peintes ses armoiries, d’argent à l’aigle déployée de sable » (Renouard p.301).
  • Guy XII de Laval
  • Olivier de Clisson (2e lancette)
  • Un chevalier dont le portrait est maintenant relégué dans le chœur portant d'hermines à trois pals ondés de gueules au franc quartier de sable au loup passant d'or ....et identifié partiellement comme « un chevalier breton du cercle blésiste » (de Charles de Blois)
  • Un chevalier aux armes «d'azur à la croix estoquée brisées en cœur d'une molette de sable » non identifié.

 La baie orientale était donc un don de Jeanne de Laval-Chatillon comme programme commémoratif de sa famille bretonne. Dans cette baie étaient réunis autour de Jeanne de Laval, qui vécut jusqu'en 1433 et qui jouissait d'une grande popularité auprès des Manceaux, des personnages morts depuis longtemps et liés plus ou moins directement aux destinés du premier duc d'Anjou et de son beau-père, le bienheureux Charles de Blois. Cette baie 215 illustre la convergence des intérêts politiques de la famille des Laval et des Valois d'Anjou. 

c) les baies occidentales 221 et 219.

— La baie 221 contenait le portrait de Adam Chastelain et de Guillaume Fillastre, qui furent déplacés en baie 217 après les dégradations de 1562. Elle contenait en outre quatre autres personnages qui y demeuraient encore par la suite et qui se distinguent par leurs armes

  • armoiries de gueules à un massacre de cerf d'argent tourné de front. (proche de celles du cardinal Fillastre)
  • Armoiries d'argent à une macle d'azur :  sans-doute celles de l'archidiacre Guezennot Tréanna cité en relation avec l'évêque Chastelain dans un acte de 1433 et qui, moyennant finances, obtint des Anglais un congé de six mois en février 1434 « pour aller à Rome et au saint concile ».
  • Armoiries d'argent à un chevron d'azur 

    accompagné de trois frelons volantes de sable ambrées d'argent : A. Ledru a  remarqué leur similitude  avec les armes parlantes de Geoffroy Freslon, élu évêque du Mans en 1258, émettant l'hypothèse d'un descendant de sa famille.

  • Armoiries 

    d'or à trois chauve-souris volantes deux et un » qui évoquent celles de la famille angevine et bretonne de Rabasté.

 Au total "la verrière 221, dont les trois donateurs identifiés sont des contemporains de la construction, peut avoir été toute entière offerte par des membres du clergé local ou ayant des intérêts locaux. Elle pouvait également comprendre le portrait du chanoine « défiguré », tôt transporté dans la baie orientale pour y boucher un trou, avant de remplir le même office au bas de la grande baie nord." (Gatouillat 2003).

— La baie 219 : participation des anglais.

Elle abritait parmi quatre autres personnages un couple de nobles anglais dont l'homme portait d'Angleterre à la bordure d'hermines et son épouse parti des précédentes et  échiquetées d'or et d'azur au chevron d'hermine et de gueules à la fasce d'or accompagné de six croix coupées de même, qui est Beauchamp. Les donateurs sont donc Eléonore Beauchamp, fille du comte de Warwick et son époux Edmond Beaufort (1406-1455), comte de Dorset, comte de Somerset en 1444, puis duc en 1448. Les armes de ce dernier permettent à Françoise Gatouillat de dater le portrait et sa donation au Mans "entre son mariage en 1434-1435, et 1444, date à laquelle il abandonna la bordure d'hermines". Elle ajoute  :

"Présent par intermittence sur le sol français à partir de 1427 Edmond Beaufort y devint l'un des principaux représentants du roi d'Angleterre en France après la mort du régent Bedford, peut-être dès la fin de l'année 1435, quoi qu'il en soit avant 1437 : en 1447, il est qualifié "d'ancien capitaine général et gouverneur des pays d'Anjou et du Maine". Sa commande de vitraux est clairement liée à la période pendant laquelle il eut la responsabilité de la province. La verrière entière fut-elle offerte par l'occupant ? Il est difficile de le prouver mais c'est probable. Parmi les personnages voisins des Beaufort se tenaient deux cardinaux qui portaient l'un et l'autre  d'argent à trois roses de gueules boutonnées d'or*  - double don d'un même prélat ? - ; les armes d'un troisième donateur, d'argent à trois lys de gueules , restent également à identifier, et le dernier était le chevalier originaire de la baie 115, maintenant conservé dans le chœur. Malgré ces incertitudes, il demeure que la donation du comte d'Arundel* ne fut pas une initiative isolée. Son effigie autrefois rapportée sous la rose provenait à l'évidence d'une des lancettes de cette fenêtre. Les chefs de l'occupation anglaise ont bien contribué, de manière concertée, à l'oeuvre du bras nord de la cathédrale, y faisant placer leur portraits".

 

 

*Edmond Beaufort (vers 1406 – 22 mai 1455), 1er comte de Dorset (1442), 4e comte (1444) puis 1er duc de Somerset (1448), fut l'un des grands capitaines anglais de la fin de la guerre de Cent Ans et du début de la Guerre des Deux-Roses. Il est le  neveu de Henri Beaufort, évêque de Winchester et régent d'Angleterre. Ces deux hommes étaient les demi-frères de Henri IV d'Angleterre et les oncles de Henri V. Entré très jeune comme commandant dans l'armée anglaise, Edmond Beaufort est capturé lors de la bataille de Baugé en 1421 et restera prisonnier de Charles VII pendant dix ans. Libéré en 1431 en échange de Charles d'Artois, comte d'Eu, il retourne en Angleterre où il se met au service de Henri Beaufort. (Wikipédia)

**   armes de la famille Le Roy de Brée, du Manoir, en Bessin (Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France de Nicolas Viton de Saint-Allais (1773-1842); Armes de la famille bretonne Grignon, ou à celle d'Yver. Armes de la famille bretonne de Rosmorduc en Logonna-Daoulas. Aucun cardinal ne porte ces noms.

 

                    STYLISTIQUE.

Les sources d'intérêt stylistique ne manquent pas dans cette baie : 

  • rehaussement des pupilles au jaune d'argent pour la majorité des personnages sacrés mais aussi historiques,
  • fonds damassés variés,
  • multiple exemples de la technique d'incrustation de pièces rondes à l'intérieur d'une piece de verre ("en chef d'œuvre") : apôtres Paul, André,  Philippe, Jude et Mathias ; Fond de la Vierge et du Christ dans la rose.
  • utilisation de caractères coufiques ou pseudo-coufiques, encore mal expliqués.
  • identification de l'auteur d'une partie des cartons, le Maître de Barthélémy au style très affirmé.

 

 1. Les pupilles rehaussées de jaune d'argent, propre à l'ouest de la France en 1370-1430.

 je les ai déjà observé :

Cette particularité, qui confère aux personnages un caractère sacré de haute spiritualité, est propre à l'Ouest de la France dans la période 1370-1430. On le constate aussi à Dol-de-Bretagne (ca 1420) ou à la cathédrale de Quimper (ca 1415).

Roger Barrié, qui trouve déjà que le grand nombre de verres blancs des phylactères, des robes des anges et des architectures entraînait une impression "d'atonie", la grisaille des dessins étant trop grêle  "de sorte que leur fort rayonnement n'est réglé par aucun écran", juge que le rayonnement du jaune d'argent qui colore les pièces d'architecture est aussi envahissant que celui du blanc qui leur sert de

base colorée" et que "le scintillement [des couronnes d'or des fonds] recherché pour plus de somptuosité pulvérise cependant à distance les masses de couleur."


2. Les damas. Un seul atelier local exploitant un stock de cartons anciens ou récents.

J'ai détaillé les motifs des différents fonds damassés, trouvant plaisir à reconnaître les oiseaux affrontés propres aux lampas de Lucques et à les voir alterner avec des motifs à rinceaux, plus anciens et d'autres à larges fleurs. Ils témoignent des goûts vestimentaires et d'ameublement (courtines tendues dans les églises les jours de fête) pour les tissus brodés, les damas, brocarts et lampas que le développement de l'industrie textile à la fin de la guerre de Cent Ans rendait accessible. Les soieries de Lucques en Italie, d'inspiration orientale furent fabriquées dès le XIIIe siècle et si elles sont aussi imitées dans les vitraux d'Arnault de Moles à Auch (1507-1513), ces fonds se retrouvent dans les vitraux dès 1400 et pendant le premier quart du XVe siècle en Normandie à Sées, Saint-Lô, Rouen (Saint-Maclou) ou à Evreux (Cathédrale, ou église Saint-Thaurin). Ils associent des feuillages stylisées et des fleurs à des perroquets, des cygnes ou des personnages fabuleux affrontés (M. Callias Bay 2006). Plus tard, dans la seconde moitié du XVe siècle apparaissent des motifs plus grands et plus simplifiés. Ces motifs sont répétés au moyen de pochoirs rigides ou de planches dessinées ou calquées sur les tissus. Ils peuvent être peints avec les pochoirs, ou au contraire enlevés 

J'ai lu dès lors avec intérêt le commentaire qu'en fait Françoise Gatouillat (2003) :

"L'emploi d'une variété de damas plus ou moins archaïques, associé à la manière de teinter de jaune d'argent les pupilles, est l'indice que la commande de la rose a été reçue par le même atelier, que l'on peut présumer local, surtout si les verrières des deux étages ont été exécutées à un certain nombre d'années d'intervalle. Les caractères stylistiques hétérogènes de la rose prise dans son ensemble - sans les portraits rapportés - pourraient avoir pour origine les phénomènes d'association ou de sous-traitance fréquents dans le cas de chantiers importants ; ils reflètent plus certainement des pratiques usuelles, éclairées par les récentes recherches sur la genèse des œuvres de ce domaine. Comme on le sait aujourd'hui, même dans le cadre d'une commande de prestige, les peintres-verriers n'étaient pas tenus d'avoir systématiquement recours à des cartons neufs ; ils restaient libres d'exploiter, autant que faire se pouvait, les documents déjà archivés dans leur atelier, étant entendu que ceux des sujets dont les modèles ne pouvaient se trouver en stock, en particulier l' image des commanditaires, étaient dessinés pour la circonstance. Ainsi, dans la galerie de la rose, les disparités nettes entre les figures d'apôtres d'une part, et celles des donateurs princiers d'autre part, s'expliquent certainement par la nature des modèles utilisés par le ou les peintres sur verre. Les patrons des premières devaient préexister , tandis que ceux qui ont guidé l'exécution des secondes ont été produits tout spécialement. Le responsable de la réalisation a ainsi procédé à une combinaison de cartons, utilisant, selon les sujets, le travail d'un peintre contemporain ou adaptant des dessins plus anciens ayant servi pour d'autres chantiers. Il semble qu'il a agi de même avec les pochoirs à l'aide desquels ont été obtenus les damas des tentures, certainement tributaires de documents d'âges divers réunis dans son fonds d'atelier ou dans ceux de ses éventuels associés : ainsi sont juxtaposés des rinceaux de feuillage gras en usage au milieu du XIVe siècle, des « étoffes » d'inspiration lucquoise à menus motifs d'oiseaux, déjà présents bien avant 1400 à Evreux et un peu plus tard à Bourges, et d'autres à larges ramages végétaux, suivant une mode qui naît vers 1430."

 

 3. Les couleurs.

"Les verres teints dans la masse ne manquent pas de qualité : le rouge est puissant, le bleu plein de spiritualité, le vert foncé profond, le vert jaunâtre et le mauve délicats ; cette dernière couleur, obtenue par des procédés chimiques à partir du cobalt, est d'une instabilité relative entre le violet et le rose. Elle est réservée ici à des zones limités, tels la robe du Christ-juge ou les bonnets des Patriarches, comme une élégance de la gamme colorée." (R. Barrié 1981)

4. La technique picturale.

"Peu appuyée comme nous l'avons dit, elle relève d'une facture précieuse qui évite la mièvrerie : le dessin des visages, net et élégant, est extrêmement soigné pour le profil du nez, pour le pli de la bouche petite et surtout pour l'œil allongé en amande ; les modelés légers et les enlevés à la brosse concourent à donner cette suavité et cette noblesse inventées par les ateliers royaux à partir de 1380 ; les étoffes coulent avec une aisance qui ne rappelle en rien le métier de sculpteur. Enfin le jaune d'argent, seule véritable teinture dont dispose le peintre-verrier et découvert au début du XIVe siècle, accentue l'ondoiement des chevelures et des barbes dessinées en traits fins ; il colore même la prunelle des yeux de manière à donner l'acuité du regard vivant à ces calmes figures. La discrétion du modelé, la spiritualité des couleurs, les fonds damassés font référence au style manifesté à Évreux et surtout à Bourges avec les figures des apôtres de la chapelle de Jean de Berry vers 1405".

 " Par contre, les donateurs sont d'une échelle légèrement plus grande et ressortissent d'un style différent. Bien des éléments picturaux, comme les prunelles en jaune, le tracé des fleurons, les fonds, la gamme colorée, et même les caractères techniques, telle l'habileté de la mise en plomb, sont communs ; cependant le trait de peinture noire plus énergique, le dessin plus aigu et le modelé plus sommaire confèrent à ces figures une expressivité remarquable qui est accentuée par la liberté d'utilisation du jaune d'argent qui colore, en touches non délimitées par le trait, le bout d'un nez, les sourcils ou un menton. Cette expressivité qui va jusqu'à la laideur rompt avec la manière suave des ateliers royaux ; mais la ressemblance des princes et des reines entre eux appartient plutôt à un style uniforme qui affirme des caractères marqués sans recherche de la vraisemblance réelle, sans individualisation propre au portrait. Tout autant que le style noble, le style expressif est une convention, ici réaliste, sans souci avec le rapport à la réalité qui inspirera l'art de la seconde moitié du XVe siècle.[...] Aussi pensons-nous que la vitrerie est contemporaine de l'achèvement du gros œuvre avant 1430 et fut exécuté dans un atelier local s'inspirant du style des ateliers royaux. Pour la datation de la galerie des donateurs deux hypothèses peuvent être avancées [: soit immédiatement après la rose en 1430 par le même atelier; soit après la mort de Yolande d'Aragon et après la reddition anglaise en 1448] "(Roger Barrié p. 144-145)

5. Le style des figures d'apôtres.

La série des treize apôtres n'est pas homogène par son style et par les proportions des personnages. Louis Grodecki 1961 a évoqué pour une partie des apôtres, ceux dont le canon est le plus élancé, le style de l'art du début du XVe siècle, comme il s'exprime notamment dans les vitraux du Credo de la Sainte-Chapelle de Bourges. J-B de Vaivre écrit que "deux mains au moins se distinguent ...l'une a donné des personnages aux figures fines (Saint Pierre, les deux saints évêques, saint Louis)l'autre a produit des têtes de dimension importantes et aux traits plus frustres (saint Paul, saint Matthieu, saint Thomas)".

4. Les cartons du Maître de Barthélémy l'Anglais:

Je commencerai en présentant ce "Maître" actif vers 1430/1450 dont j'ignorai l'existence en empruntant sa biographie au site arts-graphiques.louvre.fr:


   "Enlumineur anonyme redécouvert à la fin du siècle dernier. Son œuvre d'enlumineur a été ressuscité par Eberhard König en 1976 (Eberhard König, « Un grand miniaturiste inconnu du XVe siècle français : le peintre de l'Octobre des Très Riches Heures du duc de Berry », Les Dossiers de l'archéologie, 16, 1976, p. 96-123.), mais sous l'attribution erronée du « peintre du mois d'octobre » du calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry. En 1982 John Plummer (dans cat. exp. Last Flowering. French Painting in Manuscripts (1420-1530) from American Collections, New York, 1982, p. 25) l'a rebaptisé du nom de son manuscrit le plus spectaculaire, un 'Livre des propriétés des choses' de Barthélemy l'Anglais (Paris, BnF, Fr. 135-136).*"

* De proprietatibus rerum, traduit par Jean Corbichon

  "Actif dans l'ouest de la France : à Angers selon König, au Mans selon Plummer. Nicole Reynaud a élargi l'activité de l'artiste et l'a située dans l'orbite de la maison d'Anjou, en lui attribuant, entre autre, la fresque du Triomphe de la mort (Palerme, Galleria regionale della Sicilia), qu'il aurait peinte au retour d'un séjour à Naples au moment du court règne de René d'Anjou. Ses hypothèses ont été acceptées par König en 1996 (Eberhard König, 'Das Liebentbrannte Herz : Der Wiener Codex und der Maler Barthélemy d'Eyck', Graz, 1996, p. 83-86 et pl. 16), tout en identifiant le Maître de Barthélemy l'Anglais avec le peintre et brodeur de René d'Anjou, Pierre du Billant, beau-père de Barthélemy d'Eyck, le peintre en titre de René, opinion que je ne saurais partager. [Biographie rédigée à partir de la vie de l'artiste publiée par Nicole Reynaud dans 'Les enluminures du Louvre, moyen âge et Renaissance', catalogue raisonné sous la direction scientifique de François Avril, Nicole Reynaud et Dominique Cordellier, assistés de Laura Angelucci et Roberta Serra, Paris, 2011, p. 163]
Synonymes : Peintre du Livre de la propriété des choses" "Peintre de l'Octobre ." "Maître du Triomphe de la Mort". Voir le manuscrit Bnf 135 et Bnf 136

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Or,  c'est Nicole Reynaud, la meilleure spécialiste de cet artiste, qui l'a identifié comme l'auteur des cartons des nobles donateurs de la baie 217. Outre le manuscrit du Livre de la propriété des choses,(ca 1445) on lui attribue les cartons de la tenture dite des Chasses du Devonshire et la fresque du Triomphe de la Mort, réalisée peu après 1441 pour le Sénat de Palerme. Une fois de plus, je citerai Françoise Gatouillat (2003) :

   "La présence de ce peintre en Italie,probablement liée à celle de René d'Anjou à Naples à partir de 1438 ou peut-être à celle de sa femme deux ans plus tôt, contribue à fixer un terminus ante quem pour la production des cartons des vitraux du Mans. Le traitement du portrait de Charles VII, au nez fort et à la bouche charnue, se révèle, au filtre du style si étrange et véhément de ce peintre, sans contradiction avec les images célèbres qu'a laissées du roi, à un âge plus avancé, Jean Fouquet, dans le tableau du Musée du Louvre et dans l'Adoration des mages des Heures d'Etienne Chevalier. Parmi les autres portraits de la même baie, seule la représentation de la duchesse Yolande permet de saisir un autre aspect de son style, qui correspond de manière convaincante avec celui des figures féminines de la tenture de Londres . Mais l'on reconnaît encore la manière très plastique, anguleuse et lisse à la fois, du même peintre dans nombre des ajours de la rose ou dans la figure de saint Louis au registre médian de sa galerie. Les modèles des panneaux transférés depuis les fenêtres latérales ont en revanche pu être demandés à d'autres peintres. L'effigie du duc de Bourbon, importée depuis la baie 215, peut sans conteste être attribuée au peintre verrier des portraits ducaux et royaux d'après les techniques de peinture et l'emploi d'un motif de fond récurrent dans la rose ; l'auteur du carton, même si les traits du visage paraissent plus suaves que ceux du roi, paraît bien être l'artiste de cour désigné ci-dessus : Jeanne de Laval dut faire le choix de mobiliser les compétences de l'équipe qui travaillait à la fenêtre principale, ce qui renvoie encore à la complémentarité des deux programmes. À l'inverse, les portraits des deux prélats provenant de la baie 221, de proportions plus menues, paraissent de conception radicalement différente, la tension des visages aux yeux étirés et aux nez pointus renvoyant davantage aux figures rudes et conventionnelles de la « verrière historique » du chœur de la cathédrale d'Evreux qu'à l'art puissant du Maître de Barthélémy l'Anglais. Le cartonnier n'en fut sans doute pas ce dernier, bien qu'ils n'aient pas été exclus du corpus de ses œuvres par Mlle Reynaud ; cependant, d'après les pochoirs utilisés pour les fonds, il ne semble pas que leur interprète fut distinct de l'exécutant de la commande royale. Force est de constater que la durée de l'activité de l'atelier de peinture sur verre manceau est difficile à cerner et que l'identification de l'un de ses pourvoyeurs de modèles, pour l'instant mal connu, n'apporte que de minces précisions chronologiques. On se prend enfin à regretter la disparition de tout élément de la verrière anglaise, qui empêche de vérifier si ses donateurs avaient pressenti les mêmes artistes que les commanditaires français ou s'ils avaient pu importer leurs vitraux d'outre-Manche, comme il a été envisagé pour la verrière de Foulques Eyton à Caudebec."

 

Vitraux représentant le Credo des apôtres (recensement en Alsace-Lorraine et en Haute-Normandie) in Pensée, communications 1993.

  •  Strasbourg, église protestante Saint-Guillaume ; 3ème quart XVe s.
  • Strasbourg, cathédrale, chapelle Sainte-Catherine, vers 1330.
  • Walbourg, (Bas-Rhin) église, baie 4, 4e quart XVe s. 4 apôtres
  • Metz, (Moselle) cathédrale Saint-Etienne, baie 15, début XVIe s.
  • Metz, cathédrale, baie 36, 3e quart XIVe (Hermann de Munster)
  • Zetting, (Moselle) église Saint-Marcel, vitrail du choeur baie 3, 2e quart XVe s. 
  • Les Andelys (Eure) église Notre-Dame, vers 1535
  • Beaumont-le-Roger (Eure) église Saint-Nicolas, dernier quart XVe.
  • Evreux (Eure) Cathédrale Notre-Dame. Fenêtre 110, 1er quart XVIe
  • Verneuil-sur-Avre (Eure) église de la Madeleine dernier tiers du XVe s.
  • Caudebec-en-Caux (Seine-Maritime) église Notre-Dame XVe s.
  • La Mailleraye-sur-Seine (Seine-Maritime) chapelle du château. provenant de Saint-Pierre de Jumièges XIVe s.  
  • Jumièges (Seine-Maritime) église Saint-Valentin XVe s. Il reste 3 apôtres.
  • Rouen (Seine-Maritime) Cathédrale Notre-Dame : Saint Pierre, XVe ; et fin XVe s.

 

      RESTAURATIONS

En 1562 la vitre fut la cible des Huguenots et dût être restaurée,

 Une restauration a été réalisée par H. Carot de Paris en 1909-1901 (inscription).

Le vitrail a été déposé en 1997 et exposé à l'abbaye de l'Épau.


 

Conclusions.

J'ai été trop long, pour un sujet plus laborieux que fructueux qui dépasse mes compétences et dont  je n'ai pu que présenter le matériel (images) et dégager les problèmes, ou reprendre sans talent un travail déjà effectué. Une étude épigraphique des phylactères des apôtres, des patriarches et des anges, des monogrammes du tympan ou des livres tenus par les donateurs reste à compléter. La place du thème iconographique du Credo apostolique dans les vitraux et l'influence de la cour du duc de Berry et de la Sainte-Chapelle de Bourges reste aussi à explorer, tout comme la valeur possible de ce thème comme affirmation du gallicanisme qui se met en place au XVe siècle. Bien d'autres aspects attendent patiemment, dans ces verrières du transept nord du Mans, les esprits curieux mais plus avertis que le mien.

  Pire encore, je termine cet article interminable  en découvrant la parenté thématique, chronologique et peut-être stylistique avec la Chapelle Vendôme de la Cathédrale de Chartres (1417-1420) : un nouveau chapitre m'attend.

 


      Rappel : Partie II :   La Rose du transept nord de la cathédrale du Mans.

 

Sources et liens : 


 

Je place en tête de cette liste l'article principal, que j'ai cité sans modération :

— GATOUILLAT (Françoise) "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans " in Bulletin Monumental    2003 Volume   161 pp. 307-324 J'en donnerai le résumé : 

  "Seule la rose nord de la cathédrale du Mans a conservé des vitraux figurés ; les trois fenêtres qui l'entourent comprenaient également à l'origine un rang de portraits accompagnés d'armoiries, décrites dans un manuscrit de 1798 qui relate un état plus ancien. Le texte permet d'identifier la plupart des personnages représentés et de restituer le programme de l'ensemble. Autour de la rose offerte par le roi de- France Charles VII - dont le portrait existe encore - et sa belle-famille d'Anjou, les autres verrières étaient des dons de Jeanne de Laval, veuve de du Guesclin, du clergé local, et d'Anglais parmi lesquels Edmond Beaufort, régent de France après 1435. L'étude de cette surprenante série conduit à nuancer la perception que l'on avait des relations entre les deux camps dans la phase finale de la guerre de Cent ans. Non seulement le chantier fut mené à terme dans la ville occupée de 1425 à 1448, mais des œuvres d'art chargées d'un message de propagande politique en faveur des Valois n'en furent pas bannies."

 

— BARRIÉ (Roger) 1981 "Les vitraux" in MUSSAT (A), La cathédrale du Mans, Paris p. 139-146.

 — BERGEOT (Karine ) 2009 "Les conflits internationaux dans le vitrail en Sarthe". La foi dans le siècle, Mélange offert à Brigitte Waché. Collectif, Presses Universitaires de Rennes cf. En ligne 3 décembre 2009

BOUTTIER (Michel), 2000,  La cathédrale du Mans, Ed. de la reinette, 151 p.

— CHARLES (Abbé Robert) 1880 Guide illustré du touriste au Mans page 39 https://archive.org/details/GuideIllustrDuTouristeAuMans

— Monographie de la Cathédrale du Mans en ligne http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005402304.pdf 

— ESNAULT (Abbé Gustave ) "Le Transept septentrional de la cathédrale du Mans, architectes et bienfaiteurs (1393-1430)", Bulletin monumental, 1879, p. 63-79, Gallica

FLAMAND Jean-Marie 2010 Les écoles de grec à Paris au XVe siècle Conférence donnée par Jean-Marie Flamand dans le cadre du séminaire d’histoire des bibliothèques anciennes : "Livres pouvoirs et réseaux savants à l’origine de l’Europe moderne (14e -17e siècles)", animé par Donatella Nebbiai, Paris, IRHT (26 mars 2010) http://www.europahumanistica.org/?Les-ecoles-de-grec-a-Paris-au-XVe-siecle  [ concerne Guillaume Fillastre]

—FLEURY (Gabriel) La Cathédrale du Mans page 75-76.

— FÖRSTEL Christian, Guillaume Fillastre et Manuel Chrysoloras: le premier humanisme français face au grec. [paru dans : Humanisme et culture]  http://hal.inria.fr/docs/00/90/74/28/PDF/Guillaume_Fillastre_et_Manuel_Chrysoloras_2002.pdf

— GATOUILLAT (Françoise) "Les verrières de la cathédrale du Mans" in 303. Arts, Recherches et Créations, 3e trimestre 2001, n. 70 pp 168-175.

 — GATOUILLAT (Françoise) 2005 "L'épiphanie de la gloire des Valois : le vitrail au service de la propagande royale" [Charles VI à Évreux et Charles VII au Mans] in Glasmalerei im Kontext. Akten des XXII. internationalen Colloquiums des Corpus Vitrearum - Nürnberg : Germany (non consulté)

HASENOHR (Geneviève)1993, "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge, premières approches" in Pensées, images et communications en Europe médièvale, Asprodic  1993p.178).

HUCHER (Eugène) 1848 « Études artistiques et archéologiques sur le vitrail de la rose de la cathédrale du Mans » Bulletin monumental p. 345-372 Gallica 

— LEDRU  (Abbé Ambroise) "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)",  Union historique et littéraire du Maine 1ère série  t.2 n°5 mai 1874 page 82-91.

 — LEDRU  (Abbé Ambroise)  1879 "Le transsept septentrional de la cathédrale du Mans",  Bulletin monumental  T.7 vol. 45  pp. 63-79 en ligne sur Gallica

 — LEDRU  (Abbé Ambroise) Chavanon (Jules) "La Cathédrale Saint-Julien du Mans, ses évêques, son architecture, son mobilier", Bibliothèque de l'école des chartes  1900 Volume 61 pp. 536-545 (non consulté)

 — MÂLE (Emile) Le Credo des apôtres in L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France page 246.

 — MERLETTE (Abbé Pierre) « Guillaume Fillastre, ami de Pierre d'Ailly et l'humaniste au concile de Constance » http://www.histoire-compiegne.com/imageProvider.asp?private_resource=11094&fn=33-17.pdf

 — RENOUARD (P), 1811 Essai historique sur la ci-devant Province du Maine, Le Mans, 1811, Tome 1 . 

TAPIA Nahmias (Rachel) "Le transept de la cathédrale du Mans : histoire et architecture", Mémoire de Master 2010 ?, thèse en cours à Paris 4 sous la direction de Dany Sandron: "Étudiante en archéologie médiévale à Paris IV Sorbonne, Rachel Tapia a réalisé son mémoire de Master 2 sur le transept Nord de la cathédrale Saint-Julien au Mans. À l’évidence, une étude exhaustive de l’intégralité de ce transept permettrait de déterminer les différentes étapes de sa construction, d’en analyser les influences et également de reconsidérer au profit du chapitre la maîtrise d’ouvrage jusqu’alors considérée comme « l’œuvre du roi ». Rachel Tapia propose de réaliser des études physico-chimiques pour enrichir ses recherches. Sa thèse de doctorat Histoire de l’art et Archéologie devrait permettre de sortir de l’ombre ce monument incontournable de l’architecture médiévale de la région du Maine."

 — THOMASSY Raymond. 1842  "Guillaume Fillastre considéré comme géographe à propos d'un manuscrit de la Géographie de Ptolémée", Bibliothèque de l'école des chartes Volume 3  pp. 515-516

VAIVRE (Jean-Bernard de),  1993 "Datation des vitraux du bras nord du transept de la cathédrale Saint-Julien du Mans" Bulletin Monumental Volume 151 pp. 497-523 Persée

— Photographies :  http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm5601/eg_StJulien_217.php

 

 RAYNAUD Clémence « Ad instar capelle regie parisiensis » : la Sainte-Chapelle de Bourges, le grand dessein du duc de Berry Bulletin Monumental 2004   Volume 162  pp. 289-302      Persée

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Published by jean-yves cordier
15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 11:10

Le vitrail de la Baie 9 de l'Arbre de Jessé de la cathédrale Saint-Julien du Mans (XIIIe siècle).

 

Voir, sur la cathédrale, dans ce blog :

 

 

Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacré aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

 

 

Introduction.

    La cathédrale du Mans offre au visiteurs deux vitraux de l'Arbre de Jessé : la lancette de droite de la baie 9 dans la chapelle de la Vierge, datée de 1230-1240, et la baie 110. Cet article traite de la baie 9. C'est un travail d'amateur.

 

Sur les 11 baies de deux lancettes de la chapelle de la Vierge de la Cathédrale Saint-Julien du Mans, seules 5 lancettes ont gardé leurs verres anciens, et celle de l'Arbre de Jessé est la seule à avoir conservé sa place d'origine. La baie porte le numéro 9, et la lancette est celle de droite. Celle de gauche consacrée à Adam et Ève est du XIXe siècle. La baie mesure 5,50 x 2,70 m.

Les points forts :

  • La mise en parallèle avec les Arbres de Jessé de Saint-Denis et Chartres.
  • L'inscription au dessus de Jessé que j'attribue à Hildebert de Lavardin.
  • Le choix des prophètes.
  • La stylistique.

La lancette datée ca 1235 est composée de 21 panneaux organisés en six registres principaux : elle présente la généalogie menant de Jessé à La Vierge et à Jésus par l'intermédiaire de trois rois de Juda entourés de prophètes. Pour les photographier en amateur, j'ai été  gêné par l'éclairage intérieur de la chapelle.

               arbre-de-jesse 1664c

 

 

            arbre-de-jesse 1668c     

 

 

 

                   arbre-de-jesse 1670c

 

0. Panneaux 1, 2, 3

(numérotation selon Godlevskaya) : frise d'acanthe avec l'inscription EGREDIETUR VIRGO DE RADICE JESSE ET ... : inscription incomplètement visible pour le spectateur et qui cite Isaïe 11:1. Ces trois panneaux semble modernes.

I. REGISTRE INFÉRIEUR : JESSÉ ET GUILLAUME DE MARCÉ.

Panneaux 4, 5, 6 selon Godlevskaya.

1. Panneau 4 : Le donateur Guillaume de Marcé.

  a) Inscription

Je lis GVILLI...dE MARCEI  mais selon le Corpus des inscriptions de la France médiévale CIFM page 208 il faut lire :

GVILLM

DE : MARCEIO soit Guillelmus de Marceio, Guillaume de Marcé

Le CIFM indique que la paléographie de l'inscription est en accord avec la datation ca 1235 du support notamment dans la forme du M et du D, et donne ce commentaire : "Ecriture mélangeant les formes onciales très évoluées (G, D, E, M) et les traits droits des capitales (V, L, I). Module étroit, tracé fin, ductus complexe, écriture régulière sont les principales caractéristiques  de cette inscription. Jeu important sur les pleins et les déliés ; toutes les lettres courbes sont fermés par un trait fin. Abréviation originale pour le prénom Guillelmus : le second L est barré et la finale -us peut être suspendue par une apostrophe. Trois points séparent la préposition du toponyme. Pas de décor particulier." Puis : "on ignore tout de ce personnage en dehors de ce texte."

b) description :

Il est décrit ainsi au début du XXe siècle "Il porte l'amict, la dalmatique violette, et par dessus, une étole verte en sautoir, signe du diaconat".

 Quelques parties restaurées (chaussures ; carrelage).

c) le donateur.

Le chanoine (membre du chapitre de la cathédrale) Guillaume de Marcé nous est connu par un document qui semble prouver qu'il occupait une place privilégiée aux yeux de son évêque, puisque celui-ci, Nicolas, (46e prélat du Mans de 1214 à sa mort en 1216), donna "à l'abbaye de Saint-Vincent six sols de rente pour la pictance du couvent, à la charge de célébrer tous les ans une messe à son intention et à celle de Guillaume de Marcé, chanoine". Selon A.N et E. Didron, il mourut en 1275, ce qui n'est pas vraisemblable.

D'autres renseignements sont fournis par les actes du Capitulaire de l'évêché du Mans ("Nécrologie-Obituaire de la Cathédrale du Mans", Archives historiques du Maine VII par G. Busson et A. Ledru, Le Mans 1906 en ligne) et indique que Guillaume de Marcé était chanoine du chapitre de la cathédrale en 1192 et en juillet 1213 (Nicolas futur évêque étant dans les deux cas le doyen du Chapitre ) qu'il était "procurator" du doyen en 1192 et qu'il décéda vers 1219:

—Capitulaire de l'évêché du Mans n°1000 : 6 avril 1192. lettres dans laquelle l'évêque Hamelin confirme en les reproduisant les dispositions prises par le Chapitre à l'égard des futurs chanoines. Hec sunt nomina canonicorum […] Guillelmus de Marcé, procurator decani*, tunc temporis absentis

*note : le doyen depuis 1180 était Nicolas qui devint évêque du Mans le 27 mai 1214 et mourut le 28 février 1215.

—Capitulaire de l'évêché du Mans N° 1030 : Juillet 1213 : Lettres qui constatent l'achat fait par le chapitre d'une maison de la Grand-Rue...contenant une liste des membres du chapitre dont Wilhelmus de Marcé.

— Page 253 : Chanoines dont le décès est mentionné : vers 1219 Guillelmus de Marcé.

Ces dates sont cohérentes avec celles estimées pour le vitrail, puisque le chanoine peut parfaitement avoir fait donation au Chapitre pour ce vitrail lorsque la construction de la chapelle était envisagée, peu avant son décès.

 

Guillaume de Marcé ne fut pas, vers 1235, le seul chanoine donateur de verrières : 

a) verrière 101 (1250-1260) et verrière 105 (avant 1258):  le donateur est un membre de la famille Chamaillart ou d'Anthenaise ou Vincent de Pirmil, chanoine du Mans devenu plus tard archevêque de Tours (1257-1270) ou Hamelin d’Anthenaise,

 b) La verrière centrale (baie 200) : Geoffroy de Loudun, évêque jusqu’à sa mort en août 1255 ; elle commémore la cérémonie du 24 avril 1254. 

 c)  la baie 204 (250-1275) : Gauthier de Poillé, mort en 1276, mentionné dans le martyrologe du Mans.

 

d) baie 111, ca 1255 : Guillelmus Rolandi ou Guillaume Roland, chanoine de la cathédrale entre 1256 et 1260. 

Baie 108 (milieu XIIIe) : mention de Philippus Romanus (Philippe Romain) et de Maître Robert Pelé (?) considéré comme des chanoines du Mans

2. Panneau 5 et 6 : Jessé songeur .

 

arbre-de-jesse 1670cc

      Basilique de Saint-Denis. 1144.               Cathédrale de Chartres 1150

saint-denis 9558cc  arbre-de-Jesse 6784c

 

On peut jouer au jeu des sept différences entre les Arbres de Jessé de Saint-Denis (1144), de Chartres (1150) et du Mans (1235) mais les ressemblances sont évidentes : même fond bleu ; même posture allongée pieds nus sur un lit, la tête à demi redressée par un coussin appuyé sur un dossier et le corps tourné vers la droite ; même yeux clos et même main soutenant le menton dans une pose qui dément le sommeil et affirme la réflexion songeuse ; même visage barbu de patriarche et même bonnet hébraïque ; même tronc de l'arbre naissant de l'entre-cuisse pour bourgeonner rapidement ; même lampe indiquant la pensée vigilante ;  même couverture ou manteau rouge sur les replis godronnés du drap ; mêmes éléments architecturaux rendant présente la ville de Bethléem, dont Jessé est un riche propriétaire de troupeaux ; et même jeu d'arcades délimitant le lieu du rêve prophétique.

L'inscription indique C. : CARN / ALITER ESS(E)

                           SIE : dEVS : EX : IESSE : CE(P)..

Il s'agit d'un fragment, peut-être monté sens dessous-dessus, de Sic deus ex Jessé coepit carnaliter esse citée par Bernard de Montfaucon qui signale en 1724 (Supplément... p. 51) se souvenir de l'avoir lue sur le vitrail de Jessé à Saint-Denis. A-t-il confondu avec l'Arbre du Mans ? Etait-elle aussi inscrite jadis à Saint-Denis ? C'est discutable en raison de son origine que je vais détailler. Disons auparavant que Eugène Hucher, qui a donné le calque des vitraux du Mans (1864) en a relevé le texte qu'il transcrit aussi Sic : deus : ex : Jessé : cepit : carnaliter : esse.  

Cette inscription est précieuse puisque l'interrogation du moteur de recherche n'en donne qu'une origine : Hildebert de Lavardin, évêque du Mans entre 1097 et 1125 avant d'être archevêque de Tours de 1125 à sa mort en 1133, brillant intellectuel et poète. On trouve ces vers publiés par Migne en 1854 dans sa Patrologie sous le titre Venerabilis Hildeberti Inscriptionum christianarum libellus E ms codice 117 mod. Et 164 vet. Turon. Biblioth. XII saecul. Primum editus J.J Bourassé canonico Turon. en ligne

1232 VII Virga Jessé.

Virga parit florem, licet arida, flosque saporem

Sic Deus ex jesse coepit carnaliter esse.

Trad. ? La vierge a donné une fleur, bien que sèche, fleur et saveur

ainsi Dieu a pris son origine de la chair de Jessé ??

 

  Cette constatation est intéressante puisque l'on sait  que Hildebert avait à son service pour la reconstruction de la cathédrale non seulement le moine Jean, maître-maçon prêté par Jean de Vendôme, mais aussi un vitrier (maître-verrier), le vitrarius Guillaume ; qu'il a fait réaliser des vitraux pour son palais épiscopal et peut-être pour la cathédrale (Godlevskaya) ; et que certains spécialistes ont des arguments pour penser que les vitraux les plus anciens du Mans (la fameuse Ascension) datent peut-être de son épiscopat ; et que la présence de cette citation de son œuvre sur ce vitrail contribue donc à souligner sa place en matière de verrière, ou son importance aux yeux des chanoines du chapitre manceau. 

 Plutôt que comme bâtisseur, Hildebert  est surtout réputé comme  un auteur réputé de sermons, traités de théologie, poèmes, et d’une abondante correspondance d’un très haut niveau poétique avec ses amis ecclésiastiques (Baudri de Bourgueil, Marbode de Rennes…), un véritable humaniste, amoureux des beautés du monde terrestre et de l'Antiquité, ce qui est exceptionnel avant 1100. 

Commentaire du Corpus des inscriptions (Debais, 2010) :

Au regard de l'original, on doit admettre la possibilité de nombreuses restaurations, voire de défections complètes d'inscription. Cependant, en l'absence de critique d'authenticité, on ne peut que le supposer.[...] Le E mis pur le C dans sic est peut-être lui aussi dû à une mauvaise restauration. L'hexamètre léonin riche inscrit au dessus de Jessé et qui commente l'ensemble de la verrière semble original dans sa formulation, même si son contenu, inspiré sans-doute d' Isaïe XI,1 est très répandu dans l'exégèse médiévale commentant l'incarnation du Christ. On retrouve en revange le mot carnaliter dans d'autres vers médiévaux. On ignore si la disposition du texte est originale ou due au remontage de la baie. Si elle est originale, elle pourrait correspondre à une lecture ascendante de la baie, très difficile à attester dans les traces actuellement visibles en épigraphie. 

 

 

II. DEUXIÈME REGISTRE : Roi 1, Osée et ?

Panneaux 7, 8, 9 selon M. Godlevskaya.

Un premier roi de Juda (David si l'ordre généalogique est suivi) portant sceptre et couronne prend place dans une mandorle formé par l'écartement des tiges de l'arbre, tandis que ses pieds sont posés sur l'aisselle de la tige et que sa main droite saisit un rameau blanc. Manteau jaune, robe verte ; pieds chaussés (à la différence de Jessé). La cuisse gauche jaune vif a été refaite, en remplacement d'un bouche-trou de restauration.

Il est encadré de deux prophètes :

— Panneau 7 : Osée à sa droite. (Inscription  +OSEE : PRO ).  

 —Panneau 9 :  à sa gauche (+ A/ BDIA.S+ ). 

Les prophètes sont nimbés, tête nue, et vêtus d'une robe et d'un manteau.

 

arbre-de-jesse 1670ccv

 

 

  Saint-Denis (1144)                                                          Le Mans (1150)

saint-denis 9550c       arbre-de-Jesse 6687c

 

Là encore, la disposition est la même qu'à Saint-Denis et qu'à Chartres, mais au Mans, les rois tiennent un sceptre dans la main gauche. A Chartres, les prophètes sont Ezéchiel à droite et Osée à gauche.

 

III. TROISIÈME REGISTRE : Roi 2, Amos et Nahum.

Panneaux 10, 11, 12 selon Godlevskaya.

Deuxième roi de Juda (peut-être Salomon, fils de David), de même posture et même costume que "David" (le même carton a été repris). Il est entouré de deux prophètes:

+AMOS : +   à sa droite.

— +NAHUM (ou Naum) à sa gauche. Restauration probable de l'inscription.

arbre-de-jesse 1670ccvv

 

Saint-Denis                                                            Chartres

 

saint-denis 9551c arbre-de-Jesse 6687cc

 

 

IV. QUATRIÈME REGISTRE. LA VIERGE ET ISAÏE.

Panneaux [13], 14, 15  selon Godlevskaya.

La Vierge ne se distingue des rois que par un visage féminin encadré d'un voile. Isaïe est à sa gauche et présente un phylactère où il est inscrit ISAIAS+ (sans-doute rétabli par une restauration récente). Le prophète doit cette place à ses prophéties :

Isaïe7 : 14 propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen eius Emmanuhel ou bien Isaïe 11:1 et egredietur virga de radice Iesse et flos de radice eius ascendet  : ce sont les versets qui annoncent la venue d'une vierge (virgo) descendant de Jessé (de radice Iesse)  qui concevra un fils (filium ; flos).

arbre-de-jesse 1669cv

 

 

arbre-de-jesse 1669c

 

Un panneau a été déposé et remplacé par un écran noir. Ce panneau manquant n°13 est sans-doute celui dont le site lrmh.culture.fr nous propose une photographie : mais l'inscription ne s'est pas laissée déchiffrée, d'autant qu'elle est à l'envers. ABOM  BO..AS ?? Guilhermy a omis de la relever lors de sa visite de 1866. Selon le CIFM, il faut lire, écrit à l'envers de haut en bas ARON :PROPHETAS. Aaron n'est pas un prophète, mais le premier Grand prêtre d'Israël et frère de Moïse. Il peut (épître aux hébreux) être considéré comme une figure du Christ par les sacrifices auxquels il procédait.

 

Photo panneau 13 ©LRMH J.P. Bozellec 1998 placé à coté de panneau 7 © lavieb-aile: 

 

DIA00098936.png  arbre-de-jesse 1670ccvvx

 

 

Saint-Denis (1144) : la Vierge entre deux prophètes.

saint-denis 9553c

 

Chartres (1150) : la vierge entre Zacharie et Daniel.                                        

arbre-de-Jesse 6689c

 

A propos du panneau manquant 13 .

M. Godlevskaya écrivait l'année dernière : 

  "J’ai appris au LRMH que le panneau absent, celui de la baie 9 (panneau 13 dans ma numérotation), représentant un prophète (que l’on peut voir entre autres sur le photomontage de la verrière) sortit du LRMH le 9 décembre 1998 et fut transporté par Didier Alliou (des Ateliers Avice-Vitrailfrance) au Musée de Tessé au Mans pour l’exposition « Le vitrail et le XIXe siècle : les ateliers manceaux ». Le retour était prévu, mais s’agissait-il du retour au LRMH ou à la cathédrale ? Ce n’est pas clair. Le fait est que maintenant le panneau ne se trouve ni dans un endroit ni dans l’autre. On ignore au LRMH où il se trouve, et la demande de renseignement que j’ai envoyé à la DRAC des Pays de la Loire à Nantes n’a pas donné de suite." !!!

 

V. REGISTRE SUPÉRIEUR : CHRIST ET SEPT COLOMBES DE L'ESPRIT; DEUX PROPHÈTES.

      Panneaux 16 à 21 selon M. Godlevskaya.

Le Christ assis sur l'élément sommital de l'arbre, pieds nus, bénit de la main droite et tient un livre de la main gauche.

Il a à sa droite le prophète Abias ou Zacharie ? (je lis LARIAS — Guilhermy a lu ABIAS— et le CIFM ZARIAS : interprété comme Zacharias) et à sa gauche le prophète Malachie (MALACHIAS).

Au dessus de la tête du Christ, les rameaux se divisent trois  fois en un fleuron triple, et sept colombes convergent vers ces bourgeons floraux. Chacune est inscrit dans une mandorle, de  couleur alternativement jaune  et verte. Chacune est nimbée, mais la colombe supérieure jouit d'un nimbe crucifère.

 

arbre-de-jesse 1668cv

 

Saint-Denis (1144)                                                                  Chartres (1150)

saint-denis 9554c  arbre-de-Jesse 6690cc

 

                     DESCRIPTIONS ANTÉRIEURES.

F. de Guilhermy fait état de la vitrerie de la chapelle de la Vierge  après l'orage de 1858 et avant la grande campagne de sa restauration dans les notes rédigées lors de sa visite à la cathédrale au début des années 1860:[...]

baie. Un diacre agenouillé, ainsi nommé : gvi~ll de marce . Il est vêtu d’une aube brune, à galons d’or ; écharpe verte ; robe de dessous également verte. Jessé couché sur un lit, au-dessus duquel brûle une lampe ; il se retourne pour parler au donateur ou peut-être pour mieux l’écouter. On lit ce commencement d’inscription : sic devs : ex iessa : ge . De Jessé sort un arbre qui porte deux rois sur les branches. Ces quatre premiers personnages n’ont pas de nimbes. Les deux rois sont escortés de deux prophètes. La Vierge nimbée, voilée,couronnée occupe le troisième rang de la généalogie. Au sommet, le Christ bénissant, placé entre Abias et Malachie ; au-dessus de sa tête, sept colombes nimbées, dont quatre bleues et trois blanches. La Vierge a certainement deux prophètes à ses côtés ; j’ai omis d’en prendre note. Le tympan est tout rapiécé (Guilhermy fol.96 v° 97 r°, in M. Godlevskaya 2013).

 

 

                     RESTAURATIONS

Les vitraux de la cathédrale ont subi beaucoup de réparations.

Après un ouragan des 9 et 10 novembre 1810, un orage extraordinaire les a dévastés en 1858.

 "Le 21 juin 1859, le ministre des cultes ouvre un premier crédit et la grande campagne de restauration débuta alors. Elle dura jusque vers 1900 et toucha toutes les verrières. Les travaux furent confiés aux peintres verriers Coffetier et Lusson, avec la collaboration du cartonnier Steinheil, puis plus tard de Champigneulle, le repreneur de l’atelier Coffetier, sous la direction générale de l’architecte Boeswillwald." (Godlevskaya page 234)

Eugène Hucher a publié en 1865 les calques des vitraux de la cathédrale. Leur comparaison avec les verrières actuelles permettent d'observer que des verres avaient été remplacés par des "bouche-trous", qui ont été eux-mêmes remplacés (par un verre moderne). C'est le cas, comme le décrit Maria Godlevskaya (fig. p.20), pour une partie de la robe du roi 1.  

Pour le XXe siècle, je ne dispose que d'informations générales sur les vitraux anciens qui furent démontés en 1939, mis à l'abri, photographiés puis remontés aux emplacements antérieurs de 1947 à 1955 après une révision générale, qui a comporté une partielle remise en plombs par Jean-Jacques Gruber et Max Ingrand. (M. Godlevskaya, 2013)

 

                                                 STYLISTIQUE

1. Rappel des notions générales sur le style au XIIIe siècle.

"Avec l’architecture gothique, les fenêtres s’agrandissent, la tonalité des vitraux peut donc se foncer et la palette du peintre-verrier se diversifier.
Le bleu est plus soutenu, le bleu-rouge domine dans les fonds, tandis que les couleurs se nuancent : vert-olive et vert-émeraude, rouge carmin et rouge vermillon ; le jaune est moins employé.
Les fenêtres basses, à portée de vue, racontent des épisodes (vie du Christ, vies des Saints), tandis que les fenêtres hautes, plus éloignées, présentent de grands personnages (Vierge, apôtres…).
Les premières « grandes roses » apparaissent sur les façades (N. D. de Paris, Chartres…). (Centre International du Vitrail ici)

N.b : au XIIIe siècle, on ignore encore l'usage du jaune d'argent. 

2. Une Ecole de l'Ouest ? Influence des ateliers de Chartres.

 

"On divise d’habitude les vitraux du XIIIe siècle de la cathédrale du Mans en trois «séries», celle des chapelles, celles du déambulatoire supérieur et celle des fenêtres hautes. Cette classification, tout à fait logique, est justifiée par le plan architectural, la chronologie des travaux, ainsi que par les différences du style des vitraux. Il est fort probable que les chapelles rayonnantes reçurent leur vitrage progressivement, puisque le nombre des baies était considérable, s’élevant jusqu'à sept pour certaines, cette supposition est aussi confortée par l’analyse stylistiques des pièces authentiques conservées. [...] En ce qui concerne les panneaux authentiques qui se trouvent actuellement dans les baies 9, 5, 3, 1, 0 et 6 de la chapelle de la Vierge, ceux qui se trouvent dans les baies 9, 5, 3 et 1 seraient tous fait par le même atelier, alors que la baie 0 présente un style différent ; les fragments authentiques présents dans la baie 6 ne comprennent pas de têtes de personnages et ne seront pas analysés ici pour cette raison.

   L. Grodecki considère que les panneaux des baies 9, 5 et 3 sont tous du même style et que leur exécution est « fort belle, à très petite échelle de coupe (notamment dans les mosaïques des fonds), la couleur est soutenue, assez variée, par la proportion importante des jaunes et des verts, le style de la peinture est élégant par l’allongement de certaines silhouettes, par la maigreur des visages, mais harmonieux plutôt qu’expressif. Il semble que ce sont là les caractères du « principal atelier » de la cathédrale vers 1235, différent de l’atelier qui fit le vitrail de saint Eloi [baie 24]. Il se rattache aux sources chartraines, et non pas à l’art parisien qui évolue déjà, à ce moment, vers un « maniérisme » plus accusé» (Grodecki 1961 p.79).

L. Grodecki ne se prononce pas sur le style de la baie 1, car la majeure partie de cette verrière est du XIXe siècle, mais l’étude du panneau authentique démonté de cette verrière et conservé actuellement au LRMH permet de constater que c’est le travail de l’atelier qui a fait les vitraux des baies 9, 3 et 1.

  Quant aux sources chartraines, l’opinion de L. Grodecki est clairement exprimée sur ce sujet : « Même s’il ne semble pas possible d’identifier à Chartres la présence des mêmes peintres-verriers, la filiation est plausible (aux vitraux de Charlemagne et de saint Jacques en particulier [vers 1220]). Vers 1240, cet art reste fort traditionnel, car les centres parisiens ou normands se sont déjà tournés, à ce moment, vers un style plus expéditif». C. Brisac, quant à elle, pense, « qu’il n’est pas étonnant que ce style chartrain, l’un des principaux de la cathédrale beaucerone, ait exercé une influence au Mans. La taille et le renom du chantier qui venait de s’y achever expliquent facilement cette attraction. Des artistes formés à Chartres vinrent vraisemblablement au Mans dès les années 1235 ». Tout en affirmant avec L. Grodecki, que le style des fenêtres en question reprend la tradition chartraine que l’on observe dans la verrière de Charlemagne (baie 7), elle considère que l’ordonnance de ces vitraux « combine, en effet, des traditions du début de ce siècle et des nouveautés apparaissant dans les années 1230-1240, dont certaines seront reprises à la Sainte-Chapelle du Palais à Paris. La composition où alternent des compartiments historiés d’inégale grandeur, s’enlevant sur des mosaïques bicolores à petite échelle et au décor floral encore soigné, l’utilisation de barlotières forgées à la forme des médaillons sont des formules passéistes. Les bordures et les encadrements réduits souvent à des filets lisses, sans peinture, comme la simplification des ornements végétaux des fermaillets ou « broches » réunissant les scènes entres elles, annoncent un changement en vue d’une exécution plus sommaire, que l’agrandissement des baies impose». La variété des manières que l’on observe dans les fenêtres basses de la cathédrale de Chartres, où plusieurs petits ateliers œuvrèrent en même temps, ne permet pas de parler de « sources chartraines » sans préciser les baies, voire les panneaux, précis. Ayant eu la chance heureuse d’étudier les quelques panneaux démontés provenant des fenêtres basses de la cathédrale de Chartres en décembre 2009 au LRMH, en même temps que les panneaux démontés des baies 5 (panneau 8b), 3 (panneau 9) et 1 (panneau 8) qui y étaient conservés, je peux confirmer une forte ressemblance entre ces vitraux du Mans et quelques panneaux de la baie 42 de la cathédrale de Chartres (panneaux 20, 21, verrière consacrée à l’Assomption de la Vierge) dont l’authenticité n’est pas en doute . On y voit la même forme de tête avec un grand front, le même dessin du nez et des sourcils larges et peu arqués, des yeux avec de grandes pupilles rondes tracés par le double contour qui ne se ferme pas à l’extérieur de l’œil. Comme la datation des verrières basses de la nef de la cathédrale de Chartres est discutable, variant entre 1205 et 1227, on peut avoir entre 30 et 8 ans d’écart avec les vitraux de la chapelle de la Vierge du Mans (si l’on admet la datation de 1235 pour Le Mans)." (M. Godleskaya pages 341-347 ; le surlignage est de moi)

Comparaison avec la baie 9 (lancette de gauche sans-doute) Panneau conservé au laboratoire de recherche des Monuments Historiques  de Champs-sur-Marne et photographié en 1998 par J.P. Bozellec. © LRMH Bozellec

(S'agit-il de Tobie guérissant son père de cécité ?)

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Comparaison avec le style de la baie 1 : ©LRMH Bozellec 1998. Jésus conduisant ses parents au temple.

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Exemple du style de la baie 3 : © LRMH Bozellec: Enfance du Christ.

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Exemple du style de la baie 5 : © LRMH Bozellec: Présentation de la Vierge au temple.

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3. Réutilisation des cartons.

  "Passons en revue les cas d’utilisation des mêmes cartons dans les vitraux du chevet du Mans en commençant par les vitraux des chapelles rayonnantes. Le seul cas que j’ai constaté provient de la baie 9, lancette droite, qui représente l’Arbre de Jessé . Ici les rois David et Salomon sont fait à l’identique en se distinguant uniquement par les couleurs des vêtements, et la majeure partie de la figure de la Vierge reprend également le même dessin. On emploi quatre cartons pour les figures des prophètes, deux pour la partie gauche (panneau 7 = panneau 13 ; panneau 10 = panneau 16) et deux pour la partie droite de la verrière (panneau 9 = panneau 18 ; panneau 12 = panneau 15). On n’utilise pas les cartons de la partie gauche à l’envers pour la partie droite et vice versa, mais on se donne la peine de créer quatre types différents, quoique ressemblants. La situation se répète à l’autre niveau (au sens figuré et propre) dans l’Arbre de Jessé du déambulatoire supérieur (lancette axiale de la baie 110)" (M. Godlevskaya 2013).

4. Couleurs. 

  Les circonstances dans lesquelles j'ai pris mes photographies ( dans la chapelle de Notre-Dame-du-Chevet abondamment éclairée par des projecteurs qui mettent en valeur l'instrumentarium des peintures murales de la voûte et leurs anges) ternissent les couleurs des verres qui ne reçoivent plus leur lumière de l'extérieur, mais de l'intérieur (sauf sans-doute à certaines heures d'un beau soleil). Alibi d'un amateur, certes. Mes images se prêtent mal à une analyse des couleurs du vitrail.

  Mais il est néanmoins évident qu'il est composé autour de l'opposition/complémentarité du bleu et du rouge : le bleu sert de fond aux mandorles qui se détachent elles-même sur fond  rouge ; les demi-médaillons latéraux au fond bleu, cerclé de rouge et de perles blanches reposent sur un arrière-plan de carreaux...rouges et bleus.

  Ces teintes principales étant mises en place, le vitriarus ne dispose plus, pour les accessoires et décors et pour les vêtements, que des autres couleurs : blanc des visages et des tiges de l'Arbre ; jaune des nimbes, des inscriptions ; vert des feuilles ; blanc, vert et jaune des robes, verres auxquels s'ajoute le vieux rose. Pour les vêtements, l'artiste n'utilise que les duos rose pourpre et vert d'une part (six personnages dont la Vierge et le Christ), jaune et vert d'autre part (trois personnages dont "David"), rose et blanc (deux prophètes) blanc et bleu (un) et blanc et jaune (un) enfin. Aucune couleur n'est utilisée à visée dévalorisante, mais le sujet ne s'y prête pas. Les valeurs pourpre ou vieux rose du donateur, de Jessé, de la Vierge, du Christ et de cinq prophètes apparaissent dotées de qualités  d'élévation spirituelle, alors que le vert, couleur des feuilles de l'arbre, porte les valeurs de croissance vitale. Le duo vert et rose pourpre pourrait se traduire par : "Force vitale de l'Esprit", cette force qui, sous la métaphore de la transmission généalogique de la vie organique, chemine dans le plan divin de Jessé jusqu'au Christ.

N.b : je remarque que M. Godlevskaya qualifie de "rouge" la couleur que je nomme faute de mieux "vieux rose" et qui varie du pourpre assez foncé au lie-de-vin. La différence est pourtant importante, car le verre rouge est toujours plaqué (mince verre rouge sur du verre incolore). Elle remarque la fréquence avec laquelle la Vierge est vêtue de "rouge" et vert, dans plus de 15 panneaux du XIIIe siècle au Mans, dont l'Arbre de Jessé de la baie 9 (p. 394). Il me semble pourtant que la couleur rosâtre de la robe du panneau 14 est bien différente du rouge franc du fond du panneau. Une part de la subtilité de l'analyse des couleurs dépend de ce "détail".

   En dehors de son emploi pour les fonds, le rouge crève l'écran par son emploi isolé pour le bonnet de Jessé, et cet exception mériterait qu'on s'y arrête ; le bonnet était vert à saint-Denis et jaune à Chartres. Placé sur la tête du songeur, cette couleur souligne sa puissance cérébrale et la force de sa vision. On peut y voir aussi, comme la langue de feu de la Pentecôte, le signe de l'élection divine.

   Puis-je prétendre, avec ces images, sans compétence technique, sans connaissance approfondie des verres authentiques, parler de l'emploi de la grisaille ? Non, mais je rends ma copie de débutant pour constater qu'elle est surtout utilisée en longs traits fins pour les plis des vêtements et les veinures des feuilles, les chevelures, ou en traits courts pour les visages. 

 

 

 

Sources et liens.

https://archive.org/stream/lacathdraleduman00fleu#page/64/mode/2up

 

Monographie de 1923 numérisée sans nom d'auteur  page 78 

BOUTTIER (Michel) 1999

BOUTTIER (Michel) (2000)

DEBIAIS (Vincent) 2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale volume 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe, (région Pays de la Loire) CNRS éditions : Paris 274 pp : texte page 206-207.

— DIDRON  (Adolphe Napoléon et Edouard) 1853  Annales archéologiques vol.13 page 357

DIEUDONNÉ ( Adolphe) Hildebert de Lavardin évêque du Mans, archévêque de Tours page 62-63 https://archive.org/stream/hildebertdelava01dieugoog#page/n79/mode/2up/search/guillaume

FLEURY (Gabriel) page 74 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6105792n/f79.image.r=jess%C3%A9.langFR

 — GATOUILLAT (Françoise),    2003, "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans"  Bulletin Monumental  Volume 161 pp. 307-324

 — GODLEVSKAYA (Maria) 2013  Les vitraux du XIIIe siècle de la cathédrale du Mans, aspects iconographiques et stylistiques. Thèse de doctorat Poitiers en ligne       http://www.academia.edu/4008810/these

_Les_vitraux_du_XIIIe_siecle_de_la_cathedrale_du_Mans._Aspects_iconographiques_

et_stylistiques_

— GRODECKI (Louis) 1961 in Congrès archéologique de France

GUILHERMY (Ferdinand François, Baron de) « Vitraux du Mans », Localités de France (1844), Bibliothèque nationale de France, Nouvelles acquisitions françaises 6103, folio 92 recto – 99 verso. [notes manuscrites] transcrites in Godlevskaya 2013.

 —GUYARD DE LA FOSSE , 1837 Histoire des évêques du Mans page 210 (mentionne Guillaume de Marcé)

HUCHER (Eugène) LAUNAY (Abbé Alexis René) 1864 Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin Didron : Paris 42 pages Gr. in fol. Planche 26. (non consulté)

LEDRU (Abbé Ambroise) 1907 Cathédrale du Mans, p. 264.

— LEDRU (Abbé Ambroise) "Nécrologie-Obituaire de la Cathédrale du Mans", Archives historiques du Maine VII par G. Busson et A. Ledru, Le Mans 1906 en ligne

LILLICH (Meredith Parsons), 1994 The Armor of Light. Stained Glass in Western

France, 1250-1325, Berkeley, Los Angeles, Oxford, 1994.

LILLICH Meredith Parsons, 1973  “Three Essays on French Thirteenth Century

Grisaille Glass”, Journal of Glass Studies, Vol. 15, 1973, p. 69-78.

LILLICH (Meredith Parsons), 2001 Studies in Medieval Stained Glass and Monasticism, Londres, 2001.

LILLICH (Meredith Parsons), 2011 The Gothic Stained Glass of Reims Cathedral, University Park Pennsylvania, 2011.

PIOLIN (Paul) Histoire de l'église du Mans volume 4  en ligne : sur Guillaume de Marcé page 225, 262, et 431.

— Avant-propos de GRODECKI (Louis) 1981 Vitraux du Centre et du Pays de la Loire Corpus Vitrearum Recensement II CNRS : Paris 336 pages, 287 ill. in-4°

— Monographie des abbés Marquet (s.d) Pichon (1876), Voisin (1866)

 — WATLING Stuart http://www.medievalart.org.uk/LeMans/LeMans_default.htm

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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